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  • REMERCIEMENTS Ce diagnostic est le fruit dun travail collectif sappuyant sur lexpertise, limplication, et lexprience de nombreux acteurs qui lont co-construit. La coopration trs positive avec le Secrtariat gnral pour la modernisation de laction publique (SGMAP), ainsi que le secrtariat gnral du MENESR, la contribution des consultants, ont permis de mener bien et avec efficacit cette premire tape de lvaluation. Je salue la mobilisation toutes les tapes de ce diagnostic des administrations concernes, celles du ministre de lEducation Nationale bien videmment, DGESCO, DEPP, DGRH, DAF, et celles des administrations des autres ministres notamment la DGEFP et la DARES. Les inspections gnrales (IGEN, IGAENR, IGAS) se sont impliques fortement aux cts de la directrice de projet et ont contribu lacuit et la lgitimit du diagnostic, lIGF a apport son expertise. LIf, le CEREQ, et dautres chercheurs ont accept de nourrir rgulirement les rflexions, y compris au sein des groupes et du sminaire de travail. Les recteurs et leurs quipes acadmiques et dpartementales, les rseaux visits ont galement contribu de faon trs fructueuse aux travaux. Les collectivits locales, et notamment lARF et lADF, ont t parties prenantes de lensemble du processus de mme que les fdrations de parents dlves et le conseil national de la vie lycenne. Les nombreux acteurs de la lutte contre le dcrochage scolaire que nous ne pouvons tous citer ici ont contribu la rflexion et aux travaux dont ce rapport sefforce de rendre compte et je les en remercie vivement. Enfin, jadresse mes flicitations Frdrique Weixler, la directrice de projet, et son quipe pour la dmarche partenariale et transversale mise en uvre et la qualit des travaux, et mes encouragements poursuivre lvaluation dans cette dynamique. Jean-Paul Delahaye Directeur Gnral de lEnseignement Scolaire.

  • 3 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    SOMMAIRE

    Introduction ................................................................................................... 5

    1. Le dcrochage scolaire : caractristiques et contours .............................. 12

    1.1. Clarification des concepts, de la mesure du dcrochage et du primtre de la politique ..................................................................................................................... 12

    1.1.1. Dcrochage scolaire et terminologie associe, des concepts expliciter .......... 12

    1.1.2. Une mesure du dcrochage scolaire reposant aujourdhui sur des indicateurs qui apparaissent perfectibles .................................................................................................. 13

    1.1.3. Une politique publique au primtre large ......................................................... 14

    1.2. Des facteurs de risques identifis mme si le phnomne du dcrochage touche lensemble de la population ........................................................................................ 15

    1.3. Le dcrochage, rsultat de linteraction de plusieurs facteurs ............................ 18

    1.4. Le dcrochage, un processus .............................................................................. 20

    1.4.1. Un processus qui se dveloppe tout au long de la scolarit de llve ............... 20

    1.4.2. Un processus dont lintensit varie durant lanne scolaire : illustration travers labsentisme .................................................................................................................... 24

    2. Une politique en construction, centre sur la remdiation et lintervention ................................................................................................ 27

    2.1. La remdiation et lintervention sont aujourdhui privilgies ............................ 29

    2.1.1. Les acteurs ........................................................................................................... 29

    2.1.2. Les dispositifs et solutions mis en place par lEducation nationale et par les autres acteurs ................................................................................................................... 35

    2.1.3. Elments danalyse et rsultats ........................................................................... 39

    2.2. La prvention, longtemps peu visible, se dveloppe, mais de faon disperse .... 41

    2.2.1. Des actions de prvention en cours de dveloppement ..................................... 42

    2.2.2. Des actions de prvention non intgres dans une politique nationale ............. 47

    2.3. Rquilibrer les moyens entre prvention et intervention-remdiation .............. 50

    2.4. Les facteurs cls de succs et les freins identifis dans les politiques de lutte contre le dcrochage scolaire ...................................................................................... 51

    3. Un pilotage et une coordination renforcer pour une politique de lutte contre le dcrochage scolaire cohrente et globale ....................................... 54

    3.1. Des objectifs volontaristes mais qui ne sont pas toujours clairs, ni pour les bnficiaires, ni pour les institutions ........................................................................... 54

    3.1.1. Une volont politique qui se traduit dans des objectifs chiffrs volontaristes ... 54

  • 4 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    3.1.2. Des objectifs qui ne couvrent pas tout le primtre de la politique ................... 55

    3.2. Une stabilisation ncessaire des indicateurs et outils de pilotage ....................... 55

    3.3. Une gouvernance interinstitutionnelle ingale ................................................... 57

    3.3.1. Un pilotage national embryonnaire..................................................................... 57

    3.3.2. Des partenariats htrognes aux chelons acadmiques, dpartementaux et rgionaux .......................................................................................................................... 57

    3.3.3. Des acteurs importants absents du pilotage ....................................................... 59

    3.4. Un pilotage au sein du ministre de lEducation nationale dvelopper et conforter ..................................................................................................................... 59

    3.4.1. Au niveau national, un pilotage qui pourrait tirer davantage parti des outils existants ............................................................................................................................ 59

    3.4.2. Au niveau acadmique/rgional, des modalits de pilotage htrognes ......... 60

    3.4.3. Au niveau des tablissements, un suivi systmatiser ....................................... 61

    3.5. Une cohrence avec dautres politiques ducatives quil est ncessaire de renforcer ..................................................................................................................... 62

    3.5.1. La politique dducation prioritaire et la politique de lutte contre le dcrochage scolaire prsentent des points de convergence ............................................................... 62

    3.5.2. Des points darticulation trouver entre la politique de russite ducative et la prvention du dcrochage scolaire .................................................................................. 63

    3.5.3. Le temps scolaire : une contribution possible la prvention du dcrochage ? 63

    3.5.4. Des objectifs assigns au Conseil suprieur des programmes et aux nouveaux programmes cohrents avec une politique de prvention du dcrochage ..................... 63

    3.5.5. Les outils du numrique ducatif au service dune approche plus interactive et personnalise des apprentissages .................................................................................... 64

    3.6. Un contexte interinstitutionnel en volution ...................................................... 65

    Conclusion : synthse des constats et pistes dvolution pour une politique de lutte contre le dcrochage scolaire plus efficace ........................................... 68

  • 5 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Introduction

    Rduire le dcrochage scolaire constitue un enjeu essentiel pour notre socit et ce titre une priorit nationale. Il sagit dunir nos forces pour donner des perspectives davenir chacun. La France ne peut laisser sur le bord du chemin prs dun jeune sur cinq, ni accepter le poids des dterminismes sociaux sur les parcours. La politique de lutte contre le dcrochage scolaire sinscrit dans un contexte europen : la rduction du taux du dcrochage scolaire dans les Etats membres de lUnion europenne est en effet lun des cinq axes dfinis dans la stratgie Europe 2020 pour une conomie durable, intelligente et inclusive. Cet objectif est dclin de faon trs volontariste au niveau national, puisque le Prsident de la Rpublique a fix lobjectif de diviser par deux au cours de sa mandature le nombre de dcrocheurs1. En France aprs une baisse rgulire du taux de sortants prcoces, celui-ci stagne de manire proccupante depuis une dizaine dannes. Le dcrochage scolaire constitue un enjeu humain, le prjudice psychologique du dcrochage tant important en termes destime de soi et souvent de qualit de vie, et un enjeu social et conomique majeur. Sur le plan humain, la non-valorisation des talents reprsente incontestablement un prjudice psychologique lourd pour les jeunes et leurs familles et un gchis pour la socit. Le dcrochage scolaire est une ralit angoissante2 et menace la cohsion sociale : actuellement, en France mtropolitaine, environ 140 000 jeunes sortent chaque anne du systme de formation initiale sans diplme du second cycle secondaire3 et 620 000 des

    1 Engagement n37 du Prsident Hollande pendant sa campagne prsidentielle en 2012 : Je ferai en sorte que les enfants de moins de trois ans puissent tre accueillis en maternelle. Je donnerai la priorit lacquisition des savoirs fondamentaux et dun socle commun de comptences et de connaissances. Au collge et au lyce, nous transformerons, avec les enseignants, les mthodes pdagogiques. Les lves les plus en difficult bnficieront dun accompagnement personnalis pour que, la fin du quinquennat, le nombre de jeunes qui sortent sans qualification du systme scolaire soit divis par deux. Je renforcerai et valoriserai les filires denseignement professionnel et technologique. Je veux lutter contre la prcarit des jeunes. Joffrirai tout jeune dscolaris de 16 18 ans une solution de formation, dapprentissage ou un service civique. 2 Pierre de Saintignon, Le dcrochage des jeunes : une ralit angoissante, 2011. 3 DEPP, Mesurer le dcrochage : quels indicateurs ?, novembre 2013 : ce chiffre comprend les donnes de lOutre-mer. Hors Outre-mer, 122 000 jeunes sortent chaque anne du systme de formation initiale sans diplme du second cycle secondaire.

    Figure 1 : Evolution du taux de sortants prcoces en France Source : Eurostat

  • 6 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    jeunes de 18 24 ans se trouvent en dehors de tout systme de formation et sans diplme du second cycle du secondaire4. Cette population est surexpose certains risques : en France5 comme ltranger6, les sans-diplmes se trouvent plus souvent au chmage, notamment de longue dure, occupent plus souvent des emplois prcaires et peu qualifis et prsentent un tat de sant dgrad par rapport la population diplme. Du point de vue conomique, le dcrochage scolaire menace la comptitivit du pays et gnre galement des cots importants pour la socit, nettement suprieurs ceux correspondant laction des politiques publiques dans ce domaine. Une tude du cabinet Boston Consulting group (BCG) datant de 20127affirme que les cots associs au dcrochage dun jeune8, cumuls tout au long de sa vie, se situeraient entre 200.000 et 300.000 euros selon les pays. Pour la France ce cot est valu 230.000 euros mais reste probablement sous-estim9.

    4 EUROSTAT pour le taux de sortants prcoces, INSEE pour la population franaise des 18-24 ans en 2012. Ce chiffre ne comprend pas lOutre-mer, ces donnes ntant pas disponibles. 5 INSEE, Enqutes Emploi 2010 et Enqutes emploi 2009 ; Direction Gnrale du Trsor, Le chmage des jeunes : quel diagnostic ?, Trsor Eco n92, septembre 2011(lien vers ltude) 6 Irlande : Smyth et McCoy, Investing in Education, 2007 (lien vers ltude); Canada : Donnes publiques. 7Etude BCG/MENJVA, Lutte contre le dcrochage scolaire : Cots et bnfices associs la lutte contre le dcrochage scolaire, 2012. 8 Ces cots comprennent les cots lis au chmage, le versement de prestations sociales, les cots de justice et de sant et le manque gagner sur les contributions fiscales et sociales. 9 Ainsi, aux Etats-Unis et au Canada o les systmes de protection sociale sont moins protecteurs quen France, le cot dune jeune dcrocheur tout au long de sa vie est estim respectivement 306.000 euros (Belfield & Levin, The Economic Losses From High School Dropouts in California, 2007 ; lien vers ltude) et 250.000 euros (Hankivsky, Cost Estimates of Dropping Out of High School in Canada, 2008 ; lien vers ltude)

    Figure 2 : Les enjeux du dcrochage scolaire

  • 7 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Enfin, le dcrochage interroge le systme ducatif dans son ensemble : au moment o lenqute PISA 201210 met en vidence dans notre pays un nouvel accroissement des carts de russite entre les lves en fonction de leur catgorie sociale, la question du dcrochage scolaire pourrait contribuer en France des volutions importantes du systme ducatif voire un Pisa-choc , comme en Allemagne au dbut des annes 2000. Le rapport rcent de linspection gnrale consacr au dcrochage scolaire souligne : Aucune rforme de lenseignement ne devrait tre engage dsormais sans quelle ne contienne des modalits de prvention du dcrochage 11.

    Face la multiplicit des approches, il apparat ncessaire de clarifier les concepts et dnominations. En effet la variabilit de ceux-ci traduit une volution de la prise en compte du dcrochage scolaire. Le terme de dcrochage est issu dAmrique du Nord ( drop out ) o cette proccupation sest installe ds la fin des annes 1960 avec la disparition du plein emploi. Il est apparu plus tardivement en Europe. En France, le phnomne sous dautres dnominations nest pas nouveau : le fonctionnement scolaire franais par tris successifs permettant la slection des lves a constitu longtemps un modle acceptable. Le fait quune partie des lves quittent le systme ducatif avant dtre diplms navait rien dalarmant tant que leur insertion professionnelle ntait pas menace et que le contexte conomique facilitait leur intgration. Cest dans les annes 1970, quand la France sest soudain trouve confronte une forte croissance du chmage des jeunes touchant de faon massive les moins qualifis, que le dcrochage scolaire est devenu un problme de politique publique. A lpoque environ 200.000 jeunes sortaient chaque anne sans aucun diplme du systme ducatif (contre 140 000 aujourdhui). Des mesures successives sont alors mises en place, sous langle de la qualification et de linsertion professionnelle. Laction publique se structure autour de la relation cole/entreprise, essentiellement sous la tutelle du ministre du travail, alors que le niveau de formation initiale en France influence dj de faon prpondrante les parcours professionnels.

    10 Lacronyme PISA fait rfrence au Programme for International Student Assessment , le programme international pour le suivi des acquis des lves de lorganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE). Lenqute 2012 a valu les comptences et les expriences dapprentissage de 510 000 lves au sein de 65 pays, par lintermdiaire dpreuves crites et de questionnaires. 11 Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Agir contre le dcrochage scolaire, alliance ducative et approche pdagogique repense, juin 2013, p.73 (lien vers le rapport)

    Etymologie et polysmie du terme dcrochage

    Le terme dcrochage est au dpart trs polysmique, en anglais ( drop-out ) comme en franais : dcrocher peut avoir un sens militaire, avec labandon du combat ou le repli face la pression de lennemi (Pierre-Yves Bernard, Administration et Education n137). Il est intressant de remarquer quil peut galement avoir des connotations positives, comme dcrocher un emploi par exemple.

  • 8 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Le terme de dcrochage scolaire sest impos en France sous linfluence des institutions internationales et notamment europennes. Ces dernires portent une attention particulire au dcrochage scolaire (les sorties prcoces ) depuis le milieu des annes 1990. Rcemment encore, un groupe de travail sur le dcrochage scolaire europen a ralis un bilan de lvolution du dcrochage scolaire et des politiques associes au sein de lUnion europenne12. Le terme de dcrochage est institutionnalis au sein des Etats europens depuis le sommet de Lisbonne en 2000, puisque la rduction des sorties prcoces du systme ducatif fait partie des objectifs stratgiques pour une conomie durable, intelligente et inclusive. En France, ce terme remplace dsormais celui de dscolarisation et de non-qualification. Ce changement de concept va de pair avec une lvation du niveau de formation exige par les contraintes conomiques et sociales et luniformisation des normes ducatives au niveau international. Le terme dcrochage scolaire traduit galement une prise de conscience de la responsabilit du systme ducatif. En effet, il interroge la conception du systme scolaire franais depuis les origines avec notamment un historique de slection des lves dans la logique de production dune lite et une sparation entre les sphres pdagogique et ducative. Il interroge aussi la conception de la formation des enseignants. Or la politique

    12 Commission Europenne, Reducing early school leaving: Key messages and policy support, Final Report of the Thematic Working Group on Early School Leaving, Novembre 2013 (lien vers le rapport) (cf. Annexe 13).

    Figure 3 : Evolution du taux de chmage depuis la fin des annes 1970 et les rponses des politiques publiques

  • 9 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    ducative franaise revendique la russite de tous les lves, et une russite qui ne soit pas uniquement scolaire. Le dcrochage scolaire est en quelque sorte un analyseur du systme ducatif franais. Il reprsente laspect visible, extrme de lchec scolaire et une ralit inacceptable du systme scolaire. Comme lindique Dominique Glasman, le problme est sans doute plus grave que celui dlves qui dcrochent. Ceux-l pourraient ntre que la pointe avance dun phnomne plus ample, la porte incandescence dun foyer diversement aliment13 .

    Cependant, lutilisation du terme dcrochage reste problmatique car il correspond une ralit imprcise et floue. Il indique la fois un processus et son aboutissement do une tentative de clarification travers la distinction pose entre dcrocheurs (lves en cours de dcrochage) et dcrochs (jeunes ayant dj dcroch du systme scolaire)14. En outre, il intgre dans une mme catgorie, des situations et des parcours trs diffrents. Enfin, il est considr comme ngatif et inexact par un certain nombre de jeunes concerns qui ne souhaitent pas se le voir appliquer.

    Aujourdhui, de nombreuses actions sont mises en uvre, que ce soit par le Ministre de lEducation Nationale (MEN) seul, par le MEN et ses partenaires ou par ses partenaires seuls. Elles portent plus souvent sur les domaines de lintervention et de la remdiation que de la prvention15. Mais force est de constater quil ne sen dgage pas une cohrence globale ; les rles et responsabilits ne sont pas identifis de manire suffisamment explicite pour permettre de les considrer comme constitutifs dune politique la hauteur des enjeux. Les rapports rcents, les pratiques et les comparaisons internationales font merger la ncessit dalliances entre acteurs trois niveaux : entre le jeune, la famille et lcole ; entre les sphres ducative, sociale, judiciaire, et de sant ; entre les collectivits et lEtat. Des synergies se dveloppent progressivement entre les acteurs mais de manire ingale entre les territoires, faute dun cadrage national interinstitutionnel, notamment entre lEducation Nationale, lEmploi et les collectivits territoriales. Concrtement, cela se traduit notamment par un manque de cohrence des systmes dinformation et une mutualisation insuffisante des moyens et des donnes. Cest pour ragir ces faiblesses et incohrences que, face aux enjeux sociaux et conomiques majeurs qui simposent au systme ducatif, le ministre de lEducation nationale, la ministre dlgue la Russite ducative et le ministre de lEmploi ont dcid de mettre en place, dans le cadre de la MAP, une valuation de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire mene par le ministre de lEducation nationale et ses partenaires, et

    13 Dominique GLASMAN, Le dcrochage scolaire : une question sociale et institutionnelle, VEI Enjeux, 2000. 14 Pierre-Yves Bernard, Que sais-je, Le dcrochage scolaire, 2013 : Lauteur soulve trois critiques : le terme dcrochage stigmatise une population, il simplifie des ralits diverses, il sintresse davantage aux consquences quaux causes, ou encore Catherine Blaya, Dcrochages scolaires : lcole en difficult, 2010 : le terme recouvre des situations trs diffrentes en termes de personnes concernes, de causes/processus aboutissant au dcrochage. La dfinition nest pas standard et varie en fonction des acteurs. 15 Les notions de prvention , dintervention et de remdiation sont dfinies en partie 1.1.3 du prsent rapport.

  • 10 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    soutenue par le Secrtariat gnral la modernisation de laction publique (SGMAP). La responsabilit oprationnelle de cette valuation a t confie la Direction Gnrale de lEnseignement Scolaire (DGESCO). Le pilotage est assur par une directrice de projet qui sappuie sur un comit de pilotage associant les acteurs institutionnels et leurs partenaires. Cette mission se droule dans une priode de modification du cadre institutionnel avec la loi n 2014-288 du 5 mars 2014 relative la formation professionnelle, lemploi et la dmocratie sociale, et lAccord National Interprofessionnel sur la mise en uvre oprationnelle du compte personnel de formation (CPF) dans lequel la formation professionnelle, initiale et continue des jeunes dcrocheurs a vocation sinscrire. Ces volutions constituent une opportunit pour que les acteurs et institutions structurent ensemble de nouveaux modes de coordination et de mobilisation des ressources de formation existantes au bnfice des jeunes dcrocheurs, et travaillent larticulation entre formation initiale et formation continue. Llaboration du diagnostic sest appuye sur quatre groupes de travail qui ont runi plus de soixante contributeurs, acteurs de la lutte contre le dcrochage scolaire. Un sminaire de synthse a conclu cette premire phase. Des entretiens et des visites sur le terrain ont galement t raliss par lquipe projet16. Cette valuation se fonde par ailleurs sur lexpertise des uns et des autres et notamment les rapports rcents des inspections gnrales (IGEN, IGAENR, IGAS, IGF), les travaux de recherche du Centre dtudes et de recherches sur les qualifications (CEREQ), les analyses du Commissariat gnral la stratgie et la prospective (CGCSP), de la Direction de lvaluation, de la prospective et de la performance du ministre de lEducation nationale (DEPP), de la direction de l'animation de la recherche, des tudes et des statistiques (DARES) et de la Dlgation gnrale lemploi et la formation professionnelle (DGEFP), les rapports du Fonds dexprimentation pour la jeunesse (FEJ), les contributions des fdrations de parents, des missions locales, les exprimentations et les expriences rgionales et dpartementales, et bien videmment les expertises de lensemble du ministre de lEducation nationale : Direction Gnrale de lEnseignement Scolaire (DGESCO), DEPP cite ci-dessus, Direction gnrale des Ressources humaines (DGRH), Direction des affaires financires (DAF) et Secrtariat gnral (SG). Son ambition est de faire merger les conditions dorganisation et de coordination de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire avec les acteurs concerns, notamment dans le contexte de la loi relative la formation professionnelle, lemploi et la dmocratie sociale. Ainsi, les objectifs fixs cette valuation sont :

    - de reprer les conditions de consolidation, de dveloppement et de lisibilit de cette politique, de laccroissement de son efficacit et de sa performance tout en amliorant larticulation et la cohrence avec les autres politiques qui y contribuent ;

    - didentifier les leviers damlioration pour engager le systme dans une dmarche globale prenant en compte llve en tant que personne avec lensemble de ses comptences ;

    16 Voir la liste des entretiens et visites terrain en annexe 3.

  • 11 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    - dapporter un clairage sur limpact et les conditions dun nouveau partage de comptences entre lEtat et les rgions ;

    - de stabiliser la mesure et la communication sur les indicateurs permettant cette mesure.

    Cette valuation se concrtisera dans un deuxime temps par une proposition de mesures et un plan dactions cadenc construit avec les diffrents acteurs de la politique. Le parti pris est dutiliser la mthodologie spcifique des valuations de politiques publiques (EPP) ralises dans le cadre de la Modernisation de lAction Publique (MAP)17, en sappuyant la fois sur le matriau prexistant et une dmarche fortement partenariale, et en interrogeant les besoins des bnficiaires finaux de la politique, cest dire les lves18. Lvaluation MAP cre une dynamique particulire grce trois leviers : la dimension interministrielle, le temps contraint et la mobilisation des acteurs. Elle constitue ainsi une formidable opportunit pour :

    - assurer un portage politique au plus haut niveau et interinstitutionnel de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire, avec un engagement de mise en uvre concrte de pistes dvolution de cette politique ;

    - permettre un travail avec lensemble des acteurs impliqus dans la politique de lutte contre le dcrochage scolaire ;

    - enclencher une vritable dynamique daction. A ce titre, la concertation des acteurs terrain et des bnficiaires, qui est dj en cours, est un gage de mobilisation sur la dure de toutes les parties-prenantes ;

    - constituer un espace de libert, dchanges, de confrontations dides, de crativit et dlaborations de scnarios.

    Aprs avoir clarifi dans une premire partie ce que recouvre la notion de dcrochage scolaire et le primtre de la politique, le prsent rapport propose dans une deuxime partie une analyse de la politique mene aujourdhui, des moyens engags et des rsultats obtenus, avant dinterroger les modalits de pilotage et de coordination dans sa troisime partie. La conclusion esquisse des pistes dvolution pour une politique de lutte contre le dcrochage plus intgre et plus cohrente.

    17 La mthodologie des EPP ralises dans le cadre de la MAP a trois caractristiques principales : une association trs en amont et tout au long de lvaluation des principaux acteurs de la politique publique ; la consultation des besoins des bnficiaires finaux de la politique et une mise en uvre concrte des actions prconises. Pour rappel, les EPP MAP sont ralises en deux temps : une phase de diagnostic puis une phase de construction de scnarios de rforme et de plan dactions. 18 Dans le cadre de cette valuation, une consultation des bnficiaires est en cours sous la forme dune enqute qualitative auprs de jeunes lves raccrocheurs et de leurs parents, avec linstitut de sondage BVA.

  • 12 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    1. Le dcrochage scolaire : caractristiques et contours

    1.1. Clarification des concepts, de la mesure du dcrochage et du primtre de la politique

    1.1.1. Dcrochage scolaire et terminologie associe, des concepts expliciter Le dcrochage scolaire est une notion distincte de lchec scolaire, comme le souligne Pierre de Saintignon : tout chec scolaire ne se traduit pas par un dcrochage et tout dcrochage nest pas li un chec scolaire . Lchec scolaire pose la question de lapprentissage, le dcrochage pose la question plus large du rapport de lindividu linstitution scolaire. Cela soulve clairement la question des formes dapprentissage des savoirs et des modes pdagogiques utiliss au regard des mcanismes cognitifs 19. De plus il serait plus exact de parler de dcrochage du systme de formation initiale en englobant ainsi la situation des jeunes en contrat dapprentissage. Dans un premier temps, il est indispensable de poser quelques dfinitions pour permettre une comprhension partage des principaux termes utiliss dans le prsent rapport.

    Concepts Dfinition

    Sorties sans qualification

    Terme le plus ancien pour apprhender le dcrochage. Un jeune est dsign comme quittant le systme ducatif sans qualification sil na pas atteint au moins la dernire anne de formation conduisant un diplme de second cycle (cf. premier bilan emploi formation paru en 1978).

    Sorties sans diplme

    Jeune qui quitte le systme ducatif sans un diplme de second cycle gnral ou professionnel. Qualifications et diplmes ne recouvrent pas actuellement toutes les comptences

    des jeunes notamment celles qui pourraient tre acquises en dehors de lcole.

    Dcrochage

    A la fois processus et aboutissement, se mesure en rfrence des normes en termes de niveaux dtudes souhaitables et dobjectifs assigns au systme ducatif qui voluent selon les pays et les priodes. Les termes de dcrocheur et de dcroch correspondent au souhait de distinguer le processus et son rsultat ; cependant il semble prfrable de parler de situation de dcrochage, celui-ci tant, selon la dfinition de Leclercq et Lambillotte un processus progressif de dsintrt pour lcole, fruit dune accumulation de facteurs internes et externes au systme scolaire

    20. Plusieurs pays ont adopt une terminologie plus positive qui va de pair

    avec laccent mis sur la prvention. Ils voquent le dveloppement de la persvrance scolaire (Qubec), lobligation pour lcole de permettre la russite de chacun, les liens dvelopper notamment avec les parents.

    Dcrocheurs

    Le Code de lEducation donne une dfinition officielle des dcrocheurs, en prcisant les lves concerns par le SIEI : ils ont t inscrits dans un cycle de formation mais quittent le systme de formation initiale sans avoir obtenu un niveau de qualification correspondant au baccalaurat gnral ou un diplme finalit

    19 Pierre de Saintignon, Le dcrochage des jeunes : une ralit angoissante, 2011. 20 Dominique LECLERCQ & Thierry LAMBILLOTTE, A la rencontre des dcrocheurs. Plaidoyer pour une pdagogie du cur. Le point sur la Recherche en Education n4, 1997.

  • 13 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Concepts Dfinition professionnelle class au niveau V ou IV de la nomenclature des niveaux de formation (CAP, BEP)

    21.

    Absentisme La dfinition administrative renvoie au manque lobligation dassiduit pour un lve inscrit dans un tablissement. Une approche plus ducative conduit prendre en compte les absences de llve sous toutes les formes.

    Illettrisme

    Il concerne les personnes qui, aprs avoir t scolarises, nont pas acquis une matrise suffisante de la lecture, de lcriture, du calcul, ni des comptences de base pour tre autonomes dans les situations simples de la vie courante. Il sagit pour elles de rapprendre, de renouer avec la culture de lcrit et avec les apprentissages de base, dans le cadre de la politique de lutte contre lillettrisme.

    1.1.2. Une mesure du dcrochage scolaire reposant aujourdhui sur des indicateurs qui apparaissent perfectibles

    Il existe aujourdhui deux indicateurs de mesure du dcrochage scolaire, calculs partir de lenqute Emploi en continu de lINSEE22 : 1. Le taux de sortants sans diplme

    mesure le nombre dlves de plus de 15 ans sortant du systme de formation initiale sans diplme du second cycle du secondaire. Il sagit dun indicateur de flux qui indique le nombre de jeunes dcrochs produits

    chaque anne par le systme scolaire. Son volution est affecte par la politique de prvention, mais non par les actions de remdiation. Pour le calculer, il est ncessaire dutiliser 3 annes denqute Emploi INSEE : ce taux, fourni par la DEPP, est estim 17% en moyenne sur 2008-2010, soit une estimation de 135 000 140 000 jeunes23.

    2. Le taux de sortants prcoces. Ce taux mesure, parmi tous les jeunes de 18 24 ans, la part de ceux qui sont en dehors de tout systme de formation et qui ne possdent pas de diplme du second cycle du secondaire. Il sagit dun indicateur de stock, sensible la fois aux actions de prvention et de remdiation. Fourni par EUROSTAT, il est estim en 2012 11,6% des 18-24 ans en France, soit environ 620 000 jeunes, hors Outre-mer24. Cest cet indicateur qui sert de base aux objectifs Europe 2020.

    21 Dcret n 2010-1781 du 31-12-2010 relatif au niveau de qualification prvu l'article L. 313-7 du code de l'ducation. 22 Cette enqute est effectue sur chantillon et ne peut, de ce fait, mesurer que la situation nationale et non celle des diffrents territoires. 23 DEPP, Sortants sans diplme et sortants prcoces Deux estimations du faible niveau dtudes des jeunes, Note dinformation 12.15, septembre 2012 (lien vers la note) : Le chiffre de 122 000 voqu parfois correspond aux sortants sans diplmes de mtropole. Le chiffre de 140 000 inclut lOutre-mer. 24 EUROSTAT pour le taux de sortants prcoces, INSEE pour la population franaise des 18-24 ans en 2012.

    Figure 4 : Evolution du taux de sortants prcoces et du taux de sortants sans diplme

    0

    10

    20

    30

    40

    0 10 20 301980 1990 2000 2010

    En %

    Sortants prcocesSource : Eurostat

    Sortants sans diplmeSource : MEN-DEPP

  • 14 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Il nexiste pas de mesure du volume dlves en situation de dcrochage, ce qui cre un dsquilibre en termes dactions : la priorit est mise sur la rponse apporte aux sorties sans diplme (aprs 16 ans), plutt que sur le traitement du processus de dcrochage.

    1.1.3. Une politique publique au primtre large Le parti pris de cette valuation est denvisager la politique de lutte contre le dcrochage scolaire aussi bien dans son processus que dans son rsultat. Aussi sintresse-t-elle aux actions et dispositifs recouvrant trois champs : la prvention, lintervention, et la remdiation (compensation) en cohrence avec le cadre europen25.

    Elle traite galement du reprage comme tape fondamentale permettant la mise en uvre des actions dintervention. Ces actions supposent que tous les membres de la communaut ducative et, au premier chef, les enseignants soient forms au reprage des signes avant-coureurs et des facteurs pouvant entraner le dcrochage. La politique de lutte contre le dcrochage scolaire telle que dfinie ici couvre un large spectre. Elle concerne de nombreux bnficiaires. En effet, le champ de la prvention dmarre trs tt : ds la maternelle, il est possible de mettre en place des actions visant rendre lcole davantage bienveillante, donner une place aux parents au sein de lcole et reprer de manire systmatique les dysfonctionnements cognitifs et dapprentissage, les problmes de sant et les situations dhandicap. En matire de remdiation, la politique peut toucher des jeunes jusqu 25 ans (exemple des missions locales, des EPIDE ou des Ecoles de la deuxime chance accueillant des jeunes de 16 ou 18 ans 25 ans). La lutte contre le dcrochage scolaire concerne tous les tablissements (publics et privs sous contrat). Le prsent rapport naborde pas le dcrochage dans lenseignement suprieur. Nanmoins, il est certain que la problmatique du dcrochage lors des tudes

    25 Conseil de lUnion Europenne, Recommandation du Conseil concernant les politiques de rduction de l'abandon scolaire, Journal officiel n C 191 du 01/07/2011, p.1-6 (lien vers le texte)

    Figure 5 : Dfinition des trois champs de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

  • 15 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    suprieures notamment au cours de la premire anne dtude universitaire trouve ses racines en amont. Un prolongement du prsent travail pourra donc naturellement se mettre en place. Enfin, elle porte sur tous les territoires des degrs diffrents. Le dcrochage touche lensemble des territoires, mme si certains sont davantage exposs au risque de dcrochage compte-tenu de leurs caractristiques, et notamment les dpartements et territoires dOutre-Mer, les zones dducation prioritaire, les zones trs rurales. La mise en uvre et les moyens consacrs devront sans doute tenir compte de ces disparits. La jeunesse ultramarine, qui reprsente 5% de lensemble de la jeunesse franaise entre 15 et 24 ans est particulirement touche par le dcrochage scolaire. Un quart des jeunes martiniquais, guadeloupens et runionnais de 20 24 ans ayant quitt le systme scolaire nont atteint que le niveau du primaire, contre 14 % en mtropole (donnes 2009 du recensement)26. Par ailleurs, dautres indicateurs tmoignent des grandes difficults rencontres :

    - le taux de scolarisation reste trs infrieur celui de lhexagone : le chiffre est de 53% en Guyane ;

    - le taux dillettrisme chez les jeunes est trs suprieur celui de lhexagone ; - le taux de chmage des jeunes de moins de 25 ans y est prs de 2,5 fois plus

    lev que dans lhexagone : 61,6% en Guadeloupe, 58,9% en Martinique, 54,4% en Guyane, 58,8% la Runion et 41,6% Mayotte (enqute Emploi conduite par lINSEE en 2012).

    Une dclinaison spcifique de la politique de lutte contre le dcrochage adapte aux territoires ultramarins parat ncessaire. Cette politique doit par ailleurs intgrer des problmatiques plus larges que celle du dcrochage scolaire comme la scolarisation, la lutte contre lillettrisme et linsertion sociale et professionnelle des jeunes. Elle doit galement prendre en compte le contexte particulier de ces territoires : les problmes de mobilit des jeunes et donc les conditions de transport et les caractristiques de loffre de formation, le rapport particulirement distendu des parents avec lcole et linfluence forte des conomies parallles. Lampleur des besoins appelle donc une politique dautant plus partenariale quelle inclut des problmatiques dorganisation des territoires, dinsertion sociale et professionnelle et de soutien aux familles.

    1.2. Des facteurs de risques identifis mme si le phnomne du dcrochage touche lensemble de la population

    Les tudes statistiques rcentes montrent que les populations concernes par le dcrochage scolaire sont relativement htrognes. Le dcrochage scolaire touche ainsi, des degrs divers, des jeunes issus de lensemble des catgories socioprofessionnelles, de structures familiales et dorigines nationales diffrentes.

    26 Documentation des Fonds Europens en Ile de France, Projet de Programme Oprationnel pour la mise en uvre de lInitiative Europenne pour la Jeunesse (IEJ) version 1.0 du 6 janvier 2014 (lien vers le rapport)

  • 16 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Toutefois certains facteurs augmentent le risque de dcrochage de faon significative. Les garons dcrochent globalement plus que les filles (57,4% contre 42,6%27) et gnralement plus tt dans la scolarit (en classe de quatrime, alors que les filles dcrochent davantage en premire). Le dcrochage scolaire des filles ne doit cependant pas tre sous-estim : niveau similaire, une fille aura moins de chance quun garon de trouver un travail et sloignera davantage du march de lemploi et de linsertion professionnelle. Ainsi, les filles se retrouvent davantage dans le stock EUROSTAT de sortants prcoces que dans le flux de sortants sans diplme. La difficult scolaire apparat comme un facteur de dcrochage. On note une corrlation leve entre les rsultats scolaires de 6 et la proportion de dcrocheurs. Une tude28 de la DEPP montre que 50% des dcrocheurs avaient un niveau faible lentre en sixime. [Figure 6]. Le redoublement touche les trois quarts des jeunes dcrocheurs, et pour un quart dentre eux il intervient ds le dbut de la scolarit (CP, CE1), au moment de lapprentissage des fondamentaux29. Cependant, tous les dcrocheurs ne prsentent pas forcment de difficults scolaires : un sortant sur cinq tait un bon lve en sixime30. Les autres dterminants significatifs de la sortie sans diplme sont la catgorie sociale du pre, le diplme de la mre, le niveau de revenus (peru par la famille), la structure du mnage, lorientation (selon quelle est subie ou choisie) [Figure 7]. Les sortants sans-diplme proviennent ainsi plus frquemment de milieu social dfavoris : 34% ont un pre ouvrier, 31% un pre employ et moins de 10% un pre cadre suprieur ou exerant une profession librale. 31

    27 Pierre-Yves Bernard, Christophe Michaut, Marre de lcole : les motifs du dcrochage scolaire , Notes du CREN, mars 2014. 28 Cdric Afsa, Qui dcroche ? , revue Education & Formations n84, dcembre 2013, p.9-20 (lien vers le dossier). Cette tude se base sur une analyse statistique des rsultats du Panel 1995, suivi de cohorte ralis par MEN-MESR DEPP. 29 Pierre-Yves Bernard, Christophe Michaut, op.cit. 30 Isabelle Robert-Bobe, Les jeunes sortants sans diplme : une diversit de parcours revue Education & Formations n84, dcembre 2013, p.41-50 (lien vers le dossier). Cette tude se base sur une analyse statistique des rsultats du Panel 1995, suivi de cohorte ralis par MEN-MESR DEPP. 31 Pierre-Yves Bernard, Christophe Michaut, op.cit.

    2,85,2

    8,310,510,714,2

    17,7

    25,931,0

    48,7

    52 103 94 7 81 6

    Lecture : dans le groupe 1, qui rassemble les 10 % d'lves ayant eu les scores les plus faibles aux tests de mathmatiques, 48,4 % sont sortis sans diplme.

    Figure 6 : Proportion de sortis sans diplme selon leur groupe de niveau en mathmatiques l'entre en sixime [Source : MEN-MESR DEPP Panel 1995]

  • 17 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Une voie vers une politique territorialise de prvention a t ouverte par le CEREQ32 qui a tabli une cartographie des zones risques de sortie prcoce de formation initiale partir de sept indicateurs de conditions de vie (revenu moyen par foyer fiscal, part de chmeur chez les 15-64 ans, taux demploi en CDI des salaris, part des familles monoparentales, part des familles nombreuses, part des mnages logeant en HLM et taux de non diplms chez les 45-54 ans). Cette cartographie prsente bien des similitudes avec celle des jeunes sans diplme et confirme limpact des caractristiques socio-conomiques dun territoire et de sa population sur le dcrochage scolaire. Les jeunes issus de milieux favoriss sont proportionnellement moins nombreux dans les flux de sortants prcoces, ils disposent en outre de filets de scurit qui leur offrent davantage de possibilits de raccrochage . Les jeunes sortis sans diplme sont plus nombreux avoir rencontr des problmes de sant ayant perturb leur scolarit (22% contre 13%), ou un vnement grave (dcs, maladie, ou accident grave) survenu lun de leurs parents (22% contre 15%) que les autres lves33. Enfin, sil apparat que le dcrochage constitue souvent un des lments du parcours des jeunes suivis par la police ou incarcrs, le lien entre le dcrochage scolaire et les comportements non attendus par linstitution scolaire (dlinquance, comportements

    32 Grard Boudesseul, Yvette Grelet et Cline Vivent, Les risques sociaux du dcrochage : vers une politique territorialise de prvention ?, Bref du Creq n304, dcembre 2012 (lien vers ltude) 33 Ibid.

    Figure 7 : Proportion de sortis sans diplme selon diffrents facteurs[Source : MEN-MESR DEPP Panel 1995]

    Sortis avec diplme (%)

    Sortis sans diplme (%)14,826,5

    85,2

    73,5

    NonOui

    suffisant?suffisant?insuffisant?insuffisant?

    27,616,3

    72,4

    83,7

    Parent isolParents en couple

    STRUCTURE DUMNAGE

    ORIENTATIONCONTRARIE ?

    6,19,515,0

    30,3

    93,990,585,0

    69,7

    Diplme Ens. sup.

    BaccalauratBEPC, CAP, BEP

    Aucun, CEP, sans objet, non rponse

    9,915,418,8

    27,4

    90,184,681,2

    72,6

    Tout fait suffisant ?

    Juste suffisant ?

    Un peu insuffisant ?

    Trs insuffisant ?

    83,7

    43,8

    24,921,99,36,3

    14,2

    56,2

    75,178,190,793,785,8

    Sans activit

    OuvriersEmploysProf. inter-mdiaires

    CadresAgric. exploit., artis., commer., chefs dentrep.

    CATGORIESOCIALE DU

    CHEF DEFAMILLE

    DIPLME DE LAMRE

    PENSEZ-VOUSQUE LE REVENU

    DE VOTREFAMILLE EST

  • 18 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    violents, etc.) nest pas dmontr34. Le contexte socio-conomique et les possibilits offertes par le march de lemploi jouent ce titre un rle plus important dans lcosystme du dcrocheur que le dcrochage scolaire.

    Les conclusions des tudes statistiques interrogent la responsabilit du systme ducatif dans le phnomne de dcrochage, notamment sa capacit faire russir les populations les plus dfavorises.

    1.3. Le dcrochage, rsultat de linteraction de plusieurs facteurs Un consensus se dgage de la littrature et de la recherche scientifique pour apprhender le dcrochage comme un processus multifactoriel, comportant des facteurs externes et internes qui interagissent entre eux. Les Qubcois parlent de non-appartenance au lyce ou de non-affiliation afin dvoquer un processus complexe, individuel, familial et institutionnel au terme duquel un lycen dcroche35. Llaboration de typologies de dcrocheurs rpond au besoin de mieux cerner les publics risque et de mettre en place des prises en charge. Cependant elles ne rendent pas entirement compte de la complexit du phnomne. En revanche, ltude des interactions entre llve, les parents et lcole ainsi quentre les facteurs internes et externes du dcrochage permet de mettre en lumire la trs grande varit de cas et dhistoires personnelles de dcrocheurs. Elle interroge le systme ducatif et semble fructueuse en termes dvaluation des dispositifs et dlaboration de pistes dvolution. La politique de lutte contre le dcrochage scolaire doit traiter cette complexit.

    La diversit des profils des jeunes sortants du systme ducatif sans diplme de lenseignement secondaire appelle une diversit dapproches et un travail en rseau afin de proposer chacun un soutien et des solutions adaptes. Elle milite pour une ncessaire collaboration entre les acteurs des sphres pdagogique, ducative, sociale et mdicale autour du jeune, tous les moments du processus, et ds le primaire.

    Les inspecteurs gnraux le rappellent : Lcole ne porte pas seule la responsabilit des causes du dcrochage, elle ne peut donc pas elle seule y apporter une rponse. Il lui faut accepter de collaborer avec toutes les institutions qui, chacune dans leur champ de comptences, peuvent et doivent partager les rponses globales mettre en uvre pour

    34 Maryse Esterle-Hedibel, Absentisme, dscolarisation, dcrochage scolaire, les apports des recherches rcentes, n298-1, 2006 (lien vers l'article) 35 Dominique GLASMAN, Le dcrochage scolaire : une question sociale et institutionnelle, VEI Enjeux, 2000.

  • 19 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    chaque dcrocheur. Lintgration dalliances ducatives qui ont fait la preuve de leur efficacit simpose.36

    DCROCHAGECOGNITIF

    CHANGEMENTDE CYCLE OU

    DE DEGRORGANISATION ETMODALITS

    DVALUATION

    EXCLUSION

    CLIMATSCOLAIRE

    ENNUI

    REDOUBLEMENT

    DCROCHAGECOGNITIF

    ENNUICHANGEMENT DECYCLE OU DE

    DEGR

    ORGANISATION ETMODALITS

    DVALUATION

    CLIMATSCOLAIRE

    EXCLUSION

    INCOMPRHENSIONDES PROGRAMMES

    ET DES RGLES

    DCROCHAGECOGNITIFENNUI

    CHANGEMENTDE CYCLE OU

    DE DEGR

    MODALITSDVALUATION

    RGLESSCOLAIRES

    STRUCTUREFAMILIALE TERRITOIRE

    DIPLME DE LAMRE

    REDOUBLEMENTSANT

    DIPLME DELA MRE

    CLIMATSCOLAIRE

    EXCLUSION

    DCROCHAGE

    DIFFICULTSSCOLAIRES

    ORIENTATION

    SANT

    INCOMPR-HENSION DESPROGRAMMES

    ET DES RGLES

    DIPLMEDE LAMRE

    CONDITIONSCONOMIQUESET SOCIALES

    TERRITOIRE

    SANTCONDITIONS

    CO ETSOCIALES FAMILLE

    TERRITOIREREDOUBLE

    MENT

    D IFFICULTSSCOLAIRES

    STRUCTUREFAMILIALE

    ORIENTATIONORIENTATION

    DIFFICULTSSCOLAIRES

    CONDITIONSCONOMIQUESET SOCIALES

    Ds la 6me, Paul rencontre des difficults scolaires. Ses conditions conomiques et sociales rendent le travail la maison difficile raliser. Orienten CAP alors quil voulait faire une 1re L, il dcroche ds la premire anne.

    36 Ibid.

    La roue du dcrochage scolaire

    La roue du dcrochage scolaire est un outil qui permet dillustrer la complexit et la multiplicit des processus pouvant mener au dcrochage scolaire. La distinction entre facteurs premiers / secondaires / tertiaires correspond lapparition successive dans le temps dune multiplicit de facteurs externes (en orange) ou internes (en bleu) au systme scolaire. Remarque : le choix de trois niveaux de facteurs est arbitraire, on pourrait en envisager deux ou plus. La rotation des cercles de facteurs les uns par rapport aux autres permet de visualiser une multiplicit de combinaisons et dinteractions entre ces facteurs. Remarque : cet outil na pas vocation tre utilis pour identifier des solutions possibles. Celles-ci sont construire selon chaque cas, dans linteraction entre llve, lcole, ses parents et les autres acteurs ducatifs.

  • 20 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    1.4. Le dcrochage, un processus

    1.4.1. Un processus qui se dveloppe tout au long de la scolarit de llve Toutes les tudes saccordent pour dire que le dcrochage scolaire est un processus qui se dveloppe tout au long de la scolarit. Le dcrochage rsulte dune succession ou combinaison de ruptures tout au long de la scolarit de llve37, des rythmes divers, depuis lcole primaire jusqu labandon scolaire38. Parler de personnes en situation de dcrochage permet de ne pas rduire un jeune un moment de son parcours.

    37 Valrie Melin, Le raccrochage scolaire : une preuve biographique dans le processus de subjectivation danciens dcrocheurs en situation de raccrochage, Universit Paris 13/Nord, 2012. 38 Pierre-Yves Bernard, Que sais-je, Le dcrochage scolaire, 2013, p.15.

    Ce que disent les lycens du dcrochage

    La Consultation Nationale pour un Acte II de la Vie Lycenne et la Consultation des lycennes et lycens dIle-de-France ont permis de recueillir le tmoignage et la perception des lycens sur le dcrochage scolaire. Une mauvaise orientation est, selon eux, souvent lorigine du dcrochage : les lves estiment ne pas tre assez prpars leur orientation. Le bien tre lcole, un bon climat dans la classe et dans ltablissement sont des lments primordiaux pour la russite scolaire : lcoute et les changes respectueux entre adultes et lves ainsi que le bon entretien de ltablissement favorisent un bon climat de travail. Les lycens font plusieurs propositions pour lutter contre le dcrochage :

    - Lutter contre le harclement, et notamment le cyber harclement, via des mdiations entre pairs, des journes thmatiques, etc.

    - Renforcer le tutorat entre lycens, et avec les enseignants : la question souhaiteriez-vous faire des suggestions pour amliorer les conditions de russite ? , 28% des lves demandent plus de soutien scolaire, et un accompagnement personnalis pour lutter contre le dcrochage (Consultation des lycennes et lycens dIle-de-France)

    - Avoir accs des activits qui permettent aux lycens de rester dans ltablissement : CDI ouvert, activits sportives, etc.

    Dominique Glasman, une approche du dcrochage comme un continuum

    Intervention pour la revue VEI du centre national de documentation pdagogique, 2000

    Une autre approche propose par Dominique Glasman fait lhypothse dun continuum , cest dire dune absence de diffrence fondamentale permettant de caractriser les populations de dcrocheurs et de non-dcrocheurs. Et sil ny avait quune seule et mme population plus ou moins engage dans un long processus de dmobilisation ? Dcrocher serait seulement faire un pas de plus et les dcrocheurs seraient la pointe avance dun phnomne plus ample . Ce point de vue projette la problmatique du dcrochage sur un axe plus large, celui de la persvrance scolaire et de la dmobilisation scolaire.

  • 21 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    50%

    70%

    90%

    93,2 % des 3-5 ans compris

    98,8 % des 6-15 ans compris 94,9 % des 16-17 ans compris

    51,9 % des 18-24 ans compris

    TAUX DE SCOLARISATIONDUNE CLASSE DGE 1

    20%

    10%MOMENTS DES SORTIESSANS DIPLMES 23,7% au collge

    5,3% en Bac Pro

    4,7% au lyce

    TOTAL = 17,6%

    Ecole maternelle Ecole primaire Collge Lyce

    Entre en CP

    PS CP0%

    3,9% en CAP

    MS GS CE1 CM2CE2 CM1 6me 5me 4me 1re3me 2nde Terale

    Entre en 6me Passage 5me /

    4me/ 3me

    Symptmes scolaires du dcrochage

    Difficults scolaires prcoces : exercice difficile du mtier dlve, interactions menant des situations dchec

    Rejet cole : repli sur soi ou troubles du comportement

    Hors les murs : absentisme et abandon

    scolaire

    Absentisme

    Passage 3me /2nde / 1re

    1

    2

    3

    1 INSEE : Recensement de la population 2010, exploitation principale 2 DEPP, Donnes du Panel 1995 (Education & Formations n84, article dIsabelle Robert-Bobe Les toiles rouges sur le schma reprsentent les grands moments de rupture, de passage au cours de la scolarit

    Le rsultat du dcrochage scolaire nest visible statistiquement que tardivement. En effet, le suivi statistique ne permet didentifier la sortie du systme scolaire (le

    dcrochage) ou la sortie sans diplme que pour les populations ges de plus de 16 ans.

    1

    Figure 9 : Le dcrochage scolaire, un processus qui se dveloppe tout au long de la scolarit

    Valrie Melin, le dcrochage scolaire, une succession de liaisons et dliaisons Valrie Melin utilise les concepts de liaison-dliaison dans le cadre du dcrochage scolaire; elle voque la rupture et laccrochage, la continuit et de la discontinuit des trajectoires de jeunes en situation de scolarisation, en rflchissant sur les enjeux de la construction identitaire du raccrocheur ancien dcrocheur . La dliaison, souvent la source du dcrochage, correspond la rupture du jeune avec le mythe de lcole comme instance ducative capable de former llve et de laider dvelopper ses potentialits. La dliaison renvoie labsence darticulation entre le dehors (vie familiale et sociale) et le dedans (lcole) sur les plans matriel, psychologique, cognitif et socio-cognitif, biographique et identitaire. Il apparat alors essentiel de construire des espaces-temps de liaison, de transition et de mdiation dans lcole. Ces lments sont des moteurs majeurs de lactivit pdagogique de certaines solutions de remdiation, dont les micro lyces.

    Pierre-Yves Bernard, les trois temps du dcrochage

    Pierre-Yves Bernard analyse le processus de dcrochage en trois temps :

    - Le premier est celui des difficults scolaires prcoces : mme si la manifestation institutionnelle se situe plutt dans le second degr, le point de dpart du processus se situe en amont dans le cadre familial et dans lexprience scolaire du primaire.

    - Le second est celui des difficults scolaires qui se transforment en rejet de lcole. - Enfin le troisime temps est celui du dcrochage hors les murs . Contrairement la vision scuritaire qui

    veut que les dcrocheurs se retrouvent en bande dans la rue, les dcrocheurs restent seuls chez eux la plupart du temps.

  • 22 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    2

    Le phnomne du dcrochage nest donc rellement mesur qu la fin du collge. Ainsi, il est estim que sur une classe dge, 17,6% des lves quittent le systme sans diplme. Parmi eux, 3,7% partent au cours du collge, 3,9% au cours du CAP, 5,3% au cours du Bac professionnel et 4,7% au cours du lyce gnral ou technique39. Les sorties sans diplme en CAP et Bac professionnel concernent donc environ 40% de la population scolaire au sein de ces formations. Par comparaison, les sorties sans diplme au lyce gnral ou technique concernent environ 7% de la population prsente dans ces filires de formation40. Ces donnes chiffres donnent des indications sur le moment du dcrochage mais elles ne permettent pas de reprer tous les moments-cls du processus de dcrochage. En effet, pour la plupart des lves, le dcrochage est une ralit trs prcoce, mais ses manifestations ne sont pas toujours mesurables dun point de vue statistique.

    Si le processus de dcrochage se droule tout au long de la scolarit et commence parfois trs tt, certains moments de passage, de rupture, sont cruciaux dans le processus de dcrochage41 et doivent faire lobjet dune attention particulire.

    Lentre au CP et lapprentissage de la lecture mettent souvent en lumire les difficults scolaires, cest aussi le moment o la comprhension par llve du sens de lcole et de ce quelle attend de lui sont attendues. Lcole maternelle, en particulier la grande section, constitue un moment cl dans la manire dont elle prpare les enfants rentrer dans ces logiques. Larrive en 6me constitue une rupture importante pour les lves qui changent denvironnement, passent dun plusieurs enseignants et dcouvrent des modes de fonctionnement et des rythmes diffrents. Le passage du collge au lyce ou entre la seconde et la 1re sont essentiels. Ils correspondent un moment o ladolescent se construit et o il doit aussi faire des choix structurants pour son avenir travers lorientation. Laffectation en lyce professionnel est galement une priode sensible. En effet, y sont scolariss pour partie des jeunes qui ont accumul au cours de 12 ou 14 ans de scolarit des difficults de plusieurs ordres dans leurs relations avec les apprentissages et avec lcole. Un certain nombre dentre eux ont t affects en lyce professionnel dfaut davoir pu accder un lyce gnral ou technologique, ce qui a un impact sur leur motivation. Enfin, lge de laccs au lyce correspond la fin de lobligation scolaire, ce qui peut contribuer une accentuation du phnomne de dcrochage.

    39 Isabelle Robert-Bobe, Les jeunes sortants sans diplme : une diversit de parcours revue Education & Formations n84, dcembre 2013 (lien vers le dossier). Cette tude se base sur une analyse statistique des rsultats du Panel 1995, suivi de cohorte ralis par MEN-MESR DEPP. 40 DEPP, Les sorties de l'enseignement secondaire par classe (France mtropolitaine, donnes provisoires) , sur la base de Systmes dinformation Scolarit (effectifs scolaires du MEN), SIFA (effectifs des CFA) et Systme dinformation SAFRAN (effectifs scolaires du ministre en charge de lagriculture). 41 Rmi THIBERT, Le dcrochage scolaire : diversit des approches, diversit des dispositifs, Dossier dactualit Veille et Analyses IF n84, ENS de Lyon, Mai 2013 (lien vers le dossier)

  • 23 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    3

    Lentre en apprentissage peut constituer galement une priode risque notamment si le domaine professionnel et/ou cette modalit de formation nont pas t choisis en connaissance de cause ou lont t par dfaut.

    Le risque de dcrochage se manifeste tout au long du processus de la scolarit, travers un certain nombre de symptmes, qui samplifient gnralement jusqu labandon scolaire.

    Ces symptmes sont connus et confirms par les tudes et la recherche : les difficults scolaires prcoces, le rejet de lcole qui peut sexprimer tant par le repli sur soi de llve que par des troubles du comportement, et la multiplication des absences sont les signes les plus frquents du risque du dcrochage. Sur le plan pdagogique, le dcrochage peut tre repr prcocement et renvoie des ralits multiples qui traduisent divers degrs de dsengagement vis--vis du parcours scolaire. Cest pourquoi de nombreuses tudes voquent des dcrocheurs passifs : ces lves sont en situation de dcrochage cognitif ou de lintrieur 42. Au-del de ces lments sur le processus de dcrochage, le taux de scolarisation par classe dge interroge la politique de prvention et de lutte contre le dcrochage scolaire. Concernant les 3-6 ans, 6,8% ne seraient pas scolariss43. Il serait intressant de se pencher plus prcisment sur les caractristiques de ces enfants (PCS44, structure familiale, rpartition gographique), les raisons de cette non-scolarisation et surtout de vrifier sils sont ensuite plus susceptibles que les autres de dcrocher.45

    42 Francis Vergne, dcrochage et dcrocheurs : comprendre et agir, Service acadmique dinformation et dorientation Clermont Ferrand, septembre-octobre 2010 (lien vers le dossier) 43 INSEE : Recensement de la population 2010, exploitation principale : Calcul ralis en faisant le rapport de la population non scolarise de 3 ans inclus 6 ans exclu sur la population totale de la mme tranche dge. La population non scolarise comprend les personnes non inscrites dans un tablissement d'enseignement. A linverse, est scolaris tout individu inscrit, au moment de la collecte du recensement, dans un tablissement d'enseignement pour l'anne scolaire en cours. 44 Professions et Catgories Socioprofessionnelles 45 Le parcours des lves instruits domicile na pas analys, si les travaux de Smedley sur ce sujet sont connus, peu dtudes ont t menes en France.

    Figure 10 : Rpartition des dcrocheurs par classe et par cycle scolaire dorigine (source : DGESCO Sminaire national de lancement du dispositif "Objectif formation-emploi" pour les jeunes)

    19%

    22%

    24%

    10%

    6%

    19%

    5,8%

    49,0%

    17,1%

    28,2%

    SECOND CYCLE PRO

    SECOND CYCLE GT

    PREMIER CYCLE

    AUTRE (ENSEIGNEMENT SPCIALIS, CLASSE DACCUEIL)

    21 ans et plus

    20 ans

    19 ans

    18 ans

    17 ans

    16 ans

    RPARTITION DES DCROCHEURSPAR TRANCHE DGE

    RPARTITION DES DCROCHEURSPAR CYCLE SCOLAIRE DORIGINE

  • 24 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    La scolarisation prcoce (enfants gs de 2 3 ans) a fait lobjet de plusieurs tudes indiquant quelle aurait des effets positifs sur les parcours, tout particulirement en ducation prioritaire. Ainsi lenqute PISA 2012 prcise que les lves prscolariss pendant plus dun an obtiennent de meilleurs rsultats. Cependant dans un rapport publi en octobre 2011 sur lcole maternelle46, les inspections gnrales retracent lvolution des conditions daccueil des trs jeunes enfants et soulignent les interrogations de certains spcialistes et les prcautions quimpose la scolarisation prcoce.

    Concernant les 16-18 ans, 5,1% ne seraient pas scolariss47. La plupart de ces jeunes ne sont pas dtenteurs dun diplme du second cycle secondaire. Ds lors se pose la question de la dfinition dun cadre de prise en charge des 16-18 ans, pour garantir la continuit et la structuration dune offre de formation qualifiante.

    1.4.2. Un processus dont lintensit varie durant lanne scolaire : illustration travers labsentisme

    Comme le soulignent les inspecteurs gnraux dans leur rapport48, le traitement des absences quelles quen soient les causes doit tre une priorit dans tous les tablissements y compris pour les plus de 16 ans. A cet gard, lobservation des absences des jeunes est clairante. La DEPP publie chaque anne les donnes de ses enqutes consacres labsentisme. Globalement, si la comparaison entre les taux moyens dabsentisme des dernires annes fait apparatre une tendance une dcroissance du phnomne, plus marque sagissant des lyces professionnels, une intensification est aisment observe au cours de lanne. Daprs les changes avec les acteurs de terrain, les retours de vacances scolaires ou de priodes de stage apparaissent par exemple comme des moments critiques.

    46 Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Lcole Maternelle, octobre 2011 (lien vers le rapport) 47 INSEE : Recensement de la population 2010, exploitation principale : Calcul ralis en faisant le rapport de la population non scolarise de 16 ans inclus 18 ans exclu sur la population totale de la mme tranche dge. La population non scolarise comprend les personnes non inscrites dans un tablissement d'enseignement. A linverse, est scolaris tout individu inscrit, au moment de la collecte du recensement, dans un tablissement d'enseignement (y compris apprentissage) pour l'anne scolaire en cours. 48 Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Agir contre le dcrochage scolaire, alliance ducative et approche pdagogique repense, juin 2013, p.19 (lien vers le rapport)

  • 25 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Septembre Octobre Novembre Dcembre Janvier Fvrier Mars Avril Mai0,0

    2,0

    4,0

    6,0

    8,0

    10,0

    12,0

    14,0

    16,0

    Collge

    LEGT

    LP

    Ensemble

    Champ : tablissements publics du second degr, France mtropolitaine.Source : MEN-MESR DEPP, enqute auprs des tablissements sur l'absentisme des lvesDfinition ; le taux dabsentisme correspond au rapport, un mois donn, du nombre dlves absents de faon non justifie quatre demi-journes par mois ou plus sur leffectif total

    Enfin, les taux moyens dabsences recouvrent une ralit contraste selon les types dtablissements : la proportion des lves absentistes touche moins de 1,6% des lves dans la moiti des EPLE mais dpasse 15% dans un EPLE sur dix. Avec un taux dabsentisme sur lanne 2011-2012 de 12,5%, les lyces professionnels sont beaucoup plus touchs par ces questions que les lyces gnraux et

    technologiques (5%) ou les collges (2,1%). Une explication peut tre recherche au moins pour partie dans le parcours scolaire des lves de ces tablissements et dans le processus dorientation, comme vu prcdemment.

    Dans lenseignement priv sous contrat et dans le primaire, le rapport des Inspections gnrales prcit souligne que les donnes doivent tre fiabilises et sont sans doute sous estimes. Il convient de distinguer les absences justifies de celles provoques par un comportement fautif de llve (exclusions de cours ou temporaires de ltablissement). Ainsi, les donnes disponibles montrent que les lves perdent en moyenne 6% du temps denseignement disponible, avec des variations entre le collge, les lyces professionnels et les lyces gnraux et techniques. Mais surtout, seules 1,3% de ces heures perdues correspondent des absences non justifies. Mme si ces donnes cachent des disparits fortes entre lves, elles interrogent sur les rponses concrtes apportes face aux absences justifies qui peuvent minorer considrablement le temps denseignement utile. Lexamen des consquences des absences rptes sur le parcours des lves met en lumire la ncessit dintervenir en amont, ds lenseignement primaire. La prise en compte attentive des absences au primaire constitue un point cl dans la prvention du

    Figure 11 : Proportion dlves absentistes par type dtablissement en 2011-2012 (en %)

    Figure 12 : Proportion dheures denseignement perdues en fonction du type dabsence, pour les tablissements publics du second degr en France mtropolitaine (source : MEN-MESR DEPP, enqute auprs des tablissements sur l'absentisme des lves)

  • 26 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    dcrochage scolaire, et ce mme si la gestion des absences dans des relations interpersonnelles plus fortes entre familles et enseignants rend leur reprage plus difficile. Comme lont soulign les inspecteurs gnraux dans leur rapport : lcole doit se mobiliser le plus en amont possible dans la scolarit du jeune, pour introduire la prvention du dcrochage et la lutte contre les absences, qui en est le premier symptme dans ses orientations fondamentales. [] Dans son champ de comptence pdagogique et ducative, lcole doit satteler rviser ce qui est repr comme conduisant certains lves quitter leur formation sans diplme. Elle doit tre attentive aux signaux que llve envoie. [] Il convient galement dengager des corrections, sinon des rformes de fond, sagissant de pratiques pdagogiques et de conceptions de lenseignement qui favorisent et mme conduisent au dcrochage49. Limplication des enseignants et des corps dinspection, du premier comme du second degr, apparait donc primordiale dans la lutte contre le dcrochage scolaire, conjointement avec les autres personnels (ducatifs, mdico-sociaux, dorientation, etc.) Si les donnes prcites apportent une premire vision du phnomne, elles prsentent aussi des limites : en particulier, elles ne prennent pas en compte les absences perles, ou celles lies la pause mridienne (exemple de la Guyane). Par ailleurs, elles ne mesurent pas le poids de certains facteurs comme le climat scolaire, les violences lcole et le harclement, la relation avec les parents, qui sont dterminants dans le basculement de llve vers labsentisme ( le pas de ct voqu par Glasman). Ainsi les consquences du harclement peuvent tre lourdes lorsquil nest pas pris en compte : perte destime de soi, dcrochage scolaire, dsocialisation, conduites suicidaires Lamlioration du climat scolaire passe galement par une volution de lutilisation des sanctions. Il sagit de redonner du sens aux sanctions scolaires en insistant sur leur dimension ducative. La sollicitation de partenaires extrieurs lducation nationale est envisageable tant sur lapplication des mesures de responsabilisation que pour laide la mise en place de sanctions alternatives et dalternatives aux sanctions. Les sanctions et notamment lexclusion ncessitent un encadrement ducatif de llve afin de maintenir lintgration au sein de la communaut ducative et viter la rupture avec les apprentissages scolaires.

    Laccumulation tout au long de lanne dabsences, quelles quen soient les causes, perturbe voire entrave les apprentissages. Elle ncessite donc une analyse de leurs causes, pour en comprendre lorigine, et des rponses fortes de la part de lensemble des acteurs pour les traiter lorsquelles surviennent et essayer de les prvenir. Lcole doit sefforcer, notamment en amliorant le climat scolaire, dtre le moins possible lorigine des absences.

    49 Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Agir contre le dcrochage scolaire, alliance ducative et approche pdagogique repense, juin 2013, p. 72-73 (lien vers le rapport)

  • 27 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    2. Une politique en construction, centre sur la remdiation et lintervention

    Compte tenu de la nature multifactorielle du dcrochage scolaire, et sans dcrire ici lensemble des rponses apportes aujourdhui50, il sagit dvaluer autant que possible les actions mises en place aujourdhui du point de vue de la complmentarit, de lefficacit et de lefficience de la politique publique. Une premire cartographie, tablie dans le cadre de la politique actuelle de lutte contre le dcrochage scolaire et qui ne prtend pas lexhaustivit, permet de dresser trois constats principaux :

    Dis

    po

    siti

    fs

    Prvention

    Intervention

    Remdiation

    Programmes daccompagnement ducatif MEN : APC, accompagnement personnalis, tutorat, PPRE

    Orientation choisie (exp.)

    CNED DCol

    MLDS , FOQUALE, GPDS, Rfrents dcrochage

    Programmes de russite ducative (PRE)

    Programmes Acs de soutien la parentalit

    MAAF : rseau insertion/galit des chances

    Dispositifs relais et LATI

    PSAD

    Internats relais (ex ERS)

    SEGPA et EREA

    EPIDE et E2CMicro-lyces, PIL, lyc. nvelle chanceCLEPT, CEPMO

    Places vacantes

    Service civique

    Missions locales et CIVIS

    SIEI

    Ma seconde chance

    Dispositifs ou actions

    Etablissements ou structures

    Rseaux

    Ressources et outils

    Lgende

    Prise en charge de labsentisme

    CLE, Clisthne

    Ecole maternelle Ecole primaire Collge Lyce

    Entre en CP

    PS CPMS GS CE1 CM2CE2 CM1 6me 5me 4me 1re3me 2nde Terale

    Entre en 6ePassage 5 / 4e/ 3e Passage 3

    e / 2nde / 1e

    SEGPA et EREA

    Malette des parents En 6e En 3eEn CP

    Conseil Ecole-Collge

    RASED

    Ecole Ouverte

    DIMA* *Dispositif dInitiation aux Mtiers en Alternance

    Stages de remise niveauACTE

    Atelier Pdagogique de Nanterre

    Clauses sociales

    - Des avances notables ont t ralises ces dernires annes dans la prise en

    charge partenariale en matire dintervention et de remdiation ; - Dans le domaine de la prvention, ce jour, les rponses restent peu structures,

    mme si certaines initiatives locales sont riches denseignement sur ce qui pourrait tre mis en uvre et gnralis lensemble du territoire franais ;

    50 Voir Annexe 5 pour un descriptif des diffrentes rponses.

    Figure 13 : Proposition de cartographie de la politique actuelle en matire de lutte contre le dcrochage scolaire

  • 28 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    - A ce stade, il nexiste pas de politique intgre de lutte contre le dcrochage (comme par exemple au Qubec avec le programme lcole jy tiens 51), qui engloberait de faon cohrente les champs de la prvention, de lintervention et de la remdiation.

    51 Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Agir contre le dcrochage scolaire, alliance ducative et approche pdagogique repense, juin 2013, p.13-14 (lien vers le rapport)

    Des difficults mesurer lefficacit et lefficience des actions de lutte contre le dcrochage La mesure de limpact des diffrents dispositifs de lutte contre le dcrochage scolaire fait face plusieurs difficults :

    - Tout dabord, il nest pas toujours ais didentifier les actions concourant la rduction du dcrochage scolaire, car celles-ci ne sont pas forcment flches en tant que telles ou concernent un public cible plus large que les dcrocheurs ;

    - Par ailleurs, le dcrochage tant un phnomne multifactoriel, il est souvent dlicat disoler les effets propres un dispositif, de ceux lis des facteurs externes non contrls : les mthodes de randomisation permettent une valuation rigoureuse des impacts, mais sont rarement utilises ;

    - Ensuite, les dispositifs sont souvent clats entre acteurs et entre territoires, si bien que des valuations globales sont rarement menes ;

    - Enfin, pour tre rellement efficace, une action de lutte contre le dcrochage doit produire des impacts durables : il est donc crucial de suivre les impacts sur les bnficiaires sur plusieurs annes, cest dire raliser des suivis de cohortes. Or, rares sont les dispositifs comportant des valuations dimpact ou defficience ; dans la plupart des cas, les dispositifs ne font lobjet que dun suivi dactivit gnral, insuffisant pour rellement estimer limpact sur les bnficiaires.

    Il faut toutefois voquer le Fonds dExprimentation pour la Jeunesse (FEJ), qui a contribu diffuser une culture de lvaluation, en imposant une valuation externe pour chacun des projets financs, dont certains ont mme employ des mthodes de randomisation (cest le cas pour les projets de Mallette des parents, prsents ci-dessous). Cependant, les leons tires de ces valuations ne sont pas toujours exploites et les dispositifs jugs pertinents ne sont pas forcment gnraliss (par exemple la diffusion de la mallette des parents na pas progress depuis 2011). Concernant lestimation des moyens (et donc de lefficience), le constat est encore renforc : la difficile identification et lclatement des actions, sajoutent labsence de donnes consolides relatives aux moyens et la faible valorisation des ressources caches , comme la mise disposition de moyens existants et notamment des moyens humains comme par exemple au sein de lEducation Nationale, le temps pass par les enseignants ou les rfrents dcrochage raliser des actions de prvention. Le suivi des dpenses en matire de lutte contre le dcrochage scolaire mais aussi lidentification des actions ciblant les dcrocheurs sont actuellement insuffisants pour permettre : - Une identification fine des moyens consacrs au dcrochage, notamment pour la prvention - Une valuation de lefficience des actions de lutte contre le dcrochage - Une estimation des ressources ncessaires pour tendre ou gnraliser les dispositifs les plus efficaces/efficients

    En consquence, on dispose dune vision parcellaire de ce qui fonctionne ou pas, si bien quil est difficile dclairer la dcision politique sur : - Lallocation des ressources - La suppression de dispositifs ou actions - Le dveloppement de dispositifs ou actions

  • 29 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    La loi dorientation et de programmation pour la refondation de lcole, par lensemble et la cohrence de ses composantes (priorit au primaire, mesures venir pour le collge et les SEGPA, politiques dinclusion scolaire pour les publics Bac professionnel), devrait contribuer la prvention structurelle du dcrochage.

    2.1. La remdiation et lintervention sont aujourdhui privilgies

    2.1.1. Les acteurs La mise en place des plates-formes de suivi et dappui aux dcrocheurs (PSAD) et du Systme Interministriel dEchange dInformation (SIEI) en 2011 a permis des avances majeures en matire de reprage, de suivi et didentification de solutions de raccrochage dans un cadre partenarial.

    - Texte

    Education Nationale

    Emploi Formation professionnelle

    Autres ministres

    (sant, justice,

    intrieur,agriculture)

    Cercle 2

    Cercle 1

    PSAD

    Collectivits territoriales / Rgions / autres

    CNED

    2emechance

    MLDS

    Ple emploi

    Foquale

    GRETA

    ML

    EPIDe

    AFPA

    Associations

    Mission insert

    Agricole

    SousPrfet

    CIO

    CFA

    PJJ

    FCPE

    PEEP

    MaisonEmploi

    DIRECCTE

    Ch.Mtiers

    Art.

    CCI

    ConseilGnral

    DDCS

    Rgion

    Les PSAD sont gnralement articules autour des centres dinformation et dorientation (CIO), des missions locales (ML) et des missions de lutte contre le dcrochage scolaire (MLDS). Elles sont animes dans trois cas sur quatre par un personnel de lducation nationale. Les 535 CIO rpartis sur lensemble du territoire sont trs prsents au sein des PSAD. Ils sont impliqus galement en amont dans le travail de prvention et au sein des groupes de prvention du dcrochage scolaire (GPDS) des tablissements publics locaux d'enseignement

    Figure 14 : Acteurs des Plates-formes de Suivi et dAppui aux Dcrocheurs

  • 30 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    (EPLE). Ils sont des acteurs actifs au sein des rseaux rseau Formation, Qualification, Emploi (FOQUALE).

    Les missions locales (ML), qui accueillent les jeunes de 16 25 ans connaissant des difficults dinsertion sociale et professionnelle, reprsentent un acteur privilgi des plates-formes. Prsentes sur tout le territoire au travers dun rseau de 450 structures et 5130 lieux daccueil, elles ont un rle dinformation, dorientation et daccompagnement, dans une logique de prise en compte globale (emploi, formation, logement, sant, sport, loisirs, transports, etc.) Elles sont souvent en situation de codirection des plates-formes avec les CIO et contribuent contacter et rencontrer les jeunes en situation de dcrochage, prescrire des solutions, mobiliser des acteurs des sphres de lemploi et de la cohsion sociale. Les Missions de Lutte contre le Dcrochage Scolaire (MLDS), issues des Missions Gnrales dInsertion (MGI)52 exercent des fonctions de coordination, de conseil et dexpertise en ingnierie de formation. Ses personnels contribuent lanimation et la formation dquipes pluri-professionnelles (GPDS) et travaillent en troite collaboration avec les rfrents dcrochage. Ils exercent une activit de conseil et dexpertise auprs des responsables de PSAD et des rseaux FOQUALE en participant la ralisation, au suivi et lvaluation des actions de remdiation mises en place. Les situations rencontres sur le terrain restent htrognes, dans la mesure o leur intgration dans les tablissements est plus ou moins relle. La MLDS reprsente 733 ETP, dont 55% de contractuels (62% en ETP). Les moyens ont peu volu depuis plusieurs annes53. La clarification et lvolution des missions notamment dans le domaine de la prvention est ncessaire, ainsi que la dfinition de ses moyens et de sa prennisation54. Le service public de lemploi en revanche nassure pas une prsence forte au sein des plates-formes, Ple emploi apparaissant peu prsent sauf dans les configurations de plates-formes prsides par les autorits prfectorales55. Parmi les acteurs du reprage et de laccompagnement se trouve le rseau FOQUALE, qui rassemble les EPLE et dispositifs relevant de lEducation nationale susceptibles daccueillir les jeunes dcrocheurs. Il a vocation sintgrer dans les rseaux de partenaires constitus autour des PSAD, en complmentarit avec les autres acteurs.

    52 Depuis la circulaire de mars 2013 crant les rseaux FOQUALE. MEN, Circulaire n2013-035 du 29-3-2013 relative aux Rseaux Formation Qualification Emploi (FOQUALE), 2013 (lien vers la circulaire) 53 Voir Annexe 11 pour une description des enjeux lis aux moyens des MLDS. 54Inspection gnrale de lEducation Nationale, Inspection gnrale de ladministration de lEducation Nationale et de la recherche, Agir contre le dcrochage scolaire, alliance ducative et approche pdagogique repense, juin 2013, recommandation n7 (lien vers le rapport) 55 Marc DUPONT, Agns JEANNET, Note IGAS sur la mission MAP sur le dcrochage scolaire : lments de bilan et proposition de poursuite des travaux, mars 2014.

  • 31 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Au sein des EPLE, le MEN mobilise dautres acteurs pour le reprage et laccompagnement, dont notamment le rseau des Groupes de Prvention du Dcrochage Scolaire (GPDS). Les GPDS ont remplac les GAIN au sein des tablissements. Ils ont vocation favoriser la prise en charge pluri-professionnelle et lidentification de solutions destination des jeunes en risque de dcrochage. A ce jour, les GPDS comprennent peu denseignants, alors que leur participation permettrait de favoriser les liens entre lducatif ( vie scolaire ) et la pdagogie. Par ailleurs, faute danimation et dharmonisation nationales, leurs contours et pratiques restent trs divers. Lacadmie dAix-Marseille les positionne comme des observatoires de prvention des ruptures scolaires (OPRS). Le rfrent dcrochage est souvent lanimateur du GPDS. Mme si la mise en place des plateformes est relativement rcente, de premiers apports positifs sont dores et dj visibles. Les PSAD ont contribu renforcer ou installer la confiance entre les diffrents acteurs et dvelopper les partenariats et le partage dinformations, y compris avec les tablissements. Elles ont galement favoris une structuration des activits et une professionnalisation des agents. Les reprsentations du dcrochage et les mentalits ont volu : une diversification des solutions proposes et une meilleure acceptation des parcours non linaires sont constates. Le discours autour de llve volue galement : les acteurs considrent progressivement quil est ncessaire de prendre le temps de lorientation, quun panel de solutions est possible, que des parcours chaotiques sont acceptables Les tablissements simpliquent de faon croissante.

    Figure 15 : Bilan de lactivit des Plates-formes de Suivi et dAppui aux Dcrocheurs (PSAD) pour la priode de janvier novembre 2013 (Source : DGESCO - Bureau de l'orientation et de l'insertion professionnelle)

    Retours en formationinitiale

    Contratdapprentissage (public)

    49%

    3%

    ActionsMLDS

    32%

    Service civique

    9%

    Autres**

    8%

    Rseaux autrespartenaires*

    13%

    FOQUALE38%

    Missionslocales 49%

    Population de rfrence 200 495 Jeunes identifis par le SIEI auxquels sajoutent les jeunes seprsentantspontanmentaux plates-formes

    Nombre de situations traites 181 482Nombre de jeunes dont la situation a t examine par lun des acteursde la plate-forme. Lcart constat avec la population de rfrencesexplique par le nombre de jeunes qui nont pas encore t contacts.

    Solutions trouves 90 050 Ensemble des solutions mises en uvre par tous les partenaires au seinde la plate-forme dont 33 786 dans le cadre des rseaux FOQUALE.

    *Rseaux autres partenaires : Rgion, CFA, Emploi davenir, Contrat de gnration, Contrat dinsertion, EPIDe, E2C

    **Autres : dispositifs innovants de lducation nationale (micro lyce, lyce nouvelle chance, etc), parcours dans le cadre des clauses sociales

    RPARTITION DES SOLUTIONS PAR TYPE DE RSEAU(90 050 JEUNES)

    ZOOM SUR LE RSEAU FOQUALE(33 786 JEUNES)

  • 32 Evaluation partenariale de la politique de lutte contre le dcrochage scolaire

    Plusieurs limites laction des PSAD doivent cependant tre soulignes.56 Le modle organisationnel nest pas stabilis, au-del des ajustements ncessaires lis la taille et aux spcificits du territoire ainsi quau nombre de dcrocheurs :

    - Les modalits de fonctionnement des PSAD sont htrognes aussi bien en matire de traitement des listes et de prise de contact que de prescription. En effet le contexte local prexistant est prgnant pour lorganisation et le fonctionnement (historique local, caractristiques du bassin, relations interpersonnelles, etc.) ;

    - Leur caractre multi-partenarial est relativement limit dans certains bassins, o seuls les acteurs de lEducation Nationale semblent rellement mobiliss ; dans ce cas, le rseau FOQUALE et les PSAD se confondent. De manire gnrale, les modalits darticulation entre les PSAD et les rseaux FOQUALE sont trs variables et souvent peu claires pour les acteurs de terrain ;

    - La rpartition des rles entre les acteurs nest pas toujours lisible : lvolution des missions de la MLDS la repositionne plus explicitement sur la scurisation des parcours de formation initiale, la Mission Locale apportant plutt une rponse globale ;

    - Lanimation des plates-formes, utile pour changer et harmoniser les pratiques, reste modeste, il est important de la renforcer.

    Ensuite la question du financement des plates-formes nest pas rsolue dans la dure : le recours des fonds de type FEJ dure de vie limite pose le dlicat problme de la conti