pédiatres, psychologues, pédopsychiatres : nécessaire

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65 Pédiatres, psychologues, pédopsychiatres : nécessaire collaboration pour une prévention précoce en Santé Mentale M. DELOURS Pédiatre-Fondation Pré-Aut Introduction es professionnels de la Petite Enfance, et tout particulièrement les pédiatres, ont élaboré avec les psychiatres et les psycho- logues d’enfant une clinique qui prend en compte les connais- sances actuelles sur le développement précoce du bébé et le rôle des interactions avec sa mère et son environnement familial. Dans le cadre des consultations de service médical préventif de base, cette collaboration étroite des équipes de PMI et d’hygiène mentale permet de soutenir les parents aux moments cruciaux de l’émergence et de la constitution des liens familiaux à travers les soins de santé primaire et de maternage au quotidien. La prévention, le dépistage précoce et les soins des dysharmonies relationnelles et des troubles de développement du bébé sont ainsi devenus des objectifs de santé publique et s’inscrivent dans les pr o- grammes de promotion de la santé et de prévention de la maltraitance des jeunes enfants. Les équipes de PMI et d’hygiène mentale travaillent en réseau et, s’appuyant sur un savoir partagé conduisent ens emble des actions individuelles et collectives qui visent à proposer des soutiens aux pa- rents et des soins aux jeunes enfants. La plasticité et la réversibilité des troubles à cette période de la vie justifient les efforts conjoints d’intervention le plus précoce possible pour éviter une organisation psychopathologique péjorative. A partir de cette proposition initiale, il est possible de proposer une réflexion sur l’engagement des institutions qui peuvent à travers des principes de fonctionnement, des objectifs posés à l’action de l’organisation du travail des équipes, et des moyens mis à leur dispos i- tion, largement favoriser une politique de santé publique permettant une prévention efficace des difficultés du psycho développement du jeune enfant. En considérant chaque fois les deux grandes catégories d’institution en charge de ces problèmes, les centres de santé primaire, type PMI, et les centres à visée psychothérapeutique, type CMP, nous examinerons ces aspects institutionnels de plusieurs points de vue. L

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Pédiatres, psychologues, pédopsychiatres :

nécessaire collaboration pour

une prévention précoce en Santé Mentale

M. DELOURS Pédiatre-Fondation Pré-Aut

Introduction

es professionnels de la Petite Enfance, et tout particulièrement les pédiatres, ont élaboré avec les psychiatres et les psycho-logues d’enfant une clinique qui prend en compte les connais-

sances actuelles sur le développement précoce du bébé et le rôle des interactions avec sa mère et son environnement familial. Dans le cadre des consultations de service médical préventif de base, cette collaboration étroite des équipes de PMI et d’hygiène mentale permet de soutenir les parents aux moments cruciaux de l’émergence et de la constitution des liens familiaux à travers les soins de santé primaire et de maternage au quotidien. La prévention, le dépistage précoce et les soins des dysharmonies relationnelles et des troubles de développement du bébé sont ainsi devenus des objectifs de santé publique et s’inscrivent dans les pro-grammes de promotion de la santé et de prévention de la maltraitance des jeunes enfants. Les équipes de PMI et d’hygiène mentale travaillent en réseau et, s’appuyant sur un savoir partagé conduisent ensemble des actions individuelles et collectives qui visent à proposer des soutiens aux pa-rents et des soins aux jeunes enfants. La plasticité et la réversibilité des troubles à cette période de la vie justifient les efforts conjoints d’intervention le plus précoce possible pour éviter une organisation psychopathologique péjorative. A partir de cette proposition initiale, il est possible de proposer une réflexion sur l’engagement des institutions qui peuvent à travers des principes de fonctionnement, des objectifs posés à l’action de l’organisation du travail des équipes, et des moyens mis à leur disposi-tion, largement favoriser une politique de santé publique permettant une prévention efficace des difficultés du psycho développement du jeune enfant. En considérant chaque fois les deux grandes catégories d’institution en charge de ces problèmes, les centres de santé primaire, type PMI, et les centres à visée psychothérapeutique, type CMP, nous examinerons ces aspects institutionnels de plusieurs points de vue.

L

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Successivement : - la définition d’objectifs de santé publique assignés aux différents services à partir de leur vocation initiale. - les techniques de travail adaptées aux objectifs, en terme d’intervention individuelle et collective. - l’organisation du travail des équipes en vue d’une intervention effi-cace.

- les moyens que l’institution peut ou doit proposer à cette fin notam-

ment en terme de ressources techniques pluridisciplinaires et de for-

mation.

I- La définition d’objectifs de santé publique proposée à l’action des

services et des équipes est une condition indispensable pour soute-

nir et organiser cette action La prévention et le repérage précoce des situations à risque de troubles

du psycho développement du jeune enfant, et/ou de difficultés

d’élaboration des liens mère-enfant et de la constitution des fonctions

parentales, ainsi que la prise en charge de ces situations constituent, en soi, un objectif de santé publique ambitieux.

Qu’il soit relié à une politique de prévention de la maltraitance dans

une perspective de prévention secondaire ou tertiaire ou à une poli-tique de promotion de la santé dans une perspective de prévention

primaire, il mobilise les institutions dans leur globalité, car ses impli-

cations concrètes de mise en œuvre des actions supposent un véritable programme de santé publique.

Il est essentiel que les objectifs soient clairement énoncés, pour pou-

voir être appropriés par les professionnels. D’une part il s’agit de mo-

biliser leurs énergies intellectuelles et techniques, et soutenir les né-cessaires aménagements et réorganisations que suscitent des objectifs

nouveaux. D’autre part, il faut permettre l’indispensable évaluation

qui doit accompagner toute politique de santé publique bien cons-truite.

Malgré l’indéniable difficulté que constitue ce dernier point, il est

essentiel qu’il soit posé d’emblée. Les services ayant mission de santé primaire, comme les dispensaires

de PMI, sont traditionnellement orientés vers la prévention des patho-

logies somatiques, et la promotion de la santé physique, condition bien

sur essentielle à une santé mentale de bonne qualité. Que ce soit au-près des femmes enceintes, en protection maternelle, ou des bébés, en

protection infantile, garantir la santé physique constitue le moyen dur

de l’action. C’est pour cela que les familles consultent, et c’est à partir de cet objectif central que peut se développer une action de prévention

en hygiène mentale.

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Les femmes enceintes sont soucieuses du développement de leur

grossesse et viennent pour s’assurer d’une naissance à terme d’un enfant en bonne santé.

Il n’est pas interdit, à l’occasion de la consultation d’obstétrique,

d’être à l’écoute de leurs questionnements et de leurs inquiétudes, de leurs souffrances et de leurs angoisses dont il est possible de favoriser

l’expression. Le travail psychique de la grossesse autour de bébé ima-

ginaire est essentiel pour préparer l’accueil du bébé réel et la mise en

place correcte des fonctions parentales. La période prénatale est donc favorable à un repérage des risques et à un accompagnement des fu-

tures mères dans le champ de l’hygiène mentale.

Quant aux bébés, les interventions précédents ont largement illustré l’intérêt d’une attention particulière à la clinique de lien et au langage

du corps comme indicateur de la vie psychique en constitution pour

justifier une attention particulière des praticiens à cet endroit.

J’insisterai cependant sur l’attention qu’il convient d’apporter aux

mères elles-mêmes. Les pédiatres et les puéricultrices sont leurs inter-

locuteurs privilégiés à cette période post natale précoce, et au delà,

pendant la jeune enfance. C’est à eux qu’il revient de repérer leurs difficultés, leurs angoisses, voire les signes de pathologies, en particu-

lier les plus masqués, comme ceux de la fréquente dépression du post

partum. Les présentations sociales de la bonne mère obligatoirement comblée

ne doivent pas nous abuser sur les problèmes des mères, souvent non

reconnues, et requérant une intervention spécifique qui est parfois la

seule utile, car le soin aux mères et leur maternage, soutient leurs propres capacités de maternage des nourrissons. Cette action indirecte

sur le bébé à travers sa mère est essentielle.

Les services de soins primaires doivent donc, au delà de la promotion de la santé somatique, intégrer des objectifs de santé mentale parfai-

tement compatibles avec ceux-ci. On peut même dire que c’est uni-

quement parce qu’ils dispensent les premiers qu’ils peuvent proposer les seconds, et en faire un objectif unique de santé globale.

Les CMP, de leur côté, ont une vocation initiale de soins de type psy-

chothérapeutique. On comprend cependant qu’ils soient concernés par

la prévention de la constitution des pathologies de développement ou du lien qu’ils doivent traiter quand elles sont constituées, chaque fois

que cette prévention est possible. Leur savoir spécifique sur la génèse

de ces maladies légitime cette préoccupation. Intégrer des objectifs de prévention et les développer réellement dans

des actions efficaces suppose de reconsidérer les priorités des équipes

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notamment en terme de techniques de travail et d’allocation des

moyens aux différents secteurs de l’action. Il suppose aussi une redéfinition des positions des principes

d’intervention notamment à propos de la demande de soins. Interve-

nir en prévention nécessite une action qui peut avoir à se situer en amont de la demande de soins. Il peut s’agir soit de l’aider à advenir

en soutenant la prise de conscience des problèmes, soit de la rendre

inutile en terme de soins psycho thérapeutiques qualifiés, car les pro-

blèmes auront été résolus autrement, avant la constitution d’une psy-chopathologie installée.

Dans les deux cas, les équipes d’hygiène mentale ne peuvent laisser le

soin de l’intervention aux seules équipes de soins primaires. Elles doivent collaborer avec elles, s’engager à leur côté. Ce principe est

nécessaire à poser en préalable avant de considérer la question du

comment faire. II- Les techniques de travail 1) Le travail de prévention peut se déployer dans le cadre du travail individualisé auprès d’une famille ou d’un enfant. D’une façon géné-rale, l’approche individuelle est orientée par les cliniciens vers le repé-rage des risques, des manques ou des difficultés avérées voire des pathologies constituées pour un déjouer les effets. L’approche indivi-duelle est la démarche privilégiée de la prévention secondaire et ter-tiaire. Elle permet d’identifier les familles et les enfants requérant une inter-vention d’accompagnement et de soutien destinée à empêcher l’installation de difficultés prévisibles, à soutenir la réversibilité de dysharmonies déjà installées, ou à l’orienter vers la thérapie lourde de pathologies constituées. Pour ce faire, elle requiert de la part des acteurs de premier rang - obstétriciens, sages femmes en période prénatale, puéricultrices pé-diatres en période post-natale et auprès des nourrissons, l’acquisition des connaissances cliniques indispensables à la compréhension des symptômes et à leur utilisation pertinente. Il s’agit d’éviter deux écueils majeurs : le premier est la banalisation

de signes qui, subtils et discrets, sont pourtant pour l’observateur éclairé et vigilant le témoin de difficultés et de souffrance qui ne peu-vent se dire autrement que par le langage non verbal, ou dans des de-mandes décalées. Les méconnaître, ne pas leur donner tout le poids qu’une bonne connaissance théorico clinique autorise, expose à laisser se constituer des troubles qui ne seront pris en compte que tardive-ment alors qu’une intervention précoce plus légère sera également plus efficace en raison de l’extrême plasticité psychique de cette pé-riode de la jeune enfance.

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Le second risque est l’enfermement du sujet dans son symptôme, sa

désignation favorisant une stigmatisation et des effets iatrogènes en-fermant le sujet dans sa difficulté.

Le repérage des situations à risque par les équipes de soins primaires

doit donc être compris comme une démarche pluridisciplinaire, les psychologues et psychiatres venant, en appui et en partenariat avec les

pédiatres et les puéricultrices, pour aider à comprendre les symp-

tômes, à les situer dans le contexte particulier de la dynamique fami-

liale, à leur donner un sens, et à situer le niveau de gravité. De très nombreux problèmes peuvent ainsi se résoudre simplement au

niveau du dispensaire de PMI, par quelques rencontres de psycho-

logues avec la famille et l’enfant, et par le soutien des équipes dans leur compréhension de la situation. La plupart des troubles du som-

meil, de l’alimentation, des sevrages, de la propreté, de la jalousie à la

naissance des puis-nés cèdent à cette intervention légère, qui évite une

installation plus chronique et structurée. Le conflit psychique dont l’enfant porte le symptôme se dénoue avec sa mise en mots, et la vie

repart normalement.

Dans le cas contraire, où lorsque sa situation fait d’emblée la preuve de sa gravité, l’accompagnement d’un psychologue favorise et sou-

tient l’orientation vers des équipes soignantes du champ psychothéra-

peutique. La résistance spontanée des familles à y accéder, par méconnaissance

ou déni de la nature des difficultés rencontrées ou en raison des repré-

sentations négatives qu’elles nourrissent à l’endroit de ces types de

soins, nécessite le plus souvent cet accompagnement. 2) A côté de l’approche individuelle, les centres de soins primaires

peuvent également développer, pour le plus grand profit des mères et

des enfants, des activités de type collectif, qui permettent une action plus diffuse, plus indirecte, mais tout aussi efficace.

Les salles d’attente de la PMI sont à ce tire des lieux privilégiés de

rencontres banalisés, partagés par les familles et les professionnels, non stigmatisant et autorisant des approches inédites, passionnantes et

très appréciées des familles et des enfants.

On peut y faire circuler la parole, en favorisant, à travers des groupes

de discussion à thèmes ou informels les échanges entre les mères et les professionnels. Les mères et les pères, les nourrices, les grands-mères,

peuvent exprimer des questions suscitées par le thème, le film, la cir-

culation de documents d’éducation à la santé. La réponse peut venir des professionnels dans un registre technique -

la diététique - les rythmes - la fièvre - mais elle vient aussi des autres

mères : « Moi, le mien aussi ne mangeait pas... »- et le partage

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d’expérience entre femmes confrontées aux mêmes difficultés est

extrêmement fructueux, rassurant les mères qui ne se sentent plus exceptionnellement maladroites ou peu capables, donnant un caractère

normal aux difficultés de leur apprentissage de parents, crée des liens,

des complicités et déplace l’inquiétude. Il est normal de se poser des questions quand on attend un enfant, quand on élève un nourrisson.

Rien ne va de soi et il est rassurant de le vérifier en constatant que

d’autres femmes partagent les mêmes interrogations.

Dans ces groupes de parole, le rôle des psychologues est précieux. Professionnels de l’écoute, ils apportent un savoir faire inégalable

pour passer d’une réponse technique à la compréhension des fonde-

ments du questionnement. D’autres activités collectives peuvent concerner les mères et les bébés,

autour d’activités d’éveil qui soutiennent le développement psycho-

moteur et sensibilisent les mères aux compétences de leurs nourris-

sons. Ces activités sont ainsi très précieuses pour aider les mères présentant

des difficultés relationnelles. Elles favorisent aussi une observation

des mères avec leurs bébés et permettent aux équipes d’approfondir la connaissance des symptômes, mais aussi des compétences des mères

qui, souvent, mises en confiance par la présence d’une puéricultrice et

d’une psychologue, se détend et s’autorise une liberté de contact avec son bébé, découvrant ainsi ses propres compétences qu’elle pourra

ensuite utiliser seule.

Pour l’enfant plus grand, des ateliers de jeux, de contes, de psychomo-

tricité, de langage sont bénéfiques et les mères découvrent, émerveil-lées, ce dont sont encore capables les enfants au travers de jeux

simples qu’elle peuvent reproposer à la maison.

Toutes ses activités, et bien d’autres, que l’imagination et la créativités des professionnelles produisent facilement, sont faciles à développer,

peu coûteuse et très fécondes pour soutenir la compétence des mères

et l’étayage du lien.

III- L’organisation du travail des équipes

Doit bien sûr être repensée en fonction des objectifs posés. Bien en-

tendu, cette préoccupation doit être partagée par l’ensemble de

l’équipe. Dans le parcours que la mère et l’enfant effectuent dans la consultation, depuis l’accueil, et la pesée, pendant l’attente, à la con-

sultation médicale, et à son décours , ils expriment, et donnent à voir,

par leurs attitudes les préoccupations qui les occupent. Chacun, à sa place, la secrétaire, l’auxiliaire, la puéricultrice peuvent

être témoin d’attitudes, ou recueillir des confidences ou propos faisant

question. Le temps de la pesée est, de ce point de vue, privilégié.

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Proche d’une professionnelle attentive, c’est le premier espace où la

mère peut déposer sa lassitude ou son inquiétude. Il ne lui sera parfois pas possible de la repérer.

Il importe donc que les membres de l’équipe communiquent facile-

ment, par exemple que le médecin soit alerté, avant la consultation, d’un fait ou d’une parole sur lesquels il pourra revenir ou dont il devra

tenir compte.

Les différents points de vue de chacun peuvent être échangés au dé-

cours de la séance, dans des mini synthèses. Ils peuvent aussi faire l’objet de séances de travail régulières où les

échanges à propos des situations qui ont alerté permettent de faire le

point, de préparer la prochaine consultation, de réfléchir à des orienta-tions (faut-il proposer l’atelier psychomoteur à cette mère qui tient son

enfant avec tant de raideur...). Là encore, la place du psychologue est

précieuse, à double titre.

Bien sûr, il aide à formuler et à mieux comprendre la situation de point de vue clinique.

Mais il contribue aussi, et c’est probablement le plus important, à sou-

tenir les équipes dans leur façon de rencontrer les familles, d’accueillir leurs difficultés sans développer des contrattitudes qui sont inévitables

dans les cas les plus difficiles. Face à la violence, à la souffrance, à la

carence, les affects sont fortement mobilisés et le travail de prise de conscience de l’implication personnelle des professionnels dans leur

rencontre avec les familles les plus en difficulté et en souffrance est

essentiel pour éviter le jugement, le rejet, la stigmatisation et pour

favoriser l’accueil empathique de cette souffrance, qui seul lui permet, en la tolérant, de s’exprimer et d’accéder aux soins qu’elle requiert.

Dans le cadre des activités collectives, les psychologues et les psy-

chomotriciens peuvent intervenir comme animateurs et comme obser-vateurs. La présence des équipes du champ psychologique et psychia-

trique auprès des équipes de soins primaires et des familles qui les

consultent peut donc se concevoir de plusieurs manières. L’intervention auprès des familles peut être directe de façon banale et

naturelle en salle d’attente, en activité collective, ou de façon plus

orientée, sur indication, en clinique individuelle. Elle peut être aussi médiatisée par le soutien qu’elle apporte aux soi-gnants pour penser leurs pratiques et leurs attitudes professionnelles et personnelles. L’équipe du centre de PMI peut comporter son propre psychologue affecté par son service. Mais ce psychologue peut être détaché d’une équipe de CMP sou-cieuse d’engager son énergie dans des actions de prévention.

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Enfin, l’aide à l’analyse des situations les plus difficiles, les plus mar-quées par la psychopatholie de la relation, ou de l’enfant lui même, requiert l’intervention des psychiatres, qui, par leur écoute et leur sa-voir spécialisé, aident à poser les indications et à organiser les orienta-tions tout en soutenant les équipes en difficultés. Il est, enfin, indéniable que les familles sont sensibles à la relation de confiance professionnelle qui lie l’équipe de PMI, à qui elle a confié le suivi médical de son enfant, et l’équipe de CMP, inconnue et par-fois terrifiante, à laquelle on l’adresse. L’orientation personnalisée, la connaissance préalable d’un des professionnels de ce centre qui a déjà été rencontré en PMI, facilite incontestablement la démarche si diffi-cile de la famille vers ce lieu qui, pour elle, signifie la réalité de son problème. L’organisation de travail conjoint est donc déterminant pour le succès d’une démarche de prévention en hygiène mentale.

IV- Ce travail conjoint ne se fait pas sans moyens Bien sûr, il faut du personnel, et qui soit disponible pour ce type de travail. La prévention requiert du temps. Du temps d’intervention, du temps de synthèse, du temps de réflexion. Ce temps de travail doit être prévu, et ne peut se faire à la sauvette, en sus ou à la marge du travail thérapeutique pour les CMP. C’est un travail en soi, qui a sa technique spécifique et sa légitimité, et il requiert ses moyens propres. Ils ne sont pas d’ailleurs forcément démesurés. Le rapport coût-efficacité en prévention, s’il est difficile à mesurer, est cependant beaucoup plus favorable, par les problèmes évités, que celui de la thérapeutique. Mais, même peu importants, ils doivent être identifiés, et affectés spécifiquement à ce travail. Le choix d’intégrer, dans les équipes de soins primaires, la présence d’un psychologue quelques demi-journées par semaine est également une option relativement peu coûteuse au regard des résultats attendus. Quelle que soit l’option retenue - et elles ne s’excluent pas l’une l’autre - l’ensemble des professionnels doit être formé à ce travail. La formation porte, bien sûr, sur la clinique. La connaissance du psycho-développement du jeune enfant, de la genèse des fonctions parentales et de leurs difficultés, la clinique de la pathologie du lien et des troubles du développement, doivent être connues des profession-nels de la pédiatrie et des équipes d’obstétrique. Ils doivent aussi être formés à la démarche pluridisciplinaire, et au travail en réseau, qui remet en question bien des pratiques installées. Un savoir partagé, la connaissance des compétences de chacun et de leurs limites, l’élaboration de relations professionnelles basées sur le respect de chacun, dans son rôle et sa fonction, et sur la confiance, peuvent être suscités par des formations conjointes dont le retour sur investissement est loin d’être négligeable.

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Tout ceci pose le cadre d’un véritable travail pluridisciplinaire où le partenariat est organisé en réseau, dans un vrai programme de santé publique, que je vous souhaite de réussir.

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