plus de 45 textes inÉdits pour comprendre les enjeux … · 2018-12-10 · par la suite, la «...
TRANSCRIPT
L’ÉTAT DUQUÉBEC
2019
24,95 $18 €ISBN 978-2-924719-55-8
L ’ÉT
AT D
U Q
UÉB
EC20
19
20 CLÉS pour comprendre la participation citoyenne, les changements climatiques, la révolution technologique, l’antiféminisme, les paradis fiscaux, l’évolution du prix des médicaments, la réforme du mode de scrutin, les fake news, la jeunesse, le décrochage scolaire, la transformation des villes et l’effet Trump sur les flux migratoires.
PLUS DE 45 TEXTES INÉDITS POUR COMPRENDRE LES ENJEUX ACTUELS ET PRENDRE PART DE MANIÈRE ÉCLAIRÉE AUX DÉBATS À VENIR
SOUS LA DIRECTION DE FRANCIS HUOT et de SOPHIE SEGUIN-LAMARCHE
L’état du Québec 2019 a pour partenaires les Fonds de recherche du Québec, la firme de sondage Léger, le quotidien Le Devoir, le magazine Québec Science et l’Association des communicateurs scientifiques du Québec.
20 CLÉS POUR COMPRENDRE LES ENJEUX ACTUELS
DANS LE CADRE DU 15e ANNIVERSAIRE DE L’INM, cinq experts ont été invités à réfléchir sur l’évolution de la participation citoyenne au Québec.
Aussi :
• Sondage exclusif Léger/L’état du Québec sur la fragmentation de l’identité québécoise.
• Un grand dossier sur la transition énergétique et des textes percutants sur le mouvement végane et les impacts des changements climatiques sur les Autochtones.
• Discrimination systémique : le Québec est-il prêt à sortir du déni collectif ?
• Entrevue exclusive sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle avec le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion, François Laviolette, Nathalie de Marcellis-Warin et Dominic Martin..
LAURENCE BHERERÉRIK BOUCHARD-BOULIANNEJULIETTE BOURDEAU DE FONTENAYMATHILDE BOURGEONGABRIELLE BRASSARD-LECOURSJULIE CARON-MALENFANTJEAN-PIERRE CHARBONNEAUÉRIC CHARESTSIMON CLAUSMARC-ANDRÉ CYRTHALIA D’ARAGON-GIGUÈREFADY DAGHERHÉLÈNE DANEAULTFRANÇOISE DAVIDSIMON DE BAENENOLYWÉ DELANNONÉLISE DESAULNIERSPIERRE DORAYJONATHAN DURAND FOLCOVINCENT DUSSAULTMALORIE FLONMARC-ANDRÉ GAGNONCATHERINE GAUTHIERJOHANNE GÉLINASFRANÇOIS GÉLINEAUSAMI GHZALAGUILLAUME HÉBERTLENA A. HÜBNERFRANCIS HUOT
VINCENT LACHARITÉ-LAFRAMBOISEMARIE LAMBERT-CHANCHRISTIAN LAPOINTENOÉMIE LAROUCHECATHERINE LEBOSSÉSAMUEL-ÉLIE LESAGELOUISE LORTIEVALÉRIE-ANNE MAHÉOALEXANDRA MANOLIUHENRY MILNERMELISSA MOLLEN DUPUISANDRÉ MONDOUXSTÉPHANE MOULINCHRISTIANE PELCHATPIERRE-OLIVIER PINEAUVÉRONIQUE PRONOVOSTMICHEL ROCHONMARIE-DINA SALVIONEBERTRAND SCHEPPEREVE SEGUINSOPHIE SEGUIN-LAMARCHEMYRIAM SIMARDMARIE-CLAUDE THERRIENSTÉPHANIE THIBAULTSOPHIE TREMBLAYÉLISABETH VALLETJEFF YATESNICOLAS ZORNET DES CARICATURES DE PASCAL ET DE GARNOTTE
ÉtatduQC2019_Couv.indd 1 18-09-07 08:57
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos — Francis Huot et Sophie Seguin-Lamarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Lettre au premier ministre — Julie Caron-Malenfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
RETOUR ET PERSPECTIVES SUR 15 ANS DE PARTICIPATION CITOYENNE AVEC L’INMLa participation, l’alliée des citoyens et des décideurs — Julie Caron-Malenfant . . . 13Les hauts et les bas de la participation électorale —François Gélineau . . . . . . . . . . 17Les mouvements sociaux : trajectoires de la répression — Marc-André Cyr . . . . . . 25Participation publique dans les villes : vers l’abandon de l’approbation référendaire en urbanisme ? —Laurence Bherer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Le Québec et l’offensive technocratique internationale — Eve Seguin . . . . . . . . . . 36
01 — SONDAGE LÉGER/L’ÉTAT DU QUÉBECQui sommes-nous ? — Julie Caron-Malenfant et Francis Huot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
02 — POLITIQUE PROVINCIALEVers la réforme du mode de scrutin en Colombie-Britannique et au Québec ?Henry Milner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55Le Québec va-t-il devenir le champion canadien de la démocratie représentative ? — Jean-Pierre Charbonneau, Hélène Daneault, Françoise David et Christiane Pelchat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
03 — POLITIQUE FÉDÉRALELutte contre les paradis fiscaux : bilan du gouvernement TrudeauÉrik Bouchard-Boulianne et Samuel-Élie Lesage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .69
04 — ÉDUCATIONL’éducation à la démocratie : de l’apprentissage des enfants à l’engagement des parents — Valérie-Anne Mahéo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77Le décrochage scolaire : une situation dramatique ? — Pierre Doray et Stéphane Moulin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84Éducation inclusive : des solutions collectives pour s’adapter à la diversité des élèves — Catherine Lebossé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .90Impliquer les citoyens dans la réflexion sur l’école de demain : l’exemple lavallois — Louise Lortie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .94
Que�bec 2019.indd 6 18-09-12 10:41
05 — ÉCONOMIELa cryptomonnaie au Québec : défi social, économique et énergétiqueGuillaume Hébert et Bertrand Schepper . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99À qui profitera la révolution numérique ? — Nicolas Zorn et Nolywé Delannon . . 105
06 — TRANSITION ÉNERGÉTIQUELa mobilité durable, la plus grande opportunité de développement économique de la prochaine décennie — Vincent Dussault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113L’état de la transition énergétique au Québec — Pierre-Olivier Pineau. . . . . . . . . . 119Conjuguer nos forces pour un avenir énergétique durable — Johanne Gélinas . . 126La jeunesse francophone au cœur de la transition verte — Catherine Gauthier . . 130
07 — SANTÉLes transformations en cours des politiques du médicament : au bénéfice des citoyens ? — Marc-André Gagnon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
08 — MÉDIASDu cynisme politique au cynisme médiatique : quand le citoyen ne fait plus confiance aux médias — Alexandra Manoliu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147La Terre n’est pas plate et tout le monde devrait le savoir : la culture scientifique pour tous est une clé de la société du xxie siècleStéphanie Thibault et Marie Lambert-Chan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153Fausses nouvelles : le pouls du patient — Jeff Yates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158Repenser les médias — Gabrielle Brassard-Lecours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
09 — DISCRIMINATIONLa discrimination systémique : sortir du déni collectif —Éric Charest et Sami Ghzala . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169L’antiféminisme québécois au temps de Trump — Véronique Pronovost . . . . . . . 175
10 — RECHERCHE SCIENTIFIQUEIntelligence artificielle : entre utopie et dystopiePropos recueillis par Francis Huot et Sophie Seguin-Lamarche . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
11 — JEUNESSELa voix de la nouvelle génération silencieuse — Noémie Larouche . . . . . . . . . . . . 191Une vision inclusive, ouverte et équitable : le souhait des entrepreneurs de la génération Y — Michel Rochon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
12 — TECHNOLOGIES NUMÉRIQUESMobilisation, électorat et big data : plus de données, plus de participation ? Lena A. Hübner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
Que�bec 2019.indd 7 18-09-12 10:41
Le big data et l’intelligence artificielle menacent-ils le vivre-ensemble ? Enjeux de la gouvernementalité algorithmique — André Mondoux . . . . . . . . . . . 212
13 — CULTURELa télévision par internet : quels enjeux pour la culture canadienne et québécoise ? — Simon Claus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221CONSTITUONS ! Mettre en scène la démocratie — Malorie Flon, Vincent Lacharité-Laframboise et Christian Lapointe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230
14 — RELATIONS INTERNATIONALESTrump et la théâtralisation de la frontière québéco-américaine Juliette Bourdeau de Fontenay, Mathilde Bourgeon, Thalia D’Aragon-Giguèreet Élisabeth Vallet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
15 — JUSTICECorps policiers : passer de la culture du « combattant du crime » à celle de la « police de concertation » — Fady Dagher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243Accessibilité à la justice : réflexions et pistes de solution — Sophie Tremblay . . 250
16 — TRAVAILL’être humain au centre des stratégies d’entreprise : portrait d’une révolution annoncée dans le monde du travail — Simon De Baene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
17 — CONSOMMATIONLe mouvement végane : vers une révolution tranquille ? — Élise Desaulniers . . . 265
18 — PREMIÈRES NATIONSProtection du territoire et des ressources naturelles : l’importante perspective autochtone — Melissa Mollen Dupuis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273
19 — VILLESLes municipalités comme tremplins potentiels de la participation citoyenneJonathan Durand Folco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281La migration de la ville à la campagne des citadins et les défis de cohabitation, d’embourgeoisement rural et de gouvernanceMyriam Simard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .288Comment faire face à l’accroissement de la complexité des enjeux urbains ?Marie-Christine Therrien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 295
20 — PATRIMOINEConjuguer participation citoyenne et patrimoine grâce au territoireMarie-Dina Salvione . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303
Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .309
Que�bec 2019.indd 8 18-09-12 10:41
JUSTICE — 243
CORPS POLICIERS : PASSER DE
LA CULTURE DU « COMBATTANT
DU CRIME » À CELLE DE LA « POLICE
DE CONCERTATION »Si la police de proximité a été pensée comme une solution à de nombreux
« maux de société », force est de constater que cette approche a atteint aujourd’hui ses limites, tant sur le plan de l’efficacité de la répression du crime que sur celui de sa légitimité aux yeux des citoyens. Un changement de culture et de priorités s’impose. Il est donc temps de proposer une nouvelle approche
axée principalement sur la prévention ainsi que sur les besoins des citoyens et des communautés locales : la police de concertation.
FADY DAGHER Directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil
Que�bec 2019.indd 243 18-09-12 10:41
244 — L’ÉTAT DU QUÉBEC 2019
J ’ai choisi d’écrire ce texte
dans un endroit très éloigné du Québec, à Bikfaya, au Liban. Au sommet des mon-tagnes, dans la demeure historique de mon arrière-grand-père, j’ai pu prendre du recul et faire un retour sur mes origines et sur mon travail, qui est devenu une mis-sion à vie, ainsi que sur ma vision des défis à venir pour la police au Québec.
Pour moi, policier depuis plus de 27 ans – 25 ans au Service de police de la Ville de Montréal, puis deux ans au Service de police de l’agglomération de Longueuil –, la profession policière est l’une des plus nobles et honorables dans une société démocratique. C’est par amour pour nos policiers de terrain, qui jouent un rôle important, que j’écris ces lignes. Durant ma carrière, j’ai été témoin de deux approches policières consécu-tives. Dans un premier temps, la police dite « traditionnelle », axée sur la seule fonction de répression du crime et sur la professionnalisation du policier et, par la suite, la « police de proximité »,
ou « police communautaire », émanant du constat de la nécessité d’une coopé-ration accrue avec la population pour réprimer le crime plus efficacement. Plus récemment, j’ai été témoin et acteur d’une troisième approche, que j’appelle « police de concertation ».
QUELQUES MOTS SUR LA POLICE DE PROXIMITÉ La police de proximité québécoise fête ses 20 ans et le moment est propice d’en faire le bilan.
Il m’apparaît qu’au cours de cette période, la police de proximité est deve-nue une panacée contre tous les pro-blèmes de l’institution policière et, souvent, de la société. Cette façon de faire a été pensée comme un moyen de moder-nisation des pratiques policières. Elle se fonde à la fois sur la sécurité et sur le rapprochement avec les communautés. Si le mandat sécuritaire est assumé sans conteste, celui du rapprochement prend des formes variables tant sur le plan des
Que�bec 2019.indd 244 18-09-12 10:41
JUSTICE — 245
structures à mettre en place et de leurs rôles, que sur celui des pratiques, parfois profondément novatrices, mais se rédui-sant pour certaines à la simple image fes-tive d’un changement qui se fait attendre.
Introduite vers la fin des années 1990, la philosophie de la police de quartier nous a permis de nous rapprocher de la population afin de mieux comprendre ses besoins. Cependant, nous avons par-fois succombé au piège du renforcement
des lois et des règlements à caractère sécuritaire et avons troqué l’approche de proximité pour celle, plus répressive, du combattant du crime, et cela en dépit du fait que, depuis des années, la crimi-nalité ne cesse de baisser. Quatre grands moments illustrent cette tendance :
1. l’émergence des gangs de rue dans les années 1990 et leurs consécrations au début des années 2000, lorsqu’ils se substituèrent au crime organisé des motards, à la suite de l’emprisonne-ment de plusieurs de ces derniers ;
2. les répercussions des événements du 11 septembre 2001 ;
3. le « printemps érable » de 2012, le mouvement social le plus ample et le plus intense de l’histoire du Québec, avec plus de 800 manifestations, ainsi que ses prolongements de 2013 ;
4. la montée de l’extrémisme violent sous toutes ses formes.
Je retiens ces quatre grands événe-ments, car ils ont suscité au sein de la population de forts sentiments de malaise
social, d’injustice et de colère. C’est pour-quoi l’insécurité a été l’unique argument mis de l’avant par les divers paliers de gouvernement afin de durcir les lois et les règlements destinés à résoudre ces conflits-événements exceptionnels. Dans ces contextes, lors de leurs interactions avec la population, les services de police devaient conjuguer et trouver un équilibre sain entre vigilance et légitimité. Grâce à l’approche de proximité, je pense que nous avons pu limiter les méfaits, car un dialogue existait déjà. Toutefois, cédant à une partie de la population et des res-ponsables politiques qui nous deman-daient plus d’interventions répressives et
L’insécurité a été l’unique argument mis de l’avant par les divers paliers
de gouvernement afin de durcir les lois et les règlements destinés à résoudre
ces conflits-événements exceptionnels.
Que�bec 2019.indd 245 18-09-12 10:41
246 — L’ÉTAT DU QUÉBEC 2019
musclées, nous sommes parfois tombés dans ce piège en répondant « présents ». Ainsi, nous sommes devenus, à plusieurs reprises, une police exerçant une « culture de combattant ».
Il ne faut pas se cacher la tête dans le sable ! Chaque fois que nous pensions réduire, voire régler des problématiques criminelles ponctuelles, nous avons a contrario, par nos actions, engendré l’op-posé. Par ailleurs, nous ne faisions qu’ef-fleurer la pointe de l’iceberg plutôt que de nous concentrer sur le phénomène dans son ensemble.
À plusieurs reprises, cette approche plus répressive a connu des dérapages où nous avons sombré dans le profilage racial et social envers des personnes et des groupes, comme j’ai pu le subir moi-même en tant que simple citoyen. Cela a eu pour effet d’engendrer une polarisation des opi-nions de la population sur sa police.
UN CHANGEMENT DE CULTURE ET DE PRIORITÉS S’IMPOSE Il suffit de faire une lecture fine de l’envi-ronnement dans lequel nous évoluons à l’heure actuelle pour en saisir les futurs défis. Il faut comprendre que, dans de nombreux pays, les lois et les politiques se durcissent, l’intolérance envers les immigrants ne cesse d’augmenter, le populisme de certains politiciens prend de l’envergure et l’approche inclusive de tous les citoyens, au-delà de leurs diffé-rences culturelles, politiques, de genre ou autre, est de moins en moins acceptée. Tous ces enjeux doivent constituer une sonnette d’alarme pour les corps policiers afin qu’ils ne deviennent pas le prolonge-ment de ces politiques et qu’ils ne soient pas instrumentalisés à des fins qui ne sont pas les leurs.
Les décideurs du Québec doivent bien maîtriser ces enjeux et faire preuve de sen-sibilité, de lucidité et de respect envers tous les citoyens quant au developpement d’orientations et de politiques, ainsi que dans l’adoption de lois et de règlements. Tomber dans le piège du durcissement, une tendance mondiale, tant sur le plan de l’élaboration que sur celui de l’ap-plication de la loi, est l’une de mes plus grandes préoccupations pour le Québec.
Il est nécessaire de prendre conscience de cette évolution et de passer à une autre étape. La police de proximité a fait ses preuves, mais elle a atteint ses limites. Aujourd’hui, au Québec, on ne peut pas se contenter de travailler uniquement sur les relations et la communication avec les
FIGURE 1La pointe visible de l’iceberg
Des problèmes visibles
• gangs de rue• toxicomanie• prostitution• vandalisme
• malpropreté• détérioration des
espaces publics• détérioration des
logements• détérioration de
l’environnement
Que�bec 2019.indd 246 18-09-12 10:41
JUSTICE — 247
citoyens. Nous devons également nous adapter aux mouvements de démocra-tisation, d’inclusion et de concertation, d’empowerment des citoyens quant aux décisions ayant trait à leur quotidien, y compris leur sécurité, l’élargissement des
programmes de prévention, et ce, bien avant que les problèmes se posent.
En ce sens, lorsqu’on parle de pro-blèmes de délinquance ou de sécurité, il ne suffit plus de penser à ceux liés à la
criminalité, mais d’explorer et d’analyser tous les facteurs qui ont une incidence majeur sur le quotidien des citoyens et qui pourraient conduire à des comportements criminels. La police doit être au courant de tout malaise que vit ou est susceptible de
vivre une communauté, non seulement afin d’en prendre connaissance, mais aussi pour s’impliquer de manière effi-cace et pour décider des actions les plus efficaces à prendre afin de faire une diffé-rence dans le quotidien des citoyens.
À plusieurs reprises au cours de ma carrière, j’ai eu le privilège de côtoyer des policiers travaillant sur le terrain avec un tel altruisme dans leur engagement auprès des citoyens que cela me rend opti-miste quant aux êtres humains derrière l’uniforme. Les gestes et les actions de ces policiers se font toujours dans l’intérêt de la population, car ils vivent et ressentent les soucis. Ils ont l’audace et le courage de mettre en œuvre des interventions et des activités qui sortent de l’approche dite traditionnelle de « la loi et l’ordre », que ce soit pour une meilleure intégration d’un jeune dans son milieu, d’une personne
FIGURE 2La pointe invisible de l’iceberg
Des problèmes moins visibles
• incivilité• décrochage
• chômage• analphabétisme
• exclusion• mauvaise nutrition
• logements
Les policiers et les policières parent aux dérives individuelles, peuvent
anticiper des problématiques futures et contribuent au renforcement
du tissu social.
Que�bec 2019.indd 247 18-09-12 10:41
248 — L’ÉTAT DU QUÉBEC 2019
âgée démunie et isolée, d’une personne récemment arrivée au Canada ou issue de l’immigration et n’ayant aucun réseau, d’une famille sous le seuil de la pauvreté... En étant près d’eux, en les écoutant, en les aidant et en tenant compte de leurs fragilités, les policiers parent aux dérives individuelles, peuvent anticiper des pro-blématiques futures et contribuent au ren-forcement du tissu social.
Ces gens sur le terrain, qui ont fait le choix de se distancer de l’approche cou-rante dans leur travail au quotidien, sont nos réels ambassadeurs et ils méritent notre reconnaissance. Lorsque le corps policier devient un réel acteur pour l’amé-lioration du vivre-ensemble des com-munautés locales, hormis les enjeux de sécurité (que l’on ne peut minimiser), le citoyen considérera sa police comme un véritable partenaire, légitime et digne de confiance.
Afin de soutenir et d’appuyer ces ambassadeurs dans leur travail quoti-dien sur le terrain et qu’ils ne soient pas minoritaires dans leurs organisations, il est important que nous, les dirigeants, saisissions leur potentiel. À cet effet, il est primordial de revoir les critères de sélection des futurs policiers au Québec, afin qu’ils répondent aux besoins de la société du xxie siècle. Il est clair que nos futurs policiers devront avoir un poten-tiel relationnel et une bonne capacité à s’adapter aux diverses interactions avec tous les citoyens. De plus, nous devrons les amener, au cours de leurs formations ultérieures, à développer une intelligence
émotionnelle susceptible de leur garan-tir une meilleure maîtrise de soi et un maximum de succès dans leurs futures interventions. De même, il est nécessaire d’aplanir les structures policières parami-litaires actuellement très hiérarchiques afin de maintenir les policiers de ter-rain mobilisés et engagés, et de créer des espaces où la communication de bas en haut puisse se faire de manière plus fluide. J’ai toujours encouragé cette approche qui favorise l’émergence de stratégies et de pratiques innovantes et qui reflète mieux les vrais besoins des citoyens, contraire-ment à l’approche de haut en bas, la plus
� La répression � La prévention
Pyramide I Pyramide II
FIGURE 3Prévention / Répression
Pyramide I Modèle classique : la répression représente environ 80 % des actions policières, alors que les actions pré-ventives se limitent à environ 20 %.Pyramide IIModèle visé actuellement : les actions préventives représentent environ 80 % alors que la répression se limitera à environ 20 %.
Que�bec 2019.indd 248 18-09-12 10:41
JUSTICE — 249
répandue aujourd’hui, mais qui est sou-vent déconnectée de la réalité du terrain. À mon sens, cette dernière devrait être valide seulement lors des interventions policières opérationnelles.
Nous, dirigeants des corps de police et des instances gouvernementales, de concert avec les citoyens et les commu-nautés, nous devons revoir et redéfinir nos orientations et nos programmes, afin que la prévention prenne d’avantage de place que la répression.
UNE NOUVELLE APPROCHE : LA POLICE DE CONCERTATION La concertation est l’approche incontour-nable pour faire contrepoids à la tendance à la militarisation des corps policiers à tra-vers le monde, pour les sortir du carcan purement sécuritaire, et pour les ouvrir aux phénomènes de société, aux problèmes et
aux besoins des citoyens. Une police de concertation accompagne et agit avec les citoyens et les communautés, en respectant leurs spécificités tant individuelles que collectives, afin de trouver des solutions communes, dans le cadre de rapports éga-litaires, où le pouvoir et les responsabilités sont partagés entre tous les participants.
Nous serions ainsi le premier État au monde à passer d’une police de proximité à une police de concertation, qui s’inves-tit principalement dans la prévention et le dialogue permanent avec les citoyens. S’engager sur ce chemin novateur permet d’acquérir un regard à 360 degrés sur les dynamiques sociétales et les facteurs qui alimentent les malaises sociaux, de façon à renforcer le tissu social affecté. Je suis per-suadé que nous pouvons le faire, car nous avons tous les ingrédients nécessaires. C’est aussi ça, le Québec de demain ! ◊
Que�bec 2019.indd 249 18-09-12 10:41
L’ÉTAT DUQUÉBEC
2019
24,95 $18 €ISBN 978-2-924719-55-8
L ’ÉT
AT D
U Q
UÉB
EC20
19
20 CLÉS pour comprendre la participation citoyenne, les changements climatiques, la révolution technologique, l’antiféminisme, les paradis fiscaux, l’évolution du prix des médicaments, la réforme du mode de scrutin, les fake news, la jeunesse, le décrochage scolaire, la transformation des villes et l’effet Trump sur les flux migratoires.
PLUS DE 45 TEXTES INÉDITS POUR COMPRENDRE LES ENJEUX ACTUELS ET PRENDRE PART DE MANIÈRE ÉCLAIRÉE AUX DÉBATS À VENIR
SOUS LA DIRECTION DE FRANCIS HUOT et SOPHIE SEGUIN-LAMARCHE
L’état du Québec 2019 a pour partenaires les Fonds de recherche du Québec, la firme de sondage Léger, le quotidien Le Devoir, le magazine Québec Science et l’Association des communicateurs scientifiques du Québec.
20 CLÉS POUR COMPRENDRE LES ENJEUX ACTUELS
DANS LE CADRE DU 15e ANNIVERSAIRE DE L’INM, cinq experts ont été invités à réfléchir sur l’évolution de la participation citoyenne au Québec.
Aussi :
• Sondage exclusif Léger/L’état du Québec sur la fragmentation de l’identité québécoise.
• Un grand dossier sur la transition énergétique et des textes percutants sur le mouvement végane et les impacts des changements climatiques sur les Autochtones.
• Discrimination systémique : le Québec est-il prêt à sortir du déni collectif ?
• Entrevue exclusive sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle avec le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion, François Laviolette, Nathalie de Marcellis-Warin et Dominic Martin..
LAURENCE BHERERÉRIK BOUCHARD-BOULIANNEJULIETTE BOURDEAU DE FONTENAYMATHILDE BOURGEONGABRIELLE BRASSARD-LECOURSJULIE CARON-MALENFANTJEAN-PIERRE CHARBONNEAUÉRIC CHARESTSIMON CLAUSMARC-ANDRÉ CYRTHALIA D’ARAGON-GIGUÈREFADY DAGHERHÉLÈNE DANEAULTFRANÇOISE DAVIDSIMON DE BAENENOLYWÉ DELANNONÉLISE DESAULNIERSPIERRE DORAYJONATHAN DURAND FOLCOVINCENT DUSSAULTMALORIE FLONMARC-ANDRÉ GAGNONCATHERINE GAUTHIERJOHANNE GÉLINASFRANÇOIS GÉLINEAUSAMI GHZALAGUILLAUME HÉBERTLENA A. HÜBNERFRANCIS HUOT
VINCENT LACHARITÉ-LAFRAMBOISEMARIE LAMBERT-CHANCHRISTIAN LAPOINTENOÉMIE LAROUCHECATHERINE LEBOSSÉSAMUEL-ÉLIE LESAGELOUISE LORTIEVALÉRIE-ANNE MAHÉOALEXANDRA MANOLIUHENRY MILNERMELISSA MOLLEN DUPUISANDRÉ MONDOUXSTÉPHANE MOULINCHRISTIANE PELCHATPIERRE-OLIVIER PINEAUVÉRONIQUE PRONOVOSTMICHEL ROCHONMARIE-DINA SALVIONEBERTRAND SCHEPPEREVE SEGUINSOPHIE SEGUIN-LAMARCHEMYRIAM SIMARDMARIE-CHRISTINE THERRIENSTÉPHANIE THIBAULTSOPHIE TREMBLAYÉLISABETH VALLETJEFF YATESNICOLAS ZORNET DES CARICATURES DE PASCAL ET DE GARNOTTE
ÉtatduQC2019_Couv.indd 1 18-10-02 10:32