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POLITIQUE COMMERCIALE INTERNATIONALE C H A P I T R E 8 LES ORGANISATIONS ET ACCORDS COMMERCIAUX DANS LE DOMAINE DU COMMERCE Dès la fin des années 1930, les experts se rendent compte que des choix économiques désastreux (obligation pour les vaincus de la première guerre mondiale de payer des réparations impossibles à exécuter, protectionnisme croissant) ont contribué à rendre un nouveau conflit inévitable. 1 Après la deuxième guerre mondiale, l'idée naît qu'il faut préparer le monde de l'après- guerre à vivre en paix, en organisant les relations économiques entre nations sur base d' ouverture et de coopération. Experts et autorités (britanniques et américaines, surtout) se rencontrent en vue d'ébaucher un " ordre économique international". En réalité, les Etats-Unis dominent ces négociations, conscients de tous les avantages potentiels futurs pour leur pays, des principes de libéralisation et de non discrimination proposés. C'est donc activement que les autorités américaines poursuivent l'idée de reconstruire un monde économique libéral, dominé toutefois par les Etats-Unis. En 1944, à Bretton Woods, se tient la "Conférence Monétaire et Financière des Nations Unies", à l'issue de laquelle sont adoptés les statuts du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD). 2 Cependant, les négociations commerciales progressent beaucoup plus lentement. Finalement, en 1948, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et l'Emploi adopte la Charte de La Havane qui devait permettre la constitution de l'Organisation Internationale du Commerce (OIC). Celle-ci ne vit jamais le jour, car les Etats-Unis estimaient 1 Pour une étude plus détaillée des organisations et institutions économiques internationales abordant les aspects historiques, juridiques économiques, politiques et sociologiques de la question, voir : J.-J. REY, Institutions Economiques Internationales, Bruxelles (Précis de la Faculté de Droit de l'U.L.B.), Bruylant, 1988. 2 Vers la fin des années 1950, la BIRD crée deux filiales : la Société Financière Internationale (SFI), en 1956; et l'Association Internationale de Développement (IDA), en 1960. Ainsi se forge le groupe de la "Banque Mondiale" : BIRD-SFI-IDA.

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    Dès la fin des années 1930, les experts se rendent compte que des choix économiques désastreux (obligation pour les vaincus de la première guerre mondiale de payer des réparations impossibles à exécuter, protectionnisme croissant) ont contribué à rendre un nouveau conflit inévitable.1 Après la deuxième guerre mondiale, l'idée naît qu'il faut préparer le monde de l'après-guerre à vivre en paix, en organisant les relations économiques entre nations sur base d'ouverture et de coopération. Experts et autorités (britanniques et américaines, surtout) se rencontrent en vue d'ébaucher un "ordre économique international". En réalité, les Etats-Unis dominent ces négociations, conscients de tous les avantages potentiels futurs pour leur pays, des principes de libéralisation et de non discrimination proposés. C'est donc activement que les autorités américaines poursuivent l'idée de reconstruire un monde économique libéral, dominé toutefois par les Etats-Unis. En 1944, à Bretton Woods, se tient la "Conférence Monétaire et Financière des Nations Unies", à l'issue de laquelle sont adoptés les statuts du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD).2 Cependant, les négociations commerciales progressent beaucoup plus lentement. Finalement, en 1948, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et l'Emploi adopte la Charte de La Havane qui devait permettre la constitution de l'Organisation Internationale du Commerce (OIC). Celle-ci ne vit jamais le jour, car les Etats-Unis estimaient

    1 Pour une étude plus détaillée des organisations et institutions économiques internationales abordant les aspects historiques, juridiques économiques, politiques et sociologiques de la question, voir : J.-J. REY, Institutions Economiques Internationales, Bruxelles (Précis de la Faculté de Droit de l'U.L.B.), Bruylant, 1988. 2 Vers la fin des années 1950, la BIRD crée deux filiales : la Société Financière Internationale (SFI), en 1956; et l'Association Internationale de Développement (IDA), en 1960. Ainsi se forge le groupe de la "Banque Mondiale" : BIRD-SFI-IDA.

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    que le principe "un pays, une voix" les plaçaient dans une position de minorité inacceptable. Les autres pays renoncèrent donc à créer une organisation commerciale dont les Etats-Unis eurent été absents. Cependant, certains éléments de la Charte de La Havane avaient déjà été mis en application avant son entrée en vigueur. En effet, en 1947, s'était déroulée à Genève une négociation en vue d'abaisser les tarifs douaniers, selon les principes prévus dans la future Charte de La Havane. Ces concessions tarifaires et les engagements de politique commerciale pris par 23 pays, constituent l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (GATT).3 Le GATT restait donc le seul instrument de discipline commerciale multilatérale. Il servira de cadre à l'ensemble des négociations internationales destinées à réduire les obstacles aux échanges. De 1948 à 1960, la vision universaliste de la coopération économique internationale cède le pas à des préoccupations plus concrètes, à savoir la reconstruction de l'Europe grâce au Plan Marshall. Pour coordonner l'exécution du programme de reconstruction économique, rendu possible par l'aide américaine, 18 pays d'Europe Occidentale se rassemblèrent pour former, en 1948, l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE).4 Dès la fin des années 1950, l'OECE avait achevé sa mission, tant sur le plan commercial et monétaire que sur celui des politiques économiques. Elle fut donc dissoute. L'action menée par l'OECE se prolonge cependant dans deux directions : - la coopération européenne et l'intégration économique s'intensifient entre un noyau de pays autour du Traité de Rome (1957);

    - les traditions de coopération forgées à l'OECE se poursuivent, tout en s'étendant à un cercle plus large de pays industrialisés à économie de marché. En 1961, l'OECE se transforme en Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), à laquelle se joignent les Etats-Unis et le Canada, comme membres fondateurs. L'OCDE compte aujourd’hui 30 Etats

    3 GATT : General Agreement on Tariffs and Trade. 4 République Fédérale d'Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie.

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    membres.5 Peu à peu, les pays membres de l'OCDE prennent conscience de l'importance de la coordination de leurs politiques de coopération en faveur des pays en développement. Durant les années 1960, se crée donc le Comité d'Aide au Développement (CAD), qui rassemble 18 pays membres de l'Organisation. Le CAD va promouvoir le concept d'aide publique au développement. Les pays en développement (PED) se sentent malgré tout lésés. Pour défendre plus efficacement leurs positions vis-à-vis des pays industrialisés (PI), ils vont chercher à se regrouper. En 1963, le Groupe des 77, réunissant 77 pays en développement, prend l'initiative de demander la convocation d'une Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED).6 En 1972, ce groupe délègue à une formation restreinte, appelée Groupe des 24, la charge de coordonner les positions des pays en développement, dans les matières traitées au sein des organisations issues de la Conférence de Bretton Woods. C'est surtout en matière de politique commerciale que les PED ont réussi à infléchir les disciplines en vigueur dans le sens de leurs revendications. En 1964, la CNUCED devient un rouage permanent des Nations Unies. En 1965, le GATT, sentant la menace d'un déplacement de ses attributions vers la CNUCED, ajoute à sa charte constitutive la "Partie IV" qui énonce diverses recommandations adressées aux PI afin de favoriser le commerce d'exportation des PED. Notons également la création, en 1966, de l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), dont la tâche principale sera d'assister les pays en développement dans la conception et la mise en oeuvre de leurs plans d'industrialisation. Le système qui fut érigé par le GATT ne se borne pas à prôner le libre-échange: il faut encore que les progrès accomplis dans ce sens profitent à tous. C'est dans ce contexte qu'à partir des années 1960, et surtout dans les années 1970,

    5 Outre les 18 pays de l'OECE, l'OCDE compte parmi ses membres le Canada (1961), les Etats-Unis (1961), le Japon (1964), la Finlande (1969), l'Australie (1971), la Nouvelle-Zélande (1973). Plus récemment, des pays tels que le Mexique, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Corée, la Hongrie ont rejoint l'organisation. 6 Actuellement le Groupe des 77, dont la dénomination n'a pas changé malgré l'adhésion ultérieure de nouveaux pays en développement, compte environ 125 membres.

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    des mécanismes préférentiels vont être mis en place par les PI La CEE signe ainsi des accords de coopération commerciale de types très divers avec les pays méditerranéens, les Etats Africains et Malgaches Associés (EAMA) : - accords avec les pays du Maghreb et du Machrak en vue d'organiser une zone de libre-échange pour les produits industriels;

    - convention de Yaoundé et d'Arusha afin de mettre en place une zone de libre-échange, d'organiser une aide financière et de contribuer véritablement à la coopération économique. Durant les années 1970, la CEE élargira son champ d'action aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Etats ACP), au travers des Conventions de Lomé qui portent sur la coopération commerciale, industrielle, technique et financière. Quant aux autres pays membres du GATT, ils vont mettre en oeuvre le Système Généralisé de Préférences (SGP) qui consiste à réserver aux PED un accès privilégié aux marchés des PI, principalement pour leurs exportations de produits manufacturés. Après ce bref aperçu des grands accords commerciaux internationaux, vus dans une perspective historique, examinons plus en détail leur nature et leur fonctionnement. 1. LE "GENERAL AGREEMENT ON TARIFFS AND TRADE" (GATT) Le GATT est donc le seul élément qui a survécu au projet ambitieux de l'Organisation Internationale du Commerce (OIC). L'OIC se voulait un organisme supranational qui aurait supervisé le bon déroulement du commerce international.7 Mais il était difficile de trouver un compromis entre les pays en faveur d'un libre-échange multilatéral et ceux qui préféraient conserver une plus grande autonomie de politique économique, en vue surtout d'atteindre le plein emploi. 7 Pour une étude juridique et économique globale, voir DAM Kenneth W., "The GATT, Law and International Economic Organization", The University of Chicago Press, 1970; pour une analyse détaillée du fonctionnement du GATT, voir DEMARET P., Cours de Droit Economique Européen et International, ULg, Licence en Science Economique.

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    Le GATT a été conçu au départ comme un simple accord commercial (entré en vigueur le 1er janvier 1948), mais il a toujours gardé un statut de protocole provisoire. Les signataires, au nombre de 23 en 1947, en sont des parties contractantes et non des Etats membres. Peu à peu, le GATT est devenu un traité multilatéral servant de cadre à des négociations commerciales pour l'abaissement progressif des barrières aux échanges et une organisation internationale veillant -selon ses pouvoirs- au respect des droits et des obligations des parties contractantes.8 Le nombre d'adhérents n'a cessé de s'élargir et en 1989, on dénombrait 96 "parties contractantes". Une dizaine d'autres pays devraient encore s'y ajouter incessamment. Le GATT s'est enrichi, au fil des ans, de multiples ramifications et le droit généré par ce système est un droit particulièrement flexible.9 Tout d'abord, le style dans lequel sont énoncées les règles laisse des marges d'appréciation considérables. Ensuite, l'existence de nombreuses soupapes peut rendre ces règles inopérantes dans des cas particuliers. Enfin, sur le plan de la sanction des règles constituant l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce, il faut rappeler que le GATT est essentiellement un secrétariat passif, qui ne dispose pas de pouvoirs propres de surveillance sur le respect des obligations. Le texte de l'Accord Général ne reconnaît pas le GATT en tant qu'organisation internationale; il ne reconnaît que des parties contractantes. L'organe suprême du GATT est la réunion (en principe annuelle) des parties contractantes.10 Les obligations découlant du GATT ne sont sanctionnées que dans la mesure où leur violation suscite la réaction d'une ou plusieurs autres parties contractantes, soit sous la forme de consultations bilatérales, en vue de régler le litige à l'amiable, soit en cas d'échec, par le dépôt d'une plainte. Encore faut-il que le comportement incriminé ait pour effet de "compromettre ou d'annuler un avantage" que la plaignant tire de sa participation au GATT. Un "groupe spécial" (panel) examine alors la plainte et la sanction ultime est l'autorisation éventuelle de prendre des mesures de rétorsion. La sanction repose ainsi sur le principe de la réciprocité.11

    8 En réalité, le GATT impose aux parties contractantes des obligations, constitutives d'une sorte de code de commerce international. 9 Voir REY, J.J., Op. cit., chap. II. 10 Le texte de l'Accord Général se réfère à ce terme en minuscules lorsqu'il s'agit des Etats à titre individuel et en majuscule, lorsqu'il s'agit de l'ensemble des Etats appelés à agir collectivement. 11 Voir section 1.1.3.

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    Signalons enfin que certaines disciplines ou domaines d'action étroitement liés aux échanges commerciaux sont surveillés en dehors du GATT (FMI, OCDE, CNUCED, ...). 1.1. Les trois principes fondamentaux du GATT L'objectif fondamental du GATT est d'interdire tout ce qui risque de modifier les "courants naturels" de trafic et d'agir pour l'extension du commerce par l'abaissement des barrières aux échanges. 1.1.1. Le principe de non discrimination ou d'égalité de traitement Ce principe constitue la base même du système sans laquelle il n'est pas de libre commerce. En vertu de ce principe, chaque pays est censé appliquer le même tarif à tous ses partenaires commerciaux. Ce principe recouvre trois formes : 1° le principe du "traitement national" Les Etats s'engagent à réserver aux produits étrangers, une fois la frontière franchie, le même traitement fiscal et législatif que celui en application pour les produits nationaux (taxes, impositions intérieures, subventions à la consommation, etc.). 2° la réglementation du dumping et des subventions à l'exportation 12 Le Code anti-dumping du GATT n'interdit pas le dumping, mais réglemente les conditions dans lesquelles le pays importateur, victime de cette pratique, peut adopter des mesures de défense.13 Le pays peut donc percevoir des droits anti-dumping si trois conditions sont réunies : la constatation du dumping, l'existence d'un préjudice et la présence d'un lien de causalité entre les deux. Une enquête est également ouverte. Toutefois, étant donné que ces mesures conservatoires (provisoires) peuvent être prises dès le début de l'enquête, il y a

    12 Cette réglementation est issue des Codes qui furent adoptés lors de négociations ultérieures du GATT. 13 Le dumping est défini comme une pratique consistant à mettre un produit en vente, sur un marché d'exportation, à un prix inférieur à sa valeur normale (à savoir le prix pratiqué lorsque le même produit est vendu dans le pays d'origine). La différence entre les deux prix est appelée la marge de dumping.

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    abus de protection du marché si l'enquête conclut que les trois conditions n'ont pas été réunies. En ce qui concerne les subventions, pour autant que les intérêts des autres Etats signataires des Codes en question ne soient pas lésés : - les subventions à la production (par exemple, pour les secteurs en difficulté) ne sont pas explicitement interdites par le GATT, même si la production est exportée;

    - les subventions à l'exportation octroyées par les PED sont permises;

    - les subventions à l'exportation octroyées par les PI sont acceptées dans certains cas pour des produits primaires, mais interdites lorsqu'elles concernent des produits manufacturés. 3° l'application inconditionnelle de la "Clause de la nation la plus favorisée" (Clause NPF) Cette clause stipule que "tout avantage accordé par une partie contractante à tout autre pays est, immédiatement et sans condition, étendu à toutes les autres parties contractantes". En posant cette règle, le GATT revenait à la vieille tradition des accords de commerce. Les négociations se font bilatéralement ou par groupes restreints et portent sur le commerce réciproque des pays en négociation. L'originalité de la clause NPF du GATT est d'être multilatérale, inconditionnelle et automatique. Illustrons cette clause par un exemple. Supposons que la Suède signe un traité de commerce avec le Mexique portant les droits sur agrumes à 10 % (tarif conventionnel) et qu'elle consente au Mexique le bénéfice de la clause. Si des négociations ultérieures avec Israël par exemple, aboutissent à un tarif conventionnel de 5 %, le Mexique peut demander que ses agrumes subissent le même droit en vertu de la clause susdite. L'application de la clause est ici inconditionnelle, car le bénéfice de tout avantage accordé à un tiers échoit automatiquement au bénéficiaire de la clause. La clause inconditionnelle a contribué à uniformiser et à abaisser les tarifs douaniers conventionnels et à généraliser le tarif minimum dans le cas

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    de tarifs multiples.14 Cependant, la réduction des tarifs n'apparaît pas toujours praticable entre certains pays. Cette réduction peut alors s’effectuer entre quelques pays rapprochés. Certaines exceptions ont toujours été admises par le GATT : - la non réciprocité dans les relations entre pays à niveau inégal de développement est autorisé depuis 1965. Un système généralisé de préférences en faveur des PED a été autorisé depuis 1971. Les préférences mutuelles entre PED non extensibles aux pays développés sont également permises depuis cette date.15

    - les arrangements préférentiels établis au sein d'une Communauté historique et qui étaient en vigueur avant la signature de l'Accord Général (ex : Commonwealth, zone franc, Bénélux);

    - les zones de libre-échange et les unions douanières, si elles portent sur l'essentiel du commerce et n'accroissent pas le degré de protection de la zone ou de l'union à l'encontre des parties contractantes hors de ces zones; 1.1.2. Le principe de transparence Selon ce principe, l'application explicite de droits de douane est préférable aux barrières non tarifaires. En fait, les restrictions quantitatives aux échanges sont interdites, sauf dans les cas suivants. Les exceptions peuvent être générales en ce sens que toute intervention de l'Etat dans le commerce extérieur est permise dès lors qu'elle se rapporte à certains produits (or, argent, produits de base) ou qu'elles se fondent sur

    14 Traditionnellement, les négociations commerciales se pratiquaient de manière bilatérale et il existait une interprétation conditionnelle de la clause NPF. Dans ce cas, si nous reprenons l'exemple précédent en supposant qu'Israël ait accordé une réduction de 15 à 10 % des droits sur, par exemple, l'acier exporté par la Suède en échange de la fixation du tarif à 5 % pour les agrumes, le Mexique ne peut demander l'application de la clause que s'il accorde un avantage analogue à celui qu'Israël a accordé à la Suède. La définition de l'avantage analogue pose évidemment un problème et suppose une nouvelle négociation, ici de la Suède avec le Mexique, pour définir ce concept. Ces nouvelles négociations entre les pays accordant la clause et tous les pays bénéficiaires ont fait perdre à l'interprétation conditionnelle toute sa valeur pratique, car les négociations bilatérales successives finissent par généraliser et uniformiser les réductions tarifaires. 15 Les mécanismes préférentiels seront analysés dans les sections 2.2. et 2.3.

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    certaines motivations (préservation de la santé ou de la moralité publique, de la sécurité, des trésors nationaux, etc.). Les restrictions quantitatives sont aussi autorisées dans trois cas spécifiques : - pour sauvegarder la position financière extérieure et l'équilibre de la balance des paiements d'un pays(collaboration entre le GATT et le FMI);

    - pour promouvoir le développement économique en protégeant les industries naissantes, notamment dans les PED;

    - pour protéger l'agriculture, lorsque les restrictions quantitatives sont le corollaire d'une politique intérieure de soutien des prix agricoles et que l'on a déjà organisé le contrôle de la production et la résorption des excédents. A ces exceptions générales et spécifiques, il convient d'ajouter la clause de sauvegarde. Cette clause permet à une partie contractante de suspendre temporairement ses engagements ou concessions accordées précédemment, ou encore d'instaurer des barrières temporaires, en vue de protéger une industrie nationale, menacée de subir un préjudice grave, en raison d'un accroissement très important des importations des produits concurrents. Toutefois, les conditions dans lesquelles cette clause peut être invoquée suscitent de fortes critiques parce qu'elles sont jugées trop peu précises, trop laxistes et que ces restrictions sélectives , une fois en place, sont difficiles à démanteler.16 Cette clause de sauvegarde a été largement utilisée par les PI pour limiter les importations en provenance du Tiers Monde. 1.1.3. Le principe de réciprocité Ce principe veut qu'une partie contractante consente aux autres des avantages sensiblement équivalents à ceux dont elle bénéficie elle-même. Ainsi, si un pays A abaisse les droits perçus sur ses importations en provenance d'un pays B, celui-ci doit prendre des mesures symétriques en faveur de A. Le principe de réciprocité combiné avec la clause NPF incite les parties contractantes à engager des négociations tarifaires menées d'abord produit par produit et de manière bilatérale, pour ensuite se transformer en réductions

    16 Cfr J.-J. REY, op. cit., chap. II, section II.

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    forfaitaires (dites "linéaires", c'est-à-dire d'un pourcentage donné) pour tous les produits dans le cadre de "rounds tarifaires" impliquant toutes les parties contractantes. Cette nouvelle pratique fut surtout utilisée lors des 6ème et 7ème Rounds, le Kennedy Round (1963-1967) et les Tokyo Round (1973-1979).17 Le principe de réciprocité n'est pas d'application pour les PED qui peuvent bénéficier de mécanismes préférentiels.18 L'application de ces trois principes a entraîné une baisse des droits moyens sur les importations de produits manufacturés qui, d'environ 40 % au début des années 1950, sont tombés à moins de 10 % au début des années 1980 et à moins de 5% dans les années 1990 (figure 1). D'après les règles de l'Accord Général, un retour en arrière ne peut être envisagé : lorsqu'un pays accorde une concession tarifaire, il ne peut plus la retirer. 1.2. La nouvelle préoccupation du GATT : la réduction des barrières non tarifaires Depuis la première crise pétrolière, on a assisté à une recrudescence du protectionnisme pour les produits manufacturés, sous la forme de barrières non tarifaires, qualifiées de néo-protectionnisme. Les droits de douane ayant été fortement réduits au cours du Dillon Round (Genève, 1960-1962) et du Kennedy Round (1963-1967), les PI ont recherché d'autres formes de protection non encore réglementées. C'est ainsi que le Tokyo Round (1973-1979) continua non seulement la procédure du Kennedy Round, mais se saisit également de ce nouveau problème. Une nouvelle approche fut adoptée qui consiste en "codes de bonne conduite", en matière par exemple de subventions, de dumping, de normes, d'achats publics,... Ces codes n'interdisent nullement les barrières non tarifaires, ils se contentent d'établir des règles destinées à en harmoniser l'utilisation et qui doivent guider les gouvernements dans la formation de politiques nationales. 1.3. Les négociations au sein du GATT

    17 Les "négociations commerciales multilatérales" menées au sein du GATT seront étudiées dans la section 1.3. 18 Voir sections 2.2. et 2.3.

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    Les négociations commerciales entre pays développés furent nombreuses au sein du GATT.

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    Figure 1 Réductions tarifaires (produits industriels)1962-1996

    0 5 10 15 20

    USA

    CEE

    Japon

    Royaume-Uni

    Moyenne

    0 5 10 15 20

    % de droit de douane pourles produits industriels

    1962, avant le Kennedy Round1972, après le Kennedy Round1982, après le Tokyo Round1996, après l'Uruguay Round

    Sources : GATT-Aider la Croissance Mondiale (1987), Teulon-La Nouvelle Economie Mondiale (1997)

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    1.3.1. Genève (1947) Cette première négociation, qui aboutit à l'Accord Général, fut menée par 23 pays en vue de réduire les tarifs douaniers. Les échanges de ces pays représentaient 50 % du commerce mondial et les négociations portèrent sur 45.000 produits; 1.3.2. Annecy (1949) Dix nouvelles parties contractantes viennent discuter 5.000 nouvelles concessions tarifaires. 1.3.3. Torquay (1950-1951) Les négociations se poursuivent avec 4 nouvelles parties contractantes et aboutissent, avec 8.700 autres concessions tarifaires, à réduire les droits de douane de 25 % par rapport au niveau de 1945. 1.3.4. Genève (1955-1956) Avec l'adhésion du Japon (1955), les réductions tarifaires prennent de plus en plus d'importance. 1.3.5. Dillon Round (1960-1962) Ce Round a été provoqué par la formation de la Communauté Economique Européenne en vue de négocier et constituer le tarif extérieur commun. A Genève, en 1960, la CEE avait proposé une réduction "linéaire" de 20% comme hypothèse de travail. Ceci excède les pouvoirs de la délégation américaine conduite par M. Dillon. En moyenne pondérée, la réduction négociée ne dépassera finalement pas 7 %. Néanmoins, 4.400 concessions tarifaires, portant sur un commerce de 4,9 milliards de dollars U.S., seront adoptées. Il apparaît d'autre part que la clause de la nation la plus favorisée ne contribue pas à faire des PED une partie prenante à de telles négociations. Elle n'intéresse que les exportateurs des produits sur lesquels la négociation porte.

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    Pays développés et PED ne s'intéressent pas aux mêmes produits. De la sorte, l'agriculture et certains produits sensibles sont exclus de la table des négociations. 1.3.6. Kennedy Round (1963-1967) La négociation "linéaire" s'étant révélé une bonne technique, et les Etats-Unis étant inquiets du risque de protectionnisme que représentait l'élaboration par la CEE de son Tarif Extérieur Commun, ils modifient leur législation : le Trade Expansion Act voté en septembre 1962 donne pouvoir au Président Kennedy de négocier entre 1963 et 1967 un désarmement douanier, n'excédant pas 50 % et applicable en cinq années. Dès lors, la voie est ouverte pour une grande négociation dont les principes sont arrêtés, dès 1963, au GATT (inclusion de tous les produits, y compris agricoles, non réciprocité des concessions qui sont faites aux PED).19 On aboutit ainsi à la première réduction linéaire multilatérale des tarifs douaniers sur les produits industriels d'environ 35 % en moyenne. Ceci représente la réduction des droits de douane la plus importante depuis la création du GATT. La CEE a réduit son Tarif Extérieur Commun de 37,3 %. A la fin de la négociation, le tarif britannique s'est rapproché de celui de la CEE, mais celui des Etats-Unis est resté nettement supérieur. Dans la pratique, les résultats sont évidemment différents selon les structures industrielles caractérisant les différents pays. En outre, les Etats-Unis ont maintenu "l'American Selling Price" : ce système veut que le droit de douane ne soit pas calculé sur le prix CAF du produit importé mais sur le prix du produit obtenu aux Etats-Unis, ce qui relève considérablement le niveau de protection des branches dans lesquelles il s'applique. En matière agricole, l'échec est flagrant. Seul un accord sur le blé est obtenu, en fixant un prix supérieur de 17 % à ce qu'il était antérieurement. Il faut noter que ce produit est exporté par les pays développés et acheté par les PED Si l'on se place du point de vue des PED, les résultats de ces négociations ont

    19 La négociation porte en premier lieu sur une formule de réduction tarifaire (taux de réduction, étalement dans le temps) destinée à s'appliquer en principe à tous les produits. Des listes d'exceptions à cette réduction généralisée ("listes négatives") sont ensuite déposées et négociées.

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    été plutôt maigres. L'échec des discussions sur l'agriculture leur a enlevé une partie des avantages qu'ils pouvaient en escompter. Compte tenu de leur propre structure industrielle, l'abaissement des droits les intéressant n'a pas dépassé 20 à 25 %, car les produits concernés (textile, produits sidérurgiques, boissons) sont ceux pour lesquels les réductions tarifaires ont été les plus faibles. Le Kennedy Round fut le premier à étendre le champ des négociations commerciales multilatérales bien au-delà du domaine tarifaire. C'est ainsi que fut conclu le premier accord ou "code de bonne conduite" sur des mesures non tarifaires, en l’occurrence un code anti-dumping, de même que des accords sectoriels (produits chimiques, par exemple). 1.3.7. Le Tokyo Round (1973-1979) Au Tokyo Round, 99 pays participants ont abouti à un accord pour diminuer leurs droits de douane en moyenne d'un tiers de plus sur une période de 8 ans. La plupart des principaux pays réduiront les droits de douane par une formule qui abaisse davantage les droits initialement plus élevés. Ce processus devrait faire baisser les taux effectifs de protection proportionnellement plus que les taux nominaux moyens. Les négociations ont couvert un cinquième (300 milliards de dollars U.S.) du commerce mondial des marchandises et ont permis de réduire les tarifs douaniers de 7 % à 4,7 % en moyenne pour les produits industriels. Les Codes élaborés au cours du Tokyo Round se sont aussi attachés à réduire les barrières non tarifaires à l'échange, érigées souvent en substitution des droits de douane. Plusieurs "Codes" ont été conclus dans les domaines suivants. 1° Les marchés publics Le Code cherche à faire la lumière sur ce processus, poussant les gouvernements à mettre à nu leurs règles d'acquisition et à donner une juste chance aux fournisseurs étrangers. Rappelons qu'au terme d'une disposition de l'Accord Général (1947), les achats gouvernementaux pouvaient être réservés aux entreprises nationales.

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    2° Les obstacles techniques au commerce Le Code vise à éviter que les normes techniques ne servent de prétexte à des entraves injustifiées au commerce international et prévoit que les codes des normes seront de la compétence du GATT et pourront servir de base pour les plaintes formulées par les gouvernements. 3° Les subventions et droits compensateurs Le Code précise dans quelle mesure les subventions sont autorisées, et à quelles conditions et selon quelles procédures les Etats importateurs peuvent percevoir à la frontière des droits compensateurs destinés à neutraliser l'effet de ces subventions. 4° La valeur en douane Le Code établit les principes suivants lesquels la valeur des marchandises doit être estimée pour appliquer les droits de douane "ad valorem", c'est-à-dire proportionnels à cette valeur. Ce Code met fin à la pratique de "l'American Selling Price" pour prendre en compte la valeur véritable des biens au moment de la transaction. 5° Les licences d'importation Le Code a pour objet d'éviter les procédures exagérément tracassières de délivrance des licences d'importation et de limiter les lenteurs administratives. 1.3.8. L'Uruguay Round (1986-1994) Après 7 ans de négociations auxquelles ont participé 125 pays, l'Uruguay Round a été conclu le 14 avril à Marrakech. Cette huitième série de négociations avait été constituée par la Déclaration ministérielle sur les négociations d'Uruguay, faite à Punta-del-Este le 20 septembre 1986. Les textes signés à Marrakech portent sur : - l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC); - les accords multilatéraux relatifs aux marchandises, aux services, à la propriété intellectuelle et aux règlements des différends.

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    La conclusion de l'Uruguay Round est un événement majeur dans l'organisation des relations commerciales internationales. L’OMC est opérationnelle depuis le premier janvier 1995. I. Une perspective d'ensemble Les accords issus de l'Uruguay Round forment un tout indissociable et présentent des caractéristiques communes. I.A. Le système de paquet unique L'Accord destiné à créer l'Organisation Mondiale du Commerce constitue l'élément de faîte du nouveau système multilatéral. Nous y reviendrons plus en détails par après. L'effet des différents accords conclus lors de l'Uruguay Round tient en cinq points essentiels : 1° l'approfondissement des règles du GATT dans les secteurs traditionnels couverts par ce dernier;

    2° l'application des règles du GATT aux produits agricoles et textiles, qui en pratique, y échappaient plus ou moins largement;

    3° l'établissement d'un corps de règles, inspirées des règles du GATT applicables aux marchandises, en vue de libéraliser le commerce des services;

    4° le renforcement de la protection de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle;

    5° la mise sur pied d'une nouvelle procédure, plus contraignante, de règlement des différends. L'ensemble se présente comme un paquet unique. Un Etat qui veut devenir membre de l'Organisation mondiale du commerce doit accepter tous les accords multilatéraux négociés dans le cadre de l'Uruguay Round. L'Uruguay Round met fin au GATT à la carte résultat du Tokyo Round. Le système multilatéral y gagnera en cohérence. Le système qui vient d'être décrit

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    souffre néanmoins une exception. En effet, sont également annexés à l'Accord instituant l'OMC, quatre accords dits plurilatéraux. Il s'agit des accords concernant respectivement les marchés publics, le commerce des aéronefs civils, le secteur laitier et la viande bovine. Ces accords ne lieront pas tous les membres de l'OMC, mais seulement ceux qui les auront acceptés. I.B. Les caractéristiques communes des accords commerciaux multilatéraux I.B.1 L'exigence de transparence Tous les accords multilatéraux mettent au premier plan le besoin de transparence et de prévisibilité. Les mesures nationales affectant le commerce international doivent être identifiables et publiées. Elles doivent en outre être notifiées aux organes compétents de l'OMC. I.B.2 L'importance donnée à la règle de droit Les accords multilatéraux sont dans l'ensemble constitués par des dispositions plus précises et plus détaillées que le GATT de 1947 et que les accords du Tokyo Round. L'importance du droit dans l'organisation du commerce mondial s'accroît aussi du simple fait de l'élargissement des matières couvertes par l'OMC par rapport au GATT de 1947. Cet élargissement réduit à concurrence le champ laissé aux actions unilatérales de certains Etats. I.B.3 Le traitement préférentiel accordé aux pays en voie de développement La plupart des accords prévoient un traitement particulier en ce qui concerne les pays en voie de développement . Par exemple, période de transition prolongée, atténuation des obligations normalement imposées aux pays participant à ces accords. II. Les accords sur le commerce des marchandises Les accords multilatéraux sur le commerce des marchandises comprennent d'une part le GATT de 1994, d'autre part une série d'accords définissant le régime applicable soit à certaines catégories de produits, soit à certains types de mesures affectant le commerce.

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    II.A. Le GATT de 1994 La substance de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947 est reprise dans un nouvel accord, intitulé le GATT de 1994. Le GATT de 1994 est juridiquement distinct du GATT de 1947, dont le maintien ne se justifiera que dans la mesure où des parties contractantes ne deviendraient pas membres de l'OMC. Au GATT de 1994 est joint le Protocole de Marrakech auquel sont annexées les listes de concessions tarifaires qui ont été négociées dans le cadre du GATT de 1947 lors de l'Uruguay Round.20 Ces nouvelles réductions tarifaires doivent être mises en oeuvre dans un délai de quatre ans suivant l'entrée en vigueur de l'Accord instituant l'OMC. II.B. Les autres accords multilatéraux II.B.1 Les accords concernant les produits agricoles et les produits textiles Ces deux accords visent à faire rentrer dans le champ du GATT des produits qui n'y étaient que partiellement soumis. 1° L'accord sur les produits agricoles Les éléments essentiels de cet accord portent sur l'accès au marché, les mesures de soutien interne, les subventions à l'exportation, auxquels s'ajoute la clause dite "de paix". Les barrières non tarifaires à l'importation de produits agricoles (restrictions quantitatives, prélèvements variables, prix minimaux) doivent en principe être définitivement converties en droit de douane. Le niveau de protection douanière consécutif à cette conversion doit ensuite être réduit de 36% en six ans dans le cas des pays développés. Les mesures de soutien interne (soutien des prix du marché, versements directs aux producteurs, subventions aux intrants) doivent être réduites de 20% au cours d'une période de six ans par rapport aux années 1986 à 1988.

    20 Cfr. annexe I.

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    Les subventions à l'exportation doivent être également être réduites à raison de 36% en termes de dépenses budgétaires et de 21% en termes de quantités exportées au cours d'une période de six ans par rapport à une période de base 1986-1990. L'accord agricole comprend une disposition connue sous le nom de clause de paix. Cette clause présente un intérêt particulier pour la Communauté dans la mesure où les éléments de la PAC en conformité avec l'accord sur les produits agricoles seront pendant une période de neuf ans essentiellement à l'abri des contestations fondées sur les dispositions du GATT 1994. L'accord sur les produits agricoles ne couvre pas le poisson et les produits à base de poisson. 2° L'accord sur les produits textiles et les vêtements La libéralisation du commerce des textiles et des vêtements était un objectif majeur pour beaucoup de pays en voie de développement, dont les exportations à destination des pays développés, les Etats-Unis et la Communauté, étaient limitées par des accords d'autolimitation et des restrictions unilatérales, soit au titre de l'Accord Multifibre, soit en dehors de ce dernier. L'Accord sur les textiles et les vêtements prévoit le démantèlement de l'Accord Multifibre (AMF) en 4 phases étalées sur 10 ans. A partir de 2005, tous les produits devront, sans distinction, être soumis aux règles de libéralisation du commerce (intégration complète dans le GATT 1994). Pour surveiller l'application de l'accord, lequel prévoit la disparition complète des quotas, un Organe de Supervision des Textiles a été prévu. II.B.2 Les accords relatifs aux mesures de défense commerciale et aux subventions Trois accords multilatéraux définissent le régime applicable aux mesures de défense commerciale, à savoir les mesures de sauvegarde, les droits antidumping et les droits compensateurs. L'apport de l'Uruguay Round concerne surtout les mesures de sauvegarde et le régime des subventions.

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    1° Les mesures de sauvegarde 21 L'accord sur les sauvegardes est expressément destiné, d'une part, à permettre le rétablissement d'un contrôle multilatéral sur les sauvegardes, qui prennent généralement la forme de restrictions quantitatives et, d'autre part, à éliminer les mesures qui échappent à ce contrôle, c'est-à-dire en pratique les mesures et accords d'autolimitation. Les mesures de sauvegarde doivent en principe être non sélectives, limitées dans le temps (quatre ans avec possibilité de prolongation jusqu'à 8 ans maximum). Les mécanismes de sauvegarde autres que ceux définis par l'Article XIX sont expressément interdits. Ceci concerne les différentes mesures d'autolimitation, les systèmes de surveillance des prix et les cartels d'importation imposés. 2° Les droits antidumping et les droits compensateurs Pour l'essentiel, les accords définissant les conditions de fond et de procédure à respecter par les pays membres de l'OMC lorsqu'ils prennent des mesures à l'égard d'importations à un prix de dumping ou d'importations subventionnées reprennent le contenu des codes du Tokyo Round. II.B.3 Les accords relatifs à la législation douanière Deux accords multilatéraux concernent respectivement la valeur en douane et la définition de l'origine des marchandises. 1° La valeur en douane L'accord relatif à la valeur en douane reprend presque mot à mot le contenu matériel de l'accord conclu lors du Tokyo Round. L'accord en question dispose que la valeur transactionnelle, c'est-à-dire le prix de facture, est la méthode normale d'évaluation en douane.

    21 Pour rappel, cette clause autorise des mesures de protection pour sauver une industrie menacée par des importations massives de produits concurrents. Cependant, ces mesures sont souvent jugées abusives et donc, doivent être revues.

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    2° L'origine L'accord négocié lors de l'Uruguay Round fournit à la fois des principes et un cadre en vue d'aboutir à l'élaboration de règles multilatérales et d'assurer plus de certitude dans la conduite du commerce mondial. Les règles d'origine devraient être harmonisées dans un délai de trois ans suivant l'entrée en vigueur de l'Accord instituant l'OMC. Cet accord couvre essentiellement l'emploi des règles d'origine dans le champ des mesures préférentielles négatives, à savoir les mesures de défense commerciale (droits antidumping, droits compensateurs, mesures de sauvegarde). II.C. Les accords commerciaux plurilatéraux Les deux plus importants accords commerciaux plurilatéraux concernent les marchés publics et l'aéronautique. L'accord signé à Marrakech élargit le champ de l'accord du Tokyo Round d'une part aux services, d'autre part aux marchés passés par des autorités publiques autre que le gouvernement central ainsi que par des services publics. En ce qui concerne l'aéronautique, un nouvel accord n'a pas pu être signé à Marrakech et l'accord conclu lors du Tokyo Round reste donc en vigueur. III. L'Accord général sur le commerce des services L'accord général sur le commerce des services constitue une tentative de transposer les principes du GATT dans le champ des services. Les entraves au commerce des services sont d'une autre nature que les entraves au commerce des marchandises. Elles sont pour l'essentiel constituées par des limitations à l'accès au marché et par des réglementations sectorielles relatives aux qualifications des prestataires et au contenu des services. Elles ne sont normalement pas constituées par des obstacles aux frontières tels que droits de douane, droits à l'importation ou taxes discriminatoires ou, par des quotas à l'importation. En outre, le commerce des services ne peut pas être séparé de la circulation des personnes physiques, de l'établissement et de la circulation des capitaux. L'accord établit lors de l'Uruguay Round établit essentiellement un cadre pour libéraliser le commerce des services. Ce cadre est fait de principes généraux,

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    assortis d'exceptions, de disciplines définies ou à élaborer, et surtout d'une méthode, celle de la négociation d'engagements spécifiques relatifs à l'ouverture des marchés. IV. L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce Cet accord traite de presque toutes les questions relatives à la propriété industrielle et à la propriété littéraire et artistique et non pas seulement des aspects directement relatifs au commerce. L'inclusion de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle consacre l'idée selon laquelle la plupart des aspects du droit de la propriété intellectuelle ont des effets sur le commerce. L'accord comprend des dispositions déterminant le contenu substantiel de la protection à accorder aux créations intellectuelles dans les pays membres de l'OMC, mais également des dispositions définissant la manière dont les membres de l'OMC doivent procéder pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle sur leur territoire. Pour définir le contenu de la protection, deux méthodes sont utilisées. Tout d'abord, les membres de l'OMC doivent respecter les dispositions des deux principales conventions internationales existantes, à savoir la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle et la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques. Référence est également faite à la Convention de Rome (1961) sur les droits voisins du droit d'auteur et au Traité de Washington (1989) sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés. Pour toute une série d'autres points, l'accord sur le droit de propriété intellectuelle prescrit l'octroi d'une protection normalement supérieure à ce que les conventions internationales existantes prévoient. Par exemple : - la protection du droit d'auteur doit avoir une durée minimum de 50 ans et s'étend aux programmes d'ordinateur;

    - les droits voisins (droits des artistes interprètes ou exécutants, etc.) sont reconnus et définis et leur durée de protection est de minimum 50 ans;

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    - la marque est définie et concerne tant les marchandises que les services. Sa durée de protection est de 7 ans au moins;

    - les brevets d'invention sont à accorder pour toute invention de produit ou de procédé, et doivent avoir une durée de 20 ans. Mais une période de transition, atteignant 10 ans pour les brevets de produit, est prévue en faveur des pays en voie de développement. 1.3.9. Une nouvelle organisation internationale : l'Organisation Mondiale du Commerce L'une des réformes majeures contenues dans les textes signés à Marrakech est la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), destinée à remplacer le système commercial du GATT. Il s'agit de la clé de voûte de l'ensemble du système créé au cours de l'Uruguay Round, qui servira de cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre les membres. Le siège de l'OMC se situe à Genève. Lors de la création de l'Organisation en 1995, celle-ci comptait 75 membres. En avril 2003 ce chiffre s'élevait à 146 (voir annexe III). Au centre du système commercial multilatéral se trouvent les Accords de l'OMC. Ces derniers sont négociés et signés par la majeure partie des puissances commerciales du monde et ratifiés par leurs parlements. Ces accords constituent les règles juridiques de base du commerce international.

    1° Objectifs

    Le principal objectif de l’OMC est de favoriser autant que possible l’harmonie, la liberté, l’équité et la prévisibilité des échanges.

    L'Organisation a quatre missions principales:

    - gérer et contrôler les Accords de libre-échange mis en place par l'Acte final de l'Uruguay Round;

    - établir le bilan des politiques commerciales des Etats membres;

    - arbitrer les conflits commerciaux entre Etats;

    - élargir les champs du libre-échange à de nouveaux domaines par l'ouverture de cycles de négociations.

    2° Structure et fonctionnement

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    Les décisions au sein de l'OMC sont prises par l’ensemble de ses membres, soit à l'échelon des ministres, soit au niveau des ambassadeurs et des délégués. Les décisions sont normalement prises par consensus. Un vote à la majorité est également prévu mais l'Organisation n'a encore jamais recouru à cette méthode. Les disciplines imposées aux pays par les règles de l’OMC sont le résultat de négociations entre les membres. Ce sont les membres qui font respecter les règles conformément aux procédures adoptées.

    Les organes de l'OMC (voir annexe IV) ressemblent à ceux de l'ancien GATT. A sa tête, on trouve la Conférence ministérielle qui est habilitée à prendre des décisions sur toutes les questions relevant de tout accord commercial multilatéral. Cette Conférence se tient en général une fois tous les deux ans. Les activités courantes menées entre les Conférences ministérielles relèvent de trois organes: le Conseil général, l'organe de règlement des différends, et l'organe d'examen des politiques commerciales. En réalité, ces trois organes ne font qu'un. En effet, leurs fonctions sont exercées par le Conseil général qui siège en vertu d'un mandat différent selon les cas. Le Conseil général agit au nom de la Conférence ministérielle pour toutes les affaires relevant de l'OMC. Ce Conseil général a encore un autre rôle: celui de superviser les activités de trois autres conseils. Ces derniers se sont vus attribuer trois grand domaines relatifs au commerce: le commerce des marchandises (l'ancien conseil du GATT), le commerce des services (GATS) et les aspects des droits de propriété intellectuelle (TRIPS) qui touchent au commerce. Tous ces organes sont assistés par le Secrétariat de l'OMC.22 Ce Secrétariat est placé sous l'autorité du directeur général, désigné par la Conférence ministérielle.

    De nombreux comités spécialisés, groupes de travail et groupes d’experts existent également. Ils s’occupent des domaines visés par les différents accords et d’autres domaines tels que l’environnement, le développement, les candidatures à l’OMC et les accords commerciaux régionaux.

    Tous les Membres de l'OMC peuvent participer à tous les conseils, comités, etc., à l'exception de l'Organe d'appel, des groupes spéciaux de règlement des différends, de l'Organe de supervision des textiles et des comités et conseils établis en vertu des accords plurilatéraux.

    Par rapport au GATT, l'aspect le plus marquant de l'OMC est sa procédure d'arbitrage des conflits commerciaux. Celle-ci est à la fois plus contraignante que par le passé et moins dépendante de l'existence d'un consensus entre les parties adverses à chaque étape du processus de résolution du conflit.

    22 GATS = General Agreement on Trade in Services; TRIPS = Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights.

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    Le nouveau mécanisme de règlement des différends prévoit la création d'un Office des Règlements des Différends (ORD) qui procédera par étapes : - consultation des membres concernés par le problème;

    - constitution éventuelle (après 60 jours) d'un groupe spécial (panel) destiné à examiner si la plainte est fondée;

    - recours éventuel à un organe d'appel;

    - détermination des compensations dans des secteurs les plus proches possibles. Les avis de l'ORD sont applicables dans un délai de 15 mois. Autre progrès : l'instauration de règles plus claires en matière d'enquête liée à des pratiques de dumping. En effet, les règles anti-dumping étaient de plus en plus appliquées à l'unique fin de protéger des marchés nationaux. L'OMC instaure également des règles de protection conditionnelle nettement plus contraignantes. En effet, trois textes importants ont été adoptés pour renforcer les règles de sauvegarde, d'antidumping ou de subventions. Ces textes créent des obligations précises et non de simples recommandations, leur signature et leur application sont obligatoires pour l'ensemble des membres de l'OMC, ce qui n'était pas le cas au GATT. Les changements les plus notables apportés par l'OMC portent sur trois points : l'intégration de nouveaux sujets (le commerce des services et la propriété intellectuelle), les dispositifs de protection conditionnelle et surtout le mécanisme de règlement des différends. Concrètement, l'OMC ne fonctionne pas de façon très différente du GATT et ne dispose toujours d'aucun pouvoir supra-national. Par contre, dans le cadre des engagements acceptés par les Etats contractants, l'OMC dispose d'un certain pouvoir disciplinaire. Comme au sein du GATT, les traitements d'exception seront encore autorisés, mais mieux contrôlés (majorité des deux tiers au sein de l'OMC).

    4° Réalisations

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    Depuis la création de l'OMC, cinq Conférences ministérielles se sont déjà succédée. La première, en 1996, s'est déroulée à Singapour. Cette Conférence visait à évaluer la mise en œuvre des accords de l'Uruguay Round. A l'issue de celle-ci, trois groupes de travail sur les "nouveaux sujets" (investissement, concurrence, transparence et marchés publics) ont été créé. La deuxième Conférence a eu lieu à Genève en 1998. Elle a pris acte des trois accords signés en 1997 sur les télécommunications, les services financiers et les technologies de l'information. Un accord provisoire fut signé sur le commerce électronique, continuant à l'exonérer de droits de douane.

    La troisième s'est tenue à Seattle en 1999. Cette Conférence ministérielle s'est soldée par un échec. Elle n’est pas parvenue à lancer un nouveau cycle de négociations commerciales sur la poursuite de la libéralisation du commerce. Tensions Nord-Sud, poids montant des pays émergents, dissensions entre les Etats-Unis et l'Europe sur la question de l'agriculture, contestations altermondialistes: tous ces facteurs ont sans doute contribué à cet échec.

    En 2001, la Conférence de Doha s'est penchée sur la question du développement des pays moins avancés. Cette Conférence a abouti au "Programme de Doha pour le développement" (voir section 2.4).

    La cinquième Conférence ministérielle de l'OMC s'est réunie à Cancun en 2003. Face à l'absence de compromis Nord-Sud sur le dossier agricole, les pays du Sud refusent l'ouverture de négociations sur les "sujets de Singapour" (investissements, concurrence, marchés publics, facilitation des échanges), la conférence s'est séparée sans adopter de déclaration finale. C'est la deuxième fois qu'une Conférence de l'OMC se clôt sur un échec.

    La création de l'OMC constitue une étape importante de la construction d'un système commercial plus efficace. Elle ne représente pas de vrais changements de structures, mais consacre la volonté de donner la primauté à des procédures multilatérales, en améliorant leur efficacité. Il reste que l'universalité des compétences est loin d'être assurée concrètement.

    5° Société civile et critiques adressées à l'OMC

    Chaque conférence de l'OMC, depuis celle de Seattle (1999), puis Doha (2001) et enfin Cancun (2003) montre avec éclat l'intérêt que suscite cette Organisation au sein de la société civile.

    A Seattle lors de la troisième Conférence ministérielle, les altermondialistes demandaient avec force la prise en compte des valeurs non marchandes dans la sphère économique: droits de l'homme, droits fondamentaux du travail,

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    principe de précaution, valeurs éthiques en matière de biodiversité, développement durable, etc.

    Ces altermondialistes qui constituent une grande mosaïque d'individus, adressent à l'OMC trois principales catégories de critiques:

    - manque de transparence et de démocratie. Exemples: négociations à huis clos, réunions "green room" excluant les représentants des PMA;

    - privatisation des services publics;

    - TRIPS. Exemple: prix inabordables des médicaments pour les PED;

    - suppressions d'emploi dans les PI et appauvrissement des PMA.

    Les divergences entre l'OMC et ses détracteurs tiennent, entre autres, au fait que l'OMC a été créée pour traiter des conflits commerciaux. Mais, par la force des choses, elle est amenée à traiter des problèmes qui sont de moins en moins commerciaux. 2. LES RELATIONS ENTRE PAYS INDUSTRIALISES (PI) ET PAYS EN DEVELOPPEMENT (PED) L'ensemble des PED a progressivement pris conscience des obstacles que constituait pour leur développement la nature des relations commerciales qui existent entre eux et les pays développés. La libéralisation du commerce entre Européens les laissait en marge. Ils continuaient à subir des droits de douane élevés, les grandes négociations commerciales, notamment dans le cadre du GATT, n'ayant eu que très peu de retombées sur eux. Les droits de douane des pays développés sont en outre tels qu'ils découragent tout effort d'industrialisation puisque, très faibles ou nuls sur les produits bruts, ils croissent avec le degré d'élaboration du produit. Devant ces difficultés qui ne semblent pas devoir se réduire, les PED obtiendront la convocation par les Nations Unies, en 1964, d'une Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) dont la décision principale sera de s'institutionnaliser sous la forme d'une nouvelle organisation internationale. C'est désormais dans ce cadre que se discutent les principaux aménagements aux relations commerciales entre PI et PED. 2.1. La Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

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    L'objectif assigné en 1964, à la première Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) était de procéder à une "restructuration du commerce international". Elle se tenait juste après les premières séances du Kennedy Round et dans la même ville, mais ses sessions présentaient plusieurs caractères propres : de nombreux pays en développement, membres de l'ONU mais pas encore du GATT, allaient s'y exprimer; les thèses interventionnistes, inspirées de celles de R. Prebisch, Secrétaire Général de la Conférence, allaient y être largement développées. Le thème principal était la solidarité en vue d'un développement mondial. Peu à peu, la CNUCED est devenue un organe permanent de l'ONU, avec la Conférence (plénière) se réunissant tous les quatre ans, et souvent préparée par des sous-groupes géographiques de pays (groupe des pays afro-asiatiques et groupe des pays latino-américains). Mais tout comme dans le cadre du GATT, la CNUCED n'est pas une véritable organisation internationale avec des institutions et des pouvoirs assortis de sanctions. La Conférence prend des "résolutions", mais celles-ci constituent seulement des recommandations et non des décisions. 2.1.1. La construction d'un nouvel ordre économique international A Genève, en 1964, la Conférence inaugurale a surtout été marquée par une discussion sur les principes qui devaient présider la restructuration du commerce mondial. Dans l'énumération de ces principes, on trouve déjà une série de thèmes qui seront à la base de ce que les PED définissent comme le nouvel ordre économique international. Cette idée, née au lendemain du premier choc pétrolier, tirait sa force de l'exemple et de la richesse de l'OPEP. Mais auparavant, les PED réclamaient un transfert important de ressources en leur faveur et des concessions de la part des PI sur les produits primaires. Parmi les principes énoncés par les PED dans le cadre de la CNUCED, on peut relever les suivants qui touchent plus spécialement au commerce et au développement: - le droit de chaque peuple à disposer librement de ses ressources naturelles pour son développement doit être reconnu; le prix des produits primaires doit cesser de se détériorer;

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    - la non discrimination dans les relations commerciales est nécessaire, sous réserve d'assurer des compensations pour rétablir l'égalité : il faut mettre en oeuvre une nouvelle division internationale du travail;

    - l'assistance technique et financière doit favoriser le processus d'industrialisation des pays en développement;

    - l'assistance économique et financière doit fournir les moyens de financement nécessaires sans constituer une charge insupportable pour les débiteurs;

    - la restructuration du commerce des invisibles (fret maritime, assurances) doit alléger les dépenses des pays en développement;

    - des mesures spécifiques doivent être adaptées selon les niveaux de développement des différents pays.

    Ces principes constituent en fait le programme de la CNUCED et les conférences ultérieures ont contribué à modeler le débat et à fixer les priorités. 2.1.2. Les conférences ultérieures New Delhi (1968) La CNUCED II obtient que les PI concèdent, en matière de produits manufacturés, des avantages tarifaires aux PED, sans que ces avantages ne soient étendus aux autres PI. Ceci constitue une dérogation au principe de non discrimination et sera concrétisé par la suite dans le Système Généralisé de Préférences (SGP) sans réciprocité.23 Santiago (1972) Déjà, à Genève, en 1964, les PI s'étaient engagés à verser au titre de l'aide au développement 1 % de leur revenu national. En 1972, et à Nairobi en 1976, on s'était mis d'accord sur un versement de 0,70 % au titre de l'aide publique, mais ces engagements n'ont jamais été respectés. Nairobi (1976) La CNUCED IV adopte le "Programme Intégré pour les Produits de Base" qui 23 Voir section 2.2.

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    prévoit la négociation d'accords internationaux produit par produit, la constitution d'un stock régulateur pour gérer l'offre et les prix, ce stock étant financé par un fonds commun. A Nairobi, on prévoit également la mise en place d'un fonds de soutien en faveur des pays les "moins avancés". Manille (1979) Une division apparaît au sein du "Groupe des 77", entre les pays producteurs de pétrole et les autres, la divergence étant fondée sur le frein au développement que constituait la hausse des prix pétroliers pour les PED importateurs. Belgrade (1983) - Genève (1987) Tout comme la Conférence de Manille, les CNUCED VI et VII n'apportent aucun progrès dans l'application des principes énoncés en 1964. La cause en est sans doute la dépression économique qui a conduit les PI à un repli dépourvu de solidarité avec les PED Carthagène (1992) - Midrand (1996) Les CNUCED VIII et IX portent en priorité sur les défis découlant de la mondialisation et de la libéralisation. La ligne de conduite est influencée par les négociations du GATT. La volonté de coopérer avec l'OMC est soulignée. Cependant, les avis sur les conséquences de la mondialisation sont partagés : les NPI asiatiques continuent de prospérer (la crise asiatique n'a pas encore éclatée) mais la situation des pays d'Amériques Latine et Centrale, plus particulièrement celle du Mexique, est source d'inquiétude. Bangkok (2000) Lors de la CNUCED X, les pays en développement ont réaffirmé dans la déclaration de Bangkok, que "tout cycle nouveau de négociations commerciales multilatérales devrait se dérouler dans l'optique du développement". São Paulo (2004) 2.1.3. Les résultats de la CNUCED

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    Les premières conférences ont été préparées de plus en plus rigoureusement par le "Groupe des 77", et peut-être que le résultat le plus positif de la CNUCED aura été précisément d'amener l'ensemble des pays en développement à forger une certaine unité et à se donner un programme précis. La modération de ce programme est peut-être la condition du maintien de l'unité. Elle s'appuie surtout sur l'affirmation renouvelée que c'est d'une négociation librement consentie que doit naître le nouvel ordre économique international. Mais les pays industrialisés ne s'engagent que très peu dans l'aide au développement; chaque projet est renvoyé pour une étude plus approfondie auprès de groupes spécialisés qui auront à juger de son efficacité. D'autre part, ils sont peu enclins à consentir des avantages commerciaux aux PED pour faciliter l'accès à leurs marchés. La fin des régimes communistes en Europe de l'Est (1989) a modifié la structure économique mondiale. Les PED craignent que les PI, surtout européens, se désintéressent de leur sort, au profit du nouveau marché potentiel qui se développe à l'Est. Depuis la création de l'OMC, l'objectif de la CNUCED vise surtout à définir une stratégie commune des PED tant que faire ce peut pour aborder la négociation à l'OMC. 2.2. Le Système Généralisé de Préférences (SGP) 2.2.1. Les origines du système Dès la fin de CNUCED I en 1964, les PED ont demandé que les barrières douanières des pays industrialisés (PI) soient réduites et même réduites de façon préférentielle. C'est-à-dire que les PED souhaitaient que la discrimination dont étaient victimes les produits manufacturés qu'ils avaient tendance à exporter se transforme en une discrimination en faveur de leurs propres exportations. De la sorte, les barrières à l'importation auxquelles leurs exportations se heurteraient seraient plus faibles que les barrières opposées aux mêmes produits originaires de pays plus développés. Les PED ont limité leurs exigences aux produits manufacturés parce qu'ils pensaient qu'il leur serait impossible d'obtenir des principaux pays

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    industrialisés, la libre importation de tous les produits. Quelques produits agricoles sont admis, mais les matières premières sont exclues. C'est à la CNUCED de New Delhi en 1968 que ce projet est adopté malgré les réticences des Etats-Unis. Le GATT accepte, en juin 1971, cette entorse à la clause de la nation la plus favorisée. Depuis le Tokyo Round (1979), par l'adoption de la "clause d'habilitation", le traitement préférentiel des PED est devenu une exception de plein droit à la clause NPF, voire même un principe fondamental du GATT. Ce système est connu sous le nom de "Système Généralisé de Préférences" (SGP) et consiste donc en la mise en application, par des pays donneurs, d'un schéma de préférences tarifaires non réciproques en faveur des produits finis ou semi-finis en provenance des PED. Les pays donneurs furent, dès le départ, la CEE, plus différents pays européens, ainsi que le Japon. Ce principe ne fut accepté par les Etats-Unis qu'en 1976. 2.2.2. Les propriétés et le fonctionnement du système Le Système Généralisé de Préférences (SGP) est dépourvu de base contractuelle. Il repose sur la juxtaposition des décisions appelées "schémas", mises en oeuvre unilatéralement par les pays développés. Les pays "donneurs" n'ont pu se mettre d'accord sur un schéma unique. Encore existe-t-il quelques caractéristiques communes à tous les schémas : aucun ne prévoit une libéralisation complète des articles originaires des PED. Des modalités restrictives dans le cadre de stricts contingents à l'importation sont partout prévues. Les schémas comportent typiquement les dispositions suivantes : - les produits visés : généralement les produits finis et semi-finis, avec des exceptions éventuelles;

    - les pays bénéficiaires : en principe, tous les pays moins développés, mais certains peuvent être exclus du bénéfice des préférences;

    - l'étendue de la préférence accordée : tarif réduit, ou franchise complète, sous réserve d'éventuelles limitations du volume annuel des importations admises au bénéfice des préférences;

    - les règles d'origine : degré de transformation dans les pays en

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    développement requis, pour que les produits soient éligibles au régime préférentiel;

    - clause de sauvegarde éventuelle, en cas de désorganisation du marché dans le pays importateur. Ces schémas sont revus annuellement. Le système lui-même est en principe temporaire et révocable. Le SGP constitue bien un privilège accordé par certains PI aux PED, comme le montre la figure 2. En effet, dans ce système, chaque pays industriel "donneur" admet qu'une certaine quantité d'importation en provenance des PED soit exemptée du droit de douane (ou soit taxée à un taux inférieur par rapport aux autres exportateurs). Si le droit de douane ad valorem en vigueur est PtPw OPw , le pays importe S1D1. Un accord de quotas permet aux PED de vendre une partie S1S2 sans payer de droit de douane au prix intérieur Pt, la quantité totale importée par le pays restant égale à S1D1. Cette situation conduit le pays importateur à une perte de bien-être supplémentaire par rapport à b + d , à savoir la surface c1 qui correspond à la

    recette douanière non perçue sur le quota préférentiel. Il s'agit donc bien d'un don (pas nécessairement désintéressé), justifiant le qualificatif de pays "donneur".

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    S + quota préférentiel

    Prix

    Prix intérieur

    Prix mondial

    Quantité

    a b d

    O

    Pt

    Pw

    D1

    c1 c2

    Sd d

    Dd

    S1 S2 D1

    quota préférentiel

    Figure 2 : le système de préférences généralisé

    2.2.3. L'efficacité du SGP sur le développement 24 Murray (1973) a donné une évaluation particulièrement pessimiste de l'avantage que les PED pouvaient envisager de retirer du SGP25. Ainsi, au total, 4% (au mieux, 4,2 à 4,4%) du total des exportations des PED vers les pays développés bénéficient du SGP Les critiques les plus récentes du système lui reprochent de procurer un avantage inespéré à des pays en nombre limité qui seraient capables d'exporter sans régime préférentiel, et de ne pas fournir aux autres des bases suffisamment assurées pour les inciter à prendre les risques de l'industrialisation.26 Il est à noter également que le SGP ne procurera un bénéfice aux PED que si l'exportateur est un producteur national. S'il s'agit d'une firme multinationale, 24 MURRAY T., "How Helpful is the GSP to Developping Countries", in The Economic Journal, June 1973, pp. 449-455. 25 Voir également O.C.D.E., le Système Généralisé de Préférences - examen de la première décennie, Rapport du Secrétaire Général, Paris, 1983. 26 DAVENPORT M., "Trade Policy, Protectionism and Third World", London Croom Helm, 1986, 152 p.; LANGHAMMER R.J. and SAPIR A., "Economic Impact of Generalized Tariff Preferences", London, Thames Essays n° 49, Gower, 1987, 70 p.

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    c'est celle-ci qui tire le bénéfice du quota préférentiel, l'avantage revenant aux PED ne correspondant dans ce cas qu'à l'impôt éventuellement perçu sur ce produit additionnel, rendu possible par le système. Le SGP procure d'autres avantages indirects aux PED, en ce sens qu'il constitue un certain stimulant à l'investissement : une firme multinationale peut avoir intérêt à implanter sa production dans un PED en vue de bénéficier du quota préférentiel, en plus d'une main d'oeuvre bon marché. Néanmoins, le Système Généralisé de Préférences reste l'objet de nombreuses critiques fondées sur sa précarité, sa complexité et son morcellement. Le nombre peu élevé de produits et de pays qu'il recouvre empêche le SGP d'être un moteur décisif du développement des PED. En janvier 2002, l'Union Européenne a adopté un nouveau Système Généralisé de Préférences qui sera maintenu jusque fin 2004. La redéfinition des objectifs du nouveau système portent essentiellement sur:

    - la restauration des marges préférentielles qui ont été érodées par la réduction des taux tarifaires suivant le principe de la Nation la Plus favorisée;

    - l'amélioration de l'efficacité du SGP comme instrument de développement durable (incitations pour que les pays bénéficiaires se conforment aux normes environnementales et sociales essentielles).

    Divers travaux27 laissent penser que les préférences commerciales non réciproques ont apporté, dans le meilleur des cas, des bénéfices économiques généralement limités sur le plan de l’augmentation de la part des pays en développement dans les échanges. Ces auteurs considèrent toutefois que le SGP a pu favoriser la croissance et la diversification des PED. On peut citer quelques facteurs réducteurs de l’efficacité des préférences commerciales: accès incertain aux marchés; nombre de produits trop restreint; règles d’origine excessivement sévères compte tenu de la capacité industrielle des pays en développement; compréhension ou prise en compte insuffisantes des préférences commerciales en vigueur et des conditions qui s’y attachent; faiblesse des capacités; et un environnement non approprié aux échanges, notamment sur le plan des infrastructures.

    Certains se demandent si les préférences commerciales accordées n’entraîneraient pas les pays bénéficiaires vers une spécialisation indésirable, ce qui constitue le contre-argument habituel contre la protection de l'industrie naissante.

    27 L'Observateur OCDE, KATSELI, L. "Capacité, échanges et développement", 2004.

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    2.3. Les Conventions de Lomé La Communauté Economique Européenne, devenue l'Union européenne, a mis progressivement en place un système de coopération avec l'ensemble des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Les Conventions de Lomé lient tous ces Etats entre eux et traduisent, au niveau communautaire, l'interdépendance qu'ont tissée l'histoire, le commerce, l'économie et la culture, entre l'Europe et les pays du Sud. En 1975, se substituant aux deux conventions de Yaoundé, "Lomé I" marquait le point de départ de ce qu'on appellerait bientôt la "politique de Lomé", par laquelle les Etats ACP bénéficient, sur le marché de l'Union, d'un régime préférentiel spécifique et, contrairement au SGP, de caractère contractuel.28 Les produits des pays ACP ont accès au marché de l'Union sans restrictions quantitatives et en franchise de droit de douane, à l'exception de certains produits agricoles. Par rapport au schéma de préférences généralisées appliqué par l'Union en faveur des autres pays, le régime de la Convention de Lomé ne comporte pas de limitations des volumes importés en franchise de droits, et couvre un plus vaste éventail de produits. A partir de la première Convention de Lomé (1975), les produits de l'Union ont cessé de bénéficier de préférences (dites "inverses") sur les marchés des pays moins développés partenaires. Les pays ACP conservent leur pleine autonomie de politique commerciale, sous réserve : - de ne pas établir de discriminations entre pays membres de l'Union;

    - de réserver à l'Union un traitement non moins favorable qu'aux autres pays industrialisés. La quatrième Convention de Lomé (décembre 1989) a régi les relations UE-ACP pour une période de 10 ans (au lieu de 5 ans lors des Conventions précédentes). La nouvelle Convention concrétise la volonté, exprimée par les deux parties,

    28 Les pays ACP sont surtout les pays de l'Afrique subsaharienne qui assurent, en termes de population, la plus grande partie des quelques 400 millions d'habitants de l'ensemble des pays ACP. Le Nigeria (120 millions d'habitants), l'Ethiopie et le Zaïre (chacun 35 millions environ), le Kenya, le Soudan et la Tanzanie constituent les pays les plus peuplés d'Afrique.

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    dès l'ouverture des négociations, de consolider, améliorer et renforcer un contrat de coopération fondé sur la solidarité et l'intérêt mutuel. Lomé IV réaffirme donc, avant tout, les principes sur lesquels se fonde la coopération ACP-CEE : non ingérence, respect de la souveraineté des partenaires, dialogue, sécurité et prévisibilité de l'aide et des avantages commerciaux. Parmi les innovations de Lomé IV, citons : - l'insertion d'un dispositif d'appui aux politiques d'assainissement économique;

    - une dotation spéciale supplémentaire viendra soutenir l'ajustement structurel nécessaire;

    - l'apparition d'un chapitre traitant de la dette;

    - l'accent plus marqué sur le rôle du secteur privé et en particulier, celui de l'investissement privé, dans la stimulation de la croissance et de la diversification industrielle;

    - l'ouverture à des formes de coopération décentralisées, en collaboration avec des acteurs non gouvernementaux;

    - le développement des activités de service;

    - la protection de l'environnement. Par ailleurs, les Conventions de Lomé s'attachent à améliorer régulièrement le régime commercial qui les sous-tend, les systèmes du STABEX et du SYSMIN, et recherchent constamment une plus grande efficacité dans la mise en oeuvre de la coopération pour le financement du développement. Force est de constater cependant que l'ampleur de l'aide accordée par l'UE ne répond pas entièrement aux voeux des pays ACP, dont la situation économique s'est nettement aggravée au cours des dernières années (tableau 1)

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    Ressources financières des Conventions (en millions d'Ecu)

    LOME I LOME II LOME III LOME IV

    (1975/80) (1980/85) (1985/90)

    (1990/2000)

    3.450 5.600 8.500

    12.000

    NB : Ces ressources sont surtout octroyées par le Fonds Européen de Développement (FED) sous forme de subventions.

    Tableau 1

    Lomé V (2000) marque la fin de "l'esprit Lomé". Cette convention a mis un terme aux préférences commerciales entre l'Union européenne et les pays ACP. Au lieu de stabiliser les économies, elle vise désormais à les ajuster au marché mondial. Lomé V a pour objectif de mettre les relations entre l'Union européenne et les pays ACP en conformité avec les règles de l'OMC. La libéralisation totale des pays ACP devrait intervenir en 2020, à l'issue de huit ans de préparation et de douze ans de démantèlement. 2.4. L'OMC et les pays en développement

    Plus des trois quarts des membres de l’OMC font partie des pays en développement ou des pays les moins avancés. Tous les Accords de l’Organisation contiennent des dispositions spéciales à l’intention de ces membres. Ils prévoient notamment une prolongation des délais pour la mise en œuvre des accords et des engagements, des mesures visant à accroître leurs possibilités commerciales et des mesures d’appui pour aider ces pays à mettre sur pied l’infrastructure nécessaire pour les travaux de l’OMC, à régler les différends et à appliquer les normes techniques.

    La Conférence ministérielle de Doha (2001) s'est penchée sur la question du développement de ces pays moins avancés. Cette Conférence a abouti au "Programme de Doha pour le développement". Avec ce programme, les membres de l'OMC ont mis les questions relatives au développement et les intérêts des membres les plus pauvres au centre de ses travaux.

    Doha prescrit l'incorporation systématique du traitement spécial et différencié des pays en développement dans les négociations, y compris agricoles, ainsi que l'organisation de programmes d'assistance technique.

    Enfin, certains points de l'Accord de Marrakech, constitutif de l'OMC, considérés comme inapplicables par les pays du Sud, pourront être renégociés.

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    Les négociations portent sur 21 sujets parmi lesquels on retrouve des thèmes classiques tels que l'agriculture, les services, la propriété intellectuelle, etc. A côté de cela, on trouve également des questions concernant l'environnement, l'endettement des pays en développement, le transfert de technologie, etc.

    Avant Doha, en 1997, une réunion de haut niveau sur les initiatives commerciales et l’assistance technique en faveur de ces pays a abouti à la création d’un “cadre intégré” associant six organisations intergouvernementales, destiné à aider les pays les moins avancés à accroître leurs capacités commerciales, ainsi qu’à la conclusion d’accords supplémentaires portant sur l’accès aux marchés à des conditions préférentielles.

    L’OMC organise chaque année une centaine de missions de coopération technique dans des pays en développement.

    2.5. Les rapports de force entre les Etats-Unis, l'Europe et les PED Le principe sur lequel repose l'OMC est l'égalité des pays membres: chaque Etat détient une voix quel que soit sa richesse ou son poids dans le commerce mondial. Cependant, cette égalité n'est que théorique car si tous les membres sont en effet présents dans les instances de l'organisation et participent aux décisions, la pratique des "green rooms" réunissant quelques membres influents de l'OMC, s'est généralisée. Ces réunions restreintes ne font l'objet d'aucune information et excluent de fait les pays pauvres, pénalisés par le manque de moyens et de compétences suffisantes pour faire valoir leurs droits. L'inégalité de participation tient aussi au fait que seuls quelques pays en développement pèsent dans les négociations. Seule une vingtaine de pays d'Afrique subsaharienne ont une représentation permanente à Genève. La libéralisation mondiale du commerce que prône l'OMC, engendre dans son application de profondes divergences d'intérêt sur les négociations régies par une relation de pouvoir qui favorise les plus forts. En matière agricole, l'Europe et les Etats-Unis refusent d'abaisser leurs barrières protectionnistes, ce qui entrave les exportations de produits agricoles des PED, alors que cette activité agricole est prépondérante chez eux. Mais par ailleurs, l'OMC, interdit à ces PED d'ériger une politique protectionniste à l'encontre des produits agricoles en provenance de l'Europe et des Etats-Unis. Il en est de même pour les produits textiles bien que le protectionnisme des pays développés se réduise suite au démantèlement progressif de l'Accord Multifibre. D'autre part, alors que suivant le raisonnement de la protection de l'industrie naissante, les PED peuvent avoir intérêt à se protéger certaines activités en vue

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    d'amorcer leur développement, les pays industrialisés leur imposent, via l'OMC, la libre circulation des biens et des services pour lesquels ils sont dominants. Lors de la conférence de Seattle, les pays du Sud ont cependant manifesté une volonté sans précédent de faire entendre leur voix, refusant que les pays occidentaux négocient sans eux et leur impose de facto une extension des accords de libre-échange. Depuis Seattle, les pays en développement ont continué à devenir de plus en plus revendicatifs. Ils ont pris conscience de leur pouvoir et sont fortement soutenus par les ONG. Or à l'OMC, il suffit qu'un seul pays bloque pour faire échouer l'ensemble de l'édifice. L'échec de la Conférence de Cancun en est une belle illustration: plus que jamais en conflit avec les Etats-Unis et l'Europe sur le dossier agricole, les pays du Sud ont réussi à créer un contre-pouvoir au sein de l'OMC. Le G21 réunissant 21 pays du Sud et représentant la moitié de la population mondiale, a réussi à faire valoir ses positions et à bloquer toute négociation sur d'autres sujets. Si la situation reste bloquée, on assistera à la multiplication des accords régionaux et bilatéraux de libre échange avec une compétition accrue entre la Chine, les Etats-Unis et l'Europe. Celui des trois qui conclura le plus d'accords bilatéraux imposera ses normes aux autres. Le jeu des alliances au sein de l'OMC n'est cependant pas clair car ces dernières peuvent changer selon les dossiers. En matière agricole, les Etats-Unis et l'Europe, grands fournisseurs de subventions, sont sans conteste alliés. Des pays très riches comme l'Australie et le Canada peuvent se trouver dans l'autre camp avec le Brésil et l'Inde lorsqu'il s'agit de défendre la suppression des subventions agricoles. Sur l'accès aux médicaments, l'Europe est du côté des PED. Tandis que les Etats-Unis se trouveront dans le camp des protectionnistes lorsqu'il s'agira de défendre leurs industries vieillissantes. 3. LES PREFERENCES MUTUELLES ENTRE PED Devant l'échec (ou le peu de résultats acquis au cours) des négociations avec les pays développés, l'insistance fut mise de plus en plus sur l'organisation de préférences mutuelles entre PED. Peu après avoir accepté le SGP en novembre 1971, le GATT acceptait une nouvelle exception au principe de la clause de la nation la plus favorisée, dans le cas des préférences entre PED dans la mesure où elles ont "pour objet de faciliter les échanges entre les participants et non de dresser des obstacles au commerce d'autres parties contractantes".

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    La Réunion du Sommet des Pays non Alignés (Alger, septembre 1973) avait souligné l'importance d'une coopération active entre PED; Cette idée a été reprise dans plusieurs des Conférences depuis et, en particulier, approfondie dans un rapport de la CNUCED préparatoire à la Conférence de Nairobi. La coopération mutuelle souhaitée devrait comporter, selon ce rapport, trois ensembles de dispositifs