politiques archivistiques pour la dÉfense des droits de l’homme antonio gonzález quintana

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    POLITIQUES ARCHIVISTIQUES

    POUR LA DFENSE

    DES DROITS DE LHOMME

    Antonio Gonzlez Quintana

    Traduit de lespagnol par Perrine et Jean Canavaggio

    ACTUALISATION ET LARGISSEMENT DU RAPPORT LABOREN 1995 POUR LUNESCO ET LE CONSEIL INTERNATIONAL DESARCHIVES SUR LA GESTION DES ARCHIVES DES SERVICES DESCURIT DE LTAT DES ANCIENS RGIMES RPRESSIFS

    Conseil International des Archives, Paris 2009

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    TABLE DES MATIERES

    Prsentation..

    Remerciements..

    UPOLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSEDES DROITS DE LHOMME U

    De la gestion des archives des anciens rgimes rpressifs la mise en uvre de politiques archivistiques pour la

    dfense des droits de lHomme

    Archives y droits de lHomme: un problme social quidpasse les limites de larchivistique

    La rencontre entre juristes, historiens, archivistes et

    dfenseurs des droits de lHomme: les rapports Joinet etOrentlicher.

    La demande douverture des archives

    Le travail des organisations non gouvernementales.

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    La dimension internationale: la justice universelle(comptence universelle).

    La dimension atemporelle..

    Lclosion de la mmoire..

    Nouvelles institutions de gestion du pass

    Les autres traces documentaires de la rpression.

    Toutes les archives: politiques archivistiques et politiquesmmorielles.

    Mondialisation et archives: lindispensable engagementinternational.

    RECOMMANDATIONS AUX POUVOIRS PUBLICS..

    1.- Les documents qui tmoignent de violations dedroits de lHomme doivent tre conservs.

    Raisons justifiant la conservation des fonds de larpression

    Ncessit de souligner le rle essentiel des archives dansles transitions politiques..

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    Moratoire dans les processus dlimination de documentspublics.

    2.- Les documents qui tmoignent de la violation dedroits de lHomme doivent tre disponibles pourlexercice de ces droits en dmocratie

    UDroits collectifs..Libre choix du modle de transitionDroit la mmoire

    Droit la vrit..Droit la justiceDroit connatre les responsables de crimes contre lesdroits de lHomme

    UDroits individuels..Droit tre disculp et rhabilit.Droit de connatre le sort des parents ayant disparu

    pendant les priodes de rpression.Droit de chacun connatre les donnes existantes sur luidans les archives de la rpressionDroit la recherche historique et scientifique.Libert pour les prisonniers politiques et les victimes dedlits dopinionDroit au ddommagement et la rparation des torts subispar les victimes de la rpression..

    Droit la restitution des biens confisqus.

    3.- Les archives des organismes propres au rgimerpressif, y compris celles des partis totalitaires qui lesont soutenus, doivent tre soumises la lgislationdmocratique

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    4.- Les archives des anciens services rpressifs doiventrester sous le contrle des nouvelles autoritsdmocratiques.

    5.- Les archives des Commissions de vrit et desorganismes similaires doivent tre protges et leurutilisation rglemente par la loi.

    6.- Il faut trouver une solution pour la sauvegarde et la

    conservation des archives des tribunaux crs pour jugerles crimes de guerre ou les crimes contrelhumanit.

    7.- Les documents qui tmoignent de la rpression politiquepasse doivent tre conservs dans des centres darchives..

    Anciennes et nouvelles institutions archivistiques:intgration des fonds documentaires comme lments de la

    justice transitionnelle ou versement dans les centresprexistants du systme archivistique.

    Archives ou centres de documentation; archivistes oumilitants

    8.- Les archives qui conservent les documents ayant trait la rpression doivent tre soumises la protection lgaledes biens dintrt culturel

    9.- Il faut rglementer lusage des archives de la

    rpression

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    Nouvelle lgislation archivistique.

    10.- On doit aussi conserver et rendre accessibles lestmoignages sur les violations de droits de lHomme qui setrouvent dans les pays de tradition dmocratique. Demme, on doit exiger, dans le cas des pays en processusde transition, les sources sur les violations des droits delHomme et la rpression politique qui les affecte, dtenuespar les services de renseignement des rgimes de tradition

    dmocratique

    11.- Il faut localiser et recenser les archives des organismespublics impliqus dans les violations des droits de lHomme..

    12.- Des mesures doivent tre prises pour encourager lalocalisation, la protection et le traitement archivistique desfonds documentaires produits par les organisations desdroits de lHomme et les organismes dopposition auxrgimes rpressifs.

    13.- Il faut faire largement connatre lexistence desarchives qui conservent des documents tmoignant deviolations des droits de lHomme .

    CONSIDRATIONS ET RECOMMANDATIONSPROFESSIONNELLES

    1.- Procder lidentification des fonds..

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    2.- Raliser des tches dvaluation et les soumettre lavis dautres professionnels

    3.- Application du principe de provenance.

    Intgrit des fonds..Chane de conservation..Description.

    4.- Gestion archivistique.

    Prservation..

    Gestion des usagers.

    5.- Les responsables des institutions qui conserventdes documents de la rpression, les archivistes et lesautres professionnels qui en sont chargs doiventaccepter un code dthique.

    BIBLIOGRAPHIE.

    RPERTOIRE DES PRINCIPALES ARCHIVES ETINSTITUTIONS QUI CONSERVENT DES TMOIGNAGESDE VIOLATIONS DE DROITS DE LHOMME.

    LGISLATION (SLECTION)

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    PRSENTATION

    Le Conseil international des Archives (ICA) sest dvelopp, depuis sa

    naissance en juin 1948, en troite liaison avec lUNESCO. Aujourdhui, lICA estune organisation mondiale de prs de 1500 membres, institutionnels etindividuels, et de 80 associations professionnelles dans environ 190 pays etterritoires.

    Soutenu par ce rseau mondial, le Conseil international des Archives offre unforum pour les dbats professionnels au-del des frontires et des divisionspolitiques et il a dfendu avec fermet la promotion des archives dans les paysen voie de dveloppement ; en tant que porte parole international des archives,des associations et des professionnels qui y sont affilis, son objectif est defaciliter la conservation permanente des documents et laccs des citoyens linformation quils contiennent.

    La communaut archivistique qui constitue lICA a exprim, pendant denombreuses annes, sa profonde proccupation pour le sort des archives quiattestent la violation des droits de lHomme, joignant ainsi sa voix celle de lasocit civile. Sans documents darchives on ne peut exiger de responsabilitsou cette exigence ne peut tre que trs limite. La prservation des documentsest essentielle la rpartition des responsabilits, la garantie des rparationset la prennit de la mmoire collective. Le Conseil international des Archivesa toujours soutenu les projets et activits qui sont lis lefficacit de la gestiondes documents et de ladministration des archives, comme condition de basepour la bonne gouvernance, la transparence et la dmocratie.

    En 1995, conjointement avec lUNESCO, lICA a publi sa premire tude surles archives cres par les services de scurit des anciens rgimes rpressifs.Ce rapport fut produit dans un contexte dextension des processus dedmocratisation, engag dans les annes 1980, et il prtendait offrir, nonseulement une analyse de la situation de ces archives mais aussi desrecommandations pour leur gestion et conservation. Antonio GonzlezQuintana fut dsign comme prsident du groupe dexperts constitu pourmener bien ce travail essentiel.

    En 2003, la Confrence internationale de la Table ronde des Archives de lICAeut pour thme les archives et les droits de lHomme et se runit dans un lieusymbolique : Le Cap, en Afrique du Sud. De nombreux participants entendirentdans ce forum des rflexions profondes qui allaient les influencer tant sur leplan professionnel que personnel. Le rapport de 1995 fut discut en dtail par lacommunaut archivistique internationale, sous la direction dAntonio GonzlezQuintana, presque dix ans aprs sa parution. La Confrence a t le cadre etlenvironnement idal, sur le plan professionnel et politique, pour dvelopperune stratgie claire dans ce domaine, tablir un leadership permanent dugroupe et lancer une srie de projets, parmi lesquels une base de donnes

    archivistique sur les documents qui attesteraient de violations des droits delHomme ainsi que la rvision du rapport prliminaire.

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    Comme en 1993, Antonio Gonzlez Quintana accepta linvitation de sescollgues aborder cette tche dlicate avec une vigueur renouvele et denouvelles perspectives. Il continue tre une des voix les mieux informes etles plus efficaces parmi celles qui plaident en faveur de limportance essentielle

    des documents darchives. Cette tude montre que, malgr les efforts ralissdans de nombreuses parties du monde pour identifier, prserver, organiser,divulguer et rendre accessibles les archives qui soutiennent les droits, il resteencore beaucoup faire. Cette publication montre aussi clairement le rle quelengagement personnel joint lexprience professionnelle peut jouer lheurede faire la diffrence. Cette tude est un hommage rendu au dvouement detous les collgues qui ont eu travailler dans des circonstances difficiles.

    Notre profession ne peut pas rester en marge de la problmatique des droits delHomme. Les archives dans une socit dmocratique sont au service dupeuple. Les documents qui sont conservs, quand ils touchent toute la socit,

    et sont accessibles tous, constituent un fondement irremplaable pour ungouvernement et une administration soutenus par des preuves et desvidences. Cest seulement par une comprhension honnte des socits dontnous avons hrit et que nous devons continuer construire, en connaissantses points forts et ses faiblesses, que nous pourrons affronter de manireefficace les dfis du XXIme sicle.

    Ian WilsonPrsident du Conseil international des Archives

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    REMERCIEMENTS

    Mes premiers remerciements doivent tre pour le Conseil international desArchives. Ce travail naurait pas t possible sans linsistance et lapersvrance de Perrine Canavaggio, qui en a t Secrtaire gnrale adjointeentre 2001 et 2009 et qui a t le promoteur fondamental de son groupe detravail sur Archives et droits de lHomme, ni sans lappui de ses principauxresponsables ces dernires annes, parmi lesquels Charles Kecskemti, Joanvan Albada et David Leitch, ainsi que de son prsident actuel Ian Wilson ; merciaussi la Secrtaire gnrale adjointe Christine Martinez.

    LOrganisation des Nations Unies pour lEducation, les Sciences et la Culture(UNESCO) a constitu, comme si souvent dans la vie du Conseil international

    des Archives, un alli permanent pour ce travail. Elle a non seulement appuyet financ les premires initiatives concernant le thme des Archives et droitsde lHomme mais elle a aussi publi le rapport que, par le biais de cettepublication, nous prtendons actualiser. Dans cette participation, le rle dAxelPlathe, du Programme gnral dInformation, a t dcisif ; avec CharlesKecskemti, alors Secrtaire gnral du Conseil international des Archives, ilsont t ceux qui ont permis la formation du premier groupe de travail.

    Parmi les premires personnes auxquelles je dois exprimer ma gratitude figuregalement Margarita Vzquez de Parga. En tant que sous directrice gnraledes Archives dEtat espagnoles, en 1993, elle ma fait confiance pour laralisation de ce travail, en me proposant pour sa direction dans les forumsinternationaux mentionns.

    Quelques unes des principales contributions apportes la mise jour durapport viennent prcisment des expriences partages avec les collguesimpliqus dans le groupe de travail Archives et droits de lHomme. Mareconnaissance est, de ce point de vue, toute particulire Trudy HuskampPeterson, notre matre tous dans ce domaine, ainsi qu Jens Boel et AnnaSvenson.

    Merci aussi ceux qui ont eu la patience de lire le texte, une fois quil a t missur le site du Conseil international des Archives pour discussion, et apportercommentaires et critiques. Mont t en particulier de grande valeur lescorrections et suggestions de Perrine Canavaggio, ainsi que celles dAnneProtin-Dumon, de Graciela Karababikian et de Mariana Nazar.

    Bien entendu, lappui de mes collgues dArchivistes sans Frontiresa t trsimportant, dans diffrents pays : Espagne, France, Brsil, Argentine, Prou,Mexique Je dois exprimer cette reconnaissance gnrale en la personne desa prsidente Mariona Corominas ; de Laura Urea Bosh, collgue de travail enRpublique Dominicaine ; de ma collgue au Comit consultatif international du

    projet pour la rcupration des archives de la Police nationale du Guatemala,Fina Sol i Gasset et, tout spcialement du fondateur de cette ONG, Ramon

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    Alberch Fugueras, ami, collgue et insparable compagnon de voyage enfaveur de la cause des droits de lHomme.

    Merci, bien sr, la Fondation 10 de Marzo, du Syndicat national desCommissions ouvrires de Galice qui a gnreusement dit en espagnol ce

    travail, et particulirement au directeur du domaine historique, Victor SantidrinArias pour son dvouement.

    Merci Montse, pour la rvision du texte et ses suggestions etcorrections judicieuses ; mais surtout pour son amour et sa patience pendanttoutes ces annes.

    Puisquil sagit dun travail de mise jour dun rapport antrieur, les premiersremerciements doivent tre donns aux membres de lquipe dont jai eulhonneur dassumer la direction et do est n le premier texte. Outre lauteur,les personnes suivantes le constituaient :

    Dagmar Unverhau (Allemagne)

    Alejandro Gonzlez Poblete (Chili)

    Narissa Ramdhani (Afrique du Sud)

    Eliana Resende Furtado de Mendoza (Brsil)

    Mary Ronan (USA)

    Lazlo Varga (Hongrie)

    Vladimir Kozlov (Russie)

    En plus de toutes ces contributions initiales, les apports de nombreux collgues

    dans le monde entier ont t essentiels tant pour la collecte de linformation et

    lchange des points de vue que pour la diffusion du contenu du premier

    rapport. Sans prtendre lexhaustivit, je dois citer les suivants, mme au

    risque doublier de mentionner beaucoup de collgues et amis :

    UAllemagne :

    Klaus Oldenhague (Bundesarkiv)

    UArgentine :

    Ana Cacopardo, Patricia Funes et Laura Lenci (Commission provinciale pour la

    mmoire. La Plata)

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    Elisabet Cipolletta, Andrs Pak Linares et Mariana Nazar (Archives gnrales

    de la Nation Archives intermdiaires -, Buenos Aires)

    Patricia Valds y Graciela Karababikian (Memoria Abierta. Buenos Aires)

    Liliana Winkelmann, Calos Lafforgue et Judith Said (Archives nationales de la

    Mmoire. Buenos Aires)

    Marta Z. Rufeil (Universit de Crdoba)

    UBolivie :

    Marcela Inch (Archives nationales)

    UBrsil:

    Jaime Antunes da Silva (Archives nationales)

    Ana Mara Camargo (Universit de Sao Paulo)

    Jesie Jane Viera de Sousa, (Archives publiques de lEtat de Rio de Janeiro)

    Suzana Schunck Brochado (Archives historiques de lEtat de Rio Grande do

    Sul)

    Enrique Serra Padrs et Jorge Eduardo Enrquez Vivar (Universit fdrale du

    Rio Grande do Sul)

    Sonia Tolves et Claudio Gutirrez (Commission du patrimoine du Rio Grande

    do Sul pour la Lutte contre la Dictature)

    UChili :

    Eugenia Barrientos et Patricia Huenuqueo (Archives nationales)Mara Paz Vergara Low (Fondation Documentation et Archives du Vicariat de la

    Solidarit)

    Jos Zalaquet (avocat)

    Gloria Alberti (UNESCO)

    UColombie :

    Sara Gonzlez Hernndez (Archives gnrales de la Nation)

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    Hermes Tovar (historien)

    Mariela lvarez Rodrguez (Archives municipales de Bogot)

    UCosta Rica :

    Virginia Chacn Arias (Archives gnrales de la Nation)

    UEspagne :

    Miguel Angel Jaramillo Guerreira et M Jos Turrin Garca (Archives gnrales

    de la Guerre civile Centre de Documentation de la Mmoire historique)

    Miguel Angel Camino del Olmo (Section des Archives historiques de la Police

    nationale)

    Rosana de Andrs Daz (Archives gnrales du Ministre de lIntrieur)

    Ana Lavia Rodrguez, Javier Dez Llamazares et Maria Teresa Piris Pea

    (Archives gnrales de lAdministration)

    Francisco Espinosa (Todos los Nombres)

    Manuel Melgar Camarzana (Archives gnrales militaires dAvila)

    Victoria Arias Roca, Vicente Pucho Sancho et Cristina Cruz (Unit de

    coordination des Archives militaires, Ministre de la Dfense)

    Javier Lpez Jimnez (Archives gnrales militaires de Guadalajara)

    Fuensanta Muoz Fernndez et Fernando Urrea Snchez (Centre dinformation

    documentaire des Archives)

    Aurelio Martn Njera et Carmen Motilva Mart (Fondation Pablo Iglesias)

    Jos Babiano (Fondation 1 de Mayo)

    Juan Jos del guila Torres (magistrat)Ludivina Garca Arias (Association des Descendants de lExil)

    Julio Arstegui et Sergio Glvez (Chaire de Mmoire historique du XXme

    sicle Universit Complutense)

    lvaro Soto Carmona (Universit Autonome de Madrid)

    Antonio Nio et Mirta Nez Daz-Balart (Universit Complutense)

    Josefina Cuesta Bustillo, Manuel Redero San Romn, Dolores de la Calle,

    Ignacio Berdugo, Severiano Hernndez Vicente et Carmen Rosell (Universitde Salamanque)

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    Josefina Martnez et Teresa Valdehita (Universit nationale dEducation

    Distance)

    Riansares Serrano (Archives historiques provinciales de Guadalajara)

    Vicenta Corts Alonso (Archivistes Espagnols de la Fonction Publique)

    UEtats Unis dAmrique :

    Kate Doyle (National Security Archive)

    UEstonie :

    Valdur Omn (Branche des Archives dEtat)

    Peep Pillak (Dpartement des Archives)

    UFrance :

    Martine de Boisdeffre (Direction des Archives de France)

    Henri Zuber (Association des Archivistes Franais)

    Bruno Groppo (Universit de Paris 1)

    Joie Springer (UNESCO)

    UGuatemala :

    Gustavo Meoo Brenner, Carla Villagrn, Alberto Fuentes, Claudia Estrada,

    Velia Muralles, Lisbeth Barreiros et Ingrid Molina (Projet de rcupration desarchives de la Police nationale)

    UHongrie :

    Ivan Szekely (Open Society Archives)

    Andras Sipos (Archives Municipales de Budapest)

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    ULettonie :

    T. Mazure et Daina Klavina (Archives nationales)

    Indulis Zalite (Centre de Documentation des Consquences du totalitarisme)

    Andris Aukmanis (Fondation Soros)

    Paulis Lazda (Fondation Muse des 50 ans de lOccupation de la Lettonie)

    Ainara Bambals (Latvijas Valsts Arhivs)

    ULituanie :

    Victoras Domarkas (Archives nationales)

    Kestas Remeika (Archives extraordinaires de Lituanie)

    Regina Druciunien (Archives du Ministre de la Dfense)

    UMexique :

    Jos Enrique Prez Cruz (Archives de lUniversit Autonome de Mxico)

    Mara Teresa Dorantes Cacique (AsF-Mxico)

    UNicaragua :

    Margarita Vannini (Institut dHistoire du Nicaragua et dAmrique Centrale

    Universit Centroamricaine)

    UParaguay :

    Rosa Palau (Centre de Documentation et dArchives pour la Dfense des Droits

    de lHomme)

    Martn Almada (Association Amricaine des Juristes)

    UPologne :

    Jan Stanislaw Ciechanowski (Institut National de la Mmoire)

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    UUruguay:

    Alicia Casas de Barrn (Archives gnrales de la Nation)

    UZimbabwe:

    I.J Johnstone

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    Politiques archivistiques pour la dfensedes droits de lHomme

    De la gestion des archives des anciens rgimes rpressifs la mise enoeuvre de politiques archivistiques pour la dfense des droits de lHomme

    La Confrence Internationale de la Table Ronde des Archives (CITRA) a

    approuv en 1993, lors de sa confrence de Mexico, la cration dun groupe de

    travail au sein du Conseil International des Archives, en vue de ltude des

    archives des services de scurit de lEtat des anciens rgimes rpressifs. Il

    sagissait danalyser la situation des fonds documentaires relatifs la

    rpression politique qui avaient t produits et accumuls au sein de ces

    rgimes dont commenaient se dtacher de nombreux pays dEurope,

    dAfrique et dAsie, engags dans un vaste processus de dmocratisation

    depuis la fin des annes 80. La communaut internationale des archivistes se

    faisait ainsi lcho des proccupations manifestes par les collectifs de dfense

    des droits de lHomme au sujet de la prservation de documents qui savraient

    essentiels si lon voulait tablir les responsabilits, garantir dventuelles

    rparations, reconstruire lhistoire des socits ou perptuer la mmoire

    collective, ainsi que pour aborder les questions thiques et dontologiques

    impliques par la sauvegarde et le traitement de ces fonds. Lautre tche que

    devait assumer ce groupe de travail tait la prsentation dun ensemble de

    recommandations labores partir de ltude ci-dessus mentionne, sur les

    actions entreprendre partir de ces ensembles de documents dans lesprocessus de transition politique vers la dmocratie. Ce travail allait tre men

    bien entre 1994 et 1995, dans le cadre dun accord de coopration sign

    entre lUNESCO et le Conseil International des Archives, par un groupe

    dexperts que jai eu lhonneur de prsider.TPF1FPT

    TP

    1PTDisponible sur Internet en anglais et en espagnol depuis 1996, sur la page web de lUNESCO:

    HTUwww.unesco.org/webworld/ramp/security.htmUTH. Un rsum de ce rapport a t publi par le

    Conseil International de Archives, en anglais et en franais: Antonio Gonzlez Quintana,"Archives of the Security Services of Former Repressive Regimes", Janus, 1998.2; "Lesarchives de services de scurit des anciens rgimes rpressifs", Janus, 1999.1.

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    En janvier 1994 ce groupe de travail sest constitu et on a essay dy inclure

    des archivistes ayant lexprience de ce type de fonds ou de la dontologie

    archivistique, ainsi que des experts en matire de dfense des droits de

    lHomme, tout en sefforant davoir une prsence quilibre de pays engags

    dans des processus de transition politique tant dEurope centrale et orientale

    que dAmrique Latine, dAfrique et dEurope occidentale (dans le cas des

    anciennes dictatures ibriques et grecque). Ainsi, la direction du projet a t

    confie Antonio Gonzalez Quintana qui avait t directeur de la Section

    Guerre civile des Archives historiques nationales de Salamanque (Espagne)

    entre 1986 et 1994, le reste du groupe tant form de :

    Dagmar Unverhau, directrice des archives de lancienne Stasi Berlin

    (Allemagne),

    Lazlo Varga, directeur des Archives municipales de Budapest (Hongrie),

    Vladimir Kozlov, des Archives dEtat de la Fdration russe Moscou (Russie),

    Alejandro Gonzlez Poblete, prsident de la Corporation nationale de

    rparation et rconciliation de Santiago (Chili),

    Narissa Ramdhani, directrice des archives du Congrs national africain

    Johannesbourg (Afrique du Sud), Eliana Resende Furtado de Mendoa,

    directrice des Archives de lEtat de Rio de Janeiro (Brsil),

    Mary Ronan des Archives nationales des Etats Unis.

    La premire runion constitutive du groupe eut lieu Paris, au sige de

    lUNESCO, en 1994. Une premire dclaration dintentions fut dj faite cette

    runion ainsi quune premire dfinition des objectifs et du calendrier de travail.

    Le groupe se runit de nouveau Coblence (Allemagne), en fvrier 1995, pourmettre en commun le travail men par ses membres et pour essayer de traiter

    concrtement du thme de lvaluation des documents. La dernire runion a

    alors t fixe Salamanque (Espagne) en dcembre 1995, pour lapprobation

    du texte final, fruit du travail men pendant ces deux annes.

    Aprs la Confrence internationale de la Table ronde des Archives (CITRA) du

    Cap en 2003, le groupe Archives et droits de lHomme qui y fut tabli a continuce travail. La mise jour qui est prsente ici est le rsultat de nombreux

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    contacts et changes au sein et lextrieur du groupe, ce qui fait quasiment de

    cet ensemble de recommandations une uvre collectiveTPF2FPT.

    Le rapport de 1995 du groupe dexperts du Conseil international des Archives

    cherchait atteindre une srie dobjectifs pratiques. Sans penser offrir un

    ensemble de recettes applicables tous les cas, tant donn que chaque

    processus de transition politique est distinct des autres, le groupe de travail

    visait exposer aux archivistes des pays en voie de dmocratisation lensemble

    des problmes quils auraient affronter et, en mme temps, rendre compte

    des actions qui avaient t menes dans tous ces pays ayant connu des

    processus similaires, termins ou plus ou moins avancs.

    Ce travail cherchait aussi rendre compte des points de convergence qui sont

    rsums dans lensemble de recommandations qui y sont incluses, depuis

    celles qui sont purement archivistiques celles qui sont nettement politiques, et

    dont le groupe darchivistes, mme si cela ne relevait pas de sa comptence,

    allait tre un promoteur actif.

    Il a t considr quil tait trs important de faire une proposition de Code

    dthique pour le traitement de ces documents, code qui figure galement dans

    cette tude.

    Le groupe de travail, enfin, a lanc une opration de collecte de donnes sur

    les archives des institutions rpressives, afin den crer un recensement. Une

    premire mesure pour prserver ce patrimoine documentaire est sans aucun

    doute de le faire connatre et de le diffuser. On a commenc par linformationapporte par les membres du groupe sur leurs pays respectifs, et on y a ajout

    celle qui a t offerte par dautres collgues qui se sont propos de complter

    les formulaires que le groupe a alors dcid de distribuer un ensemble limit

    de pays (Lettonie, Lituanie, Paraguay, Pologne et Portugal entre autres).

    TP

    2PT Pour rejoindre le groupe de travail Archives et droits de lHomme du Conseil international

    des Archives : www.ica.org/groups/

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    Dans le recensement quon a commenc laborer, seules ont t incluses en

    principe, les rfrences aux institutions rpressives disparues entre 1974 et

    1994 dans les pays suivants : Allemagne, Brsil, Chili, Espagne, Hongrie,

    Lettonie, Lituanie, Paraguay, Pologne, Portugal, Russie, Afrique du Sud et

    Zimbabwe. Bien que linformation obtenue sur ces diffrents pays soit trs

    ingale, on a essay davoir, au moins : les noms des principaux fonds

    documentaires, les dates extrmes des documents conservs, leur lieu de

    conservation et leur volume approximatif, ainsi que, chaque fois que cela a t

    possible, le relev des principales sries de documents quelles contiennent.

    Par ailleurs on a apport des informations sur les aspects pratiques lis

    lusage donn ces fonds dans le nouveau rgime politique et sur les

    conditions de cet usage, ce qui a permis une premire valuation statistique

    significative.

    Ces donnes initiales, minimes par comparaison avec celles que nous pouvons

    exploiter actuellement, ont permis un premier tableau indicatif sur cette

    thmatique et il est vident que son effet multiplicateur a t fructueux. Nous

    pouvons citer, actuellement, trois initiatives au moins consacres recenser les

    archives ayant un lien spcial avec les droits de lHomme : le recensement des

    archives de la rpression que gre Memoria Abierta; le projet Archives des

    droits de lHomme que promeut Archivistes sans Frontireset enfin le projet de

    guide des fonds sur les violations des droits de lHomme initi par le groupe

    Archives et droits de lHomme constitu au sein du Conseil international des

    Archives. Maria Jos Aldaz propose aussi, dans son magnifique blog, un

    panorama dinformations sur les archives et les droits de lHomme, source

    indispensable pour tre jour des nombreux vnements qui quotidiennementsurviennent sur cette question (voir son web : HTUwww.archivistica.netUTH). A cette

    moisson dinformations ponctuelles, il faut ajouter La Carte des Archives et

    droits de lHomme, qui, de manire trs parlante, prsente et localise de telles

    archives sur une mappemonde TPF3FPT.

    TP

    3PT Carte Archives et droits de lHomme :

    http://www.archivistica.net/archivos_derechos_humanos.htm

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    Dans ce travail on a essay dactualiser le rpertoire des archives et la liste de

    leurs principaux fonds.

    Finalement, lensemble de rfrences bibiographiques et lgislatives,

    initialement limit quelques pages dans le rapport de 1995, sest converti en

    une section spciale de la mise jour de ce travail, avec une slection des

    textes lgislatifs considrs comme des rfrences significatives pour le

    dveloppement de politiques archivistiques.

    Archives et droits de lHomme : un problme social qui dpasse les

    limites de larchivistique

    Les annes 1980 du sicle pass ont vu se dvelopper un processus

    irrpressible de dmantlement des rgimes rpressifs dans le monde entier.

    Dune part, les pays dEurope centrale et orientale, qui depuis la Seconde

    Guerre mondiale taient situs dans lorbite de lUnion sovitique dans le

    monde bipolaire de la Guerre Froide, ont engag, partir de la priphrie que

    reprsentait la Pologne, un processus qui allait culminer au dbut des annes

    1990 avec la totale dbcle des structures hrites du stalinisme. Llment le

    plus symbolique de ce processus a t la chute du mur de Berlin et la

    runification allemande en 1989.

    Paralllement, en Amrique latine commenait en mme temps un autre

    processus impossible freiner de dmolition des rgimes politiques rpressifs.

    Il sagissait dans ce cas des dictatures militaires conservatrices qui avaient

    domin, depuis le Cne Sud jusqu lAmazonie, la quasi totalit de lAmrique

    du Sud, pendant plus de cinquante ans dans certains cas ; cela avec des

    intervalles dmocratiques plus ou moins stables dans diffrents pays.

    Dautre part, le continent africain a vcu, au cours dun long processus de lutte,

    la fin des rgimes fonds sur la rpression exerce par le pouvoir politique sur

    des races ou groupes ethniques dtermins, depuis la dmocratisation du

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    Zimbabwe jusquau jalon fondamental qua suppos la fin du rgime de

    lApartheid en Afrique du Sud.

    Enfin, la dcennie de 1970 a vu la disparition des dictatures conservatrices

    europennes du bloc occidental au Portugal, en Grce et en Espagne. Les

    processus de transition de ces trois pays, qui ont devanc dans le temps

    lnorme processus gnral dcrit plus haut, reprsentent trois expriences,

    trs diffrentes les unes des autres mais qui constituent une rfrence

    importante.

    Cette priode dun peu plus de vingt annes, qui va de la Rvolution des illets

    au Portugal en avril 1974 la fin du rgime de lApartheid, sera le cadre

    chronologique dans lequel sinscrira notre tude. Certes il nest pas sans intrt

    de remonter aux antcdents qui, au milieu des bouleversements du XXme

    sicle, ont signifi la fin du fascisme italien ou la chute du nazisme allemand,

    priodes auxquelles, dautre part, nous ferons allusion tout au long de ltude,

    mais il nous faut essayer de trouver dans les expriences les plus proches des

    points de rfrence valables pour le contexte politique mondial que nous vivons

    au seuil du XXIme sicle. Et mme, en remontant plus loin, nous pourrions

    arriver aux dbuts de lEtat moderne avec lequel naissent les premiers

    instruments du pouvoir spcialiss dans la rpression et dont lInquisition

    espagnole constitue le principal modle. Selon toute probabilit cest le fonds

    documentaire de cette institution qui est lantcdent le plus ancien des

    archives rpressives modernes. Le citer sert en tout cas rendre manifeste

    limportance norme qua eue sa conservation pour les historiens de lpoque

    moderne : actuellement, les Archives nationales historiques de Madrid(Espagne) conservent les fonds du Conseil suprme de lInquisition, ainsi que

    ceux de la plupart de ses tribunaux de district, ce qui constitue une source

    irremplaable pour connatre, non seulement les relations de pouvoir des

    royaumes ibriques mais aussi les mentalits et la culture de la Renaissance

    dans toute lEurope.

    Il est vident par consquent que, depuis la configuration de lEtat moderne, lesorganismes rpressifs ont prolifr. Les documents qui tmoignent de leurs

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    activits abondent dans les archives du monde entier. Mais le cas des archives

    des institutions rpressives les plus rcentes nous intresse particulirement,

    surtout parce quaujourdhui elles ont une norme importance sociale et

    politique. De telles archives, qui ont t absolument ncessaires pour lexercice

    des activits rpressives, deviennent dans le nouveau rgime politique, avec

    larrive des liberts et la lumire de la rfrence commune quoffre la

    Dclaration universelle des droits de lHomme, un instrument social

    irremplaable pour tablir de nouvelles relations sociales. Leffet boomerang

    que dans ce sens possdent les documents quelles conservent est atypique et

    unique, et il demande, du point de vue professionnel de larchiviste, une

    profonde rflexion sur la gestion de tels fonds, tout en faisant retomber sur les

    institutions archivistiques une responsabilit inconnue jusqualors.

    Les archives influent de faon dcisive sur la vie des peuples et des personnes.

    Aucun exemple nillustre mieux cette affirmation que celui des archives au

    service de la rpression. Limage des archives des services de scurit de ltat

    des rgimes rpressifs est une preuve et une illustration par elle-mme de son

    importance. Sil est bien certain que durant la vie de ces rgimes les victimes

    des services dinformation policire ressentent dans leur chair, mme sans en

    avoir connaissance, le poids de ces archives, cest quand la dmocratie arrive

    et que leurs fonds souvrent que les citoyens prennent une pleine conscience

    de leur influence sur la vie des personnes.

    Pour Richard Cox et David Wallace, cest le pouvoir des documents, comme

    source pour scruter les activits, qui constitue sa caractristique principale,

    caractristique, qui, frquemment, les fait apparatre dans les titres des journaux ou dans les salles daudience des tribunaux. Ces deux archivistes

    signalent que, au cours de la dcennie prcdente, les archives se sont

    rvles tre des lments cls dans la configuration de notre mondeTPF4FPT.

    Par ailleurs, le rle de ces archives ne se limite pas donner les cls de notre

    pass rcent, mais il se renforce dans la perspective de son usage administratif

    TP

    4PT Richard J. COX et David WALLACE. Archives and the Public Good: Accountability and

    Records inModern Society. Westport, 2002.

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    pour lexercice des droits individuels que la dmocratie a lhabitude de

    permettre : amnistie pour les dlits dopinion, indemnisation des victimes de la

    rpression ou de leurs familles, etc. Les expriences allemande et espagnole

    en sont une illustration considrable. Cest en outre cette valeur primaire que

    nous devons le plus examiner dans notre approche de la question. Il ny a

    aucun doute sur limportance extrme de la dimension historique, mais la

    rpercussion sociale de ces archives tient au fait quelles sont devenues des

    services publics de premire importance. Parmi les archives les plus connues

    dEspagne il y a sans aucun doute les Archives gnrales de la Guerre civile

    espagnole, situes dans la ville de Salamanque TPF5FPT, fondamentalement parce

    quelles ont fourni des dizaines de milliers dattestations des citoyens qui

    lpoque avaient appartenu aux armes et aux forces de scurit de la

    Rpublique ou ladministration rpublicaines en gnral et qui ont t ensuite

    victimes de la rpression franquiste TPF6FPT. On peut en dire autant des archives de

    lancienne Stasi Berlin.

    A ct de la mise en valeur des archives produites par les organismes

    rpressifs, dans les dernires annes du XXme sicle ou au dbut du XXIme

    nous avons reconnu limportance de conserver les tmoignages produits par les

    victimes elles-mmes ou leurs associations. Malgr leur volume modeste,

    compar la gigantesque machine rpressive des polices politiques, leur

    valeur, tant dans les actions judiciaires que dans les processus connus comme

    ceux de la rcupration de la mmoire historique , est devenue

    incontestable.

    Le travail, enfin, des tribunaux internationaux et des Commissions de vrit, siimportant pour la consolidation de la dmocratie, doit laisser les tmoignages

    accumuls en lieu sr et il faut mettre en place, galement, des mcanismes

    pour grer les documents quils produisent et pour administrer les archives

    quils vont crer pour garantir leur survie.

    TP

    5PT Actuellement intgres au Centre de documentation de la Mmoire historique, cr par dcret

    royal 697 du 1P

    erP

    juin 2007.TP

    6PT Antonio GONZLEZ QUINTANA, El Archivo de la Guerra Civil de Salamanca , in Historia

    16, n230, juin 1995, pp. 12-26.

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    Plus de dix ans se sont couls depuis la publication de ce rapport et bien des

    choses ont chang, bien des vnements se sont produits qui justifient

    amplement la mise jour de ces recommandations. Ce dlai nous a surtout

    aid approfondir lanalyse de la corrlation existante entre archives et droits

    de lHomme. De cet largissement de notre tude nous avons dduit que la

    priorit dans lactualisation de ce rapport devait tre un largissement de notre

    champ denqute dautres archives, en plus de celles qui ont t produites par

    les services rpressifs: un largissement rclam de surcrot par diffrents

    collgues avec de trs solides argumentsTPF7FPT.

    La ralisation des objectifs professionnels quen tant quarchivistes nous

    prtendons dfinir pour aborder lorganisation, la conservation et lutilisation desdocuments relatifs aux droits de lHomme, tant du point de vue de la violation

    de ces droits que de celui de leurs dfenseurs, rclame la plus ample

    connaissance possible des institutions qui ont produit les fonds documentaires

    issus de ces pratiques, quil sagisse de la violation des droits de lHomme ou

    de leur dfense.

    Ce rapport analyse partir des institutions publiques, les caractristiques de lagense et du traitement des documents lis la violation massive des droits de

    lHomme : les archives intgres dans les sous-ensembles darchives des

    Services de Scurit de ltat, les archives des tribunaux spciaux, les archives

    du rgime carcral ou concentrationnaire, les archives militaires, les archives

    des forces de lordre et les archives de la Justice ordinaire.

    On tudiera ensuite la pratique documentaire des organismes qui seconsacrent la dfense des droits de lHomme ou la dnonciation de leurs

    violations, ce que nous pourrions regouper sous la dnomination gnrique

    darchives de la socit civile TPF8FPT, parmi lesquelles se trouvent les archives des

    organisations de dfense des victimes, les archives des partis, des syndicats et

    des associations dopposants clandestins ou en exil et les organismes de

    dfense des droits de lHomme: institutions religieuses, collectifs de juristes et

    TP

    7PT

    Graciela KARABABIKIAN.- Archivos y Derechos Humanos en Argentina, Boletn del ArchivoGeneral de la Nacin. Ao LXIX, vol. XXXII, n 119, Saint Domingue, 2007TP

    8PT Gloria ALBERTI.- Los archivos del dolor en Amrica Latina, Comma, 2004. 2.

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    davocats, organisations civiques. Ces ensembles documentaires se sont

    avrs tre une source essentielle, et parfois unique, pour la connaissance du

    pass, ainsi quune alternative dans la constitution de preuves permettant de

    demander des comptes aux responsables des violations des droits, des crimes

    contre lhumanit ou de gnocide, et de disposer dun outil pour exiger des

    rparations.

    En troisime lieu, on formulera des recommandations sur les archives des

    institutions cres aprs la disparition des rgimes rpressifs pour juger les

    responsables de violations des droits de lHomme ou pour mener bien la

    rparation des torts causs aux victimes par laction rpressive de ltat. On

    soccupera galement des organismes reprsentatifs de ce que lon appelle la justice transitionnelle: fondamentalement les commissions vrit, parce

    quelles ont mis en marche un nouveau mcanisme de production de

    documents qui sont essentiellement des tmoignages de victimes, mais aussi,

    dans certains cas, ceux des acteurs de la rpression, comme en Afrique du Sud

    o ceux-ci ont t invits dposer devant la Commission Vrit et

    Rconciliation. moyennant un pardon qui leur tait garanti: ce que nous

    pourrions appeler les Archives de la justice, de la honte et de la purification.

    Finalement, il convient daccorder attention aux archives publiques en gnral;

    car, bien plus souvent quon ne pourrait le penser premire vue, elles

    fournissent de nombreuses preuves de violation de ces droits et, surtout, parce

    quune politique archivistique densemble, capable dembrasser tous les

    documents publics, est la meilleur garantie pour assurer la prservation et la

    disponibilit de documents essentiels aux intrts de la communaut.TPF

    9FPT

    Lecaractre spontan de la production des documents darchives en fait un miroir

    de la socit o ils sont produits, et si ces socits se caractrisaient par

    labsence de liberts et par la violation systmatique et impunie de ces droits, il

    nest pas surprenant de trouver une information abondante sur ces agissements

    dans de telles sources, que nous pourrions, a priori, juger imprvisibles.

    TP

    9PTMariana NAZAR - Dictadura, archivos y accesibilidad documental. A modo de agenda,

    Derechos humanos en Argentina. Informe 2007, Informe Anual del CELS,EUDEBA, 2007, etHTU

    www.cels.org.arUTH

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    Au moment daborder la mise jour de ce rapport, il savre tout dabord

    ncessaire de mener, mme brivement, une rflexion historique et

    sociologique sur les annes qui se sont coules depuis sa publication: cest la

    seule faon de replacer dans leur contexte les modifications indispensables

    apporter son contenu, telles quon peut les considrer dans cette nouvelle

    version.

    Nous devons rappeler, en premier lieu, la profonde rflexion qui a t engage

    dans le milieu des archives, au cours des dix dernires annes, sur le rle des

    archives et des archivistes au sein de la socit, en tant que garants des droits

    des citoyens et acteurs essentiels de la constitution de la mmoire collectivedes peuples. A cette volution ont concouru toute une srie de facteurs:

    1.- Lapparition de la notion de mmoire dans les politiques de gestion du

    pass, nes aussi bien de la ncessit de grer le pass immdiat que de celle

    de rviser la gestion du pass lointain. Il peut sagir dun phnomne prsent

    dans les nouvelles dmocraties, mais aussi dun processus propre aux

    vieilles transitions qui dcident daffronter la connaissance dun pass quon avoulu dabord ignorer, au nom dune rconciliation que lon imaginait plus aise.

    2.- La perception sociale du pass comme condition du moment prsent, ce qui

    a dtermin la demande explicite dune connaissance objective de la vrit, au-

    del des discours officiels et des mythes populaires.

    3.- Les effets conscutifs lirruption des documents des services de scuritde ltat dans les processus de transition politique: ce sont non seulement des

    outils essentiels la dtermination des responsabilits et la rparation des

    torts subis par les victimes, mais aussi des armes puissantes qui, employes

    bon escient par les partis, peuvent leur fournir des atouts considrables dans

    leur combat politique, grce une communication mesure des donnes que

    lorganisme charg de contrler les documents veillera adapter tout

    particulirement la conjoncture lectorale. Dans les priodes de transition, le

    rle des archives des services de renseignement tels que le MVD en Russie ou

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    la Stasi en DDR, a t fondamental pour la mise en route des politiques de

    lustration ou danalyse du comportement des individus dans les poques de

    rpression; ces politiques ont caractris lvolution vers la dmocratie des

    pays communistes, jusqu la dcision rcente de la Roumanie de renoncer

    cette forme de justice transitionnelle. Et sil est vrai que les lois de lustration, de

    vettingou denqute sur les comportements visaient lorigine viter que les

    principaux responsables des violations ds droits de lHomme puissent

    disparatre dans un oubli gnralis, lutilisation abusive du pouvoir des

    documents a conduit des excs difficiles comprendre du point de vue de la

    dfense des droits de lHomme. Le plus loquent de ces abus est la rforme

    lgislative conteste quont mene en Pologne les frres Kaczy TTski.

    4.- Le dveloppement de politiques archivistiques orientes vers les archives

    des mouvements politiques dopposition ou les archives des organisations de

    dfense des droits de lHomme. La richesse des informations que reclent ces

    fonds, en dpit de leur taille souvent rduite, nous montre la ncessit de

    confronter les sources. La perception des archives comme lments centraux

    susceptibles de fournir des sources de nature trs diverse, commence

    pntrer dans lesprit des gouvernants, des partis, des acteurs sociaux et des

    citoyens en gnral.

    5.- La rencontre entre archivistes et dfenseurs des droits de lHomme. Tel a

    t, en dernire instance, llment cl pour ouvrir la voie un travail

    interdisciplinaire sur les archives, travail dont larchiviste ne peut tre lunique

    interprte. Le fait de partager avec les juristes nos rflexions sur le droit de

    connatre la vrit sur notre pass nous a permis de voir que les points deconvergence autour du rle des archives sont nombreux. Ainsi, le droit de

    savoir et le devoir de mmoire, dfinis par les rapporteurs spciaux Louis Joinet

    et Diane Orentlicher propos de la lutte contre limpunit, sont devenus des

    rfrences essentielles pour les archivistes. De la mme faon, nous devons

    nous rfrer aux importantes observations que font, sur lusage des archives

    dans la dfense du droit des victimes la rhabilitation et aux

    ddommagements, dautres rapporteurs des Nations Unies pour le Conseil desDroits de lHomme, comme Theo Van Boven.

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    Il fallait aussi, bien videmment, actualiser les donnes sur les archives qui,

    durant ces annes-l, avaient t localises ou bien ouvertes la consultation,

    et il y en a eu beaucoup; depuis les archives de la Police nationale du

    Guatmala, localises par hasard en 2005, qui sont une des sources les plus

    impressionnantes pour ltude de la terreur policire dans les dictatures latino-

    amricainesTPF10FPT, jusqu louverture des archives de Bard Arolsen o se trouvent

    les fonds des organismes nazis impliqus dans lHolocauste TPF11FPT - un authentique

    monument archivistique sur lhistoire des gnocides qui est appel tre un

    des centres de rfrence pour ltude des violations des droits de lHomme - en

    passant par lincorporation ou louverture la recherche, dans les archives

    nationales ou dans dautres archives publiques de caractre gnral,

    dimportants fonds publics ou privs en rapport soit avec les violations des

    droits de lHomme, soit avec le combat pour la dfense de ces droits. titre

    dexemple, il convient de citer le travail men par lArchivo General de la Nacin

    de la Rpublique Dominicaine: il a permis de moderniser une institution ne au

    sein mme de la dictature de Trujillo et qui a t linstrument principal des

    politiques rpressives de ces annes de tyrannie, avant de devenir une

    institution modle dans le traitement des ensembles documentaires quelle

    conserve et auxquels se sont ajouts rcemment les fonds de la priode de la

    prsidence de Rafael Lonidas Trujillo, avec plus de 25 000 units de

    conservation dont la plupart sont dsormais la disposition du publicTPF12FPT.

    Mais l o se sont produits les changements les plus importants, cest

    certainement dans le travail lgislatif et dans la cration dinstitutions

    archivistiques ou de gestion du pass impliquant galement un traitement desarchives et des documents de rfrence, comme les archives et les muses de

    la Mmoire. Presque tous les pays en transition dEurope Centrale ou Orientale

    ont promulgu des lois sur la rglementation des archives de la rpression: soit

    TP

    10PT Kate DOYLE, Los archivos de la atrocidad: descifrando los archivos de la guerra sucia de

    Guatemala, Pueblos, 16-5-2008 (traduction par Mara de la Luz CALLEJO MUOZ, deloriginal publi en anglais dans Harpers Magazine, dc. 2007TP

    11PTJohn F.L. ROSS (Associated Press ), 24 octobre 2007

    TP

    12PT Roberto CASSA, Informe sobre los avances archivsticos en la Repblica Dominicana,

    Boletn del Archivo General de la Nacin, Ao LXIX, Volume XXXII, N 118

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    quelles concernent directement les archives, soit quelles soient comprises

    dans les dispositions relatives ces fonds dans les lois sur la mmoire ou sur la

    gestion du pass. La rglementation des nouvelles institutions (Instituts,

    Centres, Archives ou Muses de la Mmoire), qui a fix les conditions

    dutilisation des documents a t trs abondante.

    La rencontre entre juristes, historiens, archivistes et dfenseurs desdroits de lHomme : les rapports Joinet et Orentlicher

    Lattention que porte le Conseil International des Archives ou lUNESCO

    lavenir de ces archives a t partage par dautres institutions et, surtout, elle a

    d compter avec la pression de la socit civile travers de nombreux collectifsdveloppant des activits de toute sorte autour de la conservation et de

    lutilisation de cette documentation. Au cours de ces dix ans ont t tenus un

    grand nombre de confrences, colloques, journes et sminaires autour du

    thme des archives des services de scurit dans les pays en transition,

    partir de diverses perspectives, gnralement lies aux diffrents modles de

    transition politique. Dans un essai de synthse nous pourrions classer ces

    rencontres et ces initiatives en trois groupes distincts: 1) archives et recherche,

    2) archives et mmoire collective, et 3) archives, tablissement des

    responsabilits et ddommagements accords aux victimes.

    Dans le premier groupe ainsi dfini on placerait les rencontres des historiens et

    des chercheurs en gnral, proccups par laccs aux sources pour ltude de

    lhistoire rcente, souvent largement tendancieuse. Ce type dapproche du sujet

    a t caractristique des anciens pays communistes dEurope Centrale et

    Orientale, o louverture des archives aux chercheurs a suppos la possibilit

    de se rapprocher dune connaissance scientifique du pass, nie par les

    rgimes rpressifs. La consultation de ces fonds documentaires, benficiant

    dimportants appuis internationaux, a produit une moisson historiographique

    sans prcdent, non seulement dans les pays affects par ces changements

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    politiques, mais aussi dans beaucoup de ceux que lon qualifiait dennemis de

    ces pays dans la priode de la Guerre FroideTPF13FPT.

    Le deuxime groupe est form des rencontres sur la mmoire collective, le droit

    la vrit et le devoir de mmoire. Elles bnficient principalement de lappui

    des collectifs sociaux qui cherchent, dans la perptuation du souvenir des

    horreurs, les rparations de justice que les tribunaux sont incapables de fournir

    aux victimes de la rpression. Lors de ces rencontres, on a amplement rflchi

    au rle des archives dans cet essai de construction dun patrimoine pour la

    mmoire collective. Il est intressant de voir, de ce point de vue, comment les

    documents peuvent aider ce que ne soient oublies ni la rpression, ni ses

    victimes. Elles ont une finalit pratique trs concrte, didactique: faire en sorte

    que ces vnements ne se rptent plus jamais. Cette approche du sujet est

    une caractristique fondamentale de lAmrique latine, o de multiples traces

    de la rpression et des atrocits qui sy rapportent ont t effaces par les

    rgimes dictatoriaux, dans le but de semer plus aisment le doute autour des

    tmoignages des victimes, de leurs proches ou de leurs amis, selon une

    stratgie dlibre doubli tendant nier lexistence de crimes gravissimesTPF14FPT.

    Dans le troisime groupe de ces rencontres nous plaons celles qui sont

    principalement consacres au sujet des archives comme moyen dobtenir

    lexercice des droits reconnus aux victimes de la rpression dans le processus

    de transition politique et comme instruments privilgis dinformation pour

    ltablissement des responsabilits dans les violations des droits de lHomme TPF15FPT.

    TP

    13PT

    Entre bien dautres rencontres, nous pouvons citer, en raison de leur importance, les deuxsuivantes : Archives of Political Parties after the collapse of Communism, Budapest, 16-27 juillet2000 ; Table ronde The Opening the Archives and the History of Communism 1990-2000,19me Congrs des Sciences historiques, Oslo, 6-13 aot 2000TP

    14PT Voici, par ordre chronologique, quelques-unes de ces rencontres : AtelierPreservacin de la

    Memoria Histrica: documentos y archivos de derechos humanos en el Cono Sur , Santiago duChili, 25-28 avril 1999; Confrence Internationale The Memory of the Century, Vienne (IWM),9-11-mars 2000; Sminaire international Arquivos da Relaao. Autoritarismo, repressao ememria: Uma Histria Contempornea, Ro de Janeiro, Septembre 2000; Memria dasDictaduras. Instrumentos para a Consolidaao dos Dereitos Humanos. Porto Alegre (IIImeForum Social Mondial), janvier 2003TP

    15PTRelevons particulirement les suivants: Sminaire international "Impunidad y sus Efectos en

    los Procesos Democrticos", Santiago du Chili, 14 dcembre 1996; Mortos e Desaparecidos

    Polticos: Reparaao ou Impunidade, Sao Paulo, 8-10 avril 1997; Confrence internationale"Archives of Repressive Regimes in the Open Society, Riga, 4-5-juin 1998; Verbrechen imParteiauftrag: Akten, Archive, Aufarbeitung der kommunistischen, Vergangenheit in

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    Toutefois, sans doute en raison de son importance, on ne saurait omettre de

    rappeler le forum le plus important o cette question a t dbattue: la

    Commission des Droits de lHomme (devenue aujourdhui le Conseil des Droits

    de lHomme) des Nations Unies.

    Peu aprs la fin du travail du groupe ICA-UNESCO sur les archives de la

    Scurit de ltat des anciens rgimes rpressifs, dont le rapport final fut

    approuv par lui lors de la runion quil a tenue Salamanque (Espagne) en

    dcembre 1995, Louis Joinet (qui travaillait depuis 1991 sur le thme de la lutte

    contre limpunit des violations des droits de lHomme) a prsent son premier

    rapport devant la Sous-Commission de prvention des discriminations et de

    protection des minorits, relevant de la Commission des Droits de lHomme des

    Nations UniesTPF16FPT. Ce rapport sintitulait Principes pour la Protection et la

    Promotion des Droits de lHomme dans le but de combattre lImpunit. En

    1997, Louis Joinet allait prsenter, aprs rvision, son rapport final TPF17FPT. Il sera

    finalement port devant la Commission des Droits de lHomme le 17 avril 1998

    (52me runion), laquelle allait le reprendre dans sa rsolution sur

    l"impunit"TPF18FPT. Dans ce rapport tait proclam, en tant que droit collectif, le droit

    de savoir, entendu non seulement comme le droit individuel que toute victime

    ou lun de ses proches a de connatre ce qui lui est arriv ce qui serait un

    simple droit la vrit mais, ainsi que le dit Joinet, comme un droit collectif

    qui plonge ses racines dans lhistoire, afin dviter que puissent se reproduire

    lavenir de telles violations. Il implique aussi bien le droit inalinable la vrit

    (principe n 1) la vrit sur les vnements survenus et sur les circonstances

    et les motifs qui ont conduit, travers la violation massive et systmatique desdroits de lHomme, la perptration de crimes aberrants - que le droit de

    mmoire (principe n 2), qui incombe ltat, afin de se protger contre ces

    altrations de lhistoire baptises rvisionnisme et ngationnisme. En effet, la

    connaissance par un peuple de lhistoire de son oppression fait partie de son

    Ostmitteleuropa, Tutzing, 26-28 octobre 1998; IImes Journes dArchivistes sans Frontires,Archivos y Derechos Democrticos. Barcelone, 21-22 fvrier 2003TP

    16PT UN doc. E/CN.4/Sub.2/1996/18-T20 juin 1996 T

    TP

    17PT

    E/CN. 4/Sub.2/1997/20/Rev. 1TP

    18PT C.H.R. res. 1998/53, ESCOR Supp. (No. 3) at 175, U.N. Doc. E/CN.4/1998/53 (1998)

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    patrimoine et doit tre pour cela conserve. Tels sont les principaux objectifs du

    droit de savoir en tant que droit collectif.

    Cette dfinition du droit de savoir en tant que droit collectif concide

    pleinement avec celle que nous donnons du droit la vrit dans notre

    rapport ICA-UNESCO; mme si elle nest pas formule exactement dans les

    mmes termes, la mention du devoir de mmoire comme une des parties

    essentielles du droit de savoir pourrait tre compare au droit la mmoire

    collective que nous avons galement mentionn dans notre rapport de 1995,

    en nous rfrant lintgrit dune mmoire crite incluant, bien videmment, la

    rpression comme une partie insparable de lhistoire dun peuple. Empcher

    de btir un pass dulcor et do seraient absents les moments sombres, cest

    favoriser le mcanisme dun devoir de mmoire parfois douloureux.

    Ce rapport propose ensuite deux sries de mesures destines faire valoir ce

    droit collectif: la premire est de crer des commissions extra-judiciaires de

    recherche historique; la finalit de la deuxime srie de mesures consiste

    prserver les archives qui se rapportent aux violations des droits de lHomme,

    en indiquant en particulier que, pendant un processus de transition, le droit de

    savoir implique la ncessit de conserver les archives. Les dispositions

    adoptes cet effet couvrent les domaines suivants:

    a) mesures de protection et dispositions rpressives destines empcher leur

    soustraction, leur destruction et leur dtournement;

    b) cration dun inventaire des archives disponibles o figureront les archives

    dtenues par des pays tiers, afin de les rendre accessibles avec leur concourset, si ncessaire, de les leur faire restituer;

    c) adaptation la nouvelle situation de la rglementation en matire daccs et

    de consultation de ces archives, offrant en particulier toute personne qui y fait

    lobjet dune accusation, la possibilit dajouter des documents son dossier,

    conformment lexercice de son droit de rponse.

    Les principes concrets du rapport Joinet qui rassemblent les propositionsrelatives aux archives de la rpression sont les suivants :

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    C. Prservation et consultation des archives afin de dterminer les violations

    PRINCIPE 13 - MESURES DE PRESERVATION DES ARCHIVES

    Le droit de savoir implique que soient prserves les archives. Des mesures

    techniques et des sanctions pnales doivent tre prises pour s'opposer la

    soustraction, la destruction, la dissimulation ou la falsification des archives,

    notamment dans le but d'assurer l'impunit d'auteurs de violations des droits de

    l'hommeTPF19FPT.

    PRINCIPE 14 - MESURES FACILITANT L'ACCES AUX ARCHIVES

    L'accs aux archives doit tre facilit dans l'intrt des victimes et de leurs

    proches pour faire valoir leurs droits.

    Il en est de mme, en tant que de besoin, pour les personnes mises en cause

    qui le demandent en vue d'assurer leur dfense.

    Lorsque l'accs est prvu dans l'intrt de la recherche historique, les

    formalits d'autorisation ont en principe pour seule finalit le contrle de l'accs

    et ne peuvent tre dtournes des fins de censure.

    PRINCIPE 15 - COOPERATION DES SERVICES D'ARCHIVES AVEC LES

    TRIBUNAUX ET LES COMMISSIONS NON JUDICIAIRES D'ENQUETE

    TP

    19PTLa traduction non officielle de ce principe par lquipe Nizcor nous parat beaucoup plus claire

    et conforme loriginal :Le droit de savoir implique que soient prserves les archives. Une srie de mesurestechniques et de sanctions pnales doivent tre prises pour empcher la soustraction, ladestruction, la dissimulation ou la falsification des archives, principalement perptres pourassurer limpunit des auteurs de violations des droits de lHomme.Traduction non officielle du document E/CN. 4/Sub. 2/1997/20/Rev. 1 ralise et publie

    lectroniquement par lquipe Nizcor le 11 janvier 1998 et rvise le 31 mars 2002.(HTUhttp://www.derechos.org/nizcor/doc/joinete.html UTH)

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    Les tribunaux et les commissions non judiciaires d'enqute, ainsi que lesenquteurs travaillant sous leur responsabilit, doivent avoir librement accsaux archives. Le secret-dfense ne peut leur tre oppos. Toutefois, en vertude leur pouvoir souverain d'apprciation, les tribunaux et commissions nonjudiciaires d'enqute peuvent dcider, titre exceptionnel, de ne pas rendre

    publiques certaines informations pouvant compromettre le processus deprservation ou de rtablissement de l'tat de droit auquel elles contribuent.

    PRINCIPE 16 - MESURES SPECIFIQUES CONCERNANT LES ARCHIVES ACARACTERE NOMINATIF

    a) Sont rputes nominatives, au sens du prsent principe, les archivescontenant des informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit,directement ou indirectement, l'identification des personnes auxquelles elles serapportent, quel qu'en soit le support, qu'il s'agisse de dossiers ou de fichiers

    manuels ou informatiss.

    b) Toute personne a le droit de savoir si elle figure dans lesdites archives et, lecas chant, aprs avoir us de son droit d'accs, de contester le bien-fonddes informations la concernant en exerant un droit de rponse. Le documentexposant sa propre version doit tre annex au document contest.

    c) Sauf lorsque de telles informations se rapportent leurs dirigeants ainsi qu'des collaborateurs permanents, les informations nominatives contenues dansles archives des services de renseignement ne peuvent constituer ellesseules des preuves charge, moins qu'elles ne soient corrobores pard'autres sources fiables et diversifies.

    PRINCIPE 17 - MESURES SPECIFIQUES RELATIVES AUX PROCESSUS DERETABLISSEMENT DE LA DEMOCRATIE ET/OU DE LA PAIX OU DETRANSITION VERS CELLES-CI

    a) Des mesures sont prises pour que chaque centre d'archives soit plac sousla responsabilit d'une personne nommment dsigne. Si cette personne enavait dj la charge, elle doit tre reconduite dans ses fonctions par unedcision spciale, sous rserve des modalits et garanties prvues au principe

    41.b) Dans un premier temps, priorit est donne l'inventaire des archivesstockes, ainsi qu' la vrification de la fiabilit des inventaires existants. Uneattention toute particulire doit tre apporte aux archives des lieux dedtention, en particulier lorsqu'ils n'avaient pas d'existence officielle.

    c) Cet inventaire concerne en outre les archives pertinentes dtenues par despays tiers qui se doivent de cooprer en vue de leur communication ourestitution aux fins d'tablissement de la vrit.

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    En 2005, Diane Orentlicher allait actualiser le rapport Joinet TPF20FPT, en rdigeantdans les termes suivants les principes relatifs la conservation et la diffusiondes archives :

    Principe 14. Mesures de prservation des archives

    Le droit de savoir implique que soient prserves les archives. Des mesures

    techniques et des sanctions pnales devraient tre prises pour sopposer la

    soustraction, la destructtion, la dissimulation ou la falsification des archives,

    notamment dans le but dassurer limpunit dauteurs de violations des droits de

    lhomme et/ou du droit humanitaireTPF21FPT.

    Principe 15. Mesures facilitant laccs aux archives

    Laccs aux archives doit tre facilit dans lintrt des victimes et de leurs

    proches pour faire valoir leurs droits.

    Il en est de mme, en tant que de besoin, pour les personnes mises en cause

    qui le demandent en vue dassurer leur dfense.

    Laccs aux archives devrait galement tre facilit dans lintrt de la

    recherche historique, sous certaines restrictions raisonnables visant prserver

    la vie prive et la scurit des victimes et dautres personnes. Les formalits

    dautorisation rgissant laccs ne peuvent cependant pas tre dtournes

    des fins de censure.

    Principe 16. Coopration des services darchives avec les tribunaux et les

    commissions non judiciaires denqute

    Les tribunaux et les commissions non judiciaires denqute, ainsi que les

    enquteurs travaillant sous leur responsabilit, doivent avoir accs aux archives

    pertinentes. Ce principe doit tre appliqu de faon respecter les obligations

    qui conviennent en matire de respect de la vie prive, particulirement les

    garanties de confidentialit donnes des victimes ou des tmoins comme

    TP

    20PT UN Doc. E/CN. 4/2005/102/ADD. 1, 8 fvrier 2005

    TP

    21PT

    Traduction corrige dans le sens signal en note 19. Dans la traduction officielle : ou lafalsification des archives, notamment afin que les auteurs de violations des droits de lHommeet/ou du droit humanitaire restent impunis.

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    condition pralable leur tmoignage. Laccs ne peut tre refus pour des

    raisons de sret nationale moins que, dans des circonstances

    exceptionnelles, cette restriction ait t prvue par la loi, que lEtat ait dmontr

    que cette restriction tait ncessaire dans une socit dmocratique pour

    protger un aspect lgitime de la sret nationale et que le refus fasse lobjet

    dun contrle judiciaire indpendant.

    Principe 17. Mesures spcifiques concernant les archives caractre nominatif

    a) Sont rputes nominatives, au sens du prsent principe, les archives

    contenant des informations qui permettent, directement ou indirectement,

    lidentification des personnes auxquelles elles se rapportent.

    b) Toute personne a le droit de savoir si elle figure dans les archives publiques

    et, le cas chant, aprs avoir us de son droit daccs, de contester le bien-

    fond des informations la concernant en exerant un droit de rponse. Le

    document contest devrait comporter un renvoi au document qui en conteste la

    validit et, chaque fois que laccs au premier est demand, le second doit

    galement tre fourni. Laccs aux dossiers des commissions denqute doit

    rpondre aux attentes lgitimes de confidentialit des victimes et des tmoins

    dposant en leur faveur, conformment aux principes 8 f) y 10 d).

    Principe 18. Mesures spcifiques relatives aux processus de rtablissement de

    la dmocratie et/ou de la paix ou de transition vers celles-ci

    a) Des mesures devraient tre prises pour que chaque centre darchives soit

    plac sous la responsabilit dun service expressment dsign;

    b) Lors de linventaire et de la vrification de la fiabilit des archives stockes,

    une attention toute particulire devrait tre apporte aux archives concernant

    les lieux de dtention et autres lieux o ont t commises de graves violations

    des droits de lhomme et/ou du droit humanitaire, comme la torture, en

    particulier lorsquils navaient pas dexistence officielle;

    c) Les pays tiers se doivent de cooprer en vue de la communication ou de la

    restitution darchives aux fins dtablissement de la vrit.

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    Le droit individuel la recherche historique et, surtout, celui de savoir quelle

    documentation sur soi-mme peut tre trouve dans des archives, ce que lon

    connat sous le nom dhabeas data, concident galement avec ceux qui sont

    noncs dans le rapport du Conseil International des Archives (ICA-UNESCO).

    Mais ce sont les mesures proposes par Louis Joinet pour garantir la

    prservation des fonds documentaires, particulirement dans les priodes de

    transition politique, qui retiennent le plus lattention dans ce rapport juridique,

    car il nest pas frquent que nous autres archivistes trouvions un interlocuteur

    aussi en harmonie avec dautres collectifs sociaux auxquels, malheureusement,

    nous navons pas t capables de faire partager notre conviction: celle de

    limportance de la conservation et du traitement professionnel des documents

    en vue de faciliter lexercice des droits reconnus par les lois.

    Enfin, un autre forum important o lon a dbattu durant ces annes des

    archives et des droits de lHomme, a t la Commission Interamricaine des

    Droits de lHomme de lOrganisation des tats Amricains. En 1998, lors du

    cinquantme anniversaire de la Dclaration Universelle des Droits de lHomme.

    au cours de sa 101me session, la Commission recommandait aux tats

    membres dadopter "dadopter les mesures, tant lgislatives que de toute autre

    nature, qui seront ncessaires pour rendre effectif le droit au libre accs

    linformation existant dans les archives et les documents aux mains de ltat, en

    particulier lors de recherches visant tablir les responsabilits en cas de

    crimes internationaux et de violations graves des droits de lHomme"TPF22FPT.

    La demande douverture des archives

    Bien quil ait toujours exist des lois rglementant la libert dinformation depuis

    1776, un nombre sans prcdent dtats, dans ces dix dernires annes, a

    adopt une lgislation sur la libert dinformation. David Banisar signale que,

    parmi les raisons qui expliquent cette prolifration lgislative, il faut prendre en

    compte leffondrement des rgimes autoritaires dans les annes 80 et la

    naissance de nouveaux tats la dmocratie, qui ont ouvert la voie de

    nouvelles constitutions incluant dans leur texte, en termes spcifiques, la

    TP

    22PT Communiqu de presse Tn 21/98 T

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    garantie du droit linformation. Cette garantie constitutionnelle requiert

    frquement ladoption de nouvelles lois sur laccs linformationTPF23FPT.

    La fin des dictatures et le commencement de la marche vers la dmocratiedans les pays en transition a suppos la gnralisation dune srie de

    demandes, directement ou indirectement lies aux archives des organismes

    vous la rpression. Indirectement, parce que ce sont des outils

    indispensables lexercice de la justice, ordinaire ou transitionnelle, et parce

    quils constituent un lment essentiel la construction dune mmoire sociale.

    Mais directement aussi, parce que cest leur propos, quand leur existence

    sest avre vidente, qua surgi la demande douverture, comme dans laplupart des pays du centre et de lest de lEurope, qui ont connu des rgimes

    communistes jusqu la fin de la dcennie 80. Trs concrtement, en ce qui

    concerne ces anciens pays communistes, on pourrait entendre par ouverture

    des archives, ainsi que lindiquent certains auteurs, en premier lieu la

    transformation de toutes les archives dans les pays post-communistes, et

    particulirement les archives des partis communistes, en archives publiques,

    gres conformment aux rgles propres aux pays dmocratiques; en second

    lieu, laccessibilit aux documents conservs dans ces archives dans les

    mmes conditions pour tous les utilisateurs; en troisime lieu, louverture

    gnralise, en vue de leur libre consultation, des fonds documentaires

    constitus depuis la fin de la Premire Guerre Mondiale jusquaux annes 80 et

    dont linterprtation a fait lobjet de manipulations ou de falsifications frquentes

    de la part des autorits communistesTPF24FPT.

    Louverture des archives a fait partie de la grande rvolution sociale survenue

    en Union Sovitique et dans les autres pays communistes depuis 1989. Elle a

    t dtermine en partie par ces changements, mais, en mme temps,

    louverture de ces archives, quoique graduelle, avec ses ombres et ses

    lumires, a suppos une concrtisation de ces transformations. La recherche

    TP

    23PT David BANISAR., The irresistible rise of a right, Eurozine, 2005

    TP

    24PT

    Vilm PRECAN, The Opening of the Archives and the History of Communism ,TheMillennium Congress : 19me Congrs International des Sciences historiques, Oslo, 6-13 aot2000 ; Table Ronde 19.

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    de la vrit sur le pass rcent a t, en dfinitive, un lment du combat

    politique pour une nouvelle orientation, aussi bien sur le plan intrieur que dans

    les relations internationales de ces pays.

    Les vnements ont rpondu de faon affirmative la question que, dans les

    premires pages de lintroduction son Archipel du Goulag (1918-1956), se

    posaitAlexandre Solyenitsine quand il disait quil nosait pas crire une histoire

    de lArchipel : il ne ma pas t donn de lire la documentation pertinente.Y

    aura-t-on un jour accs?Or les travaux que louverture des archives a rendus

    possibles ont raffirm, dans les propres termes du langage bureaucratique des

    documents officiels, la monumentale dnonciation littraire du prix Nobel

    1970 TPF25FPT.

    Diane Orentlicher, lautre expert indpendant charg par la Commission des

    Droits de lHomme des Nations Unies de formuler des propositions visant

    amliorer la lutte contre limpunit, et de poursuivre et dactualiser le rapport

    Joinet de 1997TPF26FPT, spcifie que, de faon gnrale, les tats doivent prendre des

    mesures pour que linformation sur les violations des droits de lHomme soit la

    disposition du public. Dans de nombreux pays, les lois daccs linformation

    favorisent cet objectif: Afin de dvelopper leur capacit amliorer laccs des

    citoyens la vritsur les violations des droits de lHomme, on recommande

    que les tats qui ne lauraient pas encore fait promulguent des lois permettant

    aux citoyens daccder aux documents officiels, y compris ceux qui donnent

    des informations sur les violations des droits de lHomme. On peut citer comme

    exemple la Loi fdrale daccs linformation du Mexique, promulgue en

    TP

    25PT Nicolas WERTH., Un Estado contra su pueblo: violencias, temores y represiones en la Unin

    Sovitica, El libro negro del Comunismo: crmenes, terror y represin. Madrid, Espasa Calpe,1998TP

    26PTDans sa rsolution 2003/72, la Commission des droits de lHomme a demand au Secrtaire

    gnral de commander une tude indpendante sur les bonnes pratiques, assortie derecommandations visant aider les tats renforcer leur capacit propre combattre tous lesaspects de limpunit, en prenant en compte lensemble des principes pour la protection et lapromotion des droits de lHomme au moyen de la lutte contre limpunit(E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, annexe II). Cette tude, prpare par la Sous-Commission depromotion et de protection des droits de lHomme, devait porter sur les principes et la faondont ils avaient t appliqus, en passant en revue leur volution rcente et en examinant la

    question de leur application ultrieure, tout en tenant compte des informations et desobservations reues des tats en application de cette rsolution. Cette tude devait tresoumise la Commission lors de sa 60me session au plus tard.

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    2002, qui interdit la rtention de documents dcrivant de graves violations des

    droits de lHomme.

    Conformment au principe 17c) formul par Joinet, les tats disposantdinformations pertinentes sur les abus commis dans un autre tat doivent les

    communiquer. Parmi les exemples de ces dnonciations figure la

    communication par le Gouvernement des tats-Unis, en aot 2003, de 4 677

    documents sur les violations des droits de lHomme en Argentine pendant la

    priode du gouvernement des militaires. Nombre dentre eux concernaient les

    affaires instruites par les tribunaux argentins. Ce Gouvernement a aussi

    dclassifi des documents relatifs aux droits de lHomme et la politique des

    tats-Unis vis--vis du Chili, du Salvador, du Honduras et du Guatemala.

    Le travail des organisations non gouvernementales

    Mais ce qui sest avr important, ce ne sont pas seulement les processus de

    construction de nouveaux centres darchives financs par les institutions

    publiques, ce sont aussi les initiatives dveloppes par des associations

    prives et des mouvements de citoyens qui ont essay de mettre sur pied toutun arsenal dinformations, et mme des archives permettant la recherche de

    donnes sur des personnes victimes des violations des droits de lHomme. Le

    but poursuivi couvre un large spectre, depuis la reconstruction de la mmoire

    historique jusqu la localisation de proches disparus. Lexemple du travail

    men par des organisations comme Mmentoen Estonie ou comme Memorial

    en Russie, dans le recueil de donnes sur des citoyens victimes de la

    rpression, emprisonns ou dports, ou encore celui de Tous les noms, ensouvenir du roman de Saramago, qui a t entrepris en Andalousie (Espagne),

    sont reprsentatifs de ce qui peut tre fait partir de la socit civile. Ce quil

    serait curieux danalyser, cest la diffrence que lon peut observer en matire

    de sources utilises. Ainsi, tandis que certaines, cest le cas de Memento,

    salimentent au dpart de donnes tires des archives publiques, dans le cas

    espagnol, cest tout le contraire qui se produirait car ce sont les tmoignages

    apports par les victimes elles-mmes et les donnes fournies par leshistoriens qui constituent les sources fondamentales.

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    Dans le cas de lEstonie, les archives dtat comptabilisaient, en 1994, 43 683

    fiches de personnes arrtes et 40 455 fiches de dports. Toutefois, il

    ressortait de la recherche de donnes individuelles que les archives

    manquaient dinformations sur un nombre lev de dports. Pour complter

    ces donnes, Mmento, lAssociation estonienne des personnes victimes de

    rpression lgale, a cr au sein de son Comit dinformation et dhistoire un

    groupe de travail, le Registre des Estoniens victimes de rpression, dans le but

    de rassembler sur une seule base de donnes les donnes personnelles de

    toutes les victimes entre 1940 et 1988. Ces donnes seront tires des archives

    ou de tmoignages fournis par les victimes ou par leurs proches.

    La dimension internationale: la justice universelle (comptenceuniverselle)

    Sil y a eu un vaste dbat sur les archives de la rpression, les vnements de

    ces dix dernires annes, en relation avec la mondialisation de la justice, nont

    pas eu la mme importance pour le sujet qui nous occupe.

    Dans les pays engags dans un processus de transition menant dun rgime

    totalitaire un systme politique dmocratique, le lien entre archives et droits

    de lHomme acquiert une dimension particulire. Nous avons souvent

    mentionn limportance que les documents produits autour de la rpression

    politique revtent pour perptuer la mmoire des peuples, dans la mesure o ils

    constituent un tmoignage irremplaable sur la rpression que ces peuples ont

    subie; mais largument le plus important pour dfendre la conservation desdocuments ayant trait la rpression dans les nouveaux rgimes

    dmocratiques rside dans limportance quils ont pour les personnes affectes

    par la rpression en tant que victimes directes ou indirectes: ils seront en effet

    essentiels dans la nouvelle situationpolitique pour permettre lexercice de droits

    individuels prcis: rhabilitation, amnistie, rparations, indemnisations,

    pensions, restitutions de biens toutes ces considrations dordre priv il

    faudrait ajouter la dimension internationale quintgre ce lien entre archives et

    droits de lHomme la notion de justice universelle. Celle-ci avait t formule

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    dans les annes 40 dans la convention contre le gnocide ou lors du procs de

    Nuremberg, mais elle na t considre comme une pratique juridique

    gnralise qu partir dexpriences aussi rcentes que la cration du Tribunal

    pour ltude des crimes commis dans lex-Yougoslavie, le Tribunal du Rwanda

    ou les actions menes par le juge Garzn contre Augusto Pinochet, ainsi que

    par dautres juges en diffrents endroits du monde. Elles ont abouti favoriser

    la cration de la Cour Pnale Internationale, mme si lon tient compte du

    terrible obstacle que reprsente lhostilit ouverte des Etats-Unis lencontre de

    cette nouvelle institution, qui sest manifeste depuis la Confrence de Rome,

    en 1998, et qui sest notablement accrue depuis le dbut de ladministration

    Bush, en 2001. Malgr ce trs grave contretemps dans la mondialisation de la

    Justice Universelle, il semble que saffirme dsormais la prise en compte des

    atrocits commises par les responsables de ces rgimes en tant que crimes

    contre lhumanit, ce qui rend possible lintervention de pays tiers dans les

    poursuites engages contre ces responsables. Labsence de prescription pour

    ces dlits, la gnralisation de pratiques telles que celles du juge Baltasar

    GarznTPF27FPT, largement suivie sous dautres latitudesTPF28FPT, viennent avaliser la

    recommandation qui veut que les archives de scurit de ltat des anciens

    rgimes rpressifs soient conserves et protges en tant que Patrimoine de

    lHumanit. En rsum, ces ensembles documentaires doivent rester la

    disposition des peuples pour que ne soit pas retranche une partie de leur

    mmoire collective, pas plus que cette autre mmoire universelle, indispensable

    au combat contre la barbarie quimplique la violation systmatique des droits de

    lHomme et, avec les gararanties pertinentes, pour tre mise au service de la

    cause des droits de lHomme. Ainsi, la responsabilit de leur conservation

    dpasse les limites des tats, dans la mesure o la recherche et la sanctiondes violations des droits de lHomme dpasse lintrt particulier dune socit

    TP

    27PTPour plus de dtails sur ces interventions, voir El caso de Espaa contra las dictaduras

    chilena y argentina: los documentos del juez Garzn y la Audiencia Nacional, Barcelone,Planeta, 1998TP

    28PTOutre la dtention, les abus et le procs du gnral Augusto Pinochet partir des initiatives

    de lUnion Progressiste des Procureurs Espagnols, en 1996, et de celles du juge de lAudienciaNacional espagnole, Baltasar Garzn, nous pouvons mentionner le procs instruit en Francecontre le capitaine Astiz, de la marine argentine, ou laction du juge Luna, au Mexique, contre le

    capitaine Cavallo. Nous pouvons aussi rappeler linstruction ouverte au sein de lAudiencianacional en Espagne par le juge Santiago Pedraz contre les dictateurs guatemaltques RiosMontt et autres

  • 8/3/2019 POLITIQUES ARCHIVISTIQUES POUR LA DFENSE DES DROITS DE LHOMME Antonio Gonzlez Quintana

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    donne pour devenir une affaire qui concerne lensemble de la communaut

    internationaleTPF29FPT.

    La dimension atemporelle

    Toutefois, ces vnements nont pas seulement dpass le cadre

    gographique des pays affects par la transition politique: ils ont aussi dpass

    le cadre temporel de cette transition mme. En premier lieu, nous devons

    analyser les initiatives tendant reconsidrer la forme quont re