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T i tres d es 0uvra ges d u C a p i t a ine Ma rrya

PIERRE SIMPLE , ou Aventures d’unO ffic ierde m a rine 2 voi.

JA COB FIDÈ LE ou les M arins d’

eaudouce 2 vo l . m

JA PHE'

I‘A LA maCHERCHE D’UN PÊIŒ 2 vo l . îuy ô°

M. LEMIDSHIPMA N A ISÉ , 2 vol . i aRA TTLIN LE MA RIN 2 vo l . in

LE PIRATE ET LESTROIS CUTTERS , 2 vol . i a -8°

KING’S OWN , ou

l’

Enfant du Roi 2 vol . i a

LE PA CHA A MILLE QUEUES , 2 vol . in-8°NEWTON FORSTER , 2 vol . ia

L’OFFICIEB DE MARINE , 2 vol . in

FRA NK MILDMA Y, ou l’

0lfic ierde l a m a rine roya le , 2 vol . i a -8°

ANGERS. IMPRIMERIE DE ERNEST LÊ SOURD.

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L’OFFICIER

MlAŒENE

Œapita inemarrgat

nuu wrr m L’A NGLA IS

m a A .-J.

—B. DEFA UCONPRET,

DUCTEUB mas ŒUVRES DE sm WALTER SCOTT, COOPER ETC . ETC.

— O

caemny_ucw m .

rom: ra maa LA… ne 8RC1€M C 81H1 0&8P316

£.DE55013 fm

PAR IS.

A IME DE CHARLES GOSSELIN ET C°

,

RUE SA INT-GERMA IN -DES—PRÉ S , 9 .

MDOCG X X X VII.

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CHAPITRE PREMIER…

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FRA NK MILDMA Y ,

L’

OFFICIER DE MARINE.

CHAPITRE PREMIER .

Monpère jouissa i t d’une fortune cons idéra

ble . J’

éta is faible et dél icat p endant mon en

fance et mes p ara is désespéraient de in’

é lever.

Cependant ma santé devint pl us robuste avec le

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FRANK MILD)IA Y .

tem p s , et j e me fis remarquer par ma v ivacité ,p armes reparties et par mon impudence

,qua

l i tés qui ne me manquèrent j amais par la su ite .

J'

éta is le favori de mes parens , qui me p ré féra ient â mes frères et sœ urs parce qu

i ls ava ient

reconnu que la force de mon esprit é ta it sup érieure à celle de m on corps .

Je me rappelle que j’

é ta is en même temps làt:he e t fanfaron ; mais j

a i souven t remarqué que

ce qu ’on appel le lâcheté dans un en fan t,prouve

seulement qu ’ i l sent mieux le danger , et par

conséquen t qu ’i l a un degré supérieur d ’

intel l i

gence . Naturellement nous sommes tous lâches .L

éduca tionet l a réflex ionnou s apprennent à dis

t inguer le danger réel de celu i qu i n’

est qu’

a p p a

rent ; l’

orgueil nous enseigne à cacher la cra inte ,et l ’habitude nou s rend ind ifférens a ux péril s

dont nous nous sommes déjà t irés . Ou dit que

le grand Frédéric se comporte. fort mal dans lapremière action à laquelle il assis ta , et i l est cer

tain qu’

un novice ne peu t pas pl us faire u sagede toutes ses ressources dans une tel le occasion ,qu ’i l n ’es t possible à un apprenti cordonnier de

faire une paire de soul iers le p rem ier j our deson apprentissage . Il faut apprendre son mé

t ier,soi t qu ’i l s ’

agi sse de ten ir ferme devant une

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FR ANK M I LDMAY . 5

bat terie de canons ,soi t qu i l so it quest ion d e

coudre une botte la prat ique seule peu t faire

unWel l ington ou un HobyMes cxcel lens parens avaient je té avec soin les

fondemens de mon instruction morale e t rel i

gieuse ; mais hélas ! depu is l’

instant où ie quit

tai le toit paternel,pas une p ierre ne fut aj ou tée

à l ’éd ifice, et les vest iges de ce qu i existait furent

même presque détru its par le déluge des v ices

qui menacèrent b ientô t de m’

engloùtir. A l a vê

rité j e fi s quelquefo is de faib les et vain s effort s

pour lutter con tre le torren t,mais le p lus sou

vent j e souffrais que sa rap id ité m ’

entra înât.

J’

éta is franc , généreux , vif et mal ic ieux et j e

dois avouer qu ’i l yavait en moi beaucoup de ce

que les marins appel lent d iabler ie Ma passiondominante

,même penda nt les années de mon

enfance éta it l ’orguei l . Luci fer l ui-même , s' i l

eu t j amais sept ans ne pouvait en avoir davantage . Si je me suis fait quelque réputation au

service , s i j‘ai conduit les autres au l ieu de les

avoir su iv is , c’est à cette pass ion dominante qu’i l

faut l ’a ttribuer. Le monde a souvent prê té desmotifs pl us honorables à mes actions , mais j

a i,

{ 1)Fameux hotl ier de Londres . N ote du Tutti .

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6 FRANK M ILDMAY .

p risäla plume pour dire la vérité et j e ne veuxrien cacher .

Je fus mis en pension pour apprendre le latinet le grec , et i l y a plusieurs méthodes pour euseigner ces langues . Quelques maî tres essaien tlc sua viter inmodo , le mien préférait le fortiterinre. Comme le disait le contre—m a î tœ du pre

mier vaisseau à bord duquel j ’a i serv i,c

éta it

par l’

instiga tion d ’un gros bâton noueux qu ’ i l

nous faisa it ca tt erles conna issances dans la tête ,comme un calfat fait entrer les étoupes entre le&planches d ’un navire . Sous un pareil système ,

j e fis des progrès é tonnans et quoique j’

eusse

pu acquérir en même temps des connaissancesmoins désirables , mon père n

’eut pas à se plain

dre du résu lta t de mes ét udes classiques . Aya nt

plus de capac ite que la plupart de mes compagnons

,j e prenais rarement la peine d ’

a p prendre

ma leçon avan t le moment d ’

entrer en classe .

La bénédict ion duma ître comme nous l ’ap

pel ions,me tombait quelquefois sur les épaules ,

mais c’

éta it une bagatelle j’

ava is trop d’

orguei l

pour vouloir rester en arrière de mes compa

gnons,mais trop de paresse pour prendre beau

coup d’avance sur eux .

Si mon maî tre d’

éco le eût été célibataire SBS

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FRANK MILDMAY . 7

soins prolongés aura ient p um etre u tiles ; mais ,malheureusement pour l u i e t pour moi il était

marié,et sa femme avait au ss i des passions do

minan tes : l a méfiance et l ’a va rice , dont ses

yeux p erçans et son nez long e t pointu ofl‘

ra ient

des preuves écrites en gros caractères . El le ne

croya it jamais que nous puss ions d i re la véri té ,e t par conséquent nous nous d ispension s de pra

t iquer une vertuqu i nous étai t inu tile à moins

que nous n’

y trouvass ions pl us de p rofit qu’

à

mentir . M istress Higginbottom ne nou s croyan t

j amais , nous nous habituâmes plus facilement

au mensonge ; e t comme nou s n’

étions qu’

à

demi nourris,grace à son avarice

,nou s ne nou s

faisions aucun scrupule de dérober tout ce qu i

pouvait sat isfaire notre appétit . Elle nous don

nait donc a insi des leçon s de mensonge et de

vo l , comme son m an nous en donnait de grec

et de latin .

Un grand verger un iardin et une basse-cour

étaient attachés à l ’établ issement,et mistress

Higginbottom qu i en était la re ine absolue , pre

nait ord inairemen t un des en feus pour son pre

mier mini stre . Cet en fan t,pour l ’éduca tion du

quel ses parens paya ien t quatre-vingtsl ivres sterling, passait son temps ramasser les fru it s

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8 IRANK M ILDMAY .

tombés , à nourrir la volaille , à dénicher le s

œ ufs , à surveil ler le s couvées , et hoc genus omne;en u n mot , à remplir les fonctions d

’une fi l le de

basse—cour . Comme nous préférions le travailde corps à l

occup a tion d’espri t c

éta it un poste

généralement envié , e t aucune place à la d isposit iou d ’un gouvernement ne fut j amais recher

chée avec tant de sol l icit ude et_ d’

intrigues .

Jîeus l a bonne fortune d’

obtenir cette place ,et le malheur de la perdre b ientôt après , graceà l

envie et à l ’a stuce de mes compagnon s , et

aux soupçons de ma maîtresse . En entrant en

fonctions , j’

a va is formé les plus belles intent ions

de me conduire avec honneur et fidé l ité ; mais

quoi servent les me il leures résolut ions , quand

on est d ’une part découragé par des soupçons

inj ustes et de l ’autre assaill i par les demandes

im p érieuses de la faim ? Quand i’

a p p orta is à

mistress Higginbottom les noix et les pommes

que j’

a va is ramassées dans le j ardin ses yeux

p erçans ava ien t touj ours l’air de croire que j

'

en

ava is dérobé une part ie . Soupçonné quand j’

éta is

innocent , ie devin s coupable par esprit de ven

geance. Unde mes compagnons qu i m'

a va it vu

manger une pomme , me dénonce ; ma desti tu

tion fut prononcée°

sur—Je—champ , et mon démon

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FR ANK M ILDMAY . 9

c ia teurme succéda . Je ne songeai plus alors quale supplanter à mon tour .

J’

a dop ta i un axiome de mathémat iques que

j e n ’avais pas trouvé dans Eucl ide ; c’

éta it que

partout où la tête pouva it passer le corps pouvei t la su ivre . Pour le mettre en pratique j e

passai la tête par le trou fait à la porte d u poul a il ler pour yla isser entrer les poules , mon corps

l’

ysu ivit ; j e pris les œ ufs qui avaient été pondu s ,j e les en fermai dans ma caisse et quand le no u

veau pourvoyeur arriva,i l ne trou va que des

nids vides . I l a l la ensu ite fa ire sa ronde dans l e

verger et dans le j a rdin ma is ce fut sa ns plus de

succès car j e l ’y a’vais précédé . La même chose

se répète plusieurs j ours de su ite . Je con fi squais

les fru its à mon p rofit , ma is ie gardais so igneu

sement les œ ufs et quand j ’en eus une v ing

taine , j e les portai dans m on chapeau à m i stressHigginbottom en lu i disant que j e les avais

trouvés dans un nid fait par les poules dans lej ardin . Elle fut très—courroucée de la négl igencede mon successeur , et pensan t qu

’el le n ’

evei t

r ien gagné au change, el le le dest itu a à son tou r ,

et me rétabl it dans mes anc iennes fonctions de

Chancel ier du poulail ler et de gouverneur du

yerger , avec des pouvoirs plu s étendus que ceu x

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10 FRANK M ILDMAY .

que ] 8 V8 ÎS ava nt ma disgrace. Si ma maîtresse

m’

ava it regardé en face avec au tant d ’

a ttention

qu’el le en mit à compter les œ ufs contenus dans

mon chapeau ma rongeur lu i aurai t fait soup

çonner le dessous des cartes car à cette époque

j e rougissais encore , défaut dont j e ne tardai

pas à me corriger .

Pour conserver ma réputat ion et ma place

] aidai alors la nature dans ses opérations , et ie

secouai les branches des arbres pour me pro

curer assez de fru its pour sat isfa ire l ’a va rice de

ma maîtresse et pou r m ’en réserver une ample

prov ision . Mais j e ne conservai pas long—tempsce poste honorable et lucratif. Un de ces êtresmisérables qu 'on appelle sous-maîtres , s

evisa

un j our d ’

ouvrir ma caisse , et y trouvant une

trentaine de pommes i l me dénonce sur—le

champ aux autor ités supérieures pour se faire

unmérite de cette découverte . Les preuves du

délit éta ient trop cla ires et trop nombreuses

pour admettre aucune excuse et en moin s

d ’

une demi-heure je fus accusé , mis en j ugement

condamné et fustigé . Pour comble d ’

ignom inic ,

j e fus déclaré incapable de rempl ir aucun em

ploi se rattachant à la basse-cour au verger ou

au j ard in et j e fus placé le dern ier sur la liste

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FRANK MILDMAY . 1 1

géné rale des écol iers comme éfa i1t le plu smauvais su jet de tous .

Sous plusieurs points de vue, cela Il eta it quetrop

vra i ; i l y avai t pourtan t un de mes com

p agnons qu i pouva it me d isputer cette d ist ino

t ion Tom Craw ford qu i devin t à cette

époque mon ami le plu s int ime . I l avait un ce

ra ctère ardent , ne reculait devant rien et aimait

à faire des espiegler ies quo iqu’

i l ne fût pas

méchant . I l éta it touj ours prêt à me souten iren toute occasion

,et j e ne le la issais pas manquer

d'

occup a tion. Je j etai le masque,j e me déclara i

contre les dem i-mesures et j e pilla i efl‘

ron

tément,non seulement le pou lailler et le verger ,

mais , quand l’

occa s ion s ’en présen tait , le garde

mauger et l a cu i sine . Tom en fit autant de son

côté et il en résu lte que s’i l se trouvait d u mé

compte dans les pommes , dans les œ ufs , ou dans

toute autre espèce de provisions s i un carreau

de v itre éta i t cassé si l 'on 1eta it de la boue

sur du l inge nouvellement blanch i et étend u

sur des cordes , c’

éta it nous qu ’on accusait

la bénéd iction du maî tre tombait sur nous

et nous finîmes par nou s endurcir aux coups

et par devenir insensibles à la honte .

Cc fut ainsi que l’

a va rice de cette femme qu i

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1 2 FRANK MILDMAY .

étai t la jument gri se ( 1) et la folie du maîtrequ i sau f le grec et le lat in n

éta it qu’

un âne ,finirent presque par déraciner le peu de bons

principes qu i se trouvaient en mon et y m tro

duisirent des germes qui produ isiren t b ientôtune abondante récolte .

I l y ava it dans cette pension un j eune homme

récemment importé des Indes Orientales ,

'

et

nou s l u i av ion s donné le sobriquet de Johnny

Pagode. I l n’

éta it remarquable que par son igno

rance , son insolence , sa force de corps , et commenou s le pensions sa résolut ion . I l avait alorsenviron dix - neu f ans . Un j our i l encouru t le

déplais ir du maître,qui

,furieux de soumauque

d’

a ttention ,lu i donna sur la tête un cou p de

son bâton noueux . Cc coup quoique tombé

sur la partie la p lu s dure de son corps , t ira l’in

dolen t As iati que de sa torpeur ordinaire ; i l ar

rache le bâton des mains d u pédagogue étonné

de cette rébell ion et l ’en menace à son tour .

Je batt is des mains en criant Bravo ! Maisles sou s—maîtres accoururent à l ’aide de leurchef , et l

Ind ieu, au l ieu de se défendre brave

men t , mit bas les armes sur—lo-champ se ren

( l)C°

cs l —à -dnre qui éta it l a ma î txesse aulogis, qu1 p or

tant les culo ttes . N ote du Tra d .

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14 FR ANK MILDMAY .

l u i doi merdes soins et moi,pour me fustiger .

Cette punition me parut s i inj uste que j e

m’

enfuis de la pension . Tom Craw ford m ’aide

à escalader la muraille,et quand il crut que

j’

éta is assez loin pour n’

a vo ir plus à craindre de

poursu ite i l donna avis de ma fuite pour ne

pas être soupçonné de l’avoir favorisée . Aprèsavoir couru un mille j e mis en panne pour

me servir d ’une express ion naut ique ; et m’

étant

ass is sur une barrière , j e me mis à réfléch ir surce que ie dirais à mon père pour justifier m on

brusque départ de la pension , et mon appari

t ion inattendue. Je fus interrompu dans mesm é

d ita tions par le détestable sou s-maître , qui ava it

découvert les pommes cachées dans ma caisse .

I l éta i t accompagné d ’une dem i-douzaine despl us âgés de mes com pagnons

,et s

a p p rochent

sans bru it par derrière i l me saisit par le collet,

et ordonnantɑ

x Craw ford de me tenir de l’autre

côté il me fit retourner sur mes pas quoique

un peu moins vite que j e n’

éta is venu . Craw ford

ne m ’

ép a rgna it pas les invec t ives , et il me faisait

les plus sangl aus reproches sur l’

ingra titude que

j’

a va is montrée en m ’

enfuyant ains i de la maison

du meil leur des maîtres et de la p lus a ffec

t ueuse la plus tendre et la plus libérale des

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FRANK mumu . 1 5

maîtresses d’

éco le. Mais j e savai s ce que j e

devais en penser .

Comme nous passions le long d ’un grand

étang que j e connaissais par faitement , sachan t

jusqu’

a ux endroits où l ’eau éta i t pl us ou moinsprofonde

,car je m ’

yéj a is baigné b ien souvent j e

sentis q ue la main du sous—maître,probable

ment fat iguée,ne me tenait plus s i ferme . Je fis

un cl iu-d ’

œ i l à Tom ,qu i me lâche , et donnant

une forte secousse au bras du sous—maître,qui ne

s’

y attendait pas , j e m’

élança i dans l’

étang. Lors

que ]e fus au mil ieu j e me retournai très—fro i

dement car c’

éta it en novembre,

et j e

regarda i mon escorte,qu i s eta it arrêtée au bord

de l ’eau,ne sachant que dire ni que faire

,et

le sous—ma ître ne pouvant me mordre fi t l e

ch ien couchant . I l me prie et me conj ura de

venir le rej oindre , me dit de songer à la douleur

que ma conduite causerait à mes parens quand

ils en seraien t instru its et m ’

engagea à ne pas

m’

a ttirer une pun ition plus sévère par mon

obst inat ion .

Ses a rgumens ses pneres et ses menaces

n’

ayant produ it a ucun effet,et personne dan s

toute son escorte n’

étant disposé à se m ettre al’

eau pour m ’en faire sortir le pauvre sous

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16 FRANK M ILDMAY .

maître se Vit obl igé d’

entrep rendre cette tâche ,quoique fort à contre-cœ ur. I l ôta ses souliers

et ses bas,retroussa son pantalon par dessus ses

genoux , et descendit dans l’

étangen frissonnan t .

Je savais qu ’il faudrai t finir par me rendre et

que dans tou s les cas je ne pouvais manquer

d’

être fust ige j e résol us donc de me venger et de

m’

amuser à ses dépens . Je recula i à mesure qu’i l

avançait et ie l’

a ttira i ainsi dans un creux où i l

d isparut . Comme je savais nager comme unpoisson j e l ’y su iv is et quand j e le vis repa

ra î tre sur l’eau j e l u i fi s faire le plongeon une

Seconde fois.

Enfin j e le la issai se t irer de l ’eau et ‘en

sorti s moi—même car le froid commençait à

m’

engourdix‘ les membres . Je me rendis à mes

ennemis,de qu i i

a ttenda is l a même merci qu'

un

Russe obtient d ’un Turo . Dès que j e fus arrivé

chezM. Higginbottom , le frisson occasionné par

le bain glacial que je venais de prendre fut com

battu p ar une fustigation la plus rude que

j’

eusse j amais reçue , mais qui produ isit su r moiun effet très—saluta ire en rétabl issant la c ircu

l ation du sang . C ’est un remède que mon exp é

rience m’

engage à recommander à tous les j eunes

gens des deux sexes,qui

,par suite d '

un désa p

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p o iul emeut en amour o u de quelqu’

a ul re ba

ga tel lc semblable se j ettent à l'

eau et en sont

retirés a ssez à temps pour y avoir recours . S i

l 'on eût employé le même tra i tement à l ’éga rd

du p a uu c sous-umî trc i l aura i t probablemen t

évité un fièvre dangereu se don t i l ne guéri t

qu ’

a u bout de s ix semaines .

Quelque temps après Johnny Pa gode , qu i

avait serv i su r mer pendan t deux ans v int à la

pension pour voir son frère et ses a ncien s cama

rades . Je voulu s savoir ce qu’i l pensait de son

métier e t j e dois lu i rendre la j u stice de d irequ ’ i l ne me trompe en rien . I l connaissa it assez

la vie qu ’on mène à bord d ’un bâtimen t du ro i,

pour savoir qu‘

une cabine de 1fi idshipm a u n ’es t

pas un paradis,et i l répondi t à toutes mes ques

tion s avec franch ise e t clarté . De tou t ce qu’

i l

me dit deux choses s urtou t me frappèrentla première qu ’i l n

y avait pas de maître

(1ecole sur un navire ; l a seconde qu’

un

midsh ipman avait une p inte de vin par j our .

(l’

en fut assez pour moi ; j e résol us d’

entrer da ns

l a marine , et j’

écrivis à mon père pour l u i faire

part de ma détermination .

Dès que j ’eus pris fermement cette résolution,

je fis tou t ce qu i éta it enmonp ouvoir p our me

2

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1 8 FRANK MILDMAY .

faire renvoyer de l ’ecole . J’

excita is des muti

neries , j’

éta is l ’ame de tou s les complots, jo

n’

obé issa is plus à aucun ordre,j e négl igeais tous

mes devoirs , et cependant les vacances ' arri

vèrent sans que mon congé m ’

eût été s ignifié.

En arrivan t dan s la maison paternel le j e répétaiverbalement à mes parens ce que j e leur avais

écri t et leu r dis que j ’eta is b ien décidé à entrer

dans la marine . Ma mère pleure ; mon père me

fit quelques remontrances car i l me dest inait

a u barreau mais j e ne vou lu s rien écouter le

sort en étai t j eté ; l a mer était mon élément . Je

remportai l a v ictoire e t j ’eu s l a satisfaction de

recevoir l ’assurance que j e ne retournerais plu s

dans la pension où j’

a va is passé p l usieurs années .

J'

a va is un bon cœ uren y en tran t , et j’

etais pres

que nu sauvage en en sortant . Tou t ce que j ’en

rapportais c’

éta it un peu de lat in et de grec , etune teinture des mathématiques et de l

a lgèbre.

Mon père m ’

obtint un brevet de midshipman

à bord d ’une bel le frégate qu i éta it à l ’encre à

Plymouth,et l ’interva l le qu i s

écoule depuis c e

temps jusqu’

au moment où j e devai s m ’embar

quer , fut employé à préparer mon équ ipement .L’heure d u départ arriva enfin. Ma caisse ava itété envoyée à Plymouth par un roulier et un

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FRANK MILDMAY . l 9

fia cre arriva à la porte pour me condu ire à la

d il igence . Ma mère perd it en ce moment le peude courage qu i l u i restai t , e t elle me jeta lesbras au tour d u cou dans une frénésie de dou

leur. Je vis son émotion sans la partager , et tandis qu ’el le me couvrait de tendres baisers e tqu ’elle arrosai t mes j oues de ses larmes j e me

demandais ce que tou t cel a signifia it , et j’

etten

da is avec impat ience la fin de cette scène .

Mon père l ’abrégea en me tirant par le bras ,et en me faisan t sort ir de l ’a p p artement. Mamère tomba sur le sofa e t se couvrit le v i sagede son mouchoir . Je marchai vers l a porte auss i

lentement que les convenances l ’ex igea ient. Monpère me regarda fixement comme s ’i l eû t voul u

vo ir s i j’

ava is réellement quelques sentimens

humains . Son regard me parut un reproche,e t

j e parv in s à verser une ou deux larmes en lequittan t.

Que de foi s ce manque de sensibil ité pour la

p lus tendre des mères s’est représenté à m a

mémoire , et que j’en a i été sévèrement pun i !

C’est ce que les événemens de ma vie vagabonde

ne tarderon t pas à prouver au lecteur.

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2 2 FRANK MILDMAY .

obtien t , après de longs efl‘

orts l’

objet de son

amour oude son ambit ion et quand bien même

l a possess ion ou des circonstances subséquentes

nous au raien t prouvé que nous nous é t ions exa

géré le plais ir de la j ou i ssance , quand même

l’

exp érience nous aurait démontré que tout est

van ité notre cœ ur n'en palp ite pas moins

quand notre souvenir se reporte sur le temps où

nous j ou iss ions d u présent,et où ce bel âge de

l a j eunesse l ’embel l i ssa it de v ives et bril lantes

couleurs . Mais c ’est ce que la jeunesse seule peut

sentir ; la v ie illesse regarde l’avenir avec doute et

m éfia nce,et le passé avec chagrin et regret .

Un de ces jours marqués en lettres d ’or su r le

calendrier de m a v ie fut cel u i où j e mis pour la

première fois l ’uni forme de m idshipman . Je ne

pourrais peindre de quelle j oie de quelle extase

j ’etais transp orté . J%1va i ä quitté l’

école et le

costume d’

écol ier, j’

éta is sort i de ma torpeur,

et comme la chrysal ide, j

éta is devenu pap il lon .

Je faisa is l ’essa i de mes ailes ; j e me sentais l ibre

de parcourir les vastes domaines de l a nature ,sans avoir à cra indre ni , p qrçns , .ni maîtres d

é

cole ,et mon cœ urbondissai t d’

a l légresse en son

geant que j’

éta is désormais mon maître . Cette

attente devait être déçue comme le sont la p lu

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FRANK M I LDMAY .

part de nos espérances . I l est vra i que , dans m a

j eunesse j’

a i eu des inten s de bonheur , s i l’

on

peu t leur donner ce nom mais je les a i p a yés

b ien cher ensuite . Même l a faible portion de fél ic i té qu i me tomba en partage

,dans cet te soirée

mémorable ,fut de b ien courte durée ,

et fut

bientôt su ivie de grands chagrins .

J’

a va is mis mon bel uni forme,mon poignard

était passé dans ma ceint ure ; un chapeau à

cornes d ’une gra ndeur énorme était en foncé

su r ma tête,et j e fus très-satisfait de ma personne ,

quand j e j eta i un coup d ’

œ i l sur un m iroir. Je

sonnai la chambrière,sou s prétexte de l u i dire

de faire ma chambre , mais , dans le fai t pour

l u i fourn ir l’

occa sion de m ’

a dm irer et de me

compl imenter . El le fut assez sage pour le faire

et j e fus assez fou pour l ui donner une dem i

couronne et pour l’

embra sser, car j e me sentais

tout à cou p deven u homme . Le garçon à qu i

l a chambrière avai t sans doute raconté ce qu i

venait de se passer,trouva b ientôt un motif p our

arriver auss i dans ma chambre , me fit les mêmes

com p l imens et en fut récompensé de la même

manière,à l ’excep tiondubaiser . J

écouta is l eurs

beaux discours comme s ’i l s eussen t é té des art i

cles de fo i . J’

éta is un gou]ou et j’

ava is a ffaire

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f

2 4 FRANK mumu .

à des requ ins ; l aurai s sans doute été assail l i

par d ’

a utres , ca r j e les entendis appeler la cui

s iuière et le garçon ( l’

écurie b ien certainement

pour qu’

i ls v inssent à leur tour rendre ma bourse

plu s légère .

Mais j e ne les attendis pas , j’

éta is trop pressé

d ’aller rendre v isi te à mon cap itaine et de vo ir

mon vaisseau . Jo descendis rapidement l'

esca

l ier , et eu un cl in d’

œ i l j’

etais en chemin pou r

Stonehouso . Ma van ité y reçut u n au tre tribu tun recrue de marine porta le main à son front

en passant devant moi . Je lu i ôta i mon chapeau ,

et j e cont inua i mon chem in d'

un air d’

im p or

t ance . J’

a voue qu’

une réflex ion me mortifia .

Les na turels du pays ne sembla ient pas

m’

a dm irer à beaucoup près autant que j e

m’

a dm ira is moi-même . Il ne me vint pas alors

à l 'es prit que les midshipmen éta ient en au ss i

grand nombre à Plymouth , que les négrillons

Port-Royal dans la Jama 1que , quoique les

premiers ne soient peut—être pas d ’

un auss i

grand pr ix que les seconds aux yeux de leursm aîtres . Je ne blessera i pas la dél icatesse de mes

belles lectrices en rapportant les propos dont j e

fus assai ll i par les dames de North-Corner etdc Fore-Street , quand je défila i devant elles

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mw mumu . 25

Quelque peu instru i t que j e fu sse sur bien despoints , e t certa inement sur cel u i— là , el les me

para ven t extrêmement mal élevées .J

écha p p a i à ces syrènes sans être he à unmât

comme Ulysse ; mais , comme l u i , j e fus sur le

po int d ’

ê tre vic time d'

un Po lyphême moderne .

Ce n ’est pas qu ’i l n’

eû t qu’

un seu l œ il au mil ie u

du front ; mais les rayon s partan t de ses deux

yeux ,et se réun issant au bou t de son longnez , l u i

en donna ient l ’a ir. L’

ignorance, en cette occasion

comme dans beaucou p d ’

a utres fut l a cause de

mon désastre : Plus ieu rs o fficiers en grand un i

forme , venaien t de tenir une cour martiale .

Oh , oh ! pensa i— je , voic i des personnes de m a

pro fess ion . Je voul u s imiter leurs manières .J

enfonça i davantage mon chapeau sur ma tê te;

i’

a p puya i l a main gauche sur mon poignard ,

comme je voya is qu’

i ls tenaient leur épée,et j e

p assai l a droite dan s mon gi let , comme quelques-uns d ’entre eux le faisa ient . Enfin levant

le nez en l ’air,j e passa i devant eux sans m ’arré

ter,croyant qu

i ls m'

a dm ira ient autant que je

m’

a dm ira is moi-même . Je n ’en étais qu’

à que lques p a s , quand une vo ix qu i s

éta it évidem

men t cassée au serv ice de SeMajesté , me criaHolà , jeunehomme , revenez ic i !

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e6 rnmn mumu .

Je me hâta i d îa p p rocher d’eux

,car je sup

posais que j'

allais recevoi r des com p l imens sur

la coupe de mon habi t,sur la manière élégan te

dont mon chapeau étai t p lacé su r ma tête etc .

Je me figura is même que j’al lais les entendre

se disputer à qu i aura i t sur son bord un s i parfait modèle à proposer à ses m idsh ipmen

Quelles furent ma surprise et ma mortifica tion,

quand le plus âgé d ’entre eux me demanded

un ton courroucé

—A quel vaisseau appartenez—vow ,monsieur?

Au Redou table monsieur .

Eh b ien , monsieur , repri t le vétéran d’un

air d '

autorité , vous aurez la bonté de prendre

une barque sur—le-champ et de retourner à

bord . Dites au premier l ieutenan t que mon

ordre est qu ’i l ne vous accorde plus aucune

permiss ion de venir à terre tan t que la frégate

sera dans le port ; e t j e ne manquera i pas de

direà votre capitaine qu ’ i l doit m ieux a p pren

dre à ses o ffic iers le savo ir-v ivre , p our qu’

i ls

ne passent pas devant l’

am ira Ï du port , san sporter la main à leur chapeau .

Tandis qu ' il prononça it cette harangue 1e

me trouvais dans un cercle dont j’

éta is le centre ,

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FRANK mumu . 2 7

e t don t l ’amira l et les capi ta ine s qu i l ’a ccomp a =

gna ient formaient la circonférence .

—Vous m ’

a vez entendu monsieur ; vou s

pouvez vous retirer continua l'

a m ira l .

Oui , j e vou s entends ; mais comment diable

m ’en aller ? pensai— je ; car les cap ita ines éta ient

serrés autour de moi comme des écol iers ar

troup és autour d’un rat pris da ns une trappe .

Cependant le blocus qu’

i ls formaien t san s doute

po'

ur s’

amuserà mes dépens me t ira d’

emba rra s .

Il me donna le temps de reprendre ma présence

d ’esprit , et j e répondis avec un air de simpl icité

réelle que j’

a va is mis ce matin mon uniforme

pour la p reiniè'

re fois et que j e n‘avais pas

encore vumon capita ine,et que de ma vie je

n’

avais m is le p ied à bord d ’un navire . Cette

explication fit sourire l ’amira l qui dans le fond

avait u nbonCœ ur, quo iqu’

i l fût un peu b izarre ,et tou s les capitaines part irent d ’un grand éclatde rire.

Allons , ]eune homme dit l ’am ira l , puis

que vous n’

evez jama is é té en mer ce la peu tvous serv ir d ’

excuse p our ne pa s connaî trel esbonnes muni ‘ci es . Vous pouvez vous d ispen ser

de faire part de mon message a u premier l ieu

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28 FRANK MILDMAY .

tenant mai s vou s ferez b ien de vous rendre à

bord le p lu s tôt poss ible .

Les cap itaines m ’

ouvrirent un passage iepartis un peu mortifié et pendan t tou t le rested u chemin , j e ne rencontra i pas unmidshipman ,un sergent ni même un caporal de soldat s dem arine sans me découvrir . Enfin une j e une

femme fort bien m ise , qui connaissai t mieux

que moi les u sages du serv ice me demanda s i

j’

avel s desseinde représen ter la v il le dans le parlement .

Non lui répondis-ie , sans trop savoir ce

qu'

el le voul a it d ire .

— Je l e croyais en vous voyant s i pol i avectou t le monde dit el le en continuant son

Chemin .

Sans cet av i s charitable j e crois que l aura isporté la main à mon chapeauenpassa nt devantun tambour .

J ‘arr ivai enfin à l’

auberge où logeait mon ca

p ita ine , et j e lui remis l a l ettre de mon père . Il

m’

ex‘

am1na de l a tête aux p ieds et m ’

invita à

dîner avec lui à s ix heures . -Et comme i l n ’est

que onze heures a jouta—t-il , fendez—vou s àbord et présentez—vous à mon p remier l ieute

nant ,M. Handstone ; i l fera inscrire votre nom

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00 FRANK …LDMAY .

que. La plu s âgée était passéemaî tresse dans sonm étier et el le man iai t l a rame avec beaucoup

de dextérité . La pl us jeune qu i éta it sa fi l le,

n’

en était encore qu’

à son noviciat . E lle étaitjol ie proprement vêtue avait des bas b lancset son j upon court la issa i t voir un peti t p ied e tune jambe fine .

Prenez garde Sal ly lui d it sa mèrevous attraperez un crabe.

Ne craignez r ien , ma mère , répondit Sally ,en donnan t un grand coup de rame avec con

fiance mais la rame n’

ayant pas touché l’eau

ne trouva aucune résistance et Sally fut ren

versée , la tête au fond de la barque et les p ied s

en l'

air.—Je vou s l 'avais bien dit , Sally , s

écria sa

mère je voyais que vous al l iez attraper un

crabe .

Sally se releva en rougissant un peu et se

remit ramer.

Voilà ce que nou s appelons attraper uncrabe

,me dit la mère . J

engagea i Sal ly à os

sayer d ’en attraper un autre mais elle me d it

que c ’

éta it assez d ’un pour u n j our et quelquesiustans après nous arrivâmes à l a frégate.

Ayant payé mes na î a des ie sais is une corde

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FRANK MILDMAY . 0 1

qu ’elles me montrèrent,et don t je me servis

pour monter sur le plat-bord . J’

y fus accosté

par un midshipm a n en j aquette et en pantalons ,ayant une chemise qu i ne brillai t pas par lab lancheur

,e t une crevette de soie noire qu i lu i

entourait le cou san s le serrer .

Qui demandez-vous , monsieur?me dit—i l .— Je dés ire parler àM. Handstone , le premier

l ieutenant , répondis — ie. l l m’

informe que lepremier l ieutenant éta it occupé dans sa cabine ,et que dès qu ’i l monterait sur le pon t , i l l

’aver

tira i t que j e l ’a ttenda is .

Après ce eourt‘

d ia logue i l me laissa à mes

réflex ions s ur le ga illard d’

a rrière à babord .

Ou radoubait la frégate et tou t éta it en eon

fusion sur le pont,qu i éta i t cou vert de poix

qu’

on venait de verser dans les entre—deux du

plancher , et les calfats attendaient l’

exp ira tion

de‘ l ’heure qu i leu r est accordée pour dîner

avant de se remettre à l ’ouvrage. Pl u sieurs m id

shipmen éta ient en face de moi à tribord,i l s me

toisaient des yeux et se demandaient s i j’

éta is

un nouveau compagnon qu i leur arriva i t,et

quel le sorte de compagnon j e serais. Leurs

doutes furent b ientôt écla ircis .

Le p remier l ieutenant étant a rrivé surle pont,

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5 2 FRANK mumu .

l e m idsh ipman de quart me présenta à lu i . Je

lu i d is mon nom c l j e l u i fis part d u message

du capita ine .

Fort b ien monsieur,répondit M. Hand

stone . M. Flybleeh conduisez m onsieur au

poste des midshipmen , et montrez—l u i où i l

peu t su spendre son hamac.

Je su ivis mon conducteur et chemin faisan t ,nou s rencontrâmes une femme qu i vendait aux

matelots du pain , du beurre ,des harengs

,des

cerises et du la it caillé . Elleavai t aussi un petit

bari l de b ierre,qu i lu i a ttira i t beaucoup de prati

ques . Nous descendîmes dans l ’entrep ont etnousentrâmes dans la grande chambre

,où nous trou

vâmes à babord et à côté du grand mât ce

qu ’on appela it le poste des m idshipmen qu i

me paru t u n véritable trou , car i l n’

a va it guère

que dix p ieds de long sur six de large et eu

viron cinq p ieds et demi de hau teur . Une petite

ouverture d ’

environ neu f pouces sur s ix y a d

mettait u ne faible part ie de ce qu i est le pl us

nécessaire l’air e t le j ou r . Une table de bois

blanc occupait la plus grande partie de la

chambre . Ou y voya it un chandelier de cu ivre

dans lequel éta it une chandelle,dont l a mèche

ressemblait à un œ il lel épanou i . La nappe était

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F R ANK mu mu .

33

mise et les taches de gra isse et ( lo v in de Portodont el le éta i t couverte , :umonç a ieut que le ( l i

manche a p proch a i t . Un < lomes l iquenègre fa isa i t

les prép a ra l i fs p our le d îner , et i l me montra l ap lace que ie deva is occuper .

— Juste c iel ! p en

sa i-je , eumegl issa ntenlre l a table et les planches

qu i formaient un côté de l a frégate est— i l pos

sible que ce soit là ma résidence future!Quand j e me fus assis , i

a p pel a i à mon secours

tou t ce que j e possédais de ph ilosophie , et je nepus m ’

emp êcher de sourire en me rappelant

l a réflexion de Gi l—Bla s quand i l se trouva dans

la caverne des voleurs Voi là donc le digneneveu de mon onc le Perez pris comme un ra t

dans une rat ière .

Tou t l 'entrep ont éta i t encombré de sacs de

caisses de tonneaux et de hamacs et j ’eta is

étourd i par le bru it que faisa ien t sur le peut lescal fat s

,qu i s ’

éta ient remis à l ’ouvrage. L’

odeur

de l'

eau croupie qu i éta i t dan s la cale,celle du:

tabac du gin,de la bierre des harengs e t des

oignons qu’

on prépa rait dans la cu is ine , car

le vaisseau ayant la poupe au Vent , la fumée dela cu is ine était rejetée su r l ’a rrière tou t eons«

p ira it pour me découra ger , et pour me rendrel’

être le p lus misérable du monde. Je m'

éta is

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54 F RA NK M I LDMAY .

abandonné à la résignat ion d u désespoir,quand

j e me rappel a i l ’invita tion d u capita ine,et j ’en

parla i à Flvbleek . Vous faites b ien de m ’en

parler me di l — i l Murphy a reçu une invi

tat ien pareil le,et vous p ourrez yaller ensemble .

J ’ose dire qu ’i l sera charmé d ’

a vo ir vot re com

p agnie.

Un cap i taine n’

a ttend guères des midship

men et nous eûmes so in de ne pas le mettre

dans le cas d ’

a ttendre. Le capitaine parla beau

coup le l ieutenant fort peu les m idsh i pmen

point du tou t ; mais le j eu des cou teaux , cles four

chettes et des verres fut précisémen t en ra ison

inverse . La compagn ie se composai t d u capi

ta ine et de deux de ses frères d ’armes du pre

m ier l ieutenant , de Murphy et de moi .Quand on eut ôté la nappe

,le capi ta ine

,me

versa u n verre de vin,me dit de le boire et d ’

a l

ler voir en su ite d’

ouvenait le vent . Je pris cetordre à la lettre

,et j e me hâta i de boire pour

aller l ’exécuter. Malheureusement j e n ’ava i s

qu’

une conna issance fort impar fa ite des d iffe

reus p o iû s du compas,et j ’eta is fort embar

rasse pour savoir d’

où venait le vent,quand

i’

ap erçus une girouette sur le haut du clocher .

Il yavait en dessous quatre morceaux de fer

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FR ANK M ILDMAY . 5 5

marqués ch a cu n d’une lettre e t j e vis qu ’elles

indiquaient les quatre points card inaux . La têtede la girouette se trouvai t p réeisément a u-dessu s

de la lettre 0 et j ’en conclus sur—le-champ que

le vent venai t de l ’Ouest. Je Ÿeutra i b ien v ite

dans l ’a uberge ,n

étant pas peu fier d ’

a vo ir ob

tenu s i promptement l ’inform a tion que désira it

le capitaine,et j e l u i fis mon rapport . A ma

grande surprise les trois capi ta ines se regarde

rent en souriant , et le prem ier l ieu tenant secoua

la tête en disant I l est encore novice . Moncapita ine me versa un autre verre de v in

,e t me

d it B uvez cela,j eune homme et Murphy

vous expl iquera ce que j e voula is vou s d ire .

Murphy v ida son verre en me rega p dant de

travers et se levan t de table , i l sal ua la compa

gn ie et me d it de le su ivre .

Dès que nous entrâmes dans le vestibule :— Pourquoi d iable êtes—vous revenu s

écria

t- i l , blane—bee que vous êtes ? Ne pouviez-vous

entendre le cap itaine à demi mot ? i l voul a i t

vous d ire de le débarrasser de votre compagn ie .

A in s i i l fau t que j e perde m on vin pour un

maudi t morveux comme vou s ! mais vous me

paierez cela a vanthuit j o urs,j e vous le promets .

J’

écouta i ce discours élégant avec quelque

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56 FRANK MI LDMAY .

im p a l ieuce et encore pl us d md igua tion. Le

ca pi taine m ’

a va itordonné d ’

a l ler voir d ’

où venait

le veut , répondis— je et j e su is revenu pour l’

en

in former .

A l lez au d iable ! rép l ique Murphy , croyezvous que le capitaine ne sava it pas d

où venait

l e ven t? Et s’

i l avait eu besoin de le savoir , i laurai t donné ses ordres à un mar in comme moi ,et non à un veau de terre tel que vous .

-Je ne sa is ce que le cap ita ine pouvait vouloir dire, m

écria i-je ; et j’a i fait ce qu’il m ’a

dit . Mais j e désirerais savo ir ce que vous vou lezdire en m’

a p p elant un veau ? je ne su is pas p l usVeau que vous .

Ah , vous le prenez surce ton! Tenez , voilàun à compte , en attendant le pa iement fina l ,d it Murphy en me t irant l ’orei l le comme s ’i l eûtvou l u l ’a rra cher.

Je n ’avais que treize ans il en a va it d iX-Sep t

i l éta i t très— fort pour sonâge , et j e n’

eurais cer

ta inement pas été tenté de lui chercherquerel le.

Mai s i l m ’

ava it - insulté attaqué le premier , i ly al lait de mon honneu r

,et j e su is surpris que

j e n ’aie pas tiré mon poignard pou r l 'en frapper .

Heureu sement la rage dont j’

éta is transporté me

fit oub l ier que j’

enava is unà moncôté, et j'

eus

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58 FRANK MILDMAY .

Murphy. Voyez comme il m’a arrangé l ’œ i l !

Je voudrais qu’i l en eût fa it autant à l’autre

,

répl iqua- t—elle,et vou s n’

a uriez que ce que

vous méritez . L’en fant a plu s de courage dans

son petit do igt que vous n’

en avez dans tout

votre grand corps mal bâti . Il n’

y a qu’

un lâche

qu i puisse battre u n en fant .

Pendant cette conversation,j e m etais relevé

,

et ]’avais pris une atti tude défens ive . Je n’ava is

fait entendre ni un cri,ui une pla inte et ma

fermeté m ’

a va it gagné l a b ienveillance de tou s

les spectateurs que le bruit ava i t attirés . Moricapita ine arriva en ce momen t avec ses amis .

Le sang me sortait par le nez , e t mon v isage

portai t des preuves de la force supérieure de

mon adversaire,qui était un excellent boxeur

pour son âge,et qui aurai t su parer le cou p que

j e lu i avais porté,s ’i l m ’

eût su pposé assez de

présomptionpour l 'a tta quer. Le capitaine nou s

demanda une expl icat ion . Murphy lu i contel'

h isto ire à sa manière,c ’est-à-d ire sans un seu l

mot de véri té . Je rapporta i ensu ite mot pour

mot et franchement tout ce qu i s ’

é ta it passé et

je vis que si j’

a va is été vaincu sur le cham p de

batail le , j’

éta is vainqueur dans le cabinet . Le

capita ine rép rimanda Murphytrès—sévèrement ,

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r1mmc M I LDMAY . 3 9

l u i ordonna de retourner à bord sur-le-cham p ,et lu i défendit de p a raître sur le pont avan t que

son oeil fût com p létement guéri .

Quand i l fut p art i , je reçus à m on tou r une

mercuriale,mais d ’

un tonbeaucou p plus do ux .

—Vous ê tes comme un jeune ourson,me

dit le cap itaine,et vous vous préparez des

chagrins . S i vous donnez coup pour chaque

sobriquet q ue vous recevrez , on peu t préd ire

quel sera votre sort dans notre serv ice . Si vous

êtes le plus fa ib le,vous serez battu tous les

j ours ; s i vous ê tes le p l u s fort , vou s serez détesté . A quelque rang que vous pu issiez atte in

dre,un caractère querel leur vou s fera haïr . Vous

serez survei l lé avec un œ il j aloux,car chacun

sa it que l ’esp ri t d’

a rrogance que montre un

n1 1dsh ipm an dan s la ea b ine où i l est a vec sescomp a gnons le su i t partou t e t monte avec l u i

sur le gai l lard d ’

a rrière. Je vou s donne cet avis

pour votre b ien , ca r je n’interv ien s que le moin s

p ossible dans ces sortes de querel les,attendu

que cha cun comme chaque chose , t rouve son

n ivea u à b ord d ’

un va isseau de ïgu‘

erre. Sachez

t irer une l igne de démarcation entre la rés is

tance a l ’op press ion , que j’

a dm ire et que je res

pecte , et cette h umeur su scep t ible qu i se gen

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40 FRANK 111L011A1'

.

da rme pour un rien . A présent,al lez vous

er le v isa ge,et retournez à bord . Cherchez

vous concil ier l 'a ffection de vos autres com

p agnons , car la prem ière impression fait tou t .L

a 1 i s étai t fort bon mais i l avait l e malheur

de venir un quart d ’

heure trop tard . La cause

de tou t ce fraca s étai t l a man ière détournée dontle capita ine m ’

a va it ( l i t de qu itter la table ; et

c'

el a it une su ite des us et coutumes adoptés

dans l a marine au commencement du d ix-neu

vième s iècle . Aux tables des grands dignitaires

de service quand la nappe avait été enlevée,

la conversation prenait une tournure s i l ibre à

m o ins qu ’i l ne s’

y trouvât des dames , qu’on

n'

a ura it p u se la permettre devant des jeunes

gens qu i,quoique sort i s de l

'

enfance ,n

éta ient

p a s encore hommes . Cc fut donc à cause de mon

âge que l’

ordre de qu it ter la table m’

a va it été

donné ; mais , soi t d it avec tout le respect pos

sible pour mon capitaine,qu i v it encore i l eu

rai t mieux fait de me le s ignifier d’une man ière

claire et précise , que de me le tran smettre par

une espèce d'

énigme que j e ne comprenais ni

ne pouvai s comprendre.

Je retournai à bord vers hu it heures du soir .

Murphy m’

yava i t précédé et avait p révenule8

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FR ANK M I LDMAY. 4 1

es p rits contre moi . Me voya nt reçu plu s quefro idement da ns l a cabine des midsh ipmen , ie

remouta i su r le pont , et j e m e promenai sur le

ga il lard d ’

a rrière. Me sentant fat igué j e m ’arré

ta i,et m ’

a p puya i sur un canon ; mais tout à

coup une voix de tonnerre s ’eoria Ne vou s

appuyez pas sur ee@canou l Je tressai l l i s

,porta i

la main à mon chapeau et j e recommença i ma

p romenade , en j etant de temps en temps un

coup d’

œ il sur le second l ieutenant qu i m ’

a va it

si brusquement apostrophé . J'

éprouva is un a o

cablement complet un sentiment int ime d ’i so

loment et de misère que je ne saurais décrire .

Je ne me reprochais a ucun tort et cependant

j ’etais traité comme si j’

eusse commis un crime.

Mes pensée s se d irigèren t vers l a maison pater

nelle . Je me rappela i ma pauvre mère,tombant

sur le so fa dans une agon ie de chagrin,l ’insen

sibil ité avec laquelle j e l’avais qu ittée

,et j e sentis

qu’

un cœ ur a [Ïl igé avai t beso in de consolat ion .

J’

a ura is pleuré , s i j’

a va is su où al ler , car j en

'

a ura is pas voulu qu’on vi t cou ler mes larmes .

J'aura is donné tou tes les plu s bel les perspectives

d’

a vancement dans ma pro fession , pour me re

trouver tranquillement assi s chez mon père.Le p remier l ieutenant revint à bord quelque

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4 2 FRANK M I LDMAY.

temps après et }e_l’

entend is raconter mon aven

t ure a u second l ieutenant . Le ven t changeaalors

,et i l me devint favorable . Je fus invité

descendre dan s la cab ine des o ffic iers , e t ayantrépondud ’une manière satisfa isante à to utes les

quest ion s qu i me furen t fa i tes,on fit ven ir F ly

bleck,et l ’on me mit uneQconde fois sous sa

protect ion . Avec celle du premier l ieutenant,

le me fla l ta is qu’

on observera it d u moins à

mon égard les règles d'une c ivil it é ord ina ire.

Deretou r dans la cab ine des midshipmen

l ens alors pl us de 1015 11‘ pour examiner m a

residence et mes compagnons qu i y étaienttou s assemblés pour souper , assis des deux côtés

de la table sur leurs caisses qu i servaient de

sièges ou de b a ncs mais pour pouvoir s’

yasseoir ,i l falla i t , ou passer sur les épaules des autres

pour gagner le haut bout ou prendre les der

n ieres places et se résoudre a servir de marche

p ied à ceux qu i arrivaien t pl u s tard . Un 5 1

proche contact n ’est j ama is dés irable même a vecno s meilleurs amis mais par un temps chaud

et dan s une chambre où l ’air peu t à peine pémétrer , i l devient insupportable . La populat ion

qu i s y trouva i t excéda i t les l im ites ordinairemen t accordées à des créatures humaines dans

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FRANK mumu . 4 5

quelque situat ion qu ’elles se trouvent , s i ce n’es t

à bord d’un bâtiment négr ier . Elle se composai t

de douze midshipmen dont hu it éta ient des

j eunes gens de d ix- sept ans et a u-dessu s e t

dont les autres n’

ava ient guère que mon âge .

La pl upart venaient de travail ler au chantier ;i l s n’

a va ient ui j aquettes ui gilets , et les man

ehes de leur chemise étaien t retrou ssées a u

dessu s d u coude so it pour ne pas les sal ir en

travaillan t so : t pour qu’el les p ussentensuite ca

eherleurs bras sales , et leur éviter a 1n5 1 la peine

de les laver . Le souper con sista it en une grande

cruche de petite b ierre , et u n pan ier rempl i de

b iscu it . Pour compenser ce repas frugal l a

table éta it couverte d 'un drap vert avec une bor

dure j aune et où l ’on d istinguait une agréable

variété de taches de toute espèce causées par

le v inaigre le thé le vin le gin et autres l i

quides qu i avaien t été répandu s . Dans un coin

de l a cabine était un sac de pommes de terre,e t

tou t à l ’entour à deux pouces a u-dessus de nos

têtes régnait une planche sur laquel le on voya i tdans une adm irable confus ion des p lats des

ass iettes et des verres,des couteaux et des four

chettes,du l inge sale des instrumens de ma thé

ma tiques un violon et une flûte, des brosses à

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44 F RA N K 3111.n11M .

dents,à habits e t à soul iers

,et une foule d ’

a utres

choses qu ’ i l serait t rop long de décrire . Une seule

chandelle servait a rendre l’

obscurité v isible ,

et l'

odeur qu ’on y respirai t m’

éta it i a sup

portab le .

L’

a ccueil que ie reçu s neta it pas fa it pour

m odifier mes premières impress ions . Un nègre

qu i n’

a va it pour tou t vêtement qu’

une chemise

sale de to ile à carreaux et des pantalon s et qu i

ne senta i t pas l'

ambre ,était devant la porte

pour obéir à tous les ordres que chacun pou

veit l u i donner. La serviette sale qu ’i l tenait en

main pour essuyer les ass iettes e t les verres , mitle comble à mon dégoût . Je m ’assi s pourtant

,

et j e me hasardai à j eter les yeux au tour de

moi . Le prem ier v isage qu’

i ls rencontrèrent fut

celu i de mon antagon iste . I l ava it l'

œ i l gauche

couvert de pap ier brun et bandé avec un mou

ehoir de poche de soie sale ; son œ i l droi t était

fixé sur moi et i l me fi t en jurant à haute voix,

des menaces et des promesses de vengeance .

Je ne répétera i pas les élégantes ph il ippiques

dont je fus assail l i de toutes parts ; je me bornera ià d ire que j e trouva i les hui t pl us âgés déclarés

contre moi et que les p lu s j eunes gardèrent laneutral i té .Bientôt lemidshipmanquiremp l issä t

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46 FRANK M ILDMAY .

pl us âgés , et notamment du despote Murphy.

Je fus in itié dans tous lesmystères de l ateab ineet j

a p pris entre autre choses que quo ique

nous fuss ions obl igés de contribuer aux.

de

penses de l a table , nos tyrans nou s refusa ient le

droit d ’

a vo ir notre part de ce qu1 était acheté

avec notre argen t . Je sentis mon sang bou ill ir

dans mes veines en apprenan t tout ce qu 115

avaient à sou ffrir , et j e j urai de mourir plutôt

que de me soumettre àa im e tel le oppress ion .

L’heure de se coucher arriva , mes j eunes

compagnons m apprirent comment le devais 111’

y

prendre pour me mettre dans mon hamac et

i ls ne purent s em p êeher de rire à mes dépensen m ’

y voyant ,monter d ’

un côté et en tomber

de 1’a utre( Enfin ]e réussm à m’

établ ir au centrede m on l i t su spendu , et j e ne tardai pas àm

’en

dormir . Mais vers quatre beures du mat in j em ’éveil la i ensursaut en sentan t la tête de mon

hamac fléch ir sous mo i et j e tombai l a tête la

prem ière sur le plancher,tandis que mes p ieds

éta ient encore en l ’a ir dans le hamac comme lapauvre Sa l ly quand el le avait a ttrapé un crabe .

Je fus étourcl i par cette chute , et j e restai quel?ques instep s dans u n état de stupeur.

Un soldat demarine en factioi1‘

la portede

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FRANK MILDMAY . 4 7

la cabine des o ffic iers,a vait vu ce qu i venai t d ’ar

river,et reconnu l ’individu qu i m ’

a va i t 10ué ce

tour . I l v int à mon secours fi t un nœ ud aux

courroies de mon hamac et le rem it en place .

Mais j e ne pus me résoudre à remonter car j e

croya i s que les courroies s ’en étaien t cassées par

su ite de leur état de vétusté e t j e craignais un

second acciden t semblable . Jem ’

envelop p a i dans

une couverture,et j e m ’

étend is sur une ca isse à

quelque d istance .

J’

a va is pris un fort bon parti,car un quart

d’

heure après , Murphy , qu i venait de finir son

quart voyant m on hamac su spendu et s’ima

ginant que j’

y étai s remonté pri t son couteau

et en coupe les courro ies d u côté de l a tête . Ah,

ah ! pensai-je ,c’

est donc toi qu i as interrompu

monsommeil,et qu i as été cause que j

a i été sur

le point de me bri ser le crâne! Et maintenan t

voilà que tu recommences ! De par le ciel,j e t’en

punirai . Je le su ivi s des yeux j e le vi s monter

dan s son hamac,et l u i ayant laissé le temps de

s’

endorm ir j e m ’

a p p rocha i en rampant comme

le sauvage américain et j e co upa i à mon tourles courro ies . Murphy tomba sur-le-champ ,maissa tête porta sur le bord d ’

une caisse , et i\

l£ poussa

ungrand cri , qui fut su ivi d’

unprofond silence,

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48 FRANK

Je m etais déjà remis sur ma caisse,et enveloppé

dans ma couverture , j e fi s sembla nt de dormir .La même sentinel le v in t a vec sa lanterne et

voyant Murphy sans connaissance,et la tête en

sanglantée, i l appela le sergent , et le prie d’al ler

chercher le chirurg ien .

Quand le sergent fut part i le sol dat de ma

r ine s’

a p p roche de moi , e t me dit tout bas :°

— J’

a i

t out vu j e sa i s comment tou t s’est passé,mais

soyez prudent , car s i vou s étiez découvert , Vouspourr iez vous enma l trouver .

Je remonta i à la hâte dans mon hamac , et

y restai b ien tranqu il le pendant que l 'aide duch irurgien pensait l a blessure de Murphy , qu i

fut obligé de garder le l it pendant qu inze j ours.

I l paraît qu’i l avai t peu d ’amis car personne

ne montra de regret de l ’a cc ident qu i lu i é l a it

arr ivé . Je ne fus pas soupçonné ; ou s i j e le fus

on savait q u’il avai t été l’

agresseur et personne

ne me fit un seul reproche . Le soldat de marine

me garda fidèlement le secret ; je lui donua i une

gu inée,e t je le pr is à mon service comme va let

de chambre.

Et maintenant , lecteur, p ar j ustice pou r moimême qu

’il me Soit permis de faire quelques

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FRANK mumu . 49

remarques q u i pourront serv ir à pal l ier , du

moins jusqu’

à un certain point , les fautes grave s

qu’

ofl'

rira ma condu ite dans les pages qu i vont

su ivre . L’

orguei l et le désir de la vengeance ,passions profondément enracinées dans le cœ ur

de l ’homme depu is sa chute,n ’en avaient pas

été extirpées par ma première éducation m ais

auraient p u y végéter l ong—temps dan s une sorte

d’

engourd issement,s i la '

conduite de tou s ceux

qu i m ’

entoura ient n’

eût contribué à les mûrir

et à les développer . Sur un vaisseau encombré

de cinq cents homm es où j e n’

entenda is pas

prononcer une seule phrase qu i ne fût entre

lardée de juremens et de bla sphèmes ; où la rel igion était complètement négligée ; où le seu lhonneur qu ’on rend i t auTout-Pui ssa ñt était de

mettre une chemise p ropre le d imanche ; où l’o

béissance 1mp l ieite à la volonté d’

un officier étai tregardée comme plu s importante

.

que l ’obser

vat ion d u décalogue et où les commandemens

de Dieu étaient en quel que sorte abrogés par les

articles d u code pénal , puisqu’

on pouva i t

impunément v ioler les prem iers,au l ieu que la

moindre infract ion aux autres éta it tou j ours pu

nie avec sévérité ; comm ent les germes de morale

semés par mes parens aura ient-i l s p u produire

Page 55: E S - forgottenbooks.com trop de paresse pour prendre beau coup d ... tiquer une vertu qui nous était inutile à moins que nous n

50 mum mumu .

q uelque fru it? Ils furen t étouffégsous les mauva ises herbes.

Jetons , ma intenant un coup d’

œ i l sur mes

comp agnons habituels , les midshipmen . Nous

trouverons p armi eux le même la ngage les

mêmes ma n ières ; à pe ine y apercevrons—nous undegré de gross ièreté de moins . Quand ils al la ientà terre c

éta i t po ur s’

enivrer, eti l s s’en faisa ient

gl oire quand il s étaient, ,de retour à bord . Monca p i taine m

a va it dit que chacun trouva it son

nivea u à bord d’

un va iss eau de guerre ; mai s

dans la cabine des midshipmen C'

étai t le ni

veauquÎo _u« trouve chez les sauvages . La force

phys ique —

y décidait seule si vous deviez ê tre

tyranou esclave . La discip l ine des pensions et

des écoles p ubl iques , ,quelque mauva ise et

quelque démoral isante qu’el le soit , nîéæ it rien

en compara ison de la tyrann ie qu i régnait en

1805 da ns les cabines des midshipmen .

11 enest des cabines comme des écoles . Ou

s’est tropmp g-temps faussement imaginé que lesenfans trouvent un avantage dans les sou ffrance s

que leur fait e_ndu,rer la' ty1

anuie des maî tres

d’

école. Je ne niera i p a s que les classes les plusélevees ne puissent gagner quelque chose,

ense

trouva nt encontact avec leurs in férieurs , et que

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FRANK mumu . 5 1

le poing du fils d’

unma rchand n’a it quelque

f_oi s donné une Leç on uti le aufils d’

un membrede l

a ristocra tie : mais cel u i qu i est élevé en

esclave , dev iend ra tyran dès qu’i l le ponura ,

,ca r les plus d é_testab les de nos pa ssions nou s

à {aire souff rir aux a utres ce quenous

a vons souffert nous—;nêmes. Un enfant qui a

mçu.du ciel une ame nob le et génûæuse , …est

ebf ,uti par de ma uva is tra itemens auxquels il

n’

a p as le moyen_de rési ster , et s'

i l peut en

triompher , i l con tracte u n esprit Qc rési sta nceet de vengeance qui devient le fléau de s a vie

Tel f ut p euprès mondestin. Que mes lee

,teurs ne soi ent donc p as surpri s sn, dans le cours

de monh istoire ils remarquent quel ques fru i ts

,des ma lheureux germes qui furent jetés dansmon coeur de s i bonne heure et a vec tant ,de

p rofusion. Quand j’

arrivai à bord de l a fré

gate tou t propos bl as phématoire ou obsc èneme fai sait horreur ; m ais mes orei l les ne ta r

dèrent pas à s’

y habituer et au bout de quel

q ues mois , j e ne fus pas plu s scrupuleux que‘les au tres . La forteresse de ma vertu aurai t pu

ten ir p l u s long—temps , ma is j e ne pu s rés ister

au ridicu le . Mes compagnons m’

a p pela ient

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5 2 FRANK MILDMÀY :

soupe au lait uet 1 la jeune miss et je devins b ientô t au ss i corrompu '

qu’

i ls l’

éta ient'

eux

mêmes .Je n’

éta is à bord que depu is deux j ours quand

mes jeunes amis m ’

invitèrent à monter su r le

grand mât . Je le fis avec p leine confiance ,car

j’

a va is monté sur b ien des arbres,mais quand

j e fus à mi—chemin je fus arrêté par le gabie rde la h une et u n autre matelot qu i me l ièrent

aux a grès . Je dei nanda i pourquoi l ’on me tr'aita i t

ain si,

et le gab ier me répond it très—civ ilemen t'en ôtant son ch apeau que c ’

éta it ce qu i se pra

t iquai t toujours à l ’égard de tou t o fficier q ui

montait pour la première fois sur le grand mâ t,

et que j e devais payer ma bien- venue . Je j etai

uncoup d ’

œ i l vers l e gaillard d ’art iere croyant

y trouver du secours mais ‘

ie vis que tous les

o fficiers , e t même les pet its coqu ins de midshipmen qui m ’

ava ient j oué ce tou r , me regarda ienten riant et s ’

amusa ient de mon emba rra s l Je de

manda i donc au gabie1‘ ce que j e devai s payer ,et i l me di t qu

une pièce de sep t sh ill ings serai t

regardée comme une gra tifica tion.

l ibérale . Je

lu i promis de faire ce paiement ; j e fus dél ié

aussi tô t,et j e t ie s ma promesse dès que j e fus

descendu .

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54 mum: mumu .

l’

a ecom p agha n‘

t d ’une ép ithète insu ltante. J 'ou

b l ia i en u n instant tous Jes avis que j’

a va is t

e

ç us ; et tout ce que l’

im p étuosité de mon carac

tère m’

a va it dé jà fait sou ffrir ; j e sen tis le sangme couler d u front , et bou ill ir en même tempsdans mes veines ; et dans u n accès de rage ,

j e

saisis u n grand chandel ier de cuivre , dont lep ied était Ÿèmp l i de plomb a fin de l u i donner

assez de stabil it é pour résister au roul is du na

vire , et j e le”

l u i j eta i au visage de toutes mes

forces : Il évite le coup qu i frappa à l ’ép aule le

pauvre do inestiqu‘

é nègre ; ét celui—ei reçut unes i forte côntus ion; qu

i l fut pl umeurs j ours ent1‘

e

les mai ns‘ du ch irurgien

Murphy se leva pou t“ se venger , mais i l futretenu par ses amis qui déela rèr

ent unan imement qu

une o‘

fl‘

énse tel le que cel le dont ΀ venais de merendre coupable , deva it ê tre punied 'unemanière plus solennelle . 011 s

'empere demoi ; on fit la s ir

11agrée d’

instruiœ mon procès,

et sans d ire .un seul mot de l a provocat ion que

j’

a va is reçue; on me décla‘

ra coup able d’

avo ir

manqué de subordination envers mes anciens

et d ’

avo ir donné mauvais exemple aux j e unesgens , eb l

omme,condamh a à être battu d’un ba s

de laine rempl i de'

sab le mouil lé . Quatre des‘

p lus

Page 60: E S - forgottenbooks.com trop de paresse pour prendre beau coup d ... tiquer une vertu qui nous était inutile à moins que nous n

FRANK '

1utonu . 55

forts m idshi pmen m’

étend irent sur la table , l e

dos eu l ’a ir, me tirèrent par les bras et par les

ïambes , et Murphy se Cha'r‘

gea du rôle d’

exécu

teur,tandis que l

a ide du chirurgien me tenait

le p oignet pour j uger , d’apres mon pouls , du

temp s que pourra it d urer la p unition . Murphys’

acquitta de se s fonctions à cœ ur j o ie mais j e

ne poussa i p a s un Cri , j’

aura is enduré la mort

plutô t que de lu i doühef le p l a is i1‘

d’

entendre

une seule p l a inte m’

èeha pper'

. Enfin, l a sueur

froide deb t ]‘

étâ is c‘

odV‘

e1‘

l et l a faiblessedemon

pouls alarmèrent l’

a ide du chirurgien , qu i m it

ñu à thon suppl ice après quoi on me déclara

qüe je dînera is s ur‘

ma cais se pendant qu inze

jours . Dès que j’eus repris hale ine

,et que j e fus

en éta t de th e tenir sur mes jambes , j e décla rai

dutonle plus solennel que chaque foi s que ie

sera is“

p tovôqué comme je l'avais été , j

agira is

comme ie venais de le fai te , et que‘

jem’ad res

sera is ensuite aucapita ine pour obtenir1ustice.

C'

est mo i , dis— je à Murphy ,qu i a i coupé

les courroies de votre hamac ; je l'a i fa it en‘

te

p resail les dece que vous a viez coupé deux foi s

cel les du 11'

1ié11 , et je vous p réviens‘

que, dusse—jeSouffrir le martyre , Vous ne commentez aucun

acte de tyrannie contre moi sans (me j’

en t ite

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56 p aw x mumu .

vengeance .

'

l‘

euc2-vous pour averti,et vous verrez

s i je vou s tiens parole .-Murphy p â l it , ,

et n ’ose

répondre , car il était lâche au fond du cœ ur.

Cette scène violente fut su ivie d ’une cessation

( l’

ho sti l ités , et j’

obtins de la cra inte de Murphyce que j e n’

a ura is p u obten ir autrement . Cettea fl

a ire fit du bruit à bord de la frégate . On la

représenta sous un faux j our aux o fficiers , et j e

perd is leurs bonnes graces mais j e gagnai cel les

de tou s les hommes de l ’équip age qui détestaient

Murphy. Il s connaissaient l a vérité et i l s adm i

rerent ma résistance déterminée à l ’o p pression.

Bann i de la société des o ffic iers j e recherchai

celle desmatelots , et j’

a p pris d’eux la part ie pra

t ique de ma profession . Je fis avec eux une sorte

de convention . Ils me promirent qu’

i ls ne dé

sertera ient j amais d ’une embarcation dont eu

ra i s le commandement et je leur promis de

mon côté que quand nous serions envoyés à

terre,j e leur permettrais d’aller boire au cabaret

quand je m’aurais pas besoin d ’eux . Deux d’entre

eux manquèrent pourtant à leur promesse laveille du iouroù nous levâmes l

’ancre , et comme

j’

ava is contrevenu à mes instructions j e fus

congédié du gaillard d’

a rrière , e t p lacé aumâ tde m isaine .

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CH A P ITRE I I I.

l ’on prend en considérat ion j e unesse ,

mon inexpérience et la faute véniel le que j’

ava i s

commise , les partisans les pl us rigides de la d iscip l ine refuseront à peine de convenir que ava1s

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58 FRANK M ILDMAY .

é té tra ité avec inj ustice e t cruau té par le pre

m ier l ieu tenant , qui , malgré mon respect pour

l u i , avait en cette occasion prêté l ’orei l le aux

d iscours ins id ieux de mes ennemis . Le second

l ieutenant e t Murphy ne cachèrent pas leu r seti s fgction de ma disgrace , i l s en triomp hèœ nt

ouvertement .

La frégate recu t tout aa coup l ordre de se ren

dre à Portsmouth,ou le capita ine qui éta i t de

pu is quelque temps en congé,deva it nou s re

j oindre , ce qu' i l fi t peu de iours après que nous

y fûmes arrivés,et le premier lieutenan t l u i fit

rapport de tout ce qu i s 'éta it passé pendant son

absence. I l y avai t a lors d ix j ours que j’

a va is été

congédie' du gai l lard d ’

a rrière ; i l ne m’

éta it pas

permis de prendre mes repas dans la cabine des

midshipmen ; on m'

envoya it ma ration , et j e la

mangeais sur ma caisse . Mes j eunes compagnons me parlaient quelquefoi s , mais ce n

éta it

qu’

a l a dérobée , car i ls craigna ient les autres ,qu i m ’

a va ient frappé d ’

excommunica tion. Les

hommes de l ’équi p age me regardaient comme

un iñ a ttyr ; i’

éta is devenu leur favori , e t ils se

faisaient dup la isir‘ de me donner des leçons sur

la manière de faire les nœ uds de prendre des

f i’

s‘

les cordages , de gréer les mâts et

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t 1tANn mumu . 59

les de ferler les voiles etc . eté: et je

conv iendra i franchement que mes momens les

pl us heu reux sur ce bâtiment furent ceux que

j’

y passai ; pendant ma disgrace ,dans la com

p agfl ie de ces braves gens .

Je ne pu is dire s i mes ennemis le découvri

rent ; ma i s le cap ita ine ,dès le lendemain de Son

arrivée , me manda dans sa cab ine , et me‘

fi t

unemercuriale s‘

évère; tant s ur mon carac tère

irritable èt querelleur, que sur l a faute que

j ’avels commise en l a isSant à deux hommes del’

équip age, les moyens de déserter .

“ Votre p u

nit i0n aurait été p l u s gra ve a j0/uta — tä l , s i

a tous autres égards votre condu ite n’

è û t é té

bonne en général , et comme‘

j’

esp ère que cet

acte de sévéi‘

ité‘

feta 1mp ressi0n su‘

i"

vou5, je vou s

perfi i ets de rep rendre vos fonctions surlegai l la i‘d

d’

a fi ièré :

Mes pleurs ; que nul a cte de brutal ité ; nulmauvais tra i tement , n

aura ient pu arrache} de

mes yeux cbü lèrént a lors en abondance , et i l Se

passa quelques iustans avant que j e pusseremetc iie1‘ le capita ine de sa bonté et l u i expl iquer la

Ca use de ma disgra œ : Je lui d is que depuis que

j’

etais à bord de‘ sa frégate j’

a va is touj ours été

tra i té comme le de1‘nier des hommes ; que lui

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60 FRANK M ILDMAY .

seul l’avait ignoré , et que lui seul s’

éta it con

du it à mon égard avec human i té . Je lu i racon

tai alors tout ce que j’avels eu à sou ffrir depu is

le fatal verre de vin qu ’i l m ’

a va it offert , j us

qu 'au moment où ie l u i parlais . Je ne l u i cachai

ui que j’

a va is coupé les courroies du hamac de

Murphy,ui que j e lui avais j eté un chandel ier

à la tè te et j e l ui expl iqua i ce qu i m ’

y avai t

porté . Je l ’a ssura i que j amais j e n ’avais provoqué

personne , et que j e n’avais jamais porté un coup

sans en avoir reçu un le premier . J’

a voua i que

j e ne pouva is supporter une insulte ou une inj une

san s m 'en venger , autant que j e le pouvais .

Cela est dans ma nature,l u i d is-je ,

et quand i l

devrait m 'en coû ter la v ie,j e ne saurais m ’en

empêcher. Plusieurs hommes de l 'équip age ont

déserté depu is que j e suis à bord ; les o fficiers

qu i commandaient leur embarcat ion en ont été

qu ittes pour une légère réprimande , et moi ,encore novice dans les devoirs dema profession ,

l’

a i été puni de la même faute avec une rigue urinflex ible.

Le capi taine écouta m a défense avec attention ,et il me parut frappé de ce que j e lu i avais dit .J

a p p ris ensuite queM. Handstone avait été re

p rimaudé pour sa conduite trop sévère à mon

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FM N:@ mumu .

l ier , umcoutea u ou une fomæ:h&üe à l a têtede

9MÂGQq 1m \xshe nous ; le seconddene =iamai s 110115 l a isser. p nisærde ce qui nous

légitimemmä dû ; d’

amis une p art éga le«le WW Œdesquel les nousm s fibl îgcéfi gde,ço,nÿibgerégal ement , et ( 11013:

tenup ar l’

adresse .9 6 dont 9 11 nous déaoeifleît

p arJe fonce .

Je l eur .exp l iqua i qu’

en—exëcui ant l a pnerni ère

p amie .de 1meu plan nous é t ions sûns d’

ê tre du

mo in s »tra il és a vec e ivi li té ; -car les _tyrans .engie:

néra l sent lâches ,et i ls cna iä1dæa ient de pmve

quer uneco lèæe, qui, dans ,un malheureux mo, :

ment po urrai t leur d eveni r fatal e , ou les estro

p ier =pour tçmte -leur vie ; et ,je leur promis que

s ’i ls se c oni orma ien,t _à la seconde j’

a ssurera is

un partage égal des pnovisi ons dont no s anta

gonistes se ;rézserva j ent Jouiouns‘

la mei lleure

pa rtie ., quoique eha ç,uu de nou s en payât s a

p ant . ,Je «trouva i sur,ce p oint .une £ 00p ér,

a tion

pl us unaniæneq ue sur le p rem ier a ttendu qu’i l

entraîna it m o ins «le risques personnels . J ’

eta is

le chef «des ifiourvagew‘

s , ie .dnessa is le plan gie

nos expéditions , ,et .el les ,réussissai ent presque

touj ours .

{Enfin gnimes à .la voile p;our ,a l ler j o in

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mm s 63

dre la flotte de Cadix sous les ordres d e lordNelson. Je fus attaqu é du m a l de mer, commeune belle dame sur l e paquebot de Douvres à

Calais , ma is j e ne ta rdai p a s à m’

habj tuey au

roulis du va issea u , Nous rej o ignîmes l’

immortel

Nel son quel ques heures avan t la bataille dans

laquelle il p erd it la vie et sa uva son pays . L’

his

to ire de cette j ournée importante a été écrite

tant de fois .et avec tant de déta ils , que j e ne

puis a ioutep que bien peu de chose à ce qu’

onen sait déjà, _Je sui s seul ement s urpri s vu l a

confusion qu i regne dans ,un combat p am] ,

qu ’on p uisse ,en faire une description .s i

,cig

constandée. _Une observat ion me frappa alors ,et plu s j

y a i réfléch i depui s ,ce temps , plus j’

a i

été conva incu qu’elle éta it j uste ; ,

c’est qu’

une

fois la bata il le commencée l'

am ira l n’

éta it p lus

amiral ; il ne pouvait ui voir ui être vu i l ne

p ouva it ui profiter des points faibles de la ligne

de l’

ennemi ni défendre les siens : son va isseau ,la Victoire

, un de nos p lus beau ; na v ires ,à

tro is ponts , était ,en quelque s orte , attaché

bord à bord à un vaisseaufra ncais de .qua tre

S’ingts canonsJe n’

oubliera i p meis l’

efiçt électrique que p roduisit sur toute la flotte les igna l du combat ;

Page 69: E S - forgottenbooks.com trop de paresse pour prendre beau coup d ... tiquer une vertu qui nous était inutile à moins que nous n

64 FRANK mumu .

on ne peut le comparer qu'

a une mèche a p p l i

quée à une longue ti a îuée de poudre , et comme

les Anglais sont partout les mêmes,le même

esprit,le même enthou siasme se montrèrent sur

tous les na v ires . A bord du nôtre ,no s hommes

se p lacèren t à leurs canons sans con fusion et

un courage calme et déterminé se peignit sur

toutes les physionomies .La frégate de mon capitaine Il eta it pas placée

dan s] la l igne et par conséquent i l n’

ava it pas

besoin de s’a vancer à portée de canon avant d’

y

être appel é par un s ignal . Cependant il crutdevoir s

a p p rocher'

lde nos vaisseaux engagés ,auss i près qu ’i l était possible afi n de pouvoir

les aider si le cas l 'ex igea it.Dès que la fl otte s’avança pour attaquer l

’en

nemi nou s en fîmes autant,nou s tenant le p l us

prè s possible de l ’am ira l qui nous chargea de

répéter ses signaux .

Je fusémerveill é de la ra

p id i té avec laquelle j e voyais déployer au haut

de 1165 mâts les mêmes drapeaux qui venaient

d’

être arborés à ceux du vaisseau amiral .

Le lecteur peut ne pas savoir que,dan s un

combat naval entre des nations civil isées,les vais

seaux de l igne ne font j amais feu contre les'

fré

gates à moins que cel les—ci ne provoquen t les

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FRANK M I LDMAY . 65

hostil ités en intervenant , ou qu’elles ne com

mencent el les—mêmes le feu. Cc fut ce qu i ar

riva sur le Nil quand sir James Sauma ver ,à

bord de l ’Orion, se vi t dans la nécess ité de couler

l'

A rte'

mise à fond d ’une seu le bordée,en tecem

pense de sa témérité. Grace à cette espèce de

p aæ in bel la , nous aurion s punou s t irer de cetteaffaire sans encombre , s i nous n

eussions reç u

notre bonne part d u feu dirigé contre de p lusgrands bâtimens .

Des nuages de fumée eouvr1rent bientô t lesdeux flo ttes

,et ce n’

éta it que lorsqu’

i ls se d is

s ip a ient un peu sur u n point , qu’on pouvait

apercevoir des mâts qu i tombaient et quelques

nav ires entièrement démâtés . Notre capitaineayan t reconnu qu

un de ceux-ci était angla is, et

le voyan t entre deux bâtimens ennemis, s

a vanç a

pour le prendre à la remorque . Aumême instan t

un vaisseau de ligne françai s ouvri t son feu sur

un des nôtres qu i se trouvait en l igne directe

avec nous , de sorte que les boulets qui n’

a ttei

gna ient pas leur bu t nous arr ivaien t quelque

fois . Je regardais par un sabord ,à l

instant oùun boulet frappa la poupe de notre frégate à

fleur d ’eau . C’

éta it la première fois que j e voyaisl’

effet d'

un bou let , et i l me fit rej aill ir l 'eau sur1 . 5

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66 FR ANK M ILDMAY .

l e visage . Je recula i eu tressaillan t,et j e cro i s

que plu s d ’un homme brave en a fa i t autan t en

voyant le feu de s i près pour l a première fois .Deux desmarins placés à mes canons se m irent à

rire . Je rougis de honte , et j e me promis biende ne p lus montrer la même fa iblesse.

Quelques autres bou lets su ivirent le premier,

et nous firent plus de mal . L’un d ’eux entra par

le même sabord , et tua près de moi les deux

ho înmes qu i avaien t ri à mes dépens .

I l me serait d iffi c i le de décrire ce que l é

pro‘

u‘vai en cette occasion : Six semaines aupa

ra va ht j’

éta is le p i llard d’un verger et d ’un pou

l a i llè‘1‘ , le héros d’un étang; et , tout à coup ,

p resque sans y avoirréfléchi , j e me trouvais aumilieu ducarnage, et acteur d

unde ces grands

drames qui devaient décider dudest in du monde

civili sé .

La circulation accélérée de mon sang la

crainte de la mort , qu i pouvait me frapper àcha que instant , la crainte encore pl us grande de

l a honte,me forçaien t à changer sans cesseet in

volontairement de position,et il me fal lut q uel

que temps et tout le pouvoir de ma ra ison pour

faire rentrer le calme dans mon espri t . J’

yréuss is

enfin,j e me sent is aussi tranquille que s i nous

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FRANK mumu . 67

euss ion s été dan s le port,et j e fus honteux de la

frayeur et de l a consternation dont j’

a va is d ’a

bord été sa isi .

Vers quatre heures après—m idi , le feu ava i t

commencé à diminuer la fumée se dissipa e t

l a mer,calme jusqu

a lors , commença à êtreagitée par une forte bri se . Les deux flottes sem

bla ient regarder tranqu illement les désastresl ’une de l ’autre . Nous restâmes en possess ion dedix-neu f à v ingt bâtimens ennemis . Nous aper

eûmes quelques vaisseaux ennemis se d irigean t

vers Cadix ; quatre au tres nous passèrent sous le

Vent et s’

écha p p èrent ainsi . Voyant un canot d’un

de nos nav ires passer près de nous j’

y sautai

j’

a p pris la mort de lord Nelson et j e rev ins en

faire part à notre capitaine . Après avoir payé son

trib ut d’

a dm ira tion à la mémoire de ce grandhomme il me regarda d ’un air de sat isfaction .

J’

éta is le seu l des j eunes m idsh1pmen qui eût

montré de l ’a ctivité pendant le combat , e t i l me

chargea de porter un message à un navire qu i

éta it à peu de distance . Le premier l ieutenant

l ui demanda s 11ne choisira it pas un o fficierpl us

expérimenté N on,non

,répondit le cap ita ine

,

c’

est l u i que ] en charge ; j e vous réponds qu’i l

sai t ce qu ’i l fa i t. Je p arti s à l’

instant même , et

Page 73: E S - forgottenbooks.com trop de paresse pour prendre beau coup d ... tiquer une vertu qui nous était inutile à moins que nous n

68 FRANK mumu .

j e ne fus pas peu fier de cette marque de con

fiance .

Les déta il s de cette j ournée célèbre sont con

signés dans l ’h isto ire ; i l est donc inutile de les

rapporter ici . Quand j e me trouvai à souper

avec mes compagnon s dans notre cabine,j e fus

presque fâché de voir Murphy . Je m’aurai s pas

pleuré s i quelque boulet bien faisant l ’avai t

é loigné de moi pour touj ours mais son heure

n’

éta it pas arrivée .

— Lediab le a fait un bon coup de fi let a ujour

d’

hui,dit un des plu s anciens midshipmen .

— C ’est dommage,pensai-ie que vous n’

étiez

pas dans le fi let, vous et quel ques autres que j e

pourrais nommer .

J’

esp ère ,dit le pourvoyeur de la table ,

que quelques l ieutenans ont perdu leurs qu il les ;cela nous donnera quelque chance de promo

t ion .

Lorsqu’

on eu t fait la revue de l equip age i l

se trouva que nous av ion s perd u neu f hommes

et que nou s av ions treize blessés . Cc résultat, au

l ieu d ’

1nsp 1rer des regrets , me paru t faire naître

un sourire général de fél icitation causé par le

pet it nombre d ’

hommes que nou s avions perdus .

Cependant la va n ité de quelques otÏiciers paru t

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70 FRANK mumu .

lente to ile blanche de Russie . Eh bien !! nous en

fîmes des pantalons pour tou t l ’équip age, et sur

le compte—rendu de cet acciden t el le figure

connue tombée dan s la mer avec le bâton de fee.

Or, pu isque nou s trichons a ins i notre oncle

George, pourquoi ne tricherais-ie pas de même

mon père ? Je l u i dira i que ma caisse a été jetée

par—dessu s le bord a vec tout ce qu ’elle contenait

et i l faudra b ien qu ’i l me fourni sse un nouvel

équ ipement complet.—Et vous avez réellement dessein de le trom

per ainsi ?

Si j ’en ai le dessein? bien certainement,

nigaud que vou s êtes . Comment pourrais—jem

entretenir de l inge et d ’

habits si j e ne p rofita is

pas d ’une si bonne occas ion ?Je résolus d ’en faire autant . Il ne me v int pas

même à l ’esp rit que s i j e disais franchement àmes parens que i

ava is besoin de l inge ou de

vêtemens , i l s me fourniraien t sans hés iter ce qui

pourrait m’

ètre nécessaire pour me montrer'

sur

le gaillard d ’

a rrière vêtu en en fant de bonne fa

mille . Je savais dire la vérité quand j e croyais

qu’el le pourrait m’

ètre utile mais j e venais de

recevoir une leçon d ’

a stuce et j e rés ol us de la

mettre en prat ique a imant mieux employer

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FRANK M I LDMAY . 7 1

toute mon industr'

1e à trom p er mon père , que

d a rriver aa mon but par des moyens francs e t

honorables .

La frégate avait besoin de quelques répara

t ions e t quand nou s fûmes arrivés à Spithead ,

j obtins grace à l ’indulgeuce du cap itaine , qu i

éta it satis fai t de ma conduite la permission de

m’

a bsenterpour aller chez mon père , et j e perd isa in si une excellenteoccasiondem ’

instruire dans

toutes les parties de ma pro fess ion qu i ont rap

port au radoub d ’un nav ire . Cet avantage fut

sacr ifié à mon impat ience de revoir la ma i sonpaternelle mais surtou t au désir que j

a va is defaire à mes pareus un récit m agnifique du com

bat glorieux auquel j’

ava is assisté ; de leur dé

crire ce que j e n’avais pas vu et de me vanter

de ce que j e n’avais pas fait . J’

a ima is à produ ire

de l ’eifet , et d’

a pres les renseignemens que j e

trouva i dans une lettre que j e reçus de ma ‘

sœ ur

avant mon départ de Spithead j e m ’

a rra ngea i

pour arriver chez mon père à l ’instant où unecompagnie nombreuse se mettait à table . Je

n’avais été absent que trois mois

,mais c ’

éta itma

première croisière,et j

a va is vu tant de choses !

j e m ’

éta is trouvé dans des situat ions s i inté

ressantes !

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CHAP ITRE IV.

l in a rrivant chez mon père j e frappa i à la

po rte sans fra ca s . Un domestique me l ’ouvrit,

et sans lu i d ire un seul mot j’

entra i dan s la salle

à manger ; j e couru s au hau t bout de la table ,et j e j eta i mes bras au tour ducou de ma mère .

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74 FRANK M I LDMAY .

Elle ne fit que s ecrier Juste ciel,mon cher

en fant ! et perd it connaissance. Mon père qu iservait la soupe , se leva pour m

embra sser,et

pour donner des secours à ma mère . Toute la

compagn1e se leva en même temps comme une

compagnie de perdrix et une pauvre dame

ayant été poussée par le coude de son voisin al’

instant où une cu il lerée de soupe allai t passer

par les portes de rose de sa bouche la reçu t

tout entière sur sa bel le robe de sat in . Le pet it

épagneul Carlo j appait pour me demander unecaresse ; en un mot

,tou t étai t en confusion

dans la salle .

L’

ordre se rétab li t pourtant bientôt ma

mère revint à el le et m ’

embra ssa tendrement

mon père me serra la main toute la com

p agnie déclara un fort beau j eune

homme . Les dames reprirent leurs place s ,et j ’eus la satisfaction de voir que mon appari

t ion ne leur avait pas fai t perdre l ’a p p étit. Je

dus les convaincre que le m ien était excel lent ,car la table des midshipmen ne m

’ava it pas m is

hors (l’état de fa1re honneur au l uxe d ’un grand

dîner,et je ne me fis pas pr ier pour rendre rai

son le verre à la menu ,_à tou s ceux qu i m

y

invi tèrent .

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FRA NK MILDMAY . 75

Je fis une descript ion fleurie du combat naval

j e donnai des éloges à la bravoure de quelques

ca p ita ines ; j e critiqua i l a conduite de plusieurs

autres i l y en eut même que ’accusai de 5 ’

être

mal comportés . De temps en temps,pour mieux

faire entrer la conv iction dans l ’esprit de mes

auditeurs, 1 entrelardais mon réci t d

’un j ure

ment : alors , mon père prenait un a ir grave .

ma mère leva it un doigt,les hommes riaient ,

et toutes les dames se d isa ient L’

a imable en

fant ! Quel ton an imé ! Quel espri t !

Quel d iscernemen t ! Et 1e me disa is àa mel

même Quelle troupe de fol les ! auss i sottes

qu’

aucune mouette qu i a it jama i s ramassé un

morceau de biscu it !

Le lendemain matin pendant que etais en

core frais arrivé j’

entam a i le su jet de ma ca isse

pendant le déieûner. Mon père m ’en avait heu

rousement fourp i l’

occa s ion,en me demandant

comment se trouvait ma garde-robe .

En fort mauvais état répond1s—w en cas

sant mon troisième œ uf.

En fort mauvais état ! répéta mon père.

Comment cela se fait- i l ? vous‘

a viez ui1 equi

p ement très-complet en partant .

Sans doute,mon père

,mais vousne savez

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76 FRANK M I LDMAY .

pas qu’

à bord d ’un vaisseau de guerre quand

on se prépare a u combat , on jette à l a mer tout

ce qu i se trouve sou s la main , pourv u que ce

ne soi t pas un ebiet trop pesant . A qu i est

ce carton de chapeau ? demanda le second

l ieutenant sur l ’entrep ont. A M. S p rat t mon

s ieur Aud iableM. Spratt ! j e l u i apprendra i

à mieux placer une au tre fois son carton de cha

peau . Et i l le jeta à la mer .

Et le vôtre eut—i l le même sort , Frank ?

Certainement , et j e les vis voguer de con

serve pendant cinq à six minu tes .

Mai s votre caisse , Frank ; qu’est devenue

votre caisse ? vous m ’

a vez dit qu ’on ne j etai t

pas à la mer les objets trop p esans , et j e

sais à mes dépens qu ’e l le étai t d ’

un poids con

sidéra ble.

Vou s avez raison , mon père , mais vous

ne pouvez vous figurer combien elle étai t deve

n ue plus légère depu is que nous ét ions en mer .

J ’

etais étendu sur m a caisse , malade comme

une baleine , quand le premier l ieutenant descendit pour faire son inspection . Mon arche deNoé et moi nou s nous trouvâmes sur son chem in . Qu

a vons-nous là ? Cc n ’est queM. M i ldmay et sa caisse , monsieur , répondit

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78 FRANK MILDMAY .

monsieur ou 1 , répondit le charpentier.A llons , j eune homme , levez—vou s et donnez

i no i la clef . Je sava is qu ’i l é tait inut ile de faire

des remontrances,et d’

a il leurs j’

éta is trop ma

lade pour y songer. Je remis la clef de ma caisse,

et tout Cc qu ’el le contenait fut vidé sur le pÎ àncher . Tous les m idshipmen s

éta ient assemblés

en cercle pour voir cette opérat ion et les pots

de confiture le pain d’

ép ices toutes les bonnes

choses que vous y av iez mises,ma chère mère

disparurent en un instant et même une bonne

part ie de mon l inge .

Eh bien eh bien , dit ma mère , n’

y

pensez plu s nous réparerons cette perte .

Il le faudra b ien , à ce que je suppose dit

mon père d ’un ton un p eu sec ; mais pl us de

confitures ui de pain d ’

ép ices , s’i l vou s plaît .

A chevez votre h istoire Frank .

Au bout d ’une demi—heure on me rend i t

la clef de ma caisse ; mais on aurait pu en ré

duit e les dimensions encore davantage , car ce

qu ’on avait b ien voulume laisser ne la remplit

guère qu’

a moitié .

Et j ette—t-ona insi toutes les caisses à la

mer au moment d ’une action?me demanda mon

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FRANK M I LDMAY . 79

xant sur moi un regard que j’

eus

ine à souten ir .

Ou y jette tout ce qu i p eut gêner lesmanœ uvres .

Et vos l ivres que sont-i l s devenus ?

Il s ont eu le même sort à l ’excep tion de

ma bible,parce que j e l’avais l a issée dan s l a ca

bine,où j

éta is à la l ire la vei lle d u combat.

Excel lent en fant ! s’

é0ñ èrent en même

temps ma mère et ma tante ; j e su is sure qu‘i lne d it que la vérité .

— Je l’

esp ère , dit mon père en se p inçant le s

lèvres mais i l faut convenir que ces combats

sur mer quelque glorieux qu’

i ls pu is sen t ê tre,

sont des amusemens dispendieux pour les familles des j eunes midshipmen .

Je cro is que mon père ava it quelques soup

cons ; mais s’i l en ava i t

,i l ne les fi t point p a ra î

tre et i l ne m ’

a dressa plus aucune question,

peut—être pour ne pas me donner occas ion de

faire de nouveaux mensonges .

Je dois avouer ici à ma h0nte que je n’ava is

ouvert qu’

une seule fois l a bible qu i avait pro

du it un efl°

et s i favorable pour moi dans l ’esprit

de m a mère et de ma tante ; et c’

éta it pour

vo i r s i l ’on n’

y avait p a s m is q uelque billet'

de

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80 FRANK MILDMAY.

banque entre les pages ce que l a vaî îiä tendu

dire qu’on fa isait quelquefois , p our recon

naître ensu ite s i le l ivre avait été ouvert.

Ou me prépare un nouvel équ ipement a vec

d’

autant plus de célérité , que j e commença i

promptement à me rendre à charge à tout lemonde : les a 1rs de marin que j

a fi'

ecta is de

prendre et les juremens que j e me permetta is

ne semb laient pas convenir dans un salon ; mesmanières à l ’éga rd des servantes ne plaisaient

p a s à ma mère ; en un mot j e crois que per

sonne de l a maison ne fut très—fâché de voir

arriver la fin de mon congé . Moi—même , ayantobtenu tout ce que j e désira is

,j e parti s presque

sans regret ; j e m9nta i dans la diligence de

Je fus reçu avec cordial i té par mes anciens

compagnons,à l ’excep tion de Murphy et de

quelques—uns de ses amis . J’

a va is eu soin de

me faire donner de beau l inge et des habits du

meilleur drap,car j

a va is remarqué que les

m idshipmen qu i étaient le mieux mis étaien t

tou j ours ceux que l ’on chargeai t des m is

s ions les plus agréables . Aussi , à part ir de ce

moment , c’

éta it touj ours moi qu i al lai s cher

cher et qui reconduisais à terre les dames qu i

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FRAN K MILD)IAY . 8 1

ven a ien t d îner à bord avec le capita ine ou les

o fficiers . Dans le fai t je me présentai s assezb ien j ’eta is b ien fai t et quoique j e fusse grand

et fort pour m on âge,l es dames me permet

ta ient de grandes l ibertés sous prétexte que

j’

éta is un enfant , l’

innocence même . Cepen

dan t j e m ’

observa is plu s à bord que dans l a

m aison de mon père mais c ’

éta it l’

effet nature l

de l a d iscipl ine , et cette retenue n’

éta it qu’

exté

rieure. J’

a va is acqu is tant d’

a ssurance par le

succès que mes mensonges m ’

ava ient obtenu

d ans la maison paternel le que ma confiance en

mo i-même s’

éta it accrue à‘

un degré incroyable.

Les avent ures d ’un midshipman , pendant les

trois premières années de son service,ne peuvent

o ffrir que des répétit ions qu i n’

insp irera ient a u

cun intérê t. Je prie donc mes lecteurs de m ’en

visager à présent comme ayant atte int l’

ä ge de

s eize ans . Ma taille et mes traits avaient pris u nd éveloppement dont j e pouvais être fierpu isque

j’

entenda is souven t le beau sexe en faire l ’éloge,et la sentence des dames était confirm ée même

p ar mes compagnons.

Si mon esprit avai t gagné autant que mon

corps ce n’

éta it pas d u côté de la morale et de

l a rel igion , car je dois a vouer que j e les oubl iais

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82 FRAN K mumu .

davantage de j ou r en j ou r. Comme unbeau ser

pent , dont le ven in est caché sou s l’or et l ’am i

de sa peau , mon cœ ur ne recéla it que des sen

timens d'

orgue“et de vengeance et en général,

je ne me serv is de mes taleus que pour le mal .Je fis de rap ides progrès dans les connai s

sances nécessaires à ma pro fess ion . Nou s n'

a vions

pas de maî tre pou r nous instru ire , et tandis que

les j eunes m idshipmen cherchaien t à a pprendre

des plu s anciens la rout ine dumétier , moi , qu i

n’

éta is nul lement le favori de ceux-c i j’

éta is ré

du it à mes propres ressources . Je résolu s donc

de suppléer moi—même à ce qu i me manquait ,et j

y réu ssis à l’aide de l a benne éducatio n que

j’

a va is reçue . En sortan t de pension ,j e con

naissais déjà les mathématiques , ce qu i me donnait une grande supériorité sur mes compa

gnons .

La grande difficul té fut de me mettre au tra

vai l après pl us ieurs mois d’

o isiveté . J’

y réuss is

p ourta nt et après avo ir passé u n eusur mer ,

j’

éta is en état de faire l ’estime de la route du na

v ire e t j’

envoya is au cap itaine l’

ouvrage de ma

j ournée . Mon manque total d ’

instruction p réa

l able dans la science de la navigat ion me devint

même uti le en me forçan t d’

étud ier avec p lus

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FRANK MILDMAY . 85

d’

a ttention , et d’

a p p ro fond ir les principes sur

lesquel s j e basai s ma théorie,de sorte que ie

pouvais prouver par démonstration m a théma

t ique ce que les au t res ne pouvaient dire que

par routine .

Le désir de s urpasser mes anc ien s et l’espoir de

p ouvo irm ontrer l eur ignorance furent pour mo i

de nouveaux st imulan s . Les l ivres qu i , à ce que

i’

a va is dit à mon père , ava ien t été j etés à l a mer,furen t t irés du fond de ma cais se

,et l u s avec

avidité . J ’en emprunta i d ’

a utres aux o fficiers , et

j e doi s leur rendre la j u stice de dire qu’

i l s me

les prêtèrent avec la p l u s grande bonté,et qu

i ls

me permirent même de trava i l ler dans leur cabine.

Je pris au ss i d u goût pour la lecture . Je re

nouvela i connaissance avec les auteurs class iques , ct Virg ile , Horace et Ovide devinren t ledélassement de mes études plus s érieu ses .

A ins i,tandis que l a méchanceté des m idship

men les p l us ancien s croyai t me nuire en me

laissant dans l ’ignorance i l s me rendaient le

p l us grand service poss ible en me forçant à trava i ller par moi—même . Je continuais à être assez

ma l avec quelques offi ciers , en guerre ouverte

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84 FRANK MILDMAY .

a vec une partie des m idsh ipmen,et le favori dé

c la ré des plu s jeunes et de tou t l ’équip age.

J ’avais une belle voix et j e j oua is passab le

ment de la flüte . Ce double talent me faisait in

vi tor assez souvent à l a table des o fficiers où j e

buvais plus de vin et de greg qu ’i l n’

aura i t été à

propos , et où j’

entenda is des conversat ions qu’i l

a urai t m ieux val u que j e n’

entend isse pas .

Nous reçûmes ordre d ’aller croiser sur lescôtes de France ; et le contre-amiral du port ,ayant de l ’humeur contre notre cap itaine , j ura ,de par l e diable

,que nou s part irions , prêts ou

non. Le signal d u départ nou s fut donné pen

dant que les sergens qu i nous apportaient des

provis ions et de la poudre en touraien t notre bâtiment. Cc signa l fut répété pl u s ieurs fois

,et

le cap itaine craignant les conséquences d ’un

retard s i le contre-amiral en instru isai t l ’Am i

ra uté par le télégraphe,f i t j eter à la hâte sur le

pont tou t ce qu i se trouvait sur les barques et

nous mîmes à la voile avec un bon vent d u nord,

dans un état de con fus ion que j e n ’ai j amais vu.

Plus on se hâte moins on avance est un

proverbe dont la véri té se fai t sen tir en mer plu s

souvent que partout ailleurs . i l est certain que,

dans l’

éta t de désordre où nous étions s i nous

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86 FRANK M I LDMAY .

Chacun ava it le cœ ur brisé en voyan t les efforts incroyables que faisa i t ce malheureux pour

regagner le vaisseau efforts qu i ne servirent qu’

a

prolonger son agonie . Nous le vîmes p resqu’

à

un mil l e du vent , tantôt sur la c ime d’une va

gue,tantôt disparaissant dan s l ’ab ime qu i s ’ou

vra it entr’

el les et enfin i l ne se remontra pl us .

Dans le temps de cet acciden t j e pensai que lecapita ine ava i t été cruel en refusan t de mettre

un canot en mer pour le s auver ; mais l’

exp é

rience m’a convaincu ensuite qu ’i l n’

ava it fait

que céder aux lois d’une dure nécess ité,et que

de deux maux i l avait chois i l e momdre.

Le sort de ce ieune soldat fut une leçon pour

moi . J ’étais devenu par hab itude si act i f et s i

a gile , et j’

eta i s s i fier de le prouver en faisant ce

qu ’on pourra i t appeler des tours de force de ma

rine , que les p lus anciens maîtres de timonnerie

et l a plupart des o fficiers préd isaien t que j e me

briserais les os en tombant sur le pont , ou que

j e me no ierais en tombant dans la mer,car le

montais au hau t des mâts et j ’en descendais

au ss i v ite qu’

un singe aurait pu le faire . Je m ’a

m u sa is à courir le long des vergues des hunes

jusqu’

a ux taquets ; à passer d’

un mât à l ’au tre

par les éta is ou à descendre sur le pont en un

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FRANK MI LDMAY . 87

cliu-d’

œ il par les drisses des hunes . Je ne cra ignais pas de me noyer

,ca r j e savais que j ’eta i s

excellent nageur. Mais quand j ’eus vu périr ce

pauvre homme qu i nagea it encore m ieux quemoi

,j e devins plus c irconspect . Je reconnu s

qu ’i l y a des occasions où i l ne suffit pas de savo ir

n ager ; et quelque bonne volonté qu’

eussent

pour moi les hommes de l ’équip age ,i l éta it

éviden t qu’

i l pourrait être hors de leur pouvoirde venir à mon secours , quand même ils en au

raient le plus grand désir .

Un événemen t qu i arriva à peu près dans lemême temps me causa beaucoup de sat isfaction .

Nou s av ion s à bord u n jeune homme fort aimable et fort tranqu ille qu i y étai t venu comme

midshipman su rnuméra ire pour rej oindre son

vaisseau qu i éta it dans la baie de B iscaye .

Murphy,dont le caractère impérieux voulait

tou j ours dominer l u i chercha querel le. Le

j eune homme,malgré toute sa douceur , n

éta it

pas d’

humeur à sou ffrir une insul te , i l somma

Murphy de lu i en faire raison en boxant avec

lu i,et Murphy n ’osa refuser . C omme le surnu

m éra ire avai t été inv ité à dîner avec le cap i taine ,i l proposa de fixer l ’heure du combat dans la

soirée , ne vou lant pas, dit—i l , paraître à la table

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88 mummumu .

du capita ine avec un oeil poché . Murphy ré

pondit par une nouvel le insul te en l u i disant

qu ’i l ava it besoin de pu iser son courage dans

le v in et que s i le cap itaine ne lui en donnaitpas assez , i l ne se battra it pas p lu s le soir que lematin .

Le jeune homme ne répondi t rien à cette iu

sul te . Il al la dîner chez le capitaine , et appelant

ensu ite Murphy dans la grande chambre , i l l u idonna la meilleure leço n qu ’i l eû t encore reçue .

I l connaissa it si b ien l ’art de boxer , et faisait uns i bon usage de ses poings

,que M urphy ne p ut le

toucher une seule fois , et que l’

étrangerau con

traire ne frappait pas un coup qu i ne portâ t.

Au bou t d ’un quart d’

heure , Murphy , hors

d’

ha leiue et le visage meurtri et couvert de sang ,se déclara va incu et se retira a umil ieu des huées

de presque tous les m idshipmen , m a voix re

tentissant par—dessus toutes les au tres .

Après une preuve si évidente des avantages de

cette science , j e résolus de m’

y perfectionner ,et avec le j eune surnuméraire pour maître , j e

fis des progrès très—rapides . J ’eus deux ou tro is

occasions d ’en donner des preuves,ce qu i me

procura une tranqu ill ité qu ’on trouva i t alors

qu’

i l était dangereux de troubler. La balance du

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FRANK MILDMAY . 89

pouvoir s’

établ it ainsi , et Murphy lui-même dev int plus civ i l , ou d u moins cessa de m

insul ter.

Parm i les devoirs que j’

a va is à remp l ir,i l en

était un auquel j e ne pouvais m ’

habituer c’

éta it

d’

ê tre de quart pendant la n uit . J’

a im a is à dor

mir ; c’

éta it un besoin pour moi , et après d ix

heures d u soir , j e ne pouvai s ten ir mes yeux

ouverts . Ni les seaux d’eau qu ’on me jetai t sur

le corps ui les remontrances ui les pun itions del’

o ffic ierde quart ne pouva ient me ten ir évei llé

quand j’

a va is fai t la moitié de mon quart . J’

é

ta is comp létement dévoué au cul te deMorp hée,et j e me soumettais pour l 'amour de lui à toutesles persécutions poss ibles . Le prem ierl ieutenant

me mit de son quart , et il employa tour—â-tour la

douceur et la sévérité pour romp re cette mau

vaise habit ude . Je trouvais tou j ours l e moyen

d’

écha p p er à ses regards ; j’allais me cacher et

dormir dans quelque coin et le lendemain ma

t in j’

éta is sûr d’

ê tre envoyé au haut du grand

mât pour faire pénitence de mes œ uvres de té

nèbres , pendant quelques heures du j our . Mais

j’

a va is so in d’

yporter des l ivres et au total mon

temps était peut-être mieux employé que s i j e

fusse resté sur le pont ou dans la cab ine .

M. Handstone prena it beaucoup d’

intérêt au x

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90 FRANK MILDMAY Â

j eunes oŒciers qui étaient sous ses ordres et i lvoyait avec pl aisir les e fforts que j e faisa is pou r

m’

iùstruire. I l me faisait souvent des remon

trances sur m a condu it e nocturne,e t ma ré

p onse 1nva riable était que j e s enta is comme lu i

que j’

a va i s tort de dormir quand mon devoir

était d’

être éveillé ma is que je ne pouvais m ’en

empêcher , que j e méritais les p unit ion s qu’i l

m’

infl igea it , et que j e m’

a bandonna is à sa mer

ci. Souvent il m'

a p pela it p endant son quart

sur le gail lard d’

a rrière, et appuyé sur l a bal a stràde da

côté o pposé au vent i l conversai t avec

moi sur les su jets qu ’il croyai t pouvoir m ’

inté

resser ou m’

amuser , a fin de m '

em p êcher de

dormir . Voyan t que j e connaissais passablementl’

hi sto ire,i l me demandaitmon opinion s ur d if

férens points me donnai t la s ienne , et touj ours

a vec beaucoup de bonsen s et de j ugement . Maismes paupières ne s

en appesantissaient pas

moins , et au mil ieu d’une longue d issertation,

ie tombais endorm i a u bas de l a balu strade .

Quand cela m ’

a rriva it j e n’en étais que plus

sévèrement p uni le lendemain car c ’

éta it non

seu lement négliger mon devoir,mais avoir l ’air

de mépriser mon o ffic ier supérieur et les in struo

tions qu ' il voulait bienme donner.

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FRANK MILDMAY . 9 1

Enfin'

je m’

a ttira i un soir complètemen t sa

d isgrace, quo iqu

i l y eût b ien des choses à d ire

en ma faveur . I l m ’

a va it envoyé à sept heures

du matin au haut d u mâ t de m isa ine , pour me

pun ir de m ’

è tre endorm i la nu it précédente

pendant mon quart et i l m ’

a va it l a issé toute la

j ournée probablement par oubli . Quand i l

qu i tt a le pont pou r aller dîner j e descend is dans

la hune,j e m

y fis un l it dans une des bon

nettes de perroquet , et priant l’

homme qu i éta it

en v igie de m’

avertir un p eu avant l e moment

où il était probableque le premier l ieu tenan trev iendrait sur le pont

,j e me préparai tranqu il

lement à faire un sa crifice à ma d ivin ité favo

ri te,Morp hée. Mais comme l ’homme en vigie

ne m ’

a p p ela pas assez tôt ,j e fus surpris en

dormi à la nuit tombante , car M. Handstone en

remontant s ur le pont me fit l’

honneur de son

ger a moi et levan t les yeux sur le hautdumâ t,il me dit d

’en descendre .

Comme les diables de M i l ton , qui furent

trouvés endormis par cel u i qu’

i l s craignaient

j e Îressa i l l is et j e me hâtai de regagner m onp o ste

élevé , espérant q ue l’

obscurité l’

em p êchera it de

voir mon ascension. Mais M. Handstone avai t

des yeux de lynx et i l n ’

evei t pas assez de pré

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9 2 FRANK mumu .

sence d’

esp i it pour ne pas voir ce qu l l n’

aura it

pas dû voir . Il appela les troi s hommes qu i étaien t

dans la hune , et leur demanda où j’

éta is . I ls

lu i répondirent Au haut d u mât,monsieur .

Quoi ! s’

eoriaM. Handstone en j urant ne

v iens- ie pas de l’

y voir monter à l'

instant?

Non monsieur répondirent—i l s,i l est en

dormi au haut du mât .

Descendez tou s trois menteurs que vou s

êtes s’

écri a le prem ier l ieutenant avec colère

et j e vous apprendrai à dire la vérité .

J ’étais alors tranqu il lement au haut du mât .M. Handstone m

ordonna auss i d’en descendre .

Nous nous plaçâmes tous quatre devant l ui surle gaillard d ’

a rrière et i l nous interrogea ain s i

qu ’i l su it

Maintenan t,monsieur , demanda-t-i i a u

gabier de m 1sa 1ne , ne direz-vous où était M.

M ildmay , quand j e su is monté sur le pont.Je voyais avec peine que ces trois hommes

pouf m ’

éviter une pun it ion , s’

éta ient exposés à

s’en faire infl iger une pl us sévère et j ’alla i s dé

cl a rer l a vérité et prendre tout le blâme sur

moi,quand

,à ma grande surprise , le gab ier ré

pond it Au ha u t du mât , monsieur , surmon

honneur.

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94 FRANK mumu .

neur, 1etais ten u de mentir à mon tour po ur

leur épargner un châtiment cruel .

Je sens que c ’est u n cas de nature à être soumis aux casu istes ; mais j e dois dire que s i l a vé

rité,en cette occasion , n

a va it dû nu ire qu’

à

m01 seul j e n’

aura is pas hésité à la d ire quoi

que j e ne prétende pas avoir la constance d’

un

martyr . C’

é ta it le premier l ieutenant qu i éta it à

blâmer d’

a bord pour m ’

a vo ir puni avec trop

de sévérité et en suite pour avoir fait u ne eu

quête trop rigide sur u n suj et qu i n ’en vala it

p a s l a peine. Cependant m a conscience me fa i

sait des reproches,et quand j e vis que la fureur

de M. Handstone s’

éta it assez calmée pour que

j e pusse être certa in qu ’i l ne songerait pl us à

pun ir ces trois hommes,j e sais is la première oc

Cas ion que j e trouva i pour lu i expliquer lesmotifs de ma condu ite . I l écoute mes excuses

avec beaucoup de froideur ; mais i l ne me rendit

Îama is ses bonnes graces .

Cependant notre cap itaine ne faisait pas sa

croisière pour la forme , et i l fit pl usieurs prisessur les côtes de France . Dans une expédition

sur nos canots,je parvins à m ’

éca rter des autres,j e fi s une descente près d’une batterie

,j e l a sur

p ris je la détru isis et j’

encloua i les canons.

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FRANK M I LDMAY . 95

Mes hommes p illèrent en su ite les huttes de quelques pêcheurs et y prirent beaucoup d

objets

qu i ne pouvaient leur être d ’

a ucune u ti l i té .

Quel le était notre excu se pour infl iger a ins i àdes malheureux sa ns défense les horreurs de la

guerre ? Je n ’ava is pas reçu ordre de faire cette

descente ; auss i fus—je p un i , et j’a i souvent ré

flech i depuis que je l’avais b ien mérité .

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98 FRA NK 1111.1111AY .

ta ime , suiva nt 1w tre cout ume , résol ut de le pren

dre avec ses embarc a tions .

Ou fi t, pendant l a soirée tou s les pré p arati fs

pour l ’a tta que , qu i devait avoir l ieu le lende

main matin . Le prem ier l ieu tenant fut chargé

du commandement de l ’exp édition et il a lla se

coucher plein de ga î té songeant à l 'honneur et

au profi t qu ’i l ret irera it le j our su ivant en fa i

sant une prise . M. Handstone était plein de bra

veure,et ne perdait j amais son sang-froid dan s

l’

a ction l a p l us chaude ; auss i quand il commem

dait une expéditi on chacun le su ivai t avec con

fiauce, et se croya it sûr de la v ictoire . Je ne sau

rais d ire si des songes fâcheux avaien t troublé

son repos ou s i quelques réfl exion s sur la na

ture d if fic i le et dangereu se du service dont i l

éta it chargé l ’avaient alarmé,mais i l est certai n

que nous remarquâmes tous , le lendemain ma

tin, qu

un changement total s ’

éta it opéré en l u i .Son ardeur était complètement refro id ie ; i l sepromenait à pas lents sur le gail lard d ’

a rrière,

d ’un air pensif et soucieux ; i l ne parlait à per

sonne ; i l éta i t d istra it etne faisait aucune at ten

t ion à ce qu i se passait sur levaisseau

Chaque embarcation ava it reçu son équ ipage,les officiers éta ient à_ leur poste ; les rameu rs

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FR ANK MILDMAY . 99

étaient sur leurs bancs 1mp a tienœ bril lait da nstous les yeux et l ’on n

a tteuda it plus que M.

Handstone,qu i continua i t à se promener sur

le ga i l lard d ’

a rrière,absorbé dans ses réflexions .

11 sort i t de cet état d ’

a bstra ction en entendan t

la voix du capitaine qu i l u i demanda , d’

untonplu s élevé que de cou tume

,s’i l avait desse in de

prendre le commandement de l ’exp éd ition.

'

l‘

rès—certa inement monsieu r,répond it-ii , et il

se rendi t sur son canot d ’un pas ferme et assuré .

Je l ’ysu ivis et j e m ’assi s à côté de lu i . I l me

regarda d ’un air d ’

indifl“

érence. Si son esprit eû tété dans sa sit uation ordinaire i l m ’

aura i t eu

voyé s ur une au tre embarcat ion . Nous eûmes àramer assez long temps avant d

a rriver au bâti

ment que nous devions a ttaquer. Nous le trouvâmes amarré à peu de distance du rivage

,prêt

à nou s recevoir,et une bordée chargée à mi

traille fut le premier sal ut que nous obtînmes

m ême avant d ’

être à portée . Elle produ isi t sur

nos hommes le même effet qu’

un coup d’

éperon

sur un noble coursier . M. Handstone recouvre

en un instant toute son ardeur ; i l encouragea les

rameurs t ira son sabre et se prépara à monterà l

abordage.

Notre canot avait quelque avance sur les a u

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100 F R AN K MILD)IAY .

tres,et q uand nous arrivâmes près d u bâtiment

ennemi,une seconde bordée nous tua ou blessa

onze hommes sur vingt-quatre . Sans y faire a t

tention le premier l ieutenan t s ’elenga pour

m onterà bord du nav ire at taqué , au mil ieu d’un

feu de mousqueterie . Je le su ivis mais à l ’ins

tan t où i l alla it atte indre le pont et avan t que

j’

eusse eu le temps de tirer mon coutelas pour

le dé fendre il tomba à la renverse m’

entra îna

dans sa chute et exp ire sur- le—champ . Ou re

connut ensuite que treize balles l ui ava ien t percé

la poitrine et l ’estom a c .

Renversé sou s son cadavre j e fus foulé aux

p ieds par mes braves compagnons qu i brû la ientde nou s venger ou de s

a ssurer leurs parts de

prise . I ls m e supposaien t mort,et mon corps

leur servi t de 1na rche-pied pour monter sur le

passe—a'

vant du bâ timent attaqué . Env iron h u it

m inu tes décidèrent l ’a ffa ire et le navire fut

bientô t après condui t hors de portée de la batterie. Mais i

a va is alors entièrement perdu connai ssance .

Les p remiers m omens de rép i t ap rès le carna ge , furent em p loyés a sép arer les m orts des

blessés . Oume plaça au nombre des premiers

ca r j ’etais privé de sent iment , et tout couvert

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l 02 FRANK MILDMAY .

ra ison la perte du prem ier l ieu tenant,mais j e

dois avouer que j e me résignai en bon chrét ienet assez faci lement à la volonté du c iel . Je voya i s

qu ’i l ne m ’

a ura it j amais été permis de regagnerson estime

,et j e ne me trouvai pas fort à plain

dre de cette sépara t ion . I l fut prouvé qu ’i l a vai t

eu le pressent iment de sa mort , car i l l’ava it d it

a u second l ieu tenant . J’

a va is entendu c iter pl u

s ieurs exemples semblables , mais j e n’en avais

j amai s en sous les yeux .

Notre prise se nommait [ A ima ble Julie et sacargaison cons istai t en café

,en coton et en in

digo . Comme c’

éta it alors l ’ép oque à laquelle

nos instructions nous prescrivaient de retourner

en Angleterre nous mimes à l a voile avec notre

prise pour Sp i lhea d où notre capi taine reçut

le meil leur accuei l de l ’am ira l .

La l iste des morts et des b lessés , et cel le de

tout ce qu i nous manquait furent envoyées à

l’

Am ira uté qu i nous fit fournir sans déla i tout

ce qu i nous était nécessaire et qui nou s donn a

ordre de nous équ1p er pour un voyage de p l us

long cours . Personne à bord ne savai t quelle

sera it notre destination ; le cap itaine l u i-même

n’

éta it pas supposé en être im truit ; cependant

toutes les fi lles de la ville nous disa ient que

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FRANK M I LDMAY . 105

nous irions dans la Méditerranée et elles ne setro inp a ient pas .

Comme nous n’

avions que quelques j ours à

rester dans le po i*t , j e ne pus al ler voir ma

famil le , m ais j’

écrivis a mon père , qu i m’

en

voya tou t ce que je l u i demandais c 'est-à-dire

de l ’argent . Je n ’eus que le temps de lui en a o

euser réceptionà l ’instant où nous mettions à la

voile. Nou s arrivâmes sans accident à Gibraltar ,où nous trouvâmes ordre général pour tout vais

seau qu i arrivera it d ’

Angleterre d’al ler j oindre

l’

am ira l à Ma lte . Quel ques heures nou s suffireut

pour compléter notre provis ion d ’eau et de

v ivres , et nous p a rtimes : mais nous n’

étions

pas s i pressés d ’

a rriver à Malte que de qu itterGibraltar

,

'car nou s espérions en l ongeant la

côte d ’

Esp agne faire quelque prise qu i nous

vaudra it à la Valette un auss i bon accueil quecelu i que nous avions reçu à Porstmouth .

Le surlendemainde notre départ nous vîmes

le cap de Ga ètè . Dès qu’i l fi t grand jour , nousa p erçûmes quatre felouques a u l it du ven t et

à peu de distance de la cô te . Le ven t éta it faible ,e t nous déployâmes toutes nos voiles pour leur

donner la chasse ; ma i s , en plusieurs heures ,nous ne gagnâmes que peu de terrain sur elles ,

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104 Pi‘

.A l\ l î M I LDMAY .

et al ors un calme survint . Le ca pitaine f i t met

tre les ca nots en mer et i ls partirent en s’ecar

tant un p eu les uns des au tres pour avo ir pl us

de chance de les rencontrer . J’

éta is sur cel u i que

le master ( 1 ) commandait , et comme nous

av ion s d ’

excel lens rameurs,nou s arr ivâmes b ien

tôt près d’

une des felouques . Nous fîmes un feude mousqueter ie c ontre el le

,mais comme el le

ava it une assez bonne br ise,elle ne voul ut p a s

amener . Nou s cont inuâmes à t irer et u n viei l

lard qu i tena it le gouvernail fut blessé au bras

droi t . Il ne fit un mouvement que pour prendre

le gouvernail de la main gauche . Nous f îmesencore feu sur ce brave homme quo iqu

i l me

semblâ t que c ’

éta it commettre unmeurtre , puis

qu’

i l ne faisa it aucune résistance,et qu’i l ne

cherchait qu’

a nous échapper .

( l‘

) Jus qu’

a p 1‘é—0nt nous a vions cru devo ir tra duirema s

!cr p arma itre Un o fficier de manne nous a fa itobserverque, da n s l a m arine angl a ise , lema s ler est o lÏicier,

ta ndis que chez nous le m a î tre d'

e

'

quup age n’

est que sous

o ffic i01‘ , et 10mp l it des fonctions d1ffé1vntœ . Da n» l‘

impo s

s ib1b l e'

de trouveruna utre équiünlent, nous a vons couscr1 é

le mo t angl a is . D’

autres ex p ress ion s dema rine ont été mo

difiées d’

a p rès les remarques de notre obl igeant corresp on

da n t. N ote du Tra d.

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106 FRANK Mumu .

Nous apprîmes que ce bâtiment et les tro isautres , dont un fut pris par une au tre de nosembarcations , venaient de Lima . Ils n’

a va ient

qu’

un seu l mât , étaientd u port d’

environtrente

tonneaux ,et chacun d’eux ava it u n équipage

de douze hommes . Leur cargaison consista it e n

cu ivre , en cu irs , en cire e t en cochenille . I ls

étaient frétés pour Valence , et il s n’en étaient

qu’

a une ] ournée quand nous les av ions reneen

trés. Tél le est la fortune de la guerre . Cc br‘

ave

homme apres ime ab sence de cinq mois

aurai t embrassé sa famille le lendemain et l u i

aurait rapporté les fru its d’une honnête indus

trie,s i ses espérances n’

eussent é té détru ites par

un acte légal de meurtre et de p il lage . Nos par tsde p r1ses entrèrent dans nos poches , aecom

p agnées des larmes et peut—être des malédict ion s

de la veuve e t de l’

orphel in.

l) ’apies quelques informations que le capi

ta ine obtin t à bord de nos deux prises , i l se

déterm irià à tourner le ca p de la frégate vers les

îles É a léa fes . No'

ùs passâmes devan t Ivica , et

nous cinglâmes ve'

rs l a‘

haie de Palma dans i l le

deMa jorque. A notre grand désappointement

nous n’

ya

t'

rouvêünes pas une seu le voile , et nous

f îmes le tour de l ’î le.

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FR ANK MILDMAY . 107

I l nou s arriva là un événement s i singul ierqu ’i l es t à peine croyable ; mais beaucoup d

’au

tres t émoins peuven t l ’a ttester auss i b ien que

moi . La mer était calme,le ciel superbe

,et

nous étions à pl us d ’un mille et u n quart du r i

vage,quand le capita ine

,désirant s ’

a ssurer de la

p ortée des longs canons de d ix-huit qu i étaient

sur le premier pont ordonna au maître canon

n ier d ’

entirer un coup à boulet. Cel u i—ci l u i de

manda quel obj et i l p o intera it.Unhomme se pro

m enait sur les sables , et comme il ne paraissait

à nos yeux que comme un point i l ne sembla i t

p a s y avoi r la moindre chance que leboulet pû t

l’

a tteindre. Le capitaine d it au canonnier de le

pointer celu i—c i obéit et l ’homme tomba . Un

troupeau de b œ ufs sort it en ce moment dubo is,

et l’on envoya les canots à terre pour en tuer

qùelc‘

1ùes-uns et procurer ains i des provisions

fraîches à l ’équip age.

Quand nous débarquâmes nous vîmes quece 'm

'

alheureux homme ava it eté coupé en deux

par le boule t . l l appartena it certainement à une

des classes supérieures de la société car i l éta i t

très-b ien vêtu,portai t des bas de soie , et i l l isa i t

les Métamorphoses d’

0vide qu ’i l tenait encore

en main et que je pri s .

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108 FRANK mumu .

Ou a souvent entendu parler d u pouvoir m i

ra culeux a ttribué ai un cou p t iré au hasard ; m a is

j amais nous n ’

euviens p u nous douter que ce

bou lot infernal dû t aller si loin , et produire tant

de mal . \‘ous enterrâmcs dans le sable les restes

de cet inforluné,et aya nt réuss i à abattre trois

boeufs , nous les écorchâmes , nous les coupâmes

par q uartiers, et en ayant chargé nos canots ,

nous retoum âmes à bord .

Indépendammen t des M ét amorphoses d ’

O

vide a vafi'

pris a u dé funt une m iniature qu ’i l

portait au cou représentant une très-bel le

femme et une ép ingle d’or qu’i l avait à sa che

mise . Quand j e rend is compte a u capitaine de

tou t ce qui s ’

éta it passé,je l u i présentai ces

trois ob jets. I l me les rendit sur -le— champ , e tm

engagea à les conserver pour les remettre aux

parens de la v ict ime s i le hasard me les faisa it

j amais rencontrer . I l paraissait s i désolé de cet

acciden t,que j amais j e ne lu i en reparlai .

Deux j ours après nous aperçûmes un bâti

ment qu i nous parut s uspect et comme c’

éta it

par un temps ca lme,les canots furent mis en

mer pour l ui donner la chasse Quand nous en

a p p roc l1âmes , nous vîmes que c eta it un chébec

sous pavi l lon français , mais i l amena ce p avi l

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l l o FRANK MILDMAY .

tent ion scrupuleuse au pavillon des bâtimens

qu’ i l attaquait , pourvu qu

’i l se crût le pl us fort.

Après cette malheureuse méprise , nou s nousrend îmes z

1 Ma lte ° notre capita ine s’

a ttenda it à

recevoir une réprimande sévère,pour avoir ep

voyé_ses canots attaquer un bâtiment , avan t d’a

voir bien reconn u quelle en était l a force et à

quelle nat ion i l appartenait . Heureusement pour

l u i, l

am ira l était absent , et quand nous le vîmes

ensu ite,nous avions fai t un nombre de prises

suf fisant pour couvr ir à ses yeux une multitude

de péchés . Il ne fut donc j amais quest ion de cette

affaire .

Tandisque nous ét ions à l’ancre dans le port

de Ma l te,mon ami Murphy tomba un soir à la

mer, j u stemen t à l’

instant où l ’on vena 1cde hisser

à bord toutes les embarcat ions . I l ne savait pas

nager,et i l se serait in faill iblement noyé , 5 1 le ne

me fusse sur—le—champ leté par—dessu s le bord

pour le secourir,et j e le maint ins sur la surface

de l ’eau , jusqu’

à ce qu’on eût eu le temps de

mettre un canot enmer pour ven ir a no tre se

cours . Cela me fit plus d ’

honneur dans l ’esp rit

des o fficiers et de tou t l’

equipage ,

que j e ne le

méritais . Ou dit que sauver un camarade en de

p areilles circonstances éta i t dé jà un acte mém

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FR AN K M ILDMAY . l

toire mais que risquer ma vie pour sauver celle

de l ’homme qu i avai t été constamment mon en

nem 1 le p l u s acharné depu is l ’instant où j’

éta is

arrivé à bord c’

éta it le comble de la généi o s ité

et de la grandeur d ’ame . I ls se tr0m p a ient.I ls ne me conna i ssa ient pa s . C

éta it mon

orguei l c’

é ta it le dés ir d ’

écra ser mon ennemi

sou s le p o ids de l a reconna is sa uce qu i m ’

a va it

déterminé à le secourir.

Murphy ne chercha pas à d im inuer le méritedu service que je lu i avais rendu; car i l convin t

qu ’i l éprouvait tou tes les terreurs de la mort,à

l’

instant où je l ’avais secouru mais i l l ’oubl ia

bientôt,et au bout de quel ques j ours i l se dé

shomera par son ingratitude . Sans la moindre

provocation,i l me j eta un j our à l a figure un

bass… d ’eau sale,tandis q ue j e traversais la

grande chambre e t i l en résulte un combat entre nous .

Mais j e nel a is p l u s un novice dans l’a1:t dc

boxer , fava 1s p rofité des leçons que m’

a va it don

nées le midshipman surnumera 1re dont i l a déj àété quest ion et j e le s mis en prat ique avec sue

cès . Je doi s l u i rendre la just ice de’

dit e qu ’i l ne

s’

éta it j amai s battu avec au tant d ’

a rdeui et de

courage . I l fut renversé trente-troi s fois , et se

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l l 2 FR ANK MI LDMAY .

releva touj ours pour recommencer le combat .

A la trente-quatrième,ses forces éta ien t é p u isées ,

et i l resta étendu su r le plancher,les deux yeux

fermés,et le v isage si enfle

‘ et tel lement couvert

d u sang qu i l u i sortait d u nez et de la bouche ,que ses meil leurs am is

,s’ i l en avait eu

,auraien t

eu peine à le reconnaître ; tandis que j’

a va is s i

bien paré les coups qu ’i l m ’

a va it portés , que

m on v isa ge en conservai t tout au pl us quelques

légères marques .

Murphy ava i t eu pour second le pl us anc iendes midshipmen

,qu i ava it servi trop long -temps

en cette qual i té,pour qu’ i l pû t l u i rester aucune

chance de promotion et l ’aide du chirurgien

qu i m ’

a va it tâté le pouls,quand j

ava is sub i la

torture à l aquelle le j ugemen t inique de mes

compa gnons m ’

a va it condamné . I ls avaien t tou

j ours été les pl u s fermes appu is de la tyrann ie

de Murphy,et il s furent outrés de dép i t et de

fureur l o i squ’

i l s entendirent mes j eunes amis

pousser des cris de’

triom p he quand j’eus rem

p orté l a v ictoire ; et le î eune Esculape , q’

ui dîna it

a mo i retable,fut assez fou pour me dire que ,

quoique ’eusse battu Murphy, le ne devai s pas

croire que j e sera is désormais le m a ître dansnotre cab ine . J

éta is bien décide a p rofiter de

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1 14 FRANK MILDMAY .

nous étions mis aux aguets , pour jou ir de sa

surprise et de sa consternation quand il s’enapercevrait . Dès qu ’ i l fut levé , i l prit dans sa

ca isse un petit miroir étoi lé , le suspendit à un

clou , et s’en approche , sa brosse à barbe à la

main,pour se raser . Jamais je n’

oubl iera i lemou

vement d’

horreur avec lequel i l recula en voyant

sa fi gure . I l mouille une serviette , mais i l eut

beau s’en frotter , i l ne pu t fa ire d isparaître les

l ignes infernales , et nous aj outâmes à s a détresseen dansant au tour de l u i , et en poussant de

grands éclats de rire .

Ce fut ains i qu’en v ingt-quatre heures j e sub

inguai les al l iés qui m’

a va ient si long-temps o pprimé . Une révolut ion complète s

ensuivit. Je

dest ituai le vieux midshipman de sa place de

pourvoyeur,j e me chargeai d ’en rempl ir les

fonct ions , et j e le fis avec la plus grande impar

tia l ité . Je fi s payer aux anc iens midshipmen leurpart entière des dépenses de la table

,ce qu

i ls

n’

a va ient j amais fa i t ]usqu’alors

,et { eu s soin

qu’i l s n ’

e1issent que leu r part des morceaux les

p l u s dél icats , qu’

i ls éta ient habitués à se réserver

exclusivement‘

. En un mot j e puis me fla tter

que du m01ns à cet égard j e fis renaître l’

ä ge

d’

or dans la cabine des midshipmen . Je n 'eus

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FRANK M I LDMAY . 1 1 5

plus de combats à l ivrer , earpersonne n'

esp éra it

la v ictoire ; et j amais j e ne me servis de ma force ,que pour protéger les fa ib les . Je prouva i a ins ique j e n’

éta is pas querel leur , et que je n’ava is

lutté que pour obtenir j u st ice . Je donnai au ca

p ita ine et aux o fficiers l'

exp l ica tion de ma con

du ite ; il s en furent sat isfaits , et i l en résul ta que

i’

obtins d’eux de la considération,et des m ar

ques d ’une confiance que l’on accorde raremen t

à u n aussi ieune homme .

Nou s repartîmes de Mal te dans l ’a ttente detrouver notre commandant en chef à la hauteur

de Toulon. Mais i l est ra reque le capita ine d ’une

frégate soit très-pressé de rej oindre son a'miralà moins qu’i l ne so it chargé de dépêches importantes . Comme le nôtre n’

éta it pas dan s ce cas

nous cédâmes sans rés istance à un vent d ’est,qu i

nous fit descendre la Méd iterranée et nous

eûmes à revenir sur nos pas le long des côtes

d’

Esp agne et d e France . Cc ven t d’est qu i nou s

é ta it en apparence contraire , nous fut p ourtan t

très-favorable car nous f îmes plu sieurs p rises

enrevenan t, et notre cap itaine , qu i éta it l’

homme

le pl us consommé en ruses de guerre que j’aie

j amais connu put les envoyer à Gibralta r,au

l ieuque si nous les av ions faites dans les p arages

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1 16 FRANK M I LDMAY.

de Toul on , i l aura i t fal lu les envoyer à Malte , eten partager le p rofit avec la fl otte , ce qu i aurai tréduit nos parts de prises à peu de chose.Après avoir a ins i envoyé plusieurs pr ises à

G ibraltar nous eûmes la bonne fortune de

prendre encore un grand bâtiment et un brick

ayan t une cargaison de vin et de tabac . Je fus

chargé du commandemen t de ce dern ier,mais

j amais premier m inistre n ’eu t à rempl ir des

fonct ion s si importantes avec de s i fa ibles appu is .L

équi p age de la frégate ava it été tel lement ré

du it par le nombre d ’

hommes qu’

i l avai t fa l l u

placer à bord de nos pri ses et par la ma lheu

reuse a ffaire avec le corsaire malta is , qu’on ne

me donna que troi s hommes pour le condu ire .

Mais c ’

éta i t la première fois que j ’allais avoir lec ommandement d ’un bâtimen t , et j

’en éta is s i

enchanté , que j e cro is réel lement que si l’on

m’

a va it d onné pour tou t équipage un chat et un

chien,j e m ’en serais contenté .

Un cano t de l a frégate nous condu isi t à bord

d u brick . N ous avions une bonne brise venantde l ’est

,et prenan t le gouverna i l j e me d irigea i

vers G ibraltar . Le vent ne tarda pas à fraîchir

i l devint nécessaire de carguer nos voiles de per

roquet,ce que nou s ne pûmes faire que succes

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m n m enu . 19

nous doubä mes la p o inte d’

Europe. J’

a va is or

donné à mœ hommæ d’

èü fingner la c i bie,ct

oŒcien ma p lace , je m'

in ina îs qu’

üs l‘

a

va ient fa it p a rœ que ic leur en a va i d l‘

or

dœ, cl ie ne songea i pu àm

æssuæ r s‘

il a va it été

exécuté . Il est vn i que f a va is a loæ anta nt d’

oa

n age que j‘

en po uva is fa im . Je œ stæi an gou

va m il dep a'

n m inui t jusqu’

à six heures du

ma tin. Je le confia i ensuite a‘

nu mes hom

mes, et ic do rm i : pro f insqu

'

à d ix

heures ; enfin j‘

eus à fame l a p lus grands efi'

orts

p our entrer dam t,et œ p a s ne la isœ r

pousser p ar le vcnt travers le d étro it. fi n‘

a !

donc pa s surprenant que it n‘

a ie songé à væ'

æifia

s i le câ b le é ta i t é ta l lngué que lors que

bes o i n de lever i 'mTa nd is que ’t p… 50111 la m m

bâ timm s dc gucrœ qui ä ns la ha ie ,

l’

ofi d a qui éü it à bœ d meMi a ,et mc dit que

je fera is b£a dcnœ ourcirmes vo i les . Je le pm

pour fa ire œ ü c vw .

-cx—s s i l é n’

a p a s de

lm’

. Je vis que ie ne pouva is é viterun c… am

l’

un ou l’

on… des na vires qui éta ient da ns

ba’œ ct vovaut ungrand bâ ti… de Œransp ort

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1 18 FRANK mumu .

nivrer, et les deux autres se réveillèrent à cebru i t sais is d’une frayeur qu i les dégrisa .

Nous j etâmes le mât rompu à la mer nou s

remîmes le navire sous le vent,et nous con

tinuâmes notre course . Mais le marin anglais ,le pl us audacieux des hommes est aussi celu iqu i profite le moins d

’une leçon et qu i songe lemoins aux conséquences . La perte du grand

mât , au l ieu de fa ire sentir à mes troi s hommes

les su ites funestes que pouvait avoir leur penchant pour le vin leur inspira des idées toutes

d ifférentes . S ’i l s pouvaient s’

enivrer quand il s

a vaient deux mâts il y ava it encore moins d ’in

convéniens à le faire quand il s n ’en avaient plus

qu’

un , et que par conséquent le nombre deleurs voiles éta it réduit de moit ié. Il n’

yavait

aucu n argument à opposer à cette règle de trois ,et il s continuèrent de boire et à s

euivrer tant

que dura le voyage.

Le bonheur nou s su it quelquefois quandnousne lemérito ns p a s . Je savais qu

il n’

éta it p a s

probable que nous p a ss ion s passer le détroi t de

Gibral tar sans nous en apercevoir ; et dans le

fait,le tro is ième j our après le départ de la fré

gate nous aperçûmes le rocher de bonne heure

dans la matinée ; et à deux heures après-mid i

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1 20 FRANK M I LDMAY .

qui para issai t plus en état que les au tres de les upporter je l u i donnai la pré férence Le chocfut terrible , et au m il ie u de la bordée de j ure

mens et d’

impréca tions que lâchèrent le ma i

t re et l ’équipage monmât de misaine reneen

trant la vergu e de misaine de ce bâtimenttomba sur—le—champ ce qui m ’

évi ta la peine

de ra ccourc1rmes voiles p ui squ’

i l ne m ’en res

ta i t plus une seule. Je fus bien tôt sép aré du bâtiment de transport

,et je donna i ordre qu ’on

j etât l ’ancre . L’

ordre fut exécuté , mais dud iab le

s i un câble y était étal ingué . Je l a 15 5 a 1 dériver

ma prise sur une frégate , dont le capitaine ,

voyant mon embarras , eut la_bonté de m’en

voyer quelques hommes pour m’aider . A cinq

heures du so ir j ’et a is amarré et en tou te sûretédans la baie de Gibraltar

,et me promenais sur

mon gaillard d ’

a rrière auss i fier que du t I’

ê tçe

Colomb,quand il découvrit les i les de l

Amé

ri que.

Ma frégate arriva le lendemainmatin . Le capi

taine m ’

envoya chercher , et j e l u i rendis comptede mon voyage et de mes désas tres. B 1en lo iq

de me reprocher d’

avmr perdu mes mâts i l me

d it que,tout b ien considéré , i l était s urpris que

]’eusse pu sauver le bâtiment . Nous étions,

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FRANK M ILDMA Y . 1 2 1

depuis qu inze j ours à Gibraltar, quand nous

apprîmes que le s Français venaient d’

entrer en

Espagne et bien tôt des ordres arrivèrent d ’

An

gleterre pour suspendre toutes hostil ités contre

les E spagnol s . Cette mesure nou s contraria , car

el ledim inua itnos chances de parts de prises , tout

en augmentan t nos travaux ; mais en mêmetemps el le stimula notre act ivité d ’une manièreétonnante

,et nous ouvri t une scène beaucoup

pl us in téressante que si la guerre contre l ’Es

pagne eû t continué.Nous reçûmes ordre d ’al ler j oindre l ’am ira l

devant Toulon ; ma is nous fûmes chargés d’

en

trer en passant dans le port de Ca rthagène et

de faire un rapport sur la force de l’

esca dre

espagnole qu i s ’

y trouvai t . Le gouverneur de la

v i lle et les officiers de la fl otte nous reçurent avec

la plu s grande po l itesse ,mais la plupart des

vaisseaux étaient dégréés e t i ls p’avaient pas

les moyens de les équ iper.

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1 24 mumu mumu .

d’

a l lerà terre p ar détachement de v ingt à trente

à la fois . Ou nous su ivai t on nous regarda i t ,p uis on nou s évi ta it comme étant des hereticos .

Les auberges comme celles de toutes les vi lles

d’

Esp agne , ne se son t pas amél iorées depu is le

temps de l ’immortel Santillane. Elles étaient tou

tes p lu s ou moins rempl ies de la plus basse ca

nei l le et d’

une troupe de braves qu i n’

a va ient

d'

a utre métier que le vo l et qui ne se faisaient

pas scrupu le d’

y aj outer le meurtre . La cu 15 1ne

était détestable l ’ail et l ’huileenfaisaien t les prin

c ip aux ingréd iens . L’

ol la podrida avec sa com

pagne inséparable la sauce aux tomates était

insupportab le mais le vin étai t fort bon pour

un midshipman . Toutes les fois que nou s pre

nions un repas dans une de ces maisons , les

braves essa va ient de nou s chercher querelle,et

comme ils sont tou jours armés de stylets nous

trouv ions nécessa ire d ’

etre touj ours sur nos gar

des , et quand nous nous mettions à table nous

avions so inde laisser voir les crosses des pisto

lets passés dans nos ceintures ce qu i les tenait

en respect , car ils sont auss i lâches que scélérat s.

Nos matelots , moins prudens , ou moins b ienarmés furent souvent volés par ces misérab les

e t quelques-uns furent même assassinés .

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FRANK M ILDMAY . 1 25

Nous joignîmes l ’amiral à la hauteur de Toulon et i l nous ordonna d ’aller croiser entre Per

p ignan et Marseille . Nou s qu ittâmes la flotte le

lendemain,et nou s tînmes toute la côte sur le

qu i—v ive . Pas un bâtiment n’

o sa it sort ir du port :

s’i l se montra it sur mer , i l é ta i t pris . Nousnous mo q u ions des batter ies ; nous les fais ionstaire avec n os longs canons de d ix—hu it

,ou nou s

desc endions a terre et nous enclouions les

canons .

Dans une de ces escarmouches j e fus sur le

point d ’

être fait prisonn ier , et s i cela fût arrivé

le lecteur aurait perdu l a relat ion des dangers e t

des hauts faits qu’

i l trouvera dans les pages qu i

vont su ivre car , si j e n'avais pas été sabré par

forme de représail les j’

a ura is été envoyé en pri

son à Verdun où je serais resté pendant les s ix

ans que dura la guerre .

Nou s ét ions débarqués pour attaquer et fairesau ter une batterie ,

et nous av ions apporté à

cet effet un sac de poudre. Nous arrivâmes à uncanal qu’ i l falla it traverser et comme on en igno

rai t la profondeur on chois it les meilleurs na

geurs pour porter les munit ions sans les mouiller.

J’

éta is de ce nombre . J’

ôta i mes soul iers et mes

bas j e retroussai mes pantalons le p lus hau t

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1 26 FRANK M1t0MAY.

possible et l 'ea u ne me vint guère qu'

aux geæ

noux . A p f‘è8 que nous eûmes pris la batterie

j’

éta is s i occupé à regarder le télégraphe que

je ne songeai à l ’eX p l03ion qu i devait avoir l ieuque lorsque i

'

entend is ceux qu i venaien t de

mettre le feu à ‘ l a traînée m‘

e crier Fuyezfuyez !

J’

éta is en ce moment sur le mur d u fort qui

ava i t priés de trente p ieds de hau teur,mais qu i

formait un tal us . Je me laissa i gl isser 1usqu’

ei1

ba s et j e m ’

ehfuis auss i vite que j e le pus au

m il ieu d ’une grêle de grosses p ierres que l ’exp lo£

5 10n fit pleuvo ir'

tout a utour de moi e t dont

beur‘eusement aucune ne m ’

a tteignit. M a i s une

p ierre m ’

a va it coupé le p ied pendant que jedescoudais de la mura il l e j

e'

n soufl‘

ra is beaucoup ,et j

a va is à traverser deux cha mps couverts dé

chanvre avant d ’

arriver a u cana l près duqi1el

j’

ava is laissé mes bas et mes soul iers . Le chanvre'

entrait dans la b lessure et augmentai t mes souf

l‘

randeè et j e fus tenté pl u s d ’une foi s de me

coucher pa r terre et de me résigner à mon destin .

Je p'

er'

s ista i pourtant ; j’

a rriva i au canal maisje n ’eus pas letemps de reprendre mes bas et mes

sou l iers . Je voyais devant moi nos canots qu i se

remetta ient enmer car onne s’éta it pas aperçu

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i 28 FR ANK 1111 11311 1 .

cel u i que Murphy commandai t à une grande'

pièce blanche qu i était au ‘grand hun ier . Il était

tard quand j’

éta is passé à bord du schoonèravec

mon équ1p age de trois hommes et dans notre

précipi tat ion nous av ions oubl ié un peti t baril

de v in qui nous était dest iné . C’

éta it tomber d’

un

extrême dans un au tre ea r dans ma dernièreexcursion nous av ions t rop de l iqueurs sp…

tueuses et dans celle- c i nous en étions entiè

rement dépourvus . Je sava1s que Murphy en avaitemporté pl u s que son équipage et lu i ne pour

raient en boire quand même il s s’enivrera ient

tous les j ours . Je cherchai à le jo indre pourl’

engager à nou s donner une part ie de son supers

flu mais il fi t d ’

a us si grands e fforts pour m ’

é

viter que j ’en faisais pour le j oindre . Comme

] avais à bord tro is pet its canons j ’en t ira i un

coup chargé‘a poudre pour l u i faire un signal

,

mais il ne voul u t p a s mettre en panne . Enfin la

n u it surviut et ]e ne . le revis p lus qu’

a Gi

bra lta r.

Le lendemain matin j e rencontrai tr01s ba r

ques de pêcheurs espagnols . I l s me priren t pour

un corsaire françai s retirèrent leurs lignes e t

m irent à la voile . Je tira i un coup de canon et

ils mirent en panne pour se rendre . Je fis ma

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F R ANK M I LDMAY . l 29

Vis1te sur leur bord et ayant trouvé un petit

baril de vin sur chacune j e confisqua i cette

part ie de leur cargaison et leur en o fl’

ris l e p a ie

ment . Mais ils furent si charmés d ’

a p p rendre

que nous n’

é tions pas Français qu’

ils ne vou lu

rent r ien accepter . Enfin j e leur donna i du l a

ba c qu’

i ls acceptèrent avec grand plais ir encriant V iva Ingleterre et nou s nous sép a râ

mes en parfa ite intel l igence .

Comme le vent éta i t fort léger nous fûmesquelques j ours en mer avant de voir Gibraltar et

quand nous y arrivâmes , i l me resta it encore deux

baril s de vin pour en régaler mes amis . La frégate

et toutes ses au tres prises éta ient entrées dans

le port avant nous à l ’excep tion de celle com

mandée p ar_Murp hy qu i ne nou s rejoigni t que

le lendemain .

’éta is sur le gail lard d ’

arrière de la frégate

quand il v i nt à bord et il fi t rapport qu’

un

corsaire français lui avai t donné la chasse mais

q u ’i l l 'avait forcé à prendre la fuite après une

act ion de quatre heures . Ses agrès,dit- i l

,avaient

un peu sou ffert mais i l n’

ava it pas eu un seu l

homme de blessé . Je le laissai se vanter ainsi sans

r ien dire . B ien des gens le crurent quelques

uns doutèrent de sa véraci té . Nous dî nâmes tous9

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1 5o FR ANK MILDMAY.

deux dans l a cabine des o fficiers et quand levin l u i eut u n peu échaufi

é le cerveau i l recom

mence ses fan faronnades et alla jusqu’

à méta

m orp hoser mon schooner et m on équ ipage de

trois hommes en un cutter b ien équ ipé et ayant

autant d ’

hommes et de canons qu ’i l en pouva i t

porten.

Las d ’

entendre ses rodomontades ie raconta i

en fin l ’histo ire tel le qu’elle s

éta it passée et ie

fi s ven ir le second maître de tim onnerie, qu i éta i t

avec moi à bord de la prise et qu i confirma

tou t ce que j’

a va is d it . Depu is ce moment i l fut

en b utte a u mépris de tou t l ’équip age et notre

capitaine l u i ayant offert de passer sur un au tre

vaisseau i l accepta san s peine cette proposition .

Ma1s sa réputation l ’y su ivi t et j amais i l n’

obtint

d’

a vancement.

Cen’

éta it pas le moment où les frégates étaien t

laissées dans l ’ina ction. Le sud de l ’Esp agne étai t

le théâtre d ’une guerre cruelle et dévastatrice

et l ’on nous donna pour station les côtes d ’

Es

pagne et de France dep u is Barcelone jusqu’

à

Perp ignan . Nos instruct ions qu i s’a ccorda ient

parfaitement avec l’

espri t entreprenant du cap i

ta ine étaient de soutenir les chefs de guérillas ;d

intercep ter les convois d e provision s et dc mu

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102 FRANK M I LDMAY .

su r le haut de quelque montagne en vue d ’une

forteresse occupée par l’

ennem i et là on leur

coupait l a gorge à l a vue de leurs compa

trio l es .

Pendant cette guerre irrégul ière tantôt nou s

fais ions bonne chère tantôt nous mourion s

presque de faim . Un j our que nou s manquions

de vivres nou s rcncontrâmes un capucin ayant

les j oues fleuries et u n embonpoin t remarquable ,et nous le priâmes de nou s dire où nous pour

r ions trouver quelqu e nourriture soit pour de

l ’argent soi t a utrement . I l nou s répondi t qu’i l

n ’en savait rien e t qu ’i l n’

a va it pas d ’argent les

règles de son ordre lu i défendant d ’en porter .

Comme il se retira it avec quelque précipitat i on,

nou s crûmes entendre résonner quelque chose

dans la poche du bon père . Nous primes la l iberté de le fou iller et nous trouvâmes sur l u i

quarante d ucat s dont nou s le soulageâmes sans

scrupule , en lu i d isant que notre conscience ne

nous reprochait rien pu isque les règles de sonordre l u i défendaient de porter de l ’argent .

I l nous chargea de maléd ictions ; mais nous ne

f îmes qu ’en rire car i l avait l u i-même causéson infortune par sa fausse té et son hypocrisie .

C’

éta it ainsi que les moines espagnols se con

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FRANK Ml LDMÀY . 1 5 5

duîsa ient en général envers nou s , et c’

éta it de

cette manière que nous les en payions quand

nou s le pouv ions . Nou s nous procurâmes quelques v ivres avec les dollars d u moine et ayan t

re101nt notre détachement , nous croyions que

nous n’

entendrions plu s parler de cette aven

ture . Ma is i l nous avait su iv is de l o in , et nou s le

vîmes monter la ha uteur su r l aquel le nous

étion s campés . Pour éviter d’

être découverts

nou s changeâmes de vê temens de manière a

no u s rendre méconnaissables . I l fi t sa pla in te

au chef de guérillas , dont les yeux lancèrent des

flammes quand il”

appri t de quelle m an ière lemoine ava it été tra ité ; et i l est probable qu

i l y

aurait e u du sang de répand u,si celu i-c i eû t p u

lui désigner les coupables . Il me regarda quel

que temps avec u n air de soupçon mais j’

éta is

bien dégu isé,et j

a va is aplat i avec du savon

mes cheveux qu i boucla ient naturellement et

avec une impudence sans éga le,j e l u i demandai

s’i l me prenait pour un brigand frança is . Enfin,

quelqu’

un l u i d i t que ceux qu i l ’avaient dé

pouillé pouvaien t faire partie de quelqu’

a utre

corps . Qu ’ i l le crû t ou non i l nous qu itta en

d isant qu ’i l al lai t se mettre à leur recherche et

]e ne fus p as peu charmé de le voir part ir .

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1 54 FRA NK M ILDMAY .

Peu de temps auparavant l a fréga teà laquelle

] a p partenais , avait été chargée d’

un autre ser

v ice et manquant d ’

eces s ion pour la rej oindre ,j e fus envoyé pro tempore à bord d ’une autre .

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1 56 FRANK M I LDMAY .

alors aider les E spagnols à défendre 11mp ortante forteresse de Roses en Cata logne. Le généra l français Sa iut—Cyr s

éta it déj à emparé deFigueres et de G irbnne , et il regarda it d

un œ i l

d’

envie le château de la Trin ité dont la prise

semblait devoir être le prél ude de celle de Roses .Mon nouveau capita ine avait résolu de dé

fendre ce château quo iqu’

i l v int d’

être aban

donné par un au tre o ffic ier de la marine a u

glaise,qu i avait déclaré que ce poste n’

éta it pas

tenable. Quoique surnum épa ire s ur son bord

ie me présentai volontairement pour servir dans

cette expédit ion. Je dois avouer q u ’on ne pouvai t

reprocher à l ’o fficier qu i avait abandonné cette

place,d ’

evoir pr is ce parti trop légèrement .

Tous les murs du château étaient en ru ines .

Des monceaux de pierres et de décombres des

canons crevés et des a ñ‘

ûts brisés , présentaient à

l'

esp rit un champ de batail le très-défavorab le.

Le seul avantage que nou s paraissions avoir —s ur

les a ssa il l ans,c

éta it que pour monter à l a brèche

qu’

i ls avaient faite aux murailles, i l fal la it grav ir

une rampe très— esca rpée , couverte de pierresdétachées qu i roula

ient su r eux ou qui cédaient

sous leurs pieds tandis que nous pouvions les

a ccabler d ’une grêle de trai t s de toute espèce .

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FRANK 1i 1mmn . 107

L’

emp la cement que nou s occup ions o ff ra it

un au tre désavantage très-sérieux . Le château

était s itué près dusommet d’

unemontagne, dont

l a part ie supérieu re éta it en la possession de l ’en

nemi , qu i se trouvait a ins i de niveau avec les

murs du château . Trois cents t ira il leurs su isses

s’

y éta ient logés , et avaient poussé leurs retra n

chemens usqu’

à trente to ises de nous . Dès qu’

une

tête se montrait eu-dessus des mura illes on en

tenda it à l ’instant si ffler une vingtaine de bal les ,e t quand une de nos embarcat ion s arrivait , el le

était sal uée de la même manière .

Sur une au tre montagne plus au nord et par

conséquen t pl us loin de la mer les Françaisava ien t étab l i une batterie de s ix p ièces de canon

de vingt-quatre . Ces agréables vois ins n’

éta ient

qu’

a environ cen t cinquante to ises de nous et

sauf le temps qu’

i ls accordaien t à leurs p ièces decanon pour se re froid ir , i l s faisa ient un feu cons

tant sur nous depu is le point d u j ou r ]usqu a

la n uit. N ous n’

a vions aucune chance de succès

contre de tel les forces , mais notre capitaine éta it

uncheval ier erran t et comme j e m ’

éta is offert

volontairement, ]e n

’ava is pas le droit de me

plaindre .

Le château était défendu par cent trente ma

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1 58 FRANK

rins angla is une compagnie ( l’

Esp agno ls et

une compagnie de Suisses 51 la charge de l ’Espagne .

Jamais il n’

yeut de troupes plus mal p ourries ,plus mal payées et plu s mal logées . n

y ava i t

aucune d istinction de rang ; nou s couchions tous

sur de la pai l le qui n’

éta it jamais renouvelée,et

nou s av ions l a même ration de v ivres,distrib ués

sans luxe ni abondance . Se battre est quelque

fois un passe- temps agréable , mais se battre le

ventre v ide est touj ours une vraie corvée,et

c’

éta it ce qui nous arrivai t assez souvent . Cepen

dan t,comme notre commandant a ima it l a ré

gula rité quand nos canots ne pouvaien t ven ir

à terre pour nou s a p p orterdes v ivres et que nous

en manqu i0n5,nous ne nous en assembl ions pas

moins à l ’heure d u dîner et nous buvions un

verre d ’eau froide pour nou s remplir l’

estoma c .

Je me souvien s que mon viei l oncle di sait que

personne ne savai t ce qu ’i l pouvai t faire avant

de l ’avoir essayé , et certa inement l’

ennem i nous

fournit b ien des occasions de nous fortifier dans

la pratique du courage et de la patience , de l’i n

dustrie, de l’

a bstinence et de la résignat ion . Nousétions dans une situation tou te d ifférente de

celle de Péné lo pe car c ’

éta it le j our qu i voyai t

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140 FRANK mumu .

dant arriva en ce moment e t me demanda ce

que ]’examinais . Je lu i répondis que ]e pouvais

à pe ine le lui d ire,mais qu ’i l me paraissai t que

quelque chose d ’

extra ordina ire se passai t dans

la vallée , en face de la brèche . l l écoute avec a t

tent ion,prit son télescope de nu it

,e t s ’

écria d’

un

ton ferme,mais d ’une voi x concentrée Aux

armes ! l’

ennem i arr ive .

En trois m inu tes chacu n fut à son poste , et i l

n’

y avait pas de temps à perdre ca r on voya i t

déj à d ist inctement la colonne ennemie serpenterdans la vallée , et commencer à gravir l a mon

tagne pour monter à la brèche . N ous attendîmesles ennemis avec sang-fro id et déterminat ion , e t

l’

ordre fut donné de ne pas t irer un seul coup

avant qu’

i ls fussent à portée . Nou s ne tardâmespas à leur envoyer une décharge générale d ’

a rtil

lerieet de mousqueterie ,qu i m it le désordre dans

leurs rangs . I ls reculèrent de quelques pas , maisi l s se ral lièren t sur-le-champ

,e t il s revinrent à l a

charge avec le courage si ord inaire aux troupes

de Napoléon . Le feu fut alors maintenu des deux

côtés san s interruption mais nous ét ions en

outre exposés aux canons du fort sur la mon

tagne , et aux mousquets des t ira il leurs suisses ,nos proches voisins . En fi n il s approchèrent

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FR ANK M IL DMAY . 14 1

de la brèche. Nous av ions creusé une m ine enavant et dès qu

i ls l a couvrirent , nous mimes

le feu à la traînée. L’

exp losion fut terrib le el le

détru isit la tête de l a co lonne qu i s ’

a vança it ,

]eta l a con fus ion parm i ceux qu i marchaien t eusuite

,et nous poussâmes des cris de v ictoire .

Cependant ils ne tardèrent pas à reformer

leurs rangs et nou s v îmes s '

a vancer un corpsd

environmil le hommes , condu i t par un colonel .

Cc brave o ffic ier semblait auss i calme et auss i

t ranqu ille que s ’i l se fût rendu à une invitat ion

à dîner . I l étendit son s abre sur la brèche,et

nou s l ’entendîmes crier à ses soldats Suivez

moi ! J’

éta is j aloux de son courage, j

éta is j aloux

qu’i l fût Français et j e lu i j eta i une grenade entreles ]ambes . I l ne fi t que se baisser la ramassaet la ]eta à quelque dis tance.

Voilà ce qu i s’

a p p el le du sang—fro id dit lecommandant , qu i était à côté de moi , mais

voyons ce qu1l d ira à cel le—ci . I l lui en ]eta unesecon de

,et le colonel l ’éca rta de lu i d’un coup

de pied .— R ien qu

une once de plomb ne fera

impression sur lui,d it le commandant . C ’est

pourtan t dommage de tuer un homme si brave ,mais i l n’

ya pas d’

entre alter native.

I l prit un mousquet que j e tenais à la main

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140 FRANK M I LDMAY .

dant arriva en ce moment e t me demanda ce

que i’

exam ina is . Je lu i répondis que ]e pouvais

à pe ine le lu i d ire,mais qu ’i l me paraissai t que

quelque chose d’

extra ord ina ire se passai t dans

la vallée , en face de la brèche . l l écou ta avec a t

tent ion , prit son télescope de nu it , e t s’

écria d’

un

ton ferme mais d ’une vo i x concentrée Aux

armes ! l ’ennem i arr ive .

En trois m inu tes chacu n fut à son poste , et i l

n’

y avait pas de temps à perdre car on voya i t

déj à d ist inctement la colonne ennemie serpente rdans la vallée

,et commencer à grav ir l a mon

tagne pour monter à la brèche . N ous attendîmesles ennemis a vec sang—fro id et déterminat ion

,e t

l’

ordre fut donné de ne p a s t irer un seul coup

avant qu’

i ls fussent à portée . Nou s ne tardâmespas à leur envoyer une décharge générale d ’

a rtil

lerieet de mousqueterie ,qu i m it le désordre dans

leurs rangs . Il s recul ‘erent de quelques pas , mais

i l s se ral l ièrent sur-le-champ,e t il s revinrent à l a

charge avec le courage si ord inaire aux troupes

de Napoléon . Le feu fut alors maintenu des deux

côtés sans interruption mais nou s étions en

ou tre exposés aux canons du fort sur la mon

tagne , et aux mousquets des t ira il leurs su isses ,nos proches voisins . Enfin il s approchèrent

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14 2 FRANK M I LDMAY .

et que j e venais d e charger ; i l v isa avec soin e t

fi t feu. Le colonel chancela appuya une main

sur sa poitrine , e t t omba dans les bras de quel

ques soldats qu i le pr irent sur leurs épaules

pour l ’em p orter. Cep etitgroupedev int un point

de m ire pour tou s nos mousquets,et pas un

seu l homme n’

écha p p e. Le colonel se releva,se

traîna ]usqu’

à un bu isson qu i n’

éta it qu’

a une

dix a ine de pas et tomba son sabre qu ’i l tenai t

touj ours se rré dans sa main , resta appuyé su r

les broussail les , l a pointe levée vers le c iel , comme

pour montrer à son ame l a route qu ’elle devait

su ivre .

La mort d u colonel m it fin aux espérances de s

Français pour cette j ournée . Les o fficiers firent

leur devo ir , i l s encouragèrent les soldat s , les

pressèrent de reprendre leurs rangs,passèrent

même leur sabre à travers le corps de quelquesfuyards , tout fut inutile , et l

a ffa ire se termina

par une sorte de sauve qui peut . Nous eûmesa lors le temps de resp irer et de compter nos

morts .

Cependant le fort su r la montagne voisine

et les t ira il leurs su isses n’

en cont inuèrent pas

moins à faire feu sur nous . Je mis mon chapeau

sur l a baïonnette de mon mousquet ; ]e le mon

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FRANK mumu . 14 5

tra i a u-dessus de l a mura il le e t en une m inu te

i l fut percé de douze bal les . Fort heureusemen tma tête n’

é ta it pas dessous .

Le feu des batteries ayant cessé comme cela

arriva it n écessairement à certa ins interval les

nou s pûmes examiner le poin t d ’

a tta que. L ’ex

p los ionde la m ine l’

ava i t couvert de décombres,

les Français ava ient abandonné leurs échel lesd

esca la de mais i l s ava ient emporté leurs bles

sés . La terre étai t ]ouchée de cadavres couverts

de leurs capotes grises e t comme les n u its

étaient froides ie résolus de m’

en procurer une

pour me tenir chau d quand j e serais chargé

d ’un service nocturne . Je me promis auss i de

prendre le sabre du colonel pour le présenter à

notre commandan t. Dès qu ’i l fi t nu i t ie sort i s

d u château par la brèche ]e ramassai une

échelle d ’

esca la de que ]’

y porta i et après avoir

pensé aux intérêts d u ro i ]e sortis pour m’oc

cuper des m iens .

I l faisa it une obscuri té profonde le vent avai t

l a force d ’

un ouragan et i l sou levait parm i les

r u ines une poussière qu i m ’

a veugl a it . Je ne pu s

m’

em p êcher de me comparer à un j ackal rôdan t

pendant la nu it pour chercher une proie . Je

frissonnais en errant ainsi au mil ieu des cada

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1 44 FR ANK 1111 1111u .

vt es , et ]e ne rencontra i d’

ebord que des vit i i

mes de l'

ex p los ion qu i n ’

eveit pas plu s respecté

les capotes que les corp s . Enfin j e t rouvai un

grenad ier qu i ava it eu la tête traversée par u neballe et ]e n

hés ita i pas a me porter son hérit ier . Cependant le corps et les membres éta ient

s i raides qu e ce ne fut p a s sans peine que ]e l e

déterminai à me céder son surtout . Je m ’

en co 11

vris sur—le-champ et ]e me dirigeai vers le bui s

son près duquel j’

a va is vu tomber le col onel .J

y t rouva i son corps mais son sabre n’

y était

plu s ]’avais été prévenu . Je me préparais à t e

tou rner a uchâteau quand ]e rencontrai u n em

nem i non mort mais v ivan t .

Qui vive d it—i l à voix basse .

A ngla is , répondis-]e ma is les corsa ires

ne se ba ttent p a s .

C’

est vra i . Bonsoir ! répl iqua—t- i l en

s’en a l lant.

Je retournai a uchâteau ]e montrai ma capote

avec sat isfact ion à mes camarades , et p lusieurs

d ’entre eux sortirent à‘

leur tour pour tâcher de

s’en procurer une semb lab le et ils y réuss irentfacilement .

Au bout de quel ques ]ours les pil lards an

glais frança is e t espagnols n’

ava ient la issé sur

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146 FRANK M11,DMAY .

corps ducolonel poux: l’

yplacer , notre comman

da nt rem a 1‘

quant à l’un de ses doigts une ba

g1,1e ençichie de d iamans dit à l ’un d ’eux Vous

p ouvez , la .prenfire le pauvre diable n’en a plu s

b659 i11«

Ence .moment la’

ba ttenic du_fort fi t feu, un

boule,t,devinîgt—

,quatre labo ura la_terre presque

à nos. p ieds et 110115 couvrit de pouss ière

—nDescendez le corps s’

écria le çp mmandant,et couvrez- le promptement de terre. Tou_t,

' le

mondey] tra va il la et dès,que,cet or

,d 1;e eut

_été

exécuté il a joute .Qour_ez 8 U1 ËOÆÈ,ŒBÎQŒDQQB81 1008.

h9Œ'HQS'JQÎ pb_éiœ n.

t & Veÿ.l lngemp pesse

ment a dufimble« l l «se.mit;luirmême .en-marche

mu1 .yæetoumem,ma is .d£ump ase1t tranqu i lle,quo iqu

au_ mil ieu, dîunc .gcä s .dexkzæl les ueanles

maud its t irail leurs suisses eV.

a.ism.receinmenç é

leur .feu

dès..gu.

ils a va it ,ep tendu.celui,de‘ l a

envoya i'

de .bencœ ul: à :tous; les

d iables , can, en‘ma qua l ité1d

a idevdej cflnÿp ]e

me,reganda is .comme len.a 1pa h l

honue_

u1: res

.lu‘

L1 et zi£>î m’

a ttenda is :à » 0haquç

instant à r‘

eccvc inune ;ba l lc d’

un9 Ôté ,oùJ6man.

rais jamais osé montrer la cicatrice de la b lesä

sure.‘k imfi lsembl ä it: nidioule , .dem&r0bsryde ce

pa s funà a ire,q 1taud l es 1£u11éna üles éta ie,nt

,ter

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FR ANK M I LDMAY . 14 7

miñ‘

ées;,mais le grave commandant ne voulai t

pas ! qu ’on p ût d ire que les ba ll es des França isl ’avaient fa itmarcher plu s v ite

Je m’

esti’

ma i fort heureux quand nous nentrâ

mes au fort sans b lessures et ]e soup ira i a p rès

l’

instant où il me serait p ermis de revoir la cabine‘

des’

lmidsh ipmenÿsLa lâcheté b ien connue des

Espa gno l s ne ta rda .p a s à m’en fourn ir l

occa s ip nz.

‘Ilü ïend irent aux Français la' forteresse de Roses ,-et

‘»comme l a possess ion du château en ru ines

'éta‘

it'

a lors : sa ns ob j et nous reç Ç1mes ordre de

ret0urnen‘

à bo rd . ,

afl’

a ine offri t une p a rl iw lqnité s ingulgem;i i =—y ava it >dercha que

cô té unico'

rp s ;dcïsfi sfiÿs sà

Jazsd‘dêrl ’un

»dei l iEsp agne , f lia u£re'de. la Fra nce.

pa rtzcbnséquent ro p p oses les u,ns ,aux

«àu11æ =j > èt : i ls“

sb co mpontü n‘

nt éga lement b ien’faisan’t lËeur devoir a vec une fidél ité exempla ire.'M'

a is étant . p dsÈésus i près lesïvenhnt rs ouveuti enconta

ct i l arriva it quelque°fo i s qu

’ its oonvena ie‘

nt d’

une treve -d’

uuquart,1 lfh£éüä e.

'

—Aiov'

s i i s'

s eimêla ient ensemble,.cau

sa ieut pla isantaient se dema ndaient cles1 i oi üvel les fi e

’leurs connaissances respect ives et

le parti opp osé'

un" pèreg'un fi ls? un frère un«p arent ou un

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148 FRANK MILDMAY .

ami . Mais quand la trêve éta i t exp irée ils char

gea ient leurs mousquets se retira ient '

cha cun

de leur côté et tiraient s’i l le falla it les .uns

contre les au tres avec une impartial ité stoïque .

Se battre éta it pour eux un métier.

De Roses nous allâmes j oindre l ’am ira l devantTou lon . Ayant appris chemin faisan t qu

une

batterie de s ix canons de cu ivre qu i'

se trouva i t

dans le port de Selva serait en la possess ion

des Français sou s quelques heures nous y eu'

trâmes et nous jetâmes l ’ancre à une portée de

pistolet de la batterie . Nous l iâmes des pou l iesà nos mâts maj eurs nous y passâmes des câbles ,dont les bouts furent portés à terre et attachés

aux pièces de canon et à l ’aide d u cabestan

nou s e n tirâmes ains i trois à bord . Nous nouspréparions à en faire autanb à l ’éga rd des trois

a utres quand les França is z a rrivèrent tou t àcoup et comme i l n’

yavait pas à terre une force

suffisante pour leur rés ister nous fûmes ob l igésde regagner le rivage et de . remonters ur nos

canots en laissant entre leurs mains un prisonnier.

Les Français prirent position derrière quelques rochers et nous lâchèrent des bordées demousqueterie qu i nous blessèren t une dizaine

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1 50 FR ANK M I LDMAY .

et ]e fus du nombre . Nous ôtâmes tous nos vêtemens et nou s gagnâmes la terre ‘

à l a nage dans

un si lence qu i aura it fa it honneur à des guerriersind iens. Nous m ontâmes à terre en face de laba tterie et ayant d ’

abord mis notre canot enmer,

sa ns aucun bruit nous nous approchâmes dou

cement des canons,et nous y a tta châmes ï les

câbles dont les bou ts éta ient restés sur l’emba r

ca t ion .

Une douzaine de so l dats français étaient p ro

fond ément endormis à deux pas i l nous aurait

été bien facile de les tuer tous, , mais nou s pen

sâmes qu’

i ls devaient leur sommeil à l’

influence

du ru 1n que nous leur avions fourn i et que ce

sera i t v ioler les lo is de‘

l’

ho sp ita l ité . Nous primes cependan t leurs mou squets et étant retour

nés à 1'

wtre cano t nous partîmes pour rej oindrel a frégate . Le bruit des ramæ év

‘eil la les soldats .

Ne trouvant plu s leurs armes il s donnèren t l ’alam e u n ren fort arr iva et notre canot dev in t

le bu t d ’

un. feu bien nourri. et bien dirigé , «le

sorte que les balle s nous sifll a ient aux oreilles .Nager n ’est pas fuir

,d is—]e én

'

me ]eta nt .à

l a. mer. Les'

autres suivirent mon exemp le

ex cep té les deux rameurs , qui ne po uva ient

qu itter le "

ca uet, ctg nous arrivâmes a u

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FRANK MI LDMAY . 1 5 1

vaisseau non sans danger , mais sans acc ident .Ceux qu i étaien t sur le canot furent a ussi heureux que nous .D ès que no us fûmes à bord , ense mit à travailler au cabestan .et les trois p iè

ces de canon se mirent à galopper en descen

dant le rocher comme de j eunes Kangourous .

I l s furent dans la mer a van t que les Françaiseu ssent le temps d ’en Œ up er les câbles et arri

vèrent bientôt à bord . Nous levâmes l ’ancreavant la ñ u d u j o ur et nou s ne tardâmes pas àre]o indre la fl otte .

J’

yappri s que m a fréga te ava it l ivré un com

bat glorieux à une frégate français‘e qu ’elle ava it

prise . Mais elle avait ta nt sou ffert pendant l ’action , que le capitaine ava it reçuordre de retourner en Angleterre pour la faire

ra’douber com

p létement.

J’

a va is des lettres de recommandat ion pour

le cont i e—am irzi l qui commanda i t l a flo tte en—îe crü

'

â de'voir les l u i présentef . Je

me rendis' à bord du vaisseau amiral ; ]

y fus

reçu p ar le cap i ta ine , qui me d em anda mes

le ttres de recomm a ndat ionpou i les remettre eu‘

co ntre-amiral , et qui m’

a p p orte une réponse

verbale m ’

en]o i‘

gnant d e rester sur le vaisseau

amiral jusqu’

a u retour de ma fréga te. Si c’

éta it

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1 5 2 FRANK mumu .

une faveur la 111a nièÈé dont el le m eta it a ccor

dée ne me changea it pas d ’un grand poids de

reconna issance . J’

a ura is préféré rester sur la iré

gate à bord de laquelle j ’etais venu e t le capita in e le dés irait aussi ; mais c

’est ce qui ,ful im

possible .

Je passa i donc à bord du vaisseau am iral e t

j amais ie n’ai p u découvrir pourquoi on m ’

y

avait fait venir,à moins que cela fût pour com

p léter une ménagerie ,car i l s’

y trouvait dé]à

de soixante à soixante—dix midshipmen . C’

é

ta ient pour la pl upart des jeunes gens encore

novices dans le service,et il s écoutaient avec

avidité le s récits que j e leur fa isais de tout ce

que ]’avais vu et de ce que j

a va is fait. Mes relations les enflammèrent d

ardeur,et uu- grand

nombre d ’

entr’

eux sol l icitèrent la permissionde servir à bord de quelque frégate . Le cap itaine en fut mécontent

,et ayant appris que

j’

éta is la tarentule qu i les avait mordus,i l me pri t

en haine , ce qu i n’

é ta it que me payer de retour .

Cc capitaine étai t un homme gros et ma l bâti ,ayant de larges épau les

,des yeux à fleur de tê te ,

des lèvres au ssi épaisses que cel les d’un nègre ,et une physionomie sans expression . I l étai t

i rritable et v iolent,sa voix ressemblai t au

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1 54 FRANK MILDMAY.

nœ uvre dans le moins de temps possible,et

chaque navire voula it l ’emp orter sur les au tres ,i l en résu lta it quelquefois des accidens sérieux .

En ces occasion s le capita ine beuglait et écumaitsur son gaillard d ’

a rrière ,comme un taureau

enragé.

Un certain soir le signal fut donné les voi

les de hune furent'

amenées , et nos hommes

étaient rangés sur les vergues quand un pauvre

diable eut le malheur de tomber de la vergue

de la grande hune , se cassa le bras en frappan t

sur le s grands p orte-haubans et fut précip itédans la m ier . Je vis qu ’ i l était blessé et qu ’i l ne

pouvai t nager et me j etant à la mer, ]e l e sou

tins sur l’eau jusqu’

a u moment où une embar

ca t ion vint nous prendre tous deux.

En arrivant sur le pont, ]e trouva i le cap i

taine dans un a ccès de rage parce que cet accident avait été cau se que son bâtiment avait été

le dern ier de la flotte à exécuter cette manœ uvre.

l l menaça l ’homme qui s’

éta i t cassé u n bras de

le faire battre de verges pour être tombé d u

haut d ’une vergue , et m’

ordonna de descen dre

dugaillard d ’art iere . C’

éta it une double inj a s,

tice ; mais rien ne pouvai t m’

étonner de sa part.

De tous les cap itaines que j ’a i connus , c’est celu i

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FRANK mumu . 1 55

qu i éta it le plu s indigne d’

occup erun parei l rang

dans la marine anglaise .

B ientôt après le contre—amiral se rendit à

Ma ]orque pour y faire rado uber son nav ire . A

ma grande j o ie, ]

y trouva i m on ancienne fré

gate,e t ]e secouai l a poussière de mes pieds

en qui ttan t le vaisseau amiral . Pendant tout le

temps que ] y avais passé le contre - amiral ne

m’

a va it ]amais d it bon j our ; et quand ]’

en par

t is,i l ne me dit pas ad ieu .

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1 58 FRANK M I LDMAY.

quelque grand crime que les lois d’une socié té

c iv il isée et le système d ’un gouvernement ]uste

ne peuvent laisser impun i . Ma is ce que le codepénal de la marine regarde comme un crime

capital n’

est souvent que l ’effet d’un prem ier

mouvement et d ’une ébul l it ion tem p oraire

qu ’i l serait facile de calmer par la concil iat ion

ou de réprimer par la fermeté .

Les vai sseaux de l igne éta ient en mer depu is

l ong—temps l’

ennem i ne se montrait pas et i l

n’

ya va ita ucune chance mi d’

evoir un engagement

ui de restes d le,pq

r_t… l l n’existe r ien de plu s

monotone et

blocu s pou r surveil ler les mouvemens de l ’en

nemi( Les frégates ont l ’a va ntageà cet égard car

el les son t fréquemment employées à faire des croi

s ieres , à longer les côË ä el les ont des combats à

l ivrer, et plu s el les perdent de monde , pl us ceux

qu i surv ivent se trouvent heureux . Une fermen

tat ien sourde régnait depu is quelque temps a

bord du vaisseau amiral , et amena enfin une

ÜÏHÜÜCI‘

IÊ.Ê_

.mé"

;1

lPË‘Â5 ,

1€SPI}9Üÿ%üX, Che£æiurent tradu its‘l i . ‘

1 1 I H')1 :

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.,bp s ,

couçs mart ial_es _s_e a ce

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FRANK M ILDMAY . 1 59

une pompe qu i es t faite pour imprimer le respeet

,même à un capitaine . A hu it heures du

matin',ou tire u n coup de canon à bord du

vaissea u sur lequel el le doit se ten ir et le p avillon dut oya umeun

i est dép loyé au h au t du mât

de m isaine . S i le temps _le permet , le p ont est

m is da ns le plus grand ordre le s planches en

sont’bla nch

es comme l a neige , les hamacs sont

rangésavec Sei'

f f, tous les cordages sen t tendus ,

toutès les vergues carrées tous les canons deta

chés e t un détachement de Soldats de marine

c‘

om‘

ui à‘

ndé 15a r un l ieutenant es t prêt à rece

voir'1ehaquemembre de la cour a ved les hou

neurs l dus êv sonæ ang. Tous sont réun is avant

neuf heur‘

c‘3 êàenpetit u n ifor me ,

à moins q u’i l ne

s’

agisse de un am i1a l & Une table '

longuea

,

co’uv‘erte d

und rap‘ vert

la’

grande’cha u1bre et c haque membre de—l a

‘cour , en y prenant place ,“

trouve devant lui du

pap ier , des pl umes de l encrc , un l ivre de

p rières , et un exemplaire du code peua l

La séanceâs’ouvre *les 'o fficiews et les hemmès

fde‘ l’

équipagegpeuvent Ey'

sâs si ster «i ls s e tiennent

ind is tËncte‘

mefit ‘

debout tout antea nde, l a table:

Le prisonnier est amené sous «la garde du ,p 1iévôt

ma rt ial et du Ison

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160 FRANK mumu .

sabre nu à la main et i l est p lacé au bas boutde la table , à la gauche d u ]uge— ra ppor teur .

Les membres de la cour prêtent serment deremplir leurs fonctions avec impartial i té , et de

faire p rofi ter l’

a ccusé de tout doute qu’

i ls pou r

raient avoir . Il s s’

a sseyent ensuite, , et se cou

vrent la tête s i bon leur semble .

Le ]uge—rapporteur prête serment'

à son tour ,et l ’on fai t lecture de l ’ordre en vertu duquel

la cour martiale est assemblée . Le prisonn ier

est interrogé et s’ i l d i t quel que chose qu i tende

à le compromettre le président l ’interrom p t ,en lui disant : Nous ne vous demandons p a sde déposer contre vous—même nous ne voulons

que savoir quelles preuves les autres ont 51 a i

léguer contre vous . … 0n off re à l’a ‘ceuse toute

l’

a ssistance q u’il peut ,désirer ; et quand sa ,

de

fense est terminée onfait s ortir tout le monde,et l

on ferme les portes. Ou fait alors lecturedes notes qu i ont été prises par le ]uge—ra p p or

teur ; on pèse le degré de confiance que l’

on

doit accorder auÿ émo ins , et enfin le prés identadres se success ivement à tous les ugcs la quest ionsuivante , en commençan t par le plus ]euneProu

vé ou non prouvé ?

Lorsque tous ont répondu,s i la ma ]orité dé

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162 F RANK M I LDMAY .

Strange,celu i que j e venais voir , parai ssait pl u s

calme . Cet homme avait reçu une assez bonneéducation

,mais i l avai t e u une jeunesse fort dé

réglée , fort orageuse , et ayant à craindre la vind icte des lo is i l s ’

éta it enrôlé da ns la marine.

I l me fi t des excu ses de la l iberté qu ’i l avait

pri se , en a ]outant qu’i l ne me retiendrait pas

l ong—temps .

Vou s voyez, monsieu r, me dit-i l , que monpauvre camarade est accablé par l ’horreur de sa

s ituat ion,et cela n ’est pas étonnant , car il est

tou t différent des malfa i teurs qu’on exécute sur

terre . Ni l u i ui moi nous ne cra ignons la mort,

monsieur M i ldmay ; mais unemort comme

celle-ci ! Mais être pendus comme des ch ien s

pour serv ir d ’

exemp le à toute la flotte,et ê tre

un su j e t de honte e t de reproche pour notre t‘

a

mille ! C ’est là ce qui nou s déchire le cœ ur.

C ’est pour cela , 0 est pour ménager la sensib il i téde ma pauvre mère, .que ]e vous a i fait prier de

Venir ic i . Je vou s ai vuvou s j eter à la mer pour sauver un pauvre matelot , e t ]

’ai pensé que vous ne

refuseriez pas de rendre service à un autre mal

heureux . J’

a i fa i t mon testament le voic i vous

y verrez que j e vou s a i nommé mon exécuteurtestamentaire

,et voic i un pouvoir pour recevoir

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FRANK M I LDMAY . 165

ma paie et mes parts de prises . Je vous prie de

remettre cet argent à ma mère et de lui la isser

ignorer de quelle manière j e s uis mort . Dites— lui

que j e su is mort pour mon pays,ce qu i es t vra i

,

car ]e reconnais la ]us tice de ma sen tence ,et ]e

convien s qu’

un exemple de sévérité éta it néces

saire . I l y a onze ans que j e n ’ai m is le p ied en

Angleterre ; j’a i serv i avec fidé l ité pendant tou t

ce temps,et ]e ne me su is mal condu it qu

’en cette

seule occasion . Si notre bon ro i connaissai t ma

tr iste h istoire , je croi s que j’

éprouvera is sa merci .

Ma is que la volonté de Dieu se fasse ! Cependant,

si mes désirs pouva ient s’

exaucer, j e voudrai s

que la flotte ennemie sorti t du port en ce mo

ment,a finde pouvoir mourir, comme ]

’a i vécu,

en défendant mon pays .

Je l u i promis d’

exécuter stric tement ses i a

tent ions,et i l ajouta Et à présent

,monsieur

Mi ldmay, permettez—moi de vous donner un petitmot d ’avis . Quand vous serez capitaine car

j e ne doute pas que vous ne le deveniez , ne

semez pas un esprit de mut inerie dans votre

équipage en voulant avoir ce qu ’on appelle un

vaisseau soigné . Tout marin aime l’

ordre et la

propreté mais être sans cesse occupé à frotter ;pol ir et fourbir tout ce qu i se trouve en fer ou

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164 FRANK M I LDMAY .

en cu ivre sur un vaisseau , c’est ce qu’ancun ma

rin ne peut sou ff rir . Si vous ête s une minu tede plu s qu

un autre navire à prendre des r is à

vos voiles , ne vous en inquiétez pas , pourvu que

les ri s soient bien pris et que vos vo iles so ient

en état de résister a u vent , car on déchiré b ien

des voi les parce que les ris en avaient été ma lpris ; et cette folle précip itat ion a coû té la vie à

pl us d’un bon marin . Et quoi de pl us in]uste que

de puni r cel u i qui arrive l e dern ier sur la ver

gue ! Ne faut-i l pas tou]eurs que quelqu’

un soi t

le dern ier? Mans ]e vous a i retenu trop longtemps monsieur M i ldmay n

oubl iez p a s ma

pauvre mère , et ne manquez pas de vous trouver

demainmat in sur le gaillard d’ava nt

Cette fatale m a t i née arriva . A huit heures un

co up de canon fut tiré e t le signal du s uppl icefut arboré au haut du mât . Le capitaine d ’armes

alla chercher les condamnés,leur ôta leurs fers

,

et les -fit condu ire sur le ga il lard d ’

a rrière par undétachement de solda ts de marine .

La scène qu i su ivi t fut si solennel le , que ose à

peineessayer de la décrire . Le j our éta it superbe ;les vergues de perroquet éta ient croisées à bord

de tou s les vaisseaux de la flotte ; leur pavi l lonéta it déployé ; tou s les hommes de chaqueequ i

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166 FRANK M I LDMAY .

sirai t adresser quelques mots à l’

équip age , le

capita ine y con sent it , et fit venir tout son monde

sur l’

a rr1ère. Le pl us pro fond silence régnait ,et i l n’

yavait pas un œ il qu i ne fût humide .

Mes camarades , dit Strange , écou tez lesdern ières paroles d ’un homme qu i va mourir.Nou s sommes ici pour avoir écouté les instigations ]de quelques—uns de vous qu i se trouven t

en . ce moment en sûreté da ns l a foule . Nousavons

été leurs instrumens , et nous sommes de

venus les vict imes de la j uste vengeance des lois .

Si'

vous aviez réuss i dans l’

infâme proj et'

que

vous a viez conçu quel le en aurait été la su ite?Vous vous seriez perdus pou r l

éternité,et vous

auriez . é té la honte de vos familles l’

exécra tion

de votre pays, et l

objet dumép ris des étrangers

à qu i .

’vou s vous pro posiez de l ivree ce vaisseau.

Je remercie le ciel d’

a vo irpermis que ce dessein

échouât. ‘ Que notre sort yous iserve de leçon, et

montrez votre repentir: par votre condu ite à l’a

ven ir . Maintenan t , monsieur , a ]outa—t-i l , ense tournan t vers le capitaine nou s nsom ines

prêt s .Cc discours

, prononcé par un simple matelot

pourra é tonner, le

lecteur comme il étonna leca p ita inc

'

et les o ffic iers . Mais Strange n’

éta it p a s

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FRANK M I LDMAY . 167

un homme ordinaire ; et, comme ]e l’a i dé]à d i t ,

i l .a va it reçu de l ’éduca tion. Peu t—être même ,comme quelques chefs d ’

insurrection n’

a v'

a it—il

commis la faute de désobéir , que parce qu' il se

sentai t n é pour commander .

Ou attacha les bras des condamnés,le cha

p ela inm archa en avan t en l isant le serv ice fù‘

néra ire et le cap itaine d ’armes et deux sent i

nel les les conduis irent sur le gai llard d ’avant . Ou

y ava i t élevé une plateforme a u-dessu s d u bos

soir avec des marches pour y monter . Une poul ie

s im p le à fouet avai t été attachée au cercle de‘

fer

à l ’extrém ité extérieure de chaque taquet de ' l a

v_ergue de misaine

,et l’on y ava i t passé une corde

dont un bout d escendait sur la plateforme e t

don t l ’autre bou t éta it i coudU it '

le long de la

vergue dans le trel ingage des haubans ,o'

et'de làtombait su r le pont . Un canon amorcé

,î et n ’at

tendant que l a mèche, était Su1‘î l a plateforme .

J’

a ccemp agnä i le p a uvre Strange ]usqu’

au

derniermomen t: I l me pria d ’

examiners i la c ordeéta it convena blemènt arrangée autour de soncôu; ca r i l avait entendu dire que bien des gens

avaient s oufi‘

ert . long-temps avant de mourir ,

fau te de cette précaut ion . Un bonnet b la uc '

tut

placé sur la tête de chacun d ’eux c l qua nd i ls

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FRANK u11nmn .

furent sur la p lateforme on le leur rabattit surles yeux . Ils me serrèrent la main a ins i qu ’au

capita ine , à qu i ils dirent qu’

ils mouraient heu

reux et pleins d ’

es p o iren leur rédempteur . Ou

a ttacha la corde qu’

i ls avaien t autour du cou à

celle qu i éta it passée d a ns la poul ie,et le bou t de

chacune étai t tenu‘

par ,vingt à trente hommes

placés de chaque, côté du pont ;; sou s les ordres

d ’un l ieutenant .

Quand tou t fut prêt le

signal en agitan t un moucho ir; blanc le coup de

canon part it et aumême ins tant les deux ma lheureux furen t élevés ,en l

’air, .Jls ne .

p am rent

pas sou ff rir. Aub out d’

une heure on re lâcha

les cordes ; leurs corps furent m is dans deux

cercueil s , et on les envoya ,â *terre pour y êtreenterrés .A mon retour en Angleterre environ.neuf

mois après ]e remis à la pauvre mère de Strangecinqua nte ,

et quelques l ivres que j’

a va is reçues

p o ur sa p aie et ses parts de «prise ; et ]e lu i d isque s

en fi ls éta it.m ort en bon:ehrétien et pour

le_service Je l a °qui tta i ensuite à la

hâte, .de cra inte qu’el le ne me fi t d’

a utres ques

t ions .

Pendant que nous ét ions à Minorque on y

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1 70 FRAN1e M I LDMAY .

vin que lorsque vos o ffic iers ont qu itté la table .

Si vou s “

vou lez serv ir sur mon bord me di t

un trois ième , le vin. ne vous manquera pas:Cela _est possible répondis-]e mais votre

ca fé est trop faible ,votre intendant a ordre de

n ’en prendre qu’

une onc e pour s ix tas ses .

Toutes ces réponses amusaient la foule qui

m’

entoura it et ' le v ieil amiral l u i-même m ’

.ho

nora d ’un sourire . Pu is- ]c faire quelque chose

p our,vous , fou ?.me demanda—t— ih Oui , cer

ta inement milord lu i répl iquai— ie ,vous p ou

vez me nommer —œ p j ta iue. Oh non, rep

d it—,i l_nous ne Ç h0isissons j ama is de fo 1î s p our

ca pitaines . —_Vraiment ' m

écria i—je , c’est donc

;uuenouvel lep rdonnä nce de l’

Am ira uté ,milord ?

Pourriez—vous ‘

me d ire,dep uis combien de temps

el le a été rendue

L’

a m ira l bon v ieil lard d ’

humeur j ov iale

fi t que rire de cette remarque un peu imp erti

nente '

, mais le cap itaine du…va isseau qu'

e ]e .vea

de .quitter , sur qui , j’

a voue ]’avai

'

s jeté

un coup d ’

œ il en. l a faisant et qui m’

a va i t recom

nu comme par instinct eut la sottise de

s’

enoflfenser,_et i l . al la le lendemain matin. s’

en

plaindre à mon cap itaine cel u i-ci lui rép ondit ,en éc latant de r ire que c’

éta it une excel leute

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FR ANK MILDMAY . 1 7

pla isanterie et il m 1nvita le même j our à dîneravec l u i .

Notre fréga te reçut ordre de se rendre à G ibra lta r,

et nou s y arrivâmes peu de temps après .Un x paquebot venant d ’

Angleterre m’

a p p orta

une lettre de mon père qu i m ’

annonç a it l a

mort de ma p auvrem ère. Oh ! combien j e te

gretta i alors tous l es chagrin s que ]e l u i avaiscau sés Avec quellefidél ité ma mémo ire me rap

pela toutes les fautes dont j e m ’

etai s rend u cou

pah le envers el le Je n ’

eurais j amais cru que

sa perte pût m’

e causer une douleur s i v ive . Monpère me d isait que

,dans ses dern iers momens ,

el le avai t exprimé la plus tendre sol l icitude pourmon bonheur futur et qu ’el le l ’avait cha i gé deme dire que les dern ières recommandation squ ’elle me faisai t éta ien t de ne î ]am a is oubl ier

les principes de morale et de rel igion dans lesquel s elle“

m’

a va it élevé ; e t qu’en m’

envoyant sa

bénédict ion ‘el le meïcon]ura it de l ir‘

e la" Bible

fet de : là ‘

p rendre pour gu ide dans tout le cour’

s

Jamais ]e ne me sentis si pro foñd'

émeñt‘ëmu

qu’

en°

cette occasion ..Je me

m is -danSî m ‘on ’

h a

mà‘

é , l a tête en «feu,fet le c œ ur presq ue brisé .

Il se passa quelque tem p s avant“que ]e pusse

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l 72 FRANK M ILDMAY '

.

réunir mes idées et me rendre compte des seu

sa tions que ]’éprouva is . Mais quand je me rap

pelai tou tes mes fautes, ]e fus accablé de honte,

de chagrin et de repentir .

I l était env iron minu it et ]e n’avais pas encore

fermé les yeux quand on m’

a p pel a pou r faire lequart de minu it à quatre heures . Nou s avions

la veille ens evel i dans la’

mer le corps d’

un

vieux maître de timonnerie‘ nommé Quid qu i

s’

éta it tué à force de boire ce. qu i n’est pas très

rare au service de -sa ma ]esté .

' Le corps d’

un

homme mort par su ite de son intemp érauce

tombe presque tou]ours. en_putréfa ction imme

d ia tement après son décès et cette putréfact ion

fait des ' progrès rapides sous «un cl imat; très

chaud . Les symptômes en furen t tels , quel ques

heures après_la mort de Quid qu’i l fall

'

u‘ t l u id onner sur-le—champ l a sépulture commune des

marins qui meurent à bord et le service f uné

raire ayant .été lu i l fut descendu à la mer avec

toutes les cérémonies d ’

usage , un boulet attaché

à chacun de ses p ieds pour que le corps ne pût

revenir ,sur,

l’

eau

Je me promenais sur le pon t p longé dans desérieuses réflex ions qu i éta ien t la su ite de l ’im

pression que m ’

a va it faite l a mort de ma mère

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1 74 1 11A NK M I LDMAY .

Faites-l u i attacher quelques bou lets de pl us auf:p ieds i l s era plu s ferme sur son amarre ; et

priez— le s’

i l l ève l ’ancre une seconde fois de

ne p lu s venir dans nos eaux .

I l est a isé d ’

exp l iquer un événement s i s ingu

l ier en apparence . Les corps que la putréfaction

décompose engendren t 'une grand e quantité

de gaz q u i les enfle les rend plus légers et les

fait remonter sur la surface de l ’eau . La putré

fact ion éta itd è ]â commencée quand le corps deQu id ava it été confié à la mer ; les bou lets-a t

tachés à ses p ieds ava ien t suffi alors pour le reten ir a u fond ; mais la quantité de ga z venant à

s’

a ugmenter l e poids était devenu insuffisa nt

et i l s ne serva ien t plu s qu’

à le mainten ir dansune posit ion perpendic ulaire.

Le cano t part it avec quel ques bou lets pourexécuter les ordres du premier l ieutenan t. Maisquand on essaya d

accrocher le corps avec la

gaffe du canot i l tournait sur l u i—même s ’en

fonçait sou s l’

eau reparai ssait en su ite et—dé

]oua it tous les eff orts . L’homme qui tenait l a

gaffe p iqué des rai lleries de ses camarades en

d onna enfin un si grand coup au corps quel le

l u i entra dans l ’abdomen et . le gaz qu ’i l conte

nait trouvant une issue pour s‘

écha p per,le corps

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FR ANK M I LDMAY . 1 75

s’

enfonça tout naturel lemen t et ne reparut p lus .Ou fit force p laisanteries sur cet événemen tmais j e n’

éta is pas d’

humeur à plaisanter sur un

suj et s i sérieux et avant que ]’eusse fi ni mon

quart ]’étais déterminé à reto urner chez mon

père et à qu itter le service .

Le lendemain ]’

inform ai le cap ita ine de mon

désir non de qu it ter le serv ice mais d ’allerchez .mon père pour affaires de famille ce qu i

m’

éta it à peu près au ss i nécessaire que de faire

u n pel erinage à Jérusa lem . Le capita ine avait

appris la fâcheuse nouvelle que j’

a va is reçue ;cependant i l me fit quelques remontrances et

me dit qu ’i l me serai t certainement pl us avan i a

geux de rester à bord .

Vous êtes maintenan t accou tumé au service me dit- i l vou s connaissez vos devoirs et

vous vou s en acqu ittez à ma satisfaction . J ’a i

même mentionné votre nom honorablement

dau s une lettre destinée à être rendue publique ,que ]

’a i écrite à l ’Am irauté . Au surplus vou s

devez savoir mieux que moi quelles a ffaires peu

vent vous appeler chez vous mais mon avis es t

que vous 1 estiez à bord .

Je le remerciai,mais j e persista i dan s ma ré

sol ut ion , et i l consentit à me donner moncongé .

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1 76 FRANK MILDMAY .

I l y a jou ta un certifica t de bonne conduite,

conçu dans les termes les plus sa tisfa isans,

—et

me d it même que s i ]e vo ulais revenir sur son

bord i l me conserverait une place vacante . Cc

ne fut pas sans regret que j e pris congé de lu i

des o fficiers et de tout l ’équip age. J’

a va is passé

avec eux pl us de trois ans ; le commencement de

ce temps avai t été ora geux , mais le calme y avait

s uccédé et j e n ’avais p lu s a lors que des amisau tour de moi . Je ne tardai pas à trouver unvaisseau de l igne qu i retournait en Angleterre,et ]

yobtins mon passage.

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1 78 FRANK MILDMAY .

]e repris tou te ma légèreté naturel le. En arrivantà Portsmouth , j e consentis à y passer deux j ou rsavec mes nouveaux compagnons . Quand ce

temps fut expiré j ’eus pourtant assez de reso

lution pour faire mon porte—manteau et après

un souper extravagan t , ]e me couchai plu s qu’

a

demi ivre. Je me levai le lendemain avec ungrand mal de l ête, et ]e monta i dans la diligencede Londres.

Quand j e frappai à l a porte de mon père ledomest ique qu i me l

ouvrit poussa de grands

cris de j o ie . Je me précipita i dans le salon,et à

m a grande surprise je vis une nombreuse réunion d’

enfans qu i dansaien t avec mes j eunes

sœ urs,tandis que ma tante jouait du p iano ; et

mon père éta i t assis s ur son grand fauteuil, d

un

a ir de bonne humeur .

C’

éta it une scène à laquel le ]e ne m’

a ttenda is

nullement . Je m ’

etais préparé à un accuei l sen

timenta l et touchant , et ]’ava i s cherché à mettre

mon esprit à l ’unisson. Qu’on ]uge donc de la

révol ution soudaine qu i s’opera en moi quand

]e’

trouva i la j oie et la ga î té où ]’attendais l a tr is

tesse et les larmes . I l ne me vin t pas à l ’i dée quel a mort de ma pauvre mère avait eu l ie u s ix moisavant q ue ]

en reçusse la nouvelle , que près de

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FRANK M ILDMA Y . 1 79

trois a utres mois s’éta ient écou lés depuis cettedern ière époque , et que par conséq uent le temps

avait dû produire son effet ordinaire e t adouci r

la prem ière amertume du chagrin . Je fus surpri s

de ce qu i me paru t en eux un manque de sen

sibil ité, et ils ne le furent pas moins en me voyant

un air grave et sérieux .

Mon père me reçut d ’un air de surprise,et

me demanda où était ma frégate , et quel mot ifme ramenait chez lu i . Le fait es t qu

ayant pris

tou t à Coup cet te résolution , ]e m’

éta is épargné

la peine de l u i écrire pour l ’en in former , parceque j e serais arrivé en même temps que m a

lettre,à moins que je ne lu i eusse écri t de Ports

m outh ce que ]’aurais dû faire . Ne voulant pas

donner à mon père en présence de tant de té

moins, l

eX p l ica tion qu’

i l avait droi t d ’

a ttendre,

i l fut naturel lement porté à concevo ir des soup

eons désavan tageux , et il supposa que ma mau

vaise condu ite m ’

a va it fait congédier de ma fré

gate . Son front se couvrit d’un nuage , et i l parut

plongé dans de profondes réflex ions.

Lorsque ]’

exp l iqua i à mon père le lendemainmatin les motifs de mon retour

,j e ne pus le

persuader que la mort de ma mère en fû t l a

seule cause et i l me fit une foule de questions

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180 FRANK M ILDMAY .

qu i m ’

hum il ièrent. En fin , ]e l u i montra i le certifica t que m

a va it donné mon cap itaine,et il ne

put conserver ses soup çon5 1mur1eux . Ma is sam auvaise humeur ne fi t qu

a ugmenter. I l me

reprocha d ’

a vo irqu itté ma frégate , quand ]’avais

le bonheur d ’

a vo ir obtenu les bonnes graces de

mon cap itaine et que j ’etais s ur la route de la

fortune,et me demanda ce que dev iendrait l a

marine,s i chaque officier retournait chez l u i

quand il perdait un de ses parens .

Je n ’ava is r ien à répondre à ces a rgumens

mais il s détfuisirent complètement le bon effet

qu’

aura ient produ it surmoi les dern ières recommandat ions de ma mère . Je me dis que si sa

mort éta it un événement s i peu important ses

dern iers avis ne pouva ient l ’etre davantage,et

à com p ter de ce moment ]e cessai d’

y penser .

Mon père éta it fort lo in de me tra iter comme duvivant de ma mère ; i l me refusa tou tes mes de

mandes avec dureté , et i l me fit des mercuriales

qu i auraient mieux été adressées à un en fant

qu’

à un ]eune homme de d ix—hu it ans qu i avai t

vu le monde .

La froideur qu 11 me montrait fit naître en

mo i un espri t de résistance . Mon orguei l vint àmon secours . Nous eûmes un soir une querel le

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1 82 FRANK M ILDMAY .

de cheval m’

a perçut et me salua de deux ou

t rois coups de fouet . C’

éta it un avis suffisant de

qu itter mon poste , et j e ne me le fi s pas répéter.Mes lecte urs savent déj à que depuis long

temps j'

a va is adop té la devise de nos voisin s ducôté d u nord , nema me impunè la cess it; mais tou ten aiman t à me venger, je savais attendre l

’oc

ca sion . Je su iv i s donc tranqu il lement le carrosseà quelques pas de d istance . Quand il fut auhaut de l a montagne , le post il l on se remit ensel le . Je ramassa i a l ors une grosse p ierre et j e

l a lui lançai à l a tête . Etourd i du coup i l fut

renversé,sa chute efl

raya les chevaux , i l s s’em

portèren t,et la voiture l u i aura it passé sur le

corps,s i les cheva ux n’

eussent heureusement

tourné tou t à coup sur la droite pour prendre

un autre chem in ,qu i de scendait aussi de la

hauteur . Le postil lon ne fut pas p l u s d’une m i

nute à se relever,et i l ne songea qu

à courir

après ses chevaux . Mon sang bou illai t encoredans mes veines au souven ir de l ’insul te que

j ’avel s reçue et sans m ’

inquièter de ce que de

v iendraient les chevaux , le posti llon , la voi tu re

et ceux qu i s’y trouvaient , ]e me remis en

marche .

Aubou t de quelques minutes ] arr iva i dan s

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FRANK M I LDMA Y . 185

la petite vil le de dont ]e voyais déj à les lnmieres à l ’instant où les chevau x s

éta ient dé

tournés sur l a droite au grand galop . J’

entra i

dans la première auberge que ]e rencontra i e t

]’

y trouvai dans la grande sal le une nombreuse

compagnie assise au tour d ’une table bien servie ,et entre autres une troupe de coméd iens ambu

lans,qu i venaient de j ouer Roméo et Jul iel te, et

à leur air de satisfact ion i l était aisé de j uger

qu’

il s ava ient obtenu d u succès . I l s n’

a va ient pas

qu itté leur costume de théâtre et ce tte scèneavait un air p ittoresque et roma ntique , faite pour

intéresser un m ids hipman à demi—paie.

Ma promenade m ’

a va it donné de l'

a p p étit , et

le garçon m’ayant dit que c

é ta it une ta ble

d’

hôtes ]e résol us de prendre ma part d u sou

per . I l ne s ’

agissa it pl u s que de chois ir une place.

Une actrice,j eune

,j ol ie , bien faite , et ayant de

grands yeux noi rs écou tait avec un air d ’

ennui

e t d ’

indifi‘

érence, les fades com p l imens de j e unes

campagnards . Quand il l u i arriva i t de sourire

elle montrait les pl us belles dents du monde

ma1s en général el le avai t un a ir de méla ncol ie

pensive,qu i prévenait en sa faveur , et qui por

tait à croire qu ’elle n’

éta it p a s né e pour la situ a

t ion qu’

el le occupait en ce moment . Un ]eune

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1 84 FRANK mumu .

fermier , qu i était assis à son côté se rebu ta del u i conter des douceurs en pure perte

,et se

leva de table . Je me hâtai de prendre sa place ,et ]

entra i sur—le-champ en conversat ion avec

elle.

Je ne puiä dire si_mes discours l u i pl uren t , siel le trouva mes manières supérieures à cel lesdes individu s qu ’el le voya i t hab ituel lement ou

s i el le fut fla ttée de mes attent ions assidues ;mais le fai t est qu ’elle s’an ima peu à peu el le

perdit son air de réserve et el le fit preuve de

tant de taleus naturel s e t montra un espri t si

cult ivé , que j e ne pus m’

emp êcherd’

ê tre surpris

de la trouver dan s une parei lle s ituat ion .

Notre entret ien avait duré assez long-temps ,et j e venais de faire une remarque à laquelle elle

n’

a va it pas répondu,parce qu ’el le para issait

lutter contre une émotion secrète, quan! nousfûmes interrompus par le bru it que fi t une voi

ture en s’

a rrêtant à la porte , et par les cris Au

secours ! a u secours Ï Je qu itta i s ur — le-champ

ma nouvelle connaissance,et j e partis pour rè

p ondre à ce signal de détresse .

Je trouvai dans la voiture un homme d ’

un

certain âge,soutenant dans ses bras une ] eune

personne qu i avait perdu connaissance .

J’

a idai

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186 FRANK mumu .

quelques minu tes auparavant occupait exclus ivement toutes mes pensées .

Ayant 1éuss i à rendre la connaissance à label le malade , j e donnai ordre qu

’on la m i t dansun l it b ien chaud qu

on l u i f it prendre du thé,

et qu’

une femme veillât près d ’el le toute la nuit.Tandis qu’on se prépara it à exécuter mes ordres

le ch irurgien qu ’on avait été chercher arriva . Je

lui rendis compte de tout ce que ]’a vais fai t et

prescri t,i l y donna son approbat ion e t a]outa

que ma présence d ’espri t ava it peut—être sauvél a vie à cette ]eune dame . Mais permettez-moidevous demander , d it-il au père , comment cetaccident est arr ivé .

Un drôle était monté derrière ma voitu re

répondit le père ; le posti l lon lui donna un coup

de fouet pour le faire descendre et en reç ut un

coup de pierre qui le renverse. Les chevau x

prirent le mors aux dents firent deux ou trois

mil les au galop sans personne pour les condu ire ,et j etèrent la vo iture contre une borne ; accident

qui aurait pu coûter la vie à ma pauvre fi l le.

Le misérable ! d it le docteur .

— Oui , le misérable ! pensais-]e en songeant à

tous les malheurs que mon caractère vindicat if

aurai t pu causer : mais j e dois avouer que les

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FRANK M I LDMAY . 187

charmes de ma vict ime n a ]outa ient pas peu a

mes regrets . Cependant , voyant qu’on n’avei l p a s

le moindre soupçon que ]e fusse l’

a uteur de cette

catastrophe ]e me remis de mon émotion et ]ereçus les éloges d u docteur avec une modest ie

convenable . Quand il fut part i , le père , pleindereconnaissance

,me serra la main en me souha i

tant une bonne nu it,et ]

’alla i me mettre au l it .Tandis que ]

’éta is devant unmiroir mettant

sur l a toilet te ma montre et une bourse b ien

l égère , e t que ]e dénouais ma cravate , ]e repassa i en esprit tous les événemens de la j ournéee t j

a p ostropha i a insi qu’i l s u it l’i mage que la

glace réfléchissa it —C ’est donc ainsi,monsieur

,

que vou s marchez au repent ir et à la réforme

Vous insultez votre père , vous fuyez de sa m a i

son vous montez derrière une voiture comme

un vagabond ; on vou s en chas se ains i que vou s

le méritiez,et pour vous venger vous r isquez

de faire écraser sous les rones un pauvre homme

qu i a peut- être une femme e t des enfeus , et decauser la mort à une ]eune per sonne charmante ;et tout cela dans le court e5p a ce de six heu

res ! Où tout cela vou s condu ira—t- i l ?

A l a potence,me répondis-]e à moi—même ,

et cela es t d ’

autant p lus probable,que j e ne vois

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188 FRANK M I LDMAY .

aucun moyen de rempl ir ma bourse , s i ce n’est

par un miracle , ou en volant sur le grand

chemin . Me voilà déj à amoureux de deux ]eunes fi l les

,et ]e ne possède au monde que deux

chemises blanches . I l n’

y a auc une proport ion

entre les moyens et les be soins .

Je m ’

endorm is au m il ieu de mes réflex ions .

Je fus éveil lé le lendemainmati n par des hiron

delles qu i faisa ient leur nid auhaut des fenêtres

de ma chambre et la première quest ion qu i

se présenta à mon esprit fut de savoir ce que ]e

répondrais quand le père de la jeune damem ’

in

terrogera it , comme ]e devais m ’

y attendre.J

ava is à choisir entre la vérité et le mensonge,

mais ]e la issa i ce point indécis , et ]e résolus d’a

gir comme les circonstancesm ’

ydétermineraien t.

Mes méditations furent interrompues par legarçon de l ’auberge ,

qu i v int me dire que le

père de la ]eune personne qui ,

éta it arr ivée la

veille si malade , m’

a ttenda it pour de]eûner.

La pensée de ine tro uver à table avec la ]eune

personne charmante que ma fol ie ava it pensé

fa ire périr la nuit précédente , me m it hors d’

éta t

de songer à autre chose , et l aissant au hasard

ou à une heureuse inspirat ion le soin de fabri

quer une histoire ]e me rcndis' dans l

a p p a r

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190 1111ANK MILDMAY .

ment épris a ura it dû n’

a vo irui cœ ur ui ame.

S i j e l’avais trouvée belle quand ]e l’avais

vue san s connaissance et couverte de la pâleu r

de la mort, que dus- ]e penser quand je l a

vis avec l’air animé qu i lui était naturel et

lorsque ses j oues avaien t repris leurs char

mantes couleurs Faire la description d’une

beauté parfaite n ’a j amais été mon fort. Tout ce

que ie puis d ire , c’est qu’

autant que ]e su is en

état d ’en ]uger miss Somervil le réunissa i t en sapersonne to ut ce qu i pouvait contribuer à en

faire le plus bel échant il lon de son sexe en An

gleterre ,et la m ain hab ile de l a nature y avait

m is tant d ’

harmonie , que ]e me sentais prê t àtomber à ses p ieds et à l

’aderer.

Lorsqu’

el le me présenta sa main blanche en

m’

a dœ ssant à son tour des remerc îmens j e fus

tel lement confondu que ]e ne pus que ba lbut ier quelques mots dont ]e ne me souviens paset ]e ne saurai s même dire s i ]e les prononça i en

anglais ou en français. Je perdis toute m a pré

sence d’esprit e t la rougeur que fit monter j us

qu’

à mon front le souvenir dece que ]’avais fai t la

veille aurait p u se prendre pour celle de l’

inno

cence modeste . Ces signes extérieurs se confondent souvent ; et ce fut sans aucun doute ce qu i

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FRANK MILDMAY. 19 1

a rriva en ce moment . Mon embarras fut a ttribué à la modestie qu i accompagne tou jours leVér itable mér ite.J

a va is été trop long—temp s en pension pouravoir honte de porter des lauriers que j e n ’avai s

p a s gagnés . Je crus devoir p rofiter de tous lesavantages que les chances de la guerre pouvaient

m’

o ffrir. J’

imp osa i donc silence aux reproches de

m a conscience , e t assis entre m a nouvelle pas

s ion et son père , j e li s l e pl us dél icieux dé]eûner.

Le docteur avait déclaré que m iss Somervil leéta it hors de tou t danger , et quo iqu

el le fût eu

core un peu faible , el le étai t en état de continuer

son voyage Comme ils n’

a va ient pl us que quel

ques milles à faire M. Somervil le décida qu ’i lne part irait que plus tard dans la mat inée.

Le dé]eûner fini i l qu i tta la chambre pour

faire quelques préparatifs de départ et ]e resta itê te-à—tête avec sa fi l le. Pendant cette courte

absence appri s qu ’elle éta i t fil le un ique, que

sa mère étai t morte , et qu’i l avait existé une

grande intimité entre nos deux familles . Emilie

me fit auss i des questions pour savoir à queldegré ]

’éta is parent de l’ancien ami de son père,

et ]e l u i répondis que j’

etais son fi l s . I l m ’au

rait été impossible de fa ire un mensonge aux

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1 92 FRANK 1111011 1 11:

lèvres de corail qu i m 1nterrogea ieut et aux

yeux pereans qu i étaient fixés Sur les miens .Et pourquoi ne l ’avez—vous pas dit à mon

p ère ? medemanda-t-elle .

Parce que j’

aura is été obl igé de lui en dire

beaucoup plus,l u i répondis—]e en la prenan t

pour confidente. Je su is le midshipman que

M. Somerville suppose sur la Méd iterranée et

]e me su is en fu i h ier 5011 de chez mon père .

Quoique j’

eusse été a uss i concis qu ’il éta1t

possib le dans mon histoire j e ne l ’avais pas

terminée quand M. Sometvil le rentra .

Eh b ien papa,s’

écria Emil ie monsieur

est véritablement Frank M i ldmay après tout .

I l ne me restait qu’

a faire un aveu franc et

sincère de tout ce qu i m’

éta i t arrivé , mais ]’eus

grand soin de ne pas d ire un mot de la p ierre

que j’

a va is ]etee au postil lon . M. Somervil le mefi t une réprimande que ]e trouvai sévère et i l

me paru t qu’ il prenai t trop de l iberté avec moi .I l s’en aperçut et prit un ton plu s doux .

Si vous sav iez me d it-il combien j e porte

d mtérêt à votre famille quoique la distance

qu i me sépare à présent de votre père ait rendu

nos relations beaucoup mo in s fréquentes vous

ne seriez pas surpris que jeprenne le ton d’un

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194 FRANK MILDMAY.

nos deux pères n’

a ura ient p ueffectuer; et je luid is qu

à sa sol l icitati on j’

a ccep tera is tou tes les

c onditions raisonnables qu i me sera ient pro

posées .

Son père rev int en disant que sa voiture était

à l a porte i l me serra la main ; j’

a ida i Emil ie à

m on ter en Vo iture et le dern ier regard qu ’elle

me jetam ’

a fi‘

erm it dans mes bonnes résolut ions .Quoi que le lecteu r pu isse penser de cet inci

d ent i l verra qu ' i l eu t des su ites d ’une grande

importance . L’

orguei l m’

a va it exci té à qu itter la

m aison de mon père l’

esp rit de vengeance m’

a

va it porté à une act ion qui v ient d'

amener sur

la scène l ’héroïne de cette h isto ire ; mais hélas

par quel aveuglement M. Somervil le me laissat-il monmaître dans une auberge avec d ix l ivres

dans ma poche au l ieu de m ’

emmener chez lu i

jusqu’

à ce qu ’i l eût reçu des nouvelles de mon

p ère ? Les hommes les pl us sages commetten t

des erreurs sur des po ints qu i paraissent d’

ebord

sans importance et qu i ont ensu ite des consé

que nces fâcheuses .

Abandonné à moi-même ie réfléchis sur tou tce qui venait de m

a rriver ; et la bel le Emil ie

Somervi lle étant àlors loin de mes yeux je merappelai la jol ie actrice que j

a va is s i brusque

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FRANK MILDMAY . 195

tuent qu ittée la soirée précédente . Je dois p our

tant dire que j 'etais tel lement occupé des char

mes d'

Em i l ie que j e ne cherchai la j eune

Melpomene que comme moyen de passer le

temps et sans aucune autre intent ion .

Je la trouva i dans la grande sal le de l ’a uberge

avec les autres comédien s qu i alla ien t y dîner

à table d’

hôte. Jeme plaça i encore à côté d ’elle,

el le me reçut en ami et el le montra en ma fa

veur une part ial ité qu i me fl atta . Au bout de

tro is j ours,j e reçus une lettre deM. Somerville .

Elle en contenai t une de mon père dont la

seule demande était que j e retournasse chez lu i,

et que j e le rev isse comme s’ i l ne s’

éta it passé

entre nous rien de désagréable . Je résol us de le

faire mais j'

a va is été assez long—temps dans la

compagn ie d ’

Eugénie c’

éta it le nom de l ’ac

trice,

pour qu ’i l me fût pénible de la qu itter .Dans le fa i t j ’en étais en style de marin éper

dûment amoureux . Je n’

a ura is osé dire qu’elle

parta geât mes sentimens mais i l éta it évident

que ma société l ui plaisai t . Elle m ’

a va i t conté

l’

histo ire de sa vie , et j e la donnerai en ses pro

pres termes dans le chap itre su ivant.

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198 FRANK 11 1LDMAY,

de chez ses parens pour le su ivre et l ep ousa .

Cette démarche im p rudente att ira sur el le l'in

dignat ion de sa famille et s’en trouvant aban

donnée el le devint prima donna de l a troupe .

Je fus le seul fru it de cette union et la seuleconsolat ion de ma mère car el le eut cruelle

ment à se repentir de sa condu ite incon5idérée.

Lorsque j ’eus cinq a ns mon père voulu t

me faire j ouer le rôle de Cup idon dans l'

op éra

de Télém a que. Ma mère s’

y opposa et déclara

que j e ne monterai s j amais sur le théâtre . Cc

re fu s fit naître entre eux une querelle sérieu se

et l a manière ind igne dont mon père nous trai

tai t ma mère et moi ne servit pas à rétabl ir

l’

ha rmonie. Je n’

o sa is j amais m ’

éca rter d'

el le un

instant de crainte de recevoir quelque cou p .

Elle employai t tout son loisir à m ’

instruire et

malgré la faute qu ’el le avai t commise elle enétait cap able sou s tous les rapports .

Deux ans après une parente de ma mère

mourut en lu i léguan t cinq mille l ivres et el le

gva it pris toutes les précautions nécessa ires pour

que son mari ne pût j amais toucher ni le capita l h î les intérêts . Dès que ma mère ou fut in s:l ruite

, el le qu itta son m a ri et m ’

emmçna avec

el le . Il ne j uge_a pas à propos de perdre son

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FRANK MILDMA Y . 1 99

temps et son argent po ur la poursui vre . SIl eû té té in formé du changement survenu dans sa

fortune i l aurai t probablement agi diffe

remment.

Nous arrivâmes à Londres , ma mère pri tpossession de son legs et cra ignant que mon

pè re ne v int à l ’a p p rendre elle passa en Franceavec moi . J’

ypassa i les p l u s belles années de ma

vie. Ma mère n’

ép argna rien pour me donner

une bonne éducat ion . J'

eus les meilleurs m a i

tres de musique de chant et de danse , et le profita i de leurs leçons

11 De France nous passâmes en Ital ie,où nous

restâmes deux an s . Pendant to u t ce temps ma

pauvre mère vivait sur son ca p i tal croyant

sans doute qu ’i l éta i t iné puisa bl e . Enfin el le fut

attaquée d ’une fièvre cérébrale et el le en mou

ru t. Il ya maintenant deux ans que ce malheur

est arrivé et j e venais d ’

entrer dans m a sei

z ième annee ; A yan t été dans le dél ire presquedepu is le commencement de sa malad ie qu i fut

très- courte el le ne put me donner aucun avis

pour ma conduite future ni me dire comment

j e pourrais me procurer des ressources pour

vivre. Heureusement j e savais l ’a dresse de sou

banqu ier à Londres et j e lu i écrivis sur—le

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200 FR ANK MILDMAY .

champ . Sa réponse fut qu’

une somme de qua

rante l ivres était tout ce qu i l ui restai t entre lesmains à ma mère .

11 Je crois qu 'i l me trompa mais j e n‘

y pou

vais rien faire. Cette nouvelle ne me fit pas per

dre courage . Je vendis tout le mobil ier de m a

m ère ie payai tou tes ses dettes et avec neu f

l ivres dans ma poche j e partis pour Londres

où j’

a rriva i sans acciden t . En descendant dans

une auberge un j ournal me tomba sous l amain et j

yvis qu’

a ne troupe de coméd iens de

prov ince demandait une j eune actrice pour

j ouer les premiers rôles . Ma mère ava it tou jourseu du goût pour le théâtre . Non seulement ellem

a va it souvent condu ite au s p ectacle mais

nous avion s même j oué fréquemment la comédie en société pendant notre séj our en Franceet l

on avait trouvé que j e m '

a cquitta îs bien des

rôles don t j ’etai s chargée .

La profession d’

a ctrice me paraissa it un

mode d’

ex istence bien précaire mais j’

éta is

sans ressources e t j e résolus d’en essayer . Je

me rendis à l ’a dresse indiquée dans le j ournal .Oum

y fi t marcher déclamer chanter on

p arut sat isfait de mon savoir— faire on m’

a c

çcp ta et l ’on me dit de me rendre dans - une

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202 FRANK M ILDMAY .

de l u i a p prendre qui petais quand il fut a ttaqué

d ’une malad ie dangere use don t il mourut il y

a environ hu i t mois après avoir renouvelé mon

engagemen t pour un a n en augmentant mes

a p p ointemens d’

uneguinéeet demie par semaine .

Mon intention est de quitter cette troupe dès quemon engagement sera terminé mais

,que ferai

je alors ? c’

est ce que j e ne saura is encore dire .

En retour de sa confiance j e l u i contai ce

que j e j ugea i à propos qu ’elle sût de mon his

to ire et en trois j ours el le me captive à un tel

point que j’

oublia i ent ièrement Emilie Somer

ville. Je ne songeai plus qu’

à gagner du temps

a fin de pouvoir rester près d ’

Eugénie. Mon pèrem

a va itmandé dans sa lettre qu ’i l m’

a va itobtenu

la permission de passer à bord du vaisseau de

garde à Sp ithead ; j e l u i répondis avec un ton

de respect et d '

a ffection pour le prier de trouver

bon que j e rej oignisse ce vaisseau sans retourner

chez lui cn al léguant pour raison qu ’i l m 'en

coû terait trop de reparaître devant ses yeux ,

avan t que le temps eû t cfl‘

a cé l’

im pression que

ma conduite devait avoir fai te sur l u i . Mon pèrey consentit et se rep rochant} probablement

au ss i quelques torts , i l m’

envoya l ibéralement

une somme d ’argent pl us que suffisa nte pour

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FR ANK mum u . 203

m equi per de nouveau com p lètement. .Le même

courrier m ’

a p p orta une lettre de M. Somer

v il le qu i m ’

invita it à venir passer quelquesj ours chez lui,Eugénie m

'

ava it in formé que les acteurs

comptaient partir sou s deux iours pour se ren ,

dre dans les env irons de Portsmouth et comme

i ls deva ient être qu inze j ours en rou te , le me

déterm ina i à la qu itter p our le moment et à

eccep ter l mvi l a tion de M. Somervi lle . Ja va is

p as sé plu s d’une semaine avec elle . En lu i— fa i:

sant m es adieux j e l ui déclara mon amour. Le

si lence et les l armes furent sa seule repouse . Je

\ is qu ’

elle n’

éta it pas mécontente de mon aveu ,et je la qu itta i en me l ivrant a ux plus douces

espérances pour l’avenir .

J’

a rriva i chezM. Somerv ille et j e re çu s l'

ac

cuc i l le plus cord ial d u père et dc la fi l le. Maisj e ne dois pas entrer dans de longs déta il s sur

le séj our que j_’

yfis . Quand j’

y réfléch is j e me

hais moi-même et j e déteste la nature humaine.

Pouva it—ou se fier à moi ? Cependant i’

insp ira is

une confia nce sans bornes . J’

éta is comme le ser

pen t dans le jz1rdin ri'

Eden quoique sans en

avoir les mauva ises intentions . La vertu et labea uté se réunis saient pour tenir mes passions

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un engagement pour de mois et ayant

été présenté dans l outcs les m a,51 me: con

mis fl tab le près d'

Eugénic et la pré férence

décidée qu‘el le m ‘

a ccorda it excita la j alousie

de mes nouvea ux cou1p agmrs. Je les mesurai

tou s des yeux c l io ca lc u la i uc je n'

avais rich

à encraindre .

Les a tl‘

1chcs m1noncèrwnt 1 -»n1éo et Ju l iette ,

et ic deva is jouer le rôle dul \ onde la (mg…

011 mc donna qua tre jours ar m‘

ypréparer.

Je passa i toutcc tem p s a vec qénic ; ellem'

ins’

(m imi! dans les mystères de art ma is tout

d‘

a tta chement el le ne me ‘unc l ta it aucufie

lema tin les a pp l audisscmcns toute la troupe,

et à six heures du so ir lo l ' id 11 ne leu et sel:

A moins de s‘

être trouvé tu: une si tufl iü

semb la b le 011 ne peut se fig ce qu…un â ébuînnl da ns une p an

—il lm œ üñfi: La pb

écrire ; îe lc: méprisa is a u ra i… d

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204 FRANK mu mu .

en bride mais quand ces passions manquaient

de pâtu re el les se cachaient dans le fond demoncœ ur.

Si j e f a sse tou j ours resté près d ’

Emi l ie , je

n’

aura is pas commis les fautes dans lesquelles

j e tombai ensuite ; mais quand je l a qu ittaitoutes mes bonnes résol ut ions disparurent . Cc

pendant l ’image bril lan te de sa vertu avait allumédans mon cœ ur une sain te flamme qui ne put

j amais entièrement s’

éteindre. S’

obscurcissant

quelq uefois el le brûlait ensu ite avec plus d'

écl a t

que j amais et el le fut pour moi u n phare qu i

me gu ida a u mil ieu d ’

écueil s qui auraient pucauser mon nau frage.

Forcé enfin de m ’

élo igner de ce paradis ter

rostre j e dis à Emil ie que j e l ’a ima is que j e

l’

a dora is j e l u i j urai une fidél ité éternelle et

i’

obtins d’elle une boucle de ses cheveux. En la

quittant mon intention éta it d ’al ler rej oindre

le bât iment de garde à Spithead mais la tenta

t ion de revoir l a belle Eugénie était trop forte

p our que j e pu sse y rés ister du moins j e le crusains i et par conséquent j e me d ispensai de

faire aucun effort pour l a combattre . Il est vra i

que j e fi s une apparition pro formâ à bord du

bâtiment a fin de faire inscrire mon nom sur

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FRANK MILDMAY . 1105

ses registres et de prendre date mais obtins

ensu ite très-faci lement un congé du premier

l ieutenant qu i sur un vaisseau encombré

d’

une foule de midshipmen surnuméraires,se

trouva trop heureux de se débarrasser de moi .

Je me rendis al ors dans l a petite vi lle où j e

savais que j e trouverais la troupe de comédien s

dont Eugénie faisait partie . I l s y é ta ient en

pleine act ivité . Quand nous ét ions séparés el le

m’

ava it dit qu ’ i l étai t à désirer pour sa réputa

t ion et pour la mienne que notre l ia ison en

restât là parce qu ’elle pourrai t nu ire à mon

avancement dans ma pro fession . Mais mon partiétai t pri s et j

a rriva is avec une réponse à toutes

ses objections . J ’al la i trouver le d irecte ur , et j e

lu i demandai à être admis dans sa troupe .

Quand j ’eus fait cette démarche Eugénie

pensa que j e ne pouvais surmonter m a p a ss ion,

et que j ’etais d iSp 08é à faire pour el le tou s les

sa crifices possibles . Le directeur m ’

agréa et me

promit une gu inée par semaine et sept sch îl

l ings en su s pour j ouer de la flüte dans l’

orches

t re quand j e ne sera is pas occupé sur le théâ

tre.£Ce fut à ma voix que j e fus redevable d’

une

admiss ion si prompte,car le directeur avait be

soin d ’un premier chanteu r . Je signa i le même

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206 FRA Îî K Ml LDMA Ÿ ‘

.

Soir un engagement pour deux mms et ayant

été présenté dans toutes les formes,à mes con

frères d u brodequ in j e soupa i avec eux . Je me

mis à table près d ’

Eugénie et la préférence

décidée qu ’el le m ’

a ccoi da it excite la j alousie

de mes nouveaux compagnons . ‘Je les mesurai'

tou s des yeux et je calc ulai que j e n ’ava i s rienàen craindre .

Les a ffiches annoncèrent Roméo et Jul iette’

et j e devais j ouer le rôle d u héros de la tragédie .

Onme donna quatre jours pour m ’

y préparer .

—Je p a ssa i tout ce temps avec Eugénievelle m ’ins!

l ruisa it dans les'

mvstères de son a rt mais tout

en me donnant *des preuves non équ ivoques

d’

a tta chement el le ne me permettait aucune

l iberté . Le jour de l a répét it ion arriva ; j e reçusle mat in les a p p l a ud issemens de toute la troupe ,e t à six heures du soir le rideau se leva et seize

c handelles me montrèrent a" ux yeux d 'un audi'to

'

i l‘e composé d ’une centaine de personnes .

A m oins de'

s’

être'

trouvé dans une situàtion

semblable on ne peut se figurer ce qu’

éprouve

un'

débutant dans une pareille occas ion . La p lu

part des spectateurs savaient à peine l ire et

écrire j e les méprisai s souverainement et

pourtant ‘

le me‘

sentis i nterd it et tremblä mi en

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208 FRANK M1i DMAY .

Et maintenan t que le temps a calmé cette ardeur

de jeunesse qu i m ’

entra îna it alors j e dois‘ l u i

rendre la j ustice de dire qu ' i l était impossible

d’

a vo ir plus de naturel et de simpl ic ité . Elle

avait l ’esprit cult ivé une v ivacité enchante

resse u ne ame forte et un attachement sans

bornes pour moi pour moi le premier

et comme j e le crois fermement le seul homme

qu ’el le ai t j amais a imé . La faute qu ’elle commit,

s i el le ne p eut être justifiée doit t rouver une

excuse dans la manière dont Eugénie avait étéé levée . Elle ava it passé son en fance au m ilieu

de quere l les domest iques souvent dans le be

soin et ayant tou j ou rs sous les yeux des exem

ples d ’

inconduite et de dépravat ion . Une mère

faible et pass ionnée pour elle avait soigné son

éducation el le n’

a va it songé qu’

a orner l ’édi

fice sans penser à en assurer les fondations et

ce furent ces ornemens qu i contribuèrent à en

amener la chute.

Elevée en France pendant les temps les pl usorageux de la révolu tion , elle avait adopté quel

ques-unes des idées qu i y régnaient alors . Eu

tr’

a utres choses , elle regardait le mariage comme

un contrat purement civi l qu i n’

imp osa it des

devoirs et des ob l igations que tant qu ’

il dura it

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FRANK M I LDMAY . 209

et qu i pouvait se rompre augré des parties . Les

scènes de discorde qu ’el le ava it v ues dans sa

p ropre famille l ’avaient confirmée dans ses prin

cip es à ce su j et . Quand deux personnes qu i

croyaient s’

a imer, ou qui même s’

a im3 ient vérita

blement, d isai t-el le , s'

unissa ient par un nœ ud in

d issol uble , leur l ia ison éta i t accompagnée d’

un

sentiment pénible de contra inte qu ’el les n ’au

raient j amais éprouvé si el les avaient eu le pou

voir de se séparer quand elles l ’aura ient vou lu

et el les auraient vécu heureu sement ensemble

s i el les n’

yeu ssen t pas été forcées . Je ne sais

mon cher Frank,me di ta elleun jour , combien de

temps vous pourrez cont inuer àm’aimer mais

du moment que : vous ne m '

a imerez p lus le

m ieux sera de n ous séparer .

Ces sentimens étaien t certa inement ceux d ’une

j eune enthou siaste , mais Eugénie vécut assezlong-temps pou r reconnaître son erreur

,e t pour

en déplorer les su ites .

Un incident curieux mit ñ u à ce rêve de bonbeu r . I l mo mi l au désespoir :quand il arriva ;mais j e su is convaincu main tenant qu ’i l fut heu

roux pour moi ; car il me fit reprendre ma profession, me rappela au sentiment de mes devoirs ,et me fit sent ir dans toute son étendue la honte

1 . 1 4

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IRAN ! ÜILDI A 7 .

ta is p lacé .Mon père me cro ya i t l o ours à bord

d u va issea u de ga rde ; il é ta i t vcm

qu i demeura it dans les environs ,1 avant ao

tendu p a r ler de: ta lens du ieun ' homme in

u3œ sœ a t q u i a va i t joué a vec tan! le suocä le

rôle de Roméo , et celu i d'

A po l lou lan: l'

opéra

d'

A po lioo cl Midas , il fut curieu

une rep résentation.

à chanter l orie“(Ü quandmœ ,yeux rencontrèæ nt 11 : de mon

père , et cette vue fut p o u r mo i ca 1'

aura it été

la 1ê10 de Méduse. A la véri té or: 1 ardo neme

p o int en p ierh ma inje fusfra p pe de stupeur. Je perd is I. v 1 , i

'

oubl'

ui

mon rôle et ie nc renom ra 1 uœ gæ a mes iom

be: que pour m‘

enfuir du théâ tre b inant a u

le soin de a rranger le publ iccomme il le pourra it… Mon père , 1i p ouva i t

à peine en cro ire ses yeux , ne dou p lus de lavéw

‘fié quand il vit ma confus ionet fuite ;_c1

i‘

êne sa ura is exp rimct quel le notte un: je 5 1

qmml im le vis ren trerdans le tan: que nous

a p peliom le foyer des a cteurs , tand que je me

du cost ume d’

A po llo 1.

Mnn nè æn m a n d a n n .

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2 l 0 FRANK MILDMAY.

de la situation dégradante dans laquelle j e m '

é

tais placé . Mon père me croyai t tou jours à bord

du vaisseau de garde ; i l étai t ven u vo ir un am i .

qui demeura it dans les environs , et ayant entendu parler des . taleus du ieune homme intéressant qu i avait j oué avec tant de succès lerôle de Roméo et celu i d

A p o l lon dans l’

op éra

d’

A p o l lon et M idas , il fut curieux d’

a ssister à

une représentation .

Je commençais à chanter l ’ariette Pray Goo

dy quandmes yeux rencontrèrent ceux de mon

père , e t cette vue fut pour moi ce qu’

aura it été

la tê le'

de Méduse. A la vérité: ses regards nememétamorphosèrent point eu—

p ierre , ma i s je fusfrappé de stupeur . Je perdis l a voix , j

oubl ia i

mon rôle et j e ne recouvrai l'usage de mes jambes que pour m ’

enfuir du théâtre , la i ssant au

directeur le soin de s‘

a rranger. a vec le publ ic ,comme il le pourrait . Mon père , qui pouvai t

à peine en croire ses yeux , ne douta plu s de lavé ri té quand i l vit ma

confusion et ma fu ite; et

Îène saurai s exprimer quel le sotte figure je fisqua nd je le vis œentrer dans le taudis que nous

appel ions le‘

foyerd es acteurs tandis que ieme .

débarrassa is du costume d'

A p o l lon.

Mon père me demanda d ’un tonsévère depui s

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FR ANK M I LDMAY .

2 1

combien de temps ] ava is pris une profess ion

s i honorable. C’

éta it une quest ion que j’

a va is

prévue,et j e l u i répon dis qu ’i l n’

y

'

a va it que

quelques j ours ; que c’

éta it une esp ièglerie qu im

'

éta it passée p arla tête et qui m'

a va it paru fort

amusante .

Fort amusante sans doute , monsieur ;et pu is- ie vous demander , sans avoir à craindre

d’

entendre un mensonge , combien detemps

cette espièglerie do it encore durer ?

Oh mon congé expire , et je retourne àbord demain .

Vous m ’

a c‘

cordere2 l’

honneur de vo us a o

compagner,monsieur , et 1e priera i votre capi

ta1ne de ne pl u s vous permettre de semblablesexcursions .

Prenant alors un ton plu s sévère,i l a jouta

'

Je rougis d ’

êtr‘

e votre p ère , mons ieur , et j ene

{me”

serais jama is attendu à vous trouver dansla compagnie de Vagabonds et

' de prost ituée s .

D’

apres les lettres que vous m’

a vez écrites de

Portsmouth , j’

a va is l ie u de vous croire tou t différémment occ‘upé .

J’avais recouvrema p résence d’espri t

,et j e l u i

répondis_avec un a ir de simpl ic i té innocente

,

que j e ne croyais pas faire m a l en faisan t ce que

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2 l 2 FRANK MILDMAY .

bien des ofl‘imers se permetta ient; que nousmon

tions quelquefois u n drame à bord pour nous

amuser , et que j’

a va is voulu acquérir de la pra

t ique .

Acquérez-en avec vos égaux monsieur, et

non avec des h istrions et des coureuses de rues.Je fus ou tré d ’

entendreEugénie comprise sous

ce l te dénomination outrageante , mais j e mai tri

sai mon ind1gna tion et je résolu s de soutenir lefeude mon père sans y répondre . I l finit par me

la isser son adre s se,en m ’

ord0nnant de ven ir le

j oindre le lendemain à dix heures d u mat in .

La surprise et l ’inquiétude dont Eugénie avait

été sais ie en me voyan t qu itter le tbéâ tre s i brus

quement , firent place a u désespoir quand elle

apprit qu ’elle en ava it été la cause,et ce qu i

s’

éta it passé entre monpère et moi . Pour la consoler j e l u i ofi

ris d’

a bandonner m a fam i l le et

m a profession pour ne pas la quitter ; mais cette

proposit ion la rappel a à elle—même . Frank,

me dit—el le,nous avons eu tort l’un et l

autre,et ]e fermais les yeux a u danger que j e n

osa is

envi sager . Votre père a raison i l trouve son fi ls

v ivant avec des comédiens ambulans , i l veu trompre cette l iais on et il est de son devoir de

le faire . Vous a vez une carrière honorable à

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2 14 FRANK mumu .

plus de tranqu ill ité . Mon père , pourécarter encore davan tage ce tri ste, su j et de mon espri t ,me parla d '

a ffaires de fami l le de mon frère,de

mes sœ urs , et enfin nomma M. Somervil le et

Ém il ie. Prononcer ce dernier nom c’

éta it tou

cher la bonne corde. Le souvenir d’

Émil ie ta ni

m a enmoi une ét incell e de vertu prête à s'

étein

dre et éloigna pour quelque temps de ma mem oire la malheureuse Eugénie. Je promis à mon

p ère de ne j amais rien faire qui pût être unehonte pour ma famil le ou pour moi-même et

j e le pria i de ne parler de ma fol ie ui à M. So

m erville,ni à sa fil le.

Je vous le promets d’

a utant plus volon

t1ers , me dit mon père , que cet te demande es tpour moi une forte preuve que vous reconnais

sez votre erreur.

Cette conversation ava it l ieu pendant que nousét ion s en chemin pour Port smouth . Dès que

nou s y fûmes arrivés , mon père me la issa à

l’

hôtel , et se rendit chez l’

am ira l du port qu'

i l

connaissait. Le résul tat de cette conférence fut

qu ’on m ’

enverra it sur-le-champ à bord d’

unbâ

l imen t prêt à mettre à la voi le pour la ba ie deB iscaye et commandé par un cap itaine en état

de me tenir en bride . Le nombre do ses mid

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FRANK. M I LDMAY .

shipmen était complet ; mais à la demande de

l’

amira l , i l consentit à me prendre comme surnuméra ire .

L’

a ffa ire étant conclue , mon père v int me retrouver

,et dès que nous eûmes d î né

,

conduisit lu i-même à bord,de crainte q ue j e ne

lu i j ouasse quelque nouveau tour . Me j ugean talors sous bonne garde i l me fit ses a d ieu x c t

retourna à terre .

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b lo i k b la

â’

âüfl term si ca p ih im 1'

nva it

léa “I‘M W ifi… Je vous d°î

quo vous n’

ya ll ie: la mg

promu quo Io n’

ymeta p|MoM lim: la bil let que j

a i

1111111 trè1—flntlcun p 1rmoi — Gard œ

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n…n 111101 1 7 . 2 19

I l pronom . 1 1 1 o l a d'

un ton très —pü emp

l o ire et desren«l a 1 so us le peut , i l me la isse àmes réflex ions .

l l m'

ê l a it fo rt a i de corres p ondre p ar écri t

a vec Eugénie 11 1 1 cela ne me suffisa it p as . Je

l u i a va is p ro… i i'

prè s d’

elle à ne u f heuresco uché , to u tes les emba ra va ient été h issées à leur

p la ce , et de iuh l s :s ba rques d u r ivage , il n'

y

de à portée de ma vue. Je

moyen d’

a ller à terre q ue

de m'

y rem in .1 h age commeM. Ta lbo t mel 'a va i t sugg£w 11 m

'

en fa ire sent ir l'

imp oss i

bi li l é . Ma i s i l 1 . '

onna issa it p a s a lors commeil me connu t p ui le .

Le va issea u I l ? à l ’a ncre à enviro n deux

vent vena i t du sud o ouest

et la m a rée a v vers l 'es t de so rte qu e i'

a «

va is 1our m o i n -l m a rée c l°

c ca l cula i a ue

s fa ire a ucuncommenta i re .

mons ieur, l u i di s—ie me

erre sous la ga rde d u ser

1a riue ?

éga lement enfre ind re mes

e que vous ne po uvez a l ler

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2 18 FRANK mumu .

de venir à Portsmouth pour que je pusse la voirencore une fois avant de part ir , et de se loger àl’

hôtel de l ’É to ile et la Jarretière . C’

éta it le plusvoisin de l a mer . Sa réponse m '

informa qu’elley serai t le lendemain.

La seule d i fficulté c eta it d’al ler à terre. Jesavais que toute mon éloquence ne pourrai t déterminer le premier l ieu tenant cerbère sous la

garde duquel j e me trouvais,à m ’en accorder

la permission cependant , j e résol us de l’

essayer,

et j e lu i fi s les instances les plus pressantes pour

qu ’i l me permi t d 'al ler acheter à Por tsmouthcertains ob jets qu i m ’

éta ient indispensables .

N on,non

,me dit M. Talbot ; je suis tr0p

v ieux renard pour me laisser prendre ain si . J ’a i

mes ordres,et j e ne permettra is pas à mon père

d ’al ler à terre s i le capitaine m ’

a va it ordonné de

le garder à bord Je vous dis donc très-amicale

ment que vous n 1rez pas à Portsmouth , à moin s

que vous n’

yall iez à la nage et j e ne présume

pas que vous l'

entrep rèniez . Tenez , pour vousprouver que j e n’

y mets pas de mauvaise vo

lonté l isez le bil let que j ’ai reçu du ca pitai ne .

Le bil let était fort court car il ne con tenait

que ces mots très—fla tteurs pour moi Gardez

à bord ce j eune in fernal vagabond M il dmay .

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2 20» FRANK muim v.

j e pourrais gagner South—Sea-Castle . Dès quela

nu it fut comp lètement tombée , j e me plaça i

près des porte-haubans de l’avant. C’

éta it le 20

mars et i l fa i sait très—froid . Je me déshab illai , jefis un paquet bien serré de tous mes vêtemens ,

et j e l ’a tta cha i sol idement surmonchapeau, quej ’eus so in de bien enfoncer sur ma tête. Je me

laissai ensuite gl isser sans bruit da ns la mer et

comme un autre Léandre j e ne songeai p lu squ 'au bonheur de serrer bientôt une au tre Héro

dans mes bra s .

Avant que je fusse à d ix toi ses duvaisseau , l a

sentinelle m ’

a p erçut. Elle supposa que j’

éta is undes matelots que l a presse ava it forcés à servirle roi ma lgré

f eux,et que j e cherchais à m ’

é

chapper. Il me cria de revenir à bord j e ne ré

pondis pas et l ’o fficier de quart lu i ordonna de

faire feu. Une ba l le passa par-dessu s ma tête , et

j’

entend is ensu ite une douza ine d ’

autres s itfler

à mes orei lles . Aucune ne me toucha , et redon

hl ant d’efforts, je fus bientôt hors de portée . Un

batel ier qu i avai t entendu les coups de mous

quets pensa qu’i l y avai t quelque chose à ga

gnor pour l u i dans cette affaire . I l s’

a va nça en

mer avec sa barque m’

a perç ut se dirigea vers

moi et m ’aida à y monter .

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FRANK MILDMAY 1 2 2 1

Je tremb la is de froid et tout en remettant

mes vê temens , j e l u i dis de me déposer à terre

le plus près possible de South-Sea—Castle . Nou sy arrivâmes en moins d ’un quart d ’

heure, et lu iayant donné une gu inée j e couru s sans m ’ar

rêter un instant à l ’hôtel de l’

Eto ile et la Jarre

tiere . Eugénie m’

yattendait et el le eu t assez de

présence d ’esprit pour m ’

a p p eler son cher

mari en présence du garçon qu i m ’

ouvrit l a

porte de son appartement . Elle s’

a perçut que

mes vêtemens éta ien t mou il lés e t j e fus obligé

de l ui d ire ce quej’

a va is fait pour ven ir la trou

ver. Elle en frémit d ’

horreur ,tandis que mes

dents _claquaien t encore de froid . Mais un bonfeu un verre d ’eau chaude et de l ’eau —de—vie ,

ses, sourires et ses caresses m

’euren t b ientôt ra

nimé.

Je trouvai tant,de charmes dans cette entre

vue à la dérobée , que j e la sup p l ia i .de,m’

en a c

corder une semblable la nu it su ivante . Ma1s el lerefusa d

yconsentir.

N on , Frank , me dit-elle , j e ne veux pasque vou s risqu iez une seconde fois votre. vie,et,votre ré putat ion pour Avant

__que nou s

nous revoyions,j e serai probablement mère , et

c’

est l a seule chose qu i me console de notre sé

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2 22 FRANK MILDMAY .

p ara tion. Si j e ne vous ai pas près de ’

moi

j’

a ura i du moins votre image. Je vou s serai

fidèle jusqu’

à la mort , Frank ; mais j e vous déclare que j e n

'

ex igeui-n

a ttends de vous la mêmeconstance . Quand vous ‘ aurez a tteint d ans vo tre

profess ion un grade d igne de vo tre mérite et de

votre naiss ance ,vous devrez choisirune épou se

d ’un rang éga l 'auvôtre.

" Cel a doi t arriver , et j e

m’

y suis résignée comme à‘

un événement iné

Vitable. Mais ne me bannis sez p a s ent ièrement devotre cœ ur, F1ank ie ne sera i ia louse de per

sonne tant que‘ j e pourrai croirequevou s con

servez un tendre souveni r de votre Eugénie.

Votre enfant nevous sera pa s à charge tant q'

ue‘

les soi ns (1 unemère pourront‘ lui suffire ; aprèscette épo que , j e su is sûre que vous ne l

aban

donnerez pas .'Je l u i fi s des‘vœ ux et' déä promesses ; non seu

lement de ne j amais l oubl ier,‘mais de ne ja tp

àïS’

aimer qu’

;elle et mon cœ ur; en le l u i faisant ,était d accord avec ma bouche. Le lendemain’matin

,je lu i '

fis mes adieux en l ’embrassant

tendrement ;'

et‘ aya nt p r is fi ne barque ; j e me

as Conduire surmon vaisseau .

Le premier l ieutenant était sur le ponty arrivai . Je p résume me dit il en so

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224 FRANK mumu .

une circonstance atténuante. Mais nous vous

ofi'

rirons b ientôt u n plu s noble obj et d'

ambition.

Le capitaine arriva b ientôt après , et causa

quelque temps avec le premier l ieutenant ensouriant

,et en jetan t quelquefois un coup d

œ i l

su r moi ; mais jamæ s i l ne me parla de ce que je

m’

éta is absenté sans permission . Q uelques j ours

après nous mîmes à l a voile , et nous arrivâmes

b iento t dans la baie de B iscaye . La flotte an

glaise était à l ’ancre en avan t des vaisseaux fran

ça is , amarrés en l igne à la hauteur de l’

i le d iA ix .

Le vaisseau auquel j’

a p p artena is prit une part

act ive à l ’a ffa ire et nou s vîmes b ien des choses

qu ’i l ne convenait pas de dire. Mais comme p lu»

sieurs cours'

martiales eurent l ieu à cette occa

s ion et qu ’i l se fit beaucoup de mauva i s sa ng ,

je me bornera i à p a rler«de ce qui me concerne

personnel lement et i’

évitera i tout ce qu i pour

rait ofl'

enscr les parties intéressées .

Nou s passâmes quelques j ours à préparer lesbrû lots et dans la nu it du 1 1 avr il

étant prêt pour essayer de détruire l'

esc adre ennem ie , nous commençâm

es l‘

a tta que.. Jamais

on ne conçut unel entreprise lp lus audacieuse ,. et

si elle ne réussit qu’

en p a rtie ,on ne pei1 t en

faire un reproche à ceux qui la conduisaien t .

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FRANK M ILDMAY . 2 2 5

I l s firent toul ce qu 1l es t au p ouvo irde l’

l 1omme

de faire .

La nu it é ta it très —obscure et une '

forte brise

portait d irectement sur l ’i le d ’

A ix et sur l a fl otte

ennemie . Deux de nos frégates avaient été pla

cées de manière à servir de phare aux brû lotset à d iriger leur course . Elles répandaient une

l umière v ive et brillan te ; les brûlots devaientpasser entr’

el les , et i ls ne pouvaient se tromper

pour arriver à la chaîne qu i gardait l’

ancrage.

Je soll ic i ta i et j’

obtins l a permiss ion d ’al ler à

bord d ’un des bâ timens à explos ion,qu i devaien t

précéder le s brû lots . I l s étaien t rempl is de couches de poudre et de bombes emp ilées l ’une su r

l 'autre . L’

équi p age ne consista i t qu’en tro is m a

telo ts un autre o fficier et moi ; e t pour nou s

échapper,nou s av ions une de ces pet ites ba r

ques à quatre rames , auxquel les les marins 11011

11ent le sobriquet de cercueil

Nous partîmes sans avoir dép loyé a ucunea utre voile que celle de misaine

,mais nou s a v ions

pour nous une forte marée e t une bonne brise .

Nous passâmes comme une fl èche entre nos

deux frégates . Comme nous avancion s rapide

ment , et que la flotte anglaise disparaissait à nos

yeux dans les ténèbres , je songea i à l’

inscrip tion

1 5

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2 26 FR ANK mu mu .

duDante sur les portes de l’en fer : Vous qu i en

t rez ici,la i ssez toute esp érance

N os instruct ion s étaient de placer le bâtimen tsur la chaîne que les Français ava ient attachéeaux ancres de leurs vaisseaux de l igne . Nous yarrivâmes quelques m inu tes après avo ir passé

nos deux frégates . Notre barque nous su iva itattachée par une corde à la poupe et nos tro is

matelots s ’

y trouvaient l ’un tenan t la corde

pour la lâcher dès que le moment serait arrivé

l ’autre,pour d iriger la barque , le tro i

s ieme pour v ider l ’eau que notre course ra

p ide ne pouva it manquer d ’

y faire entrer . L’

o f

fi cier qu i était avec moi sur le bâ t iment tenai t

le gouvernail,et j

a va is en main l a mèche qu i

devai t produ ire l ’exp losion. Nous touchâmesla chaîne et i l se fit un craquement horribledan s toute la membrure d u bât iment . L’

o ffic ier

m it l a barre dessou s , et y fi l porter le flanc du

navire . I l santa ensu ite dans la barque , et me

di t d '

a l lumer l a mèche et de le su ivre .

Si jamais j 'ai connu la crainte ce fut après

avoir mis le feu à cette mèche ; et j e ne saurais

décrire la sensat ion que j’

éprouva i jusqu’

à ce

que je fusse sur l a barque et à l ’abri des e ffets de

l’

exPlosion, qui était inévitable , et qu i pouvait

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2 28 FRANK MI LDMAY .

s elança ient de tous côtés dan s les a irs en sifll ant

comme des serpens .

Nous arrivâmes à bord sans accident,et nous

fîmes notre rapport au capitaine,qu i exam i

nait l ’effet que produ i saient les brûlots . L’un

d ’eux avait été al lumé trop tôt ; l e gouvernailn ’en avai t pas été attaché

,i l s’

éta it coiffé et i l

se trouvai t à une prox imité désagréable de notre

frégate . J ’ava13 couru assez de dangers pour une

nui t mais j e devai s en courir encore d ’

autres .

M. M ildmay me dit l e capitaine,vous

semb lez avoir d u goût pour ce genre de besogne ;sautez dans votre barque , prenez quatre hommes

fra is et al lez mettre ce brû lot ven t arrière .

Il aurait p u chois ir auss i un midshipman

frais et dispos pensai s— je ,car

,quoique le cap i

taine en d i t cette besogne ne me plaisai t n ul

lement. Le brû lot paraissai t enflammé depu isl e bâton de foc jusqu

a ux hun iers et j’

a voue

que j ’etai s disposé à me contenter de l‘

honneur

que j’

a va is déjà acqu is , sans chercher à en

acquérir davantage . Cependant j e ne pouva is

faire aucune object ion ,et j e porta i la main à

m on chapeau en répondant Oui monsieu r.

Je demandai des volontaires ; i l s’en présenta

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FRANK MI LDMAY . 2 29

une cinquantaine ; 1011 choisi s quatre et je

part is pour ma nouvel le exp édi l ion.

En approchant du brûlot , j e n e pu s d’

abord

découvrir aucune part ie qu i ne fût la proie

des fl ammes ; et la chaleur qu’on senta it a v ingt

ou trente p ieds n’

a va it rien d ’

agréable , mêmepar une n u it s i froide . La hanche d u vent éta i t

d u côté que les flammes avaient le pl us res

p ecté , et qumqu’

el les s’

élanç a ssent avec fureur

par les fenêtres de la cabine, ie parv ins non

sans peine,à monter su r le pont

,su iv i d ’un

des matelo ts . Le grand mât était en feu et des

lambeaux de voiles enflammées tombaient sur

nous comme des flocons de neige . Le manche de

l a barre du gouvernail était rédui t en charbon

mais j'

a tta cha i une corde au m il ieu et â l’

a ide du

matelot,j e fis mouvoir le gouverna il , et ie réuss is

à placer le brûlot vent arrière . J’

etais presque

sufl‘

oqué lorsque j’eus fini cette tâche , et des

cendant promptement dan s ma barque j e

regardai u n instant le brûlot qu i suivai t rapi

dement la d irect ion que j e l u i avais donnée .

J’

éta is noir comme un nègre , e t j e mou raisde soi f quand j

a rriva i à bord .- A merveille

M i ldmay,me dit le cap itaine eh bien ! faisa it— i l

chaud? — Je lui montra i ma bouche , car ma

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230 FRANK mumu .

langue était desséchée et j e ne pouvais parler

et courant à une j arre pleine d ’eau,j 'en bus

de quoi mettre à flot un canot .

Le lendemain mat in,nou s vîmes l ’esca dre fran

ç a ise dans un état désastreux . Tous les nav ires

avaient coupé leurs câbles et s’

éta ient fait

échouer à l a côte,à l ’excep tion du vaisseau ami

ral e t de celu i du contre- amiral qu i étaient su r

leurs ancres,san s pouvoir remuer a vant l a

haute marée et i l s ava ien t encore cinq bonnes

heures à l ’a ttendre. Mes lecteurs peuven t trouver sur les regi stres des cours martiales

'

le détail

de tou s ces événemens que les auteurs con

tem p ora ins on t j ugés avec p lus ou moins de sé

vérité . Je d ira i seulement que s i les capita ines

des vaisseaux de Sa Ma jesté eu ssent été l ibres d ’a

gir su ivant le ur j ugement,i l s auraient fai t de plus

grandes tentat ives,mais j e ne prendra i pas sur

moi de dire quel succès el les a uraient p u avoir.

Dès que le j our parut,mon capita ine attaqu a

les batteries de terre et les vaisseaux ennem is

échoués . Les batteries de l ’î le d ’

A ix nous reçu

rent chaudement,et i l se passa a ssez l ong-temps

avant qu’

a ucun de nos bâ timens v int nous a i

der . Enfin un de nos meilleurs navires arr iva ,et i l o uvr it sur les batteries e t sur les vaisseaux

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2 02 FRANK M I LDMAY .

cais qu i étaient échoués et nou s eûmes une brillante i lluminat ion .

Le lendemain nous reçûmes ordre de partir

pour Spithead avec des dépêches,et nous y ar

rivâmes sans accident . Une place de midship

m an étai t devenue vacan te sur notre frégate le

cap ita ine me l ’o ffri l et j e l ’a ccep ta i avec grand

plais ir . Le voyant s i b ien d is p osé enma faveur ,j e me hasarda i à l u i demander un congé d’une

sem a ine ; i l me l'

a ccorda,mais en aj outant

No le prolongez pas ! Plus d ’

absence sans con

gé j e vous en avert is !

Je n ’a i pas besoin de dire que j e n ’avais pas

dessein de donner un seu l instant de cette

semaine soit a mon père,so it a Emilie Somer

v ille . Eugénie ,ma chère Eugénie ,

d ans la situa tion intéressante où elle se trouvait m

occu

pai t excl usivement . Je sava is où ie devais chercher l a troupe des comédien s don t elle faisait

p a rtic ,et il ne me fut pas d i ffici le de les décou

vr1r,m a i s j e n’

ytrouva i‘

p o iut Eugénie. Il v avait

qu inze j ours qu ’elle éta it partie,et personne ne

s z*a v i t où el le éta it al lée . Etourdi p a r'

une nou

vel le s i imp révna , j e tomba i sur une chaise ,e t

j e m ’

a ba ndonna is au d ésesp oir , quand une des

a ctrices m ’apporta une lettre qu’

Eugénie l'avait

Page 248: E S - forgottenbooks.com trop de paresse pour prendre beau coup d ... tiquer une vertu qui nous était inutile à moins que nous n

FRANK M ILDMAY

chargée de me remettre s i j e venais pour la voir .Quel le que fû t mon impat ience

,j e ne voulus

l’

ouvrir que lorsque j e sera is seul . J’

entra i dans

la première auberge que j e trou va i,je demandai

une chambre , et déch iran t l'

envelop p e j e l u s

ce qu i su it :

Croyez —moi mon cher M ildmay rien

que la nécessité la p lu s urgente n ’a p ume déci

der à vous causer le chagrin que j e sais que vous

éprouverez en l isant ces l ignes . Depu is que nou s

nous sommes séparés,i l es t arrivé des c ircons

tances qu i rendent ind ispensable non— seule

ment que je vous qu itte mais que nous ne

nous revoyion s pas d ’ic i à quelque temps,et que

vous ignoriez ma demeure act uelle . J‘

espère que

notre séparation , quelque longue qu’el le pu isse

ê tre,ne sera p a s éternelle , mais il peut se passer

des années avan t que nous nous revoyions . C ’est

ungrand sa crifice pour moi , mais votre honneur

et votre a venirl’

ex igent. J’

a i pour vous la mêmetendresse que j ’a i tou j ours eue , et j e chérira i

votre en fant pour l ’amour de vous . Que Dieu

fasse réussir toute s vos entre p rises et qu ’i l vou s

protège a umil ieu de tous les dangers auxquel s

votre courage vous exposera . Je ne vous per

dra i pas de vue et j e serai in formée de tout ce

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2 54 mm s M I LDMAY .

qui pourra vous arriver . Adieu,mon cher Frank ,

n’

oubl iez pas cel le au souvenir de qu i vous êtes

touj ou rs présent .» EUGÉNIE.

P . S Vou s p ouvez quelquefois avo ir besoind

argent car j e sais que l a prévoyance n ’est pas

votre vertu dominante . S’i l en étai t a insi écri

vez à l’

a dresse ci— j o inte , et toute s omme dont

vous pourrez avoir besoin sera sur-le—champ à

votre d ispos it ion. L’

orgueil p o…ra it vous porter

à refuser cette o ff re mais songez que c’est E u

gén ie qui vou s l a fait ; et s i vous l’

a imez c omme

elle le cro it vous n’

hés iterez pas à l ’a ccep ter. n'

Cette lettre me parut une énigme inexp l i

cable. Eugénie forcée par les circonstances à

me quitter et à {ne la isser ignorer l e l ie u de sa

rés idence non seulement ayant des ressou rces

pécuniaires suffisantes pour elle-même , m ais

m’

ofl‘

rant telle somme que j e pourrais dés irer !

I l était tard , et j e me couchai , mais ce n'

éta it

pas pour dormir et j e n ’en avais pas beso in .

J’

a va is trop à réfléch ir et j e n ’avais pas le moin

drefi l p ourme gu ider dans mes réflex ions . Aprè s

m '

è tre épu isé cn c‘onjectures absu rdes j e fis des

prières pour son bonheur et de nouveaux ser

mens d ’une constance éternel le et j e finis par

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236 FRANK mumu .

de partir sur—le-champ . La v il le était remplied

'

a utant de soldats que pouvaien t en conten ir

les bâ timens de transport rassemblés en grand

nombre dans le hâvre de Sp ithead . Nous mîmesà la voile vers la ñ u de j u ille t , emmenant à

l a remorque deux chaloupes canonnières à qu inous fûmes chargés de former un équipage .

J’

obtins le commandement de l ’une d’e lles : j e

l 'avais sol l ic i té,certain que j e verrais pl us de

choses,et que par conséquen t j

a ura is p lus

d’

amusement que s i j e resta is à bord de l a iré

gate . Nous escortâmes un convo i de quaranteà cinquante bâ timens de transport contenant de

l a cavalerie,et ils j etèren t l ’ancre sans acciden t

à la hauteur de Cadsand .

Le temps é ta i t beau , la mer tranqu ille , et l’

on

ne perdit pas u n moment pour débarquer les

troupes et les chevaux . Les hommes furent

d'

abord envoyés à terre avec leurs selles et leursbrides . Les chevaux furen t ensu ite descendus

dans l a mer à l ’aide de courroies passées sou s

leur ventre , et qui furent détachées dès qu’

i ls

furen t dans l ’eau . Quand i ls se sent irent l ibresi ls se m irent à nager vers la côte qu

i ls sal ué

rent de leurs hennissemens en y mettant le p ied .

Nous avions ains i sous les yeux , dans l’

esp a ce

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FRANK MILDMAY . 237

d’

environ un quart de m ille , trois à quatre cents

chevaux nagean t en même temps vers le rivage,

où leurs caval iers les attendaient . Jamais j e n ’a i

vu un Spectacle s i singul ier et s i p ittoresque.

Je trouva i le serv ice d ’une chaloupe canon

niere for t pénible . Nou s étions en stat ion à lahauteur de Batz

,et obl igés d ’

être san s cesse su r

le qu i—v ive . Ma is quand Flessingue se fut rendu ,nous eûmes pl us de lois ir et nou s en pro fi tâ

mes pour nou s procurer quel ques provision s

de table qu i nous manquaien t . N ous dépensionsnotre argent en vin de Champagne et de

°

Bor

deaux,et nous m’

et ions p a s économes sur ce

point ; par conséquent i l nous en resta i t fort

p eu pour acheter des volail les et de la v iandede boucherie mais alors nous pouv ions nou s

en procurer par les mêmes moyens à l’

a ide

desquel s nou s avion s pris posses sion de l’

i le de

\/Va lcheren c ’est-à—dire la poudre et le plomb .

Les paysans étaient peu courtois et p eu d ispo

sés à entrer en a rrangement avec nous ; et

comme nous n’

a vions rien à leur donner en

échange,nou s évit ions des d iscussions inuti

les . Nou s av ions la vue courte , et en allant à

la chasse,nous pren ion s souvent des d indon s

pour des faisans , des poules pour des perdrix

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2 38 FRANK mumu .

et des oies de basse-cour pour des o ies sauvages .

Les paysans en ferma ient leurs volail les dans

leurs granges , et nou s donnaient l ibéralemen t

m illemalédictions. Cette précaution nous coupa

les v ivres , et nou s ne pûmes pl us fourrager sansdi fficul té et même sans danger . Cep endant jeme

mis en chasse un soir avec u n autre midsh ip

man et mon fusi l é tant cha rgé à balle j e t ira i,

à ce que j e cru s , sur un daim , e t j e le tuai :

mais en l ’exam inant de pl us près j e reconnu s

que c’

é ta it un veau de quatre mois . C’

éta it une

méprise qu i p ouvait arr iver à tou t le monde.

Comme i l éta it trop lourd pour l ’em p orter ,

nou s le coupâmes en deux , non sur la longueur ,comme le font vo s stupides bouchers mais en

travers de sorte qu’

ayant l ié les deux p ieds de

derrière,i l nou s fut a isé d ’

em p orter cette moitié

suspendue à un fu sil don t je tenais la crosse etmon compagnon le canon . Nous avion s eu soind

a bord de bien cacher l ’autre moitié dans des

broussail les dans le dessein de revenir l a pren

dre la nu it su ivante .

Quelques m idshipmen de l ’autre chaloupe

canonn ière avaien t aperçu nos opérations,et

en vrais brigands il s résol urent de s’

a p p ro prier

la seconde moitié de notre veau . Mais ce ma nque

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240 FRANK M I LDMAY .

tro is brasses d ’eau. On v int faire l a perqu isi

t ion ; on ne trouva rien ,et le lendemain nous

f îmes u n excellent dîner en buvant au succès des

armes de Sa Maj esté sur mer et sur terre .

Je ne sais s i j e fus coupable de quelque intem

p èrance ,mais j e fus attaqué de la fièvre de VVa l

cheren et j e fus renvoyé en Angleterre sur un

vaisseau de l igne . Peu l —être , comme le ( l i l Pan

glos,tou t éta it-i l p ourlemieux , car j e senta i s que

j e ne pouva is me défaire de mon goût pour la

chasse,et i l aurai t été fort désagréable pour moi

e t pour mes amis de mettre ñ u à mes mémoires ,dans le moment le plu s intéressant et de laisser

à quelque autre le so in d ’

ya iouterque l’

a uteur

ava i t été pendu pour servird ’

ép ouvanta i l . sous

l a surveil lance d’un coqu in de prevot martialun iquement pour avoir chassé sur les terres de

quelque fermier de “’

a lcheren. B’ailleurs les

Hollandais n’

éta ient p a s dignes d’

obtenir leur

l iberté p uisqu’

i l s re fusaient quelques p oules e tune longe de veau à ceux qu i vena ien t les t irer

d’

esc la vage. Et leur eau qu i j amais en a bu de

pareille Pour moi je n ’en bu vais j amais que

lorsque j e ne pouvai s avoir au tre chose . D ’a il

leurs qu’

a urions-nous p u faire da ns ce pays de

digues de canaux et de marécages privés des

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FRANK M I LDMAY .

plaisirs de l a chasse aux poules et aux veaux ce

qu i fut bientôt le résul tat de la reddition de

Flcssingue ? VVa lchercn avec son ophtalmie et

ses fièvres n’

éta it p lus alors un séj our qu i pût

convenir à un homme bien né . B’a i l leurs j e

voya is clairement que s i l ’on avai t j amais eu l'

in

tention d ’

a vancer sur Anvers,lemoment en était

passé les Français nous ria ien t au nez et

connue ie n’avais j am ais a imé qu ’on me ri t au

nez j e qu itta i sans regret la scène de nos cha

grins et de no s malheurs .Le vers de Voltaire A dieu cana uæ ca na rdes

et cana i l lcs me revi nt à l ’esp rit en partant ; et

j e retournai chez m on père pour y être soigné

p ar ma sœ ur et pour y émerveiller nos voisins

du récit de nos bri l lans exploits .

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œ da … k k a m æà a ä ä , d m m ä zæ e

… a ü a œ tæ un pü z d m fik fl a x

résuka qæ k ioær à mæ dép æ 1 pom afla

£a t un iom dc iofic pæ r æ oi ,

d n”œ fet pæ m dc m î p om m pü a

u md œ mmc b p@tä

M k m i œ dc h mafi œ , œ mc ræufla

m … üèrm t læm x d’

zvoir été

m de quê a ä fi m fla flcrw udæ . f y

W ee… pour qu‘

on pût nous

Pm i h æ de… gm ayæ l des …M dwiKérw £a , arrivés à d ifi â m i a époques ,

W k a œ éüom mä slmüœ præ qœ too

îonn à um fi … J‘

a i toujours été surpris

qfi m ûæHæb hœfil â dm m ld o ts ouœ ldä :

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2 44 FRANK mumu .

reçu mais i l n’

a va it pas oubl 1e mes escapades

o u du moins j e le crova is ains i et une méfiance

mutuelle détru isai t cette intimité qu i devrait

touj ours exister entre u n père et son fi l s . Il en

résu lta que le j ou r de mon départ pour aller

j o indre une frégate dan s les mer s de l ’Amérique

septentrionale fut un j our de j oie pour moi

et n ’en fut pas un de regre t pour mon père .

Le vaisseau que j ’all a is j o indre étai t com

mandé par un j eune lord et comme les patri

ciens étaient plus rares alors qu’

a ujourd’

hui

dans le service de la marine on me regarda

comme part icul ièrement heureux d’

avo ir été

m is sous ses ordres . Pour me rendre à ma des?

tina tion on m ’

a ss igna mon passage su r u n va is

seau de l igne qui allait a ux îles Bermudes . J’

y

trouva i une trentaine de midsh ipmen surun

m éra ires ; trop nombreux pour qu’on pût nous

j oindre à ceux qui éta ient attachés au va isseau,

on nous donna une cabine séparée .

Parmi tant de j eunes gens ayan t de s habitu

des d ifférentes et arrivés à diff érentes époques,

i l étai t d i fficile d ’

établ irune cotisation pour notre

table et nous en é tions rédu its presque tou

j ours à 1105 rations . J’

a i touj ours été surpris

qu’

une ta ble de hui t à douze m a telot s 011 soldats

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246 FRANK M I LDMAY .

mier l ieu tenant me mit à la tête d’

un quart et

plaça sous mes ordres plusieurs de ces a sp irans .

Nous étion s assez mal d ’accord ensemble et la

cause principale en était l ’insuffisa nce de nos ra

t ions . Tous les j ours i l y avait des escarmouches

à ce su j et et q uelquefois même des combats

régul iers . Je n’

y prenais j amais part ; je resta 15

spectateur je faisa i s mes observat ion s et j e

voyai s que pas un seul d’

entr’

eux n’

éta it en état

de joûter contre moi .

La place de pourvoyeur n’

éta it pas u n poste

envié car el le n’

ofi‘

ra it ui honneur ni profit.

Avec les ration s ordinaires i l aura it fall u êtreu n ange pour contenter tou t le monde . Leur

d ivis ion en autant de port ions qu ’i l se trouvait

de bouches ne m anquait j amais d ’

occa s ionner

des remontrances des reproches et même des

coups . Je ne me montrais pas querel leur et j e

prenais tranqu illement la portion qu i m ’

é ta it

donnée mais quand on s’en fut aperçu j e vis

ma portion décroître de j our en j our . Enfin

notre treiz ième pourvoyeur ayant donné sa

démission j’

o ifris mes services et il s furent a ccep tés .

Je m ’

éta is préparé à affronter les dangers et lesd i fficul tés de cette place . Dès le premier j our que

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FRANK 11110111 11 . 24 7

entrai en fonct ions eus un soin tout partien

l ier de la portion n°1 , c

’est-à-dire,de la mienne .

Deux ou trois voix se récrièrent et me repro

chèrent de prendre la part du l ion . Je leur dis

que s’il s supposaient que j e prendrais la peine

de les servir pour rien i ls se trompaien t ; que

la légère di fférence qu'

i ls pouvaient remarquer

entre ma portion et la leur s i el le étai t répartie

entr’

eux tous ne leur remplira it pas une dent

creuse et qu’

une fois ma part faite l a plus

stricte impartiali té présiderai t à la distribution

des autres .

Cc discours raisonnable ne les sa tisfit point .

Deux d ’

entr’

eux me sommèren t de décider la

question en boxant . Je leur dis de t irer au sort

à qu i commencerait et j e mis hors de combat

en deux minutes celu i que le sort ava it favorisé .

L ’autre , me croyant épuisé de fatigue a p rès ce

premier combat espérai t remporterune victoire

facile mais i l fut bientôt désabusé et j e repris

ma place vainqueur des deux champions . Le

lendemain comme nous all ions nous mettre à

table j e leur déclara i que j’

agira is comme la

veille et tout en ôtant mon habit et mon gilet,

j e demandai s i quel qu'

un t rouvai t à y red ire .

Personne ne répondi t et le dîner se passa p a i

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248 FRANK mu mu .

s iblement. Je resta i alors en possession du poste

de pourvoyeur pendant tout le temps que j e

passa i sur cette frégate et j’

y avais les droits les

plus incontestab les celui d ’

élection et cel u i

de conquête .

A peine é tions -nous en mer depuis quelques

j ours que nous découvrîmes q ue notre premier

l ieutenant était un tyran détestable un brutal ,un ivrogne un glouton ayant un long nez rouge

et un ventre énorme. 11 envoyait souvent une

demi douzaine de midsh ipmen enmême temps

au haut du mâ t,pour l a moindre vétil le . Je

conçus le proj et d 'en débarrasser l e bâtimentet j

en fi s p art mes com p agnons . Il s ne firent

qu’

en rire mais j e leur dis l res—sérieusement que

ce pro jet réussira it certainemen t s ’i l s vou laient

su ivre m on avis ; qu’i l ne s

agissa i t de leur par t

que de se conduire de manière à s’

a ttirer le p l us

fréquemment possible une l égère pun ition ouune ré p rim a nde et qu

ensui te j e leur dira is ce

qu’

i ls devraient fa ire . i ls y consentirent , et pas

un iour ne se pas sait sans que plus ieur s d'en

tr’

eux fussent cond amnés al ler se percher auha ut du mâ t eu à fa ire un d oub le qua rt.Je leurd is a lors d

a l ler se pla indre a ucapita ine .

Ils le firent et le capitaine leur répondit que le

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2 50 FRANK M I LDMAY .

par l ’écoutil le. Il s le firent le cap itaine les ren

voya encore avec une réprimande mais on cru t

voir qu ’i l commençait à penser que p uisqu’

on

l u i faisai t tant de plaintes du premier l ieute

nant i l fallai t b ien que quelques-unes fussent

fondees .

Enfin nous trouvâmes l ’occa s ion de lu i don

ner le coup de grace . Unmisérablemousse qu i

a vait déj à été pun i cent fois pour sa malpropreté,

ava it é té condamné a u fo uet par le premier l ie u

tenant ; mais cette p up i l ion l ui ava i t été infl igée

s i souvent qu ’i l v é tai t devenu insensible et tout

le monde le savai t . Pour cette fois s’

écria le

premier l ieutenant en colère j e la l u i ferai sen

tir. 11 se fit apporter un vase plein de saumure ,et entre chaque coup de fouet à neu f lan ières

que d onnai t le maître de m anœ uvre i l en a s

p ergea it le corps du malheureux mousse . Cet

acte de cruauté , si indigne d’un o ffic ier

,nous fi t

horreur . Nous nous retirâmes tous à l’autre boutdu pont

,etnous poussâmes trois pro fonds gémis

semens . Le premier l ieutenan t nous fi t d ire de

nous ta ire , etnous recommençâmes . Furieux decet te désobéissance , i l nous fitven ir sur le gaillard

d’

a rrière et nous demanda pourquoi nous agis

sions ainsi . Jusqu’

a l ors j e m ’

eta is contenté d’

être

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FRANK M I LDMAY . 2 5 1

le primum mobi le , san s j ouer a ucunrôle dans le

drame . J’

a va is rempl i avec so in tous mes devoirs ;pas une seule pla inte n’

a va it été fa ite contre moi

en me présen tant alors sur l a sc ène j e devais

donc produ ire un effet théâ tra l .

Je répond is au prem ier l ieutenant que nou s

av ions gémi de compassion pour le pauvre en

fan t qu i vena it de subir un supp l ice s i extra or

d ina ire. Cette réponse augmenta s a rage et i l

m’

ordonna de monter au haut alu mât . Je l u i

rép ondis que j e ne lu i obéira is qu’

a p rès avoir

parlé au ca p itaine qu i montait en ce moment

sur le pont. Je m ’

a p p ro ch a i de l u i ; j e l u i conta i

toute l’

histo ire et j’

y aj ou tai le détai l des actes

de tyrann ie de toute espèce commis par le prem ier l ieutenant à notre éga rd . Je vis en un in s

tant que la v icto ire éta i t à nou s . Le cap itaine

avai t posit ivement défendu que la peine du fouet

ou des verges fût j amais infl igée sans son ordre .

Le premier l ieutenant lu i avait désobéi ; et cette

circon stance se j oignant à toutes les plaintes

qu ’i l recevait chaque j our décida du sort de

cet o fficier. Le cap ita ine m e d ispensa d ’aller fi

gurer au hau t du mât,descendit d a ns sa cabine

y manda le premier l ieutenant et lui dit qu’i l

lu i laissa it le choix,ou de qu itter la frégate dans

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F RANK M I LDMAY .

le prem 1er por t où elle entrera it ou etre tra

duit devant une cour martiale pour désobéis

sance . I l savai t fort b ien que M. Clew l ine n’

ose

ra it pas choisir la seconde alternative .

J’

a ura is dû informer le lecteur que nous

avion s ordre d ’

escorter un convo i de bâtimens

marchands se rendant a ux Indes Orientales

jusqu’

a u d ixième degré de lat itude septentrionale , et d

’aller ensu ite aux î les Bermudes . Sur

les bâ timens qui ne do ivent point passer l a l igne ,on accorde ordinairement à l ’équi p age un j our

de saturnales en passant so us le tropique du

Capricorne . Notre capitaine ne refusai t iam a is

à ses gens aucun amusement compatible avec l a

d iscipline et la sûreté de son navire ; et commec

éta it le temps des vents al is‘

e' s nous n’

a vions

pas à craindre un oura gan soudain. Je sais qu’on

a souvent décrit les cérémonies qu i ont l ie u en

p assant la l igne ; mais i l y a di fférentes manièresde faire et de raconter la même chose . La scène

qu i se passa sur notre bord o ffri t quelques s in

gul arités et j e su is fâché de dire qu ’el le se ter

mina par un événement tragique que j e n’

ou

bl iera i de ma vie .

Le jour indiqué,dès que les hommes de l e

quip age eurent déjeûné , i l s se préparèrent à

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2 54 FRANK M I LDMA Y .

et blanches a vaient été tracées sur tou t leur

corp s . Ils tenaient en main des conques marines ,dont i ls tiraient de temps en temps des sons hor

ribles . Neptune portait un masque ains i qu'

une

bonne partie de sa su ite,et aucun o fficier ne sa

va it quel étai t l ’homme qu i représentait le dieu .

Dans tous les cas i l ne manquait pas d ’

intel l i

gence et i l j oua fort b ien son rôle . 11 avai t s ur

la tête une couronne,qui avait été fabriquée

par le maî tre armurier du vaisseau . I l tenait de

la main droite un trident su r les pointes duquel

étai t un dauphin,qu ’i l ava it

,d it-il , harponné ce

matin . I l porta it une grande perruque et une

longue barbe d ’

étoupes . La perru que éta it b ien

poudrée,et i l avait le corps peint en vert et en

1aune .

Neptune était s u iv i de toute sa cour un

secrétaire d ’

etat dont les cheveux étaient rem

pl is de plumes des oiseaux de mer de ces lat i

tudes,

un chirurgien avec des lancettes,une

boîte de pilules, et un flacen de sel s , un

barbier,avec un rasoir dont la lame avait deux

p ieds de longueur ,et éta it un fragment d

un

cercle de fer d ’un tonneau enfin le garçon

barb ier,portan t un peti t baril en gu ise de boîte

à savon . Je n ’en pus analyser le contenu mais

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mm s MILDMAY . 2 55

l’

odeurm’

a ssura qu ’i l ne sorta it pas de la bou

tique d ’un parfumeur.

Am pbytri te le su ivait sur un ch a r semblab le

traîné par s ix hommes blancs nus comm e les

nègres et dont le corps éta i t peint en rouge eten noir. Cette déesse était représentée par un

m a telot d ’

une tai l le giga ntesque ,fort la id

,et

couturé de pet ite véro le. Il a va it sur l a tê te un

bonnet de nu it de femme,orné de brins d

herbes

marines . Sa main droi te tenait un harpon dont

la pointe perçait un a lb icore . I l avait sur ses

genoux le plus j eune des mousses du vaisseau

a yant une longue robe de toile à voile,et un

bourrelet d ’

enfa nt sur la tête . A son cou éta i t

suspendu un épissoir en guise de hochet . A son

côté était la nourrice tenant un poêlon de

bouil l ie . dont el le lui donnai t de temps en temps

une cu illerée dans la cui llère à pot d u cu is in ier .

Quatre hommes vigoureux vêtus en naïa des

m a rchaien t à sa su ite et portaient un m iro ir

une étril le en guise de peigne , nu‘ pet it b a la i de

bouleau pour ten ir l ieu de pinceau 51 rouge

cosmétique qu i étai t représenté p a r un grand

pot rempl i de cette couleur .

Dès que le cortège par ti t du ga illard d ’ava nt,

le capitaine sort i t de sa cab ine avec le commis

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2 56 FRANK M I LDMAY .

aux vivres , portant un plateau sur lequel étaientune bouteille de vin et quelques verres et l ’on

t raîna les chars des deux d ivinités marines sur

le gaillard d ’

a rrière. Neptune baissa son trident ,et présenta son dauphin au capitaine ,

en signe

d’

hommage rendu au représentant d u roi de la

Grande—Bretagne . Am phytrite en fit autant de

son albicore .

Je vien s vous d ire que vous êtes le b ienvenu dans mes domaines d it le dieu et vous

présenter ma femme et mon en fant . Le capitaine

salua . Permet tez—moi de vous demander com

m en t se porte mon frère,le bon v ieux roi George ?

Pas aussibienque ses suj ets le désireraien t ,répondit le cap itaine .

Tant p is . Et comment va le prince de

Galles?

Fort b ien,i l gouverne l etat comme régent

pendant la malad ie du roi son père .

Et gouverne-t-i l sa femme ?

Cc n ’est pas un suje t dont i l fa ille parler .

Hum ! j’

entends. Que ne fa i t-i l comme

moi ? Il ne fau t j amais qu ’on pu isse se demander

Qu i est l ’o ffic ier commanda n t?

Et quelmoyen prop oseVotre Div inité pourgouverner une femme ?

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2 58 FR ANK M I LDMAY .

Neptune frappant les planches de son trident

commanda le silence et pa rla a ins i qu ’i l sui tÉ coutez-moi , mes tri l ons ; j e vou s a i amenés

ic i pour raser,baigner et méd icamenter tou s

ceux qu i en ont besoin ; ma1s le vous ordonne

d’

y a l ler avec douceur . S i nous nous faison s unemauvaise renommée , on ne voudra plus de nou s ,et ad ieu nos pour—bo ires . Fa ites donc attentionà mes ordres

,et s i quel qu

unde vous y désobéit,

j e le fera i attacher à un mortier , et ie l’en ion

cera i a dix m i ll e brasses dans l ’Océa n,où il

n’aura pour toute nourri ture pendant cent ans

que des herbes marines et de l ’eau de mer.

Douze tri tons armés de bâton s , s’

emp arèrent

de ceux qu i 11 avaient pas encore passé l a l igne ,et les tim ent à l

éca rt jusqu’

à ce qu’on les a ppelât l’un après l’autre .

Ou avait préparé pour servir de baignoire

un grand cuvier contenant environ quatre p ipes

d ’eau . La plupart des o fficiers purent se sou s

traire à l ’ob l iga tiond’

êtïe rasés et Ë i édicamentés ,

moyennant l ’amende d ’une boute il le de rum

ma i s aucun ne pu t éviter une aspers ion plus ou

m o ins forte d ’eau demer. Le capitaine lu i-mêmeen reçut sa part

,mais sans perdre sa bonne bu

meur et il semblai t même jou ir de la p la isan

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FRANK M I LDMAY . 2 59

terie. I l éta it a isé de voir,en cette occasion, quel s

éta ient ceux qui éta ien t dans les bonnes gra ces

de l ’équip age ,à la manière m oins sévère dont

i l s étaient traités Q uan t à celu i qu ’on ne veu

la it pas ménager,on le faisai t a sseoir sur le bord

du grand envier . Ou l u i demandait où i l éta it

né,et pendant qu ’i l ouvrait l a bouche pour ré

pondre , le barb ier y en fonça i t sa brosse à barbe ,

qui n’

é ta it autre chose qu’

une grosse brosse à

peindre , couverte de la mousse d u savon vert le

plus commun . Il l u i savonnait ensu ite l e men

ton et les j oues et les l u i râela i t avec son grand

rasoir. Le médecin vena it alors lu i tâter le poul s,

et l u i ordonnait une p ilu le qu ’on lui en fonça itdans l a bouche. Enfin, on l ui fa isa it resp irer l a

bouteille de sel s dont le bouchon était traversé

par des épingles , dont le s pointes l u i t ira ient le

sang du nez . Pour dénoûment on le faisai t

tomber à l a renverse dan s le cuv ier , et on le lais

sait s’en t irer comme il le pouvai t

Le commis d ’

a dm inistra tion s eta it en fermé

dans sa cabine avait prép aré son sabre et ses

p istolets e t avai t j uré qu ’i l t uerai t le premier

qu i v entrerait . Mais des m idshipmen ne se la issent pas aisément efl

rayer. Nou s ne av 1ons

p a s pardonné d’

avo irrefusé de nou s donner p l us

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260 F RANK M I LDMAY .

que notre rat ion de rum . Nous attaquâmes sacabine d

'

a ssa ut nous l ’en tirâmes et nous le

l ivrâmes entre les mains des tri ton s qu i ne l u ifirent aucune grace .

Le premier l ieu tenan t des soldats de marine

|oua it de la flüte dumatin au soir et comme il

n’

a va it pas d ’oreil le i l écorchait les nôtres

sans pit ié . Nous le l ivrâmes de même aux tritons et indépendamment du traitement ord i

naire nous l u i fîmes ava ler un verre d ’eau de

mer sa propre flute nou s servant d ’

entonno ir.

Les cris qu ’i l poussa attirèren t M. Clew l iue.

Depuis long—temps nous cherchions le moyen de

l u i j ouer quelque tour . Mais quo iqu’

i l se fût

racheté d u rasoir et de la p i l u le i l craignai t

i’

a sp ers ion et i l s ’

éta it tenu prudemmen t sous

les a iles d u cap itaine . I l s’

oub l ia en ce moment,

et accourut pour nous défendre , avec un ton

de colère de tourmenter ainsi le seu l ami qu’i l

eû t peut— être à bord de la frégate . Nous l ’entourâmes sur- le—champ et pu isan t «le l 'eau dans le

envier avec des seaux de cu ir nous l ’en arro

sûmes s i cop ieusement qu ’i l s’

enfuit sous le

pont d ès qu ’i l put se frayer un passage .

Jusque l ai tou t étai t pla is ir et ga î té mais

la scène changea tout à coup . Un homme qu i

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262 FRANK M I LDMAY.

hamac seul et au mil ieu des ténèbres comme

le danger que j’

a va is couru se retraça à mon es

prit ! Comme j e remercia i Dieu de m ’en avoir

presque miraculeusement sauvé -Et comme

j e l ’oubl ia i deux j ours après

Nous arrivâmes a ux îles Bermudes bientô t

après ayant laissé le convo i dans le d ixièmedegré de lati tude . Les midshipmen surnumé

ra ires se rendirent chacun sur leur nav ire res

p ectif , mais avant de nous séparer nous eûmes la satisfaction de voir le premier l ieu tenant

s’

emba rquer sur un bâtiment partant pour l’

An

gleterre et nous en félicitâmes ceux de nos

compagnons qu i restaient à bord de la frégate

que nou s qu itt ions .

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CHA ? ETEË E X III.

Les îles Bermudes ont u n genre de beauté qu i

leur est s i particu l ier qu ’on pourrai t les pren

dre pour le séj our des fées . C ’est un groupe de

rochers élevés par les zoophytes qu i forment le

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264 FRANK mumu .

corail . Ou d i t que le nombre de ces îles est égalà celu i des j ours de l ’a nnée. Elles sont couvertes

d’

un beau .tapis de verdure de cèdres , et de

maisons peintes en blanc et peu élevées qu i pro

duisent un effet très—a gréable . Les havres y sont

nombreux mais l ’eau en est basse,et quoi

qu ’

i l s 'y trouve plusieurs passes i l n’

y en a

qu’

une qu i pu isse conduire les grands navi res

au principal ancrage .

Dans toutes les parties de ces îles on trouve de

nombreuses cavernes don t les p lafonds sont

ornés de brillantes stalactites formées par

l ’eau qu i en coule goutte à goutte. Elles contien

nent des sources d ’une fraîcheur délicieuse

soit qu ’on veu il le s'

v désaltérer ou s’

y baigner.

Les matelots se son t m is dans l’

idée que ces îles

sont flottantes et que la croûte qu i les com

p ose est s i mince qu ’on p ourrai t l a percer sans

de b ien grands efforts . Un matelot ayan t été eu

fermé dans un corps-de—garde pour s ’

être mal

condu it étant ivre,frappa le plancher de toutes

ses forces,et cria à ceux qu i le gardaien t

Laissez—moi sortir ou mille d iables j e crève

rai votre ca le et j e vous fera i couler à fond vous

el votre île . Ou y trouve partout des récifs et

des écueil s et surtou t au nord et à l ’ouest. Mai s

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266 ÈRANK M I LDMAY .

lesrégion s dunord après quo i lamèrechercheuncl iina t plus favorab le pour sonbaleineau .Lesbale ines a rrivent ord inairement aux Bermuclèsvers la mi—mars . Elles n’

yrestent que quelques

semaines après quoi el les se d irigent vers lesî les des I ndes Occi l enta les continuent leur

course vers le sud doublen t le cap de l:lorn et

retournent dans les mers polaires par les îles

A leutiennes et le détroi t de Behring où elles

a rrivenl l’

été su ivant . Le baleineau ayant grand i

et acquis des forces sous les lat itudes méridio

na les est alors en éta t de se défendre contre ses

cnnem 1s , et la mère y retrouve le mâle . D’apres

mon expérience et les renseignemcns que j ’a i p u

obten ir j e su is à pe u près certain que tel les

sont les constantes m igrations de ces animaux .

La soll ic i tude maternelle de la baleine rendcette pêche dangereuse dans cette saison de l ’an

née et donne l ieu à de sérieux accidens . Je fus

une fois sur le point de perdre la vie pour avoir

voulu satisfaire m a curios ité . Je m ’

é ta is mis sur

un bâtiment baleinier condui t par des hommes

de couleur nés dan s ces îles et auss i audacieux

qu’

exp érimentésl

dans cette pêche . Nous vîmesune baleine et son baleineau nageant autour de

quelques rochers de corai l et le soin que la

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FRANK MI LDMAY . 267

mère prenait de son petit avai t quelque chose detouchant . Elle cherchait év idemment à l ’élo igner

des canots nageait autour de l u i et le prenan t

quelquefois entre ses nageoires el le roulait avec

l u i dans les vagues . Nous parvînmes à les p lacerentre la terre et nou s et par ce m oyen nous les

poussâmes entre les rochers dans une eau pl us

basse . Enfinnous arrivâmes s i près dubaleineauque notre harponneur pri t son harpon pour l e

lui lancer sachant que s’ i l l e blessa it une fois

la mère était à nous car j amais el le n’

abandonne

son p eti t. Le harpon lancé avec force s ’en

fonça profondémen t entre ses côtes l’

anim a l

s’

enfuit rap idement et nou s laissâmes fi ler une

centaine de brasses de corde. Mai s” un baleineaublessé ne fait j amais une longue rés istance et

nous le vîmes b ientôt tourner sur le dos et fl otter mort sur la surface de la mer . La malheureuse

mère avec un instinct touj ours p lus fort que laraison ne le qu itta point un seul instant .

Nou s nous approchâmes d u baleineauà Ims

tant où un harpon part i d ’une autre embar

cation b lessait l a mère à son tour . La queue de

l’

a nima l furieqx tomba avec une tel le force sur

notre canot qu’elle le coupa en deux tua deux

hommes et les autres , précip ités dans la mer ,

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268 FR ANK mumu .

n’eurent d ’

autre part i aà prendre que de cher

cher ‘a sauver leur vie en nageant. La baleinepoursu ivit l a troisième embarcat ion mais l a

corde attachée au harpon lancé de la seconde

l a retenait quo iqu’

el le l’

entra înât à ra ison de

dix ä onze mil les par heure . Si el le eût été dan s

une eau profonde elle a urai t p longé le canot

dans le s abîmes de l ’océa n ou i l aurai t fallucouper la corde .

Les deux autres embarcat ions éta ient telle

ment occupées qu ’el les ne puren t venir sur-le

champ à notre secours et nous fûmes aban

donnés à nos propres ressources p lus long—temps

que j e ne le trouvais agréable . Je me d irigeais

vers le baleineau flottant , dans le dessein dem ’en servir comme d

un va isseau , quand un

des hommes qu i étaien t comme moi a‘ la nage ,me cria N

’en approchez pas ! vous y trou

veriez une foule de requ ins . I l aj outa pour ma

consolation I l est vra i qu’

i ls attaquent rare

ment‘

un homme,quand il s trouvent autre

chose à mordre . Cela éta i t fort possible ,mais

j ’avene que je fus très-charmé de voir arriver

le troisième canot , et bientôt l a baleine , épu iséepar la perte de son sang , se rapprocha de son

baleineau et mourut à son côté.

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2yo FRANK M I LDMAY .

serait p a s moins j uste sous le rapport de la vé

lecite. Comme s i l’on eût voulu que ces bât i

mens fussen t à tous égards la honte du pavillon

anglais,ou en donnait le commandement à des

o fficiers don t la condu ite éta it tel le , qu’

aucun

capitaine ne voula it qu’

i ls servissent sous ses or

dres . I l s devena ient a insi leu rs maîtres et pres

que tou s étaient constamment ivres . Tel fut

l’

etat du l ieutenan t qui comm anda it le schooner

depuis le moment de notre départ des îles Ber

mudes jusqu'

à notre arrivée à Halifax . Son se

cond su ivait son exemple,les tro is m idshipmen

en faisaient autan t et si les v ingt—cinq hommes

qu i composaient l'

équip a ge ,montraient p lus de

sobriété,c ’est p arce qu

’on les restreignait rigou

reusement à leurs rat ions .

Heureusement i’

ivrognerie n eta it p a s d unombre de mes vices . Je pouvais m

échaufl‘

er

l a tête et avoir une pointe de ga î té quand j’

éta is

en compagn ie,mais j e n’

a l la is j amais jusqu’

à

m’

enivrer. A mesure que j’

a vanç a is en âge ma

fierté e t mon j ugement firent que j e veillais en

core davantage sur moi—même . J’

a p erçus l’

im

mense avantage qu’

un homme sobre a sur un

ivrogne , et j e ne manqua i pas d’en p rofiter.

Resta nt constamment sur le pont du schoo

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FRANK M I LDMAY . 2 7 1

ner presque nu it et j our j e pris sur moi de lego uverner e t ( le donner tous les ordres , sans

daigner même con sul ter l e l ieutenant qu i éta i t

presque touj ours ivre dans sa cabine . Nou svîmes dan s l a so irée le phare de Sambre

, qui

est à l’

entrée d u havre de Hal ifax,et un des

m idshipmen, qui é

p ar hasard n’

éta it qu’

a dem i

ivre , me d it qu’i l connaissait parfa itement le

port et m ’

o ffrit de rempl ir les fonctions de pi

lo te . Comm e j e n’

y a vais iam a is été, le ne pou

va i s m ’en charger ; j’

a ccep ta i donc son offre,

mais dou tan t de son habileté,j e surveilla i ses

opérat ion s avec quelque inqu iétude .

Je n’

éta is pas inqu ie t sans raison ,car au bout

d’une demi-heure,nous échouâmes sur les côtes

de l ’î le de Cornw al l is , e t les vagues passèren tsur le pont . Cet accident dégrisa le l ieutenant e t

ses o ffic iers et la marée s ’

éta nt ret irée le schoo

ner se trouva à sec et tomba sur le côté . Des

barques arrivèrent,et j ’en pris une

,qu i me con

duis it avec 111011 b a gage à bord du vaisseau

amiral . Après deux j ours de travai l,on releva

le scheoner,et on le fi t en trer dans le port .

L’

am ira l fut instru i t de t011te l ’a fla ire , et un ca

p ita ine l u i conseilla de traduire le l ieutenant de

vant une cour martiale,ou dumoins de l e ren

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2 72 FRANK mumu .

voyer du service . Malheureusemen t i l ne voul utpas su ivre cet avis et i l ordonna au l ieutenant

de se remettre en mer avec des dépêches . Quand

le schooner m it à la voile,chacun savai t qu

i l n’

y

avai t pas dans tout l ’équip age un seul homme

qu i ne fût ivre . I l toucha au récif de rochers a ppelés les Sœ urs coula fond à l

instant même ,et personne ne fut sauvé du nau frage .

La frégate que j e deva is j o indre , arriva à

Hal i fax deux ou tro is j ours après moi . J’

en fus

fâché,car j e m ’

y trouvais b ien , et j’

a 1 a is des

lettres de recommandation pour les meilleures

familles de cette v ille . Ou sai t de quelle manière

l’

ho sp ita l ité y est exercée et l a société de jeunes

dames a imables et vertueuses tendai t à adoucir

et à pol ir les manières brusques que j’

a va is con

tractées dan s ma profession . J’

a ura is volon tiers

passé plu s long-temps dans leur société,mais i l

fallait obéir au destin ou à l a fortune,et me

rendant à bord de la frégate,j e me présenta i a u

lord qu i la commandait .Je m ’

a ttenda is à t rouver en l u i un j eune ef

fém iné a im a nt trop ses aises pour avoir appris

son mét ier . Je me trom p a is complètement . LordEdouard était marin jusqu

a u bou t des ongles .

I l connaissai t toutes les part ies d ’un navire de

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2 74 FRANK MI LDMAY .

cr01s environd ix —scp t fam il les . Notre ca pitaine

p osseda it environ v ingt m i lle a cres de terre sur

l’

î le de Saint -Jea u au j ourd’

hu i appelée l ‘i le d u

prince Edouard . C’

éta it une concess ion fa ite à

un de ses ancêtres par la couronne , et cette pro

p riété ne l u i avai t j ama is rapporté un Shill ing

pour la meilleure raison d u monde il ne s'

y

trouva i t personne pour la mettre en valeu r . Il

pensa que ce bâtiment portai t précisément l'

es

p èce de cargaison qu i lui convenait , et que ces

Irlanda i s l u i seraient très-utiles pour dé fricher

et cult iver ses terres . I l leur en fit l a proposition ,

et comme ils n’

a vai ent d’

a utre but que de cher

cher des moyens d ’

ex istence , et qu’

i ls n’

a va ient

aucun m ot if pour aller aux En1ts-Unis p l utô t

qu’ a il leurs ils acceptèrent ses offres . Le cap i

ta ine demanda à l 'am ira l l a permiss ion d ’al ler

les y condu ire l u i-même pour les installer e t i l

l’

obtint sans d ifficul té . Dans le fait , rien ne p eu

va it être p lus avantageux pour toutes les parties,

car ces ém igrans all aient augmenter la pop a la

t ion trop fa ible d ’une de no s colonies,au l ieu

d’

a jouter au nombre de nos ennemis . Nous repartîmes donc pour Halifax dès que l ’a m ira l y

eut donné sa sanction,et traversant le beau dé

tro it qui sépare la Nouvelle-Ecosse de l ’î le du

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FRANK M I LDMAY .

cap Breton nous arr ivâmes b ientô t à l 1 le d u

Prince—Edouard .

Nous jetâmes l ’ancre dans un peti t havre voisindes propriétés du capi taine . Un homme , qu i

prenai t le titre d ’

intendant,y demeurait avec sa

femme et sa famil le , et d’apres tout ce que le VIS

pendant trois semaines que nou s y restâmes,i l

éta it assez coquin pour être intendan t d u plus

riche seigneur de toute l’

Angleterre. Le cap i

ta ine débarqua et me prit pour son aide-de

camp . L'

intendant l u i fi t préparer un lit dans sa

maison mais Sa Seigneurie p référa coucher sur

du foin dans la grange . Le noble lord éta it 1111

homme don t les pensées donnaient p eu d’

exer

cice à sa langue . I l écoutait p l u s volont iers qu’il

ne parlait,et son compagnon

,quel qu ’ i l fût

avait touj ours à faire tou s les frais de la conver

sat ion . I l ne suffisa it même pas de l u i dire u nechose une fois pour l u i faire entrer dans l 'esp ri t

l’

idée qu ’on voulait l u i transmettre , i l fallai t l a

l u i répéter trois fois dans des termes d ifférensou avec des paraphrases

,e t i l réponda i t à cha

cune des troi s vers ions par une interj ect ion

Hum ‘ eh ! ah ! La première annonçai tqu’i l écoutait ; la seconde , qu

’i l commenca it à

comprendre ; la troisième , qu’i l a p prou1

a it ce

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2 76 FRANK M I LDMAY .

qu ’on l u i disa i t , et i l la prononçait touj ours pl us

lentement,avec emphase et en souriant .

Je donnerai un exemple de nos conversations .

Le premier j our que nous couchâmes sur le

fo in dans la grange i l entama lu i-même l ’en

tretien ce qu i était fort rare en disant

Je voudrais savoir… . une pause

M i lord ?

Que dirait-ou en Angleterre si l’on nous

sava i t l ogés ain si

Je cro is m ilord qu ’en ce qu i me regarde,

en ne dirait rien ; mais en ce qu i concerne Votre

Seigneurie on pourra it dire q ue c’est un as

sez mauvais logement pour un homme de votrerang .

Hum !

Je dis,milord qu

un homme de votre

rang couchant sur du foin dans une grange ,p ourrai t exciter l a surprise de ses amis en An

gl éterre.

Je veux d ire m ilorcl que s i l ’on savait en

Angleterre comme vous etes bon marin on ne

Sera i t étonné de rien de ce que vou s pouvez faire ;mais que ceux qu i ne vous connaissent pas

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2 78 FR ANK mumu .

lea ux qu i sembla ient avoir pris possession excl u

sive de la forêt . Nou s couchâmes ensuite qua tretroncs d ’

a rbre par terre de ma nière à formerun p a ra l lé logra mmc et nou s fîmes une entaille

pro fonde à chacune de leurs extrémités pour

qu'el les pussent s’

embo î ter les unes dans les

autres . La même opération fut réitérée jusqu’

à

ce que le mur fût d ’une hauteur suffisante

a près quoi nous en f îmes le toi t en pla çan t tran s

versa lement de plus petits troncs d ’

a rbres que

nous couvrîmes de branches de pins d’

écorces

de bouleaux et de boue pour le rendre im

perméable à la plu ie . La prat ique fi t de moi un

excel lent architecte e t à l ’a ide d ’une trentaine

d’

hommes j e pouvais bâtir une maison en un

j our .

Nous défrichâmes ensu ite en abat tan t les ar

bres eJ/en les déracinant , a utant de terra in qu’

i l

en fa l la i t pour la pet i te colon ie nous semâmes

du blé nous plantâmes des pommes de terre ,nou s donnâmes aux ém igrans devenus colons

d ivers obj ets qui pouvaien t leur être ut i les et

con formément à nos instruct ion s nou s retour

nâmes à Halifax . R ien ne pouvai t certa inementm ’

è tre plu s agréable cette chère ville fut pour

tant cause que j e reçus une sévère réprimande

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FRANK M I LDMAY . 2 79

de mon ca p i ta ine pour avoir manqué d’

a ttention

aux signaux . Le v a isseau amiral nous fi t un iour

un signa l pendant que j'

éta is l e midshipman

cl1 a rgé de surveiller les signaux mais ma lu

nette au l ieu de se d iriger vers le v ieux Centu

r ion éta i t braquée sur une jeune et charmante

Calypso que j’

a va is découverte se promenant

sur les ga z ons fleuris . Je ne sais combien de

temps aurais voulu passer dans cette heureuse

A rcad io,s i un autre Mentor ne m ’

eût poussé du

haut des rochers pour me faire encore une fois

l utter contre les vagues .

Contre l ’avis de tout être raisonnable le pré

sident des Etats-Unis ava i t formé le plan d ’une

guerre contre l ’Angleterre e t tou s les navires

qu i se trouvaient dans le havre de Halifax se

prép arèrent à combattre les Yankees ( I). L’es

cadre part i t en septembre . Je fi s mes adieux aux

nymphes de la Nouvelle-Ecosse avec moins deregret que j e ne l ’aura is cru mais j e commen

cais à être las de cette Capone des marins et j edésirais un service plus act if.

( 1)Sobriquet donné aux América ins p ar les Angl a is pendant l a guerre de l

indépendance. N ote du Tra d.

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2 82 FRA NK M I LDMAY .

ment pour l u i que pour son pays . Un au tre bâtiment chargé d ’une cargaison semblable fut

arrêté à peu près à la même époque p ar un de

nos croiseurs et le cap itaine du sloop de sa ma

jesté l’

O isea u—Mouc/w y choisi t une quaran

ta ine de vigo ureux Irlandais pour compléter son

équipage .

Pauvres mortels nou s avons tous la v ue

courte et les capita ines de vaissea ux de guerre

ne sont pas exempts de cette imperfection hu

maine .- Combien de choses se trouvent entre la

coupe et la bo uche ! A bord du même bâtimentse trouvaient deux j eunes Irlandaises très-j ol ies

,

appartenant à la classe de la bourgeoisie . L ’une

se nommait Jud ith l ’autre Marie e t elles a l

la ien t j o indre l eurs parens déjà établ i s aux Etats

Unis . Dès que les pauvres Irlandais eurent apprisleur changement de destination ils pou ssèrent

des lamentations assez bruyantes pour fa ire en

fu ir les monstres de l ’ocean dans leurs cavernes

les p lus pro fondes . Les cœ urs des deux jeunes

fi l les en furent déchirés e t quand les gém is

semens des femmes et les cris des enfans s’y }oi

gnirent Orphée l u i-m ême se sera it retournépour voir ce que s ignifia i t un tel concert .

0miss Judith !‘

ô miss Mar ie s’

écrièrent

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FR ANK M I LDMAY . 2 83

le s Irlanda is serez-vous assez cruel les p ournousvoir entraînés su r un vaisseau de guerre sans

d ire un mot pour nous ! Il ne fa udrai t qu'

un

m o t de vos j o l ies bouches au capita ine pour

qu ’i l nou s remi t en l iberté .

Les j eunes fi lles doutaien t que leurs j ol ies

bouches eu ssent tan t de pouvoir cependan t

el les résolurent d ’en faire l ’épreuve. Elles deman

dérent auma ître d u bâtiment sur lequel elles

éta ient un canot pour se rendre à bord du

sloop et après avoir fait quelques add itions et

quelques changemens à leur toilet te,el les y dese

cendirent sans se mettre en peine s i el les mon

traient leurs j ambes et sans s ’

inquiéter davam

tage s i les rames en tomban t dans l ’eau faisa ient

rej a il l ir su r leur tête l ’eau de la mer ce qui dé

rangea certa inemen t les boucles de leurs cheveux mais en a joutan t à leu rs j oues une fra icheur qu i contrib ua peut—être au succès de leurentreprise .

La vue d ’un cot il lon en mer a quelque chose

qu i ne manque j amais de mettre un homme de

bonne humeur pourvu que la nature l ’a it j eté

dans son moule ordinaire . Quand elles furent à

bord de l 'O isea u-Mauc/ze le cap itaine les reçut

très-pol iment les condu is i t dans sa cabine , leur

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284 FRANK MI LDMAY .

fit serv ir des ra fra îch issemens et eu t pour elles

tou tes les attentions qu’

ex igea ient leur sexe et

leur beau té . Le capitaine était le meil leur

homme qui fût au monde et i l avait deux yeux

noirs étincel ans qui avaien t touj ours l’air de rire .

Pu is— je savoir j eunes dames leur dit-i l,

ce qui me procure l’

honneur de cette v isite ?

Nous venons demander une grace à VotreHonneur répondit Judith .

Et j e su is sûre que Votre Honneur nous

l’

a ccordera dit Marie,car i l a une phys ionomie

qu i me plaît .

Flatté sans doute du compl iment de Mariele capitaine répond it que rien ne lu i faisai t ia

mais pl u s de plaisir que d ’

obl iger des dames et

que s i l a demande qu ’el les avaient à lu i faire ,n

éta it pas absol ument incompatible avec son

devoir i l la leur accorderai t certainement .

Eh bien donc,dit Marie , vous me rendrez

Pot Flannagan ,que Votre Honneur a pris en

vertu de l a presse .

Le capita ine secoua la tête .

Cc n’

est pas un marin Votre Honneur

continua-t—el le i l a touj ours vécu dans les ma

récages , vous n en ferez j amais rien de bon.

‘Le capitaine secoua encore la tête .

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286 FRANK M ILDMAY .

ce que vous comptez emmener avec vous ces

pauvres créatures ?

Nous vous les paierons le même prix queles deux autres , Votre Honneur , dit Mar ie .

Je n’

entrera i pas dans le détail de tous les bai

sers que le capitaine reçu t des deux j ol ies irlan

daises . Si tels sont les profits d’un capitaine

,qu i

ne voudrait ’

ê lre‘

.

J 11 me suffit de d ire qu ’el lesrachetèrent a insi tous leurs compatriotes , etqu’elles s’en retournèrent en triomp lie. Cette

h isto ire se répand it à Hal ifax,mais l ’am ira l dit

seulement qu’i l regretta it de ne pas avo ir été

à la p lace du capita ine . Le capitaine qu i avait

autant de bra voure que de bonté obt in t b ien

tôt de l ’a vancement. Je ne Veux pourtant pasdire que Ce fut pour cette affaire , car on do it

convenir qu’

i l avait essuyé une défaite . Le lord

chancel ierd’

Angleterre qui était son ami lui

d itun jour à Ce sujet,qu’i l r ia it touj ours quand

il Voya it st ipu ler dans un con trat de mariage

qu’

une somme serai t annuellement à la dispo

si l ion de la femme pour ses ép ingles attendu

que le mari s’en empara it ordinairement par

des coups ou des baisers ; mais que , dans tou t

le cours de sa pratique,i l n

ava it encore vu

qu’

un seul cap itaine qui se fût la issé cajoler au

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mumu M I LDMAY . 287

point de donner quarante de ses hommes pour

a utant de b a isers de deux jeunes fi l les . Aprèscela , qui ne s

écriera it pas Eringo brag/z

Nou s reçûmes ordre de nous rendre a ux î les

Bermudes , et nous sortîmes du port avec un

bon vent du nord -ouest . Cette brise fraî ch it ,passa a u sud -est et soufÏl a avec quelque vio

lence ; mais un calme plat ne tarda pas à y suc

céder. Vers onze heures le ciel commença à se

couvrir de n uages qu i s’

ép a issircnt à un tel

point,que b ien avant m id i i l régnait une obscu

ri té de mauvais augure . Les m ouettes volaient

a utour du vaisseau,et sembla ient par leu rs cris

l ugubres,vou lo ir nous annoncer l

ouragan aux

symptômes duquel on ne pouvai t se m épren

dre. Nou s carguâmes nos voiles et nous primestoutes les mesures possibles pour faire face à la

tempête. Elle commença à m idi a vec une vio

lence sub ite e t terrible,qui étonna les p lus v ieux

et les plus expérimentés de nos matelots .

Le vent venait du nord-ouest,et i l éta it s i vio

lent qu ’au premier instant où i l frappa la frégate , el le donna à la bande , et ses canons ducôté

( 1)Mo ts irlanda is , e'

quim lant à vive l’

l rlande !

( N010 du Tra ducteur.)

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288 FRANK M I LDMAY .

sous le vent touchèrent l’eau . Tout fut en con

fusion dans l ’intérieur, tous les obj ets qu i n’é

ta ient pas fermement attachés furent j etés du

m ême côté . Mais ce fut encore bien pis sur lepont : le mâ t d ’

a rtim on,le grand et le peti t mât

de hune furent renversés mais le bru it du vent

éta it s i terrible,que nous n’

entendîmes pas cel ui

de leur chute et quoique j e fusse près d u mâtd

a rtimon j e ne m ’

a p erçus qu’i l avait été ren

versé que lorsque j e me retournai . Le vent cou

pait le hau t des vagues qu ’i l soulevait,et les

faisa it retomber sur nous en p lu ie et en écume.

Nos voiles d ’

éta i furen t déchirées en lambeaux .

Le cap itaine,les o fficiers et les matelots se regar

da ient les uns les autres , et attendaient l’

evenement avec consterna l 1on.

La frégate était tel lement couchée à ba bord

que l ’eau pénétrait de force par les sabords des

canons,el le entrai t par les écoutilles

,que nous

n’

a vions pas e u le temps de fermer,et avant que

nous eussions pu le faire le premier pont étai t

inondé et l ’on voya it flo tter en désordre les

caisses et les hamacs. Les Vaches,les moutons

les cochons les p oulets , tou t fut entra îné par

les Vagues . Ou ne pouvait pl us donner aucunordre , car nulle voix ne pouvait se faire enten

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290 lj‘

BANK mumu .

pas très-promptement,nous ne pouvions éviter

de couler à fond ; car , endépit de nos précautions ,l 'eau augmentait encore sur le premier pont . Je

regagna i à _la nage le gaillard d’

a rrière, où le ca

p ita ine l u i-même était à la roue avec les pl u s

vigoureux mar ins . Mais la mer donnait de te lschocs a ugouvernail , qu

i l s pouvaient à peine se

mainten ir sur leurs j ambes . Les canons du gai l

lard d ’

a rrière sou s le vent étaient dans l’eau ; i l

fut proposé de les j e ter à la mer L’

entrep rise

éta it d ifficile et dangereuse ,mais i l y alla it de

la v ie ou de la mort,et nous y ré ussîmes . Nous

n'

en retirâmes aucun avan tage l a frégate ne se

redressa p oint , et nou s entendîmes quel ques

voix s’

écrier Enprières ! en prières ! nous

sommes perdus !

Le mât de misaine et le grand mât éta ient eu

core debout mais chargés de la masse énorme

de leurs agrès brisés . Les dégager d ’un poids

qui menaçait de les entraîner était l ’objet (le

tou s les désirs,mais on pouvait à peine l ’es

p érer. Le danger de faire monter quel qu’

un sur

ces mâts éta it s i évident , que le capita ine ne

pouvait se résoudre à en donner l ’ordre à per

sonne . I l fit assembler tou t l’

équip age près du

gaillard d’

a rt iere , et moit ié p arses gestes , moitié

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FRANK M I LDMAY . 29 1

en crian t , i l fit comprendre qu a moins que le

grand mât ne fût dél ivré sur-le-champ du poids

qu i l ’entra îna it l a frégate al lai t couler à fond

et qu ’i l désira it savoir s i quel qu’

un vou lai t se

dévouer pour enfaire la tentative.En ce moment chaque v a gue sembla it pro

da ire u n effet p lus fata l sur le bâtiment. 11 s’

en

fonça it rapidement entr’

el les mais il se relevaitlentement et avec peine . I l étai t comme une

noble forteresse battue en brèche , et sur le po intde céder à une force supérieure . No s hommes

étaient s tu péfait s et j e ne doute p a s que s i on

leur en eû t l aissé la possibil ité la plup art ne se

fussent enivrés pou r attendre la mort . A chaqueembardée le grand mât semblait faire les plu svio lens efforts pour se séparer d u nayiye; les

hauban s du côté d u vent devenaient comme des

barres de fer tandis que ceux sous le vent pen

da ient en dem i cercle, ou frappaient violemmentcontre le mât comme pour en accélérer l a

chute. Ou s’

a ttenda it à chaque instan t à le voir

tomber , et briser un côté d u bâtiment . Cepen

dant personne ne se présenta it pour aller couper

les restes du grand mât de hune et de la grandevergue qu i demeuraient suspendus au grand mâ t ,et qu i étaient chargés de tout le p oids du petit

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292 FR ANK mumu .

mât de hune et de sa vergue. La stupeur était

générale , et chacun garda le s ilence .

J’

avoue que j’

éprouva i unmouvement secre t

de plais ir en voyant u n danger que personne

n’

o sa it braver . J’

a ttendis quelques seconde s

pour voir s’i l se présentera i t un volontaire et

s’i l s’en fût présenté un, j e serais devenu son eu

nemi , car i l m’

aura it dérobé le p laisir de sat is

faire ma p assion favori te , l’

orgueil un orgueil

sans bornes .‘

J ’avais souvent bravé les dangers

avec les autres, j

a va is été le premier à m ’

y ex

poser,mais faire ce qu

aucun homme de l ’équi

page d ’une frégate n’

o sa it entreprendre ,c

éta it

m’

éleverà un degré de supérior ité que j e n'avais

p a s encore songé à atteindre . Sais issant une

hache ayant un bon tranchant j e fis signe au

ca pitaine que j ’allais tenter l’

entreprise. Je

m ontai par les m anœ uvres au ven t ; quatre à

cinq braves matelots en fi rent autant car quand

un o fficier montre le chemin i l se trouve tou

j ours des braves pour le suivre .

Les secousses des m anœ uvres furent sur lepoin t de nou s renverser et nous fùmes obligés

de nous a ccrocher aux haubans par les bras et

les j ambes . Le cap ita ine les o fficiers et tou t

l’

équip age nous regardaient monter mec la pl us

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29 4 FRANK MI LDMAY .

cura it mon orgueil satisfa it passion tel le

ment identifiée en moi qu ’onn’

a ura it pu l’ex

tirper de mon cœ ur sans changer toute mon

organisat ion.

Les ouragans sont rarement de longue durée.

Cel ui que ]e v iens de décrire se changea enun

vent très- fort mais qu i nous parut untempsSuperbe après ce que nous venions ô’

essuyer.

Nous nous mîmes à l ’ouvrage pou r répa rer 1105avaries les pl us pressantes . Nou s p lâçâmezi des

m âts de rechange et aubout de quelques j oursnous a rr1vârhes encore une foi s à Hal ifax.011 y

avait é pr 'ouvé l ’ouragan dans toutesa foi*ce et

nos amis avaient conçu des alarmes pournotËesûreté aussi nous reçurent— ils à bras ouverts . Jefus pourtant obl igé de rester à bord quel quejours , pa r su ite des contusions que j

a vais reçuesaux bras et aux j ambes enfi mnta fi

'

ta ùgraiid m'

ât

penda‘nt l ’OUragan.

Je n etais que depu is quel ques 1011rS aà Ha lif a x quand ]e remarquai un changèfilènt s

ou

dain‘ dans la Condu ite d u capita ine à 111011 ëgàrd .

Je n'

a i j amais pusavoir exactement quel le'

en

étai t la cause quoique j e 'me fussè ouvertmo i

meme le champ des con jectures . Je dois avoueravecregret que malgré ses bbnt éä cons tantes

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FR ANK M I LDMAY. 295

pour moi et malgré le respect véritable que

j’

a va is pour l u i i l m ’

éta it arrivé de faire rire

à ses dépens . Mais i l avait l ’esprit trop bien fai te t le cœ ur trop bon pour s ’

o fl‘

enser sér ieusement

de ce qu i n’

é ta it qu'

une légèreté de j eunesse , et

son ressentiment en de pare il les occasions ne

durait j amais pl us de cinq minutes .

Le fai t est que lord Edouard portait hab ituel

lement des pantalon s bleu s d ’une largeur très

remarquable . Croyait-i l par là se donner un airplus marin , ou son tailleur avait- i l ses raisons

pour l u i fourn ir une telle surabondance d ’

étofl‘

e,

c’est ce que j e ne saurais d ire mais,quelque

ample que fû t le ban de Sa Seigneurie_à l a cein

t ure et a u—dessou s cette partie essentielle de la

draperie qui le couvrait l’

éta it encore davan

tage et el le aurait p u con ten ir deux fois au tant

de chair humaine,quoique cel le qu i s’

ytrouvaitfût déjà b ien honnête .

Un proverbe trèâ— sage dit qu’ un point fait

à temps en épargne neu f . Mais on fai t peu d ’at

tention au jou rd ’hui à cet adage ainsi qu’

a

beaucoup d’

a utres non moins u tiles . Ce fut ce

qui a rriva mon capitaine. La couture du mi

l ie u duderrière de son pantalon s’

éta it m a lheu

reusement décousue et i l n’

a va it pas songé à

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296 FRANK mumu .

faire réparer cette brèche. L’

ouragan quand il

arriva chercha querel le à tou t ce qu’i l rencon

tra et l ’innocent pantalon de lord Edouard fut

une des v ictimes de ses déprédations . L’impetueux Borée y en tra de force ouverte par la

couture décousue et gonfl a le pantalon comme

les j oues d ’un trompette . L’

éto fl‘

e de laine fabri

quée dans le comté d’

York ne put rési ster à la

press ion de l ’a ir el le se déchira en rubans et

flagella la part ie qu ’elle étai t destinée à couvrir.

Le temps était s i chaud que le capitaine s’

éta it

d ispensé de mettre un caleçon . I l ne lu i resta

donc d’

a utre défense que sa chemise et comme

el le étai t v ieil le le vent l a mit aussi en lambeaux. En un mot mettez sur les épaules de l a

statue d u gladiateur qu i es t dans Hyde-Parc

une j aquette de mari n,e t vou s aurez un portrait

fidèle de lord Edouard pendant l ’ouragan.

Cette s ituat ionn’

é ta it pas très—agréable , mais

dans un pareil moment de péril le cap itaine ne

pouvai t qu itter le pont pour aller changer de

costume et ce n’

en était guère l a peine quand

on s ’

a ttenda it à chaque insta nt à cou ler à fond .

A peine y pensa—t-on dans le momen t mais

quand le danger fut passé , on en fi t un su j et

de p laisanteries,et un jour que j

amusa is une

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298 FRANK MILDMAŸ .

désirait in’

av01r sur son bord. Je compris ce que

celà voulait d ire ét j’

a ccep ta i sur- lo—champ .

Nous nous quittâmes bons amis et j e ne pen‘

sera 1 ia ina is à lu'

i qu’avec respect e t reconnais

sance .

Mon nouveau ca pitaine éta it n’u homme tou td iff érent . Î l était fort instru it avait été b ien

élevé et ses manières étaient distinguées . I l v i

va itenami avec tous ses o fficiers , sa b ibl iothèqueétait à leurserv ice . Une petite p ièce servant

il’

ànticha‘

ifibre à sa cabine et où étaient ses l ileur éta it touj o urs ouverte. C

éta it le cab i

net d’

étude des midshipmen . I l éta it excel lent

dessi nateur et j e fus heureux de mettre à p rofit

ses leçons.

Péü de j ours après que j e fus arrivé sur son

bord nous reçûmes ordre de mettre à la voile

_îiôur Québec . Nous remontâmes le majestueuxfleuve de Saint Laurent , après avoir passé e11vuedel

î le de l ’A ssomption ou d’

Antico sta , et nou s ]etâmes l

ä hcre à la hauteur du cap du Diamant,

qui sépa re le Saint Laurent de la pet ite riv ière deSa int Charles . La continuation de ce cap

,en s

é

lôignant forme les hau teurs'

d’

,Abra ham où

l’

imm0fl elWol fe défit Montca lm en 1 73 9 et oùles deux généraux terminèrent leur ca i rière glo

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FRANK MILDMAŸ . 299

rieuse sur le champ de bataille . La ville située

à l ’ex trém ité duca p o fl‘

re unaspect p ittores

que . Les maisons et l e s égl ises sont en généralcouvertes eñ éta im pour prévenir les confia

gra tions qui avaient l ieu fréquemment quandelles l ’éta ient en bois ou en chaume . Quand les

rayons du soleil tombent sur ces to it s i ls ont

l ’air d ’

être d ’argent .

Un des principaux motifs qu i nou s avaient fait

envoyer à Québec ,étai t de procurer à l’

esca dre,

par le moyen de la presse,des hommes dont elle

avait grand besoih‘

. Les matelot s e t les soldats de

111a 1‘*ine furent secrètement formés en détaché

ihens de presse et l’on en mit unsou s mes 01dres . Les o fficiers se rendirent à terre dégu isés

après être convenus“ de signaux et ( le l ieux derënde

'

z—V0us ; et quelques matelots s ur qu i flous

p ouvions compter furent chargés de j ouerle

rô le ile ces o iseaux a p p rivo 1sés dont 011 se sert

pour ei1'

p rendre d’

autres . Ils sé donna ient

Comme appartenant à des bâtin‘

i èns marchands

dont il s disaient que leur o ffi cier était lemaître ,etèngagea ient leurs dupes à s

enrôler pour recon

du'

ire le navire en Angleterre moyenna nt d ixgallons

dé r um et troi s cents dollars. Nous nou sprocurâm

e'

s un assez bon nombfe d ’

hommes de

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OOO FRANK M ILDMAY .

cette manière et il s ne reconnaissaient qu1ls

avaient été trompés que lorsqu’

i l s se trouvaient

à bord de l a frégate . A lors c’

éta ient des j ure

mens et des exécrat ion s dont on peut se faire une

idée mais que nou s nous dispenserons de rap

porter.

I l peu t être àa propos d’

exp l iquer ic i que les

bâtimens qu i font le commerce des bois de con

struct ion,arrivent au mois de j uin , aussitôt

que la rivière est débarrassée des glaces,et s

'

i l s

ne repartent pas avant la”iîln.

d’

octobre i ls cou

rent grand risque d ’ê tre arrêtés par les glacesd

’avoir à p asser 1’hiver sur le Saint-Laurent

,et

de perdre ainsi sept aa huit mois . B ien instruit s

de toutes ces circonstances la plupart des matelots désertent en arrivant et se cachent à l ’aide

d’

un de ces gens q u ’on appelle facteurs

Ceux-c i les nourrissent , et lorsqu’

un bâtiment

veut part ir et a besoin d’

hommes , i l s leur en

fourn issent à unprix avan tageux pour le matelot et moyennant une bonne récompense pour

eux—mêmes .

Nos instructions étaient de ne pas prendre

d’

hommes à bord des bâtimens marchands ,mais de les chercher dans les maisons de cesfacteurs . C

éta it pour nou s une source d’

amuse

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302 FRANK MILDNlAY .

mes sup—le—champ la ceinture de leurs pantalons

p arderrière , pour les empêcher (le s’

enfuir, pré:

caut ionqu’il pe faut ia1na15 oubl ier. Nousnous

mîmes ensuite avec eux dans le charriot du fa c;te9_rç t_nou s leforçâ_mes de110115.conduireàQuébec Les hommes que nous venions de cap turer furep t les premiers à rire et à p la isanter de

leur aventure . J ’étais s urpris de vou avec quel lefacil i té ils prenaient leur parti ; mais peut—ê_trçl’

idée ;_le la guepre qu1 s’

a p p rocha it contre les

q lsees , les disposmt à servir p l us volontiers

dans lamarine royale. Je dev ins ainsi p lein ‘d’

arydeur pour la chasse aux hommes

, quoiqu’

enyréfléchissant de sang

-froid dep uis ce temps, jemesois conva incuque c

’est unemesure cruel le ,1njuste _et absurde , puisqu

el le tend à 1nsp 1rer

de l’

éloignement pour le service du pays,Ma is16 p

9i pas dess_emd’

écrire un traité surla presse .

A cette époque j e m’

inquiétais fort peu de la l i;berté des suj ets , p ourvuque m on vaisseau eût

le nombre d’

hommes néces saire p our figurer

honorablement dans les scènes de meurtre légal

qui al laient avoir l ieu .

Un marchand de Québec m’

ava it insu lté enrefusant d’

escom p ter une traite sur mon père

que je lui avais p résentée p arce que je ne p pa

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FRANK M I LDMAY . 505

vais lu i payer autrement quelques obj ets que j e

voulais lu i a cheter . I l me la rendit avec un air

de dédain en me disant que les traites de midshipmen n’

é ta ient pas du bon papier. Je jura i deme venger et voic i comment j e m ’

ypris.

Je me fis donner par un autre m idshipman

une déclarat ion par écrit portant qu’i l ava it lieu

de _cro 1re que quelques matelot s étaient cachésdans la maison de ce marchand . Je la montrai à

mon capitaine qu i me donna ordre de remplir

mon devoir par tous le s moyens de droi t,en fa i

sant une perquisition chez ce marchand . Je merendis chez lui avec mon détachement à une

heure dumatin et nou s frappâmes à l a p orte à

coups redoublés en demandant au nom du roi

qu ’on nous ouvri t. On refusa d ’

obéir ; nous en

fonçâmes la porte,et nou s nous répandîmes

dans tou te la maison comme une nuée de saute

rel les . Gren iers,cell iers

,chambres à çoucher

des servantes et des dames nou s vis itâmes tout

e t nous mîmes tout en con fusion . Enfin nous

trouvâmes les deux fi ls du marchand et j e le ur

ordonnai de se lever et de nous su ivre feignant

de croire qu’

i ls étaient des matelots cachés .

Dès que le v ieux marchand me vit il me re

connuf ct se douta de la vérité. Je lui montra i

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504 FRANK M I LDMAY.

mon ordre de perqu isit ion et je lu i demandaisi c

éta it dubon papier

Après a v01r v15 1té jusqu’

a u dernier recoin de

la maison nous partîmes en fi n lu i laissant sesdeux fi ls à demi morts de peur.

Le lendemainmatin il al la porter plainte contr

'

e moi au gouverneur ; mais on avait reçu la

vei lle de s dépêches d ’

A lbany annon çant que leprésident des É tats-Unis avai t déclaré la guerre

à l ’Angleterre et nous mîmes sur—le-champ

à l a voile pour descendre le fleuve de Saint

Laurent .

En arrivant à Hal ifax nous reçûmes ordre

de nous mettre en mer , pour couler à fond

brûler et détru ire . Nou s voguâmes vers labaie de B oston

,et en y entran t , nous a p erçû

mes dix à douze bâ timens. Celu i don t nous

ét ions le plus près,était u n brick . Le capitaine

fit mettre u n canot en mer et m ’en donna le

commandement . Pendant que la frégate pour

su ivai t les autres navir es j e montai à bord du

brick . Le capitaine était assis sur une cage à

poule ts et i l ne daigna ni se lever ni me saluer

quand j’

a rriva i près de l u i .

Je suppose que vous êtes Anglais? me

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506 FRANK M ILDMAY .

autres une autre , vous savez . Et il y en a qu iaiment les dollars .

Et quel le éta it votre cargaison en partant ?

Da poisson salé , de la farine et du tabac .

Et c’est là tout ce que vous rapportez enretour ? Je croyais que le commerce de Smyrne

éta it une fort bonne chose .

Vous ne vous trompez pas à Zee que j e

suppose . Indépendamment des marchan d ises

trente m ille dollars dans la cabine ne son t pas

une mauvaise chose .

Je le su ppose auss i . Je su is charmé d’ap

prendre que vous avez des dollars à bord .

Qu ’est—ce que cela vou s fait? i l ne vou s en

tombera pas un dan s l a poche,

je sup pose .

I l y en tombera plu s que vou s ne le p en

sez . Ne savez—vous pas encore la nouvelle?

Cette question fit changer de v isage le pauvre

homme,et il devint tou t à coup comme s

i l

avait l a j aun isse . Quelle nouvelle demanda

t—il avec un tremblement dans la voix .

Seulement que M. Madison,votre p rés i

dent,a j ugé à propos de déclarer la guerre à

l’

Angleterre.

Vous voulez plaisanter j e suppose .

Je vous parle très—sérieusement e t j e vous

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FRANK M I LDMAY . 507

déclare en outre que ce bâtiment es t une prise

de la frégate de Sa Majesté Britann ique que vousvoyez là bas .

En ce cas je su is un homme ruiné d it i l

en poussan t un profond soup ir . Je regrette seu

lement de ne pas avoir entend u parler plus tôt

de cette guerre . J’ai sur le pont deux j ol i s pet its

canons,et vous .ne m

a uriez pas eu à bon mar

ché , j e suppose .

Je souris en l ’entenda nt parler de rés ister àune frégate de cinquante canons ; mais le lais

sant j o u ir de l ’idée de sa vail lance , je lui deman

dai s ’i l n’

a va it rien à nou s donner à boire,a t

tend u qu ’i l fa isait très—chaud .

Non,répondit- i l avec humeur ; j e n

’a i

r ien et quand

A l lon s al lons l u i d is—je songez que vous

êtes ma prise . La civi l ité ne coû te rien et elle

peut ê tre bien payée .

Vous avez raison répondit le cap itaine

qu i se trouva touché dans sa part ie sensible .

Holà mousse apportez-nous des verres e t

quelques bouteil les de Madère . Et peu t- être

ce j eune o fficier a ime—t— i l les longs bouchons

apportez—nous au5 5 1 du Bordeaux .

Le mousse obéit et le vin arriva lrès- p 10mp

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508 FRANK M I LDMAY .

tement. Pendant cette conversation la frégate

donnait chasse mettait des canots en mer et

prena it autant de bâtimens marchands qu’elle

pouvait en atteindre . Je fi s déployer toutes les

voi les du brick pour aller la rej o indre .

Pu is-ie vous o ffrir quelque chose à manger?

me d it l e cap itaine ; vous n’

a vez pas dîné j e

suppose car i l n ’es t pas encore m idi .J

a ccep l a i son o ffre en l e remerciant et i l

descendit à la hâte dans sa cabine pour donner

ses ordres me d it—i l mais plutô t j e crois

pour rendre quelques objets invis ibles à mes

yeux et dans le fait i l y eu t un sac de dollars

que nous ne pûmes trouver. Quelques instansaprès i l v in t me rej oindre et l ’onne tarda pas

à nous avertir que le dîner était prêt. Une vo

l ail le rôt ie et u n j ambon ne déplaisen t j amais à

un midshipman et j’

y fis grand honneur .

Quelques verres de Madère me mirent en ga î té .

A l lons capitaine m’

écria i—je buvons à

une g uerre longue et p i‘

0fitable

Maudit soit le bu tor qu i ne répondrait pasamen Mais où avez—vous dessein de me conduire ? à Hal ifax j e suppose. Ne me la 15 5erez

vous pas mes n ippes et ma pacotille

Tou t ce qui vous appartien t personnelle:

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5 10 FRANK M I LDMAY .

les América 1œ tant de p erfidie et d’

ég01sme.

Lorsque j e fis mes adieux au cap itaine du brick,

i l me d it : Je crois que j’

équip era i un corsaire

pour prendre quelques—uns de vos bâtimens

m archands .

Prenez garde de ne p as être pri s vous

m ême car vous passeriez le temps peu agréa

blement à bord d ’un de nos bâtimens qui servent

de pri son . Tout cela es t votre faute messieurs

les Yankees . Vous nous avez cherché une que

rel le d’

A llemand pour plaire à Bonaparte e t i l

vous crachera à la figure quand i l n’aura plus

besoin de vous . Pourquoi votre prés ident a -t— i l

déclaré la guerre à votre mère-patrie— 1 Mère-patrie ! damnation vous voulez dire

bel le—mère j e suppose .

Le bâtiment qu ’i l nous ava it ind iqué fut la

hu itième et dernière pr ise que nous f îmes cesoir—là . I l se trouvait dans le nombre un brick

qu i était s ur son lest . Nous y f îmes passer tou s

nos prisonniers à qu i nous lai ssâmes tou t ce

qu i leur appartenait personnellement et nous

les la issâmes libres de retourner chez eux . J ’es

p éra is qu’i l me serai t permis de condu ire ma

prise à Ha l ifax , mais le capitaine jugea à proposde me garder avec l u i . Pendant notre croisière ,

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FRANK M ILDMAY . 5 1 1

qu i dura deux mois nou s primes quel ques cor

saires . Nous brûlâmes les uns , et nous cou lâmesles aut res à fond .

Un j our que nou s av ion s bord à bord un de

ces bâ timens corsaires que nous av ions pris

nous y m îmes le feu fort imprudemment,après

en avoir ret iré tout ce qu i en vala i t la peine

parce que nous vou l ions donner la chasse à unau tre navire , et que nous au rions perd u du

temps à mettre un canot en mer pour faire cette

opération . Les flammes éclatèrent beaucoup

plus tôt que nous ne l’

av ions cru poss ible e t

nou s craignîmes quelques instans qu’elles ne se

communiquassent à la frégate . Heureusement

nous avions ven t arrière,et nous fûmes bien

tôt hors de danger .

Notre crois ière étant terminée j e demandai

la permission de retourner en Angleterre pour y

pa sser mon examen le temps de mon_s_ervice

pmû‘

cf exwrer.

j’

a va is plus de motifs que j e ne désirais en don

ner pour préférer de passer mon examen dans

un port d’

Angleterre. Enfin j’

obtins moncongé ,et la permission de partir . Le lecteur me fera

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5 12 . 1‘1111Ë‘11 mumu .

sans doute l’

honneur de croire que j’

a va is écrit

quelques dou zaines de lettres à Eugénie dont

la j eunesse et l a beau té ava ien t entretenu mon

amour pour el le sans aucun refroidissement.Mon père m ’

a va it au ss i dans quelques-unes de

ses lettres parlé d ’

Em i l ie Somervil le que j ’ai

mais au ssi mais d ’une flamme plus pure et p l u s

céleste . Elle était mon soleil , et Eugénie étai t ma

lune.Mon père dans la dermere lettre que ava is

reçue de lui m’

a va it engagé à revenir en Ang]

terre dés irant me présenter à quelques person

nages imp ortans qu i pouvaient accélérer mon

avancement dans le serv ice . Cet avis étai t bon

et comme il s’

a ccorda it avec mes vues j e le su ivis . Mon capita ine daigna me dire qu ’i l éta it fâ

ché de me perdre et j e reçus l ’adieu le plus

cord ial de tous les o fficiers et de mes com

p agnons .

d e s ix semaines arrivaiP lymouth

, et 1e finissuis précisément alorsma

s1x1ème année de service comme midshipman.

FIN DU PREMIER VOLUME.