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sont mises à fumer, la situation risque de deve- nir dramatique. D’autant que celles-ci présentent en outre une grande fragilité qui fait d’elles des victimes plus jeunes et plus gravement atteintes. PSII : Le tabac reste-t-il toujours l’ennemi numéro un ? Pr P.G. : Évidemment. Les mesures prises par les gouvernants ne seront jamais assez sévères. Je rappelle que le cancer du poumon reste parmi les dix premières causes de mortalité à un âge dont la moyenne a baissé du fait de la consommation plus précoce du tabac. PSII : La prise en charge de l’asthme connaît-elle des progrès ? Pr P.G. : La prise en charge de l’asthme en France n’est pas optimale. Le Plan Asthme en a pris acte et a proposé une série de mesures pour amélio- rer la situation. Ce plan se met en place progres- sivement. Le principal problème étant l’obser- vance des traitements au long cours, il s’agit de se focaliser sur le suivi du malade. A Montpel- lier, nous menons deux actions : – la première se développe dans le cadre de l’école de l’asthme. Une infirmière spécialisée, formée et encadrée par une équipe médicale, teste en ce moment l’intérêt de suivre certains asthmatiques à domicile par téléphone, en plus du suivi habituel. L ’évaluation est en cours ; la deuxième se déroule aux urgences du CHU. Une infirmière (qui se trouve être la même) forme ses collègues à l’éducation thérapeutique, dans le cadre d’un protocole de recherche cli- nique. L ’objectif est de mieux prendre en charge l’asthme aigu grave après le passage aux Quand on fait le tour des affections broncho- pulmonaires, on s’aperçoit vite combien sont néfastes certains comportements et délétères certains environnements. Le tabac, toujours le tabac ! Et cette mauvaise hygiène de vie, parfois subie, souvent risquée en toute inconscience ! Asphyxiant, irrespirable… des mots passés dans le langage commun, mais qui prennent un tout autre sens quand la pathologie s’installe… Entretien avec le Pr Philippe Godard 1 , du CHU de Montpellier. Professions Santé Infirmier Infirmière : Quels sont les grands axes de préoccupation des spécialistes de la pneumologie et donc de la Société de pneu- mologie de langue française (SPLF) ? Pr Philippe Godard : C’est toujours la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) qui nous préoccupe le plus. Elle connaît une forte croissance en termes de morbidité et de mortalité. Cette croissance ne se ralentira pas au cours des prochaines années. L ’infectiologie requiert, quant à elle, une attention particulière du fait de l’arrivée de nouveaux virus. L ’ensemble des thérapeutiques demande égale- ment que l’on s’y attarde. Bien sûr, le cancer du poumon reste un souci ma- jeur parce qu’il est encore très délétère. Il aurait tendance à diminuer dans certains pays (comme le Royaume-Uni), mais, chez les femmes qui se De l’importance des comportements et de l’environnement 21 lll Professions Santé Infirmier Infirmière - N o 49 - octobre 2003 1. Président du conseil scientifique de la Société de pneumo- logie de langue française (SPLF), chef du service des maladies respiratoires du CHU de Montpellier. Dossier réalisé avec la collaboration de Pneumologie Sommaire • BPCO : un dépistage trop souvent tardif • Asthme : incontournable observance • Mucoviscidose : quand l’origine est génétique • Tuberculose pulmonaire : une affection en recrudescence • Légionelloses : des pneumopathies surtout nosocomiales • Aspergillose pulmonaire : greffe pathogène sur terrain malade • Grippe et pneumonie à pneumocoques : des facteurs de risque superposables • Maladies de l’amiante : essentiellement professionnelles • Oxygénothérapie à domicile : entrée sur les soins “lourds” • Transplantation pulmonaire : un dernier recours © Garo/Phanie *DOSSIER PSII 49 26/11/03 13:58 Page 21

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sont mises à fumer, la situation risque de deve-nir dramatique. D’autant que celles-ci présententen outre une grande fragilité qui fait d’elles desvictimes plus jeunes et plus gravement atteintes.

PSII : Le tabac reste-t-il toujours l’ennemi numéro un ?Pr P.G. : Évidemment. Les mesures prises par lesgouvernants ne seront jamais assez sévères. Jerappelle que le cancer du poumon reste parmi lesdix premières causes de mortalité à un âge dontla moyenne a baissé du fait de la consommationplus précoce du tabac.

PSII : La prise en charge de l’asthme connaît-elledes progrès ?Pr P.G. : La prise en charge de l’asthme en Francen’est pas optimale. Le Plan Asthme en a pris acteet a proposé une série de mesures pour amélio-rer la situation. Ce plan se met en place progres-sivement. Le principal problème étant l’obser-vance des traitements au long cours, il s’agit dese focaliser sur le suivi du malade. A Montpel-lier, nous menons deux actions :– la première se développe dans le cadre del’école de l’asthme. Une infirmière spécialisée,formée et encadrée par une équipe médicale,teste en ce moment l’intérêt de suivre certainsasthmatiques à domicile par téléphone, en plusdu suivi habituel. L’évaluation est en cours ;– la deuxième se déroule aux urgences du CHU.Une infirmière (qui se trouve être la même)forme ses collègues à l’éducation thérapeutique,dans le cadre d’un protocole de recherche cli-nique. L’objectif est de mieux prendre en chargel’asthme aigu grave après le passage aux

Quand on fait le tour des affections broncho-pulmonaires, on s’aperçoit vite combien sontnéfastes certains comportements et délétèrescertains environnements. Le tabac, toujoursle tabac ! Et cette mauvaise hygiène de vie,parfois subie, souvent risquée en touteinconscience ! Asphyxiant, irrespirable… des mots passés dans le langage commun,mais qui prennent un tout autre sens quandla pathologie s’installe… Entretien avec le Pr Philippe Godard1, du CHU de Montpellier.

Professions Santé Infirmier Infirmière : Quels sontles grands axes de préoccupation des spécialistesde la pneumologie et donc de la Société de pneu-mologie de langue française (SPLF) ?Pr Philippe Godard : C’est toujours la BPCO

(bronchopneumopathie chronique obstructive)qui nous préoccupe le plus. Elle connaît uneforte croissance en termes de morbidité et demortalité. Cette croissance ne se ralentira pas aucours des prochaines années.L’infectiologie requiert, quant à elle, une attentionparticulière du fait de l’arrivée de nouveaux virus.L’ensemble des thérapeutiques demande égale-ment que l’on s’y attarde. Bien sûr, le cancer du poumon reste un souci ma-jeur parce qu’il est encore très délétère. Il auraittendance à diminuer dans certains pays (commele Royaume-Uni), mais, chez les femmes qui se

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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003

1. Président du conseil scientifique de la Société de pneumo-logie de langue française (SPLF), chef du service des maladiesrespiratoires du CHU de Montpellier.

Dossier réaliséavec la collaboration de

Pneumologie

Sommaire

• BPCO : un dépistage trop souvent tardif• Asthme : incontournable observance• Mucoviscidose : quand l’origine est génétique• Tuberculose pulmonaire : une affection en recrudescence• Légionelloses : des pneumopathies surtout nosocomiales• Aspergillose pulmonaire : greffe pathogène sur terrain malade• Grippe et pneumonie à pneumocoques : des facteurs de risque

superposables• Maladies de l’amiante : essentiellement professionnelles• Oxygénothérapie à domicile : entrée sur les soins “lourds”• Transplantation pulmonaire : un dernier recours

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urgences. Il n’est pas normal que des patients meu-rent d’une crise d’asthme. Nous sensibilisons doncces services à ce problème. L’enquête ASUR, conduitepar S. Salmeron, montre que le taux d’hospitalisa-tions après un passage aux urgences est plus élevéen France que dans les pays anglo-saxons. Des pro-tocoles commencent à être mis en place pour opti-miser la prise en charge et former les professionnelsen amont et en aval. Par ailleurs, compte tenu du rôle de l’habitatdans la maladie, un nouveau métier se déve-loppe : celui de conseiller en environnement in-térieur (CEI). Un diplôme interuniversitaire a étécréé. Ces CEI participent aux actions des écolesde l’asthme et contribuent à améliorer l’hygiènede vie des malades. Il est facile d’accuser la pol-lution, mais on ne peut nier les inconvénientsd’atmosphères calfeutrées, de l’humidité et, biensûr, du tabac à l’intérieur des maisons.

PSII : Les maladies infectieuses reviennent enforce. On parle beaucoup du syndrome respira-toire aigu sévère (SRAS), moins de la tuberculose.Pr P.G. : Le SRAS plane encore comme une épéede Damoclès. Le cycle du virus n’est pas connu.Il pourrait être instable au niveau de son ADN,rendant difficile son diagnostic, mais aussi sontraitement. La prochaine saison hivernale seracruciale. Le Congrès de pneumologie de languefrançaise (CPLF) consacrera une demi-journée àce problème important.La tuberculose est toujours un problème d’actua-lité. Certes, la prévalence en est désormais faible,et les changements d’attitude réglementaire vis-à-vis de la vaccination BCG sont justifiés. Mais la pré-carité, les mauvaises conditions socio-écono-miques et la pauvreté sont toujours des facteurs derisque. Il convient de continuer la lutte antituber-culeuse. En ouverture du prochain CPLF, les pneu-mologues de la SPLF ont organisé une conférenced’experts pour répondre à un certain nombre dequestions. Les pays francophones, en particulierd’Afrique, sont très concernés et participeront enmasse à cette conférence. Un grand nombre de ré-sumés ont été adressés pour le congrès.

PSII : Y a-t-il des disparités régionales pour cesmaladies infectieuses ?Pr P.G. : Oui et non. Quand il s’agit de maladiesdues à la précarité et à la concentration de la po-pulation, il est évident que la région parisienne estdavantage concernée. De plus, le climat est plusrude que dans le Midi. Mais, quand il s’agit de lé-gionellose, par exemple, tout le territoire peut êtreatteint. Ainsi, pendant que la région parisienne sepréoccupait des victimes de la canicule, nous

étions très soucieux des 37 cas de légionellose,dont trois décès, que nous avions à Montpellier.

PSII : Qu’est-ce qui rend la légionellose difficile àsoigner ?Pr P.G. : Les facteurs de risque sont l’immuno-dépression, le tabac et l’âge. Le pronostic dépendessentiellement de la rapidité à mettre en routeun traitement antibiotique adapté.

PSII : Si l’on revient aux services hospitaliers qui soi-gnent les maladies respiratoires, pouvez-vous dres-ser une typologie de ces maladies et des patients quioccupent ces services, en quelque sorte une infor-mation pour les infirmières qui veulent y travailler ?Pr P.G. : Les services des maladies respiratoiressont très divers et la typologie des malades qui ysont soignés dépend de nombreux facteurs. Ce-pendant, certaines tendances peuvent se dégager :l’oncologie est en nette progression. Le Plan Can-cer est le bienvenu. Les maladies infectieuses sontfréquentes et justifient souvent une hospitalisa-tion, surtout chez les personnes les plus âgéesayant des comorbidités, voire immunodéprimées.Les maladies bronchiques (asthme et BPCO) sont deplus en plus prises en charge en ambulatoire. Entermes d’investissement personnel, la pneumolo-gie est une spécialité très large puisque, d’une part,la gestion de la fin de vie est souvent nécessaire,d’autre part, la prise en charge de l’asthme aller-gique chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte jeuneest commune.

PSII : Pourtant, ces affections sont majoritaire-ment évitables par la prévention. Pr P.G. : La prévention dépend d’abord d’unebonne hygiène de vie au sens large du terme :équilibre alimentaire, exercice physique au grandair (des études sont actuellement publiées, faisantétat d’un taux moins élevé d’asthmatiques vivantà la campagne), et surtout, n’ayons pas peur de lerépéter, l’arrêt du tabac. C’est un domaine où l’in-firmière jouera un rôle de plus en plus important.Pour des raisons de démographie médicale, certes,mais aussi pour la place que prend l’éducation dupatient quant à l’observance des traitements. Onl’a vu pour l’asthme. D’ailleurs, lors du CPLF, du23 au26 janvier 2004 à Nice, la journée du 25abritera des sessions infirmières (prise en chargedu patient cancéreux, perfusions, surveillance épi-démiologique, etc.). Ce sera aussi l’occasion de-sessions qui mettront en exergue les complémen-tarités entre les divers paramédicaux commel’infirmière et le kinésithérapeute accueillant unenfant atteint de bronchiolite, par exemple.

Propos recueillis par Andrée-Lucie Pissondes

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permettent de diminuer la fréquence et la gra-vité des poussées évolutives de la maladie : trai-tement de foyers d’infections chroniques (dessinus par exemple), vaccination contre la grippechaque année et contre le pneumocoque tousles quatre ans. Tout fumeur de plus de 40 ansdoit bénéficier d’une surveillance de la mesurede son souffle, au minimum par la mesure dudébit de pointe.

Insuffisance respiratoire aiguë des BPCO

Dans son évolution, l’insuffisance respiratoiredes BPCO peut être marquée par l’apparitiond’épisodes d’insuffisance respiratoire aiguë. Épi-sodes de gravités différentes débutant par lasimple dégradation gazométrique pour atteindreensuite la grande détresse respiratoire.Dans la BPCO, l’obstruction bronchique est chro-nique, ce qui rend impossible la réalisation d’unehématose correcte. Des phénomènes compensa-teurs, musculaires notamment, permettent d’éta-blir un état d’équilibre. Lorsque les muscles res-piratoires ne peuvent plus répondre, il fautcompenser la charge supplémentaire de travailqui leur est demandée et apparaît alors l’insuffi-sance respiratoire aiguë (IRA). L’infection est la première cause de décompensa-tion. De nature le plus souvent bactérienne, elleatteint l’arbre bronchique plutôt que le paren-chyme. Le foyer de départ peut être dentaire ouORL. En même temps que la fièvre se déclare, lessécrétions bronchiques augmentent et devien-nent purulentes, la dyspnée s’accroît. Un accident thromboembolique est une autrecause possible : la recherche de signes de phlébitedes membres inférieurs est alors clinique et écho-graphique. Toute décompensation cardiaque, à lasuite d’une valvulopathie notamment, peut aussiêtre en cause.

Diagnostic et examens complémentaires En dehors des signes généraux liés à la cause,le tableau est marqué par la prédominance de

BPCO

Un dépistage trop souvent tardifDéfinie par une diminution irréversible des débits expiratoires, la bronchopneumopathiechronique obstructive, ou BPCO, est inconnue ou presque du grand public et même tropsouvent méconnue par les acteurs de santé eux-mêmes et les pouvoirs publics. Pourtant,lorsque l’essoufflement devient par trop gênant, il est trop tard, car les lésions broncho-pulmonaires sont définitives.

O utre son taux de mortalité élevé, la BPCO estnotamment la cause d’un handicap impor-

tant : l’insuffisance respiratoire. A cause d’elle,environ 30 000 personnes doivent recevoir del’oxygène ou une autre forme d’assistance respi-ratoire. Les spécialistes pensent que sa fréquenceet les risques de mortalité augmenteront dans lesvingt prochaines années.

DéfinitionLa cause la plus fréquente de la BPCO est le ta-bac. Sournoise chez le fumeur, qui considèrecomme normaux la toux et l’essoufflement, lamaladie se développe lentement et se définit parune diminution progressive des débits expira-toires. Parmi les autres causes, on retrouve lesexpositions professionnelles à des polluants telsque les gaz toxiques, les solvants, les produitsde la mine, les poussières de silice.La BPCO se manifeste souvent par une bronchitechronique (toux avec production de sécrétions,pendant au moins trois mois par an depuis plusde deux années consécutives). Le rétrécisse-ment des bronches malades freine le passage del’air, entraînant un essoufflement, d’abord à l’ef-fort, puis au repos. Une destruction progressivedes poumons (emphysème) peut s’ajouter aurétrécissement chronique des bronches.

Prévenir et dépisterLe dépistage peut être réalisé au moyen d’un dé-bitmètre de pointe (peak-flow). Mais la certitudedu diagnostic est apportée par des explorationsfonctionnelles respiratoires précises réalisées parun spécialiste qui évalue en détail l’obstructionbronchique, donc la sévérité de la maladie, touten permettant de suivre son évolution.Une radiographie du thorax, et parfois un scan-ner, sont nécessaires pour rechercher des com-plications ou une maladie associée.Comment éviter la BPCO ? Il est indispensable dene pas fumer ou d’arrêter le tabac dès que la ma-ladie apparaît. Diverses mesures préventives

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signes respiratoires. Une polypnée accompagnedes pauses respiratoires, un tirage costal, unerespiration abdominale avec contraction à l’ex-piration. L’auscultation retrouve l’encombre-ment avec une diminution du murmure vési-culaire, la présence de sibilants.Les signes cardiovasculaires (HTA, tachycardie,cyanose, sueurs, turgescence des jugulaires, foie cardiaque) sont les conséquences de l’hy-poxie et de l’hypercapnie. Des troubles de laconscience, une agitation plus ou moins pro-fonde sont également les résultats des troublesventilatoires.En premier lieu, la gazométrie sanguine révèleune hypoxémie (PaO2 inférieure à 60 mmHg),une hypercapnie (supérieure à 100 mmHg), uneacidose respiratoire. La NFS retrouve des signesinfectieux, avec une polyglobulie, une hyperleu-cocytose à polynucléaires neutrophiles, une ac-célération de la vitesse de sédimentation, uneaugmentation du taux de la protéine C réactive.Les explorations radiologiques ou scintigra-phiques sont utilisées essentiellement dans unbut étiologique.

TraitementDevant l’apparition d’une IRA, il faut commencerle traitement en milieu spécialisé. L’hospitalisa-tion est nécessaire et la réanimation souventutile. Les objectifs thérapeutiques sont de limi-ter l’hypercapnie et l’acidose, et d’améliorer l’hy-poxémie. Pour cela, on utilise souvent une oxy-génothérapie à faible débit pour ne pas risquerde majorer l’hypercapnie. Le débit optimal, voi-sin de 2 l/mn, est celui qui permet de faire bais-ser l’hypercapnie ou de la stabiliser tout en ob-tenant une PaO2 supérieure à 60 mmHg. Devant l’existence d’une infection, il est justifiéd’utiliser une antibiothérapie adaptée, utile aussid’y adjoindre une corticothérapie. Les ß2-mi-métiques permettent de provoquer une dilata-tion, la kinésithérapie respiratoire produit quantà elle une désobstruction. A ce stade d’IRA, le pa-tient est cependant souvent exténué, ce qui rendtoute rééducation impossible. Si l’oxygénothéra-pie est insuffisante, chez un malade aux musclesrespiratoires épuisés, l’assistance ventilatoire(AV) s’avère indispensable.

Jacques Bidart

Asthme Incontournable observanceL’asthme est une maladie inflammatoire des voies aériennes. Sur un terrain particulier,cette maladie entraîne une obstruction des bronches responsable principalement d’unedifficulté à respirer (difficulté à l’inspiration mais surtout à l’expiration). C’est unemaladie chronique, variable dans le temps et, contrairement à la BPCO, réversible grâceaux traitements.

L a crise d’asthme “classique” s’installe sous laforme d’un essoufflement qui s’accompagne

d’un sifflement. Une crise peut durer de quelques minutes à plusieurs heures. L’essouffle-ment s’accompagne généralement d’un senti-ment d’anxiété. Dans certains asthmes, une dys-pnée (difficulté à respirer) peut persister entre lescrises (asthme à dyspnée continue). Une touxsèche, chronique et nocturne, peut être un véri-table équivalent d’asthme, surtout chez l’enfant.L’asthme aigu grave (ou état de mal asthmatique)est une urgence vitale : c’est une succession decrises dont l’intensité s’accroît jusqu’à l’instal-lation d’un état d’asphyxie pouvant entraînerla mort.

L’asthme aux urgences Des résultats d’une étude française menée en 2001par le groupe de recherche Asthme-Urgences(ASUR) et parue dans The Lancet mettent en lu-mière, au mieux, une “certaine inadéquation” dessoins de l’asthme aux urgences en France par rapport aux recommandations existantes. L’ASUR, sous la conduite du Pr Sergio Salmeron, aprocédé à une étude transversale de cohortes sur12 mois, chez 3 772 patients qui se sont présen-tés avec une crise d’asthme aiguë dans 37 ser-vices d’urgences de France. Ce procédé a ainsipermis de mesurer l’efficacité des praticiens dansl’évaluation et la prise en charge des crisesd’asthme à l’aune des recommandations et des

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consensus internationaux les plus complets etrécents, c’est-à-dire ceux de la British ThoracicSociety et des National Institutes of Health amé-ricains. Tous s’accordent à recommander, en casd’exacerbations, l’emploi systématique de ß2-sti-mulants inhalés, de corticoïdes systémiques etd’oxygénation, et réservent les anticholiner-giques aux cas très sévères ou d’insuffisance destraitements de première ligne.

La prévention Des directives scandinaves au sujet de la pré-vention remontent au milieu des années 1990.Mais, à ce jour, les solutions proposées alorsn’ont pas fait la démonstration de leur intérêt,sauf, bien sûr en ce qui concerne le tabagisme etla pollution. Dans le dernier numéro d’Allergy,une équipe suédoise rapporte que ces efforts en-tamés il y a une dizaine d’années commencent àporter leurs fruits. En effet, la Suède est l’un despays les plus concernés par l’extension conti-nuelle de l’asthme. Ainsi, sur les 100 000 nais-sances comptabilisées chaque année, 8 500 en-fants environ seront amenés à payer leur tribut àcette pathologie sous ses différentes formes,asthme vrai ou “simple” wheezing (ou sifflement).Pourtant, près de 2 000 d’entre eux pourraientéviter de développer un asthme avant 2 ans, af-firme le Dr Magnus Wickman, de l’hôpital Karo-linska de Stockholm et auteur principal de cettenouvelle étude. Le Dr Wickman a repris les don-nées d’une étude prospective qui portait surquelque 4 000 enfants nés entre 1994 et 1996.Dès l’âge de 2 mois, on demandait à leurs parentssi oui ou non ils se conformaient aux recom-mandations édictées en Suède. Puis, à 1 et 2 ans,les enfants étaient reçus en consultation dansle but de détecter une éventuelle survenued’asthme ou de sifflements. Ainsi, les chercheurs se sont aperçus que les enfants élevés dans la droite ligne des recom-mandations avaient au minimum deux foismoins de risque de développer des maladies res-piratoires de ce type. Dans l’analyse, trois itemsen particulier démontraient leur importance :l’allaitement maternel, la non-exposition au ta-bac et la ventilation de la maison, notamment envue d’éviter l’humidité et donc les moisissures.Pour les familles les plus respectueuses de cesnotions, les prévalences de wheezing et d’asthmetournaient seulement autour de 12,6 % et 6,8 %,respectivement. Par opposition, ceux qui nese conformaient qu’à une de ces recommanda-tions ou ne s’y conformaient pas devaient dé-plorer des chiffres supérieurs à 24,1 % et17,9 %, respectivement.

En outre, cette division par deux du risque étaitencore plus flagrante chez les enfants de parentseux-mêmes allergiques, pour lesquels le risqueétait diminué par un facteur trois. Certes, ces ré-sultats n’existent que sur une base rétrospective,mais ils semblent suffisamment probants pourinciter à plus d’études dans ce domaine.

Comment affirmer le diagnostic ?L’existence d’une dyspnée n’est pas suffisantepour faire le diagnostic d’asthme. Tout essouffle-ment n’est pas un asthme !Il est donc important de mesurer le débit expi-ratoire de pointe (DEP) avec un peak-flow ou cer-tains autres débits pulmonaires, grâce à uneépreuve fonctionnelle respiratoire (EFR) effectuéedans un service spécialisé. Le degré de sévérité

de la maladie, évalué sur des critères cliniqueset sur les résultats des EFR, permet de classerl’asthme : intermittent, léger, modéré ou sévère.Parmi les facteurs déclenchants, la composantegénétique est aujourd’hui indiscutable. Plusieursgènes sont en cause. Néanmoins, tout enfant issude parent(s) asthmatique(s) ne deviendra pasforcément asthmatique lui-même, mais le risqueest plus élevé chez lui (20 % si un parent estasthmatique, 40 à 50 % si les deux le sont). Vien-nent ensuite les allergènes inhalés ou pneumal-lergènes (pollens, acariens, poils d’animaux, ca-fards ou blattes, moisissures), les allergènesingérés (aliments, boissons), les allergènes pro-fessionnels. Cependant, tous les asthmes n’ontpas une origine allergique. Après 60 ans, 8 asth-matiques sur 10 ne sont pas allergiques : ce sontdes asthmes dits “intrinsèques”.

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Les virus, la pollution atmosphérique, les fac-teurs psychologiques, les variations hormonales,l’effort, le tabagisme sont autant de facteurs pou-vant déclencher une crise chez un asthmatique.Il existe deux formes d’asthme : les asthmes in-termittents et les asthmes persistants. Dans desformes chroniques d’asthme, le traitement estpréventif, et associe un médicament bronchodi-latateur et un autre dit “anti-inflammatoire”. Ilfaut, dans la mesure du possible, que, avec le trai-tement, la mesure du souffle de l’asthmatiquesoit normale.On dispose actuellement de médicaments trèsefficaces pour traiter l’asthme, et il faut distinguerle traitement de la crise et le traitement de fond.Les médicaments bronchodilatateurs à actionrapide tels que la ventoline ou la terbutalinesoulagent très rapidement la crise et peuventêtre utilisés largement parce qu’ils sont sansrisque toxique lorsqu’ils sont inhalés. Si la crise

n’est pas améliorée dans un délai court, il fautrépéter leur utilisation et faire appel à un mé-decin. En effet, les non-réponses à ce type demédicament indiquent une crise plus gravequi justifiera probablement l’administration decortisone.Les médicaments bronchodilatateurs peuventavoir un effet retard et sont associés, dans lesformes persistantes d’asthme, à un traitementanti-inflammatoire. Ce dernier est utilisé en trai-tement de fond. Il ne soulage pas la gêne maisagit sur l’inflammation de la bronche. Les médi-caments les plus utilisés sont les corticoïdes. Lesantileucotriènes sont utilisés dans le traitementde certaines formes d’asthme pour une actionanti-inflammatoire complémentaire de celle de lacortisone. Les cromones sont des anti-inflam-matoires moins puissants et s’utilisent dans desformes peu sévères de la maladie.

A.-L.P.

MucoviscidoseQuand l’origine est génétiqueAvec une incidence de 1 personne atteinte pour 2 500 naissances (entretiens de Bichat 2002), la mucoviscidose est la plus fréquente des maladies autosomiques récessives. Elle est encore une maladie mortelle. Un enfant né en 2002 et atteint parla maladie aura une espérance de vie de 40 ans (médiane de survie actuelle : 30 ans).

M aladie autosomique récessive, la mucovisci-dose est due à une mutation du gène CF si-

tué sur le bras long du chromosome 7. Plusde 1 000 mutations ont été identifiées à ce jour.Cette mutation entraîne le dysfonctionnementd’une protéine transmembranaire, la Cystic Fibro-sis Transmembrane Conductance Regulator (CFTR),qui joue un rôle de canal ionique pour le chlore.Cette modification cause une augmentation de laviscosité du mucus tapissant les bronches par di-minution de son hydratation. Cette obstructionau niveau des bronches peut entraîner une insuf-fisance respiratoire mortelle, mais aussi une in-suffisance pancréatique par obstruction.

DiagnosticDès la naissance, alors que le poumon est normal,un syndrome occlusif par iléus méconial est pa-thognomonique. A l’absence d’émissions du mé-conium s’ajoutent des vomissements bilieux. Aupremier plan se trouvent parfois : une péritonite,

un volvulus du grêle, une atrésie du grêle, un ic-tère cholestatique. A ce stade néonatal, pour affir-mer le diagnostic, la radiographie de l’abdomensans préparation montre une distension des ansesintestinales, un côlon de petite taille ou des signesde péritonite. Un lavement doux permet alors sou-vent de lever l’obstacle. Chez le nourrisson, ce ne sont pas les signes di-gestifs qui sont au premier plan mais les manifes-tations respiratoires. La toux est chronique et lesbronchites sont récidivantes. Les radiographiespulmonaires confirment l’aspect auscultatoire, àsavoir l’existence d’une distension pulmonaire surdes obstacles mucopurulents. Des manifestationsdigestives dues à l’insuffisance pancréatique sontretrouvées, sans être prépondérantes. Une diar-rhée chronique graisseuse avec des selles de type“bouse de vache” accompagne un retard staturo-pondéral malgré un appétit conservé, voire aug-menté. L’analyse des selles retrouve une stéator-rhée, et la formule sanguine une anémie ferriprive.

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Chez l’enfant plus âgé, la répétition des épisodesbronchiques cause déjà une insuffisance respira-toire. Celle-ci se manifeste par une dyspnée d’ef-fort ou de repos, une cyanose des extrémités, unedéformation thoracique avec un thorax globuleux,un hippocratisme digital. Autant d’impressionsconfirmées par la radiographie du thorax, qui re-trouve un syndrome bronchique, des dilatationsbronchiques, des foyers opacitaires ou lobaires sys-tématisés, éventuellement un pneumothorax, unefibrose pulmonaire. Les signes d’insuffisance res-piratoire se retrouvent dans des gaz du sang per-turbés, avec hypoxie et hypercapnie, et dans unsyndrome respiratoire obstructif aux EFR. Lessignes digestifs sont chroniques et prennent laforme d’entéropathies diverses avec syndrome colitique, ballonnement, subocclusion ou mal deventre à répétition. Aigus, ils réalisent une hémor-ragie digestive, une invagination intestinale aiguë,un prolapsus rectal. En dehors des atteintes intes-tinales, au niveau du foie doivent être suspectéesune cirrhose, une fibrose, une lithiase vésiculaireavec atrophie et, au niveau du cœur, une insuffi-sance cardiaque avec cardiomyopathie. On peutcraindre aussi un diabète de type I, un retard pu-bertaire, une stérilité masculine par obturation descanaux déférents et, enfin, une déshydratation ai-guë avec hyponatrémie.

Forme chez l’adulteEn 1999, selon la Revue des maladies respiratoires,33 % des personnes atteintes de mucoviscidoseétaient des adultes. Pour 20 % d’entre elles, le dia-gnostic n’a été porté qu’après 18 ans. Un certainnombre étaient suivies pour une dilatation desbronches (DDB). Ainsi, pour tout homme présen-tant une DDB et une stérilité, le diagnostic de mu-coviscidose est quasi certain.

PronosticLe pronostic est apprécié au mieux à partir ducalcul du score de Schwachman, lui-même fondésur la fonction respiratoire, l’état nutritionnel etles examens radiologiques.Sont considérés comme péjoratifs : une insuffi-sance pancréatique, une atteinte étendue dugrêle, une cirrhose hépatique, une dénutrition,une insuffisance respiratoire, une cardiomyopa-thie, toute infection surajoutée à germes haute-ment pathogènes.

TraitementLa dysfonction de la CFTR est responsable de ladouble expression pathologique, à savoir diges-tive et respiratoire. Pour contrer cette anomalie,un traitement comprenant la kinésithérapie res-

piratoire essentielle, l’opothérapie pour com-penser une insuffisance pancréatique, et une an-tibiothérapie adaptée et à la demande doit êtreenvisagé. La DNase recombinante, puissant vis-colytique utilisé en inhalation, traite, elle, le ver-sant pulmonaire. La kinésithérapie respiratoire doit être pratiquéetous les jours. Le traitement antibiotique est indi-qué lors des poussées de surinfection. Il doit êtreassez prolongé (15 jours en moyenne) et à dosessuffisantes et adaptées pour éviter les résistances.Si, dans les expectorations, sont retrouvés desgermes rares ou très pathogènes comme le Pseu-domonas aeruginosa, l’administration des antibio-tiques se fera par voie intraveineuse, favorisée parla pose d’un cathéter sous-clavier ou jugulaire(Port-a-cath) à raison de trois perfusions quoti-diennes d’une demi-heure chacune. Si la colonisa-tion bactérienne à Pseudomonas est chronique, l’an-tibiothérapie sera pratiquée en continu en aérosol.Un aérosol qui associera volontiers un antibiotique(colimycine, tobramycine), de la RhDNase muco-lytique, un bronchodilatateur ß2-mimétique ; unanticholinergique est recommandé. En cas d’insuffisance respiratoire, l’oxygénothé-rapie est prescrite en cure, voire en continu.La thérapie génique n’a pas encore confirmé lesespoirs mis en elle. La colchicine, extrait végétal,offre une approche thérapeutique intéressantesur les signes cliniques comme en amont, surl’expression biologique de la maladie. En utili-sant tout l’arsenal thérapeutique, la duréemoyenne de vie d’un patient atteint ne dépasseguère 40 ans actuellement. Cependant, un espoirraisonnable réside dans la recherche, dans le dé-pistage néonatal récemment introduit, qui per-met un repérage précoce de l’affection, et, mal-gré tout, dans les thérapies géniques.

J.B.Pour en savoir plus : Société de pneumologie de langue française (SPLF).

Tél. : 01 46 34 03 87. Internet : www.splf.org

Les signes d’aggravation essentiels Évoluant au rythme des poussées de surinfectionbronchique, l’aggravation se porte sur l’état res-piratoire. Le patient tousse davantage, l’expecto-ration devient plus visqueuse, plus abondante,purulente. En même temps qu’augmente la dys-pnée, la capacité à se mouvoir diminue.Une asthénie générale apparaît, avec un amaigris-sement. La modification de la température et celledes aspects radiologiques présents sont des signesd’aggravation ; ils peuvent cependant être absents.

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Pneumologie

Tuberculose pulmonaireUne affection en recrudescenceEn France, la tuberculose est toujours présente. Le nombre de cas a même augmentéau début des années 1990. Il paraît donc important aujourd’hui de savoir reconnaîtrecette maladie afin de la traiter le plus rapidement possible.

L a tuberculose est une maladie infectieuse dueau bacille de Koch (Mycobacterium tuberculo-

sis). Un malade tuberculeux transmet les bacillesen toussant, crachant, éternuant ou simplementen parlant. Les microbes restent présents dansl’air pendant plusieurs heures. Les personnes aucontact du malade ou dans les locaux qu’il fré-quente peuvent donc respirer les bacilles.Il se produit alors une “primo-infection”, ou infec-tion tuberculeuse latente. Elle peut passer inaper-çue, car elle n’est pas contagieuse. Dans 10 % descas environ, elle évolue vers une tuberculose, quipeut elle-même être contagieuse et grave. Il peuts’écouler plusieurs mois, voire plusieurs annéesentre la primo-infection et la maladie elle-même.Si un traitement donné est correctement suivi, letaux de guérison est proche des 100 %.N’importe qui peut être atteint de la tuberculosemais le risque augmente chez les personnesayant été en contact avec un malade tuberculeuxou chez celles vivant en collectivité, enfin chezles immunodéprimés.

Les signes qui alertentLes examens à effectuer en priorité sont : la ra-diographie pulmonaire, la recherche de bacillesde Koch et un test tuberculinique par intrader-moréaction (IDR) à la tuberculine. Seule la miseen évidence des bacilles constitue un diagnosticde certitude. Et c’est uniquement grâce à la dis-parition complète de ces bacilles qu’une guéri-son peut être affirmée après traitement antibio-

tique. Les crachats sont étudiés, le matin à jeun,pendant 3 jours de suite. Si des crachats sponta-nés ne peuvent être obtenus, deux méthodespeuvent être utilisées, mais elles nécessitent sou-vent une hospitalisation : le tubage gastrique ef-fectué le matin avant le lever et la fibroscopiebronchique avec aspiration des sécrétions.Lorsque le bacille de la tuberculose est trouvé, sasensibilité aux antibiotiques doit être testée grâceà l’antibiogramme.A l’heure actuelle, un test de dépistage pour leVIH devrait être effectué chez tout sujet tuber-culeux, car la tuberculose est plus fréquente chezles personnes séropositives.

Quel traitement ? La tuberculose est une maladie à déclaration obli-gatoire (elle peut être extrapulmonaire également).Toutes les formes de tuberculose nécessitent un trai-tement antibiotique. Ce traitement dure au mini-mum 6 mois et doit être pris de façon régulière sansinterruption. Le traitement comporte plusieurs an-tibiotiques et nécessite un suivi régulier par le mé-decin qui doit être attentif à sa tolérance. A partirdu début du traitement, la contagiosité diminueavec le temps. Une hospitalisation peut s’avérer in-dispensable dans certains cas. Si la personne ma-lade est hospitalisée et présente une tuberculosecontagieuse, des mesures d’isolement respiratoireseront prises (chambre à un lit, port du masque).La primo-infection récente peut justifier un trai-tement préventif afin de limiter le risque de pro-gression ultérieure vers la tuberculose. Le traite-ment préventif comporte en général un seulantibiotique.Chez la femme enceinte, la tuberculose doit être impérativement traitée. Toutefois, les antibio-tiques utilisés dépendent de la phase de la grossesse.Quand un traitement a été trop court ou pris ir-régulièrement, les bacilles peuvent devenir ré-sistants à certains antibiotiques. Il faut alors lesremplacer par d’autres dont la sensibilité est tes-tée par antibiogramme. Le traitement adapté seraen général prolongé et impose un isolement enmilieu hospitalier spécialisé.

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LégionellosesDes pneumopathies surtout nosocomialesLors du congrès de l’American Legion, en 1976, a été découverte une nouvelle bactérie,la Legionella pneumophila. Depuis, d’autres bactéries du même type ont été identifiéescomme étant responsables de 3 à 5 % des pneumopathies, voire davantage.

S urvenant plus particulièrement à la fin del’été, ou à l’automne, la légionellose touche

des bâtiments entiers. Si la bactérie responsablesiège naturellement dans les ruisseaux, les lacset les rivières, la contamination se fait à partirde micro-organismes en suspension dans l’air,provenant de la condensation de systèmes derefroidissement, mais aussi de l’eau issue depommes de douches contaminées. C’est ainsique les hôtels, les piscines, les saunas commeles hôpitaux sont des cibles privilégiées.La contamination interhumaine n’a pas été dé-montrée. Le risque létal se retrouve surtout chezles patients hospitalisés et immunodéficients.C’est le cas des transplantés rénaux ou car-diaques, des greffés médullaires, des patientssous corticothérapie au long cours.

DiagnosticLa période d’incubation de la maladie s’étend enmoyenne sur 2 à 10 jours. Si l’affection toucheprincipalement les personnes d’âge moyen, ellea une préférence pour ceux présentant des fac-teurs de risque, qu’il s’agisse du tabac, de l’alcoolou d’une immunodéficience. Le premier signeest une dissociation entre la fièvre souvent éle-vée et un pouls ralenti. Les signes de début sontceux d’une grippe banale avec des céphalées,des myalgies, une sensation de malaise général.Survient alors une toux d’abord sèche, puis ra-pidement productive. Si la diarrhée est fré-quente, les troubles de conscience, à type d’ob-nubilation, sont plus rares. Peu de signes sontdonc réellement pathognomoniques. La radio-graphie confirme l’atteinte pulmonaire avec laprésence d’un infiltrat segmentaire ou lobaire.L’évolution peut se faire vers une bilatéralisationdes atteintes, l’abcédation des lésions ou encorel’apparition d’épanchements pleuraux. L’aspectsur les clichés peut être aussi celui d’un poumontruffé d’opacités signant des emboles septiques.L’examen du liquide céphalorachidien, effectuési des troubles de la conscience existent, est nor-mal, comme d’ailleurs celui des selles. La for-mule sanguine retrouve une hyperleucocytose,l’ionogramme une hyponatrémie.

Autant de signes peu explicites, qui sont plusdes arguments de suspicion que des preuvesdiagnostiques. D’où la nécessité de recourir àdes méthodes d’identification directe fondéessur l’immunofluorescence sur les crachats ousécrétions bronchiques. On utilisera aussi lescultures spécifiques et l’antigénurie. Les prélè-vements sont effectués dans les expectorations,le liquide pleural, les aspirats trachéobron-chiques, le sang.

TraitementL’antibiotique de référence est l’érythromycine,utilisée à raison de 500 mg toutes les six heures.En cas d’intolérance, d’allergie médicamen-teuse, c’est la doxycycline qui est choisie. Dansles cas graves, une association peut être préco-nisée. Mais aussi l’emploi de triméthoprime +sulfaméthoxazole, voire de quinolones. Le trai-tement est à poursuivre pendant trois semaines,en moyenne, pour éviter les rechutes.

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Pneumologie

Aspergillose pulmonaireGreffe pathogène sur terrain maladeMycose pulmonaire due à une moisissure, l’Aspergillus est contenu dans le sol ou les débris organiques. Son pronostic est d’autant plus grave que son diagnostic est souventdifficile et donc posé avec retard. Plus de 300 espèces d’Aspergillus existent maisseules quelques-unes sont pathogènes pour l’homme.

C es espèces d’Aspergillus se trouvent dans l’en-vironnement immédiat des patients, que ce

soit à l’extérieur, dans la terre et les débris vé-gétaux, ou à l’intérieur des habitations, dans lapoussière de maison par exemple. Ces moisis-sures se reproduisent par des spores propagéespar l’air jusque dans les bronches des per-sonnes. C’est donc par simple inhalation que lacontamination se produit. Si un nombre suffi-sant de spores est introduit, tel qu’il dépasse lesmoyens de défense naturels que sont les ma-

crophages, les cils et le mucus, l’infection atteintles bronches, les poumons. Cependant, cetteinfestation ne se produit jamais sur un terrainsain. Une atteinte pulmonaire doit préexister,dans le cadre d’une mucoviscidose, d’une dila-tation des bronches ou de tout obstacle à unecirculation laminaire d’air. Pour que la greffe as-pergillaire prenne, il faut également que pré-existe une cavité : une caverne ancienne tuber-culeuse ou sarcoïdienne, un emphysème ouencore une tumeur excavée. Dans cet espace,vont alors proliférer les moisissures réalisantl’aspergillome.

DiagnosticLe premier symptôme à apparaître est la toux. Ba-nale au début, c’est son caractère traînant finit parinquiéter. D’autant que s’y ajoutent une hémopty-sie, une fatigue anormale et un amaigrissement.Devant le moindre doute, comme une toux quitraîne, une radiographie s’impose.On retrouve, au sein de la cavité déjà signalée,une opacité dense arrondie ou ovalaire, mobileaux changements de positions. C’est un caractèreessentiel et recouvert d’une image de clarté ga-zeuse en croissant. Classiquement on parle d’as-pect “en grelot”.Afin de déterminer l’agent pathogène, on réa-lise un sérodiagnostic. On met ainsi en évi-dence les anticorps anti-aspergillaires. Ces ré-sultats sont à corroborer par les suivants devantla présence, chez de nombreuses personnes, de

Quelques cas• L’aspergillose allergique associe l’atteinte pul-monaire, une rhinite, une conjonctivite et un eczéma atopique. Les IgE spécifiques sont posi-tives, avec une hyperéosinophilie.• L’aspergillose peut être une maladie profes-sionnelle des travailleurs du malt, des fermiers, ouencore la maladie des climatiseurs.

La psittacose : le pigeon pollueur

Diarrhée, fièvre (38,5 oC), céphalées diffuses,toux d’apparition brutale : le diagnostic semblefacile, et pourtant... En deux jours, la fièvre estvoisine de 40°, les céphalées augmentent, et denouveaux symptômes apparaissent (discours,par moment, incohérent dans sa forme et dansson contenu).L’examen clinique traduit à l’auscultation l’exis-tence d’un foyer pulmonaire, des signes de souf-france méningée : une raideur de la nuque, desvomissements. Les examens complémentairesconfirment l’existence d’un foyer pulmonairesystématisé, avec une hyperleucocytose à poly-nucléaires neutrophiles (18 000, dont 93 % dePN) ; les examens neurologiques spécialisés, en particulier la ponction lombaire, eux, sontnormaux.Les sérodiagnostics et l’interrogatoire poussépermettent le diagnostic : il s’agit d’une pneu-mopathie à Chlamydia psittaci due au contact defientes de pigeons. Il semble que l’affection nesoit pas assez suspectée. Elle ne touche pas seu-lement les éleveurs d’oiseaux, de nombreusesvilles étant largement pourvues de pigeons.C’est pourquoi les déjections de pigeons (oud’autres volatiles) doivent être nettoyées, en por-tant un masque, au moyen de désinfectants detype solution de Dakin®.

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ces anticorps de manière non pathogène. Lediagnostic est positif si on retrouve, par le testElisa, les antigènes circulants. Il est plus délicatde mettre en évidence le champignon par bron-choaspiration, peignage ou lavage alvéolaire.Devant le risque de contamination exogène,l’analyse des crachats est, quant à elle, peufiable.

Parfois, la découverte du diagnostic d’aspergil-lome se fait par élimination. Une pneumopathieaiguë qui traîne malgré un traitement antibio-tique correctement choisi et suivi doit faire évo-quer la possibilité d’une greffe aspergillaire. Unesupposition qui doit même être faite d’emblée,lorsque le patient présente un terrain affaibli : fu-meur, tuberculeux ancien, présentant ou ayantprésenté une sarcoïdose, personne âgée, alcoo-lique, sujet immunodéprimé.

TraitementLimité par une toxicité rénale, l’amphotéricine Ben intraveineuse est désormais remplacée parl’itraconazole donné per os.En cas de doute sur le diagnostic, en particulierchez une personne immunodéprimée, leucé-mique ou transplantée, il est licite, devant unesymptomatologie pulmonaire, de prescrire desantifongiques parallèlement à un traitement antibiotique.

J.B.

Anthrax pulmonaire : à cause du bioterrorismeLa maladie du charbon fut la première maladie in-fectieuse bactérienne dont on a identifié l’agent cau-sal, et ce, grâce à Pasteur, qui mit également au pointle vaccin vétérinaire. Il s’agit d’une maladie infec-tieuse non contagieuse qui, dans les conditions ha-bituelles, atteint très rarement l’homme. La maladie du charbon est avant tout une maladieanimale ; connue de longue date, elle atteint princi-palement les herbivores (ovins, bovins, caprins,équins) sous forme d’épidémies (épizooties), de ma-nière endémique ou sporadique, selon les régions dumonde. La bactérie (Bacillus anthracis, d’où le nomd’“anthrax” donné à la maladie par les Anglo-Saxons) vit dans la terre où elle prend la forme d’unespore qui peut survivre plusieurs années. Lorsque desanimaux étaient infectés, ils étaient abattus puis en-fouis dans le sol. Les spores de charbon remontaientà la surface du sol grâce au travail des vers de terre,et elles contaminaient l’herbe et les plantes fourra-gères ingérées par les animaux. Aujourd’hui, les ani-maux malades sont brûlés. La contamination chez l’homme peut se présentersous forme cutanée, digestive ou pulmonaire. Laforme pulmonaire ou “anthrax pulmonaire” ou en-core “maladie des trieurs de laine” apparaît aprèsl’inhalation de spores, particulièrement si celles-cisont dispersées dans un aérosol. La durée de l’in-cubation de la maladie peut varier de 1 jour à2 mois. Il s’agit de la forme la plus redoutable. Elle

commence habituellement comme un rhume puis,au bout de 24 à 48 heures, apparaît un syndromegrippal : fièvre, maux de tête, malaises, douleursmusculaires, toux, gêne respiratoire. Ensuite la ma-ladie évolue en une semaine vers une détresse res-piratoire, une insuffisance cardiaque et le coma.Une fois que la maladie s’est déclarée, l’évolutionest souvent fatale. L’inefficacité du traitement ins-tauré tardivement est liée en partie au rôle particu-lier de la toxine élaborée par le bacille ; cette toxineest responsable de l’extension de la nécrose etdes manifestations à distance du foyer infectieux,comme l’atteinte encéphalitique. C’est seulementpar un traitement précoce, instauré avant la48e heure après la contamination, que l’on peut es-pérer améliorer le pronostic.Aujourd’hui, la maladie refait parler d’elle à cause durisque de bioterrorisme. Si l’on suspecte une expositionà la bactérie, un traitement antibiotique doit être im-médiatement mis en place (fluoroquinolone). Le traite-ment sera maintenu 8 semaines si l’on a une confir-mation bactériologique, et même prolongé au-delà,avec d’autres antibiotiques. Les recherches s’oriententvers des thérapeutiques qui pourraient s’opposer à l’ac-tion de la toxine du charbon composée de trois pro-téines : l’antigène protecteur (AP), qui se lie à un ré-cepteur de l’hôte infecté, le facteur létal (FL) et le facteurœdémateux (FO), à l’intérieur de la cellule.

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Pneumologie

Grippe et pneumonie à pneumocoquesDes facteurs de risque superposablesLa grippe est au premier rang des infections virales épidémiques. Le pneumocoqueest le premier des agents infectieux des pneumonies aiguës communautaires (PAC).On estime l’incidence des pneumonies à pneumocoques à 132 000 cas annuels sur en-viron 400 000 cas de PAC.

P our la grippe et pour les pneumonies à pneu-mocoques, les facteurs de risques en termes

de morbidité et de mortalité sont superposables,en particulier l’âge (à partir de 65 ans) et les prin-cipales comorbidités (maladies respiratoireschroniques, pathologies cardiovasculaires, neu-rologiques, diabète...), explique le Pr Paul Léo-phonte (service de pneumologie de l’hôpital Ran-gueil-Larrey de Toulouse)*. Le pneumocoqueest, avec le staphylocoque doré et Haemophilusinfluenzae, l’un des trois principaux agents dessurinfections bronchopulmonaires au cours de lagrippe, surtout en période de pandémie grippale.Lors d’une grippe, la surinfection pulmonairebactérienne survient à titre de complication cli-nique après 3 jours à 2 semaines d’évolution de la maladie. Elle est marquée par la recru-descence de la fièvre, une toux et une expectora-tion sanglante ou purulente. Quelquefois, le pa-tient présente un essoufflement et des douleursthoraciques. C’est l’examen radioclinique quiconfirme le diagnostic de pneumonie. La surin-fection bactérienne se développe d’autant plusque les défenses du patient sont fragilisées. Lesvirus infectent et détruisent les cellules ciliées dela muqueuse des voies respiratoires. « La défenseantimicrobienne est entravée, au niveau du poumonprofond, par des altérations, dues au virus, de lafonction des macrophages alvéolaires, dont l’un desrôles est de phagocyter les micro-organismes inhalésparvenus aux alvéoles. De surcroît, l’exsudation ausein des alvéoles pulmonaires constitue un milieupropice à la multiplication bactérienne », soulignele Pr Paul Léophonte.Aujourd’hui, la vaccination grippale annuelle etla vaccination pneumococcique tous les cinq anspermettent d’obtenir un bénéfice significatif entermes de morbidité et de mortalité.

Toux prolongée postgrippaleLa toux est un symptôme particulièrement inva-lidant et elle peut être durable. Au bout de 3 se-

maines, elle peut devenir une maladie autonomeautoentretenue. De plus, elle est un “vecteur épi-démique” très efficace de propagation des agentsinfectieux. Le Pr Daniel Dusser (hôpital Cochinde Paris, service de pneumologie) a analysé lesmécanismes de ces toux prolongées.Après infection virale, les récepteurs de la touxsont stimulés par des facteurs mécaniques (sé-crétions bronchiques), des irritants (cigarette,ozone, SO2) ou des médiateurs tussigènes. L’hypersécrétion de mucus bronchique est pro-bablement un facteur déterminant. Les méca-nismes de cette hypersécrétion commencent à

* 16es Rencontres européennes sur la grippe et sa prévention (Porto,

septembre 2003).

La prévention : de la grippe au SRAS

Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) estune pneumopathie due à un Coronavirus. Latransmission interhumaine se fait lors descontacts rapprochés, par voies aérienne (goutte-lettes ou “droplet”), ou manuportée. Un officeou un secteur géographique isolé du reste du ser-vice doit être réservé à la prise en charge des pa-tients suspectés de développer l’infection. Le SRAS

est, pour l’instant, une affection peu répandue.La mission de suivi du SRAS a été confiée auxGroupes régionaux d’observation de la grippe(GROG) parce que leurs coordinations sont mobi-lisables en quelques heures et que les médecinsvigies des GROG ont une grande habitude des pré-lèvements rhinopharyngés. L’ensemble des dis-positifs d’alerte a été coordonné par les membresde la Direction générale de la santé, notammentceux qui ont en charge le “plan pandémique” degrippe, appuyés par l’unité des maladies infec-tieuses de l’Institut de veille sanitaire.La crise du SRAS est survenue en pleine phase depréparation du plan “Pandémie grippale” enFrance. En somme, une répétition “pour de vrai”.L’expérience d’anticipation d’une épidémie degrippe pouvant servir d’exemple à la préventiond’épidémie de SRAS.

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un “embrasement du système glutamatergique”(NMDA), dans lequel un abaissement central duseuil de la toux entraîne une hyperexcitabilitébronchique apparente. Cette toux maladive re-pose donc sur la pérennisation de l’amplifica-tion du mécanisme de la toux, accompagnéed’une réorientation de la plasticité synaptique.Neuf fois sur dix, ces toux chroniques postin-fectieuses surviennent chez des femmes. Cemécanisme d’inégalité sexuelle a été étudiéchez les souris et les rates femelles : les estro-gènes stimulent les domaines NR1 et NR2B durécepteur NMDA (N-méthyl D-aspartate), ce quigénère une plasticité synaptique, même chezles souris femelles âgées. Ce rôle central du ré-cepteur NMDA explique peut-être certains effetsantitussifs de l’amantadine (médicament anti-viral spécifique de la grippe A, dont on connaîtbien, par ailleurs, les effets psychiatriques ouhallucinogènes). Il faut souligner que la grippe est une source im-portante, gravissime, coûteuse et évitable d’in-fections nosocomiales pouvant sévir dans n’im-porte quel service hospitalier, n’importe quand,même en dehors des épidémies, et touchant despatients de tous âges. Sa gravité est spécialementdramatique chez les jeunes enfants, les per-sonnes âgées et les immunodéficients.

A.-L.P.

35Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003

Virulence et pathogénicité

Ce sont des mots synonymes mais ils mesurent lepouvoir pathogène d’espèces virales différentessur le même hôte alors que la virulence résulte dela comparaison de souches différentes d’unemême espèce virale (C. Sweet, Royaume-Uni). Leniveau de pathogénicité permettant de distinguerles souches hautement pathogènes (HP) des virusfaiblement pathogènes (LP) et le site d’infectionsont analysés en comparant des virus grippauxd’origines aviaire et humaine. Le premier stade de pathogénicité est déterminépar l’entrée du virus dans l’hôte : par voie respi-ratoire ou par voie digestive. L’entrée dans la cel-lule se fait par liaison du virus aux récepteurs cel-lulaires, avec deux spécificités suivant l’originevirale : pour les virus aviaires, liaison SA a 2,3 Gal ;pour les virus humains : SA a 2,6 Gal, et pour lesvirus de porcs, les deux liaisons sont utilisées. La deuxième étape est la balance entre la fixationdu virus par l’hémagglutinine et sa libération parla neuraminidase. La troisième étape est la fusionentre l’hémagglutinine virale clivée et les cellules.Les enzymes responsables de ce clivage sont dif-férentes pour les souches HP et LP.

Extraits des rapports du Pr M. Aymard et du Dr E. Nicand aux

16es Rencontres européennes sur la grippe et sa prévention (2003).

être mieux connus ainsi que ses conséquences :dans les grosses bronches, la toux permet d’éva-cuer ces sécrétions. Par contre, dans les bron-chioles, il n’y a pas de récepteurs de la toux, cequi provoque un encombrement chaque foisqu’on n’a pas évacué ces sécrétions par aspirationou par kinésithérapie respiratoire. Cependant,habituellement, tout rentre spontanément dansl’ordre après 3 semaines de toux. Dans certainscas, l’inflammation se prolonge, soit parce qu’elles’amplifie, soit parce que la réparation est in-complète et tardive. Certaines circonstances favorisent cette amplification : asthme, BPCO, co-infection, prédisposition, nature du virus. Lesanti-inflammatoires non stéroïdiens ont une ef-ficacité très faible. Les médicaments antisécré-toires (par exemple les inhibiteurs des récepteursEGF) ne sont, pour l’instant, qu’une piste de re-cherche et il n’existe pas d’antimédiateurs.Le Pr Hervé Allain (CHU de Rennes, labora-toire de pharmacologie expérimentale et cli-nique) a analysé les raisons qui font que “latoux entraîne la toux”. Les mécanismes encoreincomplètement connus semblent centrés sur

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Pneumologie

Maladies de l’amianteEssentiellement professionnellesDès 1900, l’amiante a fait son entrée dans l’industrie parce qu’ininflammable, résistant à la chaleur et non conducteur d’électricité. Au début des années 1980, son utilisation est réduite et de plus en plus contrôlée à cause des risques de maladie que l’on soupçonne chez les travailleurs exposés aux fibres d’amiante. C’estseulement en 1997 que son utilisation est interdite, à la suite de la mise en évidencede ces risques.

E n bref, le terme amiante sert à désigner une sé-rie de substances minérales naturelles cristal-

lisées et fibreuses contenant de la silice. Endom-magés par le vieillissement, les chocs, les vibra-tions ou les mauvaises manipulations, les maté-riaux contenant de l’amiante peuvent libérer desfibres d’amiante dans l’air dangereuses pour lasanté. Les effets pathogènes de l’amiante sont liésau caractère indestructible des fibres, à leur dé-pôt dans le tissu pulmonaire, et à leur migrationfacile vers l’enveloppe du poumon (la plèvre) etvers le péritoine (enveloppe qui entoure la cavitépéritonéale). Plusieurs années après l’expositionsurviennent les pathologies spécifiques liées àl’inhalation d’amiante : asbestose, atteintes noncancéreuses de la plèvre, cancer du poumon etmésothéliome.

L’asbestoseDécrite dès 1906, l’asbestose est une affectionpulmonaire non cancéreuse qui résulte d’une in-halation prolongée (plusieurs années) et intensed’amiante. Le poumon “s’encrasse” et devient fi-breux, ce qui entraîne une gêne respiratoire deplus en plus importante. Le poumon perd pro-gressivement son élasticité à cause d’un épaissis-sement de la paroi des alvéoles pulmonaires quigêne les échanges gazeux, donc l’oxygénation dusang. Au début, la maladie n’est détectable quepar la radiographie du thorax ou par l’explora-tion fonctionnelle respiratoire. Caractérisée parun essoufflement, cette affection évolue vers uneinsuffisance respiratoire chronique, qui peut êtremortelle.

Les atteintes bénignes de la plèvreLes plus fréquentes sont les “plaques pleurales”,très spécifiques de l’amiante, surtout si ellessont bilatérales. D’autres atteintes bénignes dela plèvre ont été décrites : épaississement de ses feuillets (symphyse pleurale) ou épanche-ment entre ses deux feuillets (pleurésie), sus-

ceptibles d’entraîner une diminution de la ca-pacité respiratoire.

Les cancers du poumonLe risque de cancer bronchopulmonaire est d’au-tant plus élevé que l’exposition aux fibresd’amiante a été importante.Ces fibres altèrent les cellules de l’épithélium desbronches et perturbent les phénomènes de divi-sion cellulaire, ce qui aboutit, dans certains cas,avec un temps de latence de 10 à 20 ans, à unetransformation cancéreuse.Ces cancers liés à l’amiante ne se distinguent pasdes autres cancers pulmonaires, il est donc diffi-cile de chiffrer les cancers du poumon liés stric-tement à une exposition professionnelle àl’amiante (selon l’INSERM, de 0,5 % à 15 %).Il existe une synergie entre le tabac et l’amiante :le risque de cancer bronchopulmonaire est net-tement plus élevé chez les fumeurs exposés àl’amiante.

Les mésothéliomesLe mésothéliome est une tumeur cancéreuse quiatteint la plèvre ou, plus rarement, le péritoine,les autres localisations étant exceptionnelles.La localisation pleurale est cinq fois plus fré-quente que celle du péritoine. Pour la quasi-tota-lité de ces mésothéliomes, on retrouve une expo-sition professionnelle à l’amiante mais aussi uneexposition environnementale “naturelle” quandexistent des affleurements d’amiante dans le sol.Par ailleurs, diverses études indiquent la possibi-lité d’un risque de mésothéliome associé à laproximité d’une source industrielle d’amiante. Lerisque d’apparition de cette tumeur est étroite-ment lié à la durée de l’exposition, à l’âge, au ni-veau d’exposition, à la nature des fibres.La maladie apparaît en moyenne entre 30 et40 ans après le début de l’exposition. Elle estmortelle et la plupart des patients meurent dansl’année qui suit le diagnostic.

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En France, au début des années 1990, la fré-quence estimée du mésothéliome était d’envi-ron 600 cas par an. Il semble que, par rapportaux autres pays industrialisés, cette incidencesoit relativement faible, ce qui s’explique parune utilisation massive plus tardive de l’amianteen France.D’autres cancers ont été décrits mais sont plusrares : larynx, péricarde, et une relation avecl’amiante est discutée pour d’autres tumeurscancéreuses (tube digestif, appareil urinaire).Le problème de la surveillance postprofession-nelle des personnes retraitées qui, au cours de

leur activité salariée, ont été exposées à desagents cancérigènes est précisé par le décret du26 mars 1993 et par son arrêté d’application du28 février 1995. L’intéressé doit produire l’at-testation d’exposition remplie par l’employeuret par le médecin du travail.Depuis le 1er janvier 1997, un décret a interdit lafabrication, l’importation, la mise sur le marchénational, l’exportation, la détention en vue de lavente, l’offre, la vente et la cession à quelque titreque ce soit de toute variété de fibres d’amiante etde tout produit en contenant.

A.-L.P.

37Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003

Oxygénothérapie à domicileEntrée sur les soins “lourds”En France, plus de 100 000 personnes présentant une bronchopneumopathie chroniqueobstructive (BPCO) relèvent d’une oxygénothérapie au long cours à domicile. La BPCO,les maladies neuromusculaires ou neurologiques dégénératives, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), sont le plus souvent responsables d’une insuffisance respiratoire nécessitant une oxygénothérapie.

E n sont responsables également : la tubercu-lose, et, plus récemment, les apnées du

sommeil qui sont également soignées ainsi. Laventilation artificielle à domicile (VAD) est ob-tenue par l’utilisation d’un respirateur avec em-bout buccal, masque nasal ou facial, ou canuleendotrachéale.

IndicationsAprès l’arrêt des polluants en cause, notammentle tabac, pour pouvoir commencer l’oxygéno-thérapie, l’état du patient doit être stable, avec une hypoxie PaO2 inférieure à 55 mmHg re-trouvée sur deux mesures à trois semaines dedistance. On choisira de préférence une oxygénothé-rapie de déambulation réalisée sur 15 heures,à savoir 12 heures de nuit et 2 à 3 heures dejour. L’objectif à atteindre est alors une satura-tion en O2 supérieure à 90 % et une PaO2 su-périeure à 60 mmHg. La surveillance est au mi-nimum bimensuelle au départ, fondée sur lagazométrie, puis elle est effectuée trois à quatrefois par an.Cependant, il faut vérifier régulièrement, grâceaux explorations fonctionnelles respiratoires

(EFR), que l’oxygénothérapie n’entraîne pas unehypoventilation de manière réflexe. Le suivi du malade à domicile par le personnelmédical est fondé sur la vérification de la tolé-rance cardiaque, la recherche de complicationsde types encombrement, surinfection ou dé-faillance cardiaque.Toute apparition ou réapparition de signes d’insuffisance respiratoire doit faire recher-cher un problème technique tel qu’un dé-réglage, une fuite ou un dysfonctionnement du système. Il faut rechercher d’emblée un problème de raccordement tel qu’une obstruc-tion de la canule. Mais on doit aussi craindreune complication clinique : pneumothorax, sténose trachéale ou encore atélectasie sur encombrement.Le nursing infirmier portera sur la vérificationd’une alimentation équilibrée, notamment limi-tée en hydrates de carbone, accompagnée d’unekinésithérapie respiratoire.Les contrôles comporteront des radiographiesrégulières des poumons, des bilans sanguins,des EFR, des ECG, selon une fréquence à définiren fonction de l’évolution de la maladie.

J.B.

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38 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003

Pneumologie

Transplantation pulmonaireUn dernier recoursMise en place dans les années 1980 grâce aux progrès des techniques chirurgicale etimmunologique, en particulier l’arrivée de la ciclosporine, la transplantation pulmo-naire fait partie de l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance respiratoire grave.

P lusieurs types de transplantation existent : latransplantation monopulmonaire consiste, sur

thoracotomie, à pratiquer l’exérèse du poumon at-teint, remplacé par le greffon, sous circulation ex-tracorporelle. Si la réimplantation des veines et ar-tères pulmonaires est pratiquée, celle des artèresbronchiques, elle, n’est, en revanche, pas souventréalisable. La transplantation bipulmonaire se faitpar grande voie d’abord thoracique antérieure. Elleconsiste en fait en la succession de deux transplan-tations monopulmonaires. La transplantation bloccœur-poumons est beaucoup plus rare.

Indications, contre-indicationsSolution extrême, la transplantation n’est indiquéea fortiori que si toutes les autres solutions tentéesn’ont pas donné de résultats satisfaisants. Le sujetreceveur doit avoir une durée de vie inférieure à18 mois, être motivé et informé des contraintespostopératoires qui lui seront imposées. Il doit avoirarrêté de fumer, il ne doit pas être alcoolique, il doitprésenter un état général assez bon et être psychia-triquement équilibré. Enfin, pour une transplanta-tion cœur-poumons, il doit être âgé de moins de55 ans, de moins de 60 pour un bipulmonaire, demoins de 65 pour un monopulmonaire. Se présentent également comme contre-indica-tions à la greffe : une corticothérapie au long cours,une tumeur maligne, une ostéoporose, une coro-naropathie, une hépatite B, une infection chro-nique, du moins tant qu’elle n’est pas traitée.Les indications de la greffe tenant compte descontre-indications sont en premier lieu un em-physème : c’est l’indication principale des candi-dats à la transplantation, lorsque leur VEMS devientinférieur à 30 %. Mais il y a aussi la fibrose pul-monaire lorsque celle-ci rend les malades oxygé-nodépendants. Une transplantation devient ainsiurgente lorsque le VEMS devient inférieur à 50 %.La mucoviscidose est une troisième indicationlorsqu’apparaissent un VEMS inférieur à 30 %, unehypercapnie et une hypoxémie sévères.

Surveillance postopératoireUn traitement médical associant cortico- et im-munothérapie commence en postopératoire.

L’œdème de réimplantation est possible, résul-tant de la souffrance du greffon, fonction de lapériode d’ischémie qu’il a subie. Il demande unesurveillance clinique et biologique avant de dé-cider de l’extubation.Favorisées elles aussi par les phases ischémiquesperopératoires, les infections bactériennes sont fré-quentes. Elles sont également causées ou aggravéespar le contexte hospitalier (infections nosocomiales)et par les traitements immunodépresseurs. Les in-fections virales à herpès virus, entre autres, maisaussi à cytomégalovirus sont à craindre également.En dehors de ces complications pouvant surve-nir dès le premier mois, sinon la première année,le rejet aigu se traduit histologiquement par uninfiltrat lymphocytaire périvasculaire.Cause principale d’échec des transplantations, lerejet aigu de greffe survient principalement aucours des quatre premiers mois suivant la trans-plantation. C’est une réaction immunitaire es-sentiellement cellulaire, faisant intervenir les lymphocytes T.L’activation des lymphocytes T est le résultat dequatre étapes successives :– l’étape 1 ou activation calcium-dépendante ;– l’étape 2 ou de costimulation ;– les phases 3 et 4 : l’IL-2 active la mitose et la pro-lifération clonale, le tout aboutissant au rejet aigude la greffe. Le mode d’action des différents immunosuppres-seurs suit plusieurs phases :– l’étape 1 est bloquée par la ciclosporine et le tacrolimus ;– la phase 3 est bloquée par les Mab qui inhibentla fixation de l’IL-2 sur les lymphocytes. En bloquant les mitoses, plus spécialement lesacides nucléiques, l’azathioprine, le mycophéno-late mofétil et le cyclophosphamide exercent leuraction immunosuppressive.Les premiers signes cliniques de rejet aigu à appa-raître sont une fièvre, une hypoxie, une altérationde la fonction respiratoire avec un infiltrat pulmo-naire radiologique. Toutes les modifications respi-ratoires évidentes sur les EFR doivent faire partie dela surveillance usuelle.

J.B.

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