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Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques Olivier Bertrand 41 UNESCO : Institut international de planification de l’kducation

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Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

Olivier Bertrand

41

UNESCO : Institut international de planification de l’kducation

Principes de la planification de l’education - 41

Dans cette collection* :

1. Qu’est-ce que la planification de l’éducation ?. P.H. Coombs 2. Les plans de développement de I’éducation et la planification économique et sociale.

R. Poignant 3. Planification de I’éducation et développement des ressources humaines, F. Harbiron 4. L’administrateur de I’éducation face à la planification. CI. Beeby 5. Le contexte social de la planification de l’éducation, CA. Anderson 6. La planification de l’enseignement : évaluation des coûts, J. Voizey. J.D. Chesswus 7. Les problèmes de l’enseignement en milieu rural, VL. Grimhr 8. L e rôle du conseiller en planification de l’enseignement. A. Cwle 9. Les aspects démographiques de la planification de l’enseignement. Ta Ngoc CMu 10. Coûts et dépenses en éducation. J. Hallak 11. L‘identité professionnelle du planificateur de l’éducation. A. Cwle 12. Planification de l’éducation : les conditions de réussite, G.C. Rurcoe 13. L’analyse coût-bénéfice dans la planification de I’éducation, M. Woodhalf 14. Planification de l’éducation et chômage des jeunes, A. Caffaway 16. Planification de l’éducation pour une société pluraliste,

17. La planification des programmes d’enseignement primaire dans les pays en voie de

18. Planification de l’aide B I’éducation pour la deuxième décennie du développement.

19. Les études à l’étranger et le développement de l’enseignement, W D . Carfer 20. Pour une conception réaliste de la planification de I’éducation, KR. McKinnon 21. La planification de l’éducation en relation avec le développement rural,

Chai Hon-chan

développement, H.W.R. Hawes

H.M. Phillips

..

G . M .- Cove raàle 22. La planification de I’éducation : options et décisions, JD. Monfnomery -~ 23. L a planification du programme sc&re, A. Lewy 24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives,

25. L e planificateur et l’éducation permanente, P. Furfer 26. L’éducation et l’emploi : une étude critique, M. Carnoy 27. Planification de l’offre et de la demande d’enseignants. P. WiffiOm 28. Planification de 1’Cducation préscolaire dans les pays en développement, A. Heron 29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu :

30. L a planification de l’éducation non formelle, D.R. Evam 31. Education, formation et secteur traditionnel, J. Hallak et F. Caillods 32. Enseignement supérieur et emploi : l’expérience de I’IIPE dans cinq pays en

33. La planification de l’éducation c o m m e processus social, T. Malan 34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison intemationale,

35. U n cadre conceptuel pour le développement de I’éducation permanente en URSS,

36. Education et austérité : quelles options pour le planificateur ?, K.M. kwin 37. La planification de I’éducation en Asie, R. Roy-Singh 38. Les projets d’éducation : préparation, financement et gestion, A. Magnen 39. Accroître l’efficacité des enseignants. L. Anderson 40. L’élaboration des programmes scolaires à I’échelon central et à I’échelon des des

D.T. Jamkon

répercussions sur la planification, E.G. McAmny, J.K. May0

développement, G. Psacharopoulos et B.C. Sanpl

T. Hurén

A. Vladislavlev

écoles, A. Lewy

* Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître

Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques,

Olivier Bertrand

Paris 1992 UNESCO : Institut intemational de planification de 1’Cducation

L’Agence su4oise d’aide au developpement international (ASDI) a fourni une aide financiere pour la publication de cette brochure

Publie en 1992 par l’organisation des Nations Unies pour l’education, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Imprime en France par l’Imprimerie Gauthier-Villars, 75018 Paris

Maquette de couverture : Bruno PfSfli

O UNESCO 1992 ISBN 92-803-2142-0

Avant-propos

Les brochures de cette collection sont destinees principalement à deux categories de lecteurs : ceux qui occupent dCjB des fonctions dans l’administration et la planification de l’tducation, dans les pays en developpement comme dans les pays industrialisCs ; et d’autres, moins SpCcialisCs - hauts fonctionnaires et hommes politiques, par exemple -, qui cherchent h connaître de façon plus gCnCrale le mecanisme de la planification de 1’Cducation et les liens qui la rattachent au dCveloppement national dans son ensemble. Ces brochures sont, de ce fait, destindes soit 21 1’Ctude individuelle, soit 2I des cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, les pratiques et les concepts de la planification de 1’Cducation ont subi d’importants changements. Plusieurs des hypothèses qui Ctaient sous-jacentes aux tentatives anterieures de rationaliser le processus du developpement de 1’Cducation ont CtC critiquees ou abandomdes. Toutefois, si la planification centralisCe, rigide et obligatoire, s’est manifestement rCvC1Ce inadkquate, toutes les formes de planification n’ont pas CtC abandonnees. La nCcessitC de rassembler des donnees, d’Cvaluer 1’efficacitC des programmes en vigueur, d’entreprendre des CLudes sectorielles et thCmatiques, d’explorer l’avenir et de favoriser un large ddbat sur ces bases s’avb-e au contraire plus vive que jamais, pour orienter la prise de dCcisions et 1’Claboration des poli tiques Cducatives.

La planification de 1’Cducation a pris une envergure nouvelle. Outre les formes institutionnelles de l’education, elle porte à present sur toutes les autres prestations Cducatives importantes dispensCes hors de 1’Ccole. L’intCrêt consacre B l’expansion et au

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Avant-propos

dkveloppement des systemes Cducatifs est complCtC, voire parfois remplace, par le souci croissant d’amkliorer la qualit6 du processus educatif dans son ensemble et de contr6ler les dsultats obtenus. Enfin, planificateurs et administrateurs sont de plus en plus conscients de l’importance des stratCgies de mise en œuvre et du r61e joue h cet egard par les divers mecanismes de dgulation : choix des mCthodes de financement, d’examen et de dClivrance des certificats et dipl6mes, ou d’autres structures de dgulation et d’incitation. La demarche des planificateurs rCpond A une double pdoccupation : mieux comprendre la valeur et le r61e de 1’Cducation par l’observation empirique des dimensions particuli2res qui sont les siennes, et contribuer h dCfinir des strategies propres h amener le changement.

Ces brochures ont pour objet de reflCter 1’Cvolution et les changements des politiques Cducatives et de mesurer leurs effets sur la planification de 1’Cducation ; de mettre en lumi2re les questions qui se posent actuellement en la matière et de les analyser dans leur contexte historique et social ; et de diffuser des methodes de planification pouvant s’appliquer aussi bien aux pays en dCveloppement qu’aux pays indus tri al isCs, Afin d’aider 1’Insti tut il bien identifier les prCoccupations

actuelles dans les domaines de la planification et de 1’Claboration des politiques de I’Cducation dans diverses parties du monde, un ComitC de rkdaction a CtC mis en place. Il comprend deux rkdacteurs en chef et cinq rCdacteurs associCs, venus de differentes rCgions, tous Cminents spCcialistes dans leurs domaines respectifs. Lors de la premiere rCunion de ce nouveau ComitC de rCdaction en janvier 1990, ses membres ont dCfini les sujets les plus importants h traiter dans les numeros ultkrieurs sous les rubriques suivantes :

1. L’Cducation et le dkveloppement, 2. L’CquitC. 3. La qualit6 de 1’CducaLion. 4. Structure, administration et gestion de 1’Cducation. 5. Les programmes d’enseignement. 6. Coût et financement de l’education.

6

Avant-propos

7. Techniques et approches de la planification. 8. Syst5mes d’information, suivi et Cvaluation.

Chaque rubrique est confiCe & un ou deux rCdacteurs. La collection correspond a un plan d’ensemble soigneusement

Ctabli, mais aucune tentative n’a CtC faite pour Climiner les divergences, voire les contradictions, entre les points de vue exposCs par les auteurs. L’Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle. S’il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu’ils expriment - et qui ne sont pas ndcessairement partagCes par l’UNESCO et I’IIPE -, elles n’en sont pas moins dignes de faire l’objet d’un vaste dCbat d’idees. Cette collection s’est d’ailleurs fixe comme objectif de reflCter la diversitC des expkriences et des opinions en donnant a des auteurs venus d’horizons et de disciplines tri3 variCs la possibilite d’exprimer leurs idCes sur I’Cvolution des aspects thConques et pratiques de la planification de l’kducation.

Une des questions qui ont le plus alimente les dCbats dans le domaine de la planification de 1’Cducation est celle de savoir dans quelle mesure on doit et on peut planifier le developpement de l’enseignement en fonction des besoins du marche du travail. Il est en fait de moins en moins question de dCvelopper 1’Cducation en fonction des stricts besoins de l’emploi, ne serait-ce que parce qu’il est extrêmement difficile d’estimer de tels besoins, Dks lors, la planification doit s’attacher surveiller le fonctionnement du marche du travail et l’insertion des dipl6mCs afin d’être a mCme d’orienter le dCveloppement des systkmes Cducatifs. Nombreux sont les pays, nCanmoins, qui cherchcnt a definir leur politique en fonction de differents Cclairages sur 1’Cvolution probable de l’kconomie moyen et long termes. Afin de faire le point sur les mCthodes de planification des ressources humaines, l’Institut a demande a Olivier Bertrand, du Centre d’ktudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ) de France, de prCparer la prCsente brochure. D e manière très claire et synthktiquc, l’auteur y passe en revue les methodes de prkvision et d’analyse des besoins de formation utilisees dans le passd, avant de prksenter ce qui se fait & l’heure actuelle dans les pays industrialisCs, oh, sans toujours

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Avant-propos

l’admettre, on n’a pas cesse de faire œuvre de planification. Olivier Bertrand tire de toutes ces expdriences un certain nombre de conclusions importantes sur ce que pourrait Ctre une demarche pragmatique adaptable a differents contextes. L’Institut tient a le remercier pour sa brillante et lucide contribution.

Jacques Hallak Directeur, IIPE

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Préface

Faut-il ajuster le dCveloppement du système Cducatif aux besoins de 1’Cconomie et du marche du travail ? Telle est la question que nombre de planificateurs des ressources humaines se posent depuis longtemps sans avoir trouve de reponses entièrement satisfaisantes.

La planification dite <<en fonction des besoins en main- d’œuvre>,, qui pr6nait une stricte addquation de la formation ZI l’emploi, a COMU de nombreux dCboires. Très cntiquCe sur un plan thCorique ZI cause des hypotheses simplificatrices qu’elle fait sur les dkterminants des structures des emplois et de la relation Cducation-emploi, la methode a essentiellement servi a justifier le dCveloppement très rapide des effectifs aux niveaux postprimaire et postsecondaire ; elle n’a en revanche que peu contribue ZI freiner ou orienter ce ddveloppement lorsque cela s’est r6vClC nCcessaire. La methode des taux de rendement proposee comme altemative n’est pas non plus sans poser de problèmes sur les plans thCorique et technique. Celle-ci ne renseigne de toute façon qu’a posteriori sur l’efficacitd de telle ou telle politique Cducative et ne peut foumir aucune indication sur 1’Ctat du marchC du travail et l’kvolution des taux de rendement a l’avenir.

La difficultk de faire des prkvisions des emplois par qualifications et spkcialisations s’est encore renforcCe dans les pays industrialisCs du fait de I’accClCration du changement technique qui affecte un grand nombre d’emplois et modifie parfois radicalement les qualifications et compktences requises. Dans les pays en dCveloppement, c’est essentiellement l’incertitude qui pbe sur 1’Cconomie et le règlement de la dette qui rend tout exercice de prkvision pCrilleux. Faut-il en conclure que l’on

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Prtface

doit s’abstenir de prdvoir l’avenir et de planifier le dCveloppement des ressources humaines? La kponse 2 cette question est Cvidemment non. Il faut de tri3 nombreuses annCes pour former un cadre scientifique ou un gestionnaire de haut niveau, et toute action prise, ou non prise, maintenant peut avoir de graves consdquences dans le futur. D’un autre cGtC, le nombre de jeunes qui amvent chaque annCe sur le marchC du travail dans les pays en dCveloppement est souvent tellement ClcvC par rapport h la population active totale qu’on ne peut Cviter de rCflCchir 2 l’avance 2 la manière dont se fera leur insertion professionnelle. Comme ces deux exemples le montrent, la planification se doit de continuer sa tâche d’exploration de l’avenir ; elle doit aussi mettre en place des mecanismes d’evaluation et de recherche afin de contr6ler la qualit6 de la formation, et surveiller la manihe dont s’effectue l’insertion des dipl6mCs dans le monde du travail, ou dont Cvolue le contenu des qualifications requises. Les strategies Cducatives proposCes par ailleurs mettent l’accent sur la qualit6 de la formation favorisant une plus grande adaptabilitk de la main- d’œuvre ; la mise 2 jour et l’actualisation permanentes des compCtences par divers programmes d’bducation extra-scolaire, et la flexibilite dans l’organisation des systèmes de formation.

D e par sa longue experience dans les pays en dkveloppement, puis au Centre d’Ctudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ) de France, Olivier Bertrand &ait la personne la mieux placde pour presenter aussi bien les mCthodes traditionnelles que les nouvelles pratiques en matiEre de planification des ressources humaines et pour tirer les leçons de ces expCriences. La dCmarche qu’il propose, combinant approche prospective et analyse qualitative, inlCressera les planificateurs des ressources humaines dans les ministères concemCs des pays en dkveloppement comme des pays industrialisCs.

Françoise Caillods Corédacteur en chef de la collection

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Table des matières

Avant-propos 5

Preface 9

Introduction 13

Premiere partie - Les methodes traditionnelles de planification 15

1. La planification de l’education fondee sur l’approche main-d’œuvre et la logique de l’adequation formation-emploi 17

II. Deux approches alternatives de l’evaluation des besoins et des priorites de formation

Les demarches fondees sur l’evaluation de

32

III. l’efficacite du syseme de formation 35

11

Table des matihes

Deuxieme partie - Tendances recentes de la planification des ressources humaines

IV. La prCvision de l’emploi et des professions dans les pays developpes

V. U n exemple d’etude sectorielle

VI. L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

Troisieme partie - Les leçons de l’experience VII. La planification des ressources humaines aujourd’hui

Annexes

49

51

62

90

1 05

107

163

Bibliographie 176

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Introduction

Il est clair que la vocation de 1’Cducation et de la formation, au sens le plus gCnCral, ne se limite pas à la preparation à un emploi. L’enseignement doit d’abord contribuer à former la personnalit6 de l’individu et à le prCparer il une vie sociale. Il devrait aussi, autant que possible, contribuer à 1’CgalitC des chances. Mais il ne peut pour autant se dCsintCresser compl2tement du devenir professionnel des jeunes. Cette prCoccupation devient primordiale lorsqu’il s’agit de definir les orientations des formations à finalite professionnelle. Dans la plupart des pays, elle se fait de plus en plus insistante et l’on critique frequemment l’inadaptation de la formation aux besoins de l’Cconomic, surtout lorsque l’on voit coexister le chdmage des dipl6mCs et la pCnurie de personnel qualifiC.

Ce point de vue est très rCpandu au sein du grand public, mais aussi des medias, des representants des employeurs et parfois des pouvoirs publics, qui rCclament une meilleure adCquation entre formation et emploi. Mais celle-ci est-elle possible, et par quels moyens ? L’analyse des exp6riences de pays très diffkrents au cours des demières ddcennies incile à une grande prudence. Si l’on a beaucoup progresse dans la connaissance des problèmes, cela a surtout conduit à une meilleure prise de conscience de leur complexite et de leur difficultC. Il n’cxiste pas il ce jour de rCponse pleinement satisfaisante à la question de savoir si l’on peut prkvoir les besoins de formation dCcoulant de 1’Cvolution technique et Cconomique et planifier (ou orienter) en consCquence le système de formation. Certains se demandcnt meme si on doit le faire. En effet, la mode aujourd’hui est à la mise en valeur du

13

Planification des ressources hwnaines : méthodes, expériences. pratiques

marche et du libCralisme, de sorte que la notion même de planification peut paraître dCsuète.

Les pages qui suivent ne prCtendent pas apporter la solution miracle a ces questions. Elles visent 2 faire le point des acquis rksultant de l’histoire dcente, principalement dans les pays industriels avancks, et 2 Cclairer les exp6riences pratiques par des rCfCrences aux analyses thCoriqueS. Elles s’adressent notamment a ceux qui sont responsables de l’orientation et de la gestion des systkmes de formation postobligatoires, dans les pays en ddveloppement ou dans ceux qui pratiquaient une planification centralisCe et prennent un nouveau depart : les uns et les autres cherchent h savoir dans quelle mesure les expkriences des pays industriels avancCs sont transfdrables dans leur propre contexte.

Ce texte se place donc plus du point de vue des pouvoirs publics et de la formation initiale que de celui des entreprises et de la formation continue. Il est surtout orient6 vers les aspects de la planification qui touchent la relation formation-emploi. Il ne prCtend pas traiter des autres aspects, tels que le coût et le financement, la programmation des constructions ou la formation des enseignants.

Apr2s une première partie qui passe en revue les mdthodes de prCvision et d’analyse des besoins de formation utilisCes dans leur contexte historique et national, la deuxième partie prdsente des exemples d’exp6riences r6centes. La troisième partie vise h tirer les conclusions de ces diffkrentes exp6riences et suggère les Ctapes possibles d’une ddmarche pragmatique, adaptable h diffdrents contextes, pour la mise en place d’un processus de planification permanent comportant le suivi des r6alisations.

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Première partie

Les méthodes traditionnelles de planification

Les pratiques et les idees concernant la relation formation-emploi ont suivi une evolution historique que l’on peut resumer comme suit : Des les annees 40, la mise en œuvre d’une planification centralisee en Union sovietique et le desir de fournir B l’industrie la main-d’œuvre necessaire conduisaient B Ctendre la planification B l’evaluation des besoins en main-d’œuvre de l’economie et leur confrontation avec les sorties du systeme Cducatif. C’&ait la naissance de l’(<approche main-d’œuvre,,. Ce syseme etait etendu pendant les annees 50 aux pays satellites de l’Europe de l’Est qui adoptaient le modele sovietique. Vers la fin des annees 50 et le debut des annees 60, l’inter& nouveau port6 au probleme du developpement et la prise de conscience du r61e de I’education suscitaient un interet des organisations internationales et de differents pays pour une planification integrant l’emploi et l’education comme facteur de developpement. Des variantes plus ou moins elaborees de l’approche main-d’œuvre etaient exp6rimentees par l’OCDE (dans les pays mediterraneens et en Amerique latine), par des pays industrialises comme la France et par des pays en developpement comme l’Inde ou le Pakistan. Tous ces pays avaient en commun le souci de faire face aux besoins en main- d’œuvre, et notamment en main-d’œuvre qualifiee, necessaires B leur croissance.

15

Planification &s ressources humaines : mdthodes, expdriences, prariques

La fin des annees 60 et les annees 70 correspondent B une p6riode de reflux que l’on peut expliquer de plusieurs manieres. Des economistes de tendance liberale (dans les pays anglo-saxons) critiquaient l’approche main-d’œuvre pour son manque de fondement thCorique et proposaient une approche alternative. D e leur côte, les techniciens de la planification prenaient conscience de l’insuffisance de cette demarche.

Parallelement, le contexte economique se modifiait radicalement avec la crise de la fin des annees 70 : dans les pays industrialises, le probleme ne consistait plus B faire face aux besoins en main-d’œuvre, mais au contraire 2 affronter le chômage. D e niani2re gknerale, la mode n’&ait plus B la planification, du fait du changement du climat politique et par suite des mecomptes d’une prevision souvent mise en Cchec. D e leur côte, les pays en developpement rexontraient des difficultes dans leur exercice de prevision des relations formation-emploi, du fait du manque de donnees et de moyens, et s’apercevaient des obstacles politiques que soulevait une telle planification ; Pour toutes ces raisons, l’approche main-d’œuvre comme instrument de prevision et de planification a et6 un peu partout abandonnee, sans Ctre veritablement remplade. On est aujourd’hui en general plus pragmatique et plus modeste. Les essais de prevision se limitent davantage B un niveau sectoriel ou regional. Les efforts s’orientent vers l’amelioration de l’information et d’instruments susceptibles de permettre un meilleur pilotage il court terme et une meilleure gestion du systeme de formation.

Neanmoins, les sp6cialistes continuent i?~ s’interroger sur l’utilite et sur la validite des previsions - ou plutôt de la prospective - concernant l’emploi et les professions. D e fait, beaucoup de pays continuent 3 en Claborer, mais dans un autre contexte et dans un autre esprit.

Apres l’analyse des experiences fondees sur l’approche main-d’œuvre, cette premiere partie passe en revue les approches alternatives.

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I. L a planification de l’éducation fondée sur l’approche main-d’œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

Cette approche est bien connue et a dCjà fait l’objet d’une abondante litterature critique. Il a nCanmoins paru utile de passer en revue un certain nombre d’expdriences pour montrer leur diversite et pour en tirer des leçons qui restent actuelles. L e lecteur presse pourra neanmoins prkfkrer passer directement au Chapitre II.

1. Le principe et la démarche

Cette demarche part de l’idee suivant laquelle cil faut Ctablir des plans d’enseignement en tenant compte des objectifs du dCveloppement Cconomique et social>> (Pames, 1962). Elle suppose qu’il est possible d’estimer les futurs besoins en main-d’œuvre (particulii3rement la main-d’acuvre qualifiCe) en partant d’hypoth6ses sur l’evolution de 1’Cconomie et sur la structure professionnelle. Ces besoins peuvent ensui te être rapproches des sorties attendues du systi?me de formation pour viser autant que possible une adkquation entre les deux. L a demarche comporte les Ctapes suivantes : (a) Elle part de projections Cconomiques sur le niveau de la

production nationale et sa repartition par secteur (ou branche) d’activitk h un horizon donne. Elle Ctablit des hypothbes sur 1’Cvolution de la productivite de chaque secteur, ce qui donne des estimations sur les effectifs emplo yCs.

17

Planification des ressources humaines: dthodes. expkriences, pratiques

(b) Il s’agit ensuite d’estimer la repartition de ces effectifs par profession (metier), groupe de professions ou catCgorie socioprofessionnelle. Pour cela, il faut connaître la structure actuelle par secteur et proceder il des estimations sur 1’Cvolution de cette structure au cours de la pdriode Ctudiee. L’application de ces coefficients de structure aux effectifs estimes par secteur donne la rCpartition des effectifs par secteur et par profession. La rbcapitulation dc l’ensemble des secteurs foumit une estimation sur l’emploi total (ou offre potentielle d’emplois) par profcssion pour I’annCe horizon. Pour satisfaire cette offre d’emplois (ou cette demande de main-d’œuvre), il s’agit ensuite d’estimer les ressources en main-d’œuvre qui seront disponibles au même moment. Ces ressources proviennent de deux origines : (i) les effectifs employCs actuellement, compte tenu des

dCds, des departs il la retraite et si possible de la mobilite professionnelle ; les sorties attendues du système de formation au cours de la periode allant de 1’annCe de dCpart il 1’annCc horizon.

L’addition de ces deux ClCments donne une estimation sur la main-d’œuvre qui sera disponible il l’annke horizon pour occuper les emplois offerts par les entreprises.

(c)

(ii)

Offre potentielle d’emplois ou besoins de main-d’œuvre

Emplois correspondant aux prkvisions Cconomiques par profession/quali fication. et dCcès) +

Ressources ou disponibilitks en main-d’aeuvre

Main-d ’ceuvre <<rCsiduelle>> (après dCduction des d C p m

sorties prkvisibles du système de formation.

- - - -

(d) Il ne reste plus qu’il confronter les besoins estimes de l’economie et les ressources previsibles pour faire le bilan des dCficits ou des surplus et orienter en consCquence la politique de formation.

18

La planification de 1 ’éducation fondée sur l’approche main-d’œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

Cette demarche soulève des problemes de fond sur lesquels on reviendra plus loin. Elle pose aussi des problemes de mise en œuvre, tels que :

la durée de la pkriode prise en compte. Dans une demarche de planification, cette duree s’identifie souvent avec celle du plan global de developpement economique, soit en general 4 ou 5 ans. Mais cela pose un probl&me, dans la mesure OÙ la duree necessaire pour mettre en œuvre une politique educative et en obtenir des resultats est beaucoup plus longue. Il faut en effet une dizaine d’annees pour definir des orientations, proceder aux investissements necessaires, former les enseignants et voir l’achevement d’un cycle d’etudes et la sortie de ses diplômes sur le marche du travail ; le niveau d’agrégation des analyses concernant la structure par profession (ou mktier). Le desir des utilisateurs d’obtenir des previsions detaillees n’est pas seulement un facteur de complication. Il est aussi en contradiction avec le fait qu’il existe un degr6 important de possibilites de substitution entre formations de specialites ou de niveaux proches. Choisir un niveau d’ agregation, c’est aussi choisir un système de classification (ou nomenclature) suivant lequel sont regroupees les professions (question reprise au Cliapirre VZI, pp. 122- 133) ; les méthodes et les iiypotlièses utilisees pour prevoir les effectifs et les structures professionnelles. O n trouvera ci-dessous quelques illustrations de l’utilisation de

la demarche, montrant comment ces problemes ont et6 resolus, dans des pays et des contextes differents.

19

Planification des ressources humaines: méthodes, erpdriences. pratiques

2. L’expérience des pays socialistes à Cconomie planifiée’

L’Union soviCtique a constitue l’exemple le plus typique d’une planification de la main-d’œuvre et de l’education pdsentant les caractkristiques suivantes :

Elle s’intkgrait dans un processus global de planification directive couvrant tous les secteurs d’aclivite Cconomique et s’imposant toutes les unitCs de production. Ce processus impliquait une adequation mCcanique entre sortants du système de formation et besoins de recrutement des entreprises. Ceux-ci Ctaient CvaluCs par les entreprises elles- mêmes, en relation avec les objectifs planifies dc production et par application de coefficients techniques. Les instances de planification totalisaient ensuite les besoins des entreprises pour Cvaluer les besoins nationaux. Dans le cas de l’URSS, la logique de l’adequation etait renforcee par le fait que les instances de planification dCcidaient de l’affectation dcs dipldmes aux unitCs de production. D e plus, la conception socialiste ne reconnaissait pas l’existence d’un marchC du travail (pas plus que d’un marche des produits) et donc ne prenait pas en compte les phhomènes de libre mobilit6 des travailleurs, en dehors des ClCments qui auraient pu être pris en compte par la planification. Il est interessant de noter que la Hongrie, qui devait être la

premit!re a donner l’exemple des reformes Cconomiques, prenait ses distances vis-a-vis de ce modkle d&s les annCes 60. Les responsables de la planification firent un bilan critique du modèle adoptC pendant les annees 50 sur l’exemple dc l’URSS. Tout d’abord, la @riode de 5 ans adoptee initialement (parce qu’elle correspondait A la pdriode normale de planification) fut jugCe trop courtc pour la pCriode de planification

1. Pour l’URSS, voir Ivanov, dkilled-manpower planning, forecasting and training in the USSR,,, in Youdi et Hinchliffe (1985). Pour la Hongrie, voir Timir (1990).

20

LA planification de l’éducation fonaëe sur l’approche main-d‘œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

- ce qui fut Cgalement reconnu en URSS, OÙ l’on a Ctendu la pCriode jusqu’a 15 ou 20 ans.

Ensuite, la planification volontariste fondCe sur l’extrapolation des taux de croissance ClevCs des premikres annees de l’industrialisation aboutit souvent 3 des previsions irr6alistes. Cette tendance Ctait renforcCe par le fait que, dans I’Claboration de leurs plans, les entreprises suivaient leur propre logique et tendaient a exagCrer leurs previsions de besoins dans la mesure où il y avait une @nurie de main-d’acuvre qualifide.

Ce bilan a conduit les responsables hongrois B mettre en place au cours des annCes 60 un dispositif de planification conçu suivant des principes assez diffkrents de la simple adCquation mCcanique des annCes 50. Il s’agit d’une approche socio-Cconomique globale couvrant une longue pCriode (15 il 20 ans). Cette dCmarche socio- Cconomique globale n’est plus conçue comme un simple ensemble de calculs rCalisCs par des technocrates dans le silence de leur cabinet. Telle que la prCsente le professeur TimAr, qui a CtC responsable de sa mise en acuvre au cours des annCes 60, elle implique une concertation approlondic avec des sp6cialistes de differentes disciplines et avec des reprCsentants de diffkrents domaines d’activite. C’est d’ailleurs cette concertation et la prise de conscience des probl2mes posCs aux dilferents responsables de la planification qui constituent l’interêt du processus, peut-être davantage que les chiffres prdvisionnels auxquels on parvient. Autrement dit, on s’dloigne de l’approche mdcanique d’une planification impdrative pour aller vers un dispositif plus souple et plus indicatif.

3. Les travaux de l’OCDE

Cette organisation intemalionale regroupant surtout des pays dCveloppCs s’est prCoccupCe vers 1960 du r61e que jouait l’enseignement dans la croissance Cconomique (Pamcs, 1962). Elle a cherch6 3 Cvaluer les niveaux convenables de developpement de l’enseignement correspondant aux objectifs Cconomiques et sociaux d’un certain nombre de pays que nous appellerions ccsemi- dCveloppCs>>. Dans un premier temps, il s’est agi de six pays mCdi terranCens (Espagne, G &ce, Italie, Portugal, Turquie,

21

Planification des ressources humaines: dthodes, expériences, pratiques

Yougoslavie). Des Cquipes de spCcialistes, rdunies dans chacun de ces pays, ont Ctd chargees d’Claborer des plans detailles portant sur une longue @riode (1975).

La difference majeure avec l’experience des pays socialistes h Cconomie planifiCe provient du fait qu’il s’agissait cette fois de pays il Cconomie de marche. Par consCquent, il s’agissait surtout d’obtenir des estimations sur les deficits en main-d’œuvre previsibles et sur les investissements necessaires pour les combler. L’un des interêts de cette experience est qu’elle a CtC suivie

quelques annCes plus tard d’une Cvaluation, permettant de comparer les prdvisions initiales et les rCalisations. L’Cvaluation a notamment consistC B procCdcr B des analyses de sensibilité faisant apparaftre la marge d’erreur constatee sur les differentes hypothèses. On a pu ainsi constater que les erreurs lcs plus importantes avaient conccmC le taux de croissancc globale de 1’Cconomie. Ce constat donnerait B pcnser que les difficultCs rencontrees sont esscntiellement celles dc toute prkvision Cconomique et ne sont pas particulièrcment spdcifiqucs de la relation formation-emploi.

4. L’expérience française’

Mise en place après la guerre pour accdlCrer la reconstruction, la planification française avait un caractère souple et indicatif et se situait dans une Cconomie mixte fonctionnant suivant les lois du marche (contexte donc très different de celui des pays socialistes h planification centralisCe). OrientCe d’abord vers la production materielle, elle a peu B peu pris en compte les problèmes de ressources humaines, du fait qu’une partie importante de l’appareil de formation Ctait entre les mains de l’Etat, auquel il incombait de prendre des dCcisions d’orientation. Ccttc planification s’est dCveloppCe dans une perspcctive de croissance, avec pour prkoccupation de chercher B satisfaire des besoins en main-

2. Voir les différents documents de présentation des plans, ainsi que Ahamad et Blaug (1973), Youdi et Hinchliffc (1985).

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La planification de l’éducation fondpe sur l’approche main-d‘œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

d’œuvre qualifiCe considCr& comme importants (Goy, in Commissariat gCnCral du Plan, 1978).

Pendant les deux dkcennies 60 et 70, la methodologie s’est progressivement affinCe :

Les modèles Cconometriques sur lesquels se fondaient les prkvisions ont CtC perfectionnCs : le modèle de projection qui ne donnait qu’une image de l’annCe finale sans cheminement (intitule Fifi) a CtC remplace par un modèle permettant une variCtC de sdnarios et montrant les cheminements B parcourir avant d’atteindre 1’CchCance (DMS). L’analyse des structures professionnelles s’est faite ?I partir de 1965 en se r6fCrant aux donnees statistiques foumies par deux recensements et en extrapolant la tendance ainsi observCe, après corrections fondees sur l’avis de commissions sectorielles. A partir de 1968, une enquête annuelle a CtC lancCe auprès des entreprises pour analyser de façon plus fine la structure des emplois et son Cvolution. Ces donnkes, combinees avec l’enquête globale sur la situation de l’emploi et le recensement, ont permis une analyse plus riche de 1’Cvolution par profession pour le plan prCparC en 1975. C’est Cgalement B partir de 1965 que l’evaluation des besoins en main-d’œuvre a essaye de prendre en compte les besoins de renouvellement dûs aux decès et aux cessations d’activitd. Mais la mobilitC n’a pu être prise en compte qu’a partir de 1975, une fois que l’on a dispos6 des donnees portant sur 1’Cvolution professionnelle d’un Cchantillon d’individus au cours d’une @riode de cinq ans. Ces progrès de la methodologie se sont accompagnCs d’une

Cvolution de la conception des travaux, dans le sens d’un plus grand scepticisme. Les progrks de la connaissance ont en effet soulignC les incertitudes et la fragilitC de la prevision. C’est ainsi que l’on s’est CcartC de la conception initiale de la planification.

A u cours des annCes 60 et 70, <<la problematique simple et optimiste des premiers plans s’effrite au fur et B mesure que les informations se font plus nombreuses et plus precises. Ce que l’on considerait comme des phhomènes parasites mais marginaux pour l’analyse du problème ... prend une telle importance qu’il remet en cause l’analyse dans son ensemble. (C’est pourquoi) on est

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Planification des ressources humaines: dthodes, expériences. pratiques

passe progressivement d’une approche fondCe sur les <<besoins>> de 1’Cconomie a une optique dsolument tendancielle (prolongation des tendances passCes et analyse de leurs consCquences)>> (Goy, in Commissariat gCnCral du Plan, 1978).

Sur le plan mCthodologique, cette Cvolution a notamment eu pour consQuence une rdduction de la pCriode de prCvision : aprks avoir tente de couvrir une longue pCriode (1962-1975), seule demarche valable pour la planification, on s’est bomC A des estimations couvrant la pCriode des plans. Ces considCrations, en même temps que 1’Cvolution du contexte Cconomique et politique, ont finalement conduit h l’abandon pur et simple de ce type de planification et mCme de pdvision, du moins par les organismes officiels. On reviendra sur les travaux plus rCcents au Chapitre IV.

5. Les applications de l’approche main-d’œuvre dans le Tiers Monde

Les applications de l’approche main-d’œuvre dans les pays du Tiers Monde sont très nombreuses, mais aussi d’un intCrêt et d’une qualit6 t&s variables. Nous nous limiterons h quelques exemples significatifs.

(a) Le cas de l’Inde

L’expCrience de ce pays est l’une des plus anciennes. Elle se caractkrise d’abord par la priorite donnee à la main-d’œuvre scientifique et technique (ingenieurs, mCdecins, agronomes, enseignants) de haut niveau. Les autres catCgories ont CtC pratiquement nCgligCes, d’abord h cause du manque de donnees, mais aussi parce qu’elles ne posaient pas de problème de pCnurie. Les planificateurs indiens ont, en effet, toujours consid6rC que la pdnurie Ctait plus dommageable que le surplus (Verma, in Youdi et Hinchliffe, 1985).

Une autre caractCristique indienne est I’immensitC du pays et le fait qu’une grande partie des responsabilitCs incombent aux 22 Etats et aux 9 territoires. Le Gouvemement central a plus un r61e de coordination qu’un pouvoir rCel de contrdle. Cela explique en

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Lu planification de l’éducation fondee sur l’approche main-d’œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

partie pourquoi les pdvisions de main-d’oeuvre ont eu en fait un impact limitC sur les orientations en matière d’kducation. Pour les mêmes raisons, le Gouvemement central n’a pas toujours accb aux donnees dCtaillCes que nCcessiterait une planification concrète.

L’Cvaluation de l’expdnence indienne a permis notamment de constater que la plupart des prCvisions sur les besoins en main- d’œuvre ont CtC, 18 aussi, surestimees. Cela tient d’abord au fait que les estimations de croissance Cconomique Ctaient clles-mêmes trop optimistes. D e plus, les spCcialistes tendaient h surCvaluer les besoins dans leurs domaines respcctifs. Enfin, on a pu constater que les postes qui, suivant les planificateurs, devaient être pourvus par des dipl6mCs Ctaient souvent pourvus dans la rCalitC par un personnel n’ayant pas la formation theoriquement requise, mais moins bien rCmunCrC. C’est la consequence de l’absence de prise en compte des rCmunCrations dans la planification.

Une autre limite reconnue a posteriori tient au fait que la planification de la main-d’oeuvre n’a pas pris en compte la mobilitC sociale ou professionnelle. Le manque de donnCes statistiques fiables sur les structures professionnelles a constituC un handicap important h cet Cgard.

(b) Le cas de la Côte d’Ivoire

Ce pays a commence h se prCoccuper des relations entre formation et emploi h la fin des annCes 60. ConfrontCe au problkme pose par l’insuffisance des donnees statistiques de base, la Direction des Ctudes de l’Office national de la formation professionnelle a fait un important investissement sur la rdalisation d’une enquete sur la main-d’œuvre (Achio, in Youdi et Hinchliffe, 1985).

Ces informations ont foumi une base solide pour Claborer des pkvisions suivant une approche main-d’œuvre classique. C’est notamment le cas pour les projections Ctablies en 1982, portant sur 1’Cvolution du secteur modeme jusqu’h 1990.

L’analyse des rdsultats de ces travaux qui a suivi a permis de dCgager un certain nombre de conclusions :

Dans un pays en developpement comme la CGte d’Ivoire, la prise en compte du seul secteur modeme ne donne qu’une image très partielle de la situation et des perspectives

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Plan$cation des ressources humaines: m’thodes, expériences, pratiques

concemant l’emploi global. D e plus, il existe d’importants flux migratoires (immigration de main-d’œuvre faiblement qualifiCe des pays voisins, maintien d’un nombre ClevC de cadres europ6ens) qu’il est difficile de prendre en considkration suivant la même logique et dont 1’Cvolution est incertaine. Cet exercice est donc incomplet. Aussi Ctait-il prkvu de l’Clargir, notamment en utilisant les donnees rCsultant d’enquêtes sur le secteur informel. L’analyse prCvisionnelle soulignait le poids considbable repdsentC par le secteur public, et en particulier par l’enseignement, dans les emplois qualifiiCs a pourvoir : 68 pour cent des cadres de niveau supkrieur pour le seul enseignement, 9 pour cent pour les autres administrations. Compte tenu de la jeunesse de la population, les besoins de renouvellement pèsent peu par rapport A l’accroissement prCvu des effectifs employCs. La confrontation des ressources disponibles et des emplois a pourvoir faisait apparaître un surplus global au niveau des cadres et des formations supkrieures. Aux autres niveaux, le dCsCquilibre n’&ait pas global, mais qualitatif. L’interprCtation de ces rCsultats posait toutefois le problème des hypothèses adoptkes en ce qui concerne la relation entre niveau de qualification des emplois et niveau de formation.

(c) Le cas de l’Algérie’

En 1973, une mission de l’UNESCO rCalisait pour le compte du SecrCtariat d’Etat au Plan une Ctude prospective sur les besoins en main-d’œuvre qualifiCe et leur kquivalence en termes d ’Cducation et de formation. Elle adoptait dClibCrCment un horizon CloignC (1990), avec des Ctapes intenddiaires en 1977 et 1980. Elle suivait une demarche globale inspiree de l’exp6rience hongroise mentionnde plus haut. Les estimations portaient sur des agrkgats

3. Pour plus de détails, cf. Bertrand et al. (1974) et les rapports remis à l’UNESCO en 1974 et 1982.

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La planification de l’éducation f o d e sur l‘approche main-d’œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

dCfinis specifiquement pour l’Ctude, mais B partir des donnees concrètement disponibles, sur 19 branches d’activitks Cconomiques, 11 spCcialitCs de formation et 5 niveaux de qualification (cf. Chapitre VU, pp. 126-130).

Faute de donnees statistiques, des estimations très approximatives ont conceme la mobilitC professionnelle, dont il paraissait indispensable de tenir compte.

Pour estimer la structure jugCe souhaitable en fin de pkriode, 1’Ctude a Cgalement fait largement usage de comparaisons intemationales. Cette demarche a permis de proposer des estimations altematives par rapport B celles qui rksultaient des prdvisions de l’administration nationale et de leur extrapolation. Mais ces estimations n’ont pu être dkvelopp6es que pour 1’Cvolution de l’emploi global et de sa structure par secteur.

Ces estimations ont amen6 les auteurs à conclqe qu’au niveau supCrieur, ce n’&ait pas tant d’une expansion quantitative que 1’AlgCrie avait besoin que d’une reorientation en faveur des formations scientifiques et techniques, au detriment des formations litteraires et surtout juridiques. Venant à l’issue d’une pCriode de croissance très rapide de l’education consCcutive B 1’IndCpendance et se plaçant dans une perspective à long terme, 1’Ctude permettait de souligner que l’on ne pouvait extrapoler indefiniment les rythmes observCs et que la pCnurie ne se prolongerait pas longtemps. En revanche, il apparaissait nCcessaire de prCvoir une croissance plus rapide des formations techniques d’ouvriers qualifiCs et de techniciens.

ElaborCe sur des donnees insuffisantes et sur des hypothèses provisoires, cette Ctude entendait surtout ouvrir la voie à des travaux mieux fondCs, au fur et 2 mesure de 1’amClioration des donnees et de l’approfondisscment des rkflexions nationales. En 1985, la situation etait en quelque sorte inverde, puisque

le SecrCtariat d’Etat au Plan proddait à son tour à des estimations qu’il soumettait B un groupe de consultants extkrieurs. Portant sur les perspectives emploi-formation 2 l’horizon 2000, ces prCvisions Ctaient Claborkes suivant une conception purement adkquationniste. Elles comportaient deux variantes, l’une fondCe sur des hypothèses Cconomiques dCvelopp6es par des mCthodes CconomCtriques, l’autre se rdf6rant à la demande sociale.

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PlanifKation des ressources humaines: dthodes, expériences. pratiques

Les discussions, comme celles qui avaient porte sur les travaux de 1973, ont montre qu’un exercice de prkvision globale h moyen terme pouvait difficilement Cviter de poser des questions sensibles ayant une dimension politique : validite des hypothèses de croissance, mais aussi probl6me du chbmage, lui-même liC au calcul des taux d’activitC et au problème de I’activitC des femmes. Autrement dit, c’est toute la question du mode de d6veloppement. avec ses aspects politiques et socio-culturels, qui se pose. En fait, il ne semble pas que ces travaux successifs aient eu

beaucoup d’impact sur les decisions prises en matière de formation. Sauf cas particuliers, celles-ci semblent avoir surtout cherche h &pondre h une demande sociale très forte, compte tenu de ressources qui ont largement fluctue suivant la conjoncture Cconomique.

(d) Autres pays africains

La demarche mise en œuvre en Algkrie a Ct6 reprise et amClior6e par deux missions hongroises de l’UNESCO au Congo et en GuinCe. Prenant une perspective globale, les auteurs ne se sont pas seulement attaches h dktecter les dksequilibres concemant la main- d’œuvre qualifi6e. Ils ont situ6 cette question dans le cadre plus large de l’emploi et du ddveloppement. Cette prboccupation a conduit h mettre l’accent sur les perspectives dkmographiques (notamment le taux d’activite des femmes) et sur les differences entre zones urbaines et rurales et entre secteurs modeme et traditionnel.

Ces &des ne se sont pas 1imitCes aux aspects quantitatifs. Elles contiennent des apprCciations critiques sur la qualit6 des formations donnees et diff6rencicnt le niveau d’bducation formel indique par les statistiques et le niveau de compdtcnce dellement atteint.

6. Bilan de l’approche main-d’œuvre

Plusieurs conclusions peuvent être tir6es de ces experiences. Tout d’abord, le recours h l’approche main-d’œuvre est

largement liC au contexte socio-politique dans lequel elle est

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La plan flotion de l’éducation fondée sur l’approche main-d‘œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

utilisCe système planifie ou rCgi par le marche, situation de pCnurie ou de plCthore.

Sur le plan mCthodologique, outre les difficultes d’application et les inflCchissements not& au fur et il mesure de cet expose, l’approche main-d’œuvre pose au moins trois problèmes fondamentaux :

L’idCe de base consiste B confronter les futurs recrutements et les sorties du système de formation. Mais cette conception ne tient pas suffisamment compte du fait qu’une part (très importante dans certains pays) des recrutements provient, non des sorties du système de formation, mais de la mobilitk, soit B partir d’un autre emploi, soit à partir du chdmage, soit B partir de I’inactivitC (cf. Chapitre VU, pp. 108-114). Aussi faut- il distinguer l’approche main-d’ceuvre la plus simpliste, qui ne prend pas en compte ces phhomènes, et celle qui s’efforce d’Cvaluer au moins la mobilitC. Une autre critique porte sur le fait que l’approche main- d’œuvre ne tient pas compte des conditions dans lesquelles se fait concrètement l’ajustement entre offre et demande de main- d’œuvre, et en particulier des remunkrations. Elle suppose qu’il existe des besoins objectifs et que pour satisfaire ces besoins il suffit de former les effectifs correspondants. Quelques exemples suffisent à montrer que, dans la rCalitC, les

choses ne se passent pas ainsi. C’est ainsi, par exemple, que dans beaucoup de pays en developpement, le fait d’avoir forme en grand nombre de techniciens de l’agriculture n’a pas suffi B combler les pCnuries dans cette spCcialitC : la remuneration de ces personnels n’est pas assez attractive pour compenser des conditions de travail difficiles (Cloignement et inconfort) et l’image negative de ces professions par rapport à d’autres. Rien ne sert de former des spkcialistes, s’ils rehsent d’exercer la spCcialitC pour laquelle ils ont CtC formes. D e meme, dans beaucoup de pays industrialisCs, le travail industriel est dkvalorisk, et l’on a beau crCer ou developper des formations dans des domaines comme le b2timent ou la chaudronnerie, il n’y a pas suffisamment d’Clèves qui s’y inscrivent.

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences. pratiques

Ces exemples suffisent 2 montrer que l’opinion condamne souvent 2 tort le syseme Cducatif pour son incapacitd ja dpondre aux besoins de 1’Cconomie. Si l’on doit rcchcrcher une meilleure adaptation entre formations et emplois, cettc adaptation ne doit pas se faire il sens unique, elle doit englobcr les deux côtes de la balance.

Cette idCe se retrouve Cgalement sur un autre plan. En supposant que l’on passe outre aux diffcultks qui viennent d’être CvoquCes, reste la question de savoir comment definir la correspondance entre un type et un niveau de formation et une profession. D’abord, une telle correspondance ne peut Ctre rigide, car presque tous les emplois sont accessibles 2 partir de plusieurs formations et presque toutcs les formations dCbouchent sur plusieurs emplois. C’est le principe de substituabilitk dkjja CvoquC ja propos de la Hongrie. La mkdecine et quelques professions rbglementkes (architecte,

avocat) dont l’exercice suppose nkcessairement un diplôme dCterminC constituent des exceptions. Ce n’est pas le cas des ingCnieurs, car on constate qu’une partie parfois importante de ceux qui sont rCpertoriCs comme tels dans les entreprises ne possèdent pas le diplôme correspondant, tandis qu’une fraction Cgalement substantielle des diplômes n’exercent pas la fonction : ils exercent une fonction financiEre, commerciale ou de direction gCnCrale. A fortiori, pour les emplois commerciaux, le lien est tri% lâche.

Il faut Cgalement souligner que ce lien est variable selon l’offre et la demande, et suivant le niveau des rkmunbrations, qui peuvent varier selon le lieu et dans le tcmps. Les entreprises disposent d’une large marge d’adaptation. Si elles trouvent sur le marche des secretaires ayant fait des Ctudes supCrieurcs, elles leur donneront souvent la prCfCrence ; si ne se prbsentent au contraire que des candidates n’ayant pas fini leurs Ctudes secondaires, elles s’en contenteront. Peut-on dire objectivement quel est le niveau de formation necessaire 2 une secretaire ?

Le même raisonnement pourrait s’appliquer aux spkcialitds tertiaires. Le cas limite est celui des banqucs, qui, dans beaucoup de pays, ont recrute leurs futurs cadres en Ctant relativement indifferentes 2 leurs spkcialitks dc formation ; ce qui leur

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La plan fïation de l’éducation f o d e sur l’approche main-d’œuvre et la logique de l’adéquation formation-emploi

importait, c’&ait plut6t le niveau. Un certain degr6 d’indifferenciation est aussi le cas dans beaucoup de domaines tertiaires et, dans une certaine mesure, dans certains domaines industriels.

Les variations ainsi observCes dans le temps, au sein d’un même pays, sont tout aussi importantes si l’on compare les pays entre eux. Le type et le niveau de formation juges nkcessaires pour occuper un emploi dependent en efet de la structure du systeme de formation et de son degr6 de developpement, mais aussi de la manii3-e dont le systkme social reconnaît la qualification.

Les travaux entrepris par l’OCDE pour comparer les niveaux de developpement economique et Cducatif vont dans le même sens que cette analyse (dont on a dejh trouve un exemple h propos de l’Argentine) pour confirmer que des facteurs de demande sont insuffisants h eux seuls pour guider le developpement du système d’enseignement ; les facteurs d’offre doivent être pris en compte dans l’analyseu.

Dans ces conditions, on peut douter qu’il existe des besoins objectifs de 1’Cconomie et que la planification doive consister h adapter la formation a de tels besoins. L’adaptation ne peut être h sens unique.

Malgr6 ces critiques, l’idke adequationniste rcste solidement ancrt5e dans beaucoup d’esprits, car elle donne l’impression rassurante qu’il existe des solutions techniques au probleme de la relation formation-emploi.

Pour se prononcer sur la validitk de l’approche main-d’œuvre, il faut aussi voir quelles sont les approches altematives possibles.

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II. Deux approches alternatives de l’évaluation des besoins et des priorités de formation

Les methodes de planification de ressources humaines ne se limitent pas A l’approche main-d’œuvre. D’autres demarches sont pratiquees ou ont et6 proposdes. Les unes restent dans l’optique de l’adequation ; les autres au contraire s’inscrivent dans une logique differente, fondee sur l’t5valuation de I’effcacitk de la formation comme instrument de pilotage de celle-ci4.

1. Le questionnement des entreprises

Ce n’est pas veritablement une methode, et elle ne meriterait pas d’eue mentionnee si elle ne restait pas aussi frequemment pratiqube. C’est simplement une pratique et la plus simple de toutes, puisqu’elle se borne A demander aux entreprises quels sont leurs besoins de formation. Dans une perspective de planification d’ensemble, elle se heurte A trois objections majeures :

Les entreprises vivent generalement dans l’incertitude sur l’avenir, et il est rare qu’elles fassent des prbvisions A moyen terme. Il est encore beaucoup plus rare que ces prbvisions portent sur l’emploi et la main-d’œuvre. Il est donc A craindre que les evaluations qu’elles pourraient fournir ne soient totalement fantaisistes et deconnectees de la realite.

4. Le texte qui suit est pour partie emprunte A une mote methodologique sur l’analyse et la prevision des liaisons formation- emploi>>, r6digee en collaboration avec Andre Rosanvallon pour un projet UNESCO ingressant 1’Algerie.

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Deux approches alternatives de l‘évaluation des besoins et des prioritds de formation

Il est Cgalement 2 craindre que les estimations ne soient biaides, si les entreprises ont l’impression que leurs dponses auront une incidence concrète, par exemple sur l’allocation de main-d’œuvre. S’il s’agit de main-d’œuvre rare, elles auront tendance a surestimer leurs besoins. Enfin, le questionnement des entreprises ne peut rCpondre au probleme d’une planification globale. L’agrdgation mCcanique des besoins des entreprises et unitds de production ne peut fournir les donnees sur la main-d’œuvre exigees par une planification a long terme. <<(En effet) 1’Cconomie est un organisme complexe vivant qui Cvolue constamment : des ClCments meurent et sont remplaces par d’autres. On ne peut guère s’attendre a ce que les organismes existants prkvoient leur propre destruction ; au contraire, ils sont gdnkralement inconscients du fait que leur survie et leur dkveloppcment futur peuvent dependre d’une transformation radicale de leur profil de production, de leur structure et de leur travail. D e plus, la simple addition des besoins des entreprises existantes exclut les firmes a naître de la planification>> (Timir, 1990). Si le questionnement des entreprises ne peut constituer une

methode de prCvision chiffrde des effectifs a former, il est en revanche un Cldment essentiel de l’analyse qualitative des contenus de travail et de leur Cvolution (cf. Chapitre VI), ainsi que de 1’apprCciation du fonctionnement du marche du travail (cf. Chapitre VII, pp. 122-133).

2. La référence à la demande sociale

Il s’agit ici encore d’une approchc qui n’a pas de prktention scientifique, mais qui, implicitement ou explicitement, joue un rôle important dans les orientations en matiixe d’kducation.

Les analyses qui prkcèdent peuvent susciter une question brièvement CvoquCe au dCpart : le ddveloppcment de la formation doit-il et peut-il Ctre ddtermink seulement par les besoins Cconomiques ? A première vue, la rCponse est simple et consiste a dire que les formations finalitd professionnelle doivent Ctre dCterminCes par les besoins Cconomiques et la formation gdnCrale par les besoins que l’on pourrait qualifier de sociaux. En fait, le problème est plus complexe. D’abord parce qu’il est

&ident que le ddveloppement Cducatif est conditionnC par les

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Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

ressources Cconomiques disponibles. Ensui te parce que la frontière tenue (cf. Chapitre Vll, pp. 108-114). Les deux sont Ctroitement lies : le dCveloppement des formations professionnelles est conditionnd par celui de l’enseignement gCnCral ; a l’inverse, une extension de ce demier qui ne ddboucherait sur aucune formation finalisCe risque fort de susciter des problèmes. Enfin, on peut constater que, notamment - mais pas exclusivement - dans diffkrents pays du Tiers Monde, les programmes de formation professionnelle ont souvent une finalite sociale : ne sachant pas comment occuper les jeunes, ni pour quels emplois les former, on les place dans des stages de formation professionnelle sans finalite prkcise. Cette pratique est toutefois discutable, compte tenu du manque dramatique de ressources de ces pays. Si l’on se place non plus sur le plan thCorique et

mCthodologique, mais du point de vue des conditions concrètes dans lesquelles sont prises les dkcisions en matière d’Cducation, il faut bien constater que, si les dCcideurs sont confrontCs l’extrême difficultd d’kvaluer les besoins kconomiques, ils sont aussi soumis h une pression sociale allant gkdralement dans le sens de davantage d’kducation. A l’inverse de la prkcCdente, cette demande sociale est assez facile 2 planifier.

Dans ces conditions, il est tentant pour les autoritCs responsables de fonder davantage leurs dkcisions sur la seconde dCmarche. D e plus, celle-ci apparaît comme parfaitement dkmocratique h première vue. A y regarder de plus près, c’est loin d’être le cas. En effet, comme on le verra plus loin (cf. Chapitre VIl, pp. 116-122)’ l’expkrience montre que ce sont les catCgories sociales les plus favorisCes qui profitent le mieux de 1’Cducation.

Il faut en conclure que si la prise en compte de la demande sociale n’est pas une methode scientifique et objective d’Cvaluation des besoins de formation, elle constitue cependant un ClCment essentiel d’une rkalitC qui s’impose aux planificateurs, dans la mesure où la planification n’est pas un exercice acadCmique en chambre, mais un processus largement politique d’arbitrage entre des intkrêts et des priorites contradictoires (Klees, in Caillods, 1989).

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III. Les démarches fondées sur l’évaluation de l’efficacité du système de formation

Les approches analysees jusqu’ici visaient à prevoir les Cvolutions futures pour en dCduire une estimation chiffree des besoins de formation. Une autre demarche consiste à 6valuer a posteriori le fonctionnement du systkme Cducatif. Cette dCmarche peut prendre deux formes. La première vise à Cvaluer le rendement de la formation suivant un calcul Cconomique semblable B celui qui s’appliquerait B des investissements materiels. La seconde consiste h Ctudier comment ceux qui ont CtC formes se placent sur le marche du travail et dans quelle mesure l’emploi qu’ils occupent correspond au type de formation reçue. Ces deux demarches peuvent être considCrees comme des

methodes, sinon de prevision, du moins de pilotage du systkme de formation, par corrections successives. O n trouvera ci-dessous quelques exemples de leur application.

1. L’efficacité économique : l’analyse coût-avantage ou des taux de rendement

Elle a Ct6 surtout proposCe par des Cconomistes nCo-classiques, souvent anglo-saxons (Blaug, 1968 ; Psacharopoulos et Woodhall, 1988)’ partant d’une critique de l’approche main-d’œuvre portant notamment sur l’absence de prise en compte des r6munCrations et recherchant un meilleur fondement Cconomique au rapprochement formation-emploi. Ce fondement, ils le trouvent dans la thCorie du capital humain, suivant laquelle dducation et formation constituent un investissement Cconomiquement rentable, que l’on se place au niveau de l’individu ou de la nation. Cette demarche s’inscrit dans

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Planification des ressources hwnaines , méthodes, expkriences. pratiques

une perspective Cconomique, mettant l’accent sur les mecanismes de regulation naturelle qui oph-ent sur le marche du travail, grke aux salaires et aux revenus.

Dans cette conception, lorsqu’ils choisissent une orientation, les individus font implicitement une analyse de ce qu’elle va leur coûter et leur rapporter. Si l’on prend le cas où le choix s’exerce en faveur d’une poursuite d’Ctudes (par exemple A l’universitk), son coût peut Ctre mesud par les frais de scolariik et surtout par les coûts d’opportunitt?, c’est-A-dire le manque A gagner rdsultant du fait qu’en choisissant de continuer des dtudes, on perd une possibilite d’obtenir une dmunération. En revanche, en poursuivanl des dtudes, on peut esp&er

obtenir, tout au long de la vie active, un supplément de revenu qui compensera ce manque A gagner et bien au-dclA. En tenant compte des taux d’inter& A affecter A ces diffkrentes pkriodes de la vie active, il est possible d’aboutir A un bilan en termes de taux de rendement. Cette analyse peut êire transfCrCe du niveau individuel A celui de la collectivite, A condilion d’admettre que la rCmunCration individuelle est Cquivalente au bCnCfice que la collectivitC tire de son activitC. On pourrait ainsi Cvaluer le coût et le bCnCfice qu’un pays tirerait de diffdrents types de formation ou de leur dCveloppement futur. Il y a toutefois une diffkrence dans le mode de calcul, dans la mesure où la collectivitC supporte gCnCralement tout ou partie du coût des Ctudes. Cela implique que la poursuite des Ctudes doit logiquement Ctrc plus rentable pour les individus que pour la collectivitC.

Cette ddmarche a fait l’objet de nombrcuscs Ctudes, de sorte que des donnees sont aujourd’hui disponibles pour plus de 50 pays. Le demier bilan (Psacharopoulos et Woodhall, 1988) confirme les conclusions dCjja obtenues au début des annCes 70 et suivant lesquelles, en particulier :

le rendement de l’education pour les individus est supCrieur au rendement pour la collectivitC ; le rendement de l’enseignement primaire cst plus ClevC que celui des autres niveaux, aussi bien pour les individus que pour les collectivitds ; le rendement de 1’Cducation est gCnCralement supCrieur au taux de 10 pour cent A partir duquel les investissements en capitaux

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Les démarches fades sur l’kvaluution de l’eficacitd du système de formation

sont jugCs rentables. Autrement dit, l’investissement dans 1’Cducation serait au moins aussi rentable que les diffkrentes formes d’investissement matCriel ; le rendement de 1’Cducation est en moyenne plus dlevC dans les pays les moins avances que dans les pays industrialisCs. Les promoteurs de ces Ctudes considèrent que ces dsultats sont

suffisamment probants pour orienter les prioritCs et pour contribuer B la dCfinition d’une politique d’Cducation et de financement de celle-ci. Cette approche a le grand merite de souligner le r61e du facteur revenu dans les ajustements entre formation et emploi, et donc de combler une importante lacune de l’approche main-d’œuvre. Elle pourrait être utilisCe davantage pour analyser, par exemple, le problème du manque d’enseignants liC B l’insuffisance des rCmunCrations : on doit pouvoir calculer le coût supplCmentaire correspondant B l’augmentation des rCmunCrations necessaire pour rendre la profession plus attractive.

Bien qu’elle ne donne gdndralement que des indications tr2s globales sur les grands types d’kducation, elle est couramment utilisCe, au moins implicitement, dans les travaux et dCcisions de prêts d’organismes comme la Banque mondiale, naturellement attachCe B la notion de rendement des investissements. Elle prête cependant B controverse et soulhe des problèmes (Klees, in Caillods, 1989) :

Elle necessite beaucoup de donnkes sur les revenus, qui ne sont pas toujours disponibles. FondCe sur une analyse purement Cconomique. elle donne une repdsentation quelque peu schdmatique de la rCalit6, qui nCglige les acquis de la sociologie contemporaine. Supposer que les differences de revenu sont likes exclusivement B l’investissement dans I’Cducation, c’est ne pas tenir compte de la complexitk des relations entre Cducation, milieu social et familial notamment. U n cenain nombre d’Cconomistes reconnaissent ce probl5me et recourent B dcs hypothhes plus ou moins arbitraires pour Cvaluer le poids des facteurs autres que 1’Cducation dans l’estimation des diffCrences de revenu (Klees. in Caillods, 1989).

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Planification des ressources hwnaines : dthodes, expkriences. pratiques

D e meme, on peut contester l’identification entre revenu individuel et efficacitC sociale : le fait que la poursuite d’etudes dans les pays du Tiers Monde ait souvent conduit a des emplois de fonctionnaires relativement bien r6munCrCs ne prouve pas que ces emplois et ces formations aient Ct.6 Cconomiquement justifies, mais plutbt qu’ils se sont maintenus par suite d’une pression sociale.

Par ailleurs, en supposant que l’analyse coÛt-bh6fice rende bien compte du rapport actuel entre formation et revenu, elle ne dit rien sur la manière dont ces relations pourront Cvoluer dans l’avenir. Or, une planification de la formation doit se situer dans un avenir suffisamment CloignC et les Cquilibres peuvent se modifier pendant cette @riode. Beaucoup de pays nouvellement indkpcndants ont commencC par manquer gravement de main-d’oeuvre qualifiCe pour occuper les postes d’encadrement tenus par des expatries. Mais ces emplois Ctaient peu nombreux et on est passC rapidement d’une situation de pCnurie à une surabondance de diplbmks. L’observation des avantages dont bCnCficiaient les titulaires au dCpart a contribu6 21 crCer une demande et des attentes qui ne pouvaient ensuite Ctre satisfaites et qui ont CtC source de frustrations. Ce n’est pas par l’approche coût-bCnCfice que cette situation pouvait Ctre CvitCe.

2. L’analyse des conditions d’insertion et du suivi des sortants de formation

Depuis un certain temps dCjà, un nombre croissant de pays ont pris conscience du fait qu’il n’&ait pas suffisant de vouloir prCvoir et planifier, si l’on ne connaissait pas les rCsultats obtcnus : la première chose à faire ne consiste-t-elle pas à savoir ce que deviennent les jeunes formCs, comment ils se placent dans la vie professionnelle et quelle est la relation entre la formation qu’ils ont reçue et l’emploi qu’ils occupent ?

Plusieurs methodes visent à repondre à cette question. Le choix entre ces methodes dCpend d’abord des questions que l’on se pose, mais aussi des moyens financiers disponibles et des moyens pratiques permettant de dklimitcr, de saisir et d’interroger les

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Les démnrches fondées sur l’kvaluution de l’eficacité du système de formation

populations concemees, ces moyens Ctant liCs au contexte institutionnel (Affichard et Gensbittel, 1984). En ce qui conceme le contenu des questions, on peut distinguer les enquêtes h caract&re purement factuel, consistant a analyser en particulier la situation des jeunes et leur expCrience, et les enquêtes ayant l’ambition de connaître leurs attitudes et leurs motivations, notamment vis-&vis de l’orientation scolaire et professionnelle.

D u point de vue des methodes d’enquête, onpeut distinguer : Le suivi dans le temps ou mdthode du panel, consistant 8 rkintemger les mêmes individus pendant une pdriode variable, mais gCnCralement assez longue. Elle se prête bien B des Ctudes mettant en relation les caractkristiques familiales et sociales, la camère scolaire et la trajectoire profcssionnelle. Mais elle exige le concours d’enquêteurs spdcialisds, ne peut concemer que des Cchantillons de petite taille et nc donne des rdsultats qu’apr2s un certain temps. Les enquêtes d’insertion touchent les personnes sorties A un moment donne et un point prdcis du syst6me de formation. Faites B partir des Ctablissements de formation, elles facilitent les contacts avec les jeunes, ainsi que la ddlimitation du champ d’enquête en se rCfCrant it un ddcoupage scolaire, et donnent des dsultats rapides. L’inconvdnient de ces enquêtes tient au morcellement du champ sur lequel elles se fondent. Elles ne permettent pas de comparer diffirentes filihes et isolent chaque enquête du contextc du marchd du travail (Affichard et Gensbittel, 1984). Les enquêtes rCtrospectives visent 9 idcntifier les anciens Ctudiants après un certain temps, non pas 9 partir des Ctudes faites, mais dans un autre milieu, gdndralement le milieu professionnel. L’interrogation cherche a reconstituer le passC scolaire aussi bien que professionnel. La difficultd consiste h identifier une population homoghe et A la relier B son passe scolaire. La reconstitution pose aussi le probl2me de la fiabilitC de la memoire de l’intCress6 (Sanval, 1987). . .

On trouvera ci-dessous quelques exemplcs d’enquêtes entreprises dans des pays et des contextes differents avec des objectifs diffdrents.

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Planifcation des ressources humaines : méthodes, exptiences. pratiques

L e programme international d‘ enquêtes de I‘IIPE

Il s’agit d’un vaste programme de recherches dalis6 au cours de la @riode 1978-1984, A l’initiative de l’Institut intemational de planification de l’kducation, avec la participation de 21 pays, dans diffkrents continents et A diff6rent.s niveaux de dkveloppement (Sanyal, 1987). L e programme Ctait cenlrC sur l’enseignement suMrieur, avec des objectifs ambitieux, puisqu’il s’agissait :

de mieux comprendre les interactions entre l’enseignement supCrieur et le dCveloppcment socio-Cconomique ; d’identifier les dCsCquilibres affectant l’enseignement supdrieur et de tenter d’y remCdicr ; d’Cclairer les variables susceptibles d’influer sur l’entrCe dans le supCrieur et de permettre de dCfinir des politiques appropri Ces. Plus conc*tement, il s’agissait A la fois d’analyser la demande

d’enseignement supCrieur, le passage au monde du travail et le fonctionnement du marche du travail. Pour ce faire, trois methodes ont CtC envisagdes :

l’ktude longitudinale d’un groupe d’Ctudiants, de dipl6mCs et d’employeurs. C’Ctait l’approche jugCe la plus intkressante par les chercheurs, mais le suivi d’un groupe de personnes est difficile pendant une longue pdriode et les rksultats se font trop attendre pour les ddcideurs ; l’exploitation des donnCes du recensement. Celte dCmarche est la plus simple et la plus Cconomique, mais les donnees ne sont pas toujours disponibles, ni assez fiables, et ne rCpondent que partiellement aux questions posCes ; l’analyse rktrospective des conditions d’insertion par enquête auprès d’un Cchantillon significatif d’Ctudiants, de jeunes dipl6mCs et d’employeurs. Cette analyse doit foumir des informations utiles sur la relation formation-emploi et sur son Cvolution. Moins ambitieuse et moins satisfaisante sur le plan scientifique que la première, cette mCthode a CtC choisie parce qu’elle Ctait moins difficile il mettre en Denuvre et donnait des rksultats plus rapides.

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Les démarches fondées sur l’kvaluation de l’efficacité du syskhe de formation

L’Cchantillonnage a Ct6 fait suivant des methodes statistiques permettant de garantir la repdsentativite des enquêtes. Le fait d’interroger les employeurs et de constituer 1’Cchantillon d’observations individuelles en collaboration avec eux a facilit6 l’identification de la population des nouveaux dipl6mCs employCs. Mais la constitution d’un Cchantillon de ch6meurs Ctait plus difficile et n’a CtC tentee que dans certains pays. Le taux de sondage variait suivant les conditions : aux Philippines, il allait de 5 h 10 pour cent des dipl6mCs suivant les entreprises.

L’enquête Ctait rCalisCe par questionnaires fermes, remplis par les intCressCs, complCtCs dans certains cas par dcs entretiens directs. L’Cventail des questions posCes etait tr2s large, puisqu’il ne se limitait pas h des donnees factuelles (caractCristiques personnelles, Ctudes suivies). Il comportait aussi des appreciations et des opinions sur les prCfCrcnces en mati6re d’Ctudes et de travail, appelant des rCponses graduCes (exemples : tr6s important, peu important). C’est la validitC de ces questions portant sur des attitudes qui pose les probl6mes les plus difficiles dans ce genre d’enquête, et elles exigent des precautions particulieres. Une autre difficulte conceme la fiabilil6 des rkponses lorsqu’il s’agit de reconstituer les Ctapes relativement anciennes du passe Cducatif et professionnel de 1’intCressC.

L’analyse des rCsultats de ces enquêtes a abouti h un ensemble de conclusions sur les facteurs qui determinent la demande d’enseignement supdrieur, sur le fonctionnement de celui-ci et sur le passage h l’emploi. O n a pu en tirer diverses suggestions en matiere de planification, qui sortent du cadre de cette presentation consaCrCe aux mCthodologies.

Les enquêtes employeurs-employés ou enquêtes rétrospectives sur 1’ insertion

L’IIPE a dalis6 par ailleurs une sCrie d’enquêtes aupr2s des entreprises et de leurs employCs qui ont en commun, avec les Ctudes de suivi, d’analyser a posteriori l’insertion des dipl6mCs et

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Planifïation des ressources humaines : méthodes, exptiences, pratiques

des non-dipl6mCs ii diffCrents niveauxs. Ces Ciudes ont pour principal objectif d’analyser le fonctionnement du marche du travail, en partant du principe que très souvent on impute la responsabilitC des distorsions dans la relation Cducation-emploi ii la formation, sans se prCoccuper des conditions qui prevalent du c6tC de l’emploi. Elles visent a rkpondre A quatre questions : quelles sont les politiques de recrutement et d’emploi des entreprises ? Comment se fait l’insertion des sortants du systi?me Cducatif ? Quels sont les facteurs qui influent sur 1’itinCraire professionnel ? Quels sont les determinants de la catCgorie d’emploi et de la dmundration (dans quelle mesure sont-ils lies aux caractc5ristiques des entreprises ou des individus) ?

Ces enquêtes qui s’adressent aux employeurs et 2 un Cchantillon d’employks apportent un Cclairage utile sur les desajustements entre formation et emploi, montrant entre autres que les employeurs utilisent des critkres de recrutement et de promotion qui ne sont pas toujours liCs aux seules caracteristiques Cducatives des travailleurs.

Les politiques de personnel très diffkrentes des entreprises multinationales en Colombie, le rôle important que continuent A jouer les cadres exPatriCs au Cameroun, la capacite d’absorption rCduite d’un secteur modeme limitC et le rôle prCpond6rant du milieu du petit entrepreneur sur le devenir de son entreprise sont autant des facteurs de dCs6quilibre qui conduisent 2 considerer avec rCserves la recherche thCorique d’une adkquation formation- emploi.

L’Observatoire français des entrées dans la vie active

Dans le contexte très diffdrent qui est celui de la France au d6but des annCes 1970, le manque de donnCes statisliques sur la situation des jeunes est apparu comme une lacune d’un appareil statistique par ailleurs assez dCvcloppd. Cela d’autant plus que l’on se situait

5. Atangana-Mebara et al. (1984) ; Caillods (1981) ; Leite et Caillods (1987).

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Les démarches fonde’es sur l’évaluation de l’effiacité du système de formalion

encore dans une perspective de planification globale des relations formation-emploi. L’amClioration de cette planification supposait une meilleure connaissance des conditions rCelles dans lesquelles les jeunes passaient de la formation B l’emploi. Quelques annCes plus tard, l’aggravation rapide du chômage des jeunes a rendu cette prt5occupation encore plus urgente.

Le Centre d’Ctudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ), Ctablissement public crk6 en 1970 pour 1’Ctude des relations formation-emploi, avait vocation pour rkpondre B cette demande. Après quelques enquetes expCrimentales, il mettait en place l’observatoire national des entrkes dans la vie active. Cette dation d’un observatoire global et pcrmancnt, extension et systkmatisation des premières enquêtes d’insertion, visait B remCdier aux inconvhients dcs diflkrentcs m6thodes pr6sentCes plus haut. Ce dispositif devait permettre ah la fois de reconstituer le stock d’une classe d’âge et d’analyser les entrkes en activite, en contrôlant simultanement les ePfets du niveau de formation, de I’anciennetC sur le marche du travail et de l’evolution conjoncturelle ; il faut donc observer, sur une période suflisante, les flux annuels de jeunes sortant de l’ensemble du syst2me de formation, et ce d u n e maniQrepermanente. En outre, l’échantillon doit être assez important pour pcrmettre d’apprCcier les dkbouchks B l’issue d’un niveau de formation, d’une filiCre, et ce h un niveau gdographique suffisamment fin>> (Affichard et Gensbittel, 1984).

Ce dispositif pksentait les caractkristiques suivantes : Il s’agissait d’une enquête B caractkre national, couvrant un Cchantillon statistiauement remdsentatif de l’ensemble d’une cohorte quittant le iystème edicatif, h tous les niveaux et dans toutes les spCcialitCs. Les enquêtes d’insertion rCalisCes dans 1’annCe suivant la sortie de l’appareil Cducatif Ctaient suivies d’enquêtes de cheminement, donnant la situation des mêmes jeunes quatre annees plus tard. Les diffCrents types d’enseignement &aient CtudiCs successivement, de manière que l’ensemble du champ des sorties de formation initiale soit couvert en un cycle de quatre ans. Puis le cycle recommençait, ce qui permettait d’effectuer des comparaisons B quatre annkcs d’intervalle.

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PlanifKation des ressources humaines : dthodes, expt!riences. pratiques

Toutes ces enquêtes Ctaient effectuCes avec des methodes et des questionnaires très voisins. La plus grande partie des enquêtes, notamment celles qui concemaient l’insertion, Ctaient effectuees par questionnaire postal. Les informations recueillies par ces enquêtes sont purement

factuelles et excluent par principe tout jugement de valeur, toute opinion et toute donnde B caractbre subjectif. Il s’agit essentiellement de l’tige, du sexe, de la situation de famille, de celle des parents (leurs diplbmes), et surtout des caractkristiques des emplois successivement occupCs : type d’dtablissement, nature du travail, statut et classification, formation continue reçue. Ce dispositif a CtC modifie au dCbut des annCes 80, considCrant que :

i a relation entre formation et emploi ne peut s’analyser de la même manière pour les diffdrents niveaux : professionnel, secondaire et sup6rieur. L’enquête, faite uniquement au niveau national, limitait les possibilitCs d’analyse au niveau regional, alors que le dCbut de la dkcentralisation en France suscitait beaucoup de demandes sur ce point. Une enquête nationale Ctablie par un organisme officiel eloigne des intCressCs et pratiquement inconnu de la plupart d’entre eux a pu contribuer B une baisse des taux dc reponse. Les rCsultats sont meilleurs lorsque les enquêtes sont rCalisCes par des organismes plus proches des personncs interrogees (Affichard et Gensbittel, 1984). Ces considCrations ont conduit B la mise en place d’un

dispositif d’enquête B la fois plus diversifie ct plus d&entralisC : L’enquête de base est effectuke directement par tous les Ctablissements secondaires publics et prives avec un questionnaire commun Ctabli par l’administration centrale. Elle s’adresse B tous les ClCves qui ont quitte l’dtablissement huit mois plus t6t et qui ne poursuivent pas d’Ctudes. L’Ctablissement scolaire fait lui-même un premier dkpouillement des rtsultats obtenus, ce qui lui permet de se faire une idCe du devenir de ses anciens ClEves ct de I’effcacitC de son enseignement par rapport au marchd du travail. L’administration regionale effectue une prcmière centralisation et une première exploitation statistique des rksultats 2 ce niveau

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Les démarches fondées sur l’kvaluation de l’eficacité du système de formation

et met les r6sultats 5 la disposition des organismes d’Ctudes et des dCcideurs concemCs. A u troisième niveau, la rkcapitulation des tableaux de bord est effectuCe par le Ministère de l’Education, tandis que le CEREQ prodde 5 l’exploitation d’un Cchantillon statistiquement repdsentatif au niveau national de 40 O00 questionnaires. Cela repdsente un taux de sondage moyen d’environ 7 pour cent, variable suivant les types de formation, certaines d’entre elles 6tant analysCes de façon exhaustive. Trois ans après cette premiere enquhe exhaustive, une partie des jeunes sont interroges 5 nouveau. Cette enquête est effectuCe dCsormais par interview, exigeant le recours 5 des enquêteurs. Cette proCCdure donne de meilleurs resultats que 1’enquCte postale, mais elle est plus coûteuse, ce qui a conduit B reduire le nombre d’enquêtes. Cette deuxiEme vague d’enquête vise 5 reconstituer integralement les activites professionnelles ou de formation continue exercCes par I’intCressC durant cette #riode. L’analyse sur une plus longue durCe complète et Cventuellement modifie l’image que pouvait donner l’enquête initiale : il est frequent que des formations ddbouchent sur un emploi immCdiat mais precaire et mal remunCrC, alors que d’autres donnent des resultats moins rapides mais plus satisfaisants B terme. Outre cette enquête de base concernant les sorties de

l’enseignement secondaire, d’autres enquêtes spdcifiques s’adressent aux sortants de diffdrents types de formation, tels que l’enseignement superieur et l’apprentissage. A la fin des annbes 80, des enquêtes rkgulières par ttldphone ont permis de suivre des Cchantillons de jeunes conccmes par des programmes particuliers de stages et de formation compldmentaire. Il est ainsi possible d’apprdcier trEs rapidement I’cfficacitC de ces programmes.

La synthèse des donndes provenant dc ces enquêtes sur l’insertion d’une part, des donnees statistiques sur 1’Cducation d’autre part, et enfin des enquêtes sur l’emploi permet 1’Ctablissement @riodique d’un Bilan formation-emploi. Celui-ci montre l’articulation entre l’ensemble des flux de sortie des divers systèmes de formation (EducaLion nationale, formalions agricoles

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Plan$ïïation des ressources humaines . m’thodes, expériences. pratiques

et mddicales) et l’ensemble des recrutements auxquels proc2dent les entreprises et les administrations en provenance non seulement de la formation, mais aussi d’un autre emploi, du chômage et de la non-activitC. L’articulation est analysCe par niveau de formation et par grand groupe de profession.

Grke h ce bilan, il est possible d’analyser la place qu’occupent les jeunes dcemment formes dans l’enscmble des recrutements auxquels procèdent les acteurs kconomiqucs, de rclativiser ainsi le rôle de la formation initiale ct de mesurcr l’impact des mesures prises pour orienter la formation ainsi quc I’cmploi des jeunes.

L’expérience de la Tunisie

En s’inspirant du dispositif prdcddent, la Tunisie a cntrepris en 1989 de realiser des enquêtes sur les sortants des centres de formation professionnelle. Pour commencer, une enquête postale a CtC limitCe h une rdgion et B un type dc formation. L’annCe suivante, une enquête d’insertion a touchk tous les jeunes sortis un an auparavant des centres de formation.

Le questionnaire est rempli par les intkressds et transmis par voie postale. Les taux de rdponse ont CL6 de 65 pour cent pour l’enquête pilote et de 52 pour cent pour l’enquête exhaustive. Des enquêtes complCmentaires par interview sont organiskes auprès de non-rCpondants, pour veiller B la representativit6 de I’Cchantillon. Le questionnaire comporte cinq types de questions :

Des questions communes sur l’identification, la formation suivie et la situation actuelle sur le marche du travail servent de filtre pour orienter les trois suivantcs, qui sont specifjques. La deuxième sCrie s’adresse uniquement B ceux qui ont un emploi, pour identificr l’emploi et la manière dont il a CtC trouve. Les questions suivantes s’adressent aux chômeurs et portent sur la recherche d’emploi. Les demières questions spkcifiqucs s’adresscnt aux inactifs. Enfin, une demi2re partie commune conccme la formation continue postkrieure. Les rCponses sont codCes par les agents chargds des statistiques

au sein des offices regionaux de la formation professionnelle, qui

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Les démarches fordées sur l’évaluation de l’eflcacité du système de formation

sont aussi charges de sensibiliser les centres de formation et les stagiaires à l’enquête. Il est envisage d’utiliser une solution altemative, plus Cconomique, consistant à faire remplir les questionnaires par les Ctablissements de formation, lorsque les stagiaires viennent chercher leurs diplômes.

Parallhlement B ces enquêtes d’insertion, d’autres enquêtes sont effectuees auprès des centres de formation et des entreprises (cf. Chapitre VZZ, pp. Z22-133). Ce dispositif d’enquête est considCr6 comme la première Ctape d’un dispositif plus global, qui devrait concemer B terme l’ensemble du système d’Cducation et de formation et comporter des enquêtes de cheminement.

Autres expériences

On pourrait citer bien d’autres exemples, tels que : les enquêtes de l’Institut allemand d’etude du marche du travail et d’analyse des professions (IAB), qui permettent de suivre des Cchantillons de jeunes en cours de scolaritk, ou de diplômes de l’enseignement secondaire, qui sont rkinterroges ?i des intervalles de trois à cinq ans ; les enquêtes ponctuelles organisees par les universites britanniques pour suivre leurs diplômes et, plus rCcemment, la ttYouth Cohort Study>>. Elle a consistC B interroger une cohorte de jeunes de 16-17 ans par voie postale en 1985 et B la rkinterroger en 1986 et 1987 ; . les nombreuses etudes de suivi lancees dans diffCrents pays en dkveloppement avec le soutien de la Banque mondiale. Celle-ci encourage en effet les gouvemements Zi dCvelopper ce type d’ktudes, dont l’esprit est assez proche de cellcs entreprises par I’IIPE, puisqu’elles visent non seulement il constater les donnees factuelles, mais aussi à analyser les motivations des jeunes. Cependant, t<une proportion importante des enquêtes prevues n’ont pas Cte entreprises ou pas achevCes. Le problème est peut-être que les objectifs, la methodologie et l’utilitk de ces enquêtes ne sont pas bien compris>> (Psacharopoulos et Woodhall, 1988). Ce type d’Ctudes se dCveloppe, mais avec dcs objectifs, des

types d’information et des mCthodes de collecte tri% differents.

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Deuxième partie

Tendances récentes de la planification des ressources humaines

Dans cette deuxii?me partie, nous passerons en revue les methodes pratiqukes aujourd’hui, principalement dans les pays ddveloppks, pour la planification quantitative et qualitative de la formation.

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IV. La prévision de l’emploi et des professions dans les pays développés

Les pays industrialisCs Claborent toujours des prCvisions d’emploi, mais B diffkrents niveaux (national, regional et sectoriel) et pour des utilisations diverses.

1. Les prévisions nationales

Les expCriences r6sumCes dans cette deuxikme partie, differentes des prCc6dentes par leur objectif et leur portCe, appartiennent B deux catCgories :

Les unes se limitent A la prevision de l’emploi et de sa rdpartition par profession, sans prktendre deboucher sur une planification fondCe sur la notion d’adkquation. Elles Cchappent donc aux critiques les plus graves que l’on peut adresser B l’approche main-d’œvre : relation entre qualification et formation, absence de prise en compte des revenus, contradiction entre une optique fondCe sur une planification des besoins et l’existence d’un marche. Elles peuvent n6anmoins Ctre utilisCes pour donner des indications gCnCrales en matière de formation. Elles concement principalement des pays industrialisCs. Les autres s’inspirent encore d’une conception addquationniste, mais ont une ambition plus modeste, puisqu’elles se limitent h des domaines plus circonscrits : régions ou secteurs d’activité.

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PlanifKation des ressources humaines : mdlhodes, exptiences. pratiques

Le cas des Etats-Unis6

L’experience de ce pays n’a pas etc? presentee dans la premi2re partie, considCrant qu’il ne s’est jamais place dans l’optique de l’adequation et qu’il s’est toujours situe A l’oppose des orientations fondees sur une planification globale, plus ou moins directive, se fiant essentiellement aux lois du marchk pour assurer une regulation. M ê m e un pays où la dCcentralisation des dkcisions est aussi poussCe n’kchappe pourtant pas h une ccrtaine forme de planification, que ce soit pour definir les grandes orientations ou pour dkterminer les investissements. Un bon fonctionnement du marche suppose par ailleurs une bonne information des acteurs : en l’espike, pour aider les jeunes, leurs familles et leurs conseillers dans le processus d’orientation professionnelle en leur donnant des indications sur les perspectives d’emploi.

C’est dans cet esprit que les Etats-Unis ont acquis depuis plusieurs decennies une expCriencc des CLudes prospectives concemant l’emploi et les professions. Ces travaux prksentent notamment les caractkristiques suivantes :

Leur responsabilite incombe principalement h un organisme public, le Bureau of Labor Statistics (BLS), qui dkpend du Departement du travail. Il dispose d’importants moyens d’Ctude pour rassembler et mettre A jour ses donnbes et ses hypothbes, lui permettant d’actualiser rkgulièrcment ses prdvisions. Il utilise les donnees statistiques existantes et un mod2le Cconomktrique exterieur. Il n’a pas le monopole de ces Ctudes : d’autres organismes, en particulier des fondations, travaillent en collaboration avec le BLS ou en parallèle avec lui pour certaines catCgories de main-d ’œvre (ingknieurs et scientifiques). C’est notamment le cas du Hudson Institute, qui a publie en 1987 une Ctude sur la main-d’œvre de l’an 2000.

6. Voir Johnston et Packer (1987) et le numéro de novembre 1989 de la Monthly Labor Review.

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La prévision de l’emploi et des professions d a m les pays développés

La @riode couverte est de l’ordre d’une quinzaine d’annCes. Les prCvisions sont glissantes, la version 2000 s’Ctant par exemple substituCe rkcemment à la version 1995. Les donnees traitees sont extrêmement nombreuses et dCtaillCes, qu’il s’agisse des prkvisions CconomCtriques globales, de l’emploi par secteur (plus de 200 secteurs) ou surtout de l’analyse par profession (400 professions). Ce chiffre exceptionnellement ClevC est un compromis entre les demandes d’utilisateurs qui souhaiteraient parfois encore plus de dCtails et les critiques d’experts sur le plan mkthodologique : ceux-ci font parfois remarquer qu’un trop grand degr6 de dCtail accroît les risques d’erreur et va à l’encontre de la tendance à 1’Clargissement des compktences. L’Cvolution macro-Cconomique fail l’objet de scCnarios se rCfCrant ii de grandes orienlations socio-kconomiques. Quant à 1’Cvolution des structures professionnelles, elle n’est pas seulement calculCe par des modèles ; elle fait davantage l’objet d’hypothèses raisonnCes Ctablies par les experts à partir d’Ctudes qualitatives et en concertation avec des professionnels ayant une expCrience concrète. Les projections pour l’an 2000 ont pour point de dkpart le croisement des secteurs et des professions pour 1988. La projection de cette structure tient compte de facteurs tels que 1’Cvolution technique, les pratiques et modes de production des entreprises, ainsi que la demande du marchC. Les previsions ne s’intCressent pas seulement à la repartirion de l’emploi par secteur et profession. Elles s’attachent Cgalement à 1’Cvolution du marchC du travail et de la composition de la main-d’œvre (part croissante des femmes et des minoritCs ethniques). Les rCsultats font l’objet d’une très large diffusion par des moyens variCs. Ils servent notamment à l’elaboration d’un ouvrage de synthèse ahandbook,, sur les professions et leurs orientations. Ils font aussi l’objet de dkbats qui peuvent avoir un impact national ou même intemational. C’est ainsi que les tableaux du BLS faisant apparaître les professions en croissance ii l’horizon 1995 ont fait l’objet d’interpretations contradictoires : les uns mettaient l’accent sur le fait que les

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Planification des ressources humaines : mkthodes, erpbiences, pratiques

effectifs les plus nombreux concemaient des professions peu qualifiees des services ; les autres soulignaient au contraire que les taux de croissance les plus ClevCs interessaient des professions qualifiees, chacun en tirant des conclusions oppos&s sur l’impact des Cvolutions en cours et des politiques gouvemementales. L’accord Ctant g6neral sur le fait que les pr6visions confirmaient notamment la necessite de relever le niveau global de formation. Ainsi, tout en produisant les prkvisions les plus detaillees en

matière d’emploi et de professions, les Etats-Unis ne les utilisent pas directement comme un instrument de planification, mais comme une source d’information alimentant le debat social, largement mise a la disposition de tous les acteurs. Ce contexte est t&s different de celui de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

Le cas du Royaume-Uni

Dans ce pays, un organisme de type universitaire, 1’Institute of Employment Research (Warwick University), actualise regulièrement des previsions d’emploi par secteur et par profession (Lindley, 1984). Ces previsions concement 16 secteurs principaux et 48 secteurs dCtaillCs, d’après la classification intemationale type des secteurs. Les groupes de professions sont au nombre de 22.

Les ClCments economiques sont estimds sur la base d’un modèle macro-economique emprunte ;i un organisme exterieur (Cambridge Economics) et utilisant un certain nombre de variables (prix, balance des paiements et, bicn entendu, productivite).

Les pdvisions prksentent cette particularite de faire apparaître separement les emplois occup6s par des femmes, les emplois independants (par rapport aux salaries) et les emplois h temps partiel. Ce genre de distinction s’cxplique notamment par le progrès du travail des femmes et par le dCveloppement des formes <<atypiques,> d’emploi dans les pays industrialises (travail temps partiel, mais aussi non salarie). Il dcvrait s’appliquer il plus forte raison dans les pays moins industrialises où le sectcur moderne est peu dCvelopp6 et emploie peu de fcmmes.

L’analyse de 1’Cvolution des structurcs professionnelles montre que cette Cvolution depend beaucoup plus des modifications

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La prévision de l’emploi et des professions dans les pays développks

apportees a la &partition de l’emploi par secteur (effet de secteur) qu’aux modifications de structure professionnelle h l’intkrieur de chaque secteur (effet de structure).

Ces previsions ne comportent pas de rCfCrence au niveau d’Cducation et ne s’inscrivent donc pas dans une logique d’adCquation formation-emploi. Les experts qui les Claborent soulignent h cet Cgard plusieurs differcnces avec l’approche main- d’œvre dans sa forme initiale :

M ê m e si des rapprochements peuvent Ctre opCrCs avec d’autres projections concemant les qualifications produites par le système de formation, il ne peut s’agir que d’un signal sur lequel l’attention des dCcideurs devrait être attirde. Il n’est pas question d’en ddduire directement des objcctifs. L’approche main-d’œvre la plus traditionnelle est fondCe sur une sCrie de projections ClaborCes li partir de coefficients fixes, et laisse peu de place aux Cvolutions et aux analyses de sensibilite. Dans la plupart des cas, une seule structure professionnelle par secteur est envisagCe. Avec 1’amClioration des donnees, il est possible de comparer les donnCes sur plusieurs pCriodes et de €aire la part de situations exceptionnelles, telles que le chômage très ClevC et les restructurations du dCbut des annCes 80 au Royaume-Uni. Le modèle utilise ne tient pas seulement compte des tendances, mais aussi des dsultats d’Ctudes plus qualitatives et de l’avis d’experts. On s’efforce de crder un rCseau d’experts capables de proposer des hypoth2ses alternatives et des <<fourchettes>> pour les principaux coefficients. Alors que la prise en compte de la mobilitk professionnelle est considCrCe comme le point faible de tous les modèles, celui-ci s’efforce d’y remCdier graduellcment en utilisant les donnees des enquetes statistiques sur l’emploi. Dans un pays oh la planification n’est pas li l’ordre du jour et

OÙ la concertation sociale est limitke, l’utilisation de ces projections est forCCment assez restreinte, bien qu’elles fassent l’objet d’une publication. Il y a assez peu de dCbats officiels, mais ces travaux peuvent Ctre li l’origine de discussions gCnCrales, par exemple sur la notion de dCficits dans tel ou tel domaine professionnel : les employeurs tendent 2 en faire porter la

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Planification des ressources humaines : dthodes. expériences. pratiques

responsabilite sur le système de formation, alors que les chercheurs soulignent le r61e que doivent jouer les entreprises si elles veulent attirer davantage de candidats dans les professions qui les interessent.

Le cas de l’Allemagne’

L’Allemagne est incontestablement une Cconomie de marche, mais dans laquelle l’administration fkddrale et celle des Etats (Lhder) jouent un r61e important. Cependant, cette administration a sans doute Cte moins loin que son homologue français dans une tentative de planification globale incluant les relations formation- emploi.

Cela n’est pas contradictoire avec le fait que les previsions concemant l’emploi et la qualification y sont plus nombreuses et plus diversifiees. D e nombreux organismes (publics, universitaires ou prives) ont contribu6 aux travaux de prevision. Cette diversite des organismes entraîne une diversite des methodes utilisees, de sorte qu’il est difficile d’en rendre compte de manière complète.

E n Allemagne c o m m e dans beaucoup d’autres pays, l’approche main-d’œvre sur le modele de l’OCDE a CtC mise en œvre vers les annees 60. Mais son utilisation c o m m e instrument de planification a Ct6 abandomCe, non seulement du fait des objections methodologiques, mais plus encore parce que cette approche semblait incompatible avec le libre choix des individus vis-%vis de leurs dtudes et de leur camère (Tessaring, 1982). La preference a ensuite CtC donnCe h des demarches tenant compte davantage de la demande sociale et visant A confronter offre et demande de main-d’aevre, et particuliErcment de main-d’acvre hautement qualifiCe. Les projections ainsi dalisCes ne pretendent pas constituer une pdvision valable de l’avenir, mais seulement fournir des ClCments pour l’elaboration des politiques d’dducation et de main-d’œvre.

7. Cf. en particulier : Clement (1985) ; Tessaring (1982. 1990).

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La prévision de l’emploi et des professions d a m les pays développés

Quelques conclusions peuvent Ctre retenues d’un bilan des exHriences de pr6vision (Tessaring, 1982). D’abord, le fait que la validitd des pdvisions ne semble pas dependre du degr6 de complexit6 des methodes utilistes. E n second lieu, on a constat6 que les projections concernant la main-d’œvre hautement qualifide apparaissaient raisonnablement fiables, les structures de qualification Ctant assez stablcs. Les qualifications plus faibles sont apparues plus difficiles B appdhender et il prCvoir, du fait de leur diversite et de leur manque de formalisme. Enfin et surtout, 1’exNrience indique que les previsions concemant les facteurs de changement et la direction de ceux-ci se sont dvC1Ces exactes, en particulier pour ce qui conceme les groupes agrCgCs. Mais les erreurs ont CtC beaucoup plus graves a un niveau plus fin de detail de 1’6volution de l’emploi et de l’education.

Ces demikres annees, les principaux travaux ont et6 effectues par l’Institut de recherche de l’Office fCdCral de l’emploi (IAB), ce qui leur donne un caractkre officiel. Pour les demikres projections, concemant les horizons 2000 et 2010, cet institut a coopt5rC avec un organisme prive (Prognos a Biile). La demarche suivie s’inspire de l’approche main-d’œvre, avec quelques particulantes qui mentent d’être relevCes :

Les pdvisions portent sur de grandes fonctions (fabrication, commercialisation, etc.), et non pas sur les professions. C e choix est liC a une volont6 de ne pas utiliser les prkvisions c o m m e moyen d’orientation des individus dans leurs choix professionnels. E n effet, les prCvisions ne sont pas considCrCes c o m m e suffisamment fiables et valables au niveau individuel (des individus peuvent rCussir m ê m e dans des professions offrant statistiquement peu de dCbouchCs). O n craint aussi qu’une adhCsion massive aux rCsultats des previsions (considCrant qu’elles Cmanent d’organismes officiels) n’aboutisse B en inverser les conclusions. Vues d’autres pays oh les travaux de prkvisions ont un

caractkre purement technique et ne touchent pas un large public, ces pr6occupations peuvent paraître inattendues.

57

Planification des ressources humaines : dthodes. expkriences, praiques

L’évolution récente en France

Apres l’abandon de l’approche main-d’œvre par l’organisme officiellement charge de la pdvision (INSEE) au cours des annees 70, on a vu renaîre une demande de prdvision vers la fin des annCes 80. Celle-ci Cmanait notamment de nouveaux organismes charges d’une rdflexion prospective sur la relation entre 1’Cducation et 1’Cconomie (voir ci-dessous). Ces organismes ont chargC un bureau d’dtudes SpCcialisC dans la prospeclive (le BIPE) d’entreprendre des Ctudes statistiques h caraclère CconomCtrique pour tenter d’estimer les grandes caractdristiques de l’emploi B l’horizon 2000 et les condquences que l’on pouvait en tirer pour 1’Cducation.

Ces travaux ont servi de rCfCrence h diffdrents rapports proposant de grandes orientations pour la politique Cducative. Ils portent surtout sur les niveaux de formation et ne donnent que des indications très globales sur les groupes professionnels. 11 s’agit surtout d’argumenter le ddbat sur les grandes orientations, et notamment sur la proportion d’dlCves devant atteindre le niveau du baccalaurt5at. L’argumentation tient compte Cgalemenl des importants travaux consacrCs par 1’Education nationale en 1987- 1988 B la prkvision de 1’Cvolution des flux jusqu’à l’horizon 2000. Mais il ne s’agit plus h proprement parler d’une planification fondCe sur l’approche main-d’œvre.

Sur le plan mCthodologique, il faut noter que les dernieres projections Claborees en 1991 rdpondent dans une large mesure aux critiques faites B la version prkcCdente, et A l’approche main- d’œvre, en faisant une large place h la mobilitd professionnelle. Ce sont essentiellement les hypothèses concemant la place respective donnde par les employeurs au recrutement de jeunes et h la promotion du personnel en place qui diffdrencient les diffdrents jeux de projections. En 1990, un rapport du MinistEre de l’Industrie concluait B

l’absolue nkcessitd d’dtablir une vraie planification des formations supdrieures et de la fonder sur une meilleure analyse des besoins de l’dconomie. 11 proposait en exemple les prdvisions du BLS aux Etats-Unis. A la suite de ce rapport, un groupe de travail s’est rduni en 1991 et a rouvert le ddbat sur l’opportunitk de reprendre

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La prévision de l’emploi et des professions dans les pays développés

un travail systematique de prkvision, integrant des ktudes quantitatives aussi bien que qualitatives.

Enfin, l’accent mis jusqu’ici sur les previsions quantitatives ne doit pas faire oublier l’important dkveloppement, au cours des annees 80, de divers travaux presentant des scenarios B caractere plus qualitatif et relevant plus de la prospective que de la prkvision traditionnelle (Commissariat gCnCral du Plan, 199 1). Parallklement B cette Cvolution, qui va dans le sens des developpements de la troisieme partie, la planification prend un tour plus concret pour se situer davantage sur les plans regional et sectoriel.

2. Les études régionales

Nous donnerons deux exemples d’approche regionale et locale : l’un emprunte B la France, pays traditionnellement trks centralise qui commence B se dCcentraliser, ct l’autre aux pays anglo-saxons, qui B l’inverse ont toujours constilue l’exemple de pays tr&s decentralids.

Le cas de la France’

Les premikres approches regionales de planification sont apparues dks les annees 70 et se sont developpees au cours des annCes 80 avec la decentralisation. Elles etaient fondees sur le principe de l’approche main-d’aevre et la logique d’adkquation. Elles visaient une definition B la fois qualitative et quantitative des types de formation prevus B moyen terme au niveau d’une region.

Parallelement, des operations de diagnostic &aient consacrees a des zones particulikres ou B des publics specifiques (jeunes en particulier).

8. On trouvera ci-dessous un résumé des travaux du Groupe de travail sur l’analyse régionale de la relation formation-emploi : problématique et méthodes (CEREQ, 1990).

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Planification &s ressources humaines : dthodes, expériences, pratiques

Cependant, comme nous l’avons vu, les travaux de preparation du VII‘Plan remettaient en question les analyses en termes d’adequation et soulignaient l’importance d’une approche regionale, qui pouvait Ctre considCrde comme un substitut h la recherche d’adequation, en permettant une coordination des politiques plus proche du terrain. Ils soulignaient l’interêt qu’il y aurait h rassembler et h intcrprdter un ensemble cohkrent d’informations, sous la responsabilitk des dgions. En application de ces suggestions sont mis en place A partir de

1980 des schCmas regionaux de la formation professionnelle. Ils doivent constituer des instruments d’information, de coordination et de prevision. Rejetant les mdthodes fondees sur une relation stricte entre chaque formation et chaque emploi, ils doivent privilkgier l’analyse des situations et des mCcanismes de fonctionnement du marche du travail. Ils doivent s’intdresser h la fois aux activites Cconomiques et A l’emploi, aux formations et aux individus. Avec la mise en a x e d’un programme de decentralisation en 1982, le rôle de ces schCmas est renforce, en vue de la ddfinition d’une politique regionale de formation professionnelle. Des mCcanismes de concertation entre partenaires sont ensuite mis en cvre et prennent le nom d’<<observatoires regionaux>>.

Le groupe de travail constitue pour Ctudier les methodes d’analyse que pourraient utiliser ces observatoires commençait par faire un bilan critique des demarches fondCes sur l’adkquation. Mais il a constate qu’aucune probldmatique susceptible de les remplacer ne s’est ddveloppde depuis leur abandon au niveau national. Il a concentre alors son attention sur des outils d’analyse des interactions entre la production des savoirs par les systkmes de formation et leur utilisation et leur reconnaissance au sein du syst6me de production.

Le cas des pays anglo-saxons

Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne notamment, il est de tradition que la responsabilitc? de l’dducation et de la formation soit très decentralisde (cf. Annexe II/>. Cette situation même fait qu’il est bien difficile d’etablir un bilan d’ensemble des methodes

60

La prévision de l’emploi et des professions dans les pays développés

utilisees pour Cvaluer les besoins de formation. Mais on sait qu’aux Etats-Unis, les organismes regionaux et locaux sont tr&s demandeurs des previsions sur l’emploi et les professions mentionnees plus haut pour eclairer leurs dkcisions sur l’orientation des cours et des etudiants. Quant a la Grande- Bretagne, la recente mise en place des Training and Enterprise Councils a pose un problCme de ampetence et de methodologie pour orienter la formation au niveau local, dont la responsabilite incombe de plus en plus aux employeurs. Comme en France, ces structures regionales et locales sont B la recherche de methodologies adaptkes. Les solutions adoptees sont tr&s variables ; dans un certain nombre de cas, il est fait appel a l’expertise de divers organismes d’ktude et de conseil, qui peuvent appartenir B des universites.

3. Les études sectorielles

Les contrats d’études prévisionnelles en France

La fin des annees 80 et le ddbut des annees 90 ont vu un grand developpement des etudes prkvisionnelles sectorielles visant l’analyse des besoins de formation (en particulier de formation continue) et la definition de politiques permettant d’y rependre. C’est le resultat d’une decision de l’administration chargCe de la formation professionnelle, crCant les contrats d’dtudes prkvisionnelles, dont elle partage le financement avec les organisations patronales. Cette decision s’ins5re dans un ensemble d’activites programmees sous le titre de ctmodemisation nCgociCe>> en vue de dCvelopper la concertation entre partenaires sociaux, ce qui implique une participation des syndicats au suivi de ces travaux.

Ces Ctudes previsionnelles sont conduites par des organismes d’ktudes, publics ou prives, B la suite d’appels d’offres. Elles comportent une analyse d’ensemble de la situation et des perspectives du secteur, traitant des aspects quantitatifs aussi bien que qualitatifs. On trouvera au chapitre suivant une prksentation dCtaill6e de

l’une de ces etudes.

61

V. Un exemple d’étude sectorielle

Cette Ctude a Cte r6alisCe en France en 1989 et 1990 au titre de l’un des contrats d’Ctudes prkvisionnelles. L’Ctude a CtC conduite par le Centre d’dtudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ), en collaboration avec l’Agence nationale pour le dCveloppement de l’dducation permanente (ADEP)9.

1. La démarche

Le deroulement de 1’Ctude a CtC suivi par un ComitC de pilotage comportant des reprksentants des entreprises, des administrations, des syndicats d’employes et des experts. Ce comitC a 6tC consulte sur la mCthodologie suivie et a donne son avis sur les diffkrentes phases du deroulement des travaux. Les reprksentants syndicaux, soit au niveau du comi te, soit au niveau des entreprises enquêtees, ont foumi des informations et donne leur point de vue, ce qui a permis de complCter ou d’equilibrer les ClCments qui venaient pour l’essentiel du c6tC des entreprises.

Les objectifs assignds B 1’Ctude comportaient : la definition des axes de dkveloppement de la formation dans le secteur, l’identification des besoins propres B chaque categorie d’emploi, la constitution d’un potentiel d’information, d’analyse et

9. Ce chapitre est basé sur la publication du CEREQ Emploi, qualijïcation, formation dans la grande distribution alimentaire, La Documentation française, 1990.

62

Un exemple d’btude sectorielle

d’expertise et des propositions d’orientation pour le ddveloppement des politiques de formation. Il s’agissait aussi bien de formation initiale que continue, et 1’Ctude devait interesser 2 la fois les entreprises pour les aider et les inciter 2 definir leurs objectifs et leurs politiques de formation et 1’Etat pour concevoir les dipl6mes de formation professionnelle.

Le domaine couvert par 1’Ctude Ctait celui de la grande distribution 2 prddominance alimentaire : supermarches, hypermarches, magasins a succursales, employant au total 360 O00 salaries (sur un total de 1.6 million dans le commerce de detail français). Cette dklimitation restrictive du domaine s’explique par la structure des organisations professionnelles. En effet, dans l’esprit du dispositif des contrats d’Ctudes previsionnelles, les organisations professionnelles devaient jouer un r61e essentiel dans l’initiative et le suivi des Ctudes. Or, s’il existe des organisations bien structurees pour le grand commerce modeme, le reste du commerce est du ressort d’un tr2s grand nombre d’autres organisations qu’il Ctait difficile de regrouper.

Le grand commerce h prkdominance alimentaire Ctant toutefois en croissance rapide et faisant preuve d’un grand dynamisme, on peut penser que la portCe de 1’Ctude est plus importante que son poids relatif d’effectifs, d’autant que les conclusions de 1’Ctude s’appliquent dans une large mesure B l’ensemble de la distribution non alimentaire modeme.

La mCthodologie suivie pour mencr B bien cette Ctude comporte quatre Ctapes r6sumCes dans le Graphique 1.

diagnostic de la situation actuelle ; extrapolation des tendances observecs en ce qui conceme l’emploi ; etude prospective de l’avenir possible du secteur et de son incidence sur les qualifications ; orientations et propositions pour la formation et pour la gestion de la main-d’œuvre.

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Phi'iation des ressources. humaines :

dthodes. experiences. pratrqus

r

P a 3

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Un exemple d‘érude sectorielle

L’etude sur la distribution alimentaire represente une innovation importante B deux points de vue :

elle constitue un effort systematique de prkvision quantitative de 1’Cvolution du secteur et des effectifs qu’il emploie ; l’&de rCalis6e en France a CtC complCtCe par des analyses conduites dans d’autres pays industrialis& sur 1’Cvolution du secteur et sur les politiques d’entreprises. Cela a permis d’dclairer le diagnostic et l’analyse des perspectives françaises en faisant apparafire les sp6cificitCs de ce pays et les possibilitds altematives d’dvolution. Au niveau français, les investigations ont CtC conduites A la fois

sur les plans quantitatif et qualitatif. Sur le plan quantitatif, on a commence par inlerroger les

sources statistiques existantes. On ne s’est pas contente des donnees publiees ; dans un certain nombre de cas, on a procCdC A un traitement spCcifique plus approfondi (par exemple pour obtenir des donnees correspondant au secteur CtudiC). Pour complCter les donnCes globales concemant le secteur, un questionnaire ferme a CtC adressC aux principales entreprises du secteur pour obtenir des donnees chiffrees ou des rCponses pdcises A certaines questions. . Pour passer B l’analyse qualitative, on a constitue un Cchantillon d’une quinzaine d’entrcprises diverses par la nature de leur activitC et par la taille. Dans ces entreprises, choisies aussi pour leur disponibilid, des entretiens ont eu lieu avec :

les directeurs des ressources humaines ou du pcrsonnel ; les responsables de la formation ; dans un certain nombre de cas, les responsables de l’informatique, qui sont parfois en même temps responsables de l’organisation et qui sont au courant des Cvolutions en cours et en projet ; un Cchantillon de cadres et d’agents de maîtrise reprksentatifs des principales fonctions exercees dans les entreprises : magasins, services achats, entrep6ts ; dans la mesure du possible, un Cchantillon d’employCs occupant les principaux types d’emplois, afin d’Ctudier la nature de leur activite et de completer l’image d’ensemble de l’entreprise et de son personnel.

65

Planification des ressources humaines : méthodes, expkrknces, pratiques

En plus des entreprises, des entretiens ont eu aussi lieu avec des organismes de formation et avec des experts connaissant le secteur et les formations qui y preparent.

2. Le diagnostic

Le secteur et 1’ emploi

Ces investigations ont abouti d’abord à un diagnostic global. Celui-ci faisait apparaître une croissance rapide des grandes surfaces en libre-service, et notamment des hypermarchCs, qui vendent une proportion croissante de produits non alimentaires. Cette structure est assez spCcifique à la France, les entreprises commerciales des autres pays industrialisCs Ctant plus spCcialisCes, soit dans l’alimentaire, soit dans le non-alimentaire (et dans certains produits).

D u fait des Cconomies d’dchelle et de leur organisation en libre-service, ces grandes surfaces ont une productivitC ClevCe et emploient proportionnellement moins d’effectifs que le petit commerce, par rapport à leur volume d’activitk. Puisque leur part du marchC de la distribution a constamment progresd, la croissance de l’emploi total du secteur a CtC plus faible que celle du chiffre d’affaires. En fait, la croissance de l’emploi a surtout correspondu à la progression du travail à temps partiel : pour un volume d’activitC donne, il faut plus d’employCs h temps partiel qu’a temps plein. Si le dCnombrement des effectifs ne pose pas de problkmes, les

difficultCs commencent lorsque l’on veut analyser leur dCcomposition par profession. A cet effet, il a fallu exploiter et regrouper toutes les sources d’information.

Le Recensement constituait la source d’information la plus exhaustive et donnait des ddtails suffisants sur la repartition par professions en 400 postes. Mais le demier datant de 1981, l’information n’&ait plus à jour en 1989.

Deux autres sources statistiques sont disponibles. L’une est une enquête annuelle auprEs des entreprises, qui donne toutes les prkcisions sur la structure des emplois. Mais elle n’est remplie que par les entreprises employant au moins dix personnes, et, même

66

Un exemple d’étude sectorielle

pour celles-ci, le taux de rCponse dans ce secteur n’est pas trts satisfaisant. Une autre enquête donne des informations sur l’ensemble de la population active, mais le taux d’Cchantillonnage est tr2s faible. D e ce fait, lorsqu’il s’agit d’Ctudier une population assez peu nombreuse, comme celle des cadres de la grande distribution, les informations recueillies ne sont qu’approximatives. A plus forte raison, si l’on veut Ctudier les Cvolutions, la marge d’erreur d’une annCe h l’autre risque d’être plus importante que les variations rCelles.

Restait B s’adresser directcmcnt aux entreprises. C’est ce qui a CtC fait, mais d’autres difficultes ont Ct6 rencontrdes. D’une part, on s’est aperçu que leurs statistiques sur le personnel Ctaient souvent insuffisantes : d’elles possèdent bien une fiche individuelle pour chaque employC, mais elles ne tiennent de statistiques que pour les Cldments dont elles ont besoin pour leur gestion courante. Elles ont rarement des donnCes d’cnsemble sur la structure du personnel par profession et encore plus rarement des donnees sur le niveau de formation. Si l’on veut Ctudicr les Cvolutions, on se heurte B un autre

problkme : beaucoup d’entreprises ont subi des restructurations au cours des demikres annCes, par fusion, redCcoupage des activites, sous-traitance, de sorte que les comparaisons d’une annCe 2 l’autre ne sont pas toujours significatives. D e même, les comparaisons d’une entreprise 2 l’autre pour difinir une situation moyenne sont rendues difficiles du fait que les activitCs ne sont pas toujours les mCmes : certaines ont des restauranls avec leurs magasins, ou des entrep6ts, ou des services de transports, ou des centrales d’achats, d’autres non.

A u total, on disposait d’une diversite de sources d’information dont aucune n’&ait pleinement satisfaisante. Mais une confrontation et une analysc critique de ces Cldments ont foumi une image moyenne approximative au moins de la structure par profession. On a pu ainsi constater que le secteur se caractkrisait par un assez petit nombre de cadres et d’agents de maîtrise et par un tr2s grand nombre d’employCs, pour la plupart faiblement qualifies, en d’autres termes par une polarisation des qualifications.

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Planification des ressources humaines : méthodes, exp&riences. pratiques

En combinant les sources d’information, on a cependant procede li une Cvaluation de la repartition des effectifs par profession.

Pour mieux apprehender la realite, il a fallu ensuite passer B une analyse qualitative. L’Ctude des entreprises a d’abord permis d’identifier des fonctions, ou grands types d’activite. rc5pondant li une même finalite et faisant appel li un même type de competence. Les unes sont specifiques li la distribution (vente, gestion des flux de marchandises et manutenlion, achats) ; les autres sont communes li toutes les entreprises (gcslion financi2re et comptable, gestion du personnel). On a aussi rep6rC comment ces fonctions se repartissaient entre les grands types d’unit& (magasins, entrepôts, centrales d’achats, sièges sociaux) et dans l’organisation de ces unites. Cela a permis de constater des degres très diffCrents de centralisation, la dkcentralisation pouvant être très poussCe dans certaines entreprises (hypermarchks).

Les emplois

L’enquête a permis ensuite d’identifier les principaux postes de travail et d’analyser les plus caracteristiques parmi eux. La confrontation de ces descriptions a abouti h une description moyenne des emplois types (cf. Chapitre Vl).

La main-d‘œuvre

Mais il ne suffit pas d’analyser la nature des emplois. Il faut aussi s’interesser li la manière dont ceux-ci sont pourvus (par des jeunes, diplômes ou non, ou par des adultes, avec quelle exphience) et aux conditions dans lesquelles le personnel est employk : est-il stable, permanent, est-il susceptible d’kvoluer au sein de l’entreprise ou dans la profession ? Toutes ces questions interessent indirectement la formation, aussi bien initiale que continue. A nouveau, 1’Ctude a CtC amenCe h faire la synthèse entre des donnees statistiques officielles donnant une image globale du secteur et des donnees plus approfondies portant sur un Cchantillon d’entreprises et permettant d’Cclairer et d’interpreter les statistiques. On a Cgalement eu recours aux bilans sociaux, que les

68

Un exemple d’étude sectorielle

entreprises doivent Claborer chaque annCe et communiquer aux reprksentants de leur personnel et dans lesquels on trouve une sCne d’informations sur les caractdristiques de la main-d’œuvre et sur son renouvellement. O n a obtenu ainsi des informations precieuses sur les caractCristiques de la main-d’œuvre employCe.

Le rapprochement des donnees disponibles a montre que la grande distribution alimentaire se caractkrisait par la jeunesse de sa main-d’œuvre, la part importanle de femmes, une mobilitC trEs ClevCe, la frkquence du travail ri temps partiel, un faible niveau de rCmunCration et un faible niveau de formation gCn6rale et professionnelle,

Le temps partiel se developpe parce qu’il permet de mieux ajuster les coûts de main-d’œuvre aux importantes variations d’activitk, suivant les saisons, les jours de la scmaine et les heures de la joumCe. Il s’adresse bien sûr d’abord aux femmes (elles reprdsentent 60 pour cent des effectifs du secteur). Mais, à la difference d’autres secteurs, le travail ri temps partiel ne correspond pas ri une demande des employes (avoir du temps pour s’occuper des enfants), mais à une exigence dcs employeurs (flexibilitd de la gestion de la main-d’œuvre).

Dans le même sens, le secteur se caractCrise par la jeunesse et la tri% forte mobilitk de la main-d’œuvre. Celle-ci correspond pour une part à la proportion ClevCe de contrats h durCe determinCe. Ces demiers s’expliquent en partie par le caract2re saisonnier de l’activitC et en partie par le desir des employeurs de pouvoir faire varier facilement leurs effectifs, pour faire face aux incertitudes sur le volume de l’activite.

Tous ces ClCments sont importants, car on ne peut dkvelopper la formation sans examiner ri quclle population elle s’adresse, si elle est stable dans l’entreprise ct motivee. Ainsi la forte mobilite, la pkcaritC des emplois et la frCquence du temps partiel dans le secteur sont-elles apparues comme pouvant constituer des obstacles : les entreprises voient moins d’inter& ri investir dans la formation d’un personnel qui ne reste pas ; de leur c6tt, les intCressCs ne sont pas motivCs.

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Planifcation des ressources humaines : méhodes. expériences. pratiques

Les recrutements

Mais la question la plus importante Ctait celle de savoir comment les diffkrents types de personnel occupant les principaux postes Ctaient recrutCs, suivant quels profils et avec quelle formation. La conjonction des differentes sources d’information a fait apparaître de grandes differences entre cadres, agents de maîtrise et employCs. Lors du recrutement des employCs, il n’est gtdralement pas

fait r6fCrence a une formation spCcifique, la formation n’intervenant que comme un cridre de recrutement parmi d’autres, dans la mesure où un niveau plus ClevC peut être un indice de capacitds d’Cvolution et d’adaptation plus grandes. C’est seulement pour les ouvriers de la transformation des aliments et en particulier les bouchers qu’une formation specifique est normalement exi g Ce.

Les agents de maîtrise (c’est-&dire essentiellement les chefs de rayon) jouent un r61e capital dans l’organisation, compte tenu de leurs responsabilitks. Ils constituent aussi un point clC dans la fili6re d’evolution professionnelle. Traditionnellement, ils Ctaient recrutds essentiellement par promotion inteme parmi les employCs, en fonction de leurs qualitCs personnelles, sans beaucoup de considCration pour la formation qu’ils avaient pu acquCrir. La complexitC croissante de leur activitC fait que les entreprises souhaitent qu’ils soient mieux formCs. Aussi recrutent-elles le plus souvent des jeunes ayant reçu une certaine formation supCrieure, et leur donnent ensuite une formation ComplCmentaire en entreprise.

Les cadres sont de deux types : dans les si2ges sociaux, il existe un petit nombre de spCcialistes (gestion, informatique, logistique, marketing) qui sont gCnCralement dipl6mCs d’Ccoles supdrieures. Dans les magasins, l’encadrement commercial doit avoir une expCrience du terrain en commençant par des emplois de maîtrise, mais il a plus souvent une formation supkrieure. La combinaison des informations quantitatives et qualitatives

recueillies sur la mobilitC et sur les conditions de recrutement a permis d’Claborer le Graphique 2 representant les flux de mobilitC pour les grands niveaux de qualification.

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Un exemple d‘étude sectorielle

Graphique 2. Secteur de la grande disrribution alimentaire en France : effectifs et flux annuels (estimation moyenne 1987-1 988)

Sortles n Recrutements

(16 000)

4 200 -1 (32000) 1- 6 400

Cadres

Maidse

64m CDI (272 000)

Noie :

Source :

CDI = contrat 1 dude indéterminée ; CDD = conma1 1 durée déteminée. CEREQ, en collaboration avec I’ADEP. (1990).

Il faut noter que 1’Claboration de ce graphique n’est pas sans probltme : il donne une image totale de l’ensemble des recrutements opdrCs par les entreprises et des dCparts en provenance de celles-ci. Mais il est vraisemblable qu’une partie de ces mouvements se font avec d’autres entreprises du m C m e secteur. Autrement dit, les mouvements qui s’op&rent entre le secteur CtudiC, d’une part, et le systtme Cducatif et les autres secteurs, d’autre part, ne sont pas aussi importants que la s o m m e des mouvements entre entreprises : une partie de ceux-ci s’annulent. Mais il est trts difficile de chiffrer ce phknomtne, car les statistiques ne disent pas d’où viennent et où vont les employCs mobiles.

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Planification des ressources humaines méthodes. expériences, pratiques

La formation

Le demier volet du diagnostic concemait la formation, initiale et continue. En ce qui conceme la formation initiale, un bilan des

formations conduisant 2 des dipl6mes de 1’Education nationale a CtC Ctabli. 11 a permis de constater qu’il n’existait pas de formation prCparant spkcifiquement h la grande distribution, mais qu’un dipl6me rCcemment cdC s’adressait particulièrement h ce secteur. Les objectifs de cette formation ont CtC discutes avec les responsables de sa conception.

Ensuite, on s’est efforcC d’affiner le bilan esquissC plus haut des relations entre formation reçue et emploi occupC. Les donnCes foumies par les entreprises sur les critères de recrutement ont CtC recoupCes autant que possible par des donnCes statistiques. Les statistiques de l’observatoire des entrees dans la vie active (cf. Chapitre III, pp. 38-47) ont notamment permis de constater vers quels emplois s’orientaient les titulaires des differents dipl6mes susceptibles de conduire au secteur CtudiC. Mais la taille limitCe de celui-ci n’a pas toujours permis d’obtenir des indications valables h partir de 1’Cchantillon interroge. Un second bilan a port6 sur les formations donnees en dehors

du système national de formation professionnellc, mais prkparant plus spCcifiquement aux emplois de la grande distribution, en particulier de chefs de rayon. Les Ctablissements concemes ont CtC visites, leurs objectifs et leurs modes de recrutement ont CtC analys6 s.

D e même, 1’Ctude de la formation continue a comportC des 61Cments quantitatifs et qualitatifs. Sur le plan quantitatif, la France dispose de donnCes riches sur la formation donnCe par les entreprises. En effet, celles-ci sont astreintes h dkpenser un pourcentage de leur masse salariale pour la formation de leur personnel et doivent Ctablir chaque annCe une dCclaration prkcisant comment elles ont dCpensC ces fonds. Le CEREQ, Ctant chargC de l’exploitation statistique de ces donnees, &ait en mesure de faire une analyse d’ensemble pour le secteur. Cette analyse a port6 sur les depenses par type d’entreprise et de personnel, ainsi que sur la durke moyenne de formation par type de personnel. Elle a

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Un exemple d‘ktude sectorielle

notamment permis de constater que l’effort de formation continue dans ce secteur Ctait sensiblement plus faible que la moyenne nationale.

ParallUement, les enquetes en entreprises auprh des responsables de formation permettaient d’analyser les plans de formation, les objectifs qu’ils se fixaient, les populations concemkes, les types de programmes, de methodes et d’organisations.

3. Les projections

La premi2re demarche pdvisionnelle a consistC h extrapoler les tendances observCes en ce qui concemc les effectifs employCs et les recrutements. Il s’agissait moins de prCvoir l’avenir h proprement parler que d’essayer d’kvaluer les condquences de differentes hypoth2ses d’Cvolution, h partir des tendances observCes. Ce travail a CtC conTi6 h un spCcialiste du secteur commerce au sein de l’Institut national de la statistique et des Ctudes Cconomiques. L’horizon choisi a CtC l’annCe 1995, car l’on disposait de donnees Cconomiques de base jusqu’h cette date, mais pas jusqu’h celle, plus symbolique, de l’an 2000.

Cette demarche impliquait une sdrie d’hypothkses : sur le volume total d’activitC du commerce de detail ; sur le partage des parts de marche entre les diffdrentes branches du commerce, pour estimer le volume d’affaires spCcifique de la grande distribution alimentaire ; sur 1’Cvolution de la productivitC dans chaque branche, pour passer du volume d’aclivitd A la quantitk d’heurcs travaillCes ; sur l’importance des effectifs employCs h temps partiel, qui affecte les effectifs employCs pour une quantite de travail donnCe.

(a) Pour estimer le volume d‘activité du secteur commercial, on est parti des projections de consommalion des divers types de produits dCjh Ctablies par l’INSEE. Bien entendu, la validitC de ces projections est fonction de 1’Cvolution Cconomique, ce qui donne un caract2re alCatoire h cet exercice, comme h tous les autres du même type, compte tenu de la pCriode envisagCe. On aurait pu

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PlanifKation des ressources hlunaines : méthodes, expkriences, pratiques

multiplier les hypothbes, mais cela aurait conduit A compliquer encore l’exercice. (b) Les hypoth5ses sur le partage des parts de marcht ont CtC en revanche diversifiCes, ap&s discussion avec les responsables de la profession et les experts. Ce partage a CtC CtudiC sepadment pour les diff6rents types de produits, alimentaires et non alimentaires. L’hypothbe la plus simple consistait il extrapoler les tendances observCes dans le passe, en supposant que le grand commerce modeme continuerait il gagner des parts de marche au même rythme que les annCes prCcCdentes. Cette hypothese a CtC retenue, tout en sachant qu’il long terme elle aboutirait il des resultats absurdes, car on finirait par depasser les 100 pour cent. Mais, B moyen terme, la tendance pouvait se maintenir encore quelque temps.

Pour tenir compte de l’objection, toutefois, une deuxi6me hypothEse se rCfCrait aux parts de marche restant il gagner, ce qui supposait un ralentissement lorsque l’on s’approchait des 100 pour cent. Enfin, une troisième hypothèse &ait fondee, non plus sur les extrapolations, mais sur le raisonnement d’experts : elle supposait une continuation des gains rapides sur les produits alimentaires (au detriment du petit commerce), mais un freinage des progr& sur les autres produits, en raison de la concurrence des autres commerces modemes. (c) Avant d’Claborer les hypothèses concernant f’évofution de fa productivité (rapport entre volume d’activit6 et heures travaillees), on a fait le bilan des facteurs allant dans le sens de progris plus rapides ou moins rapides que pendant la pCriode precCdente, facteurs qui sont examinks de manière plus approfondie dans la partie prospective. Une hypothèse de gains de productivit6 prolonges fut retenue, mais il un rythme moins rapide que pendant la pkriode pr6ckdente. (d) D e même, en ce qui conceme l’évofution du recours au travail d temps partiel, on a tenu compte de l’extrapolation de la tendance passee dans le sens de la croissance, qui correspond il une logique Cconomique et il l’opinion de la majoritC des experts, ce qui a fait l’objet d’une première hypothèse. Mais on a aussi envisage une hypoth5se de stabilisation au niveau actuel, pour

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Un exemple d’htude sectorielle

tenir compte des inconvdnients sociaux d’un developpement involontaire de l’emploi a temps partiel. L’évolution des effectifs ...

La combinaison de ces hypothkses permet de calculer un Cventail de situations possibles en ce qui conceme 1’Cvolution de l’emploi dans le secteur l’horizon 1995. Ces situations se situent dans une <<fourchette>> qui va de 0’3 pour cent de croissance annuelle h 1,2 pour cent. En termes d’effectifs, cela correspond A une crkation annuelle de 2 300 A 8 100 emplois dans le commerce alimentaire. Cette ccfourchette>) peut paraître tr8s ouverte, mais il en est toujours ainsi lorsqu’on multiplie les combinaisons d’hypothkses, ce qui conduit h Clargir les Ccarts entre les hypothkses extrêmes ; il est peu vraisemblable toutefois que, dans la dalitC, tous les Ccarts jouent dans le même sens. Sur un effectif total de pr6s de 700 O00 personnes, la diffCrence apparaît moins grande.

Cet exercice prdsente un intCrêt en soi pour les responsables du secteur et de la politique de l’emploi. Mais il est insuffisant pour les responsables de la politique de formation, qui souhaiteraient des estimations, non sur l’emploi, mais sur les perspectives de recrutement, par type d’emploi (ou profession). L’Ctape suivante devrait alors consister a estimer la repartilion de l’emploi en fin de @riode par profession.

... et des recrutements ...

Deux difficultCs ont CtC rencontrees ici. D’abord, comme il a CtC dit plus haut, la connaissance de la structure professionnelle actuelle est tr6s insuffisante, ce qui rend son extrapolation difficile. Ensuite, l’analyse des facteurs pouvant faire Cvoluer ces structures a rCvC1C des tendances contradictoires (que l’on examinera plus loin). Il est donc apparu plus prudent de n’esquisser de projections que pour trois grands groupes professionnels - cadres, agents de maîtrise et employCs - et de supposer que leur poids relatif resterait presque inchange au cours de la @riode assez courte envisagCe.

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Planifcation des ressources humaines : méthodes, expériences. prdiques

Le taux de mobilitd Ctant supposC Cgalcment inchange (faute d’ClCment permettant de suggdrer une autrc hypoth&se), on a pu proceder au calcul des flux de recrutement. Mais ce calcul n’a Ctd fait que pour les cadres et les agents de maîtrise. D’une part, en effet, les flux de recrutement des employCs sont tr&s importants et difficiles A analyser, en raison du poids des saisonniers. D’autre part, cette analyse ne prtsente que peu d’intdrêt, compte tenu du faible niveau de formation exige. L’estimation des besoins de formation pouvait Ctre centrCe sur les cadres et les agents de maîtrise. Les flux de recrutement se composent :

des effectifs supplkmentaires correspondant A la croissance de l’emploi ; des recrutements ndcessaires pour remplacer les dCparts dus h la mobilitC. L’un des intCrêts de celte analyse a CtC de montrer que les

seconds Ctaient quatre h dix fois plus ClevCs que lcs premiers. Cette conclusion est importante, car elle prouve que, au moins pour cet exemple, dans 1’Cvaluation des besoins dc formation, les phCnom&nes de mobilitC sont plus dkterminants que l’kvolution des effectifs. Or, la mobilitC de la main-d’aeuvre est fonction pour une part de la conjoncture (la mobilitC diminue en @riode de ch6mage et augmente en @riode de plein emploi) et pour une part des pratiques de gestion des entreprises, des conditions d’emploi qu’elles proposent et des mesures qu’elles prcnncnt pour conserver leur personnel.

Il apparaît clairement ici que le r61e de la prdvision est moins d’annoncer l’avenir que d’identifier les facteurs dont il dCpend. Or, une partie de ces facteurs depend des entreprises elles-mêmes.

... par origine et niveau de formation

Mais ce n’est pas tout. Encore faut-il estimer comment les recrutements vont se faire pour l’encadrement et la maîtrise : en provenance de la formation initiale ou par promotion inteme d’employCs dCjh en place. C’est ainsi quc les informations recueillies auprks des entreprises, soit par leurs bilans sociaux, soit par un questionnement spdcifique, sont utiles. Ces informations

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Un exemple d’érude sectorielle

ont permis d’Cvaluer la situation existante, rCsumCe par le Graphique 3, suivant laquelle la promotion inteme poumoit la moitiC des postes de cadres et environ le tiers des emplois de maîtrise.

Pour les projections, deux hypothbes ont CtC envisagdes : suivant l’une d’entre elles, les emplois de maîtrise et de cadres seraient pourvus h concurrence de 30 pour cent par la promotion inteme ; l’autre hypothèse portait ce chiffre B 50 pour cent. On peut faire valoir dans la premihe hypolh2se un dCsir de relbement du niveau de formation en recrutant davantage h I’extCrieur des jeunes mieux formCs. A l’inverse, un certain ralentissement de la croissance diminuerait les besoins de recrutement exteme.

Ayant ainsi estime les recrutements en provenance du syst6me de formation, il restait h savoir B quel niveau ils auraient lieu. Ici encore, on disposait d’indications foumies par les entreprises, de caractere plut& qualitatif. Leur pratique rCcente ayant consistC h recruter h des niveaux beaucoup plus ClevCs que par le passe, on a fait l’hypothèse d’une stabilisation h ce niveau (alors que, sur une longue @riode, une hypoth6se d’6lCvation aurait CtC logique). Quatre niveaux ont CtC considCrCs : infkrieur au baccalaureat (dipl6me de fin d’Ctudes secondaires) ; baccalaurCat ; baccalaurCat plus deux ans ; et enseignement supCrieur long. L’estimation des recrutements h ces diffdrents niveaux et en fonction des hypoth2ses prCcCdentes figure au Graphique 3.

Ces dsultats ont CtC prksentds au ComitC de pilotage de I’Ctude, lors d’un stade intermkdiaire de celle-ci. Certains membres du comitC auraient souhait6 que l’exercice soit poussC plus loin, pour que les estimations de besoins de recru tement soient confrontees h celles qui conccmaient les sorties du syst6me de formation. On entrait alors dans le schCma de l’adkquation formation-emploi, tel qu’il a CtC prCsentC au dCbut de la première partie.

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Planifkation des ressources humaines :

méthodes, expt!riences. pratiques

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Un exemple d‘ktude sectorielle

L’Ctude a en fait constituC une bonne illustration de I’impossibilitC de concretiser ce schCma, et ce pour plusieurs raisons :

les flux de recrutement, tels qu’ils ont CtC analysCs, peuvent difficilement &re considCrCs comme une estimation intangible et objective des besoins des entreprises. Ils sont largement conditionnCs par les choix de celles-ci en matitxe de politique de mobilitC et de recrutement ; aucun dipl6me ne prCparant spkcifiquement aux emplois du secteur de la grande dislribution, on voit mal quels flux de sortants auraient pu êtrc confrontCs aux estimations de flux de recrutement : les sortants des formations commerciales peuvent aussi bien s’orienter vcrs d’autres secteurs que celui de la grande distribution ; de toute manih-e, 1’Education nationale n’dtablit elle-même de projections que pour les sorties par grand groupe de formation. mais pas pour des spCcialitCs particulieres (ce qui est en relation avec la dClCgation accrue de responsabilitk laisde aux autoritCs rdgionales avec la ddcentralisation). A fortiori, pour le nombre important de formations relevant du secteur privC, il n’existe pas de prCvisions. Cela dit, ces projections ont foumi des ordres de grandeur

susceptibles d’intkresser h la fois les responsables de 1’Cducation et du secteur et constituent une base de rdflexion ou d’analyses plus approfondies.

4. La prospective de l’évolution structurelle et des qualifications

Se situant dans une @riode relativement courte, les projections de I’activitC, de l’emploi et des recrutements Ctaient essentiellement fondees sur une extrapolation des tendances observCes. Aussi la question s’est-elle posCe de savoir s’il ne fallait pas envisager un inflkchissement ou une remise en question de ces tendances, qui pourrait avoir des effets indirects sur les problkmes CtudiCs.

Par ailleurs, les Cldments faisant objet de projections se limitent aux aspects purement quantitatifs, alors que l’objectif de

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Planijication des ressources humaines : dttwdes. expkriences, pratiques

1’Ctude couvrait Cgalement les aspects qualitatifs : Cvolution de la nature des emplois et des besoins de formation correspondants.

C’est pourquoi, paralMement aux travaux sur les projections, un autre travail a Ct6 conduit, qui s’apparente plutdt A la prospective. Il consiste a analyser les differents facteurs susceptibles d’influer sur la structure et sur 1’activitC du secteur, ainsi que sur les qualifications et les caracteristiques de la main- d’œuvre, pour en ddduire des scCnarios d’Cvolution possibles. Ces scCnarios ont un caractkre purement qualitatif et ne s’inscrivent pas dans un horizon temporel dCfini.

Trois facteurs d‘ évolution

C e sont le contexte socio-demographique, les donnCes techniques et les dOM6eS Cconomiques.

Les données socio-démographiques susceptibles d’influer sur 1’Cvolution du commerce sont : le vieillissement de la population, la dduction de la taille des mCnages, 1’Cvolution et la diversification des styles de vie et les progr& de l’urbanisation. Tous ces ClCments peuvent affecter les modes de consommation et les types de structure commerciale.

L’analyse des modifications que peuvent apporter les changements technologiques a CtC plus poussCe, bien que leur impact soit moins dCcisif que dans l’industrie. Elle s’est surtout fondCe sur des entretiens avec les responsables de l’informatique, qui ont dCcrit les demi2res avancees dans l’utilisation de cette technique et envisagC leurs consCquences possibles. On a pu se rCfCrer Cgalement aux Ctudes disponibles, A l’avis d’experts, ainsi qu’A l’observation des pratiques des entreprises d’autres pays, et notamment aux Etats-Unis.

Cette analyse a surtout mis en valeur les effets indirects de la diffusion de l’informatique sur les diffkrents aspects de la gestion. Les conclusions de cette analyse sont rCsumCes dans le Tableau 1.

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Un exemple &&de sectorielle

Fournisseurs l Entreprise

Tableau 1. Secteur de la grande distribution : l’impact des techniques

Clients

Innovation Concernés

Automatisation des entrep6ts

Nouvclles techniques de l’information

Extension de I’informatique Lecture optique Micro-informatiquebureautique

Télématique MonCtique

Automatisation industrielle

Autres tech-es

Conservation des produits alimentaires

Source : CEREQ, en collaboration avec I’ADEP (1990).

L’évolution économique future paraît surtout caractCrisCe par l’intensification de la concurrence, liCe a un dCbut de saturation (les grandes surfaces sont installCes partout) et d’intemationalisation (on assiste I’intCgration d’entreprises de differents pays, mais aussi l’installation d’entreprises Ctrang6res en France).

L’Ctude propose deux scCnarios d’Cvolution du secteur, fondCs sur la confrontation de diffkrents facteurs, dont on a essayC d’imaginer la dsultante, mais aussi sur les investigations conduites dans d’autres pays industriels avancCs. Celles-ci ont montrd que la situation française etait t&s particuli6re par la place dominante qu’y occupent les tr6s grandes surfaces (hypemarchds) vendant indiffkremment des produits alimentaires et non alimentaires. Aussi est-on tente de penser que le commerce français n’a pas

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Planification des ressources humaines : mkthodes. exptiences, pratiques

encore atteint le même niveau de maturite que son homologue amCriCain, par exemple. Cette observation a influe sur la description des deux scdnarios :

Le premier suppose la simple extrapolation des tendances observCes dans le passC : prkdominance toujours accrue des t&s grandes surfaces et des stratkgies orientees essentiellement vers le prix le plus bas. Le scCnario altematif suppose que l’intensification de la concurrence ainsi que les nouvelles exigences et la diversification de la clientèle entraîncnt une Cvolution des structures et des stratCgies allant dans le sens des autres pays industrialisCs. Cela signifierait une diffkrenciation accrue entre alimentaire et non-alimentaire, mais aussi entre les stratCgies orientkes vers les prix, d’une part, et vers la qualit6 et le service, d’autre part, une spkcialisation plus pousske par produits, des magasins de moins grande taille et la diversification des formes de commerce. Ce second scCnario est apparu comme le plus probable, mais

sa concrCtisation dCpcndra de 1’Cvolution des comportements des consommateurs et des politiques d’entreprise. C’est celui dont les incidences ont CtC le plus Ctudikes, principalement en ce qui conceme la qualification et la formation.

Conséquences pour la qualification

Ces consCquences doivent être examinees de deux manieres : il faut d’abord s’interroger sur l’kvolution du poids respectif des diffCrents types d’emplois ou groupes professionnels. A difaut de pouvoir chiffrer leurs effectifs, il faut au moins avoir une indication sur les tendances d’Cvolution. Ensuite, il faut Ctudier comment la nature du travail effectue par chacun de ces groupes d’emplois et les comp6tences correspondantes pourraient Cvoluer.

Dans l’analyse de ces Cvolutions, il est apparu que certaines tendances resultaient tri% vraisemblablement de la combinaison des facteurs de changement. En revanche, d’autres Cvolutions dkpendraicnt des choix que feraient les entreprises en matiere d’organisation. Par conskqucnt, il faudrait à nouveau envisager des scdnarios, et non pas une seule hypothèse d’kvolution.

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Un exemple d’étude sectorielle

Les tendances lourdes, dont la plupart sont communes au commerce et a d’autres secteurs d’activite. sont les suivantes : A l’heure actuelle, la plupart des grandes entreprises de type hypermarchk ont des services centraux trks reduits, ce qui est coherent avec la forte decentralisation des responsabilites au profit des magasins. Mais l’intensification de la concurrence, la necessite d’une gestion et d’une commercialisation de plus en plus sophistiquees pourraient entraîner un renforcement de ces services. O n aura sans doute besoin de plus en plus de techniciens specialises en matiere de marketing, de logistique et de gestion des ressources humaines ou de formation. L’automatisation, l’informatisation et la rationalisation des organisations ont genkralemcnt pour effet d’entraîner une diminution des tAches simples et repdtitives, donc des emplois les moins qualifies. Cette tendance affectera sans doute notamment les operations administratives courantes (facturation, vkrification, comptabilisation simple), du fait de l’informatisation et de la communication directe entre ordinateurs. Intensification de la concurrence et amelioration du service devraient donner plus d’importance a la fonction commerciale, et notamment A tout ce qui est vente, accueil et conseil A la clientkle. Les nouvelles techniques alimentaires et la rationalisation conduisent h reduire la part de transformation des magasins au profit des usines de fabrication. Il faudra donc moins d’ouvriers qualifies de l’alimentation dans les magasins. Contrairement h ce que pourraient laisser prksager les medias, il existe peu de metiers nouveaux. Il faut plutôt parler de transfonation des metiers existants. Cependant, quelques profils nouveaux peuvent apparaître, tels que celui des animateurs de micro-informatique, charges de coordonner le developpement de la micro-informatique. Au-dela de ces tendances nedrales, il devient difficile de

prkvoir l’evolution des qualifications, dans la mesure où elle dkpend des choix d’organisation opCres par les entreprises elles- memes. Ce qu’il est possible de faire, c’est d’idcntifier les

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Planifïïation des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

alternatives et d’en montrer les consdquences probables. On reste ainsi dans la logique des scenarios.

Le premier choix porte sur la centralisation ou la decentralisation. En faveur de la première, on peut citer la rationalisation des achats et de la gestion, ainsi que la necessite d’harmoniser l’image de l’entreprise dans ses diff6rents magasins. Cette logique conduirait A diminuer les responsabilitks de l’encadrement des magasins dans certains domaines (par exemple, en mati5re d’achats), pour concentrer leur activite sur d’autres (par exemple, la gestion du personnel). Le maintien de la decentralisation (la où elle existe) peut en revanche être justifie par la necessite de motiver l’encadrement en lui laissant une large gamme de responsabilites.

Dans la plupart des secteurs industriels, on assiste souvent 2 une simplification de la ligne hiCrarchique et A une reduction - au moins relative - des effectifs d’agents de maîtrise. Dans le grand commerce, ceux-ci ont d6jA une charge de travail extrêmement lourde. Il serait logique de rationaliser pour alldger cette charge. Mais est-ce que cela permettra de rCduire les effectifs ? O n peut en douter.

Une autre particulante du grand commerce est l’usage qu’il fait d’un personnel prête par ses foumisseurs pour exCcuter diffkrents travaux dans les magasins. C’est un moyen d’economiser les coûts de main-d’œuvre, mais c’est en contradiction avec l’intention frequemment annoncee de renforcer l’image de l’entreprise vis-A- vis de sa clientèle et de son personnel.

Enfin, une fois que l’on a souligne la tendance au renforcement de la fonction commerciale, il reste A definir quels sont les emplois qui seront concemks. Les caissières (mais ont-elles le temps et la qualification ?), les employCs de libre-service (mais ce ne serait plus du libre-service), des hôtesses d’accueil ? A ce stade, il faut passer d’une approche globale A une analyse

plus dCtaillCe concemant les principaux types d’emplois. Ainsi, pour les employks, l’analyse a fait apparaître que 1’Cvolution de leurs competences dependrait des choix d’organisation qui seraient faits par les entreprises. Quatre possibilites ont CtC envisagees :

la premi5re verrait un dCveloppement de la polyvalence, notamment entre travail A la caisse et dans les rayons, et aussi

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Un exemple d’étude sectorielle

entre diffkrents rayons alimentaires, ce qui impliquerait une extension du domaine de travail, mais pas d’C1kvation vkritable de la qualification ; la seconde possibilitC correspondrait au contraire h une spCcialisation accrue, mais il un professionnalisme plus grand, aussi bien pour les employCs des rayons, il qui seraient dClkguCes un peu plus de responsabilitks, que pour les vendeurs ; la troisi6me CventualitC consisterait B crkcr ou il dkvelopper des emplois de qualification intermediaire, qui concentreraient ces competences et qui constitueraient un Cchelon permettant des Cvolutions professionnelles. Mais, dans ce cas, les autres employks continueraient B n’avoir qu’un travail tri3 faiblement qualifie ; enfin, reste la possibilitk que l’organisation du travail ne soit pas modifike, ce qui serait cohdrent avec le premier scknario mettant l’accent sur le prix et n’exigeant qu’un encadrement aualifik. MalgrC les incertitudes dCcoulant de ces choix, il est possible

d’knoncer quelques g6nkralites sur les compktences B dkvelopper : Pour l’encadrement des magasins, les Cvolutions probables impliquent une priorite aux compktences en matière de gestion et animation du personnel, tcchniques de recrutement et d’entretien, formation, Vient ensuite la gestion : capacitk d’organiser et de gkrer le temps, optimalisation des flux de marchandises, bases de la gestion financiere. Le renforcement des techniques specifiques en matière de marketing et de vente paraît Cgalement souhaitable. Enfin, la gCndralisation de l’informatique, et surtout de la micro-informatique, nkcessite non pas une compdtence en informatique il proprement parler, mais une capacitk d’utiliser matkriels et logiciels, de comprendre leurs possibilith et leurs limites et de dialoguer avec les spkcialistes. Pour les employds, il paraît nkcessaire d’ameliorer les capacitCs de base telles que l’expression Ccrite et orale, ou la &solution de probl6me. ce qui conditionne tout le reste. L’utilisation de l’informatique ne suppose pas une compktence spCcifique, mais une comprkhension des circuits d’information, ce qui va au-

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Planification des ressources humaines : méthodes, erpdriences. pratiques

delh de la pratique des manipulations. Cela devrait aller de pair avec une meilleure comprkhension, de la part de l’ensemble du personnel, des bases de la gestion de l’entreprise. A ces comp6tences gCnCriques s’ajoutent des comp6tences plus

sp&ifiques pour certaines catCgories de personnel, que l’on peut traduire en termes de formation.

5. Les orientations et propositions

Les orientations dkcoulant de cette analyse ont port6 sur trois aspects : la formation initiale, la formation continue et la gestion de la main-d’aeuvre.

La formation initiale

Cette Ctude, entreprise h l’initiative des organisations professionnelles et de l’organisme public chargk de la formation professionnelle, mais non du Ministère de l’Education, est arrivke d’une certaine mani2re trop tard par rapport il celui-ci. E n effet, il avait entrepris peu avant, en collaboration avec les organisations professionnelles, un important travail de rknovation des dipl6mes de l’enseignement technique et professionnel. Dans ce domaine, l’ktude a donc surtout confirmk la validitk des ddcisions d6jh prises et souhait6 que les entreprises en tiennent compte par un meilleur Cquilibre de leurs recrutements entre diffkrents niveaux de formation. En ce qui conceme l’encadrement supdrieur, 1’Ctude a conclu

qu’il n’y avait pas lieu de cder de formations nouvelles et sNcifiques, les Ccoles supkrieures de commerce foumissant les bases nkcessaires. L e probli?me est plut6t que les dipl6mks de ces Ccoles ne veulent pas s’orienter dans le secteur de la grande distribution, principalement en raison des conditions de travail difficiles dans les magasins et surtout des horaires prolongCs (samedi). L a mauvaise image du secteur commercial aupr2s des jeunes est d’ailleurs un problEme intemational. C’est aux entreprises elles-mêmes qu’il revient de rendre leurs emplois plus attractifs.

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Un exemple d‘érude sectorielle

L a foimation continue

Dans ce domaine, les principales suggestions ont port6 sur : le r61e de l’encadrement dans la formation des employCs, qui exige une compCtence pedagogique ; la nCcessitC de mieux accueillir et de mieux suivre les stagiaires dans la partie pratique de leur formation ; le caractère global et systkmatique des programmes de formation, qui devraient s’adresser l’ensemble du personnel, correspondre systkmatiquement aux Ctapes de 1’Cvolution professionnelle, et dont les diffdrents ClCments devraient être articules ; la nCcessitC d’accroître les efforts de formation, celle-ci Ctant un investissement rentable pour les enlreprises.

La gestion de la main-d’auvre

L’objet de 1’Ctude Ctait la formation, et les auteurs n’&aient pas supposCs se preoccuper de la gestion de la main-d’œuvre. Mais toute l’analyse a montrd que ces deux aspects sont indissociables : quelle serait l’utilitC de former des employCs instables, dCmotivCs et inquiets pour l’avenir ? Comment separer le problème des dipldmes de celui de l’attraction du secteur, des conditions de recrutement et des perspectives de carrikre ? Or, il est apparu que les modes de gestion frequemment

pratiquCs par les entreprises du secteur, fondCs sur la dCqualification du personnel, la prCcaritC de son statut et une forte mobilitC, Ctaient difficilement compatibles avec les nouvelles exigences de service, de qualit6 et de compttcnce. Le problkme de la formation doit donc Ctre posC dans le cadre global d’une cohkrence des politiques de ressources humaines.

6. Portée et limites

Le secteur de la grande distribution modeme est assez spbcifique, car il occupe peu de main-d’œuvre qualifike et offre un Cventail rCduit d’emplois exigeant une formation profcssionnelle. La portCe de l’exemple est limitCe aussi dans la mesure où l’etude n’a pas

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Planijïïation des ressources humaines : mdthodes, expdriences, pratiques

debouch6 sur de nouvelles orientations en matiere de formation initiale. Celles-ci etaient dkj8 prises pour une bonne part. Cela confirme que, dans la kalite, les choses ne se passent pas toujours comme dans un schCma ideal de planification, qui voudrait qu’etudes et previsions precedent les decisions et soient suivies de realisations conformes aux recommandations.

Cet exemple illustre bien, toutefois, la portee et les limites d’une demarche de planification. On voit qu’elle ne peut repondre A ce qui constitue frequemment une demande des decideurs : des prkvisions chiffrees des besoins de formation, mis en regard des sorties previsibles, suivant un schema d’adequation. En revanche, il doit constituer un sujet de reflexion, en analysant les facteurs d’evolution, en montrant que pour une part cette evolution depend des acteurs eux-memes et en indiquant les consequences possibles de leurs choix.

La valeur m6thodologique de l’exemple tient egalement au caractere global de la demarche adoptee. Elle montre bien les interrelations entre, d’une part, les problemes de qualification et de formation et, d’autre part, la mobilite et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre. D e plus, 1’Ctude s’efforce de se situer i?i la fois au niveau de l’economie dans son ensemble, du secteur du commerce en particulier, des entreprises et des principaux postes de travail : autrement dit, elle passe du niveau macro au niveau micro, et reciproquement. Ce faisant, elle se situe 8 la fois dans une perspective quantitative et qualitative. Ni l’une ni l’autre, separement, ne peut Cue suffisante : la dimension quantitative seule n’aurait donne qu’une vision abstraite des problemes et aurait et6 d’autant plus pauvre que les donnees de base etaient fragiles et incompletes. La dCmarche qualitative seule n’aurait pas donne une idee suffisante de la dimension des problemes et aurait pose des questions de representativite si l’on s’&ait limite 8 quelques etudes de cas.

Ce caractere global de la demarche rencontre cependant une limite. En effet, comme il a dCj8 et6 souligne, une approche sectorielle ne peut traiter valablement que des problemes posCs par la formation & des emplois specifiques et & des qualifications faibles ou intermediaires. La question des qualifications non specifiques (par exemple, le personnel de l’entretien mecanique ou

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Un exemple d’ktude sectorielle

des biitiments, ou de la comptabilite), et surtout celle des cadres superieurs, notamment de gestion, ne peut etre trait& que de manihe intersectorielle.

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VI. L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

Les analyses precedentes se sont plades uniquement sur un plan quantitatif : effectifs h former par niveau et type de formation, insertion des sortants. Lorsqu’il s’agit de formation professionnelle initiale et continue, il est tout aussi necessaire de definir les objectifs de la formation en termes de contenus, suivant une approche qui est cette fois-ci purement qualitative. Nous passerons en revue les notions essentielles avant d’evoquer quelques expt?riences nationales.

1. Quatre étapes dans l’analyse des contenus de travail et de formation

On a pu distinguer quatre Ctapes dans la mise en oeuvre de cette approche, correspondant a un progr2s des reflexions dans ce domaine (Lantier et Colardyn, 1982). (a) La premih-e Ctape consiste h ddterminer les contenus de formation d’après l’autoritd des experts, ou simplement d’apr6s la tradition, sans se prCoccuper d’un lien direct avec le monde du travail. Le risque est Cvidemment que les formations ainsi definies soient très CloignCes de la nature du travail qui sera exerce par les bCneficiaires de la formation, et ce pour plusieurs raisons : le travail Cvolue constamment ; les experts n’en ont qu’une vision partielle (ils ne connaissent peut-être qu’une entreprise, alors que la realite est tr2s diverse) ; l’cxpertise est souvent la transposition d’C1Cments acquis dans un autre contexte. C’est le cas, par exemple, lorsque des experts Ctrangers reproduisent des schtmas de formation venant de leur pays d’origine dans des pays en

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L’analyse qualitative des contenus de travail et de formafion

dkveloppement où la technologie, les conditions de production et l’organisation du travail sont differentes. (b) La prise en compte de l’activite professionnelle apparaît donc comme necessaire. Pour ce faire, on peut se limiter B l’interrogation de responsables d’entreprises pour leur demander quelles sont les compCtences necessaires pour occuper un emploi. Mais il faut Ctre conscient du fait qu’ils n’ont pas toujours une connaissance concrète du travail effectif de leurs employCs et qu’ils risquent de ne pas Ctre objectifs et d’exagCrer les exigences de la fonction.

Une demarche apparemment plus rigoureuse consiste B analyser des postes de travail pour decomposer les activitCs qu’ils comportent, puis en dCduire les competences necessaires B leur titulaire et les programmes de formation qui permettront d’acquCrir ces compCtences. C’est cette dbmarche qui a CtC adopt6e en AlgCrie au dCbut des annCes 70, lorsque l’on a crt?C des instituts de technologie, visant B rdpondre de manière immCdiate et concrète B des besoins urgents de 1’Cconomie.

Cette demarche se heurte B plusieurs difficultCs. Tout d’abord, elle suppose que l’on soit capable de traduire les contenus d’activite professionnelle en termes de connaissances, de savoir- faire et de comportements. Cela exige une collaboration entre analystes du travail et psychopt2dagogues. Mais ceux-ci sont confrontCs au fait que l’on connaît mal les mecanismes mentaux par lesquels un individu mobilise ses capacites et met en jeu ses acquis pour effectuer une tSlche donnCe.

D e plus, B moins qu’il ne s’agisse de formations continues rkpondant B des objectifs très specifiques, une demarche centrde sur le poste de travail rencontre les objections dejja CnoncCes B propos de l’approche adCquationniste : une formation ne dCbouche pas sur un seul emploi, el un emploi est accessible B partir de plusieurs formations. A plus forte raison si l’on tient compte du fait que les postes de travail Cvoluent de plus en plus rapidement et que la formation doit dCsormais moins viser un emploi prCcis qu’une vie professionnelle, qui exigera de plus en plus de capacitC 3 evoluer et B Ctre mobile. (c) Ces considCrations peuvent conduire B une troisikme Ctape. Celle-ci consiste B dCfinir les objectifs de formation non plus en

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Planification des ressources humaines : dthodes. expkriences, pratiques

fonction d’un emploi particulier et d’une compCtence spCcifique, mais d’un groupe d’emplois ou d’une activite polyvalente.

Une telle ddmarche peut notamment conduire 2 chercher h identifier des familles professionnelles, ou groupes professionnels. On peut envisager de les constituer de trois manihres. La première consiste 2 regrouper des situations de travail homoghnes du point de vue de leur insertion dans le syst6me productif (service ou fonction d’une entreprise). Mais ces activitds risquent d’être hCtCrog2nes du point de vue du contenu de travail et des competences.

La deuxihme demarche consiste h partir de l’analyse des contenus de travail pour regrouper ceux qui sont communs h diffdrentes situations professionnelles, même s’ils se situent dans des secteurs et des entreprises trhs differents. La troisième demarche consiste h observer les itinkraires professionnels des individus et h regrouper les activitCs successives qu’un même individu est susceptible d’occuper h partir d’une formation donnCe.

Obeissant h des logiques diffdrentes, ces demarches sont susceptibles d’aboutir h des r6sultals diffkrents, car, dans la redit& la mobilitC professionnelle est determinCe autant par des considCrations de salaire, d’opportunite ou de conditions de travail que par une proXimit6 des contenus d’emploi. Dans le premier cas, on prend davantage en considdration la mobilitC entre entreprises sur un même type d’emploi ; dans le second cas, on privilCgie 1’CventualitC d’une mobilitk entre diff6rents types d’emplois au sein de la même entreprise. Ce demier cas est plus fr6quent au Japon, alors que le premier prkdomine dans les pays occidentaux.

Ces demarches orientkes vers la polyvalence sont mieux adaptCes que les preckdentes, dans la mesure où elles correspondent davantage aux tendances recentes de l’organisation du travail et ddbouchent sur des formations moins Ctroites. Il subsiste neanmoins des problEmes, d’abord dans la mesure oh la polyvalence implique une connaissance au moins approximative des diffkrentes situations professionnelles auxquelles un individu est susceptible d’être confront6 h l’avenir. Or, celui-ci apparait comme de plus en plus changeant et de plus en plus incertain. D’autre part, il est clair qu’une trop grande extension du champ

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L‘an~lyse qualitative des contenus de travail et de formation

de la formation risque d’entraîner une dispersion et une dilution des connaissances et des comp6tences. (d) C’est ii partir de cette analyse qu’un certain nombre de formateurs donnent la pr6fCrence 2 la trunsférubi2ité des compétences sur la formation ii la polyvalence. Cette approche consiste ii former l’individu pour le prCparer h un type d’activid professionnelle spdcifique et concret, mais en lui donnant les 61Cments qui lui permettront de transfdrer lui-même ses acquis dans un contexte ou dans une technologie diffkrents. En mdcanique, par exemple, on ne pourra donner une formation a l’utilisation de tous les types d’usinage et de machine-outil, mais on cherchera ii faire en sorte que la formation donnee sur une machine puisse facilement s’adapter a une autre. D e même, dans le domaine bancaire, on ne peut exiger d’un ddbutant qu’il connaisse les tr&s nombreux produits que propose aujourd’hui une banque ; mais on peut lui faire comprendre les principes de base qui prdsident ii la conception de ces produits et qui lui permettront d’acquCrir facilement la connaissance de chacun d’entre eux.

2. L’analyse du travail : trois approches

La plupart des methodes d’analyse du travail visent en premier lieu la dktermination du salaire, en Ctablissant les crith-es a prendre en compte et en donnant un poids 2 chacun d’eux : ce sont les methodes de <<job evaluatiom. Mais l’analyse du travail peut aussi viser d’autres objectifs : gestion de la main- d’œuvre et organisation du travail au sein de l’entreprise, Ctude des conditions de travail (ergonomie), orientation professionnelle et formation. La mCthodologie diffère suivant les objectifs, car les informations recherchees ne sont pas les mêmes. On donnera ici trois exemples de methodes orientees vers la

formation, empruntCs 2 la France, a un groupe de travail europ6en et au Royaume-Uni.

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Planification des ressources humaines : mkthodes, expdriences, pratiques

L’expérience française : le Répertoire français des emplois et ses suites”

Au debut des annees 70, la France a eprouve le besoin de se doter d’instruments pour ameliorer la connaissance de la relation formation-emploi et perfectionner ainsi son systeme de planification. C’est ainsi qu’il a et6 decide de constituer un Repertoire des emplois, analyse et description systematique de toutes les activites professionnelles et des conditions d’acces il ces activites. Le Repertoire devait rkpondre à la fois aux besoins de l’orientation et du placement professionnel, à ceux des formateurs et à la demande des statisticiens, en vue de la refonte de la classification des emplois.

Realisk par le CEREQ avec le concours de ses centres associds et de l’Agence nationale pour l’emploi, le Repertoire français des emplois a representt? un travail considerable, commence en 1974 et acheve en 1981 seulement. Ce travail a consiste à observer 10 O00 situations de travail, puis à regrouper ces informations pour decrire environ 800 situations caracteristiques ou emplois types.

L’analyse de l’activite a porte d’une part sur la nature des tâches effectuees, d’autre part sur les conditions d’exercice de l’activitk (temps, phibilitd, etc). Par ailleurs, des informations ont et6 recueillies sur le profil des titulaires des emplois (formation, exgrience) et sur le profil de titulaires d’emplois similaires, ainsi que sur le profil souhaite en cas de recrutement. L’analyse des tâches a et15 effectuee par reference aux ClCments suivants :

la fonction exercee (ou participation aux grands objectifs de l’entreprise ou organisation : production, commercialisation, gestion, etc.) ; le processus de production de biens ou services dans lequel s’insere l’activite, et qui se definit notamment par reference à des technologies ;

10. Cf. Bertrand (1986) ; Mandon (1990).

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L‘analyse qualitative des contenus de travail et de formcrtion

la nature des relations entretenues avec des Cquipements, des documents et des personnes ; le dege de responsabilitk et d’autonomie dont jouit le titulaire de l’emploi, par rkference aux instructions qu’il reçoit, aux contr$les qu’il subit, aux consCquences de ses erreurs Cventuelles et h ses relations hikrarchiques ou fonctionnelles avec d’autres. Ce sont Cgalement ces elkments, ainsi que l’identification des

domaines de spdcialisation, qui ont servi 2 regrouper les observations pour definir des emplois types. L’emploi type regroupe les situations de travail individuelles dont les caractkristiques sont suffisamment communes pour pouvoir être occup6es par un même individu. Cette communaute d’activites est supposCe impliquer des capacites tcchniques et professionnelles Cgalement communes. Cette approche devait permettre de faire du RCpertoire un outil pour l’orientation, le placement et la formation. Pour rendre cet outil plus operationnel, on a Clabore ultCrieurement deux cartes des emplois permettant de visualiser les emplois types dCcrits, classCs par fonction et par categorie professionnelle (employC, ouvrier, technicien, agent de maîtrise, cadre).

L’expCrience a montre que le RCpertoirc n’avait pas pleinement atteint ses objectifs en matikre d’orientation ct de placement, qui exigent des instruments d’information plus simples et plus faciles d’utilisation. En revanche, il s’est rCvClC trEs utile comme rCfCrentie1 pour 1’Ctude des besoins de formation - surtout continue - et de gestion de l’emploi et des qualifications par les entreprises.

Il apparaît aujourd’hui que si l’information considerable ainsi recueillie et prCsentCe de mani6re systkmatique a une grande valeur, la dCmarche rencontre deux limitations :

elle est centrCe sur des postes de travail individuels et risque de donner une image trop rigide et trop limitative de l’emploi, alors que la tendance est au dCvcloppement du travail en Cquipe et elle est trop statique et ne donne aucune indication sur les Cvolutions, d’autant plus que l’actualisation pCriodique du Repertoire qui avait CtC prhue n’a pu se rkaliser.

une organisation du travail souple et variable ;

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Planifcation des ressources humaines : mkthodes. erpdriences, pratiques

La notion d’emploi type a CtC reprise avec des variantes par diffCrents organismes qui ont rCalisC de nombreux travaux de gestion prhisionnelle de l’emploi et de conseil a la formation. Alors que le RCpertoire français des emplois se situait essentiellement dans une optique publique et visait surtout l’orientation et le placement, ces travaux s’adressent aux entreprises et visent h rCpondre A leurs besoins de gestion pdvisionnelle des ressources humaines. Dans un contexte d’evolution rapide, les entreprises Cprouvent en effet la nCcessitC de mieux prCvoir 1’Cvolution de l’emploi et des qualifications et de pratiquer des politiques de recrutement, de carrière et de formation appropriCes.

C’est dans cette perspective qu’a CtC dCveloppde, au sein du CEREQ, la notion d’emploi type CtudiCe dans sa dynamique (ETED). Celle-ci doit permettre d’apprehender l’emploi dans sa perspective Cvolutive et dans ses exigences humaines, en montrant les liens entre caractCristiques des emplois et des individus qui les occupent (Mandon, 1990).

L’analyse des advitCs vise 2 identifier les competences, entendues comme le savoir-mobiliser ses connaissances, capacitCs et qualites pour faire face 2 un problème donne. Elle cherche h dCcrire :

les attributions (A partir de la question : il/elle fait quoi) ? les demarches qu’impliquent ces attributions, A partir de la question : pour remplir ces attributions, il/elle tient compte de quoi ? et avec quelle finalit6 ? Ces questions conduisent h mettre en Cvidence plusieurs dimensions de l’activitC, telles que la technicitd (domaine travailld, outils mis en œuvre, règles techniques ou procedures A respecter) ; le rCseau de relations dans lequel s’insère l’activitk (quels interlocuteurs, pour quels objets : encadrement, collaboration, communication ?) ; la contribution aux performances de l’entreprise ou de 1’Cquipe ; les savoirs mobilises, qui se ddcomposent en savoirs (ou connaissances et disciplines de base) ; savoir-faire ou capacitCs liCes A la pratique professionnelle ; et savoir-être ou comportements vis-&vis des autres et qualitCs correspondantes. La methode met l’accent sur le fait que les contours des

emplois types ainsi ddfinis ne sont pas rigides, mais comportent

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L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

un ClCment de variabilid suivant l’environnement et d’ClasticitC suivant la personne qui occupe l’emploi.

Le projet Eurotecnel

Le programme Eurotecnet de la Communaute europ6enne porte sur 1’Ctude des innovations technologiques et de leurs incidences pour la formation, principalement la formation continue (Eurotecnet, 1990). Il a mis en relief la nCcessitC d’une methode permettant de suivre l’kvolution des profils professionnels resultant particuli2rement des progrEs technologiques. Un groupe de travail composC d’une equipe française (Racine) et d’une Cquipe derlandaise (CIBB, institut dont les travaux se rapprochent du RCpertoire français) a propos6 une mCthode qui comporte une Ctape d’analyse du travail et une Ctape prospective.

l’analyse du travail en constituant des groupes dc 5 a 10 personnes, animes par un spkcialiste. Ces groupes doivent être composes de prdfdrence de praticiens et a dCfaut de responsables hierarchiques et/ou d’experts. Pour chaque typ de travail CtudiC, les membres de ces groupes sont pries de foumir des informations sur : les produits r6alisCs, les technologies mises en œuvre, les conditions techniques et hierarchiques de declenchement du travail, les proCCdures de production, les matCriaux utilises, l’outillage et les machines, les normes et crit&res de performance, les relations fonctionnelles avec d’autres personnes, la situation hiCrarchique et les conditions de travail.

L’information ainsi rCunie doit ensuite être rCorganisCe, pour qu’elle soit plus comprkhensible et pour pouvoir servir de base a la recherche d’informations complkmentaires. Une premikre distinction est Ctablie entre les informations relatives ce en quoi consiste I’activitC professionnelle et celles qui concernent les conditions d’exercice de cette activitk (lieu, horaires, p6nibilite). Cela fait, l’organisation des donnees peut suivre plusieurs demarches : 9 regroupement des activitks par grands objectifs ou par grandes

fonctions (par exemple, production, administration, gestion, commercialisation) ;

Ce manuel sugghre de proceder

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Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

organisation des donnees par discipline ou par technique mises en oeuvre pour l’exercice de 1’activitC ; regroupement suivant le type d’activite intellectuelle ou physique : par exemple, distinction entre activites cognitives (intellectuelles), psychomotrices (manuclles) et relationnelles. Outre la description des tiches, l’activitk professionnelle est

Cgalement analysCe du point de vue du degr6 d’autonomie (type d’instructions ou de directives reçues, informations recueillies et transmises, critbcs suivant lesquels sont juges les rCsultats atteints).

Comme on le voit, cette dCmarche est proche de celle utilisCe pour le RCpertoire des emplois : l’une et l’autre consistent ?I recueillir des donnees sur les tâches rCalis6es dans l’exercice d’une activitC professionnelle (metier, profession, emploi type) et 3 en donner une description moyenne, qui sera ensuite traduite en ClCments utiles pour la formation. Tout autre est la demarche britannique.

Le programme britannique d’ élaboration des ccvocational qualifications,,

Soucieux d’apporter un peu plus de clart6 et d’unit6 dans un système de formation professionnelle entièrement d6centralisC qui ne comporte pas de dipldmes nationaux, le gouvemement britannique a rdcemment lance un programme de definition de qualifications nationales.

Ces qualifications sont definies par lcs organisations professionnelles patronales, suivant un mod5lc mis au point par le National Council of Vocational Qualifications, qui suit le dCroulement du programme.

La première idCe de ce programme consiste 3 ddfinir des formations par rCfCrence 3 un objcctif professionnel. Le point de dCpart consiste donc ndcessairement h analyser l’activitk professionnelle. Mais cette analyse, comme cela semble être la tradition dans les travaux britanniques, n’est pas centrCe sur la mani6re dont les postes de travail ou lcs profcssions, constituCs par des ensembles de tâchcs sont situes dans le cadre de l’entreprise et de l’unit6 de travail. Si elle part de la

L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

dCcomposition des Gches, elle se dksinteresse de la manière dont celles-ci sont regroupees pour constituer des postes de travail. A partir de la description des tâches, elle vise immediatement li identifier :

les capacitks necessaires li l’exercice d’une activitC professionnelle (<<competences>> en anglais) ; les savoir-faire (<<skills>>) et les connaissances ((knowledge,,) qu’impliquent ces capaci tts ; les critères permettant d’dvaluer les capacites (<cperformance criteri a>>). Cette analyse conduit li dkfinir des modules de compCtence

(mnits of competencen), dont on trouvera un exemple en Annexe I.

3. L’anticipation des qualifications futures

Compte tenu des delais necessaires pour que toute nouvelle orientation donnCe au système de formation porte ses fruits, on ne devrait pas se satisfaire d’une description des qualifications actuelles, mais plutôt anticiper sur l’avenir. Mais cette prkvision est aussi difficile et inccrtaine que celle qui conceme la quantification des effectifs (Eurotccnet, 1990 ; Mandon, 1990). En effet, lorsque l’on parle de 1’Cvolution des qualifications, on

a tendance il penser li un facteur dc changement qui attire beaucoup l’attention : la technique. Mais le rôle de la technique n’est pas li lui seul determinant : beaucoup d’autres facteurs interviennent, comme l’a suggkrk l’exemple du chapitre precedent.

C’est tout un ensemble de consid~rdtions qui devrait entrer en ligne de compte pour Cvaluer la nature des futurs besoins en qualifications. Aucune methode scicntifiquc ne peut apporter de rCponse simple. Ce ne peut être que le rksultat d’observations renouvelees periodiquement et visant li idcntifier les principaux facteurs de changement ct il degager lcs tcndances lourdes qui en resulteront probablement. Ces analyses doivcnt, autant que possible, comporter un

recoupement entre les points de vue exprimes par les acteurs concemCs et les experts. Ces difErcnts points de vue recueillis, il appartient aux responsables des Ctudes d’en faire la synthhe et de

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Plonijïïation des ressources humaines : dthodes. expdriences. praliques

former leur jugement. Ils seront amends B circonscrire l’&entai1 des possibilitds et B montrer que l’avenir n’estpas déterminé, mais dtpend pour une bonne part du rôle joué par les acteurs eux- mêmes, et notamment par les entreprises. Ils seront sans doute amends aussi A relativiser les besoins de qualification et de formation et B montrer que ces besoins peuvent Ctre satisfaits de manière diffdrente suivant les contextes et les politiques d’entreprise (1’Ctude sectorielle sur le commerce de detail en a foumi un exemple).

4. La traduction en objectifs et en contenus de formation

Une fois identifides les tâches et activites professionnelles et la manière dont elles sont susceptibles d’dvoluer, le passage aux objectifs et contenus de formation pose au moins trois types de questions :

Le problème que l’on devrait se poser en premier (mais c’est loin d’être toujours le cas), et qui relkve spCcifiquement d’une planification des relations formation-emploi, est celui de savoir comment seront pourvus les emplois correspondant B l’dvolution des activitCs professionnelles : va-t-on chercher A faire dvoluer la main-d’aeuvre d6jà en place, ou promouvoir, ou transfdrer celle qui occupe actuellement d’autres emplois, ou bien recruter des jeunes sortant de formation ? Les consdquences pour la formation initialc ne sont pas du tout les mêmes. L’analyse est d’autant plus complexe que, si l’dvolution des emplois est frdquente, il est rare que des emplois disparaissent totalement et que des emplois entièrement nouveaux fassent leur appari Lion. C’est seulement en fonction de ce premier diagnostic que l’on se posera la question de crder de nouvelles formations ou de faire evoluer les formations existantcs. Il faudra alors passer (à moins que cela n’ait CtC fait directement, comme dans le cas britannique) à une analyse de type psychopddagogique, consistant à interprdter les dlkments de l’analyse du travail en termes de capacitds, ou de savoirs, savoir-hire et savoir-être, ou comportements A ddvelopper.

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L’analyse qualitative des contenus de travail et de formation

A ce stade, on sera confronte il un problème classique en mati8re de formation : dans quelle mesure celle-ci doit-elle viser un objectif professionnel spdcifique ou privilCgier une formation gCnCrale visant d’abord ti developper les capacitCs gCnCrales de l’individu ? On reviendra dans un autre chapitre sur cette question, il laquelle on ne peut apporter de rCponse gCnCrale, car il faut tenir compte des differences de contexte. On se bomera ici 8 faire Ctat des expdriences de quelques pays. En France, l’elaboralion dcs diplômes de formation

professionnelle, dont la responsabili tC incombe exclusivement au Minist2re de 1’Education nationale. implique une procddure formalide, qui a CvoluC depuis quelques annees. Y participent differents services de l’administration, ainsi que les representants des partenaires sociaux, rhnis au sein de commissions professionnelles consultatives. Apr2s avoir dCcidC du principe de I’opportunitC de crder ou de modifier un diplôme, ces commissions (ou des groupes restreints constitues en leur sein) ddfinissent d’abord un df6renticl des activitds professionnelles auxquelles la formation devra preparer. Ce rdfkrentiel est souvent fond6 sur des descriptions d’emplois types empruntdes au RCpertoire français des emplois.

Ensuite, avec une participation plus active d’enseignants, le rCfCrentie1 du diplôme definit les capacitks et les compdtences que ce diplôme doit preparer. La definition des capacitds tient compte des dldments et des moyens dont dispose celui qui doit faire ses preuves et des critères selon lesquels il sera Cvalu6. C’est 18 une innovation importante qui signifie le passage ti une pedagogie par objectifs, alors que le syst2me traditionnel se rdfdrait essentiellement il des connaissances qu’il Fallait avoir acquises et qui n’avaient pas ndcessairement d’utilitC rdclle (cf. l’exemple en Annexe ZO.

Dans une demière Ctape, ces rdfdrentiels sont traduits sous forme d’un règlement du diplome, puis de contenus de formation et de recommandations pddagogiques. Il faut toutefois souligner que le passage par la ddfinition d’un profil professionnel n’empêche pas de donner une grande importance la formation gCn6rale et au developpement de capacites de rkflexion personnelle et d’adaptation.

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Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques

En Allemagne, il ne s’agit pas seulement de consulter les partenaires pour avis : les dipl6mes et les programmes de formation professionnelle sont definis d’un commun accord par les repksentants du patronat et des syndicats, au sein de groupes animes par l’Institut fkdkral de la formation professionnelle (BIBB). Celui-ci consulte Cgalement les regions (Ltinder), seules responsables de la partie scolaire de la formation, tandis que les entreprises assurent l’essentiel de la formation en apprentissage. Ces diffkrents modes de concertation ndcessitent de nombreuses rkunions de differentes commissions et la participation d’experts. Elles aboutissent B l’elaboration d’un règlement de formation definissant les matières 8 enseigner et les connaissances et savoir- faire h dispenser. Les demiers rcglcmcnts adoptes se soucient de plus en plus de l’integration entre la thCorie et la pratique et de mettre l’accent sur les qualifications cles. Ils font reference 8 des capacitCs dont doit pouvoir faire preuvc lc bknkficiaire de la formation : capacite 8 planifier, 8 exCcutcr et contr6ler les tkhes de façon autonome (Mobus, 1989). Au Royaume-Uni, pour ce qui conceme les <<national vocational

qualifications>>, et compte tenu du mode d’analyse et d’evaluation qu’elles impliquent, il n’y a pas ventablement de problème de traduction : les analyses regroupees en modules definissent d6j8 des comp&ences ou capacites B faire quelque chose. L’evaluation porte precisement sur cette capacite, ct non pas sur des connaissances et des savoir-faire. Elle est assurke par des praticiens de la profession plutbt que par des gdagogues.

C’est 18 l’exemple le plus extrême d’une formation et d’une Cvaluation orientees vers un objectif professionnel concret et spkcifique. Cette demarche susci te les rkactions critiques de certains pedagogues considerant qu’elle met trop l’accent sur des savoir-faire concrets, mais pas suffisamment sur la comprehension plus globale et parfois plus abstraite qu’exige l’exercice intelligent d’une activite ; elle ne favoriserait pas suffisamment l’adaptabilitk et ne preparerait pas B l’kvolution professionnelle. Les promoteurs rkpondent, d’une part, qu’ils raisonnent de plus en plus en termes de complkmentaritk des modules et de filières qui les articulent entre eux ; d’autre part, que des travaux sont en cours pour

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L’analyse qualitative des contenus de travail et de formalion

rapprocher les reflexions sur les programmes scolaires des ecoles techniques et les modules de qualification professionnelle.

Ces exemples conduisent 5 une observation sur laquelle il est possible de conclure. On constate que les methodologies d’analyse tendent se deplacer de l’etude des tâches vers celle des comp6tences et que les compktences auxquelles s’intiressent les entreprises dans l’economie moderne ne sont plus les memes. Desormais, ce sont moins les connaissances et savoir-faire techniques qui les interessent que les comgtences liees aux comportements : capacite d’analyse, de dialogue, de travail en groupe, de creativite, d’adaptabilite, d’autonomie et de responsabilite. Ce sont ces Clements qui sont mis en valeur dans les travaux qui fleurissent actuellement sur la gestion previsionnelle des ressources humaines (Bertrand, sous presse).

Cette evolution pose plusieurs problemes. Le premier tient au fait que si l’analyse du travail et des connaissances techniques releve de methodologies assez bien identifiees et reconnues, en revanche, celle qui concerne les nouvelles competences est plus difficile, car elle porte sur des elkments plus subjectifs et plus flous. Or, sur le marche du travail, ce sont ces compktences qui priment.

Dans ce contexte, on peut se demander s’il ne tend pas B se produire un certain glissement de la responsabilitd du syseme de formation initiale assurke par les autorites publiques vers les entreprises, qui auront de plus en plus la maîtrise de la definition et du developpement des competences. Le hiatus entre celles-ci et les institutions de formation risque en outre de s’aggraver. En effet, si les demandes des premieres se font plus floues, il est encore plus difficile d’y rependre, d’autant plus que la plupart des systkmes scolaires n’ont pas l’habitude de s’attacher au developpement des comportements aujourd’hui demandes.

Enfin, cette analyse pose une derniere question : celle du lien entre la planification quantitative, qui a surtout retenu l’attention dans les premiers chapitres, et la planification qualitative, qui faisait l’objet du dernier. L’une et l’autre sont necessaires, mais elles ne sont pas toujours etroitement liees. Cela nous conduit 5 nous intkresser davantage non seulement aux methodes de

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Planification des ressources humaines : mdthodes, expdriences, pratiques

planification, mais aussi aux mecanismes institutionnels et aux conditions concretes suivant lesquels elle se deroule. C’est l’objet de la dernikre partie.

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Troisième partie

Les leçons de l’expérience

Le bilan des experiences passees en revue dans la premibe partie montre que la planification n’est pas une science exacte et qu’aucune recette ne peut apporter de reponses toutes faites aux problkmes posCs par la prevision. D e plus, les Ccarts entre previsions et dalisations ne sont pas seulement dus A l’insuffisance des methodes, mais plus encore aux difficultCs rencontdes lorsqu’il s’agit de passer aux realisations.

Quelles conclusions tirer d’un tel constat ? Peut-on se bomer A la critique, au scepticisme ? C’est la solution de facilite souvent propos& par les thCoriciens et observateurs exterieurs ; mais les responsables de la planification et de l’administration de 1’Cducation et de la formation sont, dans la pratique, confrontes B des probl2mes concrets difficiles qui appellent des solutions. Ils ne peuvent pas se permettre de ne pas prendre des decisions, en particulier dans les pays les moins avances, où ces questions se posent avec une urgence et une difficultk particulih-es, par manque de moyens de tous ordres.

Aucune reponse simple ne peut leur Ctre apportCe, car il n’existe pas de solution universelle, et la planification n’est pas une technique pure, mais plutdt un art de s’adapter de manihe pragmatique aux circonstances. Or, celles-ci varient ConsidCrablement d’un pays 2i l’autre.

A p r h avoir analyse les ClCments qui conditionnent une planification et surtout le passage des objectifs aux realisations, les pages qui suivent proposent une demarche, des Ctapes et des prioritCs.

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VIL La planification des ressources humaines aujourd’hui

Les insuffisances de la prkvision ont prête le flanc 2 de faciles critiques, et 1’idCe de planification peut paraître quelque peu dCmodCe dans un contexte marque par l’interpretation la plus liMrale de 1’Cconomie de marche et par la faillite des Cconomies socialistes 2 planification centralisee.

Ce debat necessite d’une part une clarification des concepts et d’autre part une prise en compte des differences de contexte. Il importe d’abord de bien distinguer les concepts de projection, pdvision, prospective et planification. La confusion entre ces concepts est en effet 2i l’origine de

nombreuses erreurs de prevision et source de malentendus. U n rappel de dkfinitions simples s’impose (Godet, 1983).

Une projection est le prolongement dans le futur d’une Cvolution passke selon certaines hypotheses d’extrapolation ou d’inflexion de tendances. Une projection ne constitue une prevision que si elle est assortie d’une probabilite.

Une prévision est l’apprkciation assortie d’un certain degrk de confance (probabilite) de l’evolution d’une grandeur 2i un horizon donne. Il s’agit le plus souvent d’une appreciation chiffrke à partir des donnees du passe et sous certaines hypothèses.

Une prospective exploratoire est un panorama des futurs possibles (futuribles), c’est-&dire des scdnarios non improbables, compte tenu du poids des determinismes du passe et de la confrontation des projets d’acteurs, Chaque scenario (ieu d’hypoth5ses coherent) de la prospective peut faire l’objet d’une appreciation chiffde, c’est-&dire d’une prevision.

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences, pratiques

<<La planification consiste li concevoir un futur dCsir-6 ainsi que les moyens dels d’y parvenir.>> Il s’agit donc d’une prospective nomative. Trop souvent, le piège est classique, on confond pdvision et planification, en assimilant li une erreur de pdvision ce qui n’est qu’un kart par rapport li des objectifs.

Le scepticisme ambiant concemant la planification ne doit-il pas encore davantage affecter les pays en developpement, plus dkpendants de l’extkrieur et confrontes li l’insuffisance de donnkes, au manque de ressources et d’expertise, et davantage conscients de l’irrkalisme de beaucoup d’experiences anterieures ? Si la validitk des previsions chiffrkes peut Ctre dixutCe, c’est

li notre avis moins une question de principe que de circonstances, sur lesquelles on reviendra plus loin.

D e toute manière, si l’on considère, d’une part, que les decisions prises en matière d’kducalion engagent nkcessairement un avenir assez eloigne et, d’autre part, que ces dkcisions ont des conskquences mu1 tiples et complexes, une certaine forme de planification paraît necessaire.

Planifier ne signifie pas necessairement adopter un système autoritaire et centralise couvrant l’ensemble de l’activite Cconomique. Cela peut signifier simplement adopter des priontCs rationnellcs et prendre des dCcisions cohkrentes qui engagent l’avenir. Ce type de decision est de toute manière indispensable lorsqu’il s’agit de financer des constructions scolaires, de crCer de nouvelles filières et de recruter - bien souvent pour toute une vie professionnelle - des enseignants. Ces decisions sont aussi indissociables d’une rkflexion sur ce que pourra Ctre le devenir de ceux qui seront formks, même si ce devenir ne peut Ctre chiffre avec prkcision. Il faut voir la planification moins comme une technique que comme un processus permanent.

1. Les différences de situations

Il n’existe pas d’approche unique de la planification. Celle-ci doit tenir compte des diffkrences entre systèmes nationaux et entre types d’education et de formation.

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La planifcation des ressources humaines aujourd’hui

Les différences entre contextes nationaux

Elles sont liees soit au niveau de dkveloppement du pays, soit h son syst2me politique et h son système scolaire.

Le niveau de développement : l’impératif de la planijication des ressources humaines dans le Tiers Monde. Cette nCcessitC d’une certaine forme de planification s’impose encore plus pour les pays en dCveloppement, pour plusieurs raisons. D’abord parce que les ressources dont ils disposent sont plus limitees et qu’une definition des prioritCs y est plus necessaire. Mais aussi - et ce point n’est pas suffisamment soulignC - parce que la plupart d’entre eux sont confrontes h une situation diffkrente de celle des pays industrialisCs.

Leur croissance demographique est beaucoup plus ClevCe, ce qui signifie que les flux de jeunes s’ajoutant chaque annCe 2 la population active sont proportionnellement beaucoup plus importants par rapport au stock d’actifs et que la part de jeunes dans l’ensemble des recrutements est bien plus ClevCe (cf. par exemple le Graphique 4). La planification de ce flux de jeunes devrait dks lors recevoir une priorite plus grande que dans les pays industrialisCs. Cette difference est encore accentuCe par deux phCnom2nes :

la croissance scolaire a CtC et est encore souvent beaucoup plus rapide que la croissance demographique, ce qui est logique dans la mesure où les pays moins avancCs veulent rattraper leur retard et tendre vers la scolarisation totale. Mais ce mouvement se dpercute aux autres niveaux de scolaritk et suscite une pression sociale qui peut entraîner, aux niveaux secondaire et surtout su@rieur, des rythmes de croissance disproportionnds avec la capacitC d’absorption de Z’Cconomie ; cela d’autant plus que, du c6tC Cconomique, la dimension du secteur modeme (qui est souvent le seul h recruter des dipldmes) est encore gCnCralement très limitde, tandis que les perspectives de recrutement dans le secteur public sont freinees par le manque de ressources budgetaires.

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Planifxation des ressources humaines: dthodes, expbriences, pratiques

Graphique 4. Rapport population aclivelentrée annuelle de jeunes au début des années 80

ALLEMAGNE FEDERALE

MAROC

Population active totale : 6 millions

Emploi salari& (secteur moderne) : - 2.5 millions

Arriv6e annuelle de jeunes : 1 million &v& annuelle de jeunes : 440 O00

L a conjonction de ces phenomenes implique des risques de déséquilibre beaucoup plus graves dans les pays en développement que dans les pays industrialises. Une certaine planification est vitale pour les anticiper et les corriger.

Mais, pourra-t-on objecter, n’est-elle pas aussi beaucoup plus difficile ? L e manque de donnCes et de compCtences, la faiblesse des structures administratives ainsi que la dependance dans

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

laquelle vivent beaucoup de pays vis-à-vis de l’exterieur, qui rend encore plus difficile la maîtrise des evolutions, tous ces facteurs ne font-ils pas de la planification une notion theorique et videe de contenu ?

Incontestablement, ces difficultes sont reelles, et c’est pourquoi il apparaît essentiel de faire un bilan de ce qui est necessaire et de ce qui est possible et d’en deduire des priorites pour l’action, adaptees à chaque contexte particulier. Il y a aussi des Clements qui rendent plus facile la prtfvision et la planification des relations formation-emploi dans les pays peu developpes. La faible extension du secteur moderne fait que celui-ci est plus facile à identifier et à analyser. Dans certains pays, l’etude de quelques entreprises suffit à donner une image approximative de la situation actuelle et des besoins potentiels (cf. pp. 133-149).

Les dinérences de systèmes politiques et de systèmes scolaires. Comme on l’a dejà releve dans la première partie, la recherche d’une adequation formation-emploi est plus coherente avec un système de planification centralisée qu’avec une economie de marche. A la limite, une veritable adequation supposerait une planification inttfgrale de l’offre et de la demande, et notamment une orientation obligatoire des jeunes formes. O n s’eloigne de plus en plus de cette demarche, alors que presque tous les pays s’orientent vers une economie de marche. Cette reorientation pose d’ailleurs dans certains pays des problemes &€ficiles, car un systeme d’education et de formation est quelque chose de complexe, qui resulte d’un ensemble de traditions historiques et culturelles. On ne peut faire table rase du passe et tout bouleverser en peu de temps. Une phase de transition est necessaire, et elle risque d’être delicate. Mais l’economie de marche peut se pratiquer dans des cadres

institutionnels très divers. La difference porte en particulier sur le degr6 de déceiztralisatioiz (cf. Aizrzexe III).

Enfin, le rôle de la planification diff2re necessairement suivant les syst&mes et les structures de formation. Une premiere distinction doit être etablie entre les pays dans lesquels l’education est essentiellement publique et ceux (comme les Etats-Unis, l’Inde ou les Philippines) où les institritioizs privées jouent un grand rôle.

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Planification des ressources humaines: mkthodes, expériences, prdiques

Il est Cvident que la planification est plus importante dans un syst&me public dont 1’Etat a non seulement la responsabilite de la gestion, mais aussi celle du financement. A l’inverse, lorsque l’enseignement et la formation sont dans une large mesure privCs, la planification est moins prioritaire. Elle est aussi plus difficile, car 1’Etat dispose de moins de moyens d’action. Il ne peut pour autant renoncer totalement B orienter un domaine aussi essentiel pour 1’Cvolution Cconomique et sociale. Il dispose d’ailleurs de moyens indirects d’incitation : exemptions d’impbts, subventions d’etablissements ou de fili2res prioritaires, contrdle de la qualitC, ne serait-ce qu’en se rdservant l’attribution des diplbmes.

Le rôle distinct de la planification pour les différents types de formation

Enfin, le probl2me de la planification ne se pose pas dans les mêmes termes selon qu’il s’agit d’enseignement gCnCral, technique, sup6rieur ou de formation professionnelle.

L’enseignement technique, dans la conception française, n’est pas conçu pour pdparer B des emplois spCcifiques ; il constitue tout au plus une premiere orientation, normalement complCtCe par une formation plus professionnelle. Sa planification, comme celle de l’enseignement gCnCral, est surtout fond6e sur des arbitrages entre demande sociale d’une part, ressources financieres et donnks pkdagogiques d’autre part. La demande sociale peut être CvaluCe par rapport B la dkmographie (nombre d’enfants d’âge scolaire) et aux flux de passage d’un niveau B l’autre, qui prksentent une certaine inertie et sont donc assez faciles B Cvaluer. Il s’agit donc surtout de prevoir l’accueil des flux B l’entrCe de chaque cycle.

Cependant, une planification ne devrait pas se dksinteresser des flux de sortie, vers l’enscignement supkrieur, la formation professionnelle et finalement l’emploi. Comme on l’a notC plus haut, s’il n’existe pas de lien direct et precis avec l’emploi, il y a quand même une relation globale entre niveaux de developpement Cducatif et de dCveloppement socio-Cconomique. Il est vrai que l’offre d’Cducation est assez inddpendante de la demande et qu’il existe une latitude en ce qui conceme le niveau d’kducation

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La planification des ressources humnines aujourd’hui

correspondant a une categorie d’emploi dktermide. Mais cette latitude n’est pas infinie, et il faut tenir compte des attentes professionnelles de ceux que l’on forme, même si elles sont vagues.

Cette analyse s’applique il plus forte raison B l’enseignement supérieur. S’il n’a pas necessairement un caract2re professionnel, l’enseignement supdrieur ddbouche nkanmoins normalement sur l’emploi. C’est aussi celui qui coûte le plus cher. Sa planification s’impose donc parliculièrement. Elle doit tenir compte de trois particularitks :

C’est l’enseignement sugrieur qui est le plus long h porter ses fruits, si l’on doit tenir compte des delais necessaires pour concevoir une formation, construire ct kquiper les locaux et trouver les enseignants, avant de commencer la formation des Ctudiants proprement dite. Il faut donc se situer dans un horizon suffisamment CloignC, qui devrait depasser les cinq ans dans lesquels se situent la plupart des plans. On peut constater de maniere assez gCnCrale que la mobilite des travailleurs est d’autant plus grande que leur niveau de qualification est kleve. C’est ainsi que le marchd du travail des dipl8mCs de l’enseignement supdrieur cst gCndralement national et commence h être international. Aussi la planification regionale et locale n’a-t-elle ici qu’une valeur limitee. Au contraire, il serait souhaitable que les petits pays dont les ressources sont faibles puissent mettrc en commun leurs moyens et planifier d’un commun accord leurs besoins et la manikre de les satisfaire - mais le nationalisme des jeunes nations n’a pas permis de grands progrEs dans cette voie jusqu’ici. Beaucoup de pays ont une tradition d’indkpendance de 1’UniversitC. Celle-ci peut entrer en contradiction avec les imp&atifs d’une planification nationale. Il est normal que 1’UniversitC soit pleinement indkpendante lorsqu’il s’agit de sa gestion interne et de sa pedagogie, mais elle devrait tenir compte de ces impkratifs lorsqu’il s’agit de sa necessaire articulation avec les capaciL6s et les besoins de 1’Cconomie. La planification de la formation professionnelle, scolaire ou

non, devrait, plus que les prkckdentes, viser il coller au plus p&s

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Planification des ressources humaines: dthodes, expdriences, pratiques

aux besoins spkcifiques et locaux. Dans beaucoup de pays en dCveloppement, ce que l’on appelle enseignement technique doit plutôt Ctre considCr6 comme une formation professionnelle, qui devrait tout particulih-ement Ctre planifiCe en fonction des dCbouchCs. La question est toutefois compliquCe du fait que les formations industrielles sont gCnCralement publiques, alors que les formations tertiaires sont souvent privkes (parce qu’elles sont moins coûteuses et donc plus facilement rentables).

L’Cvaluation des besoins et dCbouchCs s’impose dans les deux cas, mais davantage dans le premier, puisque les incidences financières sont plus importantes. Pour ce qui conceme le prive, le contrôle des flux et l’allocation des moyens se posent de manière differente, car les moyens de contr6le ne peuvent Ctre qu’indirects : information des familles et des Ccoles sur les dCbouchCs, contr6le des examens d’Etat lorsque les Ccoles privees y pdparent, homologation (supposant un contrôle) de certaines formations privees, ou label de qualit6 de certaines Ccoles, Cventuellement en liaison avec un système de subventions subordonnCes ?i des conditions de qualitC.

Dans un pays comme les Etats-Unis, on considère volontiers que la dgulation se fait par le marche. Dans les pays en developpement, il est ?i craindre que les conditions d’un bon fonctionnement du marche (bonne information des acteurs et respect des règles de la concurrence) soient moins bien rkunies. Aussi le laisser-faire complet n’est-il pas souhaitable, car il peut conduire B des abus, mais la planification du secteur n’est pas facile, car elle se heurte aussi B une pression sociale (Cf. pp. 116-122).

2. Les institutions, l’organisation et les hommes

Un aperçu comparatif montre une très grande variet6 de situations suivant les pays en ce qui concerne la responsabilitt? et l’organisation de la planification. Ces situations reflètent l’hkritage historique et culturel propre A chaque pays (voir Annexe 111).

Les exemples de la planification de la formation professionnelle donnes en Annexes suffisent B montrer qu’il n’existe pas de modèle idCa1 d’organisation de la planification : ici

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La planification des ressources humaines aujourd‘hui

encore il faut s’adapter au contexte. Ce qui est clair, c’est que les Minist2res de 1’Education n’ont g6neralement ni la vocation, ni la comNtence, ni la motivation pour elaborer une planification tenant compte des debuchCs vers l’emploi. Compte tenu de la multiplicite des disciplines, mais surtout des points de vue mis en jeu par la planification de l’dducation et de la formation professionnelle, un dispositif de concertation est indispensable.

Cette concertation devrait autant que possible se situer A differents niveaux :

A u niveau national bien entendu. Lorsqu’il existe un Ministère du Plan, ce doit être le lieu normal de la concertation. Sinon, il devrait exister une structure ad hoc, capable de se rdunir reguli*rement, jouissant d’un prestige suffisant et fonctionnant de façon permanente, independamment des plans. Mais la concertation nationale n’est pas suffisante. L’Ctablissement d’une relation plus Ctroite entre formation et emploi doit tenir compte des r6alitCs concretes de l’administration, d’une part, du marche du travail, de l’autre. Tout depend de la taille du pays, du degr6 de dCcentralisation et du mode de fonctionnement de l’administration. Il existe toujours un risque que les implantations d’universites et d’ecoles subissent des pressions politiques (voir ci-dessous) ; il est bon que celles-ci soient contrebalancees par une presence suffisante des employeurs. Cette pdsence est Cgalement souhaitable au sein mCme des etablissements de formation et des universites, par exemple dans leurs conseils d’administration. A defaut, des mecanismes devraient garantir un lien entre ces Ctablissements et les employeurs. Si essentielle qu’elle soit, la concertation n’est pas la

planification ; elle n’en est qu’un des aspects. La planification proprement dite comporte la collecte d’une grande diversite d’informations, ensuite leur synthèse, puis la definition des choix et des orientations proposCs aux decideurs, enfin le suivi des realisations et leur Cvaluation. Le Ministère de 1’Education se charge gCnCralement de la collecte et du traitement des donnees qui lui sont propres (effectifs et flux d’eleves), et Cventuellement

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Planijiiation des ressources humaines: m’thodes. expiriences, pratiques

de projections les concemant. Mais il ne dispose ni de la perspective globale, ni du temps, ni des competences nCcessaires pour assumer l’ensemble de ces responsabilites. Le Ministère du Plan devrait être mieux place, mais il risque d’être pris par les travaux de routine et de ne pouvoir se consacrer suffisamment certaines analyses approfondies.

C’est pourquoi il est important de concevoir un dispositif susceptible de mettre en commun des ressources variees et complCmentaires pour prendre en charge 2 la fois les aspects techniques et politiques de la planification. Pour les aspects techniques, on peut penser 2 quatre solutions : univenitCs, bureaux d’Ctudes, organismes ad hoc et expertise extkricurc. Dans les pays peu dCvelopp6s disposant de faibles ressources, l’appel aux universitds devrait en principe constituer une excellente solution : peu coûteuse, mais aussi susceptible d’inciter les universites 2 orienter leurs travaux vers des problèmes concrets. offrant en plus une diversite d’angles d’analyse. Mais ces oricntations peuvent aller l’encontre de traditions acadkmiques qui ne sont pas toujours faciles 2 surmonter.

Enfin, on constate que beaucoup de pays en developpement continuent a recourir largement 2 une expertise cxterieure. Cette solution soulève de serieuses objections. Si en effet les principales difficultes de la planification des ressources humaines ne sont pas d’ordre technique, mais d’ordre sociopoli tique et administratif (voir ci-dessous), il est indispensable quc le plus grand nombre de responsables nationaux soient impliques et prennent leurs responsabilitCs en toute connaissance de cause. D’autant plus que le r61e pddagogique de ce processus est tout aussi important que les conclusions auxquelles il aboutit. Faire faire ce travail par des Ctrangers, c’est en perdre tout le bdndfice, et une appropriation nationale des expertises Ctrangères est indispensable. Tout cela implique la formation de spdcialistes nationaux de la planification.

3. La dimension sociopolitique de la planification

Encore une fois, le problEme de la planification rCside moins dans la difficulte 2 definir des objectifs qu’a les traduire dans les faits (Caillods, 1991). Dans l’un et l’autre cas, elle est confrontde aux

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

motivations et aux intCrêts, souvent opposCs, d’une multitude de partenaires. Ces acteurs, ce sont h la fois : les dirigeants politiques, les dkcideurs principaux ainsi que l’administration de I’Cducation, les enseignants et les syndicats qui les representent, les entreprises et organisations professionnelles, les syndicats ouvriers, et enfin les Ctudiants et leurs familles. Leurs points de vue et les pressions qu’ils peuvent exercer peuvent affecter aussi bien la dCfinition des objectifs de planification que la mise en oeuvre de ces objectifs. Les dirigeants politiques peuvent avoir des prt5occupations

idCologiques ou simplement Clectorales. L’idt5al de democratisation de l’enseignement et la volonlC d’Clever le niveau d’Cducation se retrouvent dans des contextes politiques très differents. Ils ont joue et jouent encore un rôle important dans la definition des grandes orientations Cducatives. Dans beaucoup de pays qui ont accCdC rCcemment à l’indkpcndance, ils sont lies 2 une volonte de remplacer la main-d’œuvre expatrikc, qui joue encore un r61e important dans l’encadrement du secteur prive. Si cette volont6 est parfaitement 1Cgitime. il n’est pas toujours facile d’Cvaluer objectivement les avantages et les inconvhients du maintien de cette prCsence Ctrangèrc et les conditions de son remplacement.

Dans beaucoup de pays, on pourrait aussi citer des cas où le processus de planification a CtC frein6 ou biais6 parce qu’il conduisait h remettre en question des options politiqucs ou parce qu’il Cvoquait des sujets tabous. L’Ctude prospective des grands Cquilibres peut conclure h la pcrsistancc probable d’un niveau ClevC de chômage - ce qui est difficilement acceptable - et h poser le probl5me demographique - que beaucoup de gouvemements ont longtemps refus6 de prendre en considCration -, ou celui de I’activitC des femmes - qui peut aussi être un sujet sensible dans les pays où la tradition les incite à rester 2 la maison plutôt qu’A travailler h 1’extCrieur. En pensant plus particulih-ement àla formation professionnelle,

Moura Castro et Cabral de Andrade (1990) font un diagnostic stv6re qui pourrait s’appliquer plus gCnt5ralcment aux administrations de l’éducation et de la formation : des formateurs font leur travail sans se soucier ni des objectifs que se proposent les stagiaires, ni des besoins de ceux qui les emploieront plus

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Planification des ressources humaines: méthodes, expt+iences, pratiques

tard ... (Nous supposons) que les formateurs agissent en fonction des besoins sociaux. Or, ce n’est pas ainsi que les choses se passent. C’est en se plaçant h l’intkrieur des bureaucraties que l’on peut comprendre la logique de leurs dkcisions. Les organisations ont mis au point leurs propres r2gles du jeu en fonction de leur logique inteme, et si le monde exterieur conditionne leur action et leur impose des contraintes, il ne determine pas les systèmes d’incitations qui influencent le comportement des administrateurs>>.

Cette mise en cause globale de l’administration meriterait d’Ctre affinCe suivant les niveaux de responsabilite et suivant les stades de la planification. Au niveau des principaux responsables de la formation, si les grandes dCcisions affectant l’orientation et la structure du système de formation et d’enseignement supkrieur privilegient la logique inteme du systeme, plut6t que les besoins extemes de l’Cconomie, c’est aussi pour de bonnes raisons.

A u stade des realisations, les consequences effectives de toutes les orientations prises dependent en grande partie de l‘administration locale et de celle des établissements scolaires. On constate souvent que malgr6 des directives suphieures, l’orientation vers diffdrentes filières et les taux de passage restent stables, parce que l’administration est conservatrice et parce que ceux qui font passer les examens et ddcident de l’orientation ne changent pas facilement leurs habitudes et ont leurs propres critères, qui ne sont pas ndcessaircment ceux des planificateurs.

La lenteur (souvent, et parfois excessivement dCnoncCe) d’adaptation de la formation professionnellc h 1’Cvolution des besoins economiques peut s’expliquer d’au moins deux manieres : Par les delais necessaires h la consultation des partenaires et h la mise en place des nouveaux programmes et des nouveaux moyens : en France, il faut environ deux ans pour definir et mettre en vigueur un nouveau dipl6me ; mais en Allemagne, où il faut aboutir h un consensus entre les partenaires sociaux, ce delai peut aller jusqu’h dix ans. Lorsque la formation professionnelle est assuree l’ecole par des enseignants ayant un statut de fonctionnaires, ceux-ci sont nommes h vie, ce qui limite necessairement les possibilites de rkorienter les formations.

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

On voit ici apparaître d’autres acteurs qui sont les enseignants. Leur r61e est double dans la definition des objectifs de planification et dans leur mise en oeuvre : en tant que corps ayant un statut et dCfendant des inter& et parfois une idCologie par l’intemddiaire de leurs syndicats, et en tant que gdagogues ayant une pratique et des habitudes qui peuvent être ou non conformes aux orientations que l’on veut donner 8 l’education. Le souci des intCrêts de ce (ou de ces) corps peut influer sur les dCcisions prises en matière de crdation ou de suppression de certaines filières ou de certains types d’Ctablissements.

Les mêmes enseignants, qui sont pour la plupart attaches 8 une idCologie de dCmocratisation, ont souvent des pratiques individuelles Clitistes. Ils prCRrent Cvidemment travailler avec de bons Clèves et ne sont pas toujours prêts consacrer aux plus faibles l’attention plus grande dont ils ont besoin. Ils ont naturellement tendance B valoriser le savoir abstrait et academique au detriment des savoir-faire concrets et des activitds manuelles. Tous ces ClCments ont une influence importante, même si elle n’est qu’indirecte, sur les valeurs transmises par 1’Ccole et sur les processus d’orientation.

Nous avons dCjh souligne la nCcessit6 d’associer les employeurs a la dCfinition des besoins et des objectifs de formation. Mais il faut aussi être conscient du fait qu’ils n’ont genkralement qu’une appreciation court terme de leurs besoins de formation. D e plus, cette apprkciation peut être biaisCe par la conjoncture. En pCriode de crise, les recrutements sont rdduits au minimum et ne concernent que les besoins les plus urgents, 8 la marge, qui sont souvent les plus qualifies. En pCriode de croissance et de plein emploi, au contraire, la gamme des recrutements s’Clargit et depasse les besoins immCdiats pour constituer des rkserves de qualifications.

Il serait tout il fait erronC de supposer que les entreprises ont une vision homogène de leurs besoins et de leurs attentes vis-&vis de la formation. Il peut exister des clivages importants entre : les petites entreprises, qui souhaitent le plus souvent disposer d’une main-d’œuvre immCdiatement utilisable sur un poste de travail pdcis, ce qui suppose une formation prealable spCcialisCe ; et les grandes entreprises, qui souvent recrutent un personnel capable

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Planijïiation des ressources humaines: dthodes, expériences, pratiques

d’Cvoluer dans une diversite d’emplois et qui sont davantage conscientes du fait qu’aucune formation ne peut aujourd’hui former pour la vie. Les premikres attendront de la formation un <<produit finb ; les secondes un <<produit semi-fini, : elles se chargeront elles-mCmes de la formation complementaire et de l’adaptation au poste, d’autant plus facilement qu’elles disposent de moyens de formation plus importants que les petites entreprises.

U n autre clivage peut sCparer les types d’industrie et d’entreprise. Traditionnellement, les banques attachent surtout de l’importance au niveau de formation initiale et A I’adaptabilitC de leurs recrues. Elles se chargent elles-mêmes de la formation professionnelle. Les industries dont la technicitd est ClevCe (comme la mkcanique ou 1’ClectricitC) ont besoin d’un personnel ayant des bases thConques et des connaissances professionnelles spkifiques ; elles sont donc interessCes par l’existence de bonnes Ccoles de formation professionnelle. E n revanche, des industries c o m m e le textile ou l’habillement (au moins avec les technologies traditionnelles) ont surtout besoin d’une main-d’œuvre faiblement qualifiee, possedant des savoir-faire pratiques. Aussi ne voient- elles guCre l’utilitt d’Ccoles et peuvent-elles se contenter de formations trCs courtcs. Pour la plupart des artisans, l’apprentissage reste le meillcur moyen d’acquerir des habitudes de travail et Cventuellement un mCtier traditionnel.

Il faut s’attendre aussi à une diversite d’opinions entre entreprises, dont chacune peut avoir sa logique, qu’il convient d’analyser. Le problème est encore compliquC lorsque les entreprises sont reprCsentCes par des organisations professionnelles, dont les permanents ne sont pas toujours les plus compCtents, car il peut leur arriver d’avoir perdu le contact avec les rCalitQ de la production.

Lorsqu’ils ont leur mot à dire sur les orientations en matiCre de formation, les syndicats ouvriers ont souvent des psi tions opposees à celles des entreprises. Il peut s’agir de positions essentiellement ideologiques, c o m m e la crainte de l’exploitation et de l’abandon du pouvoir au capitalisme, que l’on a dCjA vue chez certains enseignants. Mais ils peuvent aussi avoir une analyse divergente de celles du patronat sur la conception de la formation.

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La planification des ressources hwnaines aujourd’hui

Beaucoup d’entreprises peuvent privilegier une vision h court terme et un niveau de qualification minimum pour r6pondre h des besoins sp6cifiques. Au contraire, les syndicats se prCoccupent de 1’intCrêt h long terme des travailleurs et du developpement de leur potentiel, de mani2re a leur menager des possibilites d’dvolution professionnelle. Ils tendent donc A avoir des exigences plus elevCes quant au niveau de formation : en Allemagne, par exemple, les syndicats plaident pour que la formation commerciale dure au minimum trois ans, alors que le patronat se contenterait souvent de deux.

Les aspirations des jeunes et de leurs familles dependent Cvidemment du contexte socioculturel. La resistance h 1’Cducation dans les milieux ruraux traditionnels est sans doute tri3 rare aujourd’hui, mais elle existe encore en ce qui conceme les jeunes filles. Et d’ailleurs la sCgrCgation dont souffrent ces dcmikres en matiere d’orientation vers certaines carrieres est sans doute un phenomene presque universel. Mais, comme cela a CtC 6voquC A propos de la demande

sociale, ce qui joue un r61e de plus en plus important, c’est la pression qui s’exerce pour demander de plus en plus d’education et de formation. On peut sans doute dire que cctte pression est d’autant plus forte que le niveau social des parents et le niveau scolaire sont ClevCs, comme on l’a vu A propos de la demande sociale. Ce sont les milieux sociaux les plus favorisCs qui sont les plus conscients de la rentabilite de l’investissement dans 1’Cducation et les mieux places pour faire pression efficacement sur les autorites, alors que les moyens de pression des regions isoldes et des groupes defavorises sont limites. En rCsumC, la planification des ressources humaines est bien

autre chose qu’une technique, et les plans les mieux conçus peuvent rester lettre morte si l’on n’a pas :

suffisamment tenu compte des conflits d’interêts et du potentiel d’inertie et de biais que recele tout système de formation. La necessaire concertation mentionnee plus haut peut y contribuer, mais elle ne suffit pas toujours. Il y a des cas où une volonte politique est necessaire pour passer outre A certains intCrêts categoriels ;

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Planification des ressources humaines: m‘thodes, expdriences, pratiques

mis en place une administration efficace capable de mettre en œuvre les orientations fixees et des proCCdures d’Cvaluation des rksultats. Nous y reviendrons.

4. Les exigences techniques de la planification : les données

Les possibilitks concrètes de planification ne dependent pas seulement du contexte et de considdrdtions techniques sur le choix des methodes. Ellcs dependent tout autant des donnkes disponibles, des sources qui peuvent les fournir, et de la mani2re dont elles sont structurkcs et prdscntees. C’est un des principaux obstacles que rencontrent les pays en developpement, qui manquent de systèmes d’information et d’kldments fiables pdalables h 1’Ctablissement d’un diagnostic.

Les données

Une planification des relations entre formation et emploi nkcessite autant que possible trois types de donnees : sur les flux de formation, sur l’emploi et le marchC du travail, et sur le passage de la formation B l’emploi.

(i) Les flux de formation

Ce qui nous intdresse ici n’est pas de recenser les effectifs, mais les flux de sortie. Au sein du système scolaire, ceux-ci correspondent B la fois aux sorties cn fin de cycle et aux abandons en cours de cycle. Toute administration scolaire devrait être en mesure de remplir la matrice classique faisant apparaître, classe par classe, les taux de promotion (passage dans la classe supCrieure), de redoublement et d’abandon.

Les donnees ainsi rccueillies sur les sorties du systkme scolaire sont nkcessaires, mais pas suffisantes, si l’on s’intkresse aux flux d’entrke sur le marchk du travail. Ce sont alors les flux de sortie nets qu’il s’agit de comptabiliser, ou au moins d’Cvaluer, c’est-h- dire après ddduction :

des dentrkes dans un cycle plus ClevC de formation scolaire ;

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

des passages en formation dans un autre syst6me d’enseignement supCrieur, autres formations publiques ou privees ; (autant que possible) de la proportion de sortants (essentiellement des jeunes filles) qui ne cherchent pas d’emploi et sont considCrCs statistiquement comme inactifs.

(ii) Connaissance de l’emploi et du marché du travail

Une planification globale complCte devrait idCalement comporter des donnees sur :

La rkpartition de l’emploi par scctcur d’activi tC Cconomique : en matière d’analyse des Cvolutions et de prevision, cette approche s’impose, car elle est gCnCralcment integrec aux mod6les macro-Cconomiques. C’est aussi h ce niveau que l’on peut le mieux etablir le lien avec les holutions techniques et Cconomiques. La repartition de l’emploi par profcssiotd qualification, qui constitue un passage presque obligC avec la formation, car la structure par secteur ne dit rien sur ce sujet. La composition de la main-d’œuvre par fige (qui influe sur les besoins de renouvellement), par sexe (qui peut éLre reliCe au taux d’activid), nationalite (dans la mesure où la politique nationale vise il remplacer les cadres expatries par des nationaux) et type de formation reçue. La mobilite professionnclle. Elle comporte trois Clements d’inegal intCrêt : - La mobilitC geographique n’est A prcndre en compte que s’il

existe des dCs6quilibres geographiques constituant un ClCment important du problème de la planification.

- Le changement d’entreprise sans modification de la situation professionnelle est une donnke significative du fonctionnement du marche du travail, mais le bilan total est nul par rapport aux besoins de recrutement par qualification.

- Les changements de profession, dont le poids est gCnCralement assez faible (sauf dans certains pays, lorsqu’il affecte par exemple les enseignants), et surtout la promotion professionnelle jouent un r61e beaucoup plus important dans

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences. pratiques

l’estimation des besoins et capacitds de recrutement de 1’Cconomie. En effet, on a parfois tendance à negliger le fait qu’une part considerable des recrutements de cadres et de personnel qualifie sont pourvus par la promotion de personnels de categorie infh-ieure, et non par des sortants du système educatif au même niveau. C’est particulièrement le cas pour les agents de maîtrise de l’industrie et des services.

- Enfin, les revenus constituent un important Clement de la comprdhension du fonctionnement du marchk du travail, de la motivation des jeunes dans lcur orientation et des eventuelles analyses de taux de rendement.

(iii) Passage de la formation à l’emploi

Ces donnees doivent concemer d’une part les conditions dans lesquelles les sortants de formation s’inskrent sur le marche du travail (nature des formations suivies et caractCristiques des emplois occupCs - (cf. Chapitre [IL), d’autre part les conditions dans lesquelles les employeurs recrutent diff6rents types de main- d’œuvre pour diffdrents types d’emplois.

Bien entendu, il s’agit là d’une situation idCale. Toutes ces donnees ne presentent pas le même caractère prioritaire et toutes ne peuvent être obtenues avec le même degrd de prbcision. Tout depend des circonstances definies plus haut, du niveau de sophistication du processus de planification et des sources disponibles. Dans bien des cas, on sera amen6 à se contenter d’estimations.

Les sources

(a) La comptabilisation des effectifs scolaires est celle qui pose le moins de problèmes, car les Clèves sont fdciles à repCrer et se situent dans un cadre bien dklimitd.

Les choses se compliquent lorsqu’il faut passer d’un cycle ou d’un sous-systbme ii l’autre, et sunout lorsqu’il faut inventorier les sorties des autres systèmes de formation (Agriculture, Sante, Travail, etc.) et faire le calcul des sorties nettes d’un systbme B

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

l’autre. Les administrations concemees n’ont pas toujours les donnees et les raccordements restent h faire. Elles se compliquent encore lorsqu’une partie de la formation est assuree par les entreprises, qui ne communiquent pas facilement les donnees sur leur activite. (b) Il est infiniment plus difficile de recueillir et d’analyser les donnees sur l’emploi et sur le marche du travail : la r6alitC h apprehender est beaucoup plus complexe et plus insaisissable, les informations h recueillir plus variCes, et les sources posent des probl6mes de fiabilite et de cohkrcnce. Pour la plupart, ces sources sont exterieures au domaine de la formation et rdpondent B une autre finalite, et il peut Ctre ndcessaire de rechercher une information complementaire et specifique.

La premiere source d’information est Cvidemment le recensement de population, dans la mesure où il est exhaustif et où il donne un ensemble d’informations que l’on doit pouvoir croiser et que l’on trouve difficilemcnt ailleurs (2ge, sexe, nationalite, niveau d’ktudes et profession). Bien entendu, la couverture delle ainsi que la qualit6 des reponses peuvent laisser h desirer. Mais le principal problEme cst la p6riode qui separe les recensements, de sorte que l’information disponible est souvent ancienne.

Une deuxieme source statistique est conslituee par les fichiers administratifs (de la SCcuritC sociale ou d’autres regimes). C’est potentiellement la meilleure source d’information, dans la mesure OÙ elle a un caractere permanent ct permet un suivi regulier. Dans les pays en developpement, les difficultds provicnnent plut6t des retards et des lacunes des fichiers, et dc la difficultd d’obtenir la communication des informations d’une administration h l’autre. Malgr6 tout, une amklioration de ces fichiers et de leurs conditions d’utilisation devrait Etre une dcs pistes h explorer.

Une troisikme source d’information peut provenir des enquêtes administratives régulibes. Elles pcuvent être effectuees soit aupres des entreprises, par exemple par le Ministère du Travail, soit aupres d’un Cchantillon de particuliers (ce qui est gCnCralement la responsabilite de l’organisme charge des statistiques). Ici, il s’agit de savoir quelle finalite elles rdpondent, quel type d’information

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Planification des ressources humaines: méthodes, expiriences. pratiques

elles contiennent et quelles sont la qualitk et la reprksentativitk des rdponses. En ce qui conceme les emplois du secteur public, le budget

donne une information sur les postes, mais celle-ci risque de ne pas correspondre avec la redit6 si une partie des postes budgktaires ne sont pas effectivement pourvus, ou si une part importante du pcrsonnel est en dktachement.

Il peut être nkcessaire de rechercher dans lcs ministères ou les services concemCs des prkcisions sur les effectifs employks.

Reste le difficile problème de l’emploi dans le secteur dit &formel>>, ou (won structuré>>, gknkralement beaucoup plus mal COMU et sur lequel nous reviendrons (cf. pp. 130-133). A l’inverse des prkckdentes, les donnees sur l’insertion ne

proviennent pas de sources independantes et permanentes. Elles font l’objet d’enquCtes spbcifiques visant, comme nous l’avons vu dans la première partie, 1’Cvaluation de l’efficacitk du système de formation et CventucLlemcnt les facteurs de motivation et d’oricntation des jeunes.

Organisation des données : le problbme des nomenclatures

Il ne suffit pas de collecter les donnees : encore faut-il que ces donnees soient utilisables. Ce n’est pas un probl&me lorsqu’il s’agit de denombrer les effectifs scolaires, mais cela le devient lorsqu’il s’agit de classer ces effectifs par type de formation et plus encore lorsqu’il faut analyser les emplois et qualifications. Ces donnees doivent s’intCgrer dans un système de classement ou nomenclature.

Les formations sont generalement classées par niveau et par spécialité. Si l’on ne se place que sur un plan scolaire, pour denombrer les effectifs ou 6valuer le niveau de formation de la population, la classification pur niveau n’est que lc reflet de la structure du système de formation. Si, comme c’est le cas ici, on s’interesse h la qualification et au rapprochcment avec l’emploi, on retrouve l’ambigui’tk de la notion de qualification. S’agit4 de la qualification de l’individu (definie par la formation acquise) ou de la qualification de l’emploi (ddfinie par la profession exercee) ? On a vu que les deux ne coïncidaient pas nkcessairement et que

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

c’&ait l’une des principales difficultks rencontrkes lorsque l’on cherche h Ctablir un lien automatique entre formation et emploi. La classification intemationale de l’UNESCO, qui rentre dans

la premi2tre cattgorie en se plaçant sur le plan formation, se rCfi?re simplement aux cycles scolaires : ClCmentaire, secondaire premier et deuxitme cycles, etc. La classification française est conçue a la fois pour analyser le niveau de formation le plus klevC et pour faciliter les rapprochements avec l’emploi. D e ce point de vue, et compte tenu du niveau gCn6ral d’kducation, la rkference il l’enseignement klementaire n’a pas de justification. Ses six niveaux se rCfi?rent : pour le plus bas il toute formation infkrieure au premier cycle secondaire, pour le second au prcmier cycle, pour le troisikme au second cycle, pour le quatrième h deux annees de formation supCrieure et pour les deux demiers (souvent regroup6s) h l’enseignement superieur. Beaucoup de pays utilisent des classifications semblables, dont la rCfCrence reste clairement le niveau scolaire.

D’autres classifications, en revanche, tentent de se rCf6rer 21 la fois h un niveau de formation scolaire et il une qualification professionnelle. Ainsi la classification europeenne, qui comporte cinq niveaux, definit son niveau 2 B la fois par un mode d’accès (enseignement obligatoire et formation technique et professionnelle) et par un type d’activit6 : qualification complète pour une activitC prkcise accompagnk de la maîtrise des instruments et des tcchniques necessaires il l’exercice de cette activitk.

Une classification fonddc sur ce principe scrait ideale si elle permettait h la fois de recucillir et d’analyser les donnees sur l’emploi et de servir d’instrument de planification de la formation, ce qui est bien son objectif. Mais elle pose diffkrents problèmes. Tout d’abord, elle s’inscrit dans la logique d’adequation formation-emploi et soulève donc toutes les difficultks inhkrentes a cette conception, abordCes au Chapitre 1“. La correspondance thdorique qu’elle suppose entre catCgorie d’emploi ct niveau de formation se vCrifie-t-elle ? Ce type de classification peut-il servir de base au recueil des donnees sur l’emploi ? S’il s’agit non pas de constater une rkalitk obscrvee, mais de planifier, qui va dCcider du niveau ?

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PlanifKation des ressources. hwnaines: dthodes. expériences, pratiques

Il ne faut pas oublier que ce recueil est d’abord l’affaire des statisticiens, dont les prdoccupations ne coïncident pas avec celles des planificateurs et dont la conception des syst2mes de classification risque fort d’être diffdrente.

Pour les statisticiens, les informations sur l’emploi se limitent assez souvent au denombrement des personnes employkes et au chbmage et h l’identification du secteur dans lequel elles sont actives : surtout si l’information est foumie par les entreprises, il est assez facile de savoir combien de personnes sont employees dans le commerce ou dans l’industrie du bois. Mais cela ne dit rien sur la nature de leur travail. L’analyse par secteur (ou branche) d’activitk constitue cependant un passage oblige si l’on veut Ctudier l’emploi et prevoir son Cvolution, car c’est seulement au niveau du secteur que l’on peut examiner la relation entre donnees tconomiques globales, donnees techniques caracterisant chaque secteur et donnees individuelles. Mais, dans une optique de planification, on pourra se limiter h une dizaine de secteurs.

Ce qui se rapproche le plus de la grille des niveaux de qualification et des spCcialitCs de formation qui intdresse les planificateurs est la nomenclature des professions. Mais la profession est une r6alitC complexe et multidimensionnelle : elle peut se definir par rapport B la nature du travail effectue, h la comp6tence de celui qui l’effectue, B l’environnement de travail, au statut et B l’image socialc de l’activitd, ainsi qu’aux caracteristiques individuelles du travailleur.

Les statisticiens peuvent s’intdresser plus ou moins B telle ou telle de ces dimensions. Comme on ne peut analyser l’information A partir des appellations de professions (il y en a des milliers et elles n’ont pas toujours un sens stable et prdcis), les statisticiens ont mis au point des classifications. Mais aucun système de classification ne peut rendre compte de manière satisfaisante de toutes ces dimensions. Chaque système se r6Rre plus ou moins explicitement B des crit2res correspondant B l’un ou l’autre d’entre eux, pour aboutir gdneralement B des compromis.

La nomenclature de professions la plus utilisde est la Classification intemationale type du BIT (CITP), revisCe en 1988. Elle vise A faciliter les Cchanges d’information et les comparaisons

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La planification des ressources humnines aujourd’hui

et A servir de modèle aux pays qui souhaitent Claborer ou rCviser leur propre classification. Elle se r6Rre à deux critkres : la nature du travail effectuC (emploi ou job) - un ensemble d’emplois proches par la nature du travail correspondant A une profession -, et la qualification, dCfinie comme capacitC 2 exercer un emploi.

La qualification peut être dCfinie par deux dimensions : le niveau (degrC de complexitC) et la spCcialisation. Le niveau se r&re A des niveaux de formation qui sont ceux de la Classification de l’UNESCO, sachant qu’en realitk la qualification n’est pas toujours acquise par une formation formalisCe. On voit que la conception de cette nouvelle classification se

rapproche de celles qui ont CtC mentionnees plus haut et qui etaient conçues pour la planification. Elle prCsente donc les avantages et les limites qui ont dCjà CtC signales. Dans un grand nombre de pays, en particulier dans les pays en dkveloppement, cette classification inspire les nomenclatures nationales d’emploi.

Deux conclusions nous paraissent devoir être tirees de cette analvse :

s’i une concertation est hautement souhaitable entre statisticiens et planificateurs, il est peu probable que ces demiers puissent imposer leur conception des nomenclatures d’emplois. Les pdoccupations des statisticicns ont toutes chances d’être determinantes, et, dans la plupart des pays, ils donneront vraisemblablement la prCfCrence 2 la Classificalion du BIT, Cventuellement amenagCe, qui a le mCrite d’exister et de se prêter aux comparaisons intemationales. Puisque aucune nomenclature ne peut rendre compte de manière satisfaisante de toutes les dimensions de cette rCalitC multiforme qu’est l’emploi, il faut plutôt chercher à cemer cette dalit6 par un croisement de plusieurs variables. Deux croisements intCressent la planification de l’education : - C’est d’abord le croisement entre la profession, qui

renseigne plus sur l’emploi que sur son titulaire, et la formation de celui-ci. Cette information figure normalement dans les recensements, beaucoup plus rarement dans les autres enquêtes, mais des enquêtes ad hoc sur des Cchantillons limitCs peuvent foumir des approximations suffisantes (cf. pp. 130-133). Par ce moyen, on doit pouvoir

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences, pratiques

obtenir une information plus fiable et moins ambiguë qu’en utilisant une nomenclature unique supposant par construction une adequation entre ces variables.

- Une autre variable que nous n’avons pas mentionnee jusqu’ici concerne le statut individuel du travailleur : est4 salarie, patron ou travailleur independant ? Cette information peut être integree dans la nomenclature des professions (toute la nomenclature française est construite autour de ces categories socioprofessionnelles). Elle peut aussi faire l’objet d’une classification distincte, si l’on considkre par exemple qu’il faut analyser separement le mktier et le statut et qu’un dlectricien, par exemple, a le même metier s’il est artisan ou salarie. Quelle que soit la solution adoptee, cette information a un interêt pour la ’planification, particulierement dans les pays en developpement, oil l’on pourra faire l’hypothkse qu’un travailleur independant appartient au secteur &formel>>, avec un profil et des exigences de formation tri3 differents des salaries.

Améliorer le système d’inforinution

Dans notre esprit, la planification doit être un processus permanent et doit donc, autant que possible, pouvoir s’appuyer sur un systeme d’information kgalement permanent, et pas seulement sur des enquetes realisees au coup par coup pour rkpondre à des besoins exceptionnels. En effet, des enquêtes ponctuelles sont coûteuses et donnent de moins bons resultats : chaque enquete demande une mise au point delicate et il y a des risques de discontinuite et de non-comparabili te des donnees d’une enquête à l’autre. Or, il est essentiel de pouvoir situer les informations dans le temps et de pouvoir capitaliser l’information, ce qui exige de la continuite. La mise en place d’un tel systeme ne peut toutefois être que progressive. (a) L’information sur les flux de sortie du systkme scolaire devrait pouvoir être deduite automatiquement des statistiques scolaires que doit etablir regulierement le Ministere de I’Education. La connaissance de l’ensemble des sorties de tout le

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

systeme de formation et l’evaluation des flux nets posent des problemes plus difficiles de coordination entre les administrations responsables. (b) Les informations sur l’emploi et sur le marche du travail que nous avons presentees comme souhaitables ne sont pas toujours disponibles. Dans les pays en developpement, on se montre parfois tres critique sur les informations statistiques existantes, considerees comme peu fiables, hktdrogenes ou trop difficilement accessibles (sources administratives). On a alors tendance B faire table rase de ce qui existe et il lancer des enquêtes ad hoc dont on attend des reponses B tous les problemes que l’on se pose. Mais ces enquêtes sont souvent trop ambitieuses et mal exploitees. Avant de lancer une enquête nouvelle, qui risque de coûter cher et d’exiger beaucoup de temps, il convient de s’assurer :

qu’une exploitation des donnees existantes, fondee sur une analyse critique, ne suffirait pas 2 repondre aux questions que l’on se pose ; que les objectifs vises et les informations qu’ils exigent sont definis de maniere suffisamment precise. Avant de lancer une enquête, il faut avoir prevu l’exploitation que l’on en fera. Il faut eviter de tomber dans le travers frkquent consistant a accumuler une masse d’informations, pour s’apercevoir ensuite qu’une grande partie d’entre elles n’&ait pas indispensable ;

0 que l’on dispose des moyens necessaires pour le traitement des donnees recueillies. On a vu de grandes enquêtes inexploitkes faute de moyens informatiques. Le moyen le plus economique de rCsoudre ce probleme

consisterait B faire appel aux sources administratives, tout en ameliorant leur qualite. C’est encore une fois d’abord un probleme de coordination entre les instances responsables, afin qu’elles acceptent d’ouvrir leurs fichiers et de les utiliser pour d’autres finalites.

Dans le domaine qui nous interesse, les meilleures statistiques risquent fort d’être insuffisantes. Rien ne remplace une connaissance concrete des entreprises et des pratiques des employeurs, surtout lorsqu’il ne s’agit pas seulement de faire un constat, mais d’analyser des evolu tions. Des investigations directes

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Planification des ressources humaines: mdthodes, exphiences, pratiques

aupres des employeurs sont donc indispensables pour completer et eclairer les statistiques par des Clements plus qualificatifs. Elles peuvent aussi se substituer partiellement il elles lorsque l’appareil statistique est gravement insuffisant et lorsque l’economie moderne est si faible et si peu diversifiCe qu’un petit nombre d’investigations directes peuvent suffire il donner une image approximative de la rdalite.

C’est dans cet esprit que l’on trouvera en Annexe IV un exemple de grille d’entretien pouvant servir de base 3 des enquêtes orientees il la fois vers le recueil de donnees, le diagnostic des problemes actuels et l’anticipation de l’avenir. On a cherche il simplifier autant que possible cette investigation. Si les conditions le permettent (disponibilite et diversite des interlocuteurs), il sera possible d’dtendre la grille de questionnement.

L’enquête suggeree ne peut se faire par le simple envoi d’un questionnaire, que les employeurs risquent de remplir de façon incomplete ou fantaisiste et dont ils ne comprendront pas toujours l’objectif. Elle suppose un entretien conduit par un personnel prkparC specialement. Bien entendu, ce questionnement devrait s’adresser il un echantillon qui, à defaut d’Ctre statistiquement reprksentatif (ce qui exigerait sans doute un trop grand nombre d’enquetes), devrait être aussi diversifie que possible, pour rendre compte de l’eventail des conditions que l’on peut rencontrer.

Jusqu’ici, il n’a et6 question que des entreprises du secteur moderne. Mais, dans beaucoup de pays en dkveloppement, celui-ci n’emploie que des effectifs limites, peut-etre moins que le secteur ((informel,,. La connaissance de celui-ci pose plusieurs questions : pourquoi l’ktudier ? comment le dCiïnir ? et comment l’ktudier ? D u point de vue d’une apprehension globale du probleme de l’emploi et de la defilution de politiques de promotion de l’emploi, une connaissance de ce secteur est dvidemment essentielle. D u point de vue de la planification de la formation, c’est plus discutable, dans la mesure où ce secteur emploie tres peu de main-d’œuvre ayant une qualification formelle, de type enseignement supkrieur, technique ou professionnel - sauf lorsqu’il commence à y avoir un surplus de diplômes qui-ne savent comment se placer.

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La planification des ressources humaines aujourd‘hui

Le mode d’investigation dans le secteur informel est gCnCralement l’enquête : une enquête souvent plus qualitative que quantitative, visant des objectifs plus vastes que la simple identification des effectifs, de leur qualification et de leur formation. L’exNrience tunisienne, par exemple, montre qu’il est possible d’avoir une assez bonne estimation de l’emploi dans le secteur informel 2 partir d’enquêtes sur les menages (par exemple, par une enquête emploi). Pour dbnombrer les cmplois, il suffit de croiser un certain nombre de variables telles que le secteur et la taille de l’entreprise.

Toutes ces indications doivent su€fire à souligner l’importance de la disposition d’un ensemble de donnees permettant d’etablir un diagnostic de la situation actuelle. Encore faut-il que ces donnees constituent un tout cohCrent et utilisable. A cet egard, on peut noter l’initiative recente du Togo consistant à mettre en place, dans le cadre d’un projet de la Banque mondiale, un Observatoire des besoins de formation professionnelle. Celui-ci centralise toutes les informations relatives il l’emploi et rdalise des enquêtes complkmentaires lorsque c’est nCcessaire, ainsi que des monographies ponctuelles (Orivel, 1991).

5. Les étapes d’un processus de planification

Après avoir insiste sur la spCcificit6 des situations particulières, il est bien difficile de proposer unc approche ayant une valeur g6nCrale. O n peut tout au plus knoncer quelques principcs d’action et tenter de hierarchiser les prioritts.

Lorsqu’il s’agit plus particulièrement de pays en developpement, plusieurs Ccueils sont à chi ter :

le premier consiste a partir d’un bilan critique des donnees et des moyens disponibles pour conclure que toute planification et a fortiori toute prevision sont impossibles ; le second (qui peut trks bien prendre la suite du premier) decoule de l’adoption d’objectifs exagdrkment ambitieux en matière d’enquête, d’CLude et/ou de système d’organisation, avec le risque que ces objectifs ne puissent être atteints, ou n’exigent des delais si longs qu’ils paralysent toute action ;

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences, pratiques

la troisihme fausse solution reviendrait h faire faire (Cventuellement par une expertise exterieure) une Ctude technique supposCe apporter toutes les rkponses au problème

Si ces approches ne nous paraissent pas adaptees, c’est parce qu’une planification utile doit necessairement Ctre un processus permanent mais progressif, directcment pris en charge par les responsables, qui ne peuvent attendre une solution miracle de l’extdrieur, mais que le manque de moyens ne doit pas non plus decourager. A chaque dtat dc l’information et des moyens disponibles peut correspondre une ddmarche appropriCe. Il doit toujours Ctre possible de partir d’estimations approximatives et de les affiner progressivement, au fur et a mesure que des ClCments nouveaux deviennent disponibles. A condition cependant de conserver un regard critique sur ces rCsulLats inlermediaires et d’en faire un usage appropriC.

pose.

Priorité d I‘évaluation et exigence de qualité

Avant de vouloir s’aventurer h prCvoir un avenir necessairement incertain, il est peut-être plus urgent et probablement moins difficile de mieux connaître le prksent. Beaucoup de pays n’ont qu’une idCe trhs vague de la manière dont le système de formation fonctionne, si ce n’est pour denombrer les effectifs d’enseignants qu’il emploie et les Clhves qu’il scolarise. L’evaluation du systhme de formation est une ndcessitd en soi, quels que soicnt le dispositif et la demarche adoptes. Mais elle peut aussi être vue comme un accompagnement nkcessaire de la planification. Elle peut s’envisager de plusieurs manières :

L’Cvaluation inteme peut concerner lc niveau de connaissances ou de compktence acquis, l’cfficacitd mesurde notamment par le rapport entre effectifs scolarisCs et effectifs formCs (affect6 par les redoublements et les abandons), et enfin le coût financier. Ces ClCments d’dvaluation ne concement pas directement notre sujet. II faut nkanmoins souligner que trop souvent la planification n’est fondke que sur des dlbments quantitatifs et ne prend pas suffisamment en compte les donnees qualitatives. Trop souvcnt, l’expansion educative s’est

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

faite au detriment de la qualitC et les progrès ne sont qu’apparents : en fait, la croissance des effectifs peut tds bien recouvrir une ventable rkgression. <<La crise financière a entraînC dans de nombreux pays une deterioration dramatique des conditions d’enseignement qui se manifeste par (i) le manque de matCriaux didactiques, (ii) la baisse des salaires en termes rkels ou des retards dans les paiements des enseignants entraînant leur demobilisation, (iii) l’augmentation de l’absenteisme et (iv) le delabrement des locaux), (IIPE, 1990). Les effets d’une telle Cvolution se font necessairement sentir

lorsque l’on passe ii 1’Cvalualion exteme, car une qualit6 insuffisante de la formation peut nuire ii l’insertion professionnelle de ceux qui ont CtC formes.

On ne saurait donc trop insister sur l’utilite de mettre en place et d’amCliorer un dispositif d’kvaluation de la formation qui ne soit pas seulement fonde sur des crit&res formels, tels que les examens mesurant essentiellement des connaissances, mais plut& sur une evaluation des capacitbs reellement acquises. Ici encore, et notamment lorsqu’il s’agit de formation professionnelle, cela devrait impliquer une collaboralion avec les milieux professionnels.

L’Cvaluation externe se mesure d’abord par les conditions d’entrCe sur le marche du travail, avec des enquêtes comme celles qui ont et6 examinees plus haut. II n’est pas necessaire au dCpart de disposer d’un dispositif d’observation lourd pour se faire une premiere idCe de la situation. On peut commencer par ktudier des Cchantillons limiles de population en donnant la priorite aux formaiions sur l’efficacite desquelles on s’interroge et qui posent les problèmes les plus urgents. Les enquêtes ne pourront pas toujours se faire par la poste et

il y aura sans doute avantage a les decenlraliser pour être au plus près de ceux qui sont interroges, mais dans ce cas il est indispensable de veiller ii 1’homogCnCi te des questionnaires et des methodes d’enquête, si l’on veut que les rCsultats soient exploitables.

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Planification des ressources humaines: méthodes, expkriences. pratiques

Combiner les approches quantitative et qualitative

L’une des difficultCs soulevCes par la planification des ressources humaines provient du cloisonnement des approches. Il existe d’abord un Ccart important entre :

d’un c6t6, l’approche quantitative et macro-Cconomique que connaissent gCnCralement les statisticiens, les Cconomistes et les planificateurs. Elle donne une vue d’enscmble, mais a partir de donndes abstraites qui ne sont pas toujours significatives et qui refl2tent mal les situations rCelles et les problEmes qu’elles posent ; d’un autre c&C, la connaissance concrète, mais IimitCe, qu’ont les hommes de terrain de leur environnement immediat. Ils manquent de recul et d’une perspective d’ensemble. Un autre fosse sCpare trop souvent les administrateurs du

monde de la production et de l’entreprise. La vision nCgative qu’ils ont les uns des autres est gCnCralement fondCe sur 1 ’ignorance.

Une bonne planification exige une rkduction de ces Ccarts. non seulement par une meilleure concertation, mais aussi par une approche pluridisciplinaire impliquant une meilleure connaissance des conditions concrètes. Cela doit êlrq plus facile si le pays est plus petit (ou s’il s’agit d’une approche regionale) et si 1’Cconomie est moins avancCe, et donc moins complexe. C’est pourquoi nous suggCrons qu’une même demarche auprès des employeurs serve B la fois B donner des informations qualitatives et a complCter et enrichir les donnCes quantitatives (ou même B se substituer aux statistiques lorsqu’elles manquent).

Ces considCrations amhent il poser le problème de l’utilitC ou même de la nCcessitC d’une analyse du travail pour la planification de la formation. L’klaboration sysdmatique d’un RCpertoire des emplois (du type de celui qui a CtC prdsentC au Chapitre VI, pp. 93-99) est-elle indispensable ? Dans la plupart des cas, la rCponse est nCgative, ne serait-ce qu’en raison de l’investissement excessivement ClevC que cela exige en personnel compCtent, en argent et en temps. D e plus, nous avons vu que l’on avait de plus en plus besoin d’une formation gCnCrale qui ne pouvait se limiter h la prkparation h des postes specifiques.

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

Les investigations sur le terrain restent toutefois souhaitables, d’abord pour concevoir et mettre h jour des contenus de formation mieux adaptCs aux besoins changeants de 1’Cconomie ; mais aussi parce que c’est un moyen de mieux faire comprendre ces besoins aux administrateurs et aux formateurs, surtout lorsque l’on peut les impliquer dans le processus. Sachant que les contenus d’emploi sont souvent proches d’un pays h l’autre, il doit donc être possible d’utiliser les documents existants (tels que le RCpertoire français des emplois) comme r6fCrcntiel pour tcstcr sur le terrain quelques- unes de ses analyses. O n pourra limiter ces tests aux fonctions les plus significatives et adopter une dkmarche plus synthdtique visant h mettre immCdiatement en relief les types de compCtences rkellement mobilisees dans le contexte national.

Ces analyses qualitatives sur le terrain devront se placer dans une perspective dynamique, en cherchant h analyser les facteurs de changement et h en deduire les tendances d’kvolulion les plus probables.

Passer dune notion de besoins à une notion d‘utilisation de la main-d‘œuvre

L’analyse critique de l’approche main-d’œuvre a montrC que l’on pouvait difficilement parler de <<besoins>> en main-d’œuvre qualifiCe de l’economie, constituant une donnCe intangible, compte tenu des possibililks de substitution ct d’altematives de recrutement. Cela Ctant admis, il doit être Cgalement clair que 1’Cconomie ne peut recruter n’importe qui et que la marge de flexibilitk n’est pas infinie. Prcndrc en compte les dCbouchCs possibles et les demandes prioritaires reste donc indispensable, mais on se placera plutôt dans une optique d’utilisation de la main-d’œuvre et de demande de l’kconomie, compte tcnu des conditions concrktes du marchk du travail, et notamment :

des possibilitds de substitution entre diffCrents types de qualification ; du caractkre plus ou moins attractif des emplois pour les jeunes, considCrant les dmundrations, les conditions d’emploi et de travail ;

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Plan.$cation des ressources humaines: méthodes, expériences, pratiques

des altematives entre diffkrentes sources possibles de recrutement : formation initiale, promotion inteme, recrutement A partir d’autres emplois, etc. Autant que possible, ce demier point doit pouvoir se

concktiser sous forme d’estimations chiffdes.

Elaborer des mod2les simples de flux

Ces estimations peuvent prendre la [orme d’un mod2le simplifie des flux de recrutement, non seulement B partir de la formation, mais aussi B partir d’autres sources. Ce modèle, reprCsent6 dans le Graphique 5, a l’avantage de donner une image d’ensemble, mais il n’est pas suffisant. Si possible, il devrait Ctre complet6 de plusieurs manières :

Sous forme de sous-modèles correspondant davantage B la realite des grands secteurs ; dans un pays en ddveloppement, il y en aurait au moins trois : secteur public, secteur moderne prive et secteur informel.. Celui du secteur public est fonde principalement sur des recrutements 2 partir du syst6me Cducatif (Cventuellcment apr& un passage par 1’6tranger) et sur la promotion inteme ; les autres Cldments (ch6mage et inactivitC) peuvent être nCglig6s. C’est vraisemblablement l’inverse pour le sectcur traditionnel et <<infonnelw, qui peut recruter des jeunes non scolarisks. Seul le secteur moderne marchand recourt B toute la gamme des flux. Si utiles qu’ils soient pour foumir une toile de fond, de tels mod2les limites aux effectifs totaux ne peuvent constituer un instrument suffisant pour la planification de l’dducation, qui necessite la prise en compte des qualifications (formations/professions). Elaborcr un modèle semblable pour chaque qualification ou même groupe de qualifications serait l’iddal, mais ce serait excessivement lourd. Il serait cependant utile de le tenter au moins pour trois grandes catdgorics qui se situent de manikre bien distincte sur un tel schema : l’encadrement sup6rieur - dont une definition plus prCcise est necessaire, mais elle doit êtrc particulière B chaque contexte national ; l’encadrement intermddiaire ; et les ouvriers et

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

employCs qualifiCs, pour lesquels une formation professionnelle longue est normalement exigCe. Pour des pays en dkveloppement qui manquent de donnCes, il

faudra vraisemblablement simplifier le schema. Cette dCmarche pose Cvidemment au moins deux problemes : Comment chiffrer tous ces ClCments ? Cela revient il la question des sources evoquCe plus haut. Seuls les pays les plus avances disposent d’un appareil statistique suffisant pour pouvoir chiffrer avec une certaine precision chacun des flux figurant sur ce type de diagramme - ce qui Cquivaut au Bilan formation-emploi Cvoqud (cf. Chapitre 111, pp. 38-47). Pour les autres, nous pensons qu’il doit toujours être possible d’estimer des ordres de grandeur, ne scrait-ce qu’a partir de donnCes ponctuelles obtenues par quelques investigations aupr2s des employeurs et en recoupant les informations foumies par les spCcialistes (de l’emploi, de la ddmographie). L’elaboration de ces estimations peut être une occasion utile de confrontation entre differentes sources et d’echanges de vues entre personnalitCs venant d’horizons differents. Si grossières soient- elles, des estimations de ce type sont toujours prCf6rable.s A la solution consistant il nCgliger les differents flux de mobilite pour se contenter d’une hypothese artificielle d’adequation formation initiale-recrutement. Bien entendu, ces estimations ne sont destinees qu’aux planificateurs et ne doivent pas être diffusdes en l’Ctat, car elles pourraient être mal interprCtCes ou faire l’objet de critiques faciles. Mais elles doivent être toujours revisables, au fur et 3 mesure que l’information s ’amkliore. En supposant que le modèle se concretise, ce ne sera d’abord qu’une image de la situation prCsente, ce dont la planification ne peut se contenter. Il faudrait projeter cette situation dans 1 ’avenir.

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PlanifKation des ressources. humaines: dthodes. exptiences. pratiques

Graphique 5. Analyse des flux

Non-smhis& 'i 1 Inactivirt

-1

Edumion

V

[ E m g e r

Note : (Les flèches suggèrent les principaux flux ; le schéma pourra êire adapté au contexte national en négligeant les flux les plus faibles).

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La planification a’es ressources humaines aujourd’hui

Projeter dain l’avenir le schéina des flux

Dans la plupart des contextes, il doit &e possible de trouver une voie moyenne entre l’adoption naïve de previsions chiffrees et le refus pur et simple de toute vision prospective. En ce qui concerne la structure future de l’emploi, les conclusions suivantes peuvent être tirees de l’analyse critique des expkriences :

La prkvisioiz est beaucoup nzoirzs aléatoire dans certains doniairies que dans d’autres. Ainsi en est-il pour la demographie, qui conditionne très largement : - le volume de la population active future. Les actifs qui

composeront cette population dans dix ou quinze ans sont dej2 ries. Pour les moins jeunes, la repartition par qualification est dejja estimde. Il est facile d’appliquer h cette population des coefficients permettant de tenir compte des decès et departs en retraite pendant la periode ; - les entrees dans le systeme scolaire. L’inertie du mode de fonctionnement de celui-ci etant importante, il est possible d’etablir des previsions d’effectifs scolarises sur des bases assez solides, en faisant des estimations sur la demande sociale. Soulignons que de telles previsions sont de toute manière indispensables pour programmer les constructions scolaires et la formation des enseignants.

D e ces previsions d’effcctifs scolaires peuvent être deduites des estimations sur les sorties par type de formation. L’addition de ces estimations et de celles qui concernent la population active residuelle fournit une preniiere image de la population susceptible d’occuper les emplois futurs (en mettant provisoirement de côte les problèmes de mobilite).

Les besoins de recrutement d’enseignants par grande categorie peuvent facilement être deduits des previsions d‘effectifs. Or, dans beaucoup de pays en dkveloppemenf, ces besoins en enseignants constituent une très grande part des debouches du syst6me educatif aux niveaux les plus eleves, ce dernier fonctionnant largement en circuit ferme, pour satisfaire ses propres besoins. En rapprochant ces donnees, on possede dej2 des klements importants de la future relation €ormation-emploi pour les qualifications de type scolaire.

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Planification des ressources humaines: niethodes, expériences, pratiques

A partir des enseignants, on est conduit h evoquer plus gCn6ralement le problkme du secteur public - ou plus exactement de l’administration, car peu importe que les entreprises soient publiques ou privees, elles doivent ressortir d’une autre logique que celle de l’administration. Ce qui est le plus caractCristique d’un faible niveau de developpement, c’est le poids relatif important des emplois relevant de la fonction publique. Ces emplois representent souvent la grande majoritC des emplois tres qualifies, notamment des dipl6mes de l’enseignement superieur. Or, il est important de souligner que :

comme on l’a vu, c’est prdcisdment h ces emplois que la notion d’adequation s’applique le mieux ; le secteur administratif devrait mieux se prêter aux prkvisions, avec moins d’al&, que le secteur prive. D’abord, le principal employeur - et de loin - est g~neralenient 1’Education nationale (cas de la CGte d’Ivoire, cf. Chapitre Y, pp. 24-28). Comme on le voit par ailleurs et compte tenu de l’inertie du systeme, la prevision des effectifs scolaires est celle qui souleve le moins de difficultes. Il est facile d’en dCduire les besoins en enseignants (sauf dans les cas où la forte mobilite de ceux-ci constituerait une inconnue). Si le principal debouche de l’enseignement est l’enseignement lui-même, c’est au moins un elt5menl qu’il devrait être assez facile de planifier. Le reste du secteur public reste encore concentre sur quelques

categories qu’il doit &re possible d’identifier et qui peuvent faire l’objet d’estimations. Enfin, il devrait être possible de proceder 3 des estimations globales sur la capacitk du budget de 1’Etat de financer des emplois de fonctionnaires : cette capacite est liee au produit national ; elle ne peut guere augmenter davantage, mais elle est liee aux mêmes aleas.

les prévisions concernant les qualifications et professions doivent de préférence porter sur de grands agrégats. Pour tenir compte des effets de substitution et pour ne pas demultiplier les hypothkses et les calculs, il y a interet h envisager l’evolution d’un nombre reduit de secteurs et de qualifications (en s’inspirant par exemple des experiences mentionnees au Chapitre Ier) ;

,

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

Plutôt que de pretendre prevoir l’avenir avec quelque prkcision, cet exercice doit plutôt viser B délimiter le champ des possibles, en utilisant des jeux d’hypothèses définissant des .fourchettes)>. Ces hypotheses peuvent Ctre simples, voire simplistes, mais elles doivent être expliquees et autant que possible justifiees. Elles pourront se referer il une situation limite, ou à des comparaisons internationales, ou constituer une extrapolation des tendances observees. - On a vu que les previsions d’emploi etaient generalement

fondees sur des hypothèses de croissance Cconomique souvent exagCr6ment optinlistes, parce que ayant un caractere officiel, et que cela constituait la principale cause d’erreur. Si l’on ne peut eviter de se referer il ce type de prevision, il y aura avantage il envisager parallelement des hypothèses alternatives se referant B des taux reellement observes, dans le pays même ou ailleurs. Passer de la croissance de l’dconomie h celle de l’emploi implique des hypotheses sur la productivitk. C’est lh un aspect souvent mal connu et les pr6visions sont tres alkatoires, mais supposer qu’il ne se produira aucun gain de productivit6 constituerait une hypothèse extrême, peu realiste, car cela impliquerait une stagnation et un manque de competitivite de l’kconomie par rapport à ses concurrentes. Si l’on ne dispose pas de prkvisions economiques (notamment parce que la @riode envisagee est trop longue), il est quand même possible de faire des hypothtses raisonnt5es sur l’evolution de l’emploi par secteur, en se referant aux evolutions constatees et h des comparaisons internationales et en tenant compte des priorites et des potentialites nationales.

- La structure de l’emploi par profession à l’interieur de chaque secteur ne se modifie que tres lentement, et ses modifications ne jouent pas un très grand rôle dans l’evolution globale, qui est davantage affect& par le taux de croissance et par la repartition sectorielle de l’emploi. Il n’est donc pas deraisonnable de partir d’une hypothese conservatrice supposant la structure de l’emploi inchangee. O n peut ensuite envisager une autre hypothese supposant

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Planification des ressources humaines: méthodes, exptriences, pratiques

une amelioration progressive des niveaux de qualification et des taux d’encadrement, en se referant 3 des situations types ou à des comparaisons internationales. Il nous paraît diffciIe de proposer des normes de structure, au moins pour l’industrie et la plupart des services, mais elle reste valable pour des secteurs comme la Sand (tel nombre de medecins et de personnel paramedical pour 100 O00 habitants, par refdrence à l’existant et aux comparaisons internationales) ou l’education (tant d’el2ves par enseignant).

- Concernant les ressources disponibles pour occuper les emplois futurs, une premikre serie d’hypothkses concerne le vieillissement de la population active existante. Sur moyenne @riode, la mortalite peut être nkgligee, tandis que l’on peut recourir à des tables de mortalite sur plus longue @riode. L’impact des departs en retraite est facile à estimer : supposant que l’iige normal soit 65 ans, une hypothese simplifiee consiste à estimer que dans 10 ans tous ceux qui sont aujourd’hui âgCs de 55 ans ou plus seront partis - ce qui suppose une estimation sur la structure actuelle par Bge et grandes catdgories professionnelles. - La mobilite professionnelle est beaucoup plus difficile 3 evaluer, car elle est fonction d’une diversite de facteurs dont certains sont imprevisibles ... Il n’est guère question d’etablir ici des prdvisions, mais les hypothèses que l’on pourra faire auront le merite de poser des problkmes, tels que celui des causes de la forte mobilite de tel ou tel secteur et des remkdes possibles (cf. Clinpitre VZ). L’hypothkse la plus simple est evidemment celle du maintien des taux constates ou estimes au depart.

- L’autre composante des ressources provenant des sorties du systeme de formation, celles-ci peuvent egalement faire l’objet d’hypoth2ses contrastees : extrapolation des taux de passage actuellement observes, ou bien des tendances de croissance, anticipation de la demande sociale.

- Il ne faudra pas manquer de se poser la question de la proportion des sortants n’entrant pas sur le marche du travail, qui peut ne pas être ndgligeable lorsque beaucoup de femmes ne cherchent pas d’emploi rdmundre. Les

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La planijcation des ressources humaines aujourd’hui

hypothèses que l’on pourra faire sur le taux d’activite des jeunes filles pourront tenir compte du niveau d’education, qui constitue sans doute le critere le plus determinant : quel que soit le milieu socioculturel, plus les femmes sont instruites, plus elles se presentent sur le marche du travail.

- Après avoir estime le volume des emplois à pourvoir et celui des ressources en main-d‘aeuvre suivant differentes hypothèses, se pose le probleme essentiel de la confronlation. A ce stade, faire des hypotheses à caractere previsioiinel sur les ajustements entre niveau et type de formation d’une part, et groupe de professions de l’autre, serait tomber dans le piege de l’adequationnisme. Mais la confrontation de ces donnees peut donner lieu à une analyse instructive. Elle peut notamment permettre de detecter des situations limites ou peu vraisemblables. Ce serait le cas, par exemple, si le nombre de diplômes de l’enseignement superieur apparaissait au moins equivalent à celui des emplois de cadres : cela impliquerait soit qu’il n’y ait plus aucune promotion possible pour ceux qui viennent d’un niveau infkrieur, soit qu’une partie des diplômes acceptent des emplois de niveau inftrieur : est-ce acceptable ? Si les hypotheses retenues conduisent à bouleverser les structures et les equilibres de professions existants, par exemple en relevant brutalement le niveau de formation pour un groupe de professions, on pourra aussi se poser des questions.

Les résultats devront faire l’objet de tests de cohérence pour coiforter leur vraisembhizce. La coherence peut porter sur l’equilibre entre niveaux de formation, entre groupes de professions, entre l’analyse sectorielle et l’analyse globale, ou entre la situation previsible du pays et celle de pays ayant atteint un niveau de developpement comparable. Il n’existe pas de regles auxquelles on puisse se referer ; c’est affaire de jugement et d’exp6rience. Une autre serie de tests de cohtrence concerne la relation entre

les perspectives quantitatives d‘evolution des flux et les donnees qui conditionnent la concr6tisation de ces perspectives : compte tenu des conditions reelles dans lesquelles se fait l’orientation des jeunes, de leur motivation, des remunerations, des conditions de

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PIanification des ressources humaines: nidihodes, expériences, pratiques

travail et d’emploi, est-il vraisemblable que les hypothèses adoptees se realisent ?

Cette necessite d’une vision d’ensemble ne signifie pas que la prevision et la planification qui s’appuient sur elle doivent couvrir systematiquement et au m&me degre de dCtail toutes les qualifications. L’exemple du Japon montre que la determination de grandes orientations et de grandes priori t6s (par exemple la priorite donnee aux formations à l’electronique et à l’in€ormatique il y a au moins vingt ans) peut &tre plus efficace qu’une planification detaillee. Dans les pays dont l’economie est encore peu diversifike, il est

generalement possible de definir des priorités cortcrètes en matière de formation. Pour ces pays, on ne risque guère de se tromper en suggerant trois priorites :

- La maintenance des installations electriques et mecaniques, des vehicules et des differents types de matdriel correspond à un besoin permanent qui n’est jamais satisfait et qui peut occuper une main-d’euvre nombreuse et bien qualifiee.

- La gestion recouvre une fonction plus large que la comptabilite et conditionne l’efficacite d’un très grand nombre de structures : entreprises industrielles et commerciales, coopdratives agricoles, etc. Les formations qui peuvent y preparer se situent à des niveaux variables et peuvent faire l’objet de formations tri3 diverses.

- L’agriculture reste le problème majeur de la plupart des pays les moins avancks, mais les qualifications exigees par son developpement sont plus dependantes du contexte socio-econonzique et institutionnel.

En combinant ces diffirentes dkmarches, et quel que soit l’etat des donnees et des structures, il est toujours possible d ’élaborer des scénarios pour 1 ’avenir, dont la fonction est plus pédagogique que prédictive. En r6unissant les responsables des differents domaines concernes pour discuter de ces sc6narios, on fera apparaître des questions qui exigeront des prises de position ou des recherches d’information compldmentaire et on pourra fournir les bases d’une politique.

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

Intégrer la planification de la formation dans une politique globale concernant les ressources hunaines

Cette politique devrait prendre en compte non seulement le systbme d’education et de formation dans son ensemble, mais aussi les problbmes d’emploi, d’insertion des jeunes, de mobilisation de la main-d’œuvre et de remuneration. Elle devrait être conçue en termes d’alternatives : dans bien des cas, il n’existe pas de solution unique au probleme de la satisfaction des <<besoins)) de l’economie en qualifications. Des choix peuvent s’exercer entre formation initiale et continue, entre formation nationale et à l’exterieur, entre extension ou prolongation de formations exislantes et creation de formations entierement nouvelles, entre differents types de formation (cf. pp. 149-161).

Dans les pays en developpement, une politique de formation doit necessairement tenir compte des mesures d’ajustement visant à limiter les depenses budgetaires tout en stimulant la croissance, à encourager le developpement des petites entreprises et du secteur informel, à inciter à l’auto-emploi et à la creation d’entreprises, à faciliter les reconversions. Dans les pays plus avances, il faudra veiller à la coherence des politiques de formation et des politiques sociales visant notamment à lutter contre l’exclusion des jeunes les plus qualifies. Le defi des Cconomies modernes fondees sur l’intensification de la concurrence et du recours aux nouvelles technologies n’est pas tant la necessite de former la main-d’œuvre hautement qualifiee qui est de plus en plus demandee que d’eviter la marginalisation de ceux qui ont de la peine à s’adapter.

Intégrer les iiwyens dans la pluizificatiorz

Est-il besoin de souligner qu’une politique - peu importe qu’elle prenne la forme d’un plan - ne se limite pas à déj7nir des objectifs. Plus important - et aussi plus difficile - est lu défiizitioit des moyens d’action. Que va-t-on faire pour surmonter les inerties et les rigidites decrites au chapitre precedent, à l’interieur et à l’extkrieur du syst2me de formation ? Comment trouver les moyens de financement ? Comment faire en sorte que l’administration constitue un facteur de developpement et non un

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Planification des ressoiirces humaines: nrtthodes, expériences, pratiques

frein ? Plus concretement, une politique globale devrait se prdoccuper :

d’une programmation des ressources financieres sur plusieurs annees, et pas seulement sur l’annee budgetaire ; du mode de financement. Celui-ci ne peut venir que de trois sources : 1’Etat. les entreprises et les particuliers. La capacite de financement du premier est dkjh mise largement à contribution dans la plupart des pays. Les entreprises contribuent volontiers B la charge de la formation si elles y voient un investissement productif. O n ne peut toutefois les taxer trop lourdement sans compromettre leur com@titivitd. Dans certains pays, la duree et la qualit6 de l’enseignement sont largement dependantes d’une importante contribution des particuliers. Mais celle-ci ne devrait pas contribuer B l’aggravation des inkgalites ; de la crdation de filieres de formation nouvelles ou de l’amenagement des filikres existantes ; bien entendu, de la disponibilite des locaux, des enseignants, des formateurs et des materiaux pedagogiques ; mais aussi, ce qui est tout aussi important, des mecanismes suivant lesquels les Clkves, les etudiants et leurs familles seront informes sur les orientations et incites 9 s’orienter dans les directions jugees souhaitables ; des dispositions B prendre pour que les enseignants et administrateurs de l’education et de la formation contribuent 3 la realisation des objectifs, par exemple en ce qui concerne les effectifs admis aux examens et concours d’entrde, la definition des niveaux d’exigence et des objectifs Hdagogiques, et des procddures d’evaluation. Dans beaucoup de pays, les initiatives des enseignants les plus dynamiques, tant en matiere de Hdagogie que de relations avec l’environnement, sont systematiquement brid6es par une administration tatillonne et bureaucratique. Il faudrait qu’a l’inverse leur statut et leurs conditions d’emploi soient conçus de telle manikre qu’ils soient motives et rkcompenses dans leurs initiatives ; 2 l’extdrieur du systenie de formation, des mesures qui peuvent Ctre prises pour inciter les employeurs à adopter des politiques de recrutement, de gestion du personnel, de remuneration et de

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

formation complementaire coherentes avec la politique globale definie ; enfin, des conditions qui permettront de concretiser ces orientations nationales au niveau local (carte scolaire des implantations).

Conjuguer et articuler politique natioiiale et politique locale

Dans cette perspective, il convient de viser le maximum de decentralisation et de coophtion avec les employeurs (comme on l’a vu dans ce chapitre py. 114-116).

6. La necessite d’une adaptabilite du systkme de formation

M ê m e si l’on reussit à mener à bien les travaux d’evaluation et de prevision qui viennent d’être 6voquks, ils laissent une serieuse marge d’incertitude, et il faut encore compter avec les pesanteurs socio-economiques (rappelkes plus haut) et administratives. L’ amelioration de la planification n’est pas suffisante ; elle devrait aller de pair avec une plus grande adaptabilite du systeme de formation. Cette approche presente un double avantage. Pour l’economie, l’adaptabilite de la main-d’œuvre est une reponse 2 l’imprevisibilite. Pour les individus, aucune formation specialisee ne peut desormais suffire P preparcr il une vie professionnelle, et la mobilite devient une exigence de plus en plus frequente. Cette adaptabilite peut être examinee sur plusieurs plans :

adaptabilitc! des structures et dcs programmes d’enseignement et de formation initiale, ce qui doit necessairement concerner les formateurs eux-mêmes ; rapprochemcnt de l’ecole et de l’entreprise, et participation de celle-ci au processus de €ormation ; r6le plus important donne P la formation continue.

Adaptabilité des structures et des prograrmtes

La rigidite des systemes de formation peut provenir aussi bien du statut des etablissements que de la structure des filieres de

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Planification des ressources humaines: méthodes, expériences, prariques

formation et des programmes. Elle pose en effet trois problemes, d’ailleurs assez etroitement lies :

celui de la structure et du type d’etablissement chargC de la formation - etablissement scolaire public ou prive, centre de formation, entreprise ; . celui des filières de formation et de leur professionnalisation ; celui des programmes et de la spCcialisalion.

(i) Le probleme de la structure se pose moins pour l’enseignement superieur que pour la formation professionnelle. 11 y a dkjà longtemps qu’un article demeure classique faisait le proces des ecoles professionnelles, jugees incapables de repondre aux besoins changeants de l’economie, en particulier dans les pays en developpement (Foster, 1965). Faisant partie du systeme scolaire, l’ecole professionnelle risque en effet de fonctionner en circuit ferme, de ne pas evoluer facilement en fonction des demandes exterieurcs. Elle coûte plus cher que l’enseignement general. Dans les pays du Tiers Monde où l’economie moderne est peu developfie, il n’y a qu’une faible demande pour le type de qualifications qu’elle produit, et les diplômes ont tendance A refuser les emplois de type manuel pour prkferer un travail administratif.

Ces inconvenients pcuvent être encore plus prononces lorsque l’enseignement ou la formation professionnels sont entre les mains d’un Etat centralise qui a le monopole des dipliimes, qui n’emploie que des enseignants fonctionnaires (voir ci-dessous) et qui utilise la formation professionnelle pour faire face aux consequences sociales du chômage. La Banque mondiale est aujourd’hui tres severe pour les systemes de formation professionnelle d’Etat &op vastes, mal finances, rigides et de qualite mediocre>) (Middleton ; Ziderman ; Adams, 1990). La solution opposee consiste à confier la formation

professionnelle aux entreprises ou à des centres spdcialises dCpendant de l’industrie. Mais cette solution n’est pas non plus sans inconvenient. Les entreprises ont naturellement tendance à satisfaire leurs besoins spdcifiques et 2 privilegier les savoir-faire purement professionnels plutôt que les capacites plus SenCrales (voir ci-dessozu). Ce n’est pas necessairement dans l’inter& des individus, dont cela peut limiter les possibilites d’evolution, ni

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La planification a‘es ressources humaines aujourd’hui

même de I’economie, qui a de plus en plus besoin de qualifications larges. Dans les pays en developpement, il y a generalement trks peu d’entreprises capables et desireuses de prendre en charge une formation approfondie, surtout quand il s’agit de dtfmarrer de nouvelles activites. Enfin, la multiplication des centres de formation autonomes pose des problkmes de coordination qui sont souvent mal resolus. Les systhes de formation places sous la responsabilite

principale des orgailismes professionnels patronaux, comme le SENA1 au Brtfsil, Cchappent pour une bonne part à ces inconvenients et constituent peut-Stre la solution intermediaire la plus satisfaisante. Cree et g6re par les entreprises, il est finance par un prelkvement sur les salaires et est fortement decentralise pour s’adapter aux besoins locaux. Les aspects les plus negatifs des systemes scolaires centralises

peuvent aussi être attknutfs, par exemple, en laissant dans la pratique une certaine marge d’adaptabilite aux institutions chargees de la mise en Oeuvre des programmes. C’est le cas de l’Allemagne, où, bien que les diplômes de formation soient definis suivant des procedures centralistes trks lourdes, la mise en ceuvre de la formation incombe aux entreprises, qui sont bien placees (au moins les plus importantes et les plus modernes d’entre elles) pour veiller à l’adaptation 2 des rtfali tes concr2tes toujours changeantes. On verra plus loin d’autres modalitks de liaison ecole-entreprise.

En tout etat de cause, il n’existe pas, ici encore, de solution ideale valable pour tous les pays, car l’efficacite de chaque formule depend des contextes culturcls nationaux. L’efficacite tant vantee de la formation professionnelle en Allemagne et au Japon ne tient pas seulement au fait qu’elle est sous la responsabilittf principale des entreprises. Elle est kgalement liee à deux autres facteurs essentiels. D’une part, les entreprises de ces pays ont une conception parliculikre de leur responsabilite en niatikre de formation : en Allemagne, c’est le rhultat d’une trEs longue tradition ; au Japon, cela correspond à une politique d’investissement dans les ressources humaines like h la pratique de l’emploi à vie dans les grandes entreprises. En second lieu, il faut souligner que la formation professionnelle ne vient qu’aprks une formation generale approfondie : en Allemagne, une proportion

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Planification des ressources humaines: mélhodes, expdriences, pratiques

croissante des stagiaires ont dejja reçu 13 ans de formation gCndrale (les autres 10 ou 11 ans) ; au Japon, plus de 90 pour cent des jeunes ont achevk des etudes le plus souvent generales et parfois techniques d’une durde totale de 12 ans. Il est evident que la transplantation des pratiques de ces deux pays dans des contextes tr&s differents (faible formation de base, forte mobilitc? des travailleurs et engagement limite des entreprises) ne donnerait pas necessairement des r6sultats identiques, ce quj ne veut pas dire qu’il faille la rejeter. (ii) Concernant la professionnalisation, il n’est pas inutile de rappeler l’opposition entre les systèmes de formation comportant une orientation très rapide vers une formation à finalite professionnelle, ja l’ecole ou en entreprise (que l’on trouve mCme dans des pays industriels avances comme l’Autriche ou les Pays-Bas), et ceux dans lesquels l’enseignement a un caractere gkneral, la formation professionnelle etant repoussee le plus souvent aprks la fin de l’enseignement secondaire et laissee aux entreprises (cas des Etats-Unis et du Japon). II est evident que le probleme de la planification ne se pose pas dans les mêmes termes dans les deux systèmes. Le deuxieme laisse plus d’ouverture pour des choix ullbrieurs et determine de façon moins rigide les orientations. Mais il suppose un niveau eleve de scolarisation (avec les coûts correspondants), et il devrait impliquer un engagement des entreprises h jouer leur rôle dans le processus de formation. La question de la professionnalisation se pose aussi au niveau

supkrieur et suscite un probleme controverse qui necessiterait de plus amples ddveloppements. Le rôle de l’enseignement superieur consiste-t-il d’abord ja former des individus cultivCs, aptes h une variete d’aclivitds professionnelles, ou bien à former specifiquement B des professions ? La premi6re solution correspond B la conception classique de 1’ Universite. La seconde repnd davantage h une preoccupation moderne des gouvernements et des pouvoirs publics ja la recherche de I’efficacitk. Cette preoccupation nous paraît plus ldgitime et plus realiste en ce qui concerne les formations courtes que les formations longues. De toute niailiere, considerant les incertitudes sur l’evaluation des besoins, d’une part, et, d’autre part, les

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La planification des ressources humaines aujourd’hui

exigences d’adaptabili te et d’ouverture d’esprit qui s’imposent aux cadres d’aujourd’hui, la professionnalisation ne peut &e poussee tr&s loin au niveau superieur.

La politique annonde par un certain nombre de pays en developpement et visant la professionnalisation de leur enseignement secondaire a dejà et6 evoquee dans ce chapitre

(iii) En supposant que le systeme scolaire comporte une formation à caractere professionnel, se pose alors la question du degr6 de spkcialisation de cette formation. Plus une formation est specialisee, plus il est difficile à son beneficiaire de s’adapter à un autre emploi que celui pour lequel il a et6 forme. Cet argument plaide pour des formations larges. Il s’y ajoute le fait que I’evolution recente des techniques et de l’organisation du travail tend à remettre en question la tradition taylorienne du cctravail en miettes,,. On demande de plus en plus aux ouvriers et aux employes d’etre capables d’une comprehension globale d’un environnement d’une complexite croissante et de rdaliser une multiplicite de tsches, se rkfkrant à une diversite de techniques et de fonctions dans l’organisation. Aussi 1’Cconomie moderne se satisfait-elle de moins en moins de formations purement techniques a des nietiers traditionnels faisant surtout appel à des savoir-faire sp6cifiques.

Cette perspective conduit à donner la priorite au developpement des capacites de basc : expression ecrite et orale, analyse et resolution de problemes. C’est en meme temps une garantie d’adaptabilite à une variete de situations et à des evolutions imprevisibles.

La specialisation presente le maximum d’inconvenients lorsqu’elle est dkcidee de bonne heure et prend la forme de filieres n’ayant pas d’autre issue que l’emploi. Ces inconvenients apparaissent lorsque les emplois correspondants ne sont pas disponibles, ou lorsque ceux qui sont formes ne sont finalement pas disposes à occuper ces emplois. Elle risque aussi d’etre coûteuse, dans la mesure oh il est plus difficile d’ajuster les ressources et les effectifs en formation lorsque celle-ci est fractionnee. A l’oppos6, on peut envisager differentes formules plus flexibles :

(cf. py. 112-114).

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Planificarion des ressources humaines: méthodes, expériences, pratiques

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La specialisation progressive, à partir d’un tronc commun. C’est ainsi qu’en Allemagne, la refonte recente de la formation professionnelle dans le travail des metaux a conduit à une spkcialisation en deux temps : une premiere annee est commune à tous, la deuxieme annee comporte une sp6cialisation en deux filieres, et c’est seulement en troisieme annee que se fait la sp6cialisation definitive vers des metiers specifiques. Dans le m$me esprit, on peut concevoir qu’A partir d’une formation commune de base, des formations complementaires soient laissees à l’initiative locale, en concertation etroite avec les responsables locaux ou les entreprises. S’dcartant de sa tradition tres centralisee, la France s’est orientee dans cette direction au debut des annees 80. Une deuxieme formule consiste A ne determiner qu’un noyau commun de formation correspondant à des matieres de base et garantissant un minimum d’homogeneite entre les formations. Chaque region ou chaque etablissement est ensuite libre de definir les complenients de programmes correspondant à des besoins specifiques de la region ou des entreprises locales (ce qui suppose une concertation etroite avec les entreprises). La troisième formule est celle des unites de valeur, qu’il est possible d’assembler de differentes manieres et dans des ordres differents, permettant une grande variete de combinaisons. Ce dispositif, tres repandu dans les pays anglo-saxons, et prône par le Bureau international du travail, est largement diffuse dans l’enseignement superieur d’ autres pays. Dans cet esprit, un autre facteur de flexibilite resulte de l’existence de filieres de progression au sein du systeme de formation, en cherchant A eviter que certaines formations n’aboutissent qu’A un cul-de-sac. Le système germanique en est un bon exemple. En effet, la grande majoritk des jeunes passent par des filieres de formation professionnelle preparant normalement à des emplois d’ouvrier ou employe qualifie. Mais, à partir de la, il est toujours possible de continuer ou de reprendre une formation menant à des qualifications superieures, jusqu’au niveau ingellieur ou cadre sugrieur. Ce système a trois avantages : il donne une plus grande souplesse au systeme de formation vis-à-vis du marche du travail ; il ne

La planifcation &s ressources humaines aujourd’hui

condamne aucun individu à une impasse ; enfin, il est un facteur d’homogeni5itC sociale, dans la mesure oh il reduit les cloisonnements et la hitrarclie qui existent entre l’ccClite,, et les executants dans les autres systemes (qui fonctionnent parallelement dans les pays germaniques).

L’adaptabilité par la formation continue

Une formation ne peut se limiter A la @ode scolaire. L’obsolescence rapide des connaissances et la pression forte pour la mobilitk impliquent un important developpement de la formation continue. Seule celle-ci permet de reagir aux evolutions avec une rapidite que l’on ne peut attendre de la formation initiale. Ce di5veloppement pose plusieurs problemes : qui doit l’organiser ? Qui doit le financer ? A qui doit-il profiter ? Comment doit-il être sanctionni5 ?

Ces questions sont liCcs entre elles. Il faut d’abord admettre en principe que la formation continue doit bCnCficier aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs et doit autant que possible interesser l’ensemble de ceux-ci. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas : les cadres beneficient plus souvent d‘une formation continue que les travailleurs les moins qualifies. D e façon gCnCrale, plus on a bCnefici6 d’une formation et plus on est demandeur, et reciproquement ; ce qui signifie que la formation des moins qualifies exige que l’on sorte d’un cercle vicieux en suscitant une motivation pour ceux qui devraient y trouver un interet. Cette motivation, ce peut être la possibilitk de trouver un meilleur emploi, ou d’êtrc mieux remuntre, ou de changer d’emploi dans le cas d’une menace sur I’activitC actuelle.

Si l’on admet le principe d’un inter& gdnCral et commun pour la formation continue, il ne doit pas y avoir d’exclusivite, et tous les acteurs possibles - entreprises, kcoles, organismes prives - doivent trouver leur place sur un marche qui peut être concurrentiel. Ce type d’action se prête mal à une planification tres directive, mais davantage à une politique ddfinissant des grands axes, des orientations et des incitations. Cette politique doit notamment chercher un Cquilibre entre une formation donnde exclusivement au benefice de l’entreprise ou du salarie. Le

155

Planification des ressources humaines: niéthodes, expériences, pratiques

premier cas se produirait si l’entreprise n’apportait que des apprentissages sp6cifiques à son activite propre qui, loin de preparer le salarie P une evolution, tendraient au contraire & l’attacher & elle. Le deuxi6me cas correspondrait soit à une formation n’ayant pour fin que l’agrement du salarie, soit à une formation qui le preparerait au depart. Dans ce cas, l’employeur aurait fait un investissement qui b6n6ficierait à d’autrcs, et peut- êtrc P des concurrents. C’est la concertation sociale qui est le mieux à même de regler

ces problhes. Pour les salaries, il est important que la formation aboutisse à une reconnaissance des acquis ayant une validte en dehors de l’entreprise. Pour celle-ci, il est important d’être premunie contre la perte liee P un eventuel depart en fin de formation. En même temps, un certain nombre d’entreprises commencent & s’apercevoir qu’il n’est pas necessairement dans leur interet de lier les salaries par une formation trop specifique : au cas où elles seraient confrontees à une crise, il vaut mieux que les salaries aient davantage de possibilites de reconversion. Autrement dit, il apparaît de plus en plus que la politique de formation continue doit s’integrer dans une politique globale d’emploi.

D e même, un partage des charges entre employeurs et travailleurs (en acceptant qu’une partie de la formation se deroule en dehors du temps de travail) semble constituer une solution au problème du financement. L’Etat peut imposer une contribution aux entreprises (par exemple en pourcentage de la masse salariale), mais il est important que celle-ci ne soit pas perçue comme une taxe suppl6nientaire et que les entreprises soient bien convaincues que la formation est pour elles un investissement productif.

Dans diffkrents pays, on observe des tendances à raccorder formation initiale et continue, formation à l’entreprise et à l’ecole, effort individuel et contribution des employeurs. Un certain nombre de ceux-ci incitent leur personnel suivre une formation debouchant sur des diplômes techniques ou universitaires et passent des accords avec des inslitutions d’enseignement pour que ces objectifs soient atteints en tenant compte de l’experience

156

La planifcarion des ressources humaines aujourd’hui

professionnelle et en alternant les cours et la pratique professionnelle.

L’aduptubilité du corps enseignant

Les etablissements de formation ne peuvent s’adapter que si leurs enseignants eux-niemes sont en mesure de faire face à l’evolution des besoins de formation, et donc des programmes. Ce problème ne se pose guère dans l’enseignement genCra1, où les changements de programmes n’exigent qu’un effort rkduit de la part des enseignants. 11 en est differemment pour les formations ii caractère professionnel, où l’evolution des techniques et de l’economie peut entraîner non seulement une transformation radicale des connaissances et des savoir-faire, mais aussi des modifications importantes dans la repartition des effectifs de formateurs dans les diffkrentes disciplines. Le probli?mc est crucial dans les pays et les institutions où la formation est scolaire et où les enseignants b6ndficient d’un statut de la fonction publique leur garantissant un emploi à vie. Que faire si l’on n’a plus besoin de formateurs en menuiserie, alors qu’il en faudrait beaucoup plus en informalique ? Il y a peu de chances pour que l’on puisse faire des reconversions entre specialites si diffkrentes. Dans une telle situation, il n’est pas tr6s utile de faire des prdvisions elaborees sur les besoins, si l’on ne dispose pas des moyens permettant de proceder aux adaptations necessaires de l’appareil de formation. Ce problème ne se pose pas dans des pays comme les Etats-

Unis, où il suffit de ne pas renouveler le contrat des formateurs dont on n’a plus besoin. Dans beaucoup de pays, et notamment dans l’enseignement superieur et dans la formation professionnelle, on voit se developper des formules permettant d’employer simultanement des enseignants de carriEre, attaches de manière stable ii l’etablissement, et des formateurs repondant à des besoins specifiques et venant souvent des entrcprises OÙ ils sont employes à titre principal. Toutes les formules, fondees notamment sur le temps partiel, sont possibles et tendent effectivement se developper. Ces formules constituent sans doute le meilleur compromis, sachant que les formateurs venant du monde du travail ne sont pas necessairenient plus efficaces que les autres, mais

157

Planification des ressources humaines: niéthodes, exptriences, pratiques

faisant l’hypothèse que leur exp2rience plus concr6te devrait Ctre complementaire de l’apport des enseignants professionnels, supposes mieux formes A la pedagogie.

C’est une des raisons pour lesquelles doit Ctre ddvelopp6e la cooperation Ccole-entreprise.

La coopéra tiorz écol e-en tr ep rise

Consulter les employeurs ou leurs representants sur les besoins de formation - comme on l’a vu ci-dessus - est une chose. Associer les entreprises au processus de formation en est une autre. Cette association peut prendre plusieurs formes.

La plus connue est celle qui est pratiquee en Allemagne, Autriche et Suisse sous le nom de <<syst&me dualw. Elle consiste A alterner des periodes de scolarite (au minimum un jour par semaine) et des periodes de travail en entreprise (le reste du temps). Au Danemark, il s’agit de periodes consecutives de plusieurs mois. Ce système est de nature A rapprocher la formation de l’emploi. D’abord, et dans la mesure OÙ les programmes sont definis avec une certaine souplesse, il donne aux entreprises une latitude pour adapter la formation aux conditions d’emploi reelles. Il donne aux jeunes une expCrience concr2te de ce qu’est le monde de l’entreprise. Enfin, il contribue à faciliter l’insertion des jeunes et diminuer le chbmage qui les touche, puisque les entrepriscs recrutent g6neralenient parmi les stagiaires.

Le système dual est egalenient un moycn pedagogique. D’abord parce qu’il contribue A developper la motivation pour la formation (les etudiants savent qu’ils ont une meilleure chance d’être recrutes s’ils ont fait leurs preuves). Ensuite parce qu’il donne la possibilitk de confronter et dc completer l’une par l’autre la theorie et la pratique. C’est l’idtfe d’allernance que cherchent 3 mettre en euvre de plus en plus de pays.

Mais pour que l’alternance soit une realitk, il faut qu’il y ait veritablement une liaison etroite entre la formation scolaire et la formation en entreprise (ce qui n’est pas toujours le cas dans le système dual, dans la mesure où les deux institutions sont totalement separees et où leur cooperation depend largement de la bonne volont6 des deux parties). Il faut aussi que les conditions

158

Ea planification des ressources humaines aujourd’hui

d’un bon accueil des stagiaires en entreprise soient reunies : definition des etapes d’une progression Ndagogique et des resultats à atteindre, et surtout suivi et assistance par des tuteurs compdtents et motives. Il faut enfin que les entreprises considerent leur contribution à cette formation non pas comme une charge, mais comme un investissement A long terme et comme une responsabilite naturelle. C’est le cas dans la tradition germanique. C’est beaucoup moins kvident dans un cas comme celui de la France, où le developpement de l’alternance est un objectif declare de la part des organisations professionnelles et de quelques grandes entreprises, mais où il n’est pas certain que la majorite soit prête à suivre leur exemple.

Sans aller jusqu’h l’alternance proprement dite, le developpement des stages en entreprise est recherche un peu partout avec des objectifs similaires, notamment dans l’enseignement superieur et la formation à la gestion. Mais ce developpement pose d’abord un probleme de capacite d’accueil des entreprises (ou autres organismes employeurs). O n risque en effet d’atteindre rapidement la limite des possibilites d’accueil de stagiaires et, h plus forte raison, des possibilitds d’offrir une exphience formatrice aux stagiaires, sans perturber le fonctionnement de l’entreprise (ou organisme). L’une des conditions necessaires à la solution de ce probleme est l’etalement des stages, qui suppose une souplesse des organismes de formation : c’est à eux de s’adapter aux orgailisnies d’accueil, plutôt que l’inverse. Un autre avantage de la cooperation entre ecole et entreprise

est de mieux repondre au probleme des equipements necessaires à la formation professionnelle. Avec l’dvolution technique acceleree, il est devenu pratiquement impossible aux etablissements de formation de disposer d’equipements modernes fonctionnant dans les conditions reelles de la production, en raison du coût de ces Cquipements et de l’obsolescence dont ils sont constamment menaces. Trois rCponses peuvent être apportees à ce probleme.

La premiere consiste precisement à envoyer les etudiants en stage, mais elle ne resout pas toujours la question, car certains equipements sont trop complexes et trop coûteux pour être mis

159

Planifcation des ressources humaines: Inétkodes, exp&riences, protiques

entre les mains de stagiaires temporaires. La seconde consiste A travailler sur des equipements qui simulent le fonctionnement de ceux qui sont utilises en production, mais sans en posseder toutes les caracteristiques, ce qui les rend moins coûteux. La troisieme consiste à obtenir des entreprises la mise à disposition d’equipements, eventuellement dans le cadre d’une cooperation plus large comportant une contribution de formateurs et permettant de former un personnel repondant à des besoins tres spdcifiques.

La cooperation ecole-entreprise peut prendre des formes diverses avec des echanges mutuels : l’entreprise peut mettre à disposition des equipements et des formateurs, mais I’ecole peut aussi proposer Ies services de ses formateurs. Elle peut egalement effectuer des travaux de recherche, d’experimentation ou d’essais que beaucoup d’entreprises n’ont pas les moyens de faire elles- memes, surtout si elles sont de petite taille. On voit que la coopkration ecole-entreprise offre un potentiel

considerable, tout en posant un certain nombre de problkmes. Ces problemes se posent avec une acuite encore plus grande dans les pays en developpement, où le nombre d’entreprises capables d’offrir une formation est reduit et où il y a tres peu de cadres competents et disponibles susceptibles de suivre des stagiaires. 11 ne faut pas renoncer pour autant 3 explorer ce type de solution, car la distance entre le monde de la formation et celui de l’emploi y est souvent encore plus grande que dans les pays industrialises, de sorte qu’il est d’autant plus important d’etablir des ponts entre les deux mondes.

S’il fallait tenter de resumer en quelques lignes ce long expose, les points suivants meriteraient d’être mis en relief :

Une forme de planification est indispensable pour orienter et gerer le systeme complexe, mais essentiel, que constitue l’ensemble des activites d’education et de formation. Mais cette necessite s’impose 3 des degres et dans des conditions trEs variables suivant les contextes nationaux. La conception que l’on peut avoir de cette planification a cependant considerablenient 6volu6 depuis une vingtaine d’annees. II s’agit moins aujourd’hui de chiffrer un horizon precis à atteindre que d’analyser les evolutions possibles et

160

Ln ylarzrjica~iorz des ressources humaines aujorrrd ’hui

leurs implications sociopolitiques, financikres, techniques et adnlinistratives pour definir des orientations et les moyens de les atteindre. Alors que l’avenir apparait de plus en plus incertain et que l’on est davantage conscient de la difficult6 de passer des plans aux realisations, la prkoccupation majeure doit consister à mettre en place un systeme rkactif, mieux capable de s’adapter au changement et de definir les mkcanismes et les moyens correspondants. Cette conception implique notamment une plus grande decentralisation des decisions et une plus grande concertation entre les nombreux partenaires concernes par le choix des orientations et par la mise en Oeuvre des moyens. La fonction de la planification consiste notamment : - à kclairer la concertation, qui doit contribuer à une

meilleure anticipation de l’avenir et à une meilleure efficacite dcs ajustements ; - à veiller à la coherence entre grandes orientations, dkcisions dkcentraliskes et realisations (par une evaluation rkgulikre des resultats).

161

Annexes

1. II. RCfCrentiel d’un diplbme français III. IV.

Exemple de module de compCtence

Les institutions, l’organisation et les hommes Exemple de grille de questionnement

163

no on0

165

Annexe II. Référentiel d'un diplôme français

INFORMATION COMMUNICATION

Conduite et gestion du proctdd, de l'installation. du poste de travail

S'INFORMER

PREPARATION - ET REGLAGE

ORGANISATION

ORGANISER

- DEMONTER MONTER

CONDUITE

MAINTENANCE ,Fi CONDUIRE REGLER -

CONTROLER - MESURER ASSURER LA QUALITE

CONTROLE

166

Annere II

-

COMPETENCE GLOBALE Le titulaire de ce diplôme, sur des installations de production par procédé. seul ou en équipe. A partir d'informations spkcifiques. en respectant les règles d'hygiène et de sécuritd, dans le cadre des responsabilités qui lui sont confiées, doit Ctre capable de :

- maîtriser la technologie du procédé, les paramètres mis en jeu dans ses différentes phases, ainsi que les modes opératoires correspondants;

- conduire l'installation de production en assurant la transformation et le transfert des matières;

- suivre I'évolution des produits et des installations avec le souci d'assurer la qualit6 des produits et la productivité de l'installation. dans le cadre des consignes reçues;

- participer A la maintenance de l'installation.

AI - Identifier le procddk et l'installation A2 - Ddcoder les schdmas et les informations graphiques nécessaires A3 - Analyser le dossier de production et le programme de travail A4 - Constater et drifier A5 - Etablir une synthkse

B 1 - Informer et rendre compie 82 - Paniciper B des réunions de travail en groupe

CI - Ddduire l'organisation de son travail du dossier de production et du programme de travail C2 - Paniciper B la mise en oeuvre età l'adaptation du m o d e opératoire C3 - Participer au suivi des parcs en cours de fabrication C4 - Paniciper B la ddtermination des ajustements necessaires DI - Proceder au montage el au demontage des outillages D2 - Préparer l'installation D3 - Proceder aux réglages et aux ajustements nécessaires à la conduite

COMPETENCES CARACTERISTIQUES

-1 DI 1 - Rechercher les causes des anomalies 1 DI2 - Maintenir les dquipements en bon ktat El - S'assurer de la qualitd des produits fabriquds, en cours et en fin de fabrication, en conformité

avec le cahier des charaes et les modes oDkratoires

167

Annexe III. Les institutions, l’organisation et les hommes

Le modele de planification de la formation pr3fessionnelle : quelques exemples

Dans les pays anglo-saxons, la planification est tres dCcentralis6e. Il n’existe pas de dipl6mes nationaux de formation technique et professionnelle et les etablissements scolaires ne dependent pas du gouvernement central, mais des autorites regionales ou locales. Les universites jouissent d’une tres grande independance. En Grande-Bretagne, cette decentralisation s’accompagne d’un r61e essentiel d4volu aux entreprises, dont les representants ont la majorite dans les Training and Enterprise Councils (TEC). Crees h partir de 1989, ceux-ci doivent etre au nombre d’une centaine ; ils ont pour vocation d’adapter la formation aux besoins de l’economie et de la faire passer d’un systeme d’offre h un systeme de demande. Autrement dit, il ne s’agit plus maintenant de repondre h la demande sociale des individus, mais aux besoins des entreprises (Ashton, Maguire et Taylor, 1990). E n Allemagne, l’education est entierement placee sous la responsabilite des regions (Lander) qui sont libres de determiner les programmes. L’Etat federal n’a qu’un rdle limite de coordination entre les regions. Ce r61e est plus important en matiere de formation professionnelle, qui est une responsabilite

168

Annexe III

federale, la realisation incombant principalement aux entreprises. L’Institut federal de la formation professionnelle (BIBB) est charge de degager un consensus entre representants des employeurs et des syndicats pour definir en commun les objectifs et les programmes de la formation assude en entreprise. L’Institut coordonne ces travaux avec les regions qui conservent la responsabilite de la part de la formation assuree par les ecoles ; A l’inverse des pays anglo-saxons, la France a longtemps constituC le modele d’un systeme trks centralise et etatique. L’Etat a le monopole de la definition et de l’attribution des dipl6mes ; traditionnellement, il gere la grande majoritd des etablissements de formation et contr6le de pres les universitds. A u cours des annees 60 et 70, les grandes orientations en matiere d’education et de formation etaient definies dans le cadre des travaux de preparation des plans, travaux animes par le Commissariat general du Plan, qui etait surtout un lieu de concertation. Ce systeme a commence a Cvoluer ces dernieres annees : un debut de decentralisation a donne aux collectivites locales la responsabilitd de la construction et de l’equipement des etablissements, donc un r61e important dans la planification. Parallelement, les entreprises, d6jh repr6senees depuis longtemps dans des Commissions professionnelles consultatives appelees 2 donner leur avis sur les dipl6mes de formation professionnelle, jouent un r61e croissant au niveau regional et au niveau des etablissements scolaires ; elles sont egalement representees dans les commissions Ndagogiques consultees pour definir les dipl6mes des instituts universitaires de technologie. En revanche, les dipl6mes universitaires restent soumis a l’habilitation du Ministere de 1’Education. Enfin, les grandes orientations concernant la relation formation-emploi sont desormais discutees au sein d’un Haut Comite Cducation economie comportant des experts et des representants des administrations et des partenaires sociaux. Ce dispositif apparemment tri3 complet pose cependant le probleme de la dissociation entre les instances chargees de la planification quantitative et celles qui s’occupent des aspects qualitatifs, c’est-%dire des contenus.

169

Annexe IV. Exemple de grille de questionnement

Ce type de grille peut s’adresser A une entreprise, A un etablissement dependant d’une entreprise ou A tout autre organisme (public, semi-public) employant de la main-d’œuvre qualifiee.

Il vise A la fois la connaissance du marche du travail et des conditions actuelles de recrutement des jeunes formes, et la comprehension des perspectives d’evolution et des facteurs qui conditionnent celle-ci. Suivant les besoins et les disponibilites, l’accent pourra être mis plus ou moins sur l’un ou l’autre de ces aspects.

Ce type d’investigation ne peut faire l’objet d’un questionnaire ferme. On peut seulement suggerer un guide d’entretien qu’il faut adapter aux circonstances. L’objectif consiste surtout A mieux comprendre les mCcanismes de la relation formation-emploi et A Cvaluer des ordres de grandeur, A defaut de statistiques precises qu’il sera souvent difficile d’obtenir. En particulier, lorsqu’il s’agit d’Cvolution, ce ne sont pas les chiffres qui sont recherches, mais seulement les tendances.

Ce type d’enquête peut s’adresser A un ou plusieurs interlocuteurs suivant la taille de l’entreprise-etablissement, la complexitt de ses activitks, la disponibilite des responsables et le degr6 de details que l’on souhaite obtenir d’eux.

170

Annexe N

1. L’Ctablissement et son activitC

O n se limitera ici aux questions qui peuvent avoir une incidence sur la main-d‘œuvre, sa qual@cation et sa formation, d l’exclusion des données administratives ou économiques qui alourdissent inutilement l’entretien.

Il s’agit de savoir quelles sont les fonctions exercées par l’établissement lui-même, par un autre érablissement de l’entreprise, par une maison d r e à l’étranger, par un sous- traitant extérieur, etc.

1.1 Caractériser brihement l’établissement enquêté : s’agit- il d’un établissement unique, du siège social d’une entreprise qui comporte d’autres établisse- ments. d’une usine ou d’une succursale rattachées à un siège ? Dans ce dernier cas, combien y a-t-il d’autres Ctablissements ? Sont-ils proches de celui-ci ou tr&s différents ?

1.2 Types d’activité : effectifs tolaux de l’entreprise, production de quels biens ou services ?

A qui s’adressent-ils ? Sont-ils très différenciés (ou n’y a-t-il qu’un ou deux types de produits/services) ? L a production est-elle très variable (et en fonction de quoi) ?

1.3 Liste des fonctions exercées par I’établissement et quelles sont les plus importantes ?

Conception de produits/

Méhodes et contrôle de

Production produits/services. Commercialisation. Maintenance.

services.

production.

171

Plan$cation des ressources humaines : mkthodes, expériences. pratiques

L'établissement étudié est4 représentatif ou spécifique ?

O n pourra étudier plus en détail les fonctions les plus significatives du point de vue de la qualification de la main- d'œuvre.

2. Main-d'œuvre, qualification, formation

Si l'activité est saisonnière, faire apparaître le m a x i m u m et le minimum et expliquer.

L'idéal serait de disposer de statistiques croisant (a) et (b), (b) et (c) et (6) et (d). A défaut de statistiques, on peut se contenter d'ordres de grandeur (pourcentages).

Transport-magasinage- manutention. Gestion financibre et comptable. Gestion du personnel. Informatique. Autres.

1.4 Peut-on caractériser brièvement les processus et techniques employés pour assurer les principales fonctions, et notamment la production : production en grande ou petite série, dcgré d'automatisation, d'informatisation ?

2.1 Effectifs totaux pcrmanents saisonniers

Il y a 2 ans ........................

Actuels ........................ I l y a l a n ........................

2.2 Est-il possible d'avoir la répartition (au moins approxi- mative) des effectifs suivant : (a) les fonctions définies ci-

dessus ; (b) les catégories profession-

nelles, ex. : cadres, techniciens, maîtrise, employés, ouvriers qualifiés, ouvriers non qualifiés ; le niveau de formation ; (c)

(d) le sexe?

172

Suivant le temps et les moyens d investigation disponibles, on pourra entrer dans une description plus ou moins détaillée de chaque groupe professionnel.

E n valeur absolue ou en pourcentage des effectifs.

2.3 Le cas Cchéant, faire apparaître le poids de la main- d’œuvre étrangère.

2.4 Peut-on observer des évolutions significatives dans cette répartition ?

2.5 A l’intérieur de chacune de ces catégories, quels sont les groupes professionnels (métiers) les plus significatifs du point de vue de leurs effectifs, de leur importance stratégique pour l’établissement, de leur spécificité et/ou des problèmes de recrutement qu’ils posent ?

2.6 Pour chacune des catégories etlou groupes identifiés ci-dessus, est4 possible d’avoir un chiffre ou au moins une estimation du volume des recrutements annuels liés : au remplacement . des départs ; à la variation des effectifs ?

Si possible, faire apparaître le rôle des départs à la retraite et des autres causes de départs.

2.7 Pour les mêmes catégories ou groupes, dans quelle proportion ces recrutements sont-ils pourvus : par des personnes appartenant déjà à l’entreprise ;

173

Planification des ressources humaines : dthodes, expériences. pratiques

par des personnes recrutées ailleurs avec une expérience professionnelle ; par des jeunes sortants de formation.

2.8 Dans ce demier cas, y a-t-il des exigences précises quant au type et au niveau de formation exiges. ou une marge d’adaptation en fonction des disponibilités ?

2.9 Quelle est l’appréciation sur les recrutements à partir de la formation initiale du point de vue : des effectifs (pénurie ?) ; de l’adaptation aux besoins de l’enueprise ?

3. Perspectives

Il s’agit d’identifier les changements qui peuvent avoir une incidence directe ou indirecte sur la qualification et la formation, en particulier pour les groupes professionnels les plus significatifs.

3.1 Au cours des prochaines années, quels types de changement peut-on anticiper dans les domaines : (a) é c o n o m i q u e et

concurrence et marchés ; renouvellement ou diversi- fication des produits/ services ;

commercial :

(b) technique : évolution des caractéristiques

évolution des processus de

nouvelles technologies de

techniques des produits ;

production ;

gestion ;

174

Annexe N

Réponses d développer

(c) organisationnel : modification de la structure de I’entreprise/organisme/ érablissement ; modification de l’organisation du travail :

(d) politique de recrutement et de gestion ?

3.2 Quelles conséquences possibles peut-on envisager pour la qualification des principaux groupes profes- sionnels et pour la formation ?

175

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Tessaring, M. 1982. An evaluation of labour market and educational forecasts in the Federal Republic of Germany . UNESCO/IIPE.

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Publications et documents de 1’IIPE

Plus de 650 ouvrages sur la planification de l’éducation ont été publiés par l’Institut intemational de panification de I’éducation. Ils figurent dans un catalogue détaillé qui comprend rapports de recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de I’IIPE et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L’économie de I’éducation, coûts et financement.

Main-d’œuvre et emploi.

Etudes démographiques.

La carte scolaire, planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Elaboration et évaluarion des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, seconduire el supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire : enseignement des adultes et enseignement rural.

Pour obtenir le catalogue, s’adresser 2 1’IIPE.

L’Institut international de planification de I’éducation

L’Institut international de planification de I’éducation (IIPE) est un centre intemational. créé par l’UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification de I’éducation. Le financement de l’Institut est assuré par l’UNESCO et les contributions volontaires des Etats membres. Au cours des demières années, l’Institut a reçu des contributions volontaires des Etats membres suivants : Belgique, Canada, Danemark, Finlande, Inde, Irlande, Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.

L’Institut a pour but de contribuer au développement de I’éducation à travers le monde par l’accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d’experts compétents en matière de planification de I’éducation. Pour atteindre ce but. l’Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les Etats membres qui s’intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d’administration de I’IIPE, qui donne son accord au programme et au budget de l’Institut. se compose de huit membres élus et de quatre membres désignés par l’Or anisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et mstituts spéciafisés.

Président : Victor L. Urquidi (Mexique), Professeur-Chercheur Emérite, El Colegio de

México, Mexico.

Membres désignés : Alfred0 H. Costa Filho, Directeur général, Institut latino-américain et des

Carabes de planification économique et sociale, Santiago. Goran Ohlin. Sous-Secrétaire général, Bureau de la recherche et de l’analyse des

politiques en matière de développement, Département des affaires économiques et sociales intemationales, Nations Unies.

Visvanathan Rajagopalan, Vice-Président, Politiques et recherche sectorielles, Service de politiques, planification et recherche, Banque mondiale.

Allan F. Salt, Directeur, Département de la formation, Bureau international du travail.

Membres elus : Isao Amagi (Japon), Conseiller auprès du Ministre de I’éducation. des sciences

et de la culture, Ministère de I’éducation, des sciences et de la culture, Tokyo.

Henri Bartoli (France), Professeur, Université de Paris 1. Panthéon-Sorbonne, Paris.

Mohamed Dowidar (Egypte), Professeur et Président du Département d’économie, Faculté de droit, Université d’Alexandrie.

Kabiru Kinyanjui (Kenya), Directeur des programmes, Division des sciences sociales, Centre de recherche pour le développement intemational, Nairobi.

Yolanda M. Rojas (Costa Rica), Vice-Recteur d’Académie, Faculté de I’Education, Université de Costa Rica, San José, Costa Rica.

Lennart Wohlgemuth (SuMe), Directeur général adjoint, Agence suédoise d’aide au développement intemational, Stockholm.

Pour obtenir des renseignements sur l’Institut s’adresser à : Secrétariat du Directeur, Institut intemational de planification de I’éducation, 7 - 9 rue Eugène-Delacroix, 75116 Paris

Imprimerie GAUTHIER-VILLARS 1 Bd Ney 75018 Paris