pathogénie des troubles moteurs dans la dystrophie myotonique

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Service de m6decine de l’h8pital de Earlstad: Dr. Gotthard Soderbergh. Pathoghie des troubles moteurs dans la dystro- phie myotonique. Par AKE BARKIAN. Au point de vue de la pathoghie de la dystrophie myotonique, les deux hypotheses suivantes sont les plus gheralement admises. L’une surtout repr6senMe par Curschmann, fait dependre l’affec- tion du systeme nerveux central, lequel engendrerait non seule- ment les sympt6mes nerveux, mais les troubles de la shcrhtion interne et les troubles trophiques. L’autre, qui fut soutenue par Niigeli et k laquelle, entre autres partisans, s’est rang6 Hauptmann, met l’affection en rapport avec des processus pathologiques interessant les glandes endocrines. Dans un travail anterieur (Acta medica Scandinavica, vol. LVI, fascic. 6) j’ai fait ressortir l’insuffisance de ces deux hypotheses et l’impossibiliti: d’en tirer parti. En Bchange on avanpait l’hypo- these suivante: L’affection en cause est un syndrome (combi- naison de dystrophies musculaires avec des symptbmes myo- toniques, des troubles endocriniens et des troubles trophiques ghnkraux), syndrome dBpendant essentiellement d’un &at patho- logique des glandes endocrines, et cet &at engendre soit les troubles trophiques ghnQraux, soit, par l’intermbdiaire du cerveau - probablement des noyaux centraux - les symptbmes myotoniques. Comme preuve nouvelle de cette opinion que les sympt6mes myo- toniques caracthisant les troubles moteurs de ces patients doivent 6tre attribues k des processus occupant les noyaux gris centraux nous pouvons citer les observations suivantes: Observation I. La mere du patient mourut de tuberculose pulmonaire B 37 ans. Pas d’affections nerveusea ou de cataracte parmi les parents les plus No. 5350, 1963. R. 0. A,, 56 ans, garde-voie.

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Page 1: Pathogénie des troubles moteurs dans la dystrophie myotonique

Service de m6decine de l’h8pital de Earlstad: Dr. Gotthard Soderbergh.

Pathoghie des troubles moteurs dans la dystro- phie myotonique.

Par

AKE BARKIAN.

Au point de vue de la pathoghie de la dystrophie myotonique, les deux hypotheses suivantes sont les plus gheralement admises.

L’une surtout repr6senMe par Curschmann, fait dependre l’affec- tion du systeme nerveux central, lequel engendrerait non seule- ment les sympt6mes nerveux, mais les troubles de la shcrhtion interne et les troubles trophiques.

L’autre, qui fut soutenue par Niigeli et k laquelle, entre autres partisans, s’est rang6 Hauptmann, met l’affection en rapport avec des processus pathologiques interessant les glandes endocrines. Dans un travail anterieur (Acta medica Scandinavica, vol. LVI, fascic. 6) j’ai fait ressortir l’insuffisance de ces deux hypotheses et l’impossibiliti: d’en tirer parti. En Bchange on avanpait l’hypo- these suivante: L’affection en cause est un syndrome (combi- naison de dystrophies musculaires avec des symptbmes myo- toniques, des troubles endocriniens et des troubles trophiques ghnkraux), syndrome dBpendant essentiellement d’un &at patho- logique des glandes endocrines, et cet &at engendre soit les troubles trophiques ghnQraux, soit, par l’intermbdiaire du cerveau - probablement des noyaux centraux - les symptbmes myotoniques. Comme preuve nouvelle de cette opinion que les sympt6mes myo- toniques caracthisant les troubles moteurs de ces patients doivent 6tre attribues k des processus occupant les noyaux gris centraux nous pouvons citer les observations suivantes:

Observation I . La mere du patient mourut de tuberculose pulmonaire B 37 ans.

Pas d’affections nerveusea ou de cataracte parmi les parents les plus

No. 5350, 1963. R. 0. A , , 56 ans, garde-voie.

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proches. Marie B 24 ans, le malade a trois enfants bien portants (tgks respectivement de 32, 30 et 1 7 ans); sa femme mourut de tuberculose pulmonaire en 1908. I1 s‘est remarib, mais n’a pas eu d’enfants de ?a seconde femme.

Durant sa jeunesse il a toujours joui d’une bonne santk. Pendant plusieurs annQes (de vingt B trente ans) il Btait souvent incommodb d e c6plialCes, sans vomissements. Pendant bien des annkes aussi, notamment apr6s un travail p h i b l e , il kprouvait des douleurs erra- tiques dans le dos et les extrbmitQs. Pour cette raison, de 1913 B 1915, il suivit un traitement aux eaux minkrales de Loka; durant cette ph iode il ktait devenu complhtement chauve, mais, depuis, les cheveux ont repoussb. En 1913, jl sQjournait pendant dix jours B l’h8pital de Karlstad, en observation pour u l c h de l’estomac. A part c e qui vient d’6tre dit, il a toujours eu une bonne sant6 c t nie toute infection vbn6rienne.

L’affection prhsente remonterait, d’aprGs lui, B deux ou trois ans. A cette Qpoque il commenqa par noter une certaine faiblesse du membre infbrieur droit pendant la marche; lequel ne parvenait pas 2 se mouvoir avec la m6me rapidit6 que l’autre. AprPs un travail pknible et monotone - le sarclage des mauvaises herbes pendant hui t heures par jour - il hprouva durant deux ou trois mois, d’aoiit 1 octobre 1022, une raideur croissante dans les membres supGrieurs, surtout le droit, qui fut le premier B prbsenter ce sympt6mc. Depuis lors - quand il travaille - il ressent de violentes douleurs le long des bords radiaux des avant-bras e t dans les deux tiers inf6rieur.s des bras. Pendant les crises douloureuses les membres suphrieurs s’engourdissent e t demeurent ainsi pendant deux ou trois jours. Depuis cette mGme Qpoque faiblesse progressive d a m les membres supcrieurs, surtout le droit, e t plus marquee dans l’acte de saisir ou d e retenir avec la main que dans les autres mouvements. Dans ces derniers temps le patient a mEme observit que sa main demeure serrbe, quand il veut ltcher la poign6e de main. Aucun sympthme d u c6tb du tronc, de la vessie ou du rectum. Pas de sympt8mes d u c8tit des nerfs crtniens; l’audition a peut-Gtre diminit6 durant ces derni6res annbes. Hui t jours avant son admission il a contract6 l’influenza: B ce moment il fu t atteint d’une diplopie fugitive. quand il regardait du c6tB gauche.

Etat actuel ( d u 7 a u 26 mars 1923): Bon aspect ghnClra1. Les parties molles ont un dhveloppement moyen; les musculcs sont puis- sants; il en est de m6me des 0s. Rien B noter du c8t6 des cheveux, de la peau ou des ongles.

Cmur normal. Pression sanguine: 140/70 mm. (Riva-Rocci). Rien h noter du c8t6 des poumons, de l’abdomen ou de la prostate. L e corps thyroide prCsente un lobe moyen mince , de f o r m e rubantie et notablement i n d u r i . Rien h signaler du c8t6 des testicules. Urine: la quantit6 quotidienne oscille entre 1,200 et 2,000 c. c.; ni sucre ni albumine; la rbaction de l’urobiline e t de l’urobilinoghe est con- etamment negative. Sang: globules rouges, 4,290,000; leucocytes. 8,600; teneur en hbmoglobine, 80 2. Constitution figurge: leuco-

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cytes neutrophiles, 53 7”; leucocytes 6osinophiles, 2 2; lymphocytes, 45 yo. Reaction de Wassermann negative pour le sang et le liquide c6phalo-rachidien. Pour ce dernier on trouva ulterieurement une pression de 170 mm.; le liquide est limpide. La reaction de Nonne donne un resultat immediatement et manifestement positif; le con- tenu cellulaire n’est pas augmente.

Pas de facies myopathique, mais les traits du visage sont rigides, rappelant ceux d’un masque, et la mimique est fort rediiite. Acuite visuelle: oeil droit, 1; oeil gauche, 0.7; l’acuite visuelle de ce dernier oeil ne peut Stre ameliorke avec des verres. Rien B noter du cBtQ des fonds d’yeux. Les champs visuels sont normaux. La pupille gauche est irr6guliGre ( h 42 ans une petite branche avait frappe cet oeil). Les deux pupilles reagissent rapidement B la lumisre et ii la convergence. Pas de nystagmus, de diplopie ou de ptose. Du reste rien B signaler du c6t6 des nerfs crlniens.

Systdme museulaire: Atrophie des deux chefs d u muscle sterno- cl$ido-mastoidien droit dont les faisceaux sont notablement plus min- ces qu’l gauche. Indices d’atrophie des interosseux de la main droite, ainsi que de la partie superieure de la portion charnue du tibia1 anthrieur droit. Du &tit du membre supitrieur droit on constate de la paresie dans le serrement. dans l’abduction et l’extension des doigts, ainsi que dans l’opposition du pouce; dans l’adduction et la flexion des doigts ou dans les mouvements du poignet la force est bien con- serv6e. Paritsie discrete de la flexion et de l’extension du coude droit. Dans les mouvements des deux Bpaules et dans les autres mouvements interessant les membres et le tronc la force est bien conservhe. Parksie de la flexion laterale droite et de la rotation gauche de la t6te. Reaction de Dyleff negative; flexion du coude.

Semttsibiliti: Rien B noter du cBt6 de la sensibilite superficielle de toute categorie ou de la sensibilite profonde.

Rdflexes: Ceux de la cornee, du triceps, du radius, du cubitus, tous les reflexes abdominaux, ceux de la rotule et du tendon d’hchille sont tous normaux. Pas de reflexes spasmodiques. Tous les d f l e x e s de friction)) (front, arcade zygomatique, radius et cubitus) font defaut.

Cervelet: Pas d’hypermetrie, des mouvements arrSt6s ou d’hypo- tonie. Adiadochocinesie absente B la main gauche; du c6t6 de la main droite, au bout de quelque temps, les mouvements deviennent spasmodiques, comme si, de temps B autre, les mouvements Qtaient bloquhs. Marche: le mouvement de la jambe gauche est absolument normal: B droite, au bout d’un moment, on observe une certaine raideur. Les mouvements alternatifs qui accompagnent la niarche se passent normalement dans le bras gauche, mais le balancement du h a s droit a moins d’ampleur; en m8me temps ce bras demeure comme 16gi.rement fix6 dans une attitude caracthisee par la flexion du coude, de la main et des articulations des doigts.

Quand le patient flechit ou Qtend aa main droite, quand il fl6chit le coude droit ou le pied droit et qu’il doit ensuite executer instantanement Ies mouvements contraires, il n’y

Syst ime nerveux: Rien B dire de 1’Btat psychique.

Cataracte a u debut d gauche.

Myotonie: 1) Active.

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reussit pas. Le mouvement s’arrSte alors un instant, soit au com- mencement, soit une ou plusieurs fois en cours d’exdcution et le mouvement se trouve 8tre en quelque sorte hachd. Si, par exemple, on prie le patient de serrer fortement dans sa main gauche la main gauche de l’observateur e t qu’on l’invite ensuite, aprbs qu’il aura relichk son Qtreinte, d’exQcuter des mouvements tels que l’extension ou la flexion d u poignet ou d u coude, ou encore des mouvements de serrement avec cette main, ou de grands mouvements avec tout le bras, comme pour fouetter l’air, ces diffkrents mouvements s’exh- cutent sans difficult&. Mais si l’on f i t la mdme expkrience avec le membre sup6rieur droit, voici ce qu’on observe: les deux dtreintes successives de la main se passent bien, mais, par contre, les mouve- ments sont nettement hachks au niveau des articulations du poignet et du eoude, mais surtout dans le mouvement combin6 de battre l’air avec 1e bras.

2) Myotonie passive: La contraction paradoxale du pied de West- phal est trbs kvidente au pied droit. S i l’on fait subir au poignet droit une extension ou une flexion passive, si l’on fl6chit le coude droit, on observe le m6me ph6nombne aux celui ddcrit pour la myo- tonie active, dbs que le mouvement a 6th exkcutk et que l’extrbmitk relichke du patient doit regagner sa position de ddpart.

3 ) Myotonze micanique: En frappant avec un marteau B percussion les muscles sterno-cldido-mastoydien ou tibial anterieur du c8td droit, on observe u n relichement u n peu lent du muscle qui s’est tout d’abord vivement contractk.

4) Myotonie ilectrique: Le sterno-cldido-mastoydien droit se reliche lentement apr2.s une excitation par un courant faradique thtanisant. Les muscles tibial anthrieur, long et court pC?ronier, le ventre externe d u gastrocnkmien donnent des deux c6tks une reaction dysniyotonique (avec une ou plusieurs contractions cloniques conskcutives); Ia r6ac- tion est plus nette et plus constante du c8t6 droit. L’excitation faradique d u nerf tibial postCrieur est Buivie, aprBs l’ablation de I’blectrode, d’une ou plusieurs contractions secondaires dans le gastrocn6mien. P a r ailleurs les reactions au courant faradique ou galvanique sont normales.

Le I 1 ma i , on note un dQbut d’atrophie du muscle sterno-clkido- mastoi’dien gauche, surtout dans la portion claviculaire. Les reflexes du tendon d’Achille font d&faut, ainsi que le rdflexe rotulien gauche; le rQflexe rotulien droit est faible. La contraction paradoxale de Westphal s’observe m8me sup le pied gauche. Pour le reste pas d e changements.

Du point de vue diagnostique le fait prbckdent n’est pas des plus clairs. Parmi leu sympt6mes cliniques les plus importants voici les donnQes ou les faits qui mkritent le plus d’Btre relev6s: L’affection est progressive et frappe un homme de quarante six am; les douleurs rhumatismales et la calvitie passaghe qui appa- raissent alors ne peuvent pas Btre absolument rejetBs et consi-

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2ti ARE BARKMAF.

deres comme n’ayant pas d’importance pour la presente maladie. Notons surtout que les douleurs erratiques du tronc ou des extr6- mites ont persist6 tout le temps et se sont mQme aggravees dans les dernihes ann6es. A l’iige d’environ cinquante trois ans surviennent les sympt8mes les plus penibles pour le malade: l’enraidissement des deux membres superieurs l’ccenraiemento de la main droite en attitude d’6treinte au moment il veut lbcher prise, soit un ph8- nom$ne de myotonie active observe par le malade lui-mgme. Au point de vue objectif, il prQsente B un certain degre le masque facial, une cataracte au debut de l’ceil gauche, une atrophie mar- quee du sterno-cleido-mastoidien et des indices d’atrophie de quelques uns des petits muscles de la main, ainsi que de la partie superieure du muscle tibial anterieur - le tout du c8tB droit et s’accompagnant des paresies correspondantes. Comme symp- t8mes myotoniques on note les suivants: myotonie active lors de la flexion ou de l’extension du poignet droit, de la flexion du coude droit, de la flexion du pied droit et dans les mouvements plus haut decrits de battre l’air avec le bras droit. Toutefois cette myotonie n’etait pas toujours classique, c’est k dire resultant d’une contraction secondaire prolongee; on pouvait parfois se rendre compte qu’elle dependait de plusieurs contractions secondaires se succedant les unes aux autres dans les muscles qui avaient determine la contraction initiale. I1 serait donc plus juste d’appeler cette sorte de myotonie une dysmyotonie active par analogie avec la qualification donnee par Soderbergh au mode correspondant de reaction des muscles 1’Qgard de l’excitation hlectrique. Chez mon patient la myotonie passive s’observait lors de la flexion ou de l’extension du poignet droit, de la flexion du coude droit, ainsi que de la flexion du pied droit (contraction paradoxale de West- phal); de mQme que dans la forme active elle Qtait souvent ici du type dysmyotonique. La myotonie inhcanique, bien que ce ne fiit pas sous une forme des plus typiques, s’obtenait par la per- cussion du muscle sterno-cleido-mastoidien et du muscle tibial anterieur droits. A la faradisation le muscle sterno-clkido-mastoi- dien droit donnait la reaction myotonique; le muscle tibial ante- rieur, ainsi que les peroniers et la moitie externe des jumeaux don- naient des deux c8tBs la reaction dysmyotonique. Lors d’un examen ultkrieur (le 11.5), le sterno-cleido-mastoidien gauche s’6tait atrophie et les deux reflexes du tendon d’Achille, ainsi que le rkflexe patellaire gauche faisaient defaut. Cont,raction para- doxale de Westphal aux deux pieds.

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Si nous considerons dans leur ensemble toutes ces donnkes, nous avons 1& un excellent exemple des sympt6mes qui consti- tuent le syndrome de la dystrophie myotonique. E n tout cas, il serait peut-dtre difficile de classer le fait en cause dans quelque autre groupe pathologique. I1 ne faut pas s’etonner de ce que le patient n’ait pas offert de troubles trophiques manifestes, quand on reflechit aux grandes variations qui dans la realit6 distinguent 1’6volution de cette maladie. On ne doit pas non plus s’arrdter & ce que les glandes endocrines abordables A la vue et au palper (les testicules et le corps thyro‘ide) ne presentaient pas, chez notre malade, d’alterations perceptibles; il convient pourtant de relever la consistance du corps thyro‘ide. J e ne tenterai pas d’approfondir la signification de la diplopie qui se manifesta une fois ail cours d‘un examen; en tout cas, ce sympt6me n’a pas encore kt6 observe chez les malades de cette catkgorie. I1 ne serait pas impossible qu’on pGt l’expliquer comme la manifesta- tion d’une myotonie passive au niveau de l’un des muscles oculaires agissant dans le plan horizontal. Durant le sCjour hospitalier, d’environ trois semaines, ,ce sympt6me n’a pu s’ob- server de nouveau.

Si donc on peut ranger le fait precedent dam le syndrome de la dystrophie myotonique, il y a lieu de signaler une particularitk concernant les sympt8mes niyotoniques existants. On constatait en effet de la fapon la plus nette que, si l‘on faisait fonctionner certains muscles (flkchisseurs et extenseurs de la main droite, fl6chisseurs du coude droit et flechisseurs du pied droit), que ce f G t d’une maniBre active, mkcanique, Blectrique ou r6flexe en leur faisant executer des mouvements passifs, on n’obtenait pas toujours la contraction myotonique secondaire classique; par contre, ces muscles se reliichaient de l’attitude prise, mais par saccades et en presentant des contractions r6pQt6es. Cette forme de myotonie a & t k d6crite pour la premiBre fois par Soderbergh 1, B l’occasion de l’excitation faradique des muscles, dans un cas de maladie de Wilson. Plusieurs auteurs (Hall 2, Kastan 3, Lhermitte4) ont depuis observe le nidme phenomene et toujours chez des malades offrant, entre autres lesions, un processus pathologique d’un genre ou d’un autre dans les noyaux gris centraux. Cette combinaison de reactions myotoniques et dysmyotoniques dans les mdmes muscles, je l’ai encore observee dans un cas de maladie .de Parkinson conskutive & une enchphalite; il n’est donc peut- &re pas sans interkt d’en donner une brBve relation.

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Observation II. 10. 5,588, 1913. 8. N . , ouvrier, S 4 ans. Le pkre est atteint de tuberculose pulmonaire. La m6re et les

huit freres ou soeurs sont en bonne sant6. Pas d’affections nerveuses dans la parent6 la plus proche. Rougeole pendant l’enfance. E n 1918, influenza compliqu6e d’inflammation pulmonaire gauche. Pas de sy- philis.

I1 y a deux mois, le patient Qprouve des douleurs dans la cuisse gauche, mais de pr6f6rence B la partie interne de l’aine. Au bout de trois semaines ces douleur3 commencent B s’att6nuer et finissent par disparaitre. Mais B leur place apparait de la douleur sur lea faces dorsales des pieds; elle aussi disparait d a m les derniers temps. A l’heure actuelle il n’existe qu’une douleur insignifiante dans le creux poplit6 gauche. Pas dc douleurs dans les bras, le tronc ou les aisselles. Au cows du dernier mois affaiblissement de la vue B distance, mais, depuis que le patient a commenc6 B devenir malade, il a de la peine B lire: ))Les caractkres, dit-il, sont tout brouill6s)). Pas de diplopie ni d’affsiblissement de l’audition; pas d’autres sympt6mes du c6t6 des nerfs critniens. Depuis deux ou trois semaines le malade est incommod6 par un tremblement de tout le corps, surtout au niveau des mains et de pr6f6rence au niveau de la main gauche; celle-ci, au cows de la dernikre semaine, est devenue faible. P a r ailleurs il n’existe pas de parksies e t nulle part de l’engourdissement. Tout le temps le sommeil a QtQ fort mauvais; le patient n’a pu dormir que gritce B des ,m6decines,. Au cours de cette Bvolution apparurent de la rigidit6 progressive et de la lenteur dans les mouvements e t la parole. L e malade a remarqu6 que la peau du visage est devenue skbac6e. Le tremblement d u corps diminue pendant la marcbe. D u reste le patient Qprouve u n besoin plus marque de mouvement; il a de la peine B resterotranqutlle ou couch&. L e matin, la tempbraturea se tient entre 37 et 37 -2; l e soir, elle est aux environs de 37 .G. Pas de troubles fonctionnels d u cBt6 de 1s vcssie ou du rectum. Ni toux ni sueurs noctuines. I)e ce temps, tr6s mauvais appEtit e t amaigrissement notable.

Etat acluel (du lgt’3 au “/a 19%9>. Le patient est maigre, presque d6fait. L e plus frappant est son constant besoin de mouvement. C’est B peine s’il peut demeurer tranquille une minute sur le siPge oii on l’examine; de temps B autre il se lkve et r6de par la pikce. 11 dit ne pouvoir &sister au besoin de se mouvojr. Cette sorte d’agitation contraste de la manigre la plus vive avec une pknurie motrice extrgmement marquEe. I1 se tient 16gkrement pench6 en avant avec une cyphose 16gEre d u rachis dorsal. L e visage est d’une rigidit6 d’expression qui rappelle celle d’un masque et la mimique faciale fait presque enti6rement d6faot. L’immobilit6 de l’expression du visage est encore accrue par une ptose bilathale. La peau d e la face est luisante, comme si elle avait 6th graissCe. Les bras pr6sen- tent une rigidit6 d’attitude extrgmement prononc6e et caract6risQe par une l6gPre flexion des coudes, l’extension du poignet e t des doigts. D e temps B autre, mais surtout quand le patient est 6mu, apparait un tremblement du type Parkinson dans les mains e t les

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DYRTROPIIIE MTOTOKIQUE.

membres infkrieurs. La marche s’exitcute lentement avec des jambes raides, des pieds trainant sur Ie sol e t sans mouvements associes des membres supkrieurs. Rien d’anormal du c8tk d u thorax ou de l’abdomen. L’urine ne contient ni sucre ni albumine. Le liquide chphalo-rachidien, d’une pression de 170 mm., donne immkdiatement une reaction de Nonne fortement positive. Le contenu cellulaire n’est pas augmentk. La rkaction de Wassermann est negative pour le sang et le liquide ckphalo-rachidien. E n dehors de l’incapacitk de faire converger ses yeux, le patient n’offre rien d’anormal du c6tB de ses nerfs criniens.

Force museulaire: Parhie manifeste d a m tous les mouvements d u

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NO d K E BARKYAN.

membre sup6rieur gauche, ainsi qu’au niveau des fl6chisseurs d u membre inthrieur gauche. Quand le patient agit avec son bras gauche (par exemple, pour rksister), on a l’impression qu’il ne con- centre pas toutes ses forces sup I’acte qu’il accomplit; par contre, au cows de son effort, on voit des muscles se contracter simultan6- ment un peu par tout le corps. Sensibzliti: La sensibilitk au con- tact, i la douleur, b la temperature e t le sens du mouvement sont partout normaux. R i f l e x e s : rien d’anormal du cbt6 des rkflexes du triceps, du radius, du cubitus, de l’abdomen, de la rotule e t du tendon d’Achille. Pas d e rhflexes spasmodiques. Pas de r6fleses profonds au frottement.

S y m p t 6 m e s myotoniques. 1) Myotonie nctive: Si le patient flhchit le coude au maximum e t cherche ensuite i l’btendre, ce mouvement ne s’ex6cute pas aussitijt par suite d’une contraction d e quelques secondcs dans le muscle long supinateur. S i le patient serre forte- ment un objet avec sa main gauche et qu’on l’invite ensuite, apr& avoir relPch6 sa prise, i faire des mouvements r6p6t6s e t compliquks avec son bras gauche, tela que le mouvement de battre l’air, on observe alors nettement que les mouvements sont comme hach6s et que de plus ils ne sont pas tr& variks. 2 ) Myotonie possire: Elle est tr6s apparente dans l’extension et la flexion du poignet gauche et dans la flexion d u coude gauche. Signe de fixation des doigts i la main gauche; rien B droite. Contraction paradoxale de Kes t - phal aux deux pieds avec type dysmyotonique au moment d u re- l b h e m e n t (plusieiirs contractions secondaires). 3) Myotonie mdca- nique: elle fait partout d6faut. 4) Myotonie i lectrique: La contrac- tion myotonique secondaire, apr6s ablation de l’klectrode, existe sup le muscle long supinateur de l’avant-bras gauche et sur le premier interosseux de la main gauche. La partie post6rieure d u muscle deltoidc, le long supinateur pwrfois, l’extenseur commun des doigts, I’extenseur radial du carpe, I’abducteur du petit doigt e t le quatri6me interosseux donnent, tous du cijte gauche la reaction dysmyotonique. Cette reaction s’observe de plus sup les muscles suivants d u membre inf6rieiir gauche : tibial anthrieur, extenseur commun des doigts, pkroniers et triceps sural; ce dernier r6agit quand on l’excite aussi bien directernent qiie par l’intermkdiaire du nerf tibial postgrieur; pas d’effet contralatgral

S u i t e de l’obseroation. L e ‘‘14 1923. Le besoin de mouvement est moins marqu6. La mimique faciala reparait B un degr6 notable. La marche est plus libre, les mouvements des extrkmit6s infkrieures sont presque normaux et l’oscillation concomitante des bras est naturelle. I1 n’existe nulle part de myotonie active ou m6canique. La myotonie passive persiste dans la flexion du poignet gauche, la flexion d u coude gauche (long supinateur); le signe d e fixation des doigts s’observe encore. Rhaction dysmyotonique dans la partie posthrieure? du muscle deltoide, dans le long supinateur (type myo- tonique), dans le premier interosseux e t peut-8tre dans les autres interosseux - le tout du cijtk gauche. Par ailleurs on ne constate rien de bieri certain.

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DYPTROPHIE MYOTONIQUE. 21

Le fait precedent n’a guere besoin d’epicrise. C’est un cas-type de maladie de Parkinson consecutive A une encephalite; les symptBmes nerveux sont donc attribuables A une localisation du processus encephalitique dans les noyaux gris centraux. C’est A cette localisation qu’il faut imputer le besoin irresistible de mouvement associe A la penurie niotrice localisee; celle-ci se traduisait par l’attitude du corps penche en avant, la rigidit6 des bras et le masque facial (la m6me combinaison paradoxale de troubles moteurs se retrouve dans la paralysie agitante), par les paresies plus haut decrites du bras gauche, lesquelles n’entrai- naient rien de typique et qui meritent plut8t d ’ h e considerees comme la consequence de la disparition de certaines conditions reflexes necessaires A l’ex6cution regdiere d’un mouvenient; enfin par les sympt6mes dysmyotoniques aussi bien dans les mouvements actifs et passifs qu’apr$s l’excitation Blectrique (faradique) des muscles suivants: partie postbrieure du deltoide, long supinateur, extenseur commun des doigts, extenseur radial du carpe, abduc- teur du petit doigt, quatrieme interosseux, tibia1 anterieur, exten- seur commun des doigts du pied, peroniers et triceps sural - ce dernier aussi bien i l’excitation directe qu’indirecte - le tout du c8t6 gauche.

En plus de ces reactions dysmyotoniques, on pouvait constater avec nettet6 les synipt6mes myotoniques suivants; des contrac- tions myotoniques secondaires se voyaient sur le muscle long supinateur et le premier interosseux du cBt6 gauche. Une reac- tion myotonique active s’observait encore A la flexion du coude gauche, reaction dont on pouvait dkcouvrir l’origine dans une contraction secondaire du muscle long supinateur. La niyotonie passive apparaissait lors de l’extension et de la flexion du poignet gauche, de la flexion du coude gauche, ainsi que sous la forme du signe de fixation des doigts au niveau des doigts de la main gauche et sous la forme de la contraction paradoxale de Westphal au niveau des deux pieds.

Voici donc un nouveau cas oh les sympt6mes rnyotoniques se conibinaient avec des reactions dysmyotoniques. Aussi ne peut-on s’empecher de supposer que ces modes reactionnels - myotoniques et dysmyotoniques -, si voisins l’un de l’autre ont selon toute apparence, une genese identique. Or nous savons que la reaction dysmyotonique n’a Qt6 observe que dans les maladies oh le processus pathologique interesse de preference les noyaux gris centraux et que, par consequent, elle doit s’expli-

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quer par ce substratum anatomique; nous sommes donc en droit de faire la mbme hypothBse en ce qui concerne la genBse des sympt6mes myotoniques observes chez nos deux patients.

DBs lors, si dans un cas incomplBtement developpe de dystro- phie myotonique, mais ne pouvant tout de mgme guQre btre class6 dans un autre groupe pathologique, nous trouvons des symp- t6mes myotoniques intimkment unis aux sympt6mes dysmyoto- niques, il n'est pas trop risque' de conclure que, non seulement dans ce cas particulier, mais dans la maladie en ge'nkral, les sympt6mes myotoniques - qui en somme constituent les troubles moteurs de ces patients - dkpendent d 'un processus putholo~~que occupant Ees noyaux centrairx.

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