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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT
Année 2012
ÉVALUATION DE L’IMPACT DE LA VACCINATION
DES VOLAILLES DOMESTIQUES CONTRE
L’INFLUENZA AVIAIRE HAUTEMENT PATHOGÈNE
DÛ À H5N1 AU VIÊT NAM
THÈSE
Pour le
DOCTORAT VÉTÉRINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
le……………
par
Alexis DELABOUGLISE Né le 3 juin 1986 à Rouen (Seine-Maritime)
JURY
Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres du Jury
Directeur : Yves Millemann Maitre de conférences à l’ENVA
Assesseur : Barbara Dufour Professeur à l’ENVA
REMERCIEMENTS
Je remercie solennellement les membres de mon jury, en premier lieu le docteur Yves
Millemann, maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, pour avoir assuré
la direction de la présente thèse, ainsi que le Professeur Barbara Dufour pour avoir en avoir
effectué l’assessorat. Je témoigne mon plus profond respect au professeur de la faculté de
médecine de Créteil … qui m’a fait l’honneur de présider le jury de thèse.
Le travail présenté ici a été financé par le Centre International de Recherche Agronomique
pour le Développement (CIRAD). Je tiens à en remercier certains membres, tout
particulièrement mon maitre de stage, Marisa Peyre pour son encadrement ainsi qu’aux
chercheurs Thi Thanh Hoa Pham, Stéphanie Desvaux et Vladimir Grosbois pour leur
collaboration. Je remercie chaleureusement le personnel du CIRAD à Hanoi, Thi Thanh Hang
Nguyen et Ngoc Ha Pham pour leur précieux soutien.
Je remercie également les principaux partenaires du CIRAD, le National Institute of
Veterinary Research, en particulier le Dr Không, directeur du département de virologie ainsi
que toute son équipe, pour leur collaboration à la réalisation de mon étude. Je remercie de
même la Hong Kong University pour sa coopération active.
Je salue avec le plus grand respect les professionnels avec qui j’ai eu l’occasion de
m’entretenir et dont les informations et conseils ont joué un rôle capital dans la réalisation
de mon travail : Kenjiro Inui, John Weaver et Juan Carrique Mas, experts scientifiques de la
Food and Agriculture Organisation, Do Huu Dung, Nguyen Ngoc Tien, Phan Quang Minh et
Nguyen Thi Diep du Department of Animal Health, et enfin Birgit Schauer du New Zealand
Aid Programme.
Je souhaiterais adresser des remerciements plus personnels à mes proches parce que
l’aventure de l’existence n’a pas de sens si elle se vit seul.
Ils vont en premier à mes parents qui m’ont soutenu sans jamais faillir du début jusqu’à la fin
de mes longues études, ainsi qu’à mes deux frères qui viennent de débuter leur vie
d’étudiants au moment où j’achève la mienne.
À toutes mes connaissances du Viêt Nam et d’ailleurs avec qui j’ai partagé tant de moments
inoubliables : Hanh, Cao, Phat, Phuong, Nhan, Hoang, Hue, Quynh Anh, Tiên. Hà Nội ne
serait pas la même sans vous, je ne saurais jamais vous remercier assez de m’avoir fait
découvrir votre pays comme vous l’avez fait, mais pour commencer j’espère que mon
horrible vietnamien ne vous a pas trop endolori les tympans. Un hommage enfin à mon
inséparable colocataire Xavier.
À tous mes amis Milanais, désormais dispersés autour du monde, William, Vanya, Antti,
Elena, Esther, Adrian, Rubi et les autres. Enfin, à mes vieux amis grenoblois, Auki et Cécile,
deux têtes dures fraichement unies par les liens du mariage, ainsi que Dorian et Greg.
1
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES...................................................................................................................... 5
LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................................. 6
LISTE DES ANNEXES .................................................................................................................... 7
LISTE DES ABRÉVIATIONS ........................................................................................................... 9
INTRODUCTION ........................................................................................................................ 11
PREMIÈRE PARTIE : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE .................................................................. 13
1 L’Influenza Aviaire Hautement Pathogène et son contrôle par la vaccination ................ 13
1.1 Généralités sur l’IAHP................................................................................................ 13
1.1.1 Taxonomie.......................................................................................................... 13
1.1.2 Epidémiologie..................................................................................................... 14
1.1.3 Clinique............................................................................................................... 15
1.1.4 Diagnostic clinique ............................................................................................. 15
1.1.5 Diagnostic de laboratoire ................................................................................... 16
1.1.6 Prévention et contrôle de la maladie................................................................. 17
1.2 La panzootie d’IAHP de 2003 et ses conséquences................................................... 17
1.2.1 Chronologie de la panzootie .............................................................................. 17
1.2.2 Maintien de l’IAHP et facteurs associés ............................................................. 19
1.3 Le contrôle de l’IAHP par la vaccination.................................................................... 22
1.3.1 L’immunité vaccinale contre les influenzavirus chez les oiseaux ...................... 22
1.3.2 Les différents types de vaccins disponibles, leurs modes d’action et
inconvénients.................................................................................................................... 23
1.3.3 Les objectifs de la vaccination contre l’IAHP...................................................... 24
1.3.4 Historique de l’utilisation de la vaccination contre l’IAHP................................. 25
1.4 Interrogations actuelles sur l’impact de la vaccination............................................. 26
1.4.1 Evolution et situation actuelle de l’IAHP dans différents pays en fonction des
mesures de contrôle implantées ...................................................................................... 26
1.4.2 Considérations actuelles sur l’utilisation de la vaccination ............................... 27
2 Evaluer l’impact d’un programme de vaccination contre l’IAHP : revue des outils et
méthodes envisageables.......................................................................................................... 29
2.1 Les différents objectifs de l’évaluation d’une campagne de vaccination ................. 29
2.2 Quels outils pour quels objectifs ............................................................................... 29
2
2.2.1 Evaluation de la protection vaccinale ................................................................ 29
2.2.2 Evaluation de l’impact vaccinal .......................................................................... 31
3 Evaluer l’impact de la vaccination contre l’IAHP au Viêt Nam : contexte, résultats et
limites des évaluations conduites jusqu’à présent .................................................................. 33
3.1 Le secteur avicole au Viêt Nam ................................................................................. 33
3.1.1 Importance de la production avicole au Viêt Nam ............................................ 33
3.1.2 Découpage administratif et services vétérinaires du Viêt Nam......................... 34
3.1.3 Caractéristiques du secteur avicole au Viêt Nam .............................................. 37
3.1.4 Particularités géographiques du secteur avicole au Viêt Nam .......................... 39
3.2 L’épizootie d’IAHP au Viêt Nam................................................................................. 40
3.2.1 Chronologie de l’épizootie et situation actuelle de l’IAHP au Viêt Nam ........... 40
3.2.2 Impact sanitaire et socio-économique de l’IAHP au Viêt Nam.......................... 43
3.3 Les mesures de lutte contre l’IAHP introduites au Viêt Nam.................................... 43
3.4 Description du programme de vaccination obligatoire............................................. 44
3.4.1 Zones géographiques concernées...................................................................... 44
3.4.2 Espèces et types de production concernées...................................................... 45
3.4.3 Organisation pratique ........................................................................................ 45
3.4.4 Vaccins employés ............................................................................................... 46
3.5 Les évaluations de la vaccination conduites au Viêt Nam......................................... 48
3.5.1 Les différents programmes de suivi et d’évaluation de la vaccination.............. 48
3.5.2 Les résultats des évaluations de la vaccination obtenus ................................... 49
3.5.3 Les limites des méthodes utilisées dans le contexte du Viêt Nam .................... 52
3.5.4 Perspectives........................................................................................................ 54
DEUXIÈME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL ............................................................................... 57
1 Matériel et méthodes ....................................................................................................... 57
1.1 Elaboration d’une nouvelle approche pour évaluer l’impact vaccinal...................... 57
1.1.2 Une analyse spatiale........................................................................................... 57
1.1.3 L’utilisation d’un nouveau paramètre pour évaluer la circulation virale .......... 57
1.1.4 La combinaison de différentes études menées précédemment ....................... 58
1.2 Les différentes étapes de l’analyse ........................................................................... 58
1.3 Les études sélectionnées pour être utilisées dans l’analyse..................................... 59
1.3.2 Revue des différentes études pouvant être utilisées ........................................ 59
3
1.3.3 Détermination des études à inclure dans l’analyse ........................................... 61
1.4 Analyse des données ................................................................................................. 62
2 Résultats............................................................................................................................ 62
2.1 Evaluation de la protection vaccinale........................................................................ 62
2.1.1 Hétérogénéités entre études ............................................................................. 62
2.1.2 Comparaison des résultats des études .............................................................. 67
2.1.3 Disparités spatiales de la protection vaccinale .................................................. 69
2.2 Evaluation de la circulation virale.............................................................................. 70
2.2.1 Surveillance au niveau des élevages .................................................................. 70
2.2.2 Comparaison des résultats................................................................................. 74
2.2.3 Surveillance virale ciblée sur les lieux à haut risque de circulation................... 75
2.3 Etablissement d’un lien entre protection vaccinale et niveau de circulation virale. 84
3 Discussion.......................................................................................................................... 86
3.1 Limites des résultats .................................................................................................. 86
3.1.1 Résultats de la surveillance sérologique ............................................................ 86
3.1.2 Résultats de la surveillance de l’IAHP dans les élevages ................................... 88
3.1.3 Résultats de la surveillance virale dans les marchés de volailles vivantes ........ 89
3.2 Inégalités spatiales de la protection vaccinale.......................................................... 89
3.3 Inégalités spatiales de la circulation virale................................................................ 92
3.3.1 Inégalités de prévalence de l’IAHP dans les élevages........................................ 92
3.3.2 Inégalités de la circulation de H5N1 mesurée par la surveillance des marchés 92
3.3.3 Inégalité de la proportion H5/Influenza A mesurée par la surveillance du
programme VAHIP ............................................................................................................ 93
3.4 Evaluation de l’impact vaccinal : interprétation et limites de l’analyse ................... 94
CONCLUSION ............................................................................................................................ 96
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................... 98
ANNEXES................................................................................................................................. 103
4
5
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Photographie de virus Influenza de type A au microscope électronique à
transmission. Page 6
Figure 2 : Schémas simplifié de la structure d’un virus Influenza. Page 7
Figure 3 : Répartition des foyers d’Influenza Aviaire Hautement Pathogène en Afrique, Asie
et Océanie depuis 2004 jusqu’à 2011. Page 11
Figure 4 : Cartographie du niveau de risque d’occurrence de l’Influenza Aviaire Hautement
Pathogène chez les volailles en Asie du Sud et du Sud-Est incluant les facteurs suivants :
densité de poulets domestiques, densité de canards domestiques, densité de peuplement
humain, présence d’élevages de canards. Page 13
Figure 5 : Élevages de canards de la province de Nam Định dans le delta du fleuve Rouge au
Viêt Nam, élevés en pâturage sur surface inondée. Page 14
Figure 6 : Cartographie du Vietnam :
Topographie du Viêt Nam. Page 28
Carte des provinces du Viêt Nam. Page 29
Carte des régions administratives du Viêt Nam. Page 30
Figure 7: Répartition spatiale des élevages de poulets et de canards au Viêt Nam. Page 32
Figure 8 : Variation temporelle et répartition géographique de l’IAHP au Vietnam de2003 à
2010. Page 34
Figure 9 : Carte figurant les provinces faisant l’objet du plan de vaccination obligatoire à
partir de 2009. Page 38
Figure 10 : Visite d’un élevage de canards de la région du delta du fleuve rouge afin de
vacciner les animaux dans le cadre de la campagne nationale de vaccination. Page 39
Figure 11 : Prélèvements sanguins et cloacaux effectués par des agents vétérinaires de
province dans la région du delta du fleuve Rouge dans le cadre d’un programme de
surveillance active. Page 42
Figure 12: Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’un suivi surveillance
sérologique d’une des 3 études sélectionnées VAHIP en 2009 et 2010, CIRAD en 2008-2011
et ACIAR en 2007-2008 au Viêt Nam. Page 54
Figure 13: Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’une surveillance de l’infection
aux virus influenza au niveau des élevages par une des 3 études GETS en 2010, CIRAD en
2008-2009 et ACIAR en 2007-2008 au Viêt Nam. Page 63
6
Figure 14 : Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’une surveillance des
infections à virus influenza par les 2 études sélectionnées GETS en 2011 et VAHIP en 2009 et
2010 au Viêt Nam. Page 67
Figure 15: Carte représentant les pourcentages de détection d’infections à H5N1 des canards
prélevés dans le cadre de la surveillance des marchés de volailles vivantes des programmes
VAHIP en 2010 et GETS en 2011 au Viêt Nam, par province. Page 71
Figure 16 : Répartition géographique par province des taux de détection des infections à
virus Influenza type A et de la proportion de détection de H5 sur le total des infections à
virus influenza A détectées établies à partir des résultats de la surveillance virale du
programme VAHIP en 2009 et 2010 au Viêt Nam. Page 74
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Comparaison deux à deux des taux de séroconversion mesurés dans la
population d’oiseaux domestiques par trois programmes de recherches dans plusieurs
régions distinctes du Viêt Nam : CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây), CIRAD (Thái Bình ) et ACIAR
(delta du Mékong). Page 61
Tableau 2: Prévalences des infections à virus H5 dans les populations de volaille mesurées
par des enquêtes ACIAR, CIRAD et GETS visant à la détection directe des virus H5 dans les
élevages de volailles. Page 66
Tableau 3 : Pourcentages de canards non vaccinés positifs en sérologie H5 évalué au moyen
d’un suivi sérologique de la population de volailles domestiques par les études CIRAD de
2008 à 2011 et ACIAR en 2007 et 2008. Page 66
Tableau 4: Taux de détection des infections à H5N1 mesurés par la surveillance des canards
vendus dans les marchés de volailles vivantes de différentes zones géographiques, selon les
résultats des programmes GETS en 2010 et VAHIP en 2011. Page 70
Tableau 5: Comparaison des différents taux de détection de virus influenza dans le nord
(Thái Bình, Hà Nội, Thanh Hoá, Lạng Sơn) et le sud (Tây Ninh, Long An, Đồng Tháp, Tiền
Giang) du Viêt Nam sur la base des résultats de la surveillance virale du programme VAHIP
en 2009 et 2010. Page 73
Tableau 6 : Résultats de la régression logistique effectuée à partir des résultats de l’étude
VAHIP entre la proportion des infections à virus H5 sur l’ensemble des infections à
influenzavirus type A détectées par surveillance des marchés de canards vivants des
provinces et le niveau de taux de séroconversion mesuré dans la population de volailles
d’élevage de ces mêmes provinces en 2010. Page 77
7
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : Revue comparative des caractéristiques des méthodologies des différents programmes visant à l’évaluation du niveau d’efficacité du programme de vaccination au moyen d’un suivi sérologique de la population aviaire domestique du Viêt Nam.
ANNEXE 2 : Revue comparative des caractéristiques des méthodologies des différents programmes visant à l’estimation de la prévalence de l’infection aux virus influenza dans la population aviaire domestique du Viêt Nam au moyen d’une surveillance active des élevages avicoles.
ANNEXE 3 : Revue comparative des caractéristiques des méthodologies des différents programmes visant à l’estimation du niveau de circulation virale des virus influenza dans la population aviaire domestique du Viêt Nam au moyen d’une surveillance active des lieux à haut risque de circulation de virus influenza.
8
9
LISTE DES ABRÉVIATIONS
ACIAR : Australian Center for International Agricultural Research : centre australien pour la
recherche agronomique internationale
AIC : Akaike Information Criteria : Critère d'Information d'Akaike
ADN : Acide Desoxyribonucléique
ANOVA: Analysis of Variance: Analyse de Variance
ARN : Acide Ribonucléique
CIRAD: Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement
CAHW : Community Animal Health Worker : Agent Communautaire de Santé Animale
DAH: Department of Animal Health : Département de la Santé Animale
DIVA: Differentiating Vaccinated from Infected Animals: Differentiation des Animaux
Infectés et Vaccinés
DVS: Department of Veterinary Services: Département des services Vétérinaires
EUR : Euro (monnaie de l’Union Européenne)
FAO: Food and Agriculture Organization: Organisation de l’Alimentation et de l’Agriculture
GETS: Gathering Evidences for a Transitional Strategy: rassemblement d’éléments pour uen
stratégie de transition.
GMT : Geometric Mean Titer : titre moyen géométrique
HIT : Herd Immunity Threshold : seuil d’immunité de troupeau
HI: Hemagglutination Inhibition : Inhibition de l’Hémagglutination
HKU: Hong Kong University : Université de Hong Kong
IAHP : Influenza Aviaire Hautement Pathogène
NIVR: National Institute of Veterinary Research : Institut National de Recherche Vétérinaire
OIE: Office International des Epizzoties ou Organisation Mondiale de la Santé Animale
PIB : Produit Intérieur Brut
RT-PCR : Reverse Transcription - Polymerase Chain Reaction : Réaction en Chaine par
Polymérase après Transcription Inverse
USD : United States Dollar (monnaie des Etats-Unis)
VAHIP: Viêt Nam Avian and Human Influenza control and Preparedness project : projet de
contrôle et de préparation à l’influenza aviaire et humaine au Viêt Nam.
VND : Viêt Nam Dong (monnaie vietnamienne)
10
11
INTRODUCTION
Dans le contexte d’une consommation croissante, à l’échelle mondiale, de produits d’origine
animale et d’une augmentation du nombre de maladies à caractère zoonotique,
transmissibles de l’animal à l’homme, une attention particulière doit être portée à la mise en
place de mesures de contrôle efficaces pour limiter l’impact des maladies animales, en
particulier celles ayant un caractère zoonotique ou entrainant de fortes pénalisations
économiques. Cet enjeu est particulièrement crucial en Asie du Sud-Est, où le
développement des productions animales représente un enjeu fort du secteur agricole.
L’évaluation de l’efficacité et des conséquences épidémiologiques, économiques et sociales
des mesures de contrôle implantées y apparaît d’autant plus importante étant donnés les
moyens souvent limités des pays dans lesquels elles sont mises en place, ce qui se traduit
par le besoin d’un rapport coût-efficacité optimal.
L’étude menée ici a pour objectif l’évaluation de l’impact du programme de vaccination
national mis en place au Viêt Nam pour combattre une maladie aviaire épizootique
transmissible à l’homme devenue désormais enzootique : l’Influenza Aviaire Hautement
Pathogène, dont les conséquences économiques sur le secteur avicole et sur la santé
publique des pays en développement en font une maladie animale d’importance majeure.
L’étude a été réalisée sous la supervision et avec le soutien financier du CIRAD (Centre
International de Recherche Agronomique pour le Développement), dans le cadre d’un stage
de 5 mois à Hà Nội (Viêt Nam) d’une deuxième année du Master Ecologie-Biodiversité
parcours Santé Animale et Epidémiosurveillance dans les Pays du Sud de l’université
Montpelier 2 en partenariat avec le CIRAD et l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse.
L’originalité de cette évaluation par rapport aux recherches antérieures est qu’elle s’est
basée sur la combinaison de résultats de différentes études menées depuis l’introduction de
la vaccination des volailles en 2005. Elle s’est concentrée sur deux aspects de l’évaluation de
l’impact d’un programme de vaccination : l’estimation du niveau de protection conféré par
la vaccination à la population cible, et l’évaluation de l’effet réel de la vaccination sur
l’épidémiologie de la maladie.
Le présent ouvrage s’ouvre par une revue bibliographique : dans un premier temps les
connaissances générales sur l’Influenza Aviaire Hautement Pathogène et son contrôle par la
vaccination seront résumées, puis une synthèse sera présentée sur les outils et méthodes
d’évaluation applicables dans le cas de la vaccination contre cette maladie, ainsi que sur
l’état des connaissances actuel sur l’état de la maladie au Viêt Nam et l’impact de la
vaccination. La présentation du travail personnel se déroulera sous une forme logique, avec
la présentation de la méthode utilisée et des résultats d’études qui ont servi de support à
l’évaluation, puis une présentation des résultats de cette évaluation et enfin une discussion
de ces résultats, mettant en évidence leurs interprétations possibles mais aussi leurs limites.
12
13
PREMIÈRE PARTIE : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1 L’Influenza Aviaire Hautement Pathogène et son contrôle par la
vaccination
1.1 Généralités sur l’IAHP
1.1.1 Taxonomie
Selon la définition de l’OIE (Office International des Epizooties – Organisation Mondiale de la
Santé Animale) (2009b), l’Influenza Aviaire Hautement Pathogène (IAHP) est une maladie
causée par certains virus du genre Influenzavirus de type A de la famille virale des
Orthomyxoviridae. Ces virus sont à ARN et enveloppés et leur structure est observable en
microscopie électronique, comme le montre la figure 1. Les virus influenza sont séparés en
sous-types définis par deux de leurs protéines membranaires, l’hémagglutinine (désignée
par la lettre H, dont il existe 16 types dans la nature), et la neuraminidase (désignée par la
lettre N et dont il existe 9 types). Jusqu’à ce jour, tous les cas d’IAHP rapportés ont été
causés par des virus de type H5 ou H7 (voire éventuellement H9). La figure 2 illustre la
structure des virus influenza.
Figure 1 : Photographie de virus Influenza de type A au microscope électronique à
transmission (source : FLUTrop, 2010).
14
Figure 2 : Schéma simplifié de la structure d’un virus Influenza (source : http://influenza-
h5n1.org/).
1.1.2 Epidémiologie
Selon l’OIE (2009b) toutes les espèces d’oiseaux sont réceptives aux virus causant l’IAHP,
mais leur sensibilité varie fortement selon les espèces et la souche virale. Plusieurs espèces
de mammifères sont également potentiellement susceptibles, parmi lesquelles les porcs, les
chevaux, les chiens, les chats et l’homme. Bien que ce dernier soit très peu réceptif à
l’infection, celle-ci occasionne chez l’hôte humain des signes cliniques très prononcés avec
un taux de létalité très élevé.
Les oiseaux d’eau, tels que les canards, oies et cygnes, sont réceptifs à tous les types de virus
influenza A et ont été souvent identifiés comme porteurs asymptomatiques du virus
responsables de l’IAHP, d’où leur fréquent rôle de réservoir, sauvage ou domestique, de la
maladie, y compris d’après les études expérimentales les plus récentes de Hulse-Post et al.
(2005).
Selon l’OIE (2009b) la transmission aux volailles se fait habituellement par contact direct
avec un oiseau infecté, le virus étant excrété en quantité importante dans les fèces et
sécrétions oro-pharyngées. Elle peut également se faire à partir du matériel contaminé ou
de l’environnement, le virus pouvant survivre plusieurs jours en milieu aquatique, d’où le
facteur de risque représenté par les points d’eaux ou rizières fréquentés par des oiseaux
aquatiques sauvages ou domestiques. Ces derniers peuvent aisément contaminer
l’environnement, à partir duquel peuvent s’infecter des canards ou oies d’élevages.
15
1.1.3 Clinique
D’après l’OIE (2009b) chez les espèces d’oiseaux sensibles, l’infection se caractérise par une
période d’incubation très courte, allant de 2 à 5 jours, suivie par une période d’expression
clinique dont le niveau d’intensité varie selon l’espèce d’oiseau concernée et la souche
virale. Les symptômes les plus communs sont toux, expectoration, dyspnée, jetage nasal et
lacrymal, cyanose des parties non plumeuses de la peau, de la crête et des barbillons,
tuméfaction des sinus. Les oiseaux sont abattus, et on observe une chute de production
d’œufs chez les poules pondeuses. Les autres signes fréquemment rencontrés sont la
diarrhée et l’incoordination motrice accompagnée éventuellement d’autres signes nerveux.
Le taux de létalité observée est variable mais peut atteindre 100% dans les espèces les plus
sensibles, comme les poulets ou les dindes.
Chez les espèces moins sensibles comme les anatidés, les symptômes peuvent prendre un
caractère beaucoup plus fruste, avec simplement une baisse d’appétit et de production.
Le tableau lésionnel est variable. Il peut être inexistant en cas de mortalité rapide. Le plus
souvent il se caractérise par des lésions hémorragiques, œdémateuses ou nécrotiques
localisées sur une grande diversité d’organes.
1.1.4 Diagnostic clinique
Le diagnostic peut se faire sur la base de l’observation des signes cliniques associés à un fort
taux de mortalité. Cependant, ce haut taux de mortalité n’est pas toujours présent,
particulièrement pour des espèces peu sensibles ou dans le contexte d’une immunisation
vaccinale préexistante.
Le diagnostic différentiel doit se faire avec les maladies suivantes :
- Les souches vélogènes du virus de la maladie de Newcastle, de la famille des
Paramyxoviridae, causant une infection asymptomatique chez les oiseaux aquatiques,
mais hautement pathogène chez les gallinacés. Chez cette dernière famille, l’infection
par l’IAHP est non différenciable de celle d’une souche vélogène de Newcastle;
- Le choléra aviaire ou sépticémie hémorragique aviaire, maladie bactérienne due à
Pasteurella multocida, qui concerne aussi bien le canard que le poulet ;
- L’entérite virale du canard, causée par un virus de la famille des Herpesviridae, qui
occasionne un for taux de mortalité chez les anatidés ;
- La laryngo-trachéite infectieuse aviaire, atteignant notamment les gallinacés et
causée par un virus de la famille des Herpesviridae.
16
1.1.5 Diagnostic de laboratoire
Le diagnostic de laboratoire se fait selon deux méthodes possibles recommandées par l’OIE
(2009a) :
La technique de référence est l’isolement du virus à partir d’échantillons fécaux ou
d’écouvillons trachéaux ou oro-pharyngés prélevés sur les volailles. L’isolement se fait par
inoculation de l’échantillon sur œufs de poule embryonnés, suivie d’un test
d’hémagglutination (HA) visant à identifier la présence d’un virus influenza A par ses
propriétés d’agglutination des hématies. L’identification d’un virus vivant peut être
complétée par un séquençage de son génotype.
La RT-PCR est une méthode alternative permettant d’identifier le matériel génétique du
virus dans les mêmes types d’échantillons. La PCR est basée sur l’amplification par cycles
thermiques successifs de segments d’ADN d’intérêt repérés à l’aide d’une amorce ADN
spécifique. La RT-PCR permet l’identification spécifique du matériel génétique de virus à
ARN, puisqu’elle combine la transcription inverse (RT) de l’ARN viral en ADN par l’enzyme
reverse transcriptase complétée par une PCR classique.
Le diagnostic par sérologie peut avoir deux finalités possibles : détecter la présence
d’anticorps développés suite à une infection par un virus Influenza ou bien mesurer la
réponse immunitaire protectrice développée suite à une vaccination. La réponse
immunitaire des oiseaux contre l’influenza aviaire se caractérise principalement par la
production d’IgY, immunoglobulines spécifiques aux reptiles et aux oiseaux et jouant un rôle
équivalent IgG présentes chez les mammifères. 3 méthodes standards de sérologie sont
recommandées par l’OIE (2009a) :
- L’immunodiffusion sur gel d’Agarose ;
- Le test d’Inhibition de l’Hémagglutination (HI) basé sur les propriétés
hémagglutinantes (agglutination des hématies) de l’hémagglutinine, une des
protéines de surface des influenzavirus. Comme évoqué plus haut les anticorps
protecteurs produits par la réponse immunitaire de l’individu ont la propriété de se
fixer à l’hémagglutinine et donc d’inhiber l’agglutination des hématies. C’est ce
phénomène qui doit être observé lors d’un test HI positif. Ce test est donc spécifique
de sous-types puisqu’il vise à détecter des anticorps dirigés contre le type
d’hémagglutinine utilisé. Habituellement, un animal est considéré comme protégé si
l’inhibition de l’hémagglutination est observée contre 4 Unités d’hémagglutination à
une dilution du sérum de 1/16 ou plus (OIE, 2009a) soit, exprimé en logarithme base
2, un taux d’anticorps dit de 4log2.
Cependant, les essais cliniques de Kim et al. (2008) ont suggéré que chez le canard,
une protection complète est atteinte pour un taux d’anticorps plus bas que chez le
poulet. Il a été démontré récemment, par une analyse bayésienne des résultats
17
sérologiques d’une étude de terrain menée par le CIRAD dans le nord du Viêt Nam,
dans les provinces de Bắc Giang et Hà Tây, que le seuil de positivité correspondant à
une dilution de 1/8, soit un taux d’anticorps dit de 3log2, est plus adapté pour le
canard (Desvaux S., communication personnelle) ;
- Le test ELISA (Enzyme linked Immunosorbent Assay), basé sur la diffusion du sérum sur
une surface recouverte d’antigènes viraux. La liaison entre ces antigènes et les
anticorps du sérum est ensuite mise en évidence par l’ajout anticorps se liant
spécifiquement aux anticorps IgY et couplés à une enzyme dont la présence est
détectée par une réaction spécifique.
1.1.6 Prévention et contrôle de la maladie
Il n’existe aucun traitement contre l’IAHP chez les volailles, et étant donné le risque posé par
la maladie pour la santé humaine, la seule option recommandée est l’abattage de l’animal
atteint suivie de la destruction de sa carcasse.
La prévention de l’introduction de l’IAHP dans un élevage avicole se décline en un certain
nombre de mesures de biosécurité listées par l’OIE (2009b) dont voici les principales:
- Eviter les contacts entre les oiseaux d’élevages et l’environnement, notamment la
faune sauvage, et particulièrement les oiseaux aquatiques ;
- Contrôler l’origine et l’état sanitaire des oiseaux achetés et appliquer une quarantaine
lors de l’introduction d’oiseaux dans une bande ;
- Prévenir l’introduction de matières contaminées par les humains visitant l’élevage
grâce à des mesures de décontamination et des tenues vestimentaires adaptées ;
- Eviter le retour d’oiseaux vivants, commercialisés dans un marché ou abattoir, dans
leur élevage d’origine ;
- séparation des oiseaux par groupes d’âge et d’espèce.
En cas de déclaration de la maladie dans un élevage avicole, la recommandation de l’OIE,
appliquée dans presque toutes les situations, est l’abattage total des oiseaux de l’élevage
suivi d’un procédé de décontamination adapté.
1.2 La panzootie d’IAHP de 2003 et ses conséquences
1.2.1 Chronologie de la panzootie
Il est maintenant communément admis que l’ancêtre des souches de virus H5N1 à l’origine
de l’épizootie d’Asie du Sud-Est de 2003-2004 est apparu en Chine, dans la province de
Guandong en 1996 et a d’abord été isolé chez des oies. Il est pour cette raison noté
A/goose/Guandong/1/1996.
D’après la FAO (Organisation Mondiale de l’Agriculture) (2011) et Dominguez et Dufour
(2005b) ce virus a occasionné de nombreux foyers d’IAHP en Chine de 1997 à 2001 avant de
18
provoquer, à partir de 2002, une panzootie qui s’est d’abord répandue dans l’Asie de l’Est et
du Sud-Est à Hong-Kong en 2002, puis en 2003 en République de Corée, aux Japon, Viêt
Nam, Cambodge, Laos, Thaïlande, Malaisie et Indonésie avant de gagner en 2005 l’Asie
centrale, touchant notamment Kazakhstan, puis la Russie, la Turquie et la Roumanie.
L’Afrique est touchée en 2006, la maladie ayant été signalée notamment au Nigeria et
d’autres pays du golfe de Guinée, puis en Egypte. D’après Eagles et al. (2009), l’expansion de
cette épizootie à une aussi large échelle, illustrée par la figure 3, a été grandement facilitée
par les flux commerciaux de volailles vivantes et la circulation humaine, bien que l’hypothèse
d’un rôle possible des oiseaux migrateurs, notamment dans sa propagation vers l’Asie
centrale puis l’Europe, ou de l’Afrique vers l’Europe ne puisse être totalement rejetée.
Figure 3 : Répartition des foyers d’Influenza Aviaire Hautement Pathogène en Afrique, Asie et
Océanie depuis 2004 jusqu’à 2011. Les ronds indiquent les cas d’IAHP d’oiseaux domestiques,
les triangles les cas d’IAHP d’oiseaux sauvages (source : FAO base de données Empres-I,
2011b).
Le virus H5N1 responsable de cette panzootie sans précédent est dit de génotype Z et
présente une propriété particulière : alors que toutes les souches responsables d’IAHP
étaient jusqu’alors connues pour causer une infection asymptomatique chez les oiseaux
aquatiques, le génotype Z possède une pathogénicité particulièrement élevée chez ces
espèces, même si le taux d’expression clinique et de mortalité restent moins élevés par
rapport aux gallinacés.
19
Du fait de sa large répartition mondiale, la souche virale incriminée dans la panzootie a
évoluée en différentes lignées distinctes qui ont été appelées Clade. Dix clades ont été
recensés jusqu’à présent sans compter les sous-catégories (par exemple clade 2.1, 2.2,
2.3,…).
1.2.2 Maintien de l’IAHP et facteurs associés
D’après la FAO (2011a) Cette souche épizootique sévit toujours, à l’heure actuelle, de
manière enzootique dans au moins six États, l’Egypte, l’Inde, le Bangladesh, l’Indonésie, la
Chine et le Viêt Nam, et son éradication dans ces pays ne semble pas être envisageable
avant un certain nombre d’années, d’après les dernières prévisions. Les causes de la
persistance de la maladie dans ces pays sont diverses mais les principales raisons évoquées
sont : une forte densité de population humaine, des élevages avicoles très concentrés, avec
une prédominance des élevages dits de type villageois, à faible niveau de biosécurité, des
circuits commerciaux impliquant des marchés de volailles vivantes et des moyens limités des
services vétérinaires pour contrôler efficacement la maladie.
Des analyses spatiales menées par Gilbert et al. (2011) ont permis d’identifier la densité de
canards d’élevages comme le principal facteur déterminant les zones à risque de persistance
de l’IAHP, la densité de population humaine et de poulets d’élevages étant un facteur de
risque secondaire d’apparition de foyers au sein des zones à risque. Ces observations
confirment le rôle joué par les palmipèdes domestiques, déjà suspectés d’être un réservoir
silencieux de virus à IAHP en Asie du Sud-Est après plusieurs études expérimentales comme
celles de Hulse-Post et al. (2005) mettant en évidence une potentielle réversion de la
pathogénicité des souches de virus à IAHP chez le canard, et celles de Sturm-Ramirez et al.
(2005) démontrant une absence de pathogénicité pour le canard de certaines souches
incriminée dans la panzootie. Ce constat explique en partie le maintien de l’infection dans
des pays comme la Chine, le Viêt Nam et le Bangladesh qui présentent à la fois un fort
développement de l’élevage de canards et une forte densité de peuplement humain et
d’élevages avicoles, comme le montre la figure 4.
20
Figure 4 : Cartographie du niveau de risque d’occurrence de l’Influenza Aviaire Hautement
Pathogène chez les volailles en Asie du Sud et du Sud-Est incluant les facteurs suivants :
densité de poulets domestiques, densité de canards domestiques, densité de peuplement
humain, présence d’élevages de canards (la barre de couleur est indicative de la gradation du
risque) (source : Gilbert et al. 2011).
En particulier, selon Gilbert et al. (2008) et Henning et al. (2009b), l’élevage de canards en
divagation sur les rizières fraichement moissonnées, qui est fortement pratiqué dans
certaines régions de la péninsule indochinoise, est un facteur de risque important de
circulation virale. En effet le virus subsistant relativement longtemps en milieu aquatique, le
pâturage de canards dans des étendues d’eau, comme ceux présentés par la figure 5 facilite
la contamination de l’environnement et la transmission à d’autres troupeaux.
21
Figure 5 : Élevages de canards de la province de Nam Định dans le delta du fleuve Rouge au
Viêt Nam, élevés en pâturage sur surface inondée en espace limité par un filet (a) ou en
ouvert (b) (Photographies : Alexis Delabouglise, 2011).
a)
b)
22
Martin et al. (2011) ont montré qu’en Chine, la densité de peuplement humain et de poulets
sont des facteurs de risque important d’apparition de foyers clinique, tandis que la densité
de canards et la proportion de surfaces recouvertes d’eau sont associées à la détection de
l’infection à l’IAHP par des tests systématiques dans le cadre d’une surveillance active. Cette
observation illustre bien les rôles respectifs des deux espèces : les palmipèdes domestiques
entretiennent silencieusement l’infection à l’IAHP, et ceux d’autant plus dans le cadre d’un
élevage en espace ouvert sur surfaces inondées, propice à une contamination de
l’environnement aquatique fréquenté par plusieurs troupeaux différents. Les poulets, eux,
révèlent la présence de l’infection en exprimant cliniquement les symptômes plus
intensément et plus fréquemment que le canard.
1.3 Le contrôle de l’IAHP par la vaccination
1.3.1 L’immunité vaccinale contre les influenzavirus chez les oiseaux
Les mécanismes de l’immunité vaccinale protégeant les oiseaux contre les infections aux
influenzavirus ont été résumés par Swayne et Kapczynski (2008) : l’immunité protectrice
mise en place suite à une infection à influenzavirus est encore mal connue, mais les vaccins
utilisés actuellement induisent une protection basée sur la réponse humorale, le retrait de la
bourse de Fabricius empêchant la mise en place de cette protection, comme démontré par
Chambers et al. (1988). Cette réponse humorale se caractérise par la production d’anticorps
IgY neutralisants dirigés contre l’hémagglutinine du virus considéré, prévenant ainsi la
liaison puis la pénétration du matériel viral dans la cellule. Cette immunité agit donc sur
plusieurs tableaux, en limitant le risque d’infection mais aussi en limitant la propagation de
l’infection au sein de l’organisme, l’expression de signes cliniques et l’excrétion du virus dans
l’environnement. Cependant, elle est spécifique de sous-type puisque les anticorps produits
se lient spécifiquement au type d’hémagglutinine de la souche utilisée pour produire le
vaccin.
D’autres études effectuées sur des modèles murins et résumées par Thomas et al. (2006) ont
cependant démontré un rôle non négligeable de l’immunité cellulaire dans le blanchiment
de l’organisme, notamment par l’action des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques, qui induisent
l’apoptose des cellules exprimant des protéines virales au niveau de leur complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH I) et en sécrétant des cytokines antivirales comme l’interféron ϒ.
Cette immunité cellulaire a l’avantage de ne pas être spécifique de sous-type puisqu’elle
repose sur la reconnaissance de protéines virales dont la structure est beaucoup plus
conservée d’un sous-type à l’autre. En revanche l’immunité cellulaire n’est pas
« stérilisatrice » puisqu’elle n’empêche pas l’infection de l’organisme. Des cas de protection
immunitaire croisée de poulets préalablement infectés par un virus H9N2 et présentant une
tolérance particulièrement élevée aux infections par H5N1 ont été rapportés à plusieurs
reprises, notamment en Israël par Khalenkov et al. (2008) et sont certainement liés à
l’immunité cellulaire.
23
Par ailleurs une étude menée par Kim et al. (2008) suggère un rôle de l’immunité cellulaire
dans la protection vaccinale des canards, mais cette hypothèse reste à démontrer et
l’immunité humorale spécifique de sous-type reste le facteur prépondérant dans la
limitation de la transmission du virus induite par la vaccination.
1.3.2 Les différents types de vaccins disponibles, leurs modes d’action et
inconvénients
Swayne et Kapczynski (2008) et Peyre et al. (2008) ont fait une revue des différents types de
vaccins contre l’Influenza à destination des volailles actuellement disponibles sur le marché.
Ils sont divisés en deux types :
- Virus complets inactivés : ils sont produits en général à partir de virus appartenant à
une souche faiblement pathogène du sous-type viral considéré, ce qui facilite leur
manipulation en laboratoire. Ils sont cultivés sur œufs de poulets embryonnés et
inactivés par le formol ou la β-propiolactone. Ces vaccins sont adjuvés, la plupart du
temps avec de l’huile minérale (par exemple de la paraffine), et un minimum de 2
injections à au moins 3 semaines d’intervalle sont recommandées, par voie
parentérale (sous-cutanée ou intramusculaire) pour obtenir une immunité durable.
On distingue les virus inactivés homologues, c'est-à-dire portant même
hémagglutinine et même neuraminidase que le sous-type viral ciblé par la vaccination,
ou hétérologues, qui possèdent la même hémagglutinine mais une neuraminidase
différente. L’avantage de ces derniers est qu’ils permettent une stratégie DIVA
(Differentiating Infected from Vaccinated Animals) c'est-à-dire la différenciation entre
infectés et vaccinés par un test sérologique identifiant les anticorps dirigés contre la
neuraminidase de la souche vaccinale ;
- Vaccins recombinants : leur utilisation est basée sur l’insertion de matériel génétique
de la souche d’IAHP ciblée dans un virus vecteur n’ayant pas d’effet pathogène sur
l’organisme. trois vaccins IAHP recombinants à destination des volailles ont été
développés jusqu’à présent, dans des objectifs différents :
� Le vaccin recombinant fowlpox: il est basé sur l’insertion d’ARN de virus
influenza H5 ou H7 dans le virus de la variole aviaire du poulet dit fowlpox. Il a
été utilisé en Chine, au Mexique et au Viêt Nam sur des Poulets ;
� vaccin recombinant H5N1 Re 1 développé et testé par Tian et al. (2005) : Il a
été créé par technologie dite de génétique inverse, c'est-à-dire par insertion
dans un échantillon de virus H5N1 à IAHP de la souche
A/goose/Guandong/1/1996, de plasmides hébergeant des gènes de la souche
A/Puerto Rico/8/34 (PR8) faiblement pathogène et à croissance rapide. La
souche recombinante obtenue est à croissance rapide et faiblement
pathogène, ce qui rend sa culture aisée, tout en étant antigéniquement très
proche des souches hautement pathogènes circulant en Asie du Sud-Est. Elle
24
est utilisée en vaccin après croissance sur œuf de poulet embryonné,
inactivation par le formol et ajout d’huile de paraffine comme adjuvant. Ce
vaccin a été utilisé à Hong-Kong, en République de Corée, en Chine, au Viêt
Nam et en Indonésie ;
� Le vaccin recombinant Newcastle-Influenza Aviaire, utilisé actuellement en
Chine : ce vaccin est basé sur l’insertion de matériel génétique de la souche
d’IAHP ciblée dans le virus de la maladie de Newcastle. Il permet une
immunisation simultanée contre les deux maladies.
1.3.3 Les objectifs de la vaccination contre l’IAHP
Les objectifs à atteindre et les conditions nécessaires préalables à l’implantation d’une
campagne de prophylaxie médicale contre l’IAHP ont fait l’objet d’études par Capua et
Marangon (2007), Dominguez et Dufour (2005a), Sims (2007) et reprises par Domenech et
al. (2009) pour établir les recommandations de l’OIE.
La vaccination peut être utilisée dans trois situations possibles :
- Dans un pays indemne d’IAHP, afin de protéger les secteurs d’élevage les plus à risque
d’introduction. On parle de prophylaxie médicale préventive. Elle n’est quasiment pas
utilisée à l’heure actuelle ;
- Lors de l’apparition d’une épizootie dans une région préalablement indemne. Il s’agit
alors d’une vaccination d’urgence qui se fait dans un certain rayon autour du ou des
foyers d’IAHP ;
- Dans une région d’enzootie, où la maladie se maintient malgré les mesures de lutte.
C’est ce dernier cas qui est étudié dans le présent ouvrage.
La mise en place d’une prophylaxie médicale pour combattre l’IAHP déjà présente sur le
territoire est recommandée dans des circonstances bien précises, correspondant à une
persistance de la maladie avec des répercussions lourdes pour la santé publique et
l’économie du pays, et une incapacité des services vétérinaires à contrôler la maladie par les
méthodes classiques de prophylaxie sanitaire telles que l’abattage total des volailles dans les
foyers d’IAHP, le contrôle des mouvements d’animaux et de leur commercialisation et
l’amélioration des pratiques de biosécurité des éleveurs. Dans cette situation, la vaccination
doit renforcer la protection des élevages, en s’ajoutant aux mesures de biosécurité. Elle a
donc un double objectif :
1. Limiter les pertes économiques des éleveurs et de l’État dans les régions touchées
par l’IAHP : dans les régions où l’IAHP est fortement présente et où une grande
partie des éleveurs ne possèdent pas les moyens de mettre en place des mesures
de biosécurité suffisantes, la probabilité d’infection des élevages est très haute.
Dans ces conditions une politique exclusive d’abattage total s’avère trop
pénalisante pour les producteurs et l’approvisionnement de la population en
25
produits avicoles. De plus les mesures de compensations représentent un coût
prohibitif pour le gouvernement. La vaccination, en renforçant la protection des
élevages, amortit cet impact financier ;
2. Limiter l’impact de l’IAHP sur la santé publique : en effet, les infections humaines
surviennent très majoritairement par contact entre professionnels de l’élevage de
volaille et oiseaux domestiques infectés. En limitant la circulation virale dans la
population aviaire domestique, la vaccination a donc un effet protecteur sur la
santé humaine. Par ailleurs la limitation de cette circulation virale limite les
risques d’apparition d’un nouveau variant capable de transmission inter-humaine
et donc potentiellement responsable d’une pandémie aux conséquences
catastrophiques.
On peut donc bien parler de prophylaxie médicale offensive, mais l’objectif visé n’est pas
l’éradication de la maladie, cette dernière n’étant considérée possible que par la détection
précoce et la neutralisation des foyers d’IAHP. L’usage de la vaccination obligatoire
intervient donc dans des pays aux moyens économiques limités, avec des services
vétérinaires peu développés et où la limitation des pertes économiques pour les éleveurs et
l’État intervient prioritairement sur l’éradication de la maladie.
1.3.4 Historique de l’utilisation de la vaccination contre l’IAHP
D’après Swayne et Kapczynski (2008), les premières campagnes de vaccinations
systématiques contre l’influenza aviaire ont été menées au Mexique à partir de 1993, contre
une épizootie de virus de sous-type H5N2 hautement pathogènes et faiblement pathogènes,
et ont permis, selon Villarreal (2009), un contrôle rapide de l’IAHP. Par la suite, elle a été
utilisée au Pakistan, à partir de 1995 contre une épizootie de H7N3 hautement pathogène.
La première prophylaxie médicale de masse pour lutter contre l’épizootie d’IAHP à H5N1
d’Asie du Sud-est de 2003 a été mise en place dans la région administrative spéciale de
Hong-Kong en 2002, la vaccination ayant été rendue obligatoire pour toutes les volailles
élevées et vendues dans le territoire. Cette politique semble avoir porté ses fruits puisque
l’IAHP a disparu de la région, bien que des apparitions de foyers sporadiques aient été
signalées à partir de 2008. La vaccination obligatoire a été ensuite implantée en Indonésie
(2003), Chine (2004), Viêt Nam (2005), Russie (2006), Egypte (2006), Inde (2006), Pakistan
(2006). Les vaccins utilisés dans ces différentes campagnes ont été d’abord le vaccin inactivé
H5N2 produit au Mexique puis d’autres vaccins à virus entiers inactivés produits par la suite,
à H5N1, H5N2 ou H5N9. Le vaccin inactivé recombinant Re1 cité plus haut a été introduit par
la suite à Hong-Kong, en République de Corée, en Chine, au Viêt Nam et en Indonésie.
26
1.4 Interrogations actuelles sur l’impact de la vaccination
1.4.1 Evolution et situation actuelle de l’IAHP dans différents pays en
fonction des mesures de contrôle implantées
D’après un état des lieux dressés par la FAO (2011a), parmi les pays ayant au recours à la
vaccination contre H5N1, seuls Hong Kong, le Pakistan et la Russie sont parvenus à éliminer
la maladie. La Russie présente des conditions environnementales défavorables à la
persistance du H5N1 et la zone de Hong Kong est avantagée par un nombre limité d’élevages
avicoles possédant des moyens financiers suffisants pour améliorer rapidement leur contrôle
sanitaire et leurs pratiques d’hygiène et de prévenir efficacement les introductions d’H5N1.
De ce fait le contrôle de l’IAHP y est nettement plus aisé.
En revanche, dans 4 pays ayant au recours à la prophylaxie médicale, la maladie se trouve
maintenant à l’état enzootique et son éradication ne semble pas envisageable à court terme.
Il s’agit de la Chine, du Viêt Nam, de l’Indonésie et de l’Egypte, ces deux derniers états ayant
présenté le plus grand nombre foyers aviaires et de cas humains d’IAHP en 2010, d’après la
banque de données de l’OIE (2011) et de l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO, 2011).
D’après Peyre et al. (2009), les résultats limités du programme de contrôle de l’IAHP par la
vaccination en Egypte sont à attribuer en partie à des défauts majeurs dans la planification
des campagnes de vaccination, la coordination des services vétérinaires, ainsi qu’au niveau
de formation médiocre du personnel en charge de la vaccination, soupçonné de favoriser la
dissémination du virus d’un élevage à l’autre en raison d’un manque de respect des règles
d’hygiène. Bien que ces défauts soient corrigibles, ces résultats relativement décevants
mettent en doute l’utilité réelle de la vaccination de masse comme moyen de contrôle de
l’IAHP.
Les pays en développement ayant contrôlé l’épizootie d’IAHP de manière particulièrement
efficace y sont parvenus en général en s’appuyant sur un réseau de surveillance efficace
couplé à des mesures d’abattage total rapidement appliquées dans les foyers d’IAHP. En
Thailande, d’après Tiensin et al. (2007), le programme de lutte basé sur le renforcement de
la surveillance passive et active de la maladie, notamment par des tests de détection
systématiques sur les animaux avant leur commercialisation ainsi qu’un contrôle très strict
des mouvements d’animaux d’une province à l’autre a abouti à la quasi-éradication de la
maladie en seulement une année. Au Nigéria, d’après Obi et al. (2009), l’action du
gouvernement s’est particulièrement focalisée sur une campagne de communication très
active couplée à des mesures de compensation adaptées, permettant une coopération
optimale des éleveurs au programme de surveillance et aboutissant à l’éradication de l’IAHP
en 2 ans.
Il faut cependant signaler que la Thailande, bien que présentant des facteurs de risque
importants, avec une production importante d’oiseaux aquatiques associée à une densité
humaine élevée dans le centre du pays, dispose d’avantages évidents par rapport à d’autres
27
pays d’Asie du Sud-Est, tels que des moyens financiers relativement importants ainsi qu’une
part importante du secteur avicole industriel à haut niveau de biosécurité.
1.4.2 Considérations actuelles sur l’utilisation de la vaccination
1.4.2.1 Un programme vaccinal à adapter à chaque pays et à
repenser régulièrement
Selon Domenech et al. (2009), la vaccination doit être impérativement couplée à un contrôle
basé sur la surveillance de la circulation virale de l’IAHP ainsi qu’une surveillance sérologique
des volailles basée sur des tests sérologiques réguliers sur un échantillon d’animaux de la
population ciblée afin d’évaluer l’efficacité et l’effet réel des campagnes vaccinales. Cette
surveillance couplée à la vaccination, effectuée régulièrement en Chine et au Viêt Nam, doit,
selon la FAO, permettre aux gouvernements de faire régulièrement le bilan des campagnes
vaccinales, identifier leurs points faibles ainsi que les secteurs à risque et, le cas échéant,
réadapter le programme vaccinal en tenant compte des observations rapportées. Une
option intéressante, afin de limiter les coûts financiers pour les États concernés, est de
limiter la vaccination des volailles aux populations les plus à risque, parce que localisées dans
des zones géographiques à forte circulation virale ou appartenant à des secteurs d’élevage
sensibles. Cette politique de ciblage des populations à risque a été adoptée en Chine et en
Indonésie puis plus tard au Viêt Nam.
1.4.2.1 Le risque d’infection silencieuse induit par la
vaccination
Cependant, beaucoup d’observations suggèrent un effet négatif de la vaccination sur la
sensibilité de la surveillance de l’IAHP. Certains essais cliniques en conditions contrôlées
comme ceux de Kim et al. (2008) et Pfeiffer et al. (2010) ont montré que sous certaines
conditions, notamment en cas de réponse immunitaire incomplète due à un sous-dosage ou
à un vaccin de qualité altérée, la vaccination favoriserait une infection sub-clinique à l’IAHP,
avec une symptomatologie absente ou fruste, et un taux de mortalité très bas dans
l’élevage, le virus passant alors inaperçu tout en étant excrété dans l’environnement par les
animaux porteurs sains.
Cette possible circulation silencieuse due à la vaccination est un des arguments majeurs en
défaveur de la vaccination mais son importance reste à démontrer par des études de terrain.
Selon Domenech et al. (2009), les États doivent redéfinir les critères de suspicion de l’IAHP
dans les élevages vaccinés en adoptant une définition plus large d’un cas et en abaissant le
seuil de mortalité permettant de suspecter l’IAHP, ce qui n’a pas été fait systématiquement,
notamment au Viêt Nam. Pour pallier le manque de sensibilité de la surveillance passive, une
surveillance active peut être initiée, mais elle ne peut être faite que sur un échantillon de la
population de volaille.
28
1.4.2.2 La nécessité d’aboutir à une stratégie de sortie
Capua et Marangon (2007) ont souligné que la vaccination ne doit pas se concevoir dans une
optique de durabilité. Elle est mise en place dans l’objectif de limiter les conséquences
économiques et sanitaires de l’IAHP durant le temps nécessaire au développement des
services vétérinaires et à l’amélioration des pratiques du secteur avicole relatives à la
biosécurité. Une fois ce développement suffisant pour permettre d’envisager l’éradication
de la maladie, la vaccination doit être progressivement retirée du dispositif de contrôle.
Cependant, il est aussi envisageable que la vaccination ait un effet limitatif sur ce
développement des pratiques d’hygiène. On peut en effet raisonnablement penser qu’un
éleveur, se considérant comme protégé par la vaccination, est moins enclin à améliorer la
protection sanitaire de ses volailles par d’autres moyens.
1.4.2.3 Les contraintes posées par les dérives génétiques
Une autre contrainte liée à l’utilisation de la vaccination, soulignée par Swayne et Kapczynski
(2008) et Domenech et al. (2009), est la possibilité d’une émergence de nouvelles souches
sous l’effet de la pression vaccinale. Des souches mutantes antigéniquement éloignées de la
souche vaccinale et par conséquent non neutralisés par les anticorps induits par la
vaccination, peuvent être sélectionnés. Ce phénomène a été observé au Mexique, où une
souche mutante de H5N2 faiblement pathogène échappant à l’immunité vaccinale induite
par le vaccin inactivé H5N2 utilisé est progressivement devenue enzootique.
Cette possibilité de perte d’efficacité de la vaccination due à des dérives génétiques oblige
les États pratiquant la vaccination à maintenir une surveillance intensive de la circulation
virale et à séquencer régulièrement les virus isolés afin de détecter l’apparition de nouvelles
souches et de tester l’efficacité du vaccin utilisé sur celles-ci. Elle implique également que
ces États puissent, le cas échéant, remplacer le vaccin utilisé par un autre mieux adapté aux
nouveaux variants. Pour exemple, en Chine, d’après Swayne et Kapczynski (2008) et Chen
(2009), des variants de H5N1 échappant à la vaccination ont été détectés dès 2006 alors que
la vaccination n’y a été implantée qu’en 2004. La Chine dispose de moyens industriels
suffisants pour assurer son propre approvisionnement en vaccins et de nouveaux vaccins
recombinants incluant les antigènes des souches résistantes y sont régulièrement
synthétisés par technologie de génétique inverse. Cependant, il n’en est pas de même dans
d’autres pays comme le Viêt Nam qui est entièrement dépendant des apports de vaccins
synthétisés en Chine.
Bien qu’encore présenté comme la solution la plus adaptée aux pays les plus désavantagés
dans la lutte contre l’IAHP, l’usage de la vaccination de masse est donc de plus en plus remis
en question. Dans ce contexte, il apparaît fondamental de faire une évaluation exhaustive
des campagnes de vaccination afin de déterminer leur impact réel en termes de protection
des populations de volailles, de limitation de la circulation de l’IAHP et de conséquences
socio-économiques.
29
2 Evaluer l’impact d’un programme de vaccination contre l’IAHP : revue des
outils et méthodes envisageables
La première étape d’une évaluation d’impact d’une campagne de vaccination est de lister les
outils et les méthodes d’évaluation utilisables dans le cas de la maladie étudiée, en
s’inspirant des approches appliquées dans d’autres évaluations semblables.
2.1 Les différents objectifs de l’évaluation d’une campagne de vaccination
L’impact de la vaccination peut se mesurer selon différentes approches:
- La capacité des campagnes vaccinales à conférer une couverture immunitaire protective
à la population ciblée. Le terme anglais utilisé pour caractériser cette approche est
« vaccination efficacy ». On utilisera ici le terme de protection vaccinale.
- L’impact réel de la vaccination sur l’épidémiologie du virus H5N1, son niveau de
prévalence ainsi que sa capacité de propagation. Le terme anglais utilisé pour
caractériser cette approche est « vaccination effectiveness ». On utilisera ici le terme
d’impact vaccinal.
- L’impact social de la vaccination : le comportement des éleveurs vis-à-vis de la maladie et
leur degré de coopération avec l’administration sanitaire du pays.
- L’impact économique doit être également évalué en estimant le coût engendré par la
mise en œuvre du programme vaccinale et à quels échelons ces charges sont supportées.
Seules les deux premières approches seront traitées ici, protection vaccinale et impact
vaccinal car elles seules sont directement en lien avec l’étude présentée par la suite.
2.2 Quels outils pour quels objectifs
2.2.1 Evaluation de la protection vaccinale
2.2.1.1 Les différents paramètres
L’évaluation de la protection vaccinale peut se faire par la mesure de quatre différents
paramètres :
- La couverture vaccinale : la proportion d’individus de la population cible qui ont été
vaccinés ;
- L’efficacité de l’injection vaccinale : elle correspond à la mesure du taux de
séroconversion (production d’anticorps dirigés contre H5) des oiseaux effectivement
vaccinés, un mois après la vaccination. Elle est indicatrice de l’efficacité de l’injection
vaccinale effectuée à induire une réponse immunitaire chez l’oiseau ;
- L’efficacité de la mise en œuvre de la vaccination : elle correspond à la mesure du taux de
protection de la population (couverture vaccinale réelle) avec la mesure du taux de
séroconversion d’un échantillon aléatoire représentatif de la population cible 1 mois
après vaccination ;
30
- L’efficacité de la stratégie vaccinale : elle correspond à la mesure du taux de protection
par séroconversion de la population cible sur l’année entière (et non à un temps défini
après vaccination). Elle est donc indicatrice du niveau de protection réel conféré par la
vaccination.
2.2.1.2 Mise en œuvre pratique
La couverture vaccinale théorique doit se mesurer par des enquêtes réalisées directement
auprès des éleveurs, car les données officielles peuvent parfois être en contradiction avec la
réalité. Les mesures de taux de séroconversion doivent se faire au moyen de campagnes
dites de « surveillance sérologique », c'est-à-dire de prélèvements sanguins sur des
échantillons supposés représentatifs de la population de volailles de chaque province ciblée
par la vaccination. Ces prélèvements font l’objet d’analyses sérologiques, soit par ELISA soit
par Inhibition de l’Hémagglutination, visant à déterminer le taux d’anticorps dirigés contre
les antigènes des virus H5 présents chez l’animal prélevé.
2.2.1.3 Critères de protection
Il convient de déterminer une proportion seuil d’animaux positifs en sérologie pour
considérer la population cible comme protégée ou non. Ce seuil de protection dépend des
propriétés épidémiologiques propres de l’agent pathogène considéré mais aussi de la
population considérée, sa densité et sa fréquence de contacts entre individus. Le paramètre
considéré est le nombre de reproduction R0 qui correspond au nombre moyen d’infections
secondaires engendrées par un individu infecté dans une population non protégée. La
proportion d’individus protégés doit être égale à 1-1/R0 pour permettre le contrôle de la
maladie. Les études expérimentales ont démontré qu’une population de poulets pouvait
être considérée protégée à un seuil de 60% (Bouma et al., 2009) ce qui correspond à un R0
de 2,5. Cependant, une étude de terrain de Magalhaes et al. (2010b), conduite sur des
élevages Viêt Namiens non vaccinés infectés, a permis l’estimation d’un nombre de
reproduction réel R0 au sein d’un troupeau pouvant varier de 1 à 4.
Deux unités épidémiologiques peuvent être considérées :
- L’unité individuelle « oiseaux » ;
- L’unité « lot » qui est habituellement considérée protégée si le HIT (Herd Immunity
Threshold ou seuil de protection du troupeau) est atteint, à savoir si 70% des animaux
sont positifs et si le GMT (Geometric Mean Titer ou titre moyen géométrique) est d’au
moins 20. Ce critère a été utilisé la première fois de manière empirique par Ellis et al.
(2004) lors des premiers suivis sérologiques post-vaccinaux menés à Hong-Kong en 2002
et est depuis couramment utilisé lors des suivis sérologiques des campagnes de
vaccination IAHP. La proportion seuil de 70% est inspirée des normes européennes sur
les vaccins édictées par le Committee for Proprietary Medicinal Product (CPMP) (1997).
31
2.2.2 Evaluation de l’impact vaccinal
2.2.2.1 Utilisation des données de la surveillance passive
Ces données reposent sur le décompte des foyers déclarés dans des élevages, suite à
l’apparition de la maladie. Elles permettent d’identifier la présence de l’agent pathogène
dans une zone donnée à un moment précis et d’étudier la propagation de l’épizootie. La
surveillance passive repose en général sur le report d’une suspicion d’infection d’un élevage
aux services vétérinaires par l’intermédiaire du vétérinaire local ou du Community Animal
Health Worker (CAHW). Les animaux suspects font ensuite en général l’objet d’un test de
confirmation. Les données de la surveillance passive sont en général faciles à obtenir si elles
font l’objet d’une centralisation au niveau national.
Différents paramètres visant à évaluer l’épidémiologie de la maladie peuvent être calculés
sur la base du report des foyers :
- Le nombre de reproduction R : il est calculé en général en faisant le produit du taux
de transmission par la durée de la période infectieuse de l’unité considérée observée
lors d’une épizootie. C’est un paramètre crucial pour évaluer la capacité de
transmission d’une maladie et pour juger si une épizootie est sous contrôle (R
inférieur à 1) ou non (R supérieur à 1). Ce paramètre a été utilisé par Mulatti et al.
(2010) pour évaluer l’impact de la vaccination contre une souche d’influenza aviaire
faiblement pathogène en Italie de 2000 à 2005, ainsi que par Perez et al., (2004) dans
l’évaluation de l’impact de la vaccination contre une épizootie de fièvre aphteuse en
Argentine en 2001, et enfin par Walker et al. (2010) et Minh et al. (2011) dans l’étude
de la propagation de l’épizootie d’IAHP au Viêt Nam, dans le nord du Viêt Nam et le
delta du Mékong respectivement. Les paramètres nécessaires à son calcul sont :
� Période infectieuse d’un foyer : bien qu’elle soit relativement aisée à estimer
au niveau individuel, en conditions expérimentales, son appréciation s’avère
beaucoup plus difficile sur des unités épidémiologiques plus grandes comme
les bandes d’oiseaux ou les communes puisque leurs périodes d’infection sont
influencées par différents facteurs comme la taille de la population d’oiseaux,
la probabilité de détecter la maladie dans l’élevage et le délais avant
d’implanter une mesure d’éradication de l’infection. La période d’infectiosité
est habituellement obtenue en déterminant le moment de l’infection et le
moment de l’abattage de la bande considérée. Le moment où la bande devient
infectieuse s’obtient en ajoutant le temps de latence, issu des données
expérimentales, au moment de l’infection de la bande ;
� taux de transmission : la principale contrainte dans le calcul de ce paramètre
est le besoin d’établir un lien entre l’infection de deux unités
32
épidémiologiques, ce qui requiert une analyse spatio-temporelle. La première
nécessité est de localiser géographiquement les unités considérées soit grâce
aux données officielles soit au moyen de géo-référencement par satellite,
comme effectué par Minh et al. (2011). Mulatti et al. (2010) et Walker et al.
(2010) ont utilisé une fonction K pour décrire l’interaction spatio-temporelle
du risque d’infection et un modèle validé par une approche bayésienne pour
quantifier le taux de transmission et le nombre de reproduction. Perez et al.
(2004) ont utilisé le taux de croissance du nombre de foyers, combiné avec la
durée moyenne de la période infectieuse pour obtenir le nombre de
reproduction ;
- Facteurs de risque de déclaration d’un foyer : une autre possibilité est d’évaluer
l’impact de différents facteurs comme la vaccination sur le risque d’une unité
épidémiologique de déclarer un foyer, par exemple à travers une étude cas-témoin
comme celle de Henning et al. (2009a) dans le delta du Mékong. Il est possible
d’ajouter une composante temporelle en faisant une analyse de survie qui correspond
à la probabilité pour une bande d’animaux de rester non infectée durant un certain
délai, en fonction de différents facteurs temps-dépendants, comme la distance de
l’élevage infecté le plus proche. Un effet protecteur de la vaccination peut alors être
révélé par une augmentation de cette probabilité de survie. Cette méthode a été
appliquée par Busani et al. (2009) dans l’évaluation de l’impact vaccinal contre
l’influenza aviaire faiblement pathogène en Italie de 2000 à 2005. Récemment Martin
et al. (2011), pour évaluer l’impact de la vaccination contre l’IAHP en Chine, ont utilisé
une analyse spatiale du risque en étudiant l’influence du facteur vaccination sur la
probabilité de déclaration de foyers dans une province.
2.2.2.2 Utilisation des données de la surveillance active
Elles reposent sur les résultats d’études visant à évaluer la présence ou la prévalence d’une
maladie en recherchant directement l’agent pathogène sur un échantillon représentatif de la
population concernée. Dans le cas où le vaccin employé est synthétisé à partir d’une souche
hétérologue permettant ainsi une stratégie DIVA, la surveillance active peut s’effectuer par
des tests sérologiques réguliers sur un échantillon représentatif de la population de volailles.
Dans le cas contraire deux méthodes peuvent être retenues :
- La surveillance clinique et sérologique des « oiseaux sentinelles » : dans un
échantillon représentatif de lots de volailles, des oiseaux sont volontairement gardés
non vaccinés et font l’objet d’un suivi clinique et de tests sérologiques réguliers. Ces
oiseaux étant non vaccinés un test sérologique positif signe alors une infection. Cette
méthode a notamment été recommandée par la FAO pour la surveillance de l’IAHP
dans les pays utilisant la vaccination, d’après Domenech et al. (2009) ;
33
- La détection directe du virus : elle consiste à diagnosticr l’infection virale à partir
d’écouvillons cloacaux ou oro-pharyngés par un isolement du virus vivant complétée
par un éventuel séquençage de son génotype, ou par une détection de l’ARN viral par
RT-PCR. L’inconvénient de la détection directe du virus est la nécessité, pour mettre
en évidence l’infection, d’effectuer le test durant la période d’excrétion virale dont la
durée est relativement limitée dans le cas de l’IAHP, 17 jours au maximum chez le
canard d’après Hulse-Post et al. (2005).
Par ailleurs 2 stratégies de surveillance sont possibles :
- Surveillance virale sur un échantillon représentatif d’élevages de volailles, de la région
concernée afin d’estimer la prévalence réelle de l’infection ;
- Surveillance virale ciblée sur les zones à risque de circulation virale, comme les marchés
de volailles vivantes ou les abattoirs (à risque en raison du fort taux de contacts entre
oiseaux de différents élevages), ou les élevages non vaccinés ou à faible niveau de
biosécurité afin d’augmenter la probabilité de détecter l’infection si elle est présente
dans la région. Ce type de surveillance ne permet pas d’estimer la prévalence réelle de
l’IAHP mais permet au moins de mettre en évidence l’existence de l’infection dans une
région avec le maximum de sensibilité, et les résultats peuvent être mis à profit comme
indicateurs du niveau de circulation virale permettant une comparaison entre zones
géographiques ou de suivre son évolution au cours du temps.
3 Evaluer l’impact de la vaccination contre l’IAHP au Viêt Nam : contexte,
résultats et limites des évaluations conduites jusqu’à présent
3.1 Le secteur avicole au Viêt Nam
3.1.1 Importance de la production avicole au Viêt Nam
Le Viêt Nam est un pays très densément peuplé, avec 87 millions d’habitants en 2010 pour
une superficie de 341 690 km² soit une densité de peuplement 2,3 fois plus élevée que la
France. Le PIB/habitant est de 1100 USD/hab, le revenu moyen est considéré comme étant
dans la moyenne inférieure selon les critères de la banque mondiale et l’espérance de vie est
estimée à 75 ans (World Bank, 2010).
D’après Desvaux et al. (2008), en 2006 70% de la population vivait en milieu rural. Le secteur
agricole, bien que ne représentant que 20% du PIB, employait les deux tiers de la population
active en 2007. La production agricole, essentiellement tournée vers la riziculture, est
principalement localisée dans les deux régions « paniers à riz » que sont le delta du fleuve
Rouge au nord et le delta du fleuve Mékong au sud.
34
L’élevage avicole tient une place prépondérante dans l’agriculture vietnamienne. En 2006, 8
millions de fermes soit 90% des foyers ruraux, élevaient des volailles d’après Desvaux et al.
(2008). La production annuelle de volaille était alors de 321 890 tonnes de viande et 3,9
milliard d’œufs par an, et la population de volaille était évaluée à 214 millions de têtes, dont
73% de poulets, et 27% d’oiseaux aquatiques. Ces 60 millions d’oiseaux aquatiques d’élevage
sont principalement des canards domestiques et une minorité de canards de barbarie,
faisant du Viêt Nam un des premiers producteurs de canards mondiaux avec la Chine (les
deux pays représentent 70% de la production mondiale de canards) selon Schuft (2009).
3.1.2 Découpage administratif et services vétérinaires du Viêt Nam
Le Viêt Nam est découpé en 60 provinces et 5 municipalités, elles-mêmes découpées en
districts puis en communes, indiquées par la figure 6(b).
Les régions administratives, au nombre de 7, présentées par la figure 6(c), sont des
ensembles de provinces présentant des caractéristiques géographiques communes en
termes d’environnement, de densité de peuplement et d’aménagement du territoire.
35
Figure 6 : Cartographie du Vietnam : topographique du Viêt Nam (a), carte des provinces du
Viêt Nam (b), carte des régions administratives du Viêt Nam (c).
(Source : Wikipedia. Provinces of Vietnam. http://en.wikipedia.org/wiki/Provinces_of_Vietnam)
a) Carte de la topographique du Viêt Nam
36
b) Carte des provinces du Viêt Nam
37
c) Carte des régions administratives du Viêt Nam :
A la tête des services vétérinaires se trouve le Département de la Santé Animale (DAH) basé
dans la capitale, Hanoi. Les responsabilités locales sont déléguées aux sous-DAH de chaque
province puis aux Services Vétérinaires de Districts (DVS).
3.1.3 Caractéristiques du secteur avicole au Viêt Nam
Les services vétérinaires Viêt Namiens utilisent généralement une classification des fermes
avicoles sous le terme de « secteurs », définis à la fois par le niveau de biosécurité (critères
FAO) et leur importance économique et numérique. Selon Desvaux et al. (2008) et les
données d’Agrifood Consulting International (2006) on en dénombre habituellement 4
auxquels s’ajoute, dans le cas du Viêt Nam, le secteur transhumant.
38
- Le secteur 1 : ce secteur dit industriel intégré est caractérisé par des conditions
d’élevage intensives dans un objectif de commercialisation à grande échelle, souvent
destinée à la grande distribution ou à l’exportation. Ce sont en général des fermes de
très grande taille (plus de 2000 têtes par cycle de production) appartenant à l’État ou
à des groupes industriels étrangers. Selon les données de 2006, ces fermes
représentent moins de 0,1% des élevages et 18 à 20% de la production nationale de
poulets. La conduite d’élevage dans ces fermes obéit à des consignes d’hygiènes
standardisées et le niveau de biosécurité est très élevé ;
- Le secteur 2 : ce secteur dit commercial présente un niveau de biosécurité moyen à
haut, une logique de commercialisation par la grande distribution et une stricte
séparation des volailles de l’environnement (autres élevages et oiseaux sauvages) ;
- Le secteur 3 : ce secteur dit semi-commercial est caractérisé par un niveau de
biosécurité bas à minimal, des animaux ou produits d’animaux commercialisés dans
des marchés de volailles vivantes et un non respect de la stricte séparation des
oiseaux et de l’environnement ;
Les secteurs 2 et 3 représentent environ 10 à 20% des élevages de poulets et 25 à 30
% de la production nationale de poulets ;
- Le secteur 4 : ce secteur est dit villageois ou de basse-cour, et regroupe des fermes
de petite taille (moins de 50 têtes par cycle), avec un niveau de biosécurité minimal.
En règle générale, les volailles de secteur 4 sont élevées en divagation, sans apport
de nourriture spécifique. Ce secteur représente environ 80 à 90% des élevages de
poulets et aux alentours de 55% de la production nationale de poulets. ;
- Le secteur dit transhumant est un secteur particulier spécifique à l’élevage de
canard, qui est surtout représenté dans le sud du Viêt Nam, dans le delta du Mékong.
Les élevages de ce secteur sont de taille assez importante, de 200 à 400 animaux,
mais pouvant aller jusqu’à 3 000. Les canards sont changés de lieu de pâturage
régulièrement, suivant le rythme de la récolte du riz, qui varie d’une région à l’autre,
les canards pâturant dans les rizières à peine récoltées afin de profiter des restes des
moissons. Les élevages transhumants représentaient en 2006 plus de la moitié de la
population de canards d’après Schuft (2009). Du fait de leurs mouvements
importants, ils représentent un facteur de risque de dissémination d’agents
pathogènes dans l’environnement et dans les élevages avec lesquels ils entrent en
contact d’après Minh et al. (2010).
L’élevage des grands parentaux et parentaux et la production de poussins et de canetons de
1 jour sont assurés par des fermes d’état et des élevages industriels en nombre restreint ou
par des petits élevages commerciaux possédant un couvoir intégré. Cependant, beaucoup
d’élevage du secteur 4 fonctionnent majoritairement par auto-renouvellement de leur
cheptel.
39
L’élevage avicole vietnamien se caractérise par une part importante des palmipèdes, en
grande majorité des canards et canards de Barbarie, qui représentent 25% des élevages
avicoles et une majorité d’élevages appartenant au secteur 4 dit villageois, avec des
conditions de biosécurité médiocres.
3.1.4 Particularités géographiques du secteur avicole au Viêt Nam
Selon Schuft (2009), l’élevage avicole est représenté dans tout le Viêt Nam mais présente de
fortes disparités spatiales. La densité d’élevages est la plus importante dans le delta du
fleuve Rouge et le delta du fleuve Mékong, les régions des hauts-plateaux du sud et des
montagnes du nord présentant les densités les plus faibles en élevages de volailles comme
illustré par la figure 7.
Par ailleurs, le sud du Viêt Nam se caractérise par une proportion plus importante d’élevages
industriels, commerciaux et semi-commerciaux par rapport au nord du pays. Comme
mentionné plus haut, l’élevage de canards transhumant saisonnier est pratiqué très
majoritairement dans la région du delta du Mékong.
Figure 7: Répartition spatiale des élevages de poulets (a) et de canards (b) au Viêt Nam
Chaque point représente un élevage. À gauche : industriels (en rouge) ou commerciaux
moyens (en vert). Au centre : petits commerciaux. À droite : villageois.
(source : Sims L.D. et Dung D.H. 2009)
a) Répartition spatiale des élevages de poulets
40
b) Répartition spatiale des élevages de canards
3.2 L’épizootie d’IAHP au Viêt Nam
3.2.1 Chronologie de l’épizootie et situation actuelle de l’IAHP au Viêt Nam
L’épizootie d’IAHP à H5N1 a frappé le Viêt Nam en continu, de 2003 à 2010 avec quelques
vagues majeures de foyers localisées temporellement et spatialement, documentées par
Pfeiffer et al. (2007), Minh et al. (2009), et la FAO (2011a) et représentées par la figure 8:
- La première vague épizootique, de loin la plus destructrice, a eu lieu durant l’hiver
2003-2004, et a abouti à l’abattage de 40 millions de volailles, une destruction
massive voulue par le gouvernement afin d’enrayer sa propagation. Elle s’est
étendue tout le long de l’année 2004 occasionnant des cas sporadiques ;
- Une deuxième vague de foyers a eu lieu durant l’hiver 2004-2005, suivie de foyers
sporadiques tout le long de l’année 2005. Le nombre de cas humains d’IAHP atteints
en 2005 (61 cas dont 19 mortels) reste le plus élevé jamais atteint par un pays sur
une année ;
- Une troisième vague a frappé principalement le nord du pays à la fin de l’année
2005 ;
- Aucune vague épizootique majeure n’est survenue en 2006, et aucun cas humain n’a
été rapporté ;
41
- Une quatrième vague épizootique, principalement localisée au sud du pays, est
survenue durant l’hiver 2006-2007, suivie de foyers sporadiques ;
- Une dernière vague majeure a frappé le nord du Viêt Nam en mai-juin 2007.
Tout au long de la période 2003-2007, les vagues de foyers successives ont progressivement
réduit en intensité : de 45 millions de poulets abattus pendant la première épizootie de
2003-2004, le Viêt Nam est passé à 99 000 lors de la quatrième vague de 2006-2007. Par
ailleurs le nombre de cas humains est passé de 61 en 2005 à 7 en 2010. Depuis, on observe
régulièrement l’apparition de foyers, regroupés principalement pendant la période hivernale
des festivités du Têt (nouvel an lunaire vietnamien) caractérisée par un important
mouvement de volailles destinées à la vente.
Figure 8 : Variation temporelle et répartition géographique de l’IAHP au Vietnam de2003 à
2010 (source : FAO 2011) :
a) Évolution du nombre de foyers déclarés d’IAHP au Viêt Nam entre 2003 et 2010 (le
nombre de foyers aviaires est indiqué en couleur rouge, le nombre de cas humains en
gris, le nombre de cas humains par année est indiqué en haut à droite). Nb : « Tet
période » fait référence à la période des festivités traditionnelles du Têt.
42
b) Répartition du nombre de foyers d’IAHP localisés chez les volailles au Vietnam à
différentes périodes (chaque foyer est identifié par un point rouge)
L’IAHP est donc toujours présente dans le pays, subsistant à l’état enzootique, et la
population de canards d’élevage, très importante au Viêt Nam, est fortement soupçonnée
de jouer le rôle de réservoir du virus. La détection de la maladie est en effet beaucoup moins
aisée dans cette espèce souvent porteuse asymptomatique, et néanmoins excrétrice du
virus. De plus une augmentation du nombre d’infections déclarées dans des élevages de
canards sur le nombre total d’infections a été observée dans le nord entre 2004 et 2007,
passant de 30% à 70% d’après Walker et al. (2010) ce qui laisse à penser que, du fait des
mesures de contrôle et de surveillance, l’infection se maintient principalement dans les
populations dans lesquelles sa détection est la moins aisée.
Les principaux clades de H5N1 à l’origine des foyers d’IAHP identifiés au Viêt Nam ont été
récapitulés par Wan et al. (2008):
- Le clade 5 : a été identifié dans le nord en 2003 ;
- Le clade 1 : principal clade identifié lors des épizooties de 2003 à 2005. D’abord
localisé dans tout le pays, il a été progressivement supplanté dans le nord par les
clades 2.3.4 et 2.3.2 et semble désormais restreint au sud ;
- Le clade 2.3.4 : a fait son apparition dans le nord en 2007 ;
- Le clade 2.3.2 : est apparu dans le nord en 2005 et semble être désormais le clade
dominant dans le nord du pays, d’après Inui et Nguyen (2011).
43
3.2.2 Impact sanitaire et socio-économique de l’IAHP au Viêt Nam
Depuis son apparition en 2003 jusqu’en 2010, l’IAHP a causé au Viêt Nam, d’après les
données de l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO, 2011), 119 infections humaines dont
59 mortelles. La grande majorité de ces infections a eu lieu à la suite de contacts entre les
sujets et des volailles reconnues infectées, malades ou mortes.
Selon Schuft (2009) les conséquences économiques de l’IAHP se chiffrent à plusieurs
niveaux :
- Perte de production due à la maladie elle-même ainsi qu’à l’abattage massif des
volailles ;
- Perte de débouchés commerciaux du secteur volaille due à la méfiance des
consommateurs vis-à-vis des produits d’origine avicole, entrainant une diminution
des prix de vente ;
- Coûts liés à la mise en place des mesures de contrôle.
D’après le rapport d’Agrifood Consulting International (2006) le secteur le plus touché par
les premières épizooties, en termes de pourcentage de pertes de volaille, a été le secteur 3,
c'est-à-dire semi-commercial à faible niveau de biosécurité. Les éleveurs de ce secteur étant
pour la plupart spécialisés dans la production avicole qui représente un investissement
important pour eux, la destruction de leur élevage représente une perte économique grave,
et les débouchés commerciaux se sont considérablement réduits pour ces producteurs, en
raison de la fermeture des grands marchés de volailles urbains.
3.3 Les mesures de lutte contre l’IAHP introduites au Viêt Nam
Selon Taylor et Dung (2007) pendant la première vague épizootique, les mesures de contrôle
se sont principalement focalisées sur une politique d’abattage particulièrement agressive,
avec la destruction de tous les cheptels de volaille dans un rayon de 5 km autour de chaque
foyer déclaré. L’indemnité versée aux propriétaires des élevages détruits était de 5000 VND
(environ 17 centimes d’euro) par volaille abattue, ce qui ne couvrait qu’une faible part de la
valeur réelle de l’animal, le prix moyen de la viande étant estimé aux alentours de 10 000
VND/kg pour les poulets et 15 000 VND/kg pour les canards par Agrifood Consulting
International (2006) (pour référence 1 EUR = 30 000 VND environ).
D’après Taylor et Dung (2007), Schuft (2009) et Sims et Dung (2009), de 2004 à 2007,
d’autres mesures de lutte ont été introduites :
- L’obligation pour les éleveurs de déclarer le mouvement d’un troupeau de volailles
d’une province à l’autre aux services vétérinaires ;
- Les mesures d’abattage d’urgence ont été peu à peu allégées, avec l’abattage des
oiseaux limité aux seuls élevages déclarés infectés et une restriction des mouvements
de volailles dans les autres élevages de la commune. Par ailleurs, le niveau des
44
indemnités a été progressivement augmenté pour atteindre maintenant 70% de la
valeur commerciale de l’animal abattu. Cependant, en fonction des provinces, le
montant réel de cette compensation et son délai avant versement restent aléatoires ;
- Dans les 15 villes les plus importantes du pays, la vente de volailles vivantes a été
interdite, afin de limiter les flux et échanges commerciaux d’oiseaux vivants ainsi que
les contacts entre humains et volaille ;
- la couvaison d’œufs de palmipède a été totalement interdite en 2005, en raison du
risque majeur présenté par l’élevage d’oiseaux d’eau. Cette interdiction a été ensuite
levée en 2007. Cependant un grand nombre de reproducteurs de canards ont
continué leur activité illégalement pendant la période d’interdiction ;
- L’amélioration des pratiques d’élevage a été encouragée par des campagnes
d’information, en vue d’augmenter le niveau moyen de biosécurité des fermes de
volailles.
A ces mesures de contrôle s’est rajoutée l’instauration de la vaccination obligatoire à partir
de 2005.
3.4 Description du programme de vaccination obligatoire
NB : les informations suivantes proviennent directement d’entretiens avec des représentants
du Département de la Santé Animale (DAH) basé à Hanoi.
Les campagnes nationales de vaccination obligatoire ont été introduites en 2005, et ont
constitué jusqu’en 2011 l’investissement majeur au Viêt Nam dans la lutte contre l’IAHP.
3.4.1 Zones géographiques concernées
Initialement, la vaccination de masse a été implantée dans l’ensemble du pays, chaque
province étant chargée de définir les zones ciblées, sur la base de critères de risque
préalablement établis par le Département de la Santé Animale, comme la densité de volaille,
la présence d’étendues d’eau, la proximité des axes de circulation et la détection antérieure
de foyers d’IAHP. Par la suite, en 2009, la vaccination a été réduite aux régions les plus à
risque, principalement dans le delta du fleuve Mékong, le delta du fleuve Rouge et la partie
littorale du pays, comme l’illustre la figure 9.
45
Figure 9 : Carte figurant les provinces faisant l’objet du plan
de vaccination obligatoire à partir de 2009 (en rouge). Les
provinces les plus à risque figurent en rouge foncé (source :
Van Dang Ky, 2010).
3.4.2 Espèces et types de production concernées
Dans les zones concernées, la vaccination est obligatoire pour les canards et les poulets, et le
programme vaccinal est exactement identique pour les deux espèces quel que soit le type de
production (œufs ou volaille de chair) et l’étage de la filière (production, parentaux et
grands-parentaux).
Cependant, les poulets de chair à cycle très court ne sont normalement pas inclus dans la
campagne étant donné la période restreinte entre l’âge requis à la vaccination (15 jours) et
la date de leur abattage (45 jours), sans compter la durée nécessaire au développement de
leur immunité. En revanche, les poulets de chair à période plus longue (2 à 3 mois) sont eux
vaccinés.
Les canards de Barbarie, dont la population est relativement importante, ont été pendant un
temps exclus de la vaccination afin d’être utilisés comme oiseaux sentinelles permettant de
révéler l’infection lors du passage du virus dans une zone donnée. Cependant, le programme
vaccinal a finalement été étendu à cette espèce à partir de 2007.
Les autres espèces de volailles telles les oies et les cailles n’ont pas été inclus dans le
programme vaccinal car leur nombre est considéré comme négligeable.
3.4.3 Organisation pratique
Les élevages de plus de 2000 têtes (secteur 1 et 2) sont tenus d’acheter eux-mêmes leurs
vaccins et de mettre en place leur propre programme vaccinal. Pour les éleveurs de moins
de 2000 têtes (secteur 3 et 4), dont les moyens financiers sont considérés comme plus
46
limités, l’achat du vaccin et la vaccination sont pris en charge par l’État dans le cadre des
campagnes nationale ayant lieu 2 fois par an.
Les campagnes se déroulent normalement pendant les périodes d’Octobre à Décembre et
d’Avril à Juin. Le Département de la Santé Animale (DAH), est responsable de l’organisation
de la vaccination à l’échelle nationale, la tâche étant déléguée localement aux sous-
départements de la Santé Animale de chaque province puis aux autorités vétérinaires de
chaque district. Dans chaque commune, des Agents Communautaires de Santé Animale
(CAHW) rémunérés par l’état pour ces missions ponctuelles, sont en charge de la réalisation
de la vaccination dans chaque élevage concerné, comme celle représentée en figure 10.
Figure 10 : Visite d’un élevage de canards de la région du delta du fleuve rouge afin de
vacciner les animaux dans le cadre de la campagne nationale de vaccination (photographie :
Phan Dang Thang, 2009).
3.4.4 Vaccins employés
Les vaccins achetés par l’État sont des vaccins H5N1 inactivés fabriqués en Chine. De 2005 à
2010 le principal vaccin utilisé a été le vaccin recombinant Re1 décrit plus haut, développé et
testé par Tian et al. (2005). Il a été créé par insertion, dans un échantillon de virus H5N1 à
IAHP de la souche A/goose/Guandong/1/1996, de plasmides supportant des gènes de la
souche A/Puerto Rico/8/34 (PR8) faiblement pathogène et à croissance rapide. Le vaccin est
développé par croissance du virus recombinant obtenu sur œuf de poulet embryonné,
inactivation par le formol et ajout d’huile de paraffine comme adjuvant. Sa proximité
antigénique et son effet protecteur ont été démontrés expérimentalement contre les
principales souches circulant au Viêt Nam par Tian et al. (2005) puis Pfeiffer et al. (2010)
chez les poulets et les canards. Le vaccin Re 1 est utilisé chez les deux espèces. Son
administration se fait par voie parentérale, sous-cutanée ou intramusculaire. Il nécessite une
47
seule injection chez le poulet à et deux injections à un mois d’intervalle chez le canard. La
durée de l’immunité induite par ce vaccin a été évaluée par Tian et al. (2005) à 10 mois chez
le poulet et 12 mois chez le canard en conditions expérimentales, ce qui suppose que la
vaccination soit renouvelée une fois par an sur chaque animal. En pratique, elle est faite sur
tous les animaux de plus de 2 semaines durant chacune des deux campagnes annuelles. 3
semaines sont nécessaires au développement de l’immunité vaccinale.
Lors des premières campagnes, en 2005, un vaccin inactivé développé en Chine à partir
d’une souche faiblement pathogène H5N2 a été utilisé afin de permettre une stratégie DIVA,
tandis que le Re1 H5N1, considéré comme plus efficace, était réservé aux canards.
Cependant, en raison de difficultés logistiques liés à l’utilisation de deux vaccins différents,
ce vaccin a été retiré au profit du seul vaccin Re1. Des vaccins H5N2 inactivés sont encore
utilisés dans les secteurs de production 1 et 2.
Des vaccins recombinants dits H5 fowlpox, développés à partir du virus de la variole du
poulet, ont été également utilisés chez les poussins gallinacés de 1 jour destinés à la
production de chair, principalement dans le secteur commercial et industriel et ne
représentent donc qu’une faible part des vaccinations.
Un vaccin inactivé développé à partir d’une souche faiblement pathogène de H5N9 a été
également utilisée chez le canard de Barbarie.
Il est donc remarquable que la plupart des vaccinations utilisent un vaccin homologue H5N1
et ne permettent donc pas de stratégie DIVA par test sérologique.
Récemment, la Chine ayant stoppé sa production de vaccins recombinants Re1, celui-ci a été
remplacé par le vaccin recombinant Re5 dont la souche est produite par génétique inverse
d’un virus sauvage de clade 2.3.4. L’apparition d’un nouveau clade, le 2.3.2.B dans le nord du
Viêt Nam pose un sérieux problème de compatibilité antigénique puisque les essais cliniques
ont démontré une efficacité faible du vaccin Re5 contre ce nouveau clade, d’après les
recherches récentes d’Inui et Nguyen (2011).
48
3.5 Les évaluations de la vaccination conduites au Viêt Nam
NB : Les résultats chiffrés sont présentés avec leurs intervalles de confiance à 95% entre
parenthèses.
3.5.1 Les différents programmes de suivi et d’évaluation de la vaccination
3.5.1.1 La surveillance passive
Au Viêt Nam, la surveillance passive repose sur l’observation par l’éleveur d’une maladie
causant un taux de mortalité anormalement élevé dans l’élevage (au moins 10%). Cet
évènement doit faire l’objet d’une déclaration au vétérinaire référent de la commune, qui
est un technicien de santé animale privé percevant une rémunération de l’état pour ses
missions régaliennes. Il doit transmettre aux autorités la notification de la suspicion qui est
ensuite confirmée ou infirmée au moyen d’un diagnostic par RT-PCR ou isolement viral,
techniques recommandées par l’OIE (2009a). Cette détection est éventuellement complétée
par une isolation du virus vivant en vue d’un séquençage de son génotype. La surveillance
passive est supervisée par le Département de la Santé Animale.
Plusieurs évaluations de la vaccination ont été conduites sur la base de l’analyse spatio-
temporelle des foyers déclarés d’IAHP par Walker et al. (2010) dans le nord du Viêt Nam et
Minh et al. (2011) dans le delta du Mékong. Une étude cas-témoins a également été
effectuée par Henning et al. (2009a) pour identifier les facteurs de risque de déclaration d’un
foyer dans le delta du fleuve Mékong.
3.5.1.2 La surveillance active
En ce qui concerne la surveillance active de l’IAHP au Viêt Nam et du suivi de protection
post-vaccinale des élevages par surveillance sérologique, différents programmes de
surveillance ont été financés et dirigés par différents organismes :
- Le programme VAHIP (Viêt Nam Avian and Human Influenza control and
preparedness Project), est financé par la banque mondiale et a été mis en œuvre en
coopération entre la FAO et le Département de la Santé Animale entre 2008 et 2011
dans 11 provinces du sud, centre et nord du pays ;
- Le programme GETS (Gathering Evidences for a Transitional Strategy) est un programme
conduit par la FAO en coopération avec le Département de la Santé Animale dans 5
provinces du sud, centre et nord du pays où la vaccination est soit totalement supprimée
soit conduite uniquement dans les élevages de canards. Le programme de surveillance
mis en place visait à détecter une éventuelle augmentation de la circulation virale suite à
ce retrait partiel ;
- Un suivi longitudinal dans 4 provinces du sud du Viêt Nam a été conduit par l’ACIAR
(Australian Center for International Agricultural Research) comprenant à la fois
surveillance sérologique et virale au niveau des élevages de canards ;
49
- Une surveillance transversale spécifique conduite dans 2 provinces du nord du Viêt Nam
a été conduite par le CIRAD (Centre International de Recherche Agronomique pour le
Développement) comprenant à la fois surveillance sérologique et virale au niveau des
élevages de volailles.
Ces programmes se font toujours en collaboration avec les services vétérinaires vietnamiens,
les sous-départements de la santé animale mettant à disposition leurs agents pour les
campagnes de prélèvement, comme illustré par la figure 11.
Figure 11 : Prélèvements sanguins et cloacaux effectués par des agents vétérinaires de
province dans la région du delta du fleuve Rouge dans le cadre d’un programme de
surveillance active (Photographie : Marisa Peyre, 2010).
3.5.2 Les résultats des évaluations de la vaccination obtenus
3.5.2.1 La protection vaccinale
Les investigations de terrain ont établit les résultats suivants :
- Le niveau de protection atteint dans la population de volailles ciblée est toujours
inférieur au niveau requis de 60 % pour stopper une épizootie. Un taux de
protection des volailles inférieur à 20% a été relevé dans le nord par Desvaux et al.
(2010).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat :
50
� Une couverture vaccinale limitée :
• Le pourcentage d’animaux effectivement vaccinés pendant les campagnes est
trop bas, ce qui peut être attribué à un manque de moyen ou de personnel
des services vétérinaires ;
• Le renouvellement du troupeau entre deux campagnes de vaccination : les
animaux vaccinés sont en partie vendus et remplacés par de nouveaux
animaux naïfs. Le taux de renouvellement est particulièrement élevé dans les
élevages semi-commerciaux de volaille de chair dont les animaux ont un
cycle de vie très court (au maximum 3 mois pour les poulets alors que la
vaccination se fait tous les 6 mois) ;
� Un taux de séroconversion limité chez les animaux vaccinés :
En réalité, la proportion incomplète d’animaux vaccinés explique seulement
partiellement le faible niveau de protection atteint. Même au sein de la
population effectivement vaccinée, le niveau de séroconversion observé est plus
bas qu’attendu selon les données expérimentales. Dans le delta du Mékong,
Henning et al., 2010 ont mesuré un taux de protection des oiseaux vaccinés de
54,3% (52,1 – 56,9) grâce à un suivi longitudinal sur une année complète et dans
le nord c’est un taux de 26,8% (25,2 – 28,4) qui a été relevé par Desvaux et al.
(2010) dans la population vaccinée au moyen d’un suivi du mois de décembre au
mois de juin. Selon cette même étude, un taux d’immunisation optimal est
obtenu dans le mois suivant la vaccination, cependant ce taux décroit très vite,
dès le deuxième mois. Les possibles explications de ce constat sont:
• Le protocole vaccinal est inadapté à l’espèce : seulement une dose injectée
alors que deux sont nécessaires chez les canards ;
• La dose vaccinale utilisée est trop basse ;
• La technique d’injection est inadaptée entrainant une mauvaise absorption du
produit ;
• Le vaccin est sous-dosé ;
• La qualité du vaccin est médiocre, en raison de mauvaises conditions de
transport ou de stockage ;
• La présence de maladies concomitantes limite la réponse immunitaire des
animaux ;
• Il est important de rappeler que le niveau de séroconversion est plus bas chez
certaines espèces en réponse à un même protocole vaccinal. C’est
notamment vrai chez les canards pour lequel le seuil de positivité de 3log2
serait plus adapté, comme démontré par les analyses de Stéphanie Desvaux
sur le résultat de la surveillance sérologique effectué par le CIRAD ;
- Les travaux de Stéphanie Desvaux ont également montré que l’efficacité de la
vaccination varie en fonction des secteurs, les meilleurs résultats semblant être
obtenus dans les élevages semi-commerciaux de volailles pondeuses et les élevages
51
villageois. Ce résultat confirme le fait que les élevages spécialisés en volailles de
chair, sont pénalisés par un renouvellement rapide de leurs bandes, sans parler des
élevages de chair à cycle court (45 jours) qui, eux, ne sont pas vaccinés. Les oiseaux
de chair vaccinés sont gardés durant un temps court avant d’être vendus et
remplacés par des jeunes non immunisés, et ce avant le démarrage de la campagne
de vaccination suivante (Stéphanie Desvaux, communication personnelle) ;
- De plus, les mêmes résultats indiquent que dans les élevages de plus grande taille, le
taux d’échec vaccinal est moins élevé que dans les élevages de plus petite taille,
probablement en raison d’une technicité et d’un niveau d’investissement plus élevé
des éleveurs semi-commerciaux dans la conduite de la vaccination par rapport aux
éleveurs villageois. Pour les propriétaires d’élevages conséquents, les volailles
représentent en effet un investissement majeur et les éleveurs sont donc à plus
concernés par la protection sanitaire de leur cheptel. Enfin, les oiseaux élevés en
plein air présentent un taux de séroconversion significativement plus bas que les
oiseaux gardés en bâtiments, ce qui peut être attribué à une pression microbienne
plus importante en extérieur (Stéphanie Desvaux, communication personnelle).
En bilan, il apparaît que l’efficacité de la stratégie vaccinale au Viêt Nam reste limitée.
Cependant, le taux d’immunisation des volailles, même faible, peut potentiellement
contribuer à limiter l’expansion du virus.
3.5.2.2 L’impact vaccinal
- Henning et al. (2009a) ont démontré par une étude de terrain cas-témoins effectuée
dans le delta du fleuve Mékong que l’absence de vaccination ou une vaccination
incomplète de l’élevage sont les principaux facteurs de risques de déclaration d’un
foyer d’IAHP. Les foyers d’IAHP sont très majoritairement déclarés dans des élevages
non vaccinés. Cependant, cela ne signifie pas forcément que le virus ne circule pas,
étant donné le lien soupçonné entre vaccination et sous-déclaration ;
- Les analyses spatio-temporelles des foyers déclarés entre 2004 et 2007 ont donné les
résultats suivants :
� Une diminution de 55% du taux de transmission inter-commune consécutive à
la mise en place de la vaccination a été estimée par Walker et al. (2010) ;
� En revanche, la durée de la période d’infection de chaque commune ayant
déclaré un foyer aurait augmenté, de 5,9 jours à 9,1 jours en moyenne selon
Walker et al. (2010). Il en résulte que les vagues d’épizootie tardives comme
celle de 2007 sont d’intensité moindre mais de durée plus longue que les
précédentes. L’hypothèse formulée pour expliquer ce phénomène est que le
taux de détection des foyers a diminué suite à l’implantation de la vaccination.
Ce résultat est en faveur d’une augmentation de la « circulation silencieuse »
52
de l’IAHP, suggérée par les observations expérimentales de Kim et al. (2008) et
Pfeiffer et al. (2010) ;
- le virus H5 a été identifié par Henning et al. (2010) dans des fermes vaccinées sans
pour autant induire de signes d’infection visibles, supportant l’hypothèse d’une
infection silencieuse favorisée par une immunité sous-optimale. Cependant, ce lien
n’est pas encore clairement démontré puisqu’il existe des souches faiblement
pathogènes de H5, notamment les virus H5N2 ;
- Les résultats de la surveillance des marchés de canards vivants effectuée dans le
cadre des programmes VAHIP et GETS ont été présentés par CarriqueMas (2011a) et
Weaver (2011) dans le cadre de l’atelier de partage d’informations sur l’IAHP ayant
eu lieu à Hanoi (1-2 juin 2011). Bien que non représentatifs de la prévalence réelle,
ils démontrent l’importance de la circulation de H5N1 à bas bruit chez les canards
domestiques, aussi bien dans le nord, le sud et le centre du pays, la prévalence de ce
virus ayant été estimée à près de 10% dans certaines provinces sur des échantillons
regroupés par pools de 5 animaux ;
- Le virus H5N1 a également été identifié par le programme VAHIP (Weaver J.,
communication personnelle) sur les volailles importées illégalement de Chine: une
prévalence de plus de 8% sur des échantillons regroupés par pools de 5 animaux et
prélevés sur les volailles de contrebandes interceptées dans la province frontalière
nord de Lạng Sơn en 2010. Ce résultat indique un rôle non négligeable des
mouvements d’animaux transfrontaliers dans la persistance de l’IAHP,
potentiellement à mettre en lien avec l’apparition fréquente de nouveaux clades
dans le nord du Viêt Nam, comme le 2.3.4 et plus récemment le 2.3.2 (Ken Inui,
communication personnelle).
Au bilan, il apparaît clairement que le virus H5N1 circule à bas bruit dans la population
aviaire domestique aussi bien dans le nord, le sud et le centre du pays, malgré le programme
de vaccination. Cependant, l’impact de la vaccination sur cette circulation est peut-être réel
mais apparait difficile à mettre en évidence.
3.5.3 Les limites des méthodes utilisées dans le contexte du Viêt Nam
3.5.3.1 L’influence des autres facteurs influençant l’évolution
de l’épidémiologie du virus
Comme signalé par Domenech et al. (2009), en plus de la difficulté à étudier l’épidémiologie
du virus, il est difficile d’attribuer un quelconque changement observé à la vaccination,
compte tenu de l’influence des autres mesures de lutte introduites et de l’amélioration des
pratiques d’élevages relatives à la biosécurité qui ont, eux aussi, probablement modifié
l’épidémiologie du virus. Selon Schuft (2009) l’épizootie d’IAHP a en effet provoqué des
53
changements profonds dans les pratiques d’élevage, comme l’augmentation de la pratique
de la quarantaine lors de l’introduction d’un oiseau dans un élevage, ou la limitation des
contacts entre les oiseaux et le milieu extérieur.
Une possibilité serait de faire une analyse spatiale au lieu d’une comparaison temporelle,
semblable à celle effectuée récemment en Chine par Martin et al. (2011) en recherchant une
éventuelle corrélation entre le niveau de protection vaccinale mesuré par la surveillance
sérologique et l’importance de la circulation du virus H5N1 (mesurée par la probabilité
d’apparition d’un foyer ou quantification de la circulation par la surveillance active).
Cependant, d’autres facteurs de risque spatiaux rentrent en jeu comme les pratiques
d’élevages et la densité de la population de canards, qui influencent fortement
l’épidémiologie de H5N1 et varient entre provinces.
3.5.3.2 Les limites de la surveillance passive au Viêt Nam
La surveillance passive souffre d’un manque de sensibilité très important, le taux de
déclaration d’une infection étant considéré comme médiocre. Les raisons de cette sous-
déclaration sont multiples. En voici les principales :
- L’infection par un virus causant l’IAHP ne déclenche pas nécessairement un tableau
clinique typique avec plus de 10% de mortalité. l’expression clinique peut être fruste
et non repérable par l’éleveur ou le vétérinaire. Comme explicité plus haut, c’est
particulièrement vrai dans le cas des infections des palmipèdes d’élevage comme les
canards qui représentent 25% des élevages de volailles. Par ailleurs Kim et al. (2008)
ont démontré que les différents génotypes viraux induisent des taux de morbidité
variables. Enfin, l’immunité induite par la vaccination est fortement suspectée de
favoriser un portage et une excrétion asymptomatique du virus, comme décrit plus
haut ;
- La signalisation par l’éleveur d’un taux de mortalité anormalement élevé dans son
élevage est loin d’être systématique. Selon Walker et al. (2010) et Taylor et Dung
(2007) l’indemnité théorique perçue par l’éleveur équivalente à 70% de la valeur de
l’animal est en réalité soumise à des aléas dans son montant et le délai de son
versement. Des investigations de terrain montrent qu’en règle générale l’éleveur est
peu enclin à coopérer avec les services vétérinaires officiels. Le vétérinaire référent
de la commune sert bien souvent d’intermédiaire entre les éleveurs et le
gouvernement et son choix de rapporter ou non la suspicion résulte d’un compromis
entre respect de la loi et protection des intérêts économiques des éleveurs
(Stéphanie Desvaux, communication personnelle).
Les analyses spatio-temporelles visant à évaluer le nombre de reproduction R se heurtent
également au problème de la détermination de la période infectieuse d’un foyer. En effet,
seule la date de déclaration du foyer est rapportée dans les données officielles.
54
3.5.3.3 Les limites de la surveillance active au Viêt Nam
Les programmes de suivi post-vaccinal de la population d’oiseaux se heurtent à de
nombreuses difficultés concernant la surveillance de la circulation virale :
- L’usage des oiseaux sentinelles est difficile à mettre en place sur le terrain, car il
implique de pouvoir certifier qu’un groupe d’oiseaux est bien maintenu non vacciné,
identifié et gardé au sein de la bande. Les éleveurs sont très souvent réticents à
accepter cette vaccination incomplète ou à tolérer des individus « à risque », puisque
non vaccinés, dans leur bande (CarriqueMas J., Schauer B., communication
personnelle). De plus, si la sérologie permet de déterminer le sous-type de l’infection
avec une spécificité relativement bonne, elle ne permet pas de distinguer une
infection à souche hautement pathogène, seule capable de causer l’IAHP, d’une
infection à souche faiblement pathogène. Or le sous-type H5 inclut les deux types de
souches. Cette distinction peut se faire par l’observation clinique des animaux mais,
comme démontré plus haut, l’expression des symptômes d’IAHP peut être
extrêmement fruste voire inexistante chez le canard ;
- La détection directe du virus souffre, elle aussi, d’un manque de sensibilité. En effet la
période d’excrétion du virus par les oiseaux infectés est très courte, n’excédant
jamais 17 jours, ce qui limite fortement la probabilité de détecter le virus en cas
d’infection d’un élevage. Ce problème est d’autant plus marqué dans les élevages
vaccinés que l’immunisation vaccinale, même incomplète, peut diminuer la durée de
la période infectieuse et la quantité de virus excrété, selon les essais cliniques de
Pfeiffer et al. (2010), Van der Goot et al. (2008), Kim et al. (2008), et Middleton et al.
(2007) ;
- Une autre difficulté du suivi post-vaccinal est de certifier le statut de l’élevage,
vacciné ou non-vacciné. Théoriquement, tous les élevages de poulets et de canards
sont supposés être vaccinés et bien souvent, les éleveurs, de peur des pressions
exercées par les services publics, hésitent à signaler une bande non vaccinée.
3.5.4 Perspectives
L’évaluation de l’impact de la vaccination contre l’IAHP à H5N1 au Viêt Nam semble donc
soumise à de nombreuses difficultés d’ordre technique et méthodologique. Les questions
essentielles restant à explorer sont les suivantes :
- Quels sont les facteurs qui influencent le plus l’efficacité de la vaccination ? Quels
sont les effets relatifs des différents acteurs de l’administration sanitaire (province,
district, commune) et de l’implication de l’éleveur lui-même (variation entre élevages
d’une même zone) ? Cette analyse permettrait de savoir à quel niveau intervenir
pour améliorer la protection vaccinale ;
55
- Quel est l’impact réel de la protection vaccinale des élevages sur la prévalence de
l’infection virale (symptomatique ou sub-clinique) ? Cet effet doit être distingué de
celui des autres mesures de contrôle implantées à l’échelle nationale (limitation des
mouvements d’animaux, surveillance et éradication des foyers) et locales
(amélioration de la biosécurité des élevages) ;
- Quel est le lien entre immunité sous-optimale des élevages et présence
« silencieuse » du virus (infections subcliniques) ? Le développement d’une immunité
partielle suite à la vaccination augmente-t-elle la circulation virale en raison d’une
diminution du taux de détection ?
L’étude présentée ici se propose d’élaborer une méthodologie et d’apporter une réponse à
la deuxième question au moyen d’une comparaison de résultats de différents programmes
de suivi sérologique et surveillance virale post-vaccinale doublée d’une synthèse et d’une
analyse de ces résultats.
56
57
DEUXIÈME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1 Matériel et méthodes
1.1 Elaboration d’une nouvelle approche pour évaluer l’impact vaccinal
1.1.2 Une analyse spatiale
L’approche envisagée dans cette étude est une évaluation de la corrélation spatiale entre le
niveau de protection conféré par la vaccination aux populations de volailles et le niveau de
circulation virale évalué par différents indicateurs.
Cette méthode s’inspire en partie des travaux menés en Chine par Martin et al. (2011) qui
ont évalué le lien entre probabilité de détection d’un foyer d’IAHP par surveillance passive
ou la probabilité de détection d’un virus à IAHP par la surveillance active dans chaque
province et le taux de séroconversion des populations de volailles quantifié par suivi
sérologique dans ces mêmes provinces. Il est ressorti des résultats, testés par analyse de
variance ANOVA, que les provinces où étaient détectées les infections à IAHP par
surveillance active ou passive présentaient des taux de séroconversion significativement plus
bas, ce qui suggère un effet protecteur de la couverture immunitaire vaccinale vis-à-vis du
risque d’occurrence de foyers et de circulation silencieuse de l’IAHP dans le contexte chinois.
Ce type d’analyse spatiale permet d’éviter le biais d’une étude temporelle : comparer
l’épidémiologie de l’IAHP avant et après implantation de la vaccination est en effet possible
mais il serait difficile d’attribuer avec certitude l’observation d’un changement dans
l’épidémiologie du virus à la vaccination en raison de l’effet des aux autres mesures de
contrôle ou des changements des pratiques d’élevage ayant eu lieu dans le même intervalle
de temps.
1.1.3 L’utilisation d’un nouveau paramètre pour évaluer la circulation
virale
Afin de limiter les biais liés à l’effet de facteurs spatiaux autres que l’immunité vaccinale
influençant l’épidémiologie de l’IAHP, il a été décidé d’utiliser un nouvel indicateur spatial de
la circulation des virus H5 : la probabilité qu’une infection à influenzavirus de type A
détectée dans la population de volaille dans une zone donnée soit due à un virus H5. L’usage
de ce paramètre s’appuie sur deux hypothèses :
- La vaccination a un pouvoir protecteur dirigé spécifiquement contre les virus de sous-
type H5. A l’appui de cette hypothèse il est communément admis, comme expliqué
plus haut, que la protection vaccinale est fondée sur la production d’anticorps dirigés
58
contre l’hémagglutinine des virus influenza et qui n’agissent donc que contre un type
d’hémagglutinine d’après Swayne et Kapczynski (2008) ;
- Sans vaccination, la proportion de virus de sous-type H5 sur tout l’ensemble des virus
de type A serait constante spatialement, puisque les autres facteurs spatiaux agissent
sur tous les virus influenza A sans distinction de sous-type. Cette hypothèse est, en
revanche, difficile à vérifier avec les données disponibles actuellement.
Dans cette étude, la corrélation spatiale entre la répartition des infections à virus influenza
type A dues à un virus H5 ou non dues à un virus H5 et le niveau de protection induit par la
vaccination a été évaluée au moyen d’une régression logistique faite à l’aide d’une fonction
du logiciel R.
1.1.4 La combinaison de différentes études menées précédemment
L’autre idée principale est de développer la problématique de l’analyse spatiale à une
échelle géographique très large, en l’occurrence le pays tout entier. Pour des raisons
financières et logistiques, il apparait difficile d’envisager une campagne de prélèvements
dans des provinces très éloignées géographiquement dans un pays d’une superficie de
331 690 km2. En revanche, le travail présenté ici ayant été réalisé en 2011 et la vaccination
étant implantée depuis 2005, il apparaît tout à fait envisageable d’utiliser les résultats
d’autres études menées antérieurement et dans des zones géographiques variées.
1.2 Les différentes étapes de l’analyse
La première étape de l’étude a donc été la revue systématique de toutes les recherches
existantes ou ayant existé portant sur l’évaluation du programme de vaccination au Viêt
Nam, à partir de différentes sources :
- Données de la littérature et de la littérature grise ;
- Lecture de rapports de présentations de résultats provenant de différents
programmes de recherche menés au Viêt Nam ;
- Entretiens individuels avec des chercheurs travaillant sur le sujet et des responsables
officiels du Département de la Santé Animale ;
- Participation à un atelier de partage d’informations sur l’état des connaissances
actuelles de l’IAHP au Viêt Nam, qui s’est déroulé du premier au 2 juin 2011 à Hanoi,
organisé conjointement par le Département de la Santé Animale et la FAO et intitulé
« Recent advances in the knowledge of the epidemiology of HPAI in Viêt Nam and
identification of research priorities ».
La seconde étape a été la sélection des études pouvant être intégrées dans l’analyse. Cette
opération de sélection basée sur des critères spécifiques est décrite plus bas.
59
La troisième étape a été le classement des différentes études selon leurs objectifs. Pour les
besoin de mon analyse, un des deux objectifs suivants devait être recherché :
- Évaluation de la prévalence virale réelle ou d’un indicateur de la circulation virale ;
- Évaluation du taux de séroconversion post-vaccinal dans la population de volailles.
La quatrième étape a été, pour chaque objectif poursuivi la synthèse des différentes
hétérogénéités entre les études, c'est-à-dire les différences tant du point de vue du contexte
que du matériel ou de la méthode. Cette étape est cruciale dans la mesure où ces études ont
été mises en place et conduites indépendamment par des acteurs différents et dans des
contextes différents. Il importe donc de discuter les résultats obtenus à la lumière des
hétérogénéités entre études, celles-ci pouvant introduire un biais limitant les possibilités de
comparaison ou de combinaison des résultats.
La cinquième étape a été l’analyse des résultats de toutes les études, avec deux objectifs :
- une comparaison du niveau de protection vaccinale et du niveau de circulation virale
entre les zones étudiées.
- une évaluation de l’impact vaccinal par la méthode décrite plus haut.
1.3 Les études sélectionnées pour être utilisées dans l’analyse
1.3.2 Revue des différentes études pouvant être utilisées
La sélection des études à inclure potentiellement dans l’analyse s’est basée sur des critères
très simples, à savoir que toutes les études devaient avoir au moins un des objectifs
suivants :
- Evaluer l’efficacité de la stratégie de vaccination à conférer une couverture
immunitaire à tout ou partie de la population aviaire d’une zone considérée du Viêt
Nam ;
- Evaluer la prévalence de l’infection à l’IAHP, aux virus H5N1 ou H5 ou plus largement
aux virus influenza type A dans une zone donnée du Viêt Nam, ou quantifier un
indicateur de leurs niveaux de circulation.
Les études basées sur le décompte des foyers déclarés ou l’usage d’oiseaux sentinelles ont
été exclues de l’analyse. Le nombre de foyers rapportés dans une zone donnée n’est pas
représentatif du niveau de circulation virale du fait de l’importance de la circulation à bas
bruit, et l’usage des oiseaux sentinelles a été jugé peu fiable par les acteurs, chercheurs et
fonctionnaires, interrogés sur la question, comme évoqué plus haut.
Les études incluses dans l’analyse sont présentées en annexe 1 , 2 et 3. Les objectifs de
chacune d’elles sont résumés ici :
60
- Évaluation de la première et seconde campagne de vaccination : il s’agit d’une
analyse conduite par Taylor et Dung (2007) et ayant fait l’objet d’un compte rendu
destiné à la FAO afin de dresser une première évaluation de la vaccination contre
l’IAHP en utilisant les données rassemblées par le Département de la Santé Animale
provenant des suivis sérologiques et de la surveillance virale conduits dans tout le
pays après les deux premières campagnes de vaccination de fin 2005 et début 2006 ;
- Programme VAHIP : VAHIP (Viêt Nam Avian and Human Influenza Control and
Preparedness Project) est un programme financé par la Banque Mondiale, initié en
2008 et encore en cours actuellement. Son principal objectif est l’amélioration de la
compréhension de l’épidémiologie de l’IAHP au Viêt Nam par une surveillance virale
conduite dans différents lieux considérés comme à risque de circulation virale et
l’évaluation de l’efficacité des campagnes vaccinales par une surveillance sérologique
au niveau d’un échantillon représentatif d’élevages de volailles. Il est implanté dans
11 des provinces concernées par la vaccination obligatoire et réparties sur tout le
pays (nord, sud et centre du Viêt Nam). Les résultats ne sont pas publiés mais ont été
en partie présentés par Weaver (2011) à l’atelier de partage de connaissance d’Hanoi
du 1 au 2 juin 2011. Les résultats utilisés dans cette étude ont été collectés en 2009
et en 2010;
- Programme GETS : GETS (Gathering Evidences for a Transitional Strategy) est un
programme conduit par la FAO depuis fin 2009 à 2011. Il a été mis en place
consécutivement à un retrait partiel de la vaccination dans 5 provinces, à partir
d’octobre 2009 : un arrêt de la vaccination des poulets dans 4 provinces (2 du delta
du fleuve Rouge et 2 du delta du Mékong) avec quelques exceptions comme le
maintien d’une vaccination dans les fermes villageoises ou les élevages de poules
pondeuses dans certaines provinces, et un arrêt pour toutes les espèces dans
quelques districts de la province de Quảnh Bình, dans le centre du Viêt Nam. Le but
du programme de surveillance est d’évaluer une possible augmentation du risque
pour la santé publique en raison d’une augmentation du niveau de circulation virale.
Les résultats ne sont pas publiés mais ont été en partie présentés par CarriqueMas
(2011a, 2011b) à l’atelier de partage de connaissance d’Hanoi du 1 au 2 juin 2011;
- Programme de surveillance du CIRAD : c’est un programme spécifique dirigé par le
Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) en
coopération avec l’Institut National de Recherche Vétérinaire (NIVR) basé à Hanoi,
conduit de 2008 à 2010 dans deux provinces du nord du Viêt Nam, Hà Tây et Bắc
Giang, et en 2011 dans la province de Thái Bình, également dans le nord du pays. Les
deux suivis ont été faits dans des buts différents : le suivi de Hà Tây et Bắc Giang a
été conçu dans le but de mesurer la couverture immunitaire conférée à la population
de volailles et ses facteurs de variation, ainsi que de détecter les infections aux virus
influenza au niveau des élevages et d’en étudier les facteurs de risque. L’étude de
61
Thái Bình a été conçue pour évaluer la corrélation entre immunité sous-optimale des
élevages de canards et risque d’infection sub-clinique à l’IAHP ;
- Programme de surveillance de l’ACIAR : Il s’agit d’une enquête conduite par
l’Australian Centre for International Agricultural Research (ACIAR) en 2007 et 2008.
Son objectif était d’évaluer l’efficacité des campagnes de vaccination et le niveau de
circulation virale chez les canards domestiques du delta du fleuve Mékong par un
suivi longitudinal d’un échantillon d’élevages de canards de 4 différentes provinces
de la région, combinant la surveillance sérologique d’oiseaux vaccinés et d’oiseaux
sentinelles gardés non vaccinés dans chaque bande et une détection directe de
l’infection.
Pour récapituler, les investigations menées dans le cadre des différentes études peuvent
donc bien se classer en fonction des 3 objectifs poursuivis :
- Quantification du niveau de séroconversion induit par les campagnes de vaccination
par des tests sérologiques sur un échantillon de volailles issues d’un échantillon
d’élevages. En l’occurrence le test utilisé a toujours été l’inhibition de
l’hémagglutination (HI) ;
- Recherche des infections virales à virus H5N1, H5 ou Influenza type A, en l’occurrence
toujours par RT-PCR, sur un échantillon de volailles issues d’un échantillon
d’élevages ;
- Recherche des infections virales à virus H5N1, H5 ou Influenza type A, en l’occurrence
toujours par RT-PCR, sur des volailles prélevées aléatoirement dans des lieux
considérés comme étant à haut risque de circulation virale, comme les marchés de
volailles vivantes ou les abattoirs. Ces lieux sont considérés à risque en raison du
fort taux de contacts entre oiseaux de différents élevages.
Les figures 5, 6 et 7 précisent la localisation des différentes études. Les annexes 1, 2 et 3
détaillent les caractéristiques de chaque investigation, permettant une comparaison et une
évaluation de leur fiabilité et de leurs hétérogénéités.
1.3.3 Détermination des études à inclure dans l’analyse
Sur la base de l’analyse des caractéristiques de chaque étude, il a été décidé d’exclure les
résultats de l’évaluation de la première et seconde campagne de vaccination pour les raisons
suivantes :
- La taille de l’échantillon est trop basse : 3 élevages visités par district pour la
surveillance sérologique, un seul élevage par district pour la surveillance virale.
Selon Taylor et Dung (2007), ces tailles sont suffisantes pour estimer le niveau
d’immunisation atteint pour le pays tout entier avec une précision relativement
élevée puisque la taille d’échantillon est dans ce cas assez grande mais à l’échelle de
la province cette précision s’avère trop faible ;
62
- Aucun argument ne permet de certifier que la sélection des élevages visités s’est faite
aléatoirement ;
- Pour ce qui est de la surveillance virale, il existe un écart important entre le nombre
d’échantillon théoriquement prévu et le nombre réellement prélevé pour chaque
espèce, ce qui signifie que la procédure d’échantillonnage prévue n’a pas été
respectée.
En bref, il existe beaucoup d’incertitudes dans la façon dont l’enquête a été conduite, et les
résultats souffrent d’un manque de précision, ce qui laisse planer de sérieux doutes quant à
leur comparabilité avec ceux des autres études.
En bilan, cinq études ont donc été incluses :
- VAHIP
- GETS
- CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây)
- CIRAD (Thái Bình)
- ACIAR
1.4 Analyse des données
Les classements et recoupements des données ont été faits au moyen des logiciels Excel
2007 et Access 2007. Les tests statistiques cités, les tests du X² et les régressions logistiques
ont été faits au moyen du logiciel R. les cartes présentées dans le présent ouvrage ont été
réalisées au moyen du logiciel Quantum-GIS 1.6.0.
Toutes les données chiffrées sont indiquées accompagnées de leurs intervalles de confiance
au risque α = 5%.
2 Résultats
2.1 Evaluation de la protection vaccinale
2.1.1 Hétérogénéités entre études
3 études parmi celles qui ont été sélectionnées donnent une indication de la protection
vaccinale dans les provinces où elles ont été menées. L’annexe 1 récapitule leurs
caractéristiques et la figure 12 indique leurs localisations.
63
Figure 12: Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’un suivi surveillance
sérologique d’une des 3 études sélectionnées VAHIP en 2009 et 2010, CIRAD en 2008-2011 et
ACIAR en 2007-2008 au Viêt Nam.
Voici les principales hétérogénéités mises en évidence :
- L’espèce ciblée par l’étude : le programme VAHIP et CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây)
ciblent toutes la population d’oiseaux concernée par la vaccination (Poulets,
canards, canards de Barbarie). Le projet CIRAD (Thái Bình) s’est focalisé sur les
64
élevages de canards à cycle long, c'est-à-dire les canes pondeuses. L’étude ACIAR a
ciblé les élevages de canards et canards de Barbarie. Des poulets en divagation au
contact des élevages ont également été inclus mais ils ne sont pas représentatifs de
la population réelle de poulets ;
- La conception de l’étude: L’étude ACIAR est un suivi longitudinal, ce qui implique que
les mêmes élevages ont été visités lors de chaque campagne de prélèvement, même
si des remplacements d’élevages ont eu lieu au cours de l’étude. Dans chaque
élevage des canards et poulets sentinelles gardés ont été gardés non vaccinés, ce
qui modifie artificiellement la couverture vaccinale de la population suivie. C’est
pourquoi cette étude ne peut être utilisée pour mesurer la couverture immunitaire
de la population mais uniquement le niveau de séroconversion parmi les vaccinés et
les non vaccinés séparément. L’étude du CIRAD (Thái Bình) a été un suivi
longitudinal, même si de nombreuses bandes ont été remplacées au cours du suivi.
Cependant, aucun oiseau sentinelle n’a été utilisé. Les deux autres investigations,
VAHIP et CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây) ont utilisé une enquête transversale en faisant
une nouvelle sélection des bandes d’oiseaux échantillonnées à chaque campagne de
prélèvement ;
- Méthode d’échantillonnage : dans chaque étude, la procédure d’échantillonnage a
été basée sur les mêmes principes : un échantillonnage à plusieurs degrés incluant
une sélection primaire des communes ou des districts d’étude dans chaque province
considérée suivie d’une sélection aléatoire secondaire des élevages suivis dans
chaque unité primaire, enfin une sélection aléatoire des oiseaux dans chaque
élevage. Cependant, quelques différences sont à noter:
� La sélection des communes ou districts : pour l’étude VAHIP, 27 communes ont
été sélectionnées aléatoirement en sélection primaire dans chaque province.
Dans le cas des études CIRAD, les communes d’étude ont été sélectionnées sur
des critères de risque de circulation de l’IAHP, évalué entre autres par le nombre
de foyers déclarés antérieurement. En ce qui concerne l’étude ACIAR, les
districts d’étude ont d’abord été sélectionnés sur des critères de risque de
circulation de l’IAHP. Une primo-sélection des villages inclus dans l’étude a été
opérée par la suite en appliquant une probabilité de sélection proportionnelle
au nombre d’élevages compris dans chaque village ;
� La sélection des élevages : dans toutes les études, elle était supposée être faite
de manière aléatoire parmi une liste d’élevages jugés accessibles selon les
responsables des sous-départements de la Santé Animale de chaque province,
au sein des unités primaires préalablement désignées. Dans les études CIRAD et
ACIAR, la sélection a été faite par les responsables des études eux-mêmes.
cependant, dans le cas de VAHIP, ce sont les responsables des sous-
65
départements de la Santé Animale eux-mêmes qui ont fait la sélection. D’après
le responsable du programme VAHIP (Weaver J., communication personnelle),
cette sélection est probablement biaisée, les responsables ayant inclus
préférentiellement les élevages vaccinés dans l’échantillon. Dans le cas de
l’étude ACIAR, un nombre fixe de 5 élevages ont été échantillonnés dans chaque
village présélectionné, alors que dans les études VAHIP et CIRAD, les élevages
ont été sélectionnés aléatoirement sur la liste des élevages accessibles de toutes
les communes présélectionnées ;
� Sélection des oiseaux : dans chaque étude, un nombre fixe de 10 à 15 oiseaux a
été sélectionné dans chaque bande choisie. La sélection des oiseaux s’est
toujours faite d’une façon communément considérée comme aléatoire par les
services vétérinaires vietnamiens : la bande est transférée d’un compartiment à
un autre sauf un groupe d’oiseaux de la taille voulue qui est retenu dans le
premier enclos ;
� Stratification : dans l’étude ACIAR, la procédure d’échantillonnage était
stratifiée de façon à ce que l’étude inclue un nombre égal d’élevages de chaque
catégorie de taille : élevages de 12 à 75 canards et élevages de 76 à 1000
canards. Ceci introduit un risque de surreprésentation d’une des deux
catégories aux dépens de l’autre, et aucune correction statistique de ce biais
n’est reportée. Dans l’étude CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây), une stratification en
élevages villageois, semi-commerciaux de chair et semi-commerciaux de
pondeuses a été opérée, mais le nombre d’élevages sélectionnés dans chaque
strate était proportionnel au nombre d’élevages réel de ces strates. Dans les
deux autres études, l’échantillonnage s’est fait sans stratification ;
- Période d’échantillonnage : c’est une des principales différences entre études
considérées. Le suivi du programme ACIAR a été conduit sur toute l’année, à des
intervalles de temps réguliers, ce qui confère une bonne représentativité temporelle
aux résultats, tandis que les investigations CIRAD ont été conduites à intervalles
réguliers mais toujours limitées à la période de décembre à juin. Enfin les
campagnes de prélèvement VAHIP ont été faites un mois après chaque campagne
de vaccination en 2009 et 1 mois après une seule des deux campagnes en 2010,
c’est à dire au moment où le taux de séroconversion post-vaccinal est supposé
optimal, ce qui introduit un important biais de représentativité temporelle ;
- L’utilisation d’une correction statistique : concernant les investigations du CIRAD, la
correction statistique suivante des proportions d’oiseaux séropositifs dans la
population suivie a été appliquée :
� Chaque unité « oiseaux » a été pondérée par un facteur « poids
d’échantillonnage » égal à l’inverse de la probabilité de sélection de l’oiseau,
selon la méthode recommandée par Dohoo et al. (2003). Cette probabilité de
66
sélection dépend de la taille de l’élevage, les oiseaux se trouvant dans un
élevage de plus petite taille ayant une probabilité plus importante d’être
sélectionnés. Ce facteur est donc calculé comme suit :
� L’écart type de chacune des valeurs, utilisé pour calculer l’intervalle de
confiance, a également fait l’objet d’une correction dite « robuste » destinée
à corriger l’effet cluster. L’effet cluster ici est directement lié à
l’échantillonnage à plusieurs degrés responsable d’une agrégation des
individus dans des groupes présélectionnés qui diminue la précision de la
mesure. Dans le cas de l’étude du CIRAD (Thái Bình) la correction a été faite à
l’aide d’une fonction du logiciel R décrite par Arai (2011).
En ce qui concerne l’étude ACIAR, les unités « oiseaux » ont été pondérées d’un
poids d’échantillonnage qui prend en compte uniquement la probabilité de sélection
de l’élevage en fonction du nombre d’élevages que compte le village présélectionné,
et la probabilité de sélection de l’oiseau lui-même. L’écart type a également été
corrigé pour cet « effet cluster » des bandes au sein des villages mais non celui des
oiseaux au sein des bandes.
En ce qui concerne l’étude VAHIP, aucune correction statistique n’a été appliquée ;
- Opérateur de terrain : dans chaque étude, les agents en charge de la visite des
élevages et des prélèvements sur les animaux étaient les agents vétérinaires des
sous- départements de la Santé Animale des provinces concernées ;
- Critère utilisé pour considérer un animal comme positif : dans toutes les études le
taux d’anticorps de l’animal dirigé contre l’hémagglutinine H5 a été mesuré par
Inhibition de l’hémagglutination (HI). Dans les études VAHIP et ACIAR la valeur seuil
de positivité considérée était une hémagglutination observée pour une dilution du
sérum à 1/16, ce qui correspond à 4log2. Dans les études menées par le CIRAD, ce
seuil a été reconsidéré, pour les raisons évoquées plus haut, et abaissé à 1/8, qui
correspond à 3log2, pour les canards. Pour éviter les biais de comparaison entre
études, les proportions d’oiseaux positifs ont été recalculées en utilisant toujours le
seuil de positivité de 1/16 soit 4log2 pour toutes les espèces. Malheureusement, les
résultats de l’enquête CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây) sont présentés sans les
corrections statistiques évoquées plus haut ce qui induit un biais d’étude.
Taille du troupeau
Nombre d’oiseaux sélectionnés dans
le troupeau
Nombre d’oiseaux sélectionnés dans la
population considérée
Taille de la population considérée
X
67
En considérant toutes ces hétérogénéités, il est difficile de décider si ces études sont bien
comparables entre elles ou non.
- Les résultats ACIAR et CIRAD concernant le taux d’immunité des populations de
canards vaccinées sont comparables entre eux. En effet, les populations de canards
ont été sélectionnées de façon similaire, par un échantillonnage aléatoire à deux
degrés dans les zones considérées comme les plus à risque. La comparaison ne peut
se faire que sur la population vaccinée, en raison de l’introduction des oiseaux
sentinelles dans l’étude ACIAR qui modifie artificiellement la couverture vaccinale.
Les différences suivantes doivent être prises en compte lors de la discussion :
� Les campagnes d’échantillonnage ont été faites sur des périodes différentes
de l’année ;
� Les corrections statistiques sont absentes dans le cas de l’étude CIRAD (Bắc
Giang et Hà Tây) ;
� Les corrections statistiques sont différentes entre l’étude CIRAD (Thái Bình) et
ACIAR ;
� l’étude CIRAD (Thái Bình) s’est focalisée sur les canes pondeuses, sans prendre
en compte les élevages spécialisés en canards de chair.
- En revanche les résultats de la surveillance sérologique VAHIP se prêtent
probablement peu à une comparaison avec les résultats des autres études. En effet,
les campagnes d’échantillonnage ont été faites 1 mois après chaque campagne de
vaccination. L’objectif de cette étude rentre plus dans le cadre d’une évaluation de
la mise en œuvre de la vaccination que dans celui d’une évaluation précise de la
couverture immunitaire de la population de volailles sur toute la période séparant
deux campagnes. Il a été décidé de comparer les résultats obtenus par VAHIP et
ceux des autres études dans des zones communes.
� Comparer les résultats obtenus par VAHIP dans les provinces du delta du
fleuve rouge (Hà Nội et Thái Bình) avec ceux du CIRAD dans les provinces de
Thái Bình et Hà Tây ;
� Comparer les résultats obtenus par VAHIP dans les provinces du delta du
fleuve Mékong (Đồng Tháp, Tiền Giang et Long An) avec ceux de l’ACIAR.
2.1.2 Comparaison des résultats des études
- Si on considère l’hypothèse que les taux d’immunisation devraient être similaires
dans toutes les régions du delta du fleuve rouge, du fait de la relative homogénéité
des contraintes environnementales et des pratiques d’élevage, alors il apparait
cohérent de faire une comparaison des résultats combinés du CIRAD (Bắc Giang et
68
Hà Tây) et de VAHIP dans le delta du fleuve Rouge sur la période 2009-2010. Les
résultats sont les suivants :
VAHIP: 70,8 % (70,0 - 71,6)
CIRAD: 17,8 % (16,8 - 18,8)
Test du X²: on obtient une P value < 0,01 ;
- Il est possible de faire une comparaison plus précise au niveau des provinces
suivantes :
� Hà Nội: les provinces de Hà Nội et Hà Tây sont adjacentes et ont fusionné en
août 2008. Au moment des suivis sérologiques CIRAD et VAHIP de 2009-2010,
ces deux provinces étaient donc sous une administration vétérinaire
identique, et leurs élevages étaient donc vaccinés dans des conditions
similaires. Les pourcentages d’animaux séropositifs obtenus sont les
suivants :
VAHIP: 63,1 % (62,0 - 64,2)
CIRAD: 14,2 % (12,5 - 15,9)
Test du X²: on obtient une P value < 0,01 ;
� Thái Bình : Cette province a fait l’objet d’un suivi sérologique de la population
de canards domestiques par VAHIP en 2010 et par le CIRAD en 2011. Les
pourcentages d’animaux séropositifs obtenus sont les suivants :
VAHIP: 78,31 % (74,55 – 82,07)
CIRAD: 41,74 % (37,60 – 48,88)
Test du X² : on obtient une P value < 0,01.
Il apparait clairement que les populations investiguées par les deux programmes de
recherche ont fait l’objet d’une sélection différente. La différence significative de résultat
peut être attribuée à la sélection du programme VAHIP orientée sur la population vaccinée
1 mois après la campagne de vaccination.
Cette hypothèse peut être testée en utilisant les résultats de l’étude ACIAR qui comprend le
suivi sérologique des canards vaccinés à 3-6 semaines post-vaccination. Ces résultats
peuvent être comparés à ceux de VAHIP spécifiquement pour les canards dans les provinces
du delta du Mékong : Đồng Tháp, Tiền Giang et Long An. Il faut noter qu’il existe un biais de
comparaison puisque les résultats de VAHIP utilisés remontent à 2010 tandis que ceux de
l’ACIAR remontent à 2007-2008.
Résultats :
Taux de séroconversion des canards à 3-6 semaines post-vaccination selon les résultats
ACIAR : 57,3 % (54,6 – 60,0).
Taux de séroconversion des canards suivis par VAHIP dans le delta du Mékong : 67,6 % (66,0
– 69,2).
69
Test du X² : on obtient une P value < 0,01.
Les résultats sont significativement différents mais l’écart est plus réduit.
En utilisant uniquement les résultats de VAHIP dans la province de Đồng Tháp qui est en
commun entre les deux programmes, le résultat suivant est obtenu :
Taux de séroconversion des canards à 3-6 semaines post-vaccination avec les résultats
ACIAR : 57,3 % (54,6 – 60,0).
Taux d’immunisation de la population de canards dans la province de Đồng Tháp mesurée
par VAHIP : 60,4 % (57,7 – 63,1).
Test du X² : on obtient une P value = 0,12.
L’écart entre les deux résultats n’est plus significatif. Le programme VAHIP est
vraisemblablement ciblé spécifiquement sur les oiseaux vaccinés à environ 1 mois post-
vaccination.
2.1.3 Disparités spatiales de la protection vaccinale
Le tableau 1 récapitule la comparaison des résultats des études ACIAR et CIRAD
respectivement dans le delta du Mékong et le delta du fleuve Rouge:
Tableau 1 : Comparaison deux à deux des taux de séroconversion mesurés dans la population
d’oiseaux domestiques par trois programmes de recherches dans plusieurs régions distinctes
du Viêt Nam : CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây), CIRAD (Thái Bình ) et ACIAR (delta du Mékong).
Population considérée Poulets et canards vaccinés Canards vaccinés
Etude CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây) : delta du fleuve Rouge
26,8% (25,2 – 28,4) 26,2% (23,8 – 28,6)
Etude ACIAR: delta du fleuve Mékong
54,5 % (52,1 – 56,9) 54,3% (51,6 – 57,0)
P value test X² <0,01 <0,01
Population considérée Canards vaccinés
Étude CIRAD (Thái Bình) : delta du fleuve Rouge
49,5% (44,7 – 54,2)
Etude ACIAR: delta du fleuve Mékong
54,3% (51,6 – 57,0)
P value test X² <0,01
Population considérée Canards vaccinés et non vaccinés
Canards vaccinés
Etude CIRAD (Thái Bình) : delta du fleuve Rouge
41,9 (37,6 – 45,9) 49,5% (44,7 – 54,2)
Etude CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây) : delta du fleuve Rouge
20,5 (18,8-22,2) 26,2% (23,8 – 28,6)
70
Le premier constat apporté par cette comparaison est l’inégalité spatiale qui existe entre les
régions en termes de taux d’immunisation des oiseaux :
- entre les provinces de Thái Bình et de Bắc Giang et Hà Tây, ces provinces faisant
toutes partie du delta du fleuve Rouge: il apparaît que l’inégalité entre les taux de
séroconversions des deux provinces se retrouve à deux niveaux : la population totale
de canards et les canards vaccinés uniquement ;
- entre les provinces du delta du Mékong et les provinces de Bắc Giang et Hà Tây : les
inégalités de taux de séroconversions chez les vaccinés s’observent sur la population
de poulets et canards confondus et sur les canards seuls.
Entre la province de Thái Bình et le delta du Mékong, la différence de résultat est discutable,
en effet, le X² obtenu est peu élevé et il se pourrait qu’en corrigeant l’effet « cluster » induit
par l’échantillonnage à plusieurs degrés, la différence évaluée par le test du X² ne soit pas
significative. Malheureusement, les données disponibles n’étaient pas suffisantes pour
effectuer cette correction.
2.2 Evaluation de la circulation virale
2.2.1 Surveillance au niveau des élevages
Les programmes d’études sélectionnés comprennent une évaluation de la prévalence virale
par détection directe dans les élevages :
- GETS
- CIRAD (Bắc Giang - Hà Tây)
- ACIAR
La détection virale a également été effectuée dans le cadre de l’étude CIRAD à Thái Bình,
mais les résultats n’étaient pas encore complètement disponibles au moment de la
rédaction du présent ouvrage. Dans le cas des études CIRAD (Bắc Giang - Hà Tây) et ACIAR,
les prélèvements pour recherche virologique ont été faits sur les mêmes animaux suivis par
sérologie. Leurs caractéristiques sont présentées en annexe 2 et leurs localisations
géographiques en figure 13.
P value test X² <0,01 <0,01
71
Figure 13: Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’une surveillance de l’infection
aux virus influenza au niveau des élevages par une des 3 études GETS en 2010, CIRAD en
2008-2009 et ACIAR en 2007-2008 au Viêt Nam.
72
2.2.1.1 Hétérogénéités entre études
Les principales hétérogénéités entre études sont résumées ici :
- le contexte: il convient de rappeler que le programme GETS a été conduit
dans les conditions particulières de l’arrêt partiel de la vaccination dans les 5
provinces d’étude. L’objectif de l’étude était de détecter une augmentation possible
de la circulation virale due à ce changement ;
- les espèces d’oiseaux ciblées : dans l’étude CIRAD, la recherche virale a
ciblé toute la population d’oiseaux, sans se concentrer sur une espèce donnée. En
revanche, les études ACIAR et GETS se sont focalisées sur le suivi des élevages de
canards, le programme GETS ciblant les élevages de canards considérés à haut risque
d’infection, sélectionnés sur plusieurs critères. L’étude ACIAR incluait également des
poulets en divagation au contact des élevages mais ils ne sont pas représentatifs de la
population réelle de gallinacés ;
- Concept de l’étude : les études GETS et ACIAR sont des suivis
longitudinaux : tous les élevages et oiseaux sélectionnés sont suivis tout au long de
l’étude, et remplacés uniquement en cas de vente ou de mort. Dans l’étude CIRAD, en
revanche, une nouvelle sélection des élevages et des oiseaux a été faite à chaque
campagne ;
- Méthode d’échantillonnage : dans chaque étude, la procédure
d’échantillonnage a été basée sur les mêmes principes : un échantillonnage à
plusieurs degrés incluant une sélection primaire des communes d’étude ou des
districts d’étude dans chaque province considérée suivie d’une sélection aléatoire
secondaire des élevages suivis dans chaque unité primaire, enfin une sélection
aléatoire des oiseaux dans chaque élevage. Cependant, quelques différences sont à
noter :
� La sélection primaire : Dans le cas de l’étude CIRAD, les communes d’étude ont
été sélectionnées sur des critères de risque de circulation de l’IAHP, évalué
entre autres par le nombre de foyers déclarés antérieurement. En ce qui
concerne l’étude ACIAR, les districts d’étude ont d’abord été sélectionnés sur
des critères de risque de circulation de l’IAHP. Une primo-sélection des villages
inclus dans l’étude a été opérée par la suite en appliquant une probabilité de
sélection proportionnelle au nombre d’élevages compris dans chaque village.
Dans le cas de l’étude GETS, toutes les communes comprenant plus de 50
bandes de canards ont été sélectionnées ;
� La sélection des élevages : dans toutes les études, elle était supposée être faite
de manière aléatoire parmi une liste d’élevages jugés accessibles selon les
responsables des sous-départements de la santé animale de chaque province,
73
au sein des unités primaires préalablement désignées. Dans le cas de l’étude
ACIAR, un nombre fixe de 5 élevages a été échantillonné dans chaque village
présélectionné, et dans l’étude GETS un élevage a été sélectionné aléatoirement
dans chaque commune ciblée, alors que dans l’étude CIRAD, les élevages ont
été sélectionnés aléatoirement sur la liste des élevages accessibles de toutes les
communes présélectionnées ;
� Sélection des oiseaux : dans chaque élevage, un nombre fixe d’oiseaux ont été
sélectionnés dans chaque bande présélectionnée : 10 dans l’étude ACIAR et
CIRAD, et 25 dans l’étude GETS. Un plus grand nombre d’oiseaux sélectionnés
dans chaque bande confère une plus grande probabilité de détecter l’infection.
La sélection des oiseaux s’est faite de la façon suivante : la bande est transférée
d’un compartiment à un autre sauf un groupe d’oiseaux de la taille voulue qui
est retenu dans le premier enclos ;
- L’usage d’oiseaux sentinelles : dans l’étude CIRAD, aucun oiseau sentinelle n’a été
utilisé, alors que dans l’étude GETS tous les canards sélectionnés dans les élevages
étaient supposés être gardés non vaccinés, et dans l’étude ACIAR 6 oiseaux sur 10
étaient également « sentinelles ». Comme indiqué en première partie, en cas
d’infection de l’élevage, les oiseaux non vaccinés ont une plus forte probabilité de
s’infecter, d’exprimer les symptômes de l’infection et excrètent le virus en plus
grande quantité et sur un temps plus long. L’usage des oiseaux sentinelles augmente
probablement la sensibilité de la surveillance virale ;
- Période d’échantillonnage : le suivi ACIAR a été conduit sur toute l’année, à des
intervalles de temps réguliers, ce qui confère une représentativité temporelle
relativement élevée aux résultats, tandis que les investigations CIRAD ont été
conduites à intervalles réguliers mais toujours limitées à la période de décembre à
juin. L’étude GETS s’est faite aussi par des visites régulières de décembre 2009 à
janvier 2010 puis de juillet 2010 à mars 2011 ;
- Le type d’échantillon prélevé : dans le cas de l’étude GETS, seuls des écouvillons
oropharyngés ont été prélevés sur chaque oiseau, alors que dans les études ACIAR
et CIRAD, les écouvillons étaient à la fois oropharyngés et cloacaux, ce qui augmente
probablement la probabilité de détection du virus par rapport à la surveillance du
programme GETS ;
- Le pool d’échantillons : dans l’étude CIRAD, les échantillons oropharyngés et
cloacaux ont été groupés en pools de 6 (3 oropharyngés et 3 cloacaux des mêmes
oiseaux) chaque pool représentant donc 3 oiseaux. Dans les études GETS et ACIAR,
les échantillons ont été regroupés par 5, chaque pool représentant 5 oiseaux. En
conséquence, la prévalence virale mesurée par GETS est probablement surestimée
74
par rapport à celle mesurée par l’étude CIRAD. Il a été décidé, pour cette raison, de
multiplier la prévalence obtenue dans l’étude CIRAD par un facteur 5/3 ;
- Classes de virus recherché: dans l’étude CIRAD, les échantillons ont été testés par RT-
PCR pour les virus influenza de type A et, en cas de positivité, pour le sous-type H5.
Dans le cas des études GETS et CIRAD, les échantillons ont été testés pour H5. Dans
l’étude GETS, en cas de positivité, ils ont été testés pour N1.
2.2.2 Comparaison des résultats
Tableau 2: Prévalences des infections à virus H5 dans les populations de volaille mesurées par
des enquêtes ACIAR, CIRAD et GETS visant à la détection directe des virus H5 dans les
élevages de volailles.
Région Etude et année Province Pool prévalence du virus H5 (%)
Intervalle de confiance (risque α = 5%)
Nam Định 1,5 1,1 - 2,0 GETS (2010)
Ninh Bình 0
Delta du fleuve Rouge
CIRAD (2008 – 2009)
Bắc Giang / Hà Tây 0,4 0,0 - 0,9
Centre nord GETS (2010) Quảng Bình 0
Hậu Giang 1,3 0,5 - 2,1 GETS (2010)
Sóc Trăng 0,6 0,3 - 1,0
Delta du fleuve Mékong
ACIAR (2007 – 2008)
Đồng Tháp /Tiền Giang / BếnTre / Sóc Trăng
0,2 0,0 - 0,4
En première observation des résultats présentés par le tableau 2, il apparaît que les taux de
détection de virus dans les élevages varient de 0 à 1,53% ce qui est relativement peu élevé
malgré les mesures prises pour augmenter la sensibilité des études : identification des zones
à risque de circulation virale et usage d’oiseaux sentinelles. Dans les suivis ACIAR et CIRAD
(Bắc Giang - Hà Tây), respectivement 2 et 5 pools d’échantillons ont été positifs en RT-PCR
pour le virus H5, toujours chez des canards. Ces résultats paraissent d’autant plus faibles si
on les compare avec ceux de la sérologie des canards non vaccinés échantillonnés par ces
deux mêmes études, montrés par le tableau 3, qui révèlent des taux de séropositifs sur les
mêmes oiseaux atteignant 13,4 ou 17,5%.
Tableau 3 : Pourcentages de canards non vaccinés positifs en sérologie H5 évalué au moyen
d’un suivi sérologique de la population de volailles domestiques par les études CIRAD de 2008
à 2011 et ACIAR en 2007 et 2008.
Région Etude et année Province Séroprévalence bande H5(%)
Intervalle de confiance (risque
α = 5%)
CIRAD (2008 – 2010)
Bắc Giang / Hà Tây 13,4 0,4 – 26,7 Delta du fleuve Rouge
CIRAD (2011) Thái Bình 17,8 11,9 – 23,8
75
Delta du fleuve Mékong
ACIAR (2007 – 2008)
Đồng Tháp /Tiền Giang / BếnTre / Sóc Trăng
17,5 14,1 – 20,9
2.2.3 Surveillance virale ciblée sur les lieux à haut risque de circulation
2.2.3.1 Hétérogénéités entre études
La surveillance virale ciblée sur les lieux à haut risque de circulation a été menée par les
programmes GETS et VAHIP. L’annexe 3 expose les principales caractéristiques des deux
études et la figure 14 montre leurs localisations géographiques respectives.
Figure 14 : Carte représentant les provinces ayant fait l’objet d’une surveillance des infections
à virus influenza par les 2 études sélectionnées GETS en 2011 et VAHIP en 2009 et 2010 au
Viêt Nam.
76
Leurs hétérogénéités sont résumées ici :
- Le contexte : il convient de rappeler que le programme GETS a été
conduit dans les conditions particulières de l’arrêt partiel de la vaccination dans les 5
provinces d’étude. L’objectif de l’étude était de détecter une augmentation possible
de la circulation virale due à ce changement ;
- Les espèces d’oiseaux ciblées : les deux études ciblaient les populations
de canards. Cependant le programme VAHIP a, dans certaines provinces, instauré une
surveillance des élevages de canards de Barbarie non vaccinés ainsi qu’une
77
surveillance des volailles de contrebande ou suspectes d’IAHP qui n’était pas limitée
aux canards ;
- La combinaison de différentes surveillances : le programme GETS était
spécifiquement conduit au niveau des marchés de canards vivants. Le programme
VAHIP, en revanche, est une combinaison de différentes surveillances menées à
différents niveaux :
� marchés de canards vivants
� abattoirs
� élevages de canards en divagation
� élevages de canards de Barbarie non vaccinés ou autres élevages de canards
non vaccinés
� volailles importées illégalement et saisies par les autorités.
� élevages de volailles suspects d’IAHP
Pour cette raison, les résultats des deux études sont difficilement comparables, à
moins de ne considérer que les résultats issus des marchés de canards vivants du
programme VAHIP. Par la suite seul le volet concernant les marchés de canards
vivants de la surveillance VAHIP a été pris en compte ;
- Procédure d’échantillonnage :
� Sélection des marchés : elle s’est faite de façon similaire dans les deux études :
un nombre précis de marchés a été sélectionné dans chaque zone concernée
par l’étude, très souvent sur la base de leur accessibilité ou de la disponibilité
du personnel vétérinaire, et visités à des intervalles de temps réguliers. Deux
marchés ont été sélectionnés dans chaque district visé par le programme
GETS, et Quatre marchés ont été sélectionnés dans chaque province visée par
le programme VAHIP. Au total, le programme VAHIP a été implanté dans 44
marchés en 2009 et 32 en 2010. Le programme GETS a permis le suivi de 80
marchés durant les deux mois de l’étude ;
� Sélection des canards lors des visites: dans le cas de l’étude VAHIP, un
échantillonnage aléatoire à 2 degrés a été instauré, avec une primo-sélection
aléatoire des lots des bandes de canards vendues puis une sélection aléatoire
des canards prélevés dans chaque bande. La sélection des canards dans les
marchés, dans le programme GETS, s’est faite par échantillonnage
systématique : en fonction du nombre de canards attendus le jour de la visite,
les collecteurs ont compté les canards entrant dans le marché et prélevé l’un
d’eux à intervalle régulier de manière à collecter un total de 20 canards ;
- Période de l’étude : la surveillance des marchés menée dans cadre du programme
GETS couvre une période relativement courte : du 16 avril au 31 mai 2011, chaque
marché ayant été visité 4 fois durant cette période restreinte, alors que la surveillance
78
des marchés et des abattoirs du programme VAHIP a été faite à intervalles constants
d’un mois durant l’année 2009-2010, ce qui lui confère une représentativité
temporelle relativement élevée ;
- Type d’échantillons prélevés : dans l’étude GETS, des écouvillons oropharyngés et
cloacaux ont été prélevés sur chaque oiseau alors que selon le protocole de l’étude
VAHIP, seuls les écouvillons cloacaux sont recommandés, ce qui limite probablement
la sensibilité de la surveillance VAHIP par rapport à celle du programme GETS. Les
études expérimentales de Sturm-Ramirez et al. (2005) montrent que la trachée est la
voie d’excrétion virale privilégiée chez le canard par rapport au tractus digestif ;
- Pool d’échantillons: dans les deux études les échantillons ont été mélangés par pools
de 5 oiseaux ;
- Classes de virus détecté : dans l’étude VAHIP, les échantillons ont été testés par RT-
PCR pour l’influenza de type A, puis les positifs ont été testés pour le sous-type H5 et,
enfin, les positifs en H5 ont été testés pour N1. Dans le protocole du programme
GETS, les échantillons ont été testés directement pour le sous-type H5 et les positifs
ont été testés pour N1 ;
En conclusion, on peut considérer que les résultats spécifiques de la surveillance des
marchés de canards vivants des deux études peuvent faire l’objet d’une comparaison, à
condition de garder à l’esprit les différences de périodes d’étude : la période d’investigation
du programme GETS se situe exactement entre la période hivernale considérée comme
étant à forte circulation virale et la période estivale considérée comme étant à faible
circulation. Le biais de représentativité temporelle apparait donc limité.
2.2.3.2 Inégalités spatiales de la circulation virale de H5N1
Les résultats combinés des surveillances des marchés de canards vivants des études GETS et
VAHIP sont présentés par le tableau 4 et la figure 15.
Tableau 4: Taux de détection des infections à H5N1 mesurés par la surveillance des canards
vendus dans les marchés de volailles vivantes de différentes zones géographiques, selon les
résultats des programmes GETS en 2010 et VAHIP en 2011.
79
Région Programme Province
Nombre de pools
Nombre de pools
positifs pour H5N1
Pourcentage de pools positifs H5N1 dans la
province
Pourcentage de pools
positifs H5N1 dans la région
Thái Bình
324 32 9,9 (6,7 -13,2)
VAHIP
Hà Nội 864 0 0,00
Nam Định
320 0 0,00
Delta du fleuve Rouge
GETS
Ninh Bình
256 0 0,00
1,8 (1,2 – 2,4)
GETS Quảng Bình
160 10 6,3 (2,5 - 10,1)
Thanh Hoá
600 5 0,8 (0,1 – 1,5)
Côte centrale
nord VAHIP
Thừa Thiên-Huế
324 1 0,3 (0,0-0,9)
1,5 (0,8 – 2,2)
Côte centrale
sud
VAHIP Bình Định 396 4 1,2 (0,1 – 2,3)
1,2 (0,1 – 2,3)
Đồng Tháp
360 16 4,4 (2,3 – 6,5) VAHIP
Tiền Giang
324 0 0,00
Hậu Giang
224 23 10,3 (6,3 – 14,3)
Delta du fleuve
mékong
GETS
Sóc Trăng
288 23 8 (4,9 – 11,1)
5,2 (3,9 – 6,5)
Figure 15: Carte représentant les pourcentages de détection d’infections à H5N1 des canards
prélevés dans le cadre de la surveillance des marchés de volailles vivantes des programmes
VAHIP en 2010 et GETS en 2011 au Viêt Nam, par province.
80
Il apparaît que les taux de détection de H5N1 dans les marchés atteignent des valeurs
relativement élevées, de plus de 4% dans 5 des 12 provinces concernées et jusqu’à environ
81
10% dans les provinces de Hậu Giang et Thái Bình alors que la prévalence de l’infection à H5
mesurée par détection au niveau des élevages ne dépasse jamais 1,5%.
Les différences de taux de détection entre régions ont été testées par le test du X² :
- Entre le delta du fleuve Rouge et le delta du fleuve Mékong :
X² = 25,33 pour 1 degré de liberté. P value < 0,01 ;
- Entre le delta du fleuve Rouge, la côte central nord et la côte centrale sud :
X² = 1,49 pour 2 degrés de liberté. P value = 0,47.
Le delta du Mékong apparaît donc comme une zone de circulation importante du virus
H5N1, par comparaison avec le reste du pays. Le delta du fleuve Rouge ne présente pas un
niveau de circulation virale significativement plus élevé que les régions côtières.
2.2.3.3 Inégalités spatiales de la proportion H5/Influenza A
Les résultats du programme VAHIP présentent l’avantage de combiner la détection des virus
influenza type A et des sous-types H5 et H5N1, ce qui permet une analyse de la proportion
d’infections à virus H5 et H5N1 sur le total des infections à Influenza type A détectés.
Les résultats respectifs des 4 provinces les plus au nord du pays (Thái Bình, Hà Nội, Thanh
Hoá, Lạng Sơn) et des 4 provinces les plus au sud (Tây Ninh, Long An, Đồng Tháp, Tiền
Giang) ont été combinés et comparés deux à deux. Cette comparaison est présentée par le
tableau 5 et la figure 9 indique les positions géographiques des provinces du nord et du sud.
Les différences entre proportions ont été vérifiées au moyen du test du X².
82
Tableau 5: Comparaison des différents taux de détection de virus influenza dans le nord (Thái
Bình, Hà Nội, Thanh Hoá, Lạng Sơn) et le sud (Tây Ninh, Long An, Đồng Tháp, Tiền Giang) du
Viêt Nam sur la base des résultats de la surveillance virale du programme VAHIP en 2009 et
2010.
Pourcentage de positifs Influenza
type A sur l’ensemble des
individus prélevés (%)
Pourcentage de positifs H5
sur l’ensemble
des individus prélevés (%)
Pourcentage de positifs H5N1
sur l’ensemble des individus prélevés (%)
Pourcentage de positifs H5 sur l’ensemble des
individus positifs en type A (%)
Pourcentage de positifs H5N1 sur l’ensemble des
individus positifs en type A (%)
Nord Viêt Nam
9,2 (8,5 – 10,0) 3,2 (2,7 – 3,6) 2,2 (1,8 - 2,5) 34,3 (27,0 -42,8) 23,4 (17,7 – 29,9)
Sud Viêt Nam
19,7 (18,7 – 20,6) 2,5 (2,1 - 2,8) 1,86 (1,5 – 2,2) 12,6 (10,2 – 15,2) 9,5 (7,5 – 11,6)
P value test X²
< 0,01 0,02226 0,2749 < 0,01 < 0,01
Écart significatif
+ - - + +
Les deux principales observations apportées par cette comparaison sont:
- le taux de détection d’infections aux influenzavirus de type A est significativement
plus important dans le sud du Viêt Nam par rapport au nord ;
- en revanche, le pourcentage de détection des infections à virus de sous-type H5 et
H5N1 sur l’ensemble des infections à influenzavirus de type A est significativement
plus élevé dans le nord que dans le sud du pays. Cette différence est illustrée par la
figure 16.
83
Figure 16 : Répartition géographique par province des taux de détection des infections à virus
Influenza type A (a) et de la proportion de détection de H5 sur le total des infections à virus
influenza A détectées (b) établies à partir des résultats de la surveillance virale du
programme VAHIP en 2009 et 2010 au Viêt Nam.
a) Taux de détection des infections à virus Influenza type A :
84
b) Proportion de détection des infections à H5 sur le total des infections à virus influenza type
A détectées :
2.3 Etablissement d’un lien entre protection vaccinale et niveau de circulation virale
Une régression logistique a été utilisée afin d’évaluer la corrélation spatiale entre la
proportion des infections à virus H5 sur l’ensemble des infections à influenzavirus type A
détectées au niveau des provinces et le taux de séroconversions post-vaccinaux mesurés
dans ces mêmes provinces. Les résultats utilisés sont ceux du programme VAHIP puisque ce
sont les seuls qui comportent une détection des influenzavirus de type A et des virus de
sous-type H5 au niveau des marchés.
Variable à expliquer : la probabilité qu’une infection à influenzavirus de type A détectée dans
un marché de canards vivants soit due à un virus de sous-type H5. Seuls les résultats issus
des marchés de canards vivants pour l’année sont utilisés car l’ajout des résultats des autres
investigations introduit un biais de représentativité : par exemple la probabilité qu’une
infection à influenzavirus soit due à H5 est probablement plus importante chez les volailles
suspectes d’IAHP, qui sont en nombre plus ou moins variable selon les provinces. Pour
l’année 2009, les résultats des marchés de canards vivants séparés des autres ne sont pas
disponibles.
85
Variable explicative : Il a été décidé de faire deux analyses séparées en utilisant en variable
explicative la proportion d’animaux positifs mais aussi la proportion de bandes positives
mesurées par le programme VAHIP en 2010.
Sept provinces au total ont été testées pour cette corrélation, puisque ce sont les seules
pour lesquelles les deux données sont disponibles pour l’année 2010 : Thái Bình, Hà Nội,
Thanh Hoá, Đồng Tháp, Tiền Giang, Thừa Thiên-Huế et Bình Định. Dans les provinces de
Lạng Sơn et Hà Tĩnh aucun suivi sérologique n’a été effectué en 2010, et les provinces de
Tây Ninh, Long An et Hà Tĩnh n’ont pas fait l’objet d’une surveillance des marchés de
volailles en 2010.
Le critère de positivité d’une bande d’oiseaux considéré dans le programme VAHIP est le
suivant : au moins 70% des oiseaux de la bande doivent être séropositifs. Pour rappel, le
seuil de positivité d’un animal correspond à une inhibition de l’hémagglutination pour une
dilution du sérum de 1/16 (soit 4log2).
Les résultats, obtenus à l’aide de la fonction logit du logiciel R, sont présentés dans le
tableau 6. Selon les deux modèles, il apparaît que la P value est inférieure à 0,01 et le
coefficient est négatif, ce qui signifie une corrélation négative significative entre le taux de
virus H5 dans les infections à influenza type A et les deux indicateurs de protection vaccinale
mesurés. Le critère d’information d’Akaike (AIC) est un paramètre d’estimation de la
vraisemblance du modèle par rapport aux valeurs observées.
86
Tableau 6 : Résultats de la régression logistique effectuée à partir des résultats de l’étude
VAHIP entre la proportion des infections à virus H5 sur l’ensemble des infections à
influenzavirus type A détectées par surveillance des marchés de canards vivants des
provinces et le niveau de taux de séroconversion mesuré dans la population de volailles
d’élevage de ces mêmes provinces en 2010.
Modèle Modèle incluant la variable : pourcentage
d’oiseaux séropositifs
de la province
Modèle incluant la variable : pourcentage
de bandes positives
dans la province
Coefficient estimé -0,04344 -0,030407
Erreur standard 0,01471 0,008491
Valeur Z -2,953 -3,581
P value (pr(>|z|)) <0,01 <0,01
Déviance nulle 113,41 113,41
Déviance résiduelle 104,46 100,77
AIC* 133,45 129,75
*AIC : Akaike Information criteria : Critère d’information d’Akaike
3 Discussion
3.1 Limites des résultats
3.1.1 Résultats de la surveillance sérologique
3.1.1.1 Limites communes à toutes les études
Les méthodologies d’évaluation de la protection vaccinale par surveillance sérologique, bien
que présentant des différences, ont toutes des limites communes :
- Les statuts vaccinaux des bandes d’oiseaux enquêtées sont à considérer avec
précaution. En effet, dans les zones concernées par le programme vaccinal, la
couverture vaccinale est supposée être de 100% chez les poulets et les canards. Du
fait de possibles pressions exercées par les services vétérinaires, ou plus simplement
par simple volonté de faire bonne apparence, les éleveurs sont probablement peu
enclins à signaler une bande non vaccinée. Ainsi dans l’étude CIRAD de Thái Bình, la
proportion d’élevages vaccinés a été évaluée à 75,42% mais 28 de ces bandes, c'est-à-
87
dire 15,2% d’entre elles, n’ont présenté aucun animal positif lors de la première
mesure, ce qui met en doute leur statut vaccinal. Les couvertures vaccinales sont donc
probablement surestimées et les taux de séroconversion des populations de volailles
vaccinées sont, à l’inverse, probablement sous-estimés, puisque des élevages non
vaccinés, avec des taux de séroconversion plus bas que la moyenne, sont
probablement inclus en excès dans l’échantillon de bandes supposé représenter la
population d’oiseaux vaccinés ;
- Étant donné l’absence de stratégie DIVA permise par le vaccin Re1, il est impossible de
certifier qu’une séroconversion observée chez un oiseau est bien due à la vaccination.
Même dans les élevages effectivement vaccinés, des infections virales à virus H5
peuvent avoir lieu, entrainant une réponse immunitaire supplémentaire :
� Les résultats de la surveillance sérologique des bandes non vaccinées,
présentés dans le tableau 3 montrent que des taux supérieurs à 11% sont
observés dans les études CIRAD et ACIAR, ce qui témoigne de l’importance des
séroconversions dues à des infections à virus H5 ;
� En considérant uniquement l’étude CIRAD de Thái Bình, dans 33 bandes, c’est
à dire 17,9% des bandes vaccinées le taux d’anticorps moyen a augmenté au
cours de l’étude d’au moins une unité log2 alors qu’aucun des élevages
sélectionnés n’a été vacciné au cours de cette période, ce qui laisse supposer
que ces augmentations sont liées à des réponses immunitaires
supplémentaires induites par des infections à virus H5 au cours de la période
d’étude ;
� Dans l’étude ACIAR, les taux de séroconversions les plus importants ont été
observés en période hivernale, c'est-à-dire au moment du pic de circulation
des virus influenza.
Il faut remarquer qu’une réponse immunitaire faisant suite à une infection n’est pas
nécessairement protectrice puisque les anticorps produits ne sont pas forcement
neutralisants et cette différence d’action ne peut être détectée par le test
d’hémagglutination. Il convient donc de garder à l’esprit que les taux de
séroconversions mesurés sur la population totale ou vaccinée sont dus en partie à
des infections et ne sont donc pas parfaitement représentatifs de la protection
immunitaire de la population ;
- La sensibilité et spécificité des tests de sérologie utilisés, l’inhibition de
l’hémagglutination, ne sont pas parfaits : récemment, à partir des sera prélevés dans
l’étude CIRAD de Bắc Giang et Hà Tây, la sensibilité du test d’inhibition de
l’hémagglutination (HI) chez le poulet et le canard a été évaluée par méthode
Bayésienne en comparant les résultats obtenus avec ce test et un test standard basé
sur la neutralisation de lentivirus pseudotypés H5. Il en est résulté une sensibilité de
91 à 100% chez le poulet et de 74 à 81% chez le canard (Desvaux S., communication
88
personnelle), en utilisant la valeur seuil de séroconversion de 4log2 chez les deux
espèces, comme c’est le cas dans la présente étude. Ainsi, si on utilise le seuil de 4log2
pour les 2 espèces, le test HI s’avère relativement sensible chez le poulet, il l’est
significativement moins chez le canard, ce qui implique une sous-estimation du taux
de séroconversions chez cette espèce ;
- Enfin les élevages ne sont pas tout à fait sélectionnés aléatoirement puisqu’ils sont
sélectionnés sur des critères d’accessibilité définis par les sous-départements de la
Santé Animale de chaque province.
3.1.1.2 Les limites propres à l’étude VAHIP
La comparaison des résultats de la surveillance sérologique du programme VAHIP avec ceux
des études CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây), CIRAD (Thái Bình) et ACIAR indiquent clairement
des différences dans la procédure d’échantillonnage qui rendent les résultats de VAHIP
impropres à une comparaison avec ceux des autres programmes. Pour autant, il est difficile
de définir le protocole réel mis en place dans l’étude VAHIP. En effet, à chaque suivi, si il
semble bien que les bandes vaccinées pendant la dernière campagne aient été inclues
prioritairement dans les échantillons par rapport aux bandes non vaccinées, il est impossible
d’établir jusqu’à quel degré, ni si ce biais d’échantillonnage a été introduit de la même façon
dans toutes les provinces inclues dans l’étude. D’après les responsables du programme, il
semble que ce ne soit pas le cas, certains sous-départements de la Santé Animale ayant
mieux respecté le protocole prévu par rapport à d’autres (Weaver J., communication
personnelle).
Dans tous les cas, il a été décidé de ne pas utiliser les résultats du programme VAHIP pour
évaluer les inégalités spatiales de la protection vaccinale, considérant ces données comme
moins fiables que celles des autres études.
3.1.2 Résultats de la surveillance de l’IAHP dans les élevages
L’écart relativement important entre les résultats de la surveillance active de l’IAHP par
détection virale dans les élevages comparés à ceux obtenus par sérologie dans les élevages
non vaccinés confirment les différences d’interprétations possibles entre l’évaluation de la
prévalence virale estimée par la sérologie ou la virologie : la virologie permet d’identifier la
présence d’une infection virale à condition de procéder à l’échantillonnage d’un des oiseaux
de la bande durant son temps d’excrétion cloacal ou trachéal, qui n’est que de quelques
jours, et d’autant plus réduit si l’oiseau en question est vacciné. Par conséquent, même en
cas d’infection récente de la bande, la probabilité de ne pas la détecter reste importante. La
sérologie permet de détecter une infection de la bande au virus H5 ayant eu lieu jusqu’à
plusieurs mois auparavant, mais elle ne peut s’appliquer aux élevages vaccinés.
89
Par ailleurs, il est important de rappeler que l’identification d’une infection au virus H5 ne
permet pas de conclure quand à la nature hautement pathogène ou faiblement pathogène
du virus incriminé qui nécessite l’identification d’une séquence spécifique par RT-PCR.
3.1.3 Résultats de la surveillance virale dans les marchés de volailles
vivantes
Les taux de détection obtenus par les enquêtes sur les marchés de volailles vivantes sont
plus élevés que ceux établis par surveillance virale dans les élevages, alors que les
techniques de détection virales appliquées sont les mêmes, confirmant la part importante
de transmission virale entre élevages occasionnée par les échanges commerciaux. Cela peut
s’expliquer par le taux important de contacts entre oiseaux provenant de différentes origines
sur les lieux de vente ou au cours des transports, ce qui est propice à la transmission et la
dissémination du virus H5N1. Par ailleurs, les volailles qui sont amenées dans les marchés
proviennent parfois d’élevages dans lesquels une maladie a été remarquée par l’éleveur,
celui-ci cherchant à vendre le plus rapidement possible ses volailles avant que la maladie
n’ait décimé le troupeau ou que les mesures d’abattage n’aient été appliquées.
Cette observation corrobore les résultats de différentes études ayant montré le lien entre
commercialisation des volailles et déclaration de foyers d’IAHP au Viêt Nam comme celles de
Magalhaes et al. (2010a) ou de Desvaux et al. (2011).
Ces résultats ne peuvent donc être considérés comme représentatifs de la prévalence virale
réelle dans la population de volaille de la région. Leur rôle d’indicateurs de la circulation
virale dans la province où se trouvent les marchés surveillés est en revanche à considérer,
avec toutefois les limites suivantes :
- les marchés de volailles vivantes drainent la population de volailles d’une zone qui
n’est pas nécessairement circonscrite à la province étudiée. Cependant, d’après les
organisateurs de l’étude VAHIP, selon le contrôle de l’origine des oiseaux prélevés sur
les marchés, une grande majorité d’oiseaux prélevés étaient issus de la même
province. Ce biais a donc une influence mineure sur les résultats (Weaver J.,
communication personnelle) ;
- Les marchés ne sont pas sélectionnés aléatoirement. D’après les dires des
organisateurs du programme VAHIP, ils sont en pratique choisis sur des critères
d’accessibilité et de coopération des services vétérinaires.
3.2 Inégalités spatiales de la protection vaccinale
Il convient de discuter les résultats de la comparaison de la protection vaccinale dans les
différentes provinces en tenant compte des hétérogénéités citées entre les études : trois
biais de comparaison possibles peuvent être cités qui pourraient expliquer la différence de
résultats entre les études CIRAD (Bắc Giang et Hà Tây) et ACIAR :
90
- Le délai appliqué avant d’échantillonner un oiseau vacciné : dans l’étude ACIAR, les
oiseaux vaccinés sont échantillonnés seulement à partir de vingt-et-un jours après la
dernière injection vaccinale, alors que l’étude CIRAD ne considère pas un tel délai. 21
jours correspondent au délai communément admis pour laisser à la réponse
immunitaire le temps de se mettre en place d’après Swayne et Kapczynski (2008).
Cependant, les résultats finaux du CIRAD obtenus en utilisant une valeur seuil de
positivité de 3log2 pour les canards, donc inutilisables pour cette comparaison
montrent que l’écart entre le taux d’immunisation des oiseaux vaccinés et celui des
oiseaux vaccinés au moins 21 jours après injection est très réduit et non significatif :
36,9 % (30,4 – 43,5) et 36,1% (29,1 – 43,1). Il est donc peu probable que l’introduction
de ce délai de 21 jours induise une différence de résultat suffisante pour expliquer
l’écart obtenu entre les deux études ;
- La différence de populations d’oiseaux échantillonnées
� dans les études ACIAR et CIRAD : les poulets échantillonnés dans le suivi ACIAR
ne sont pas considérés comme représentatif de la population réelle de
poulets, comme expliqué plus haut. C’est pourquoi il est important de faire la
comparaison uniquement sur les résultats trouvés chez les canards ;
� dans les études CIRAD de Bắc Giang et Hà Tây et Thái Bình: dans le cas de
l’étude de Thái Bình, seuls les canards à cycle long ont été échantillonnés, alors
que dans celle de Bắc Giang et Hà Tây, tous les canards sans exception ont fait
l’objet de la sélection. Cette différence d’échantillonnage peut expliquer en
partie le taux de séroconversions plus élevé observé dans l’étude de Thái Bình.
En effet les canes pondeuses ayant une durée de vie plus longue sont
susceptibles d’avoir reçu un plus grand nombre de vaccins au cours de leur
carrière par rapport aux canards de chair. Or d’après les analyses des résultats
de l’étude ACIAR faites par Henning et al. (2010), et celles effectuées sur les
résultats de l’étude CIRAD de Thái Bình (résultats non publiés) le nombre de
vaccins reçus au cours de la carrière de l’oiseau a un impact positif sur le taux
d’anticorps exprimé ;
- La différence de période d’échantillonnage : Les deux études CIRAD de 2009 (Bắc
Giang et Hà Tây) et 2010 (Thái Bình) correspondent à des périodes d’étude qui
s’étalent de décembre à juin, avec quelques variantes, alors que le suivi ACIAR a été
conduit sur une année complète. Cependant, il est peu probable que cette différence
ait pu conduire à une sous-estimation des taux de séroconversion dans l’étude CIRAD.
En effet, d’après les résultats de l’étude ACIAR, durant la période de décembre à juin
le taux d’immunisation n’est pas particulièrement bas : il atteint son maximum en
janvier, juste après la campagne de vaccination d’octobre-novembre (76,6% de
canards vaccinés et 83,5% des poulets vaccinés sont positifs) et reste stable jusqu’au
mois d’août, avant de décroître à son niveau le plus bas en novembre (22,0% des
91
canards vaccinés et 27,7% des poulets vaccinés sont positifs). Par conséquent, en
prenant en compte la même période d’étude que celle du CIRAD, il est possible que la
différence de résultat soit encore plus élevée entre les résultats CIRAD et ACIAR.
Au final, aucune des hétérogénéités énumérées ne semble pouvoir expliquer la différence de
résultats entre l’étude ACIAR et l’étude CIRAD de Bắc Giang et Hà Tây. Trois facteurs
peuvent être évoqués pour expliquer les inégalités spatiales entre taux d’immunisation des
volailles vaccinées :
- Le niveau de circulation des virus Influenza : comme expliqué plus haut, cette
circulation virale induirait une immunisation répétée des oiseaux qui se surajouterait
à la vaccination, conduisant à un niveau d’anticorps plus élevé et plus durable dans les
régions à forte circulation virale. Cette hypothèse est à prendre en considération, au
regard des taux de séropositifs obtenus dans les canards non vaccinés montrés dans le
tableau 3. Ces taux importants témoignent de l’importance de la circulation des
influenzavirus de sous-type H5 dans la population d’oiseaux domestiques. Les régions
de delta du fleuve Mékong et de Thái Bình sont potentiellement des régions à plus
forte circulation de virus H5 par rapport aux régions de Bắc Giang et Hà Tây, qui
bénéficient d’un environnement plus montagneux, avec une pratique de la riziculture
moins répandue, ce qui limite potentiellement cette circulation des virus H5. Cette
hypothèse semble appuyée par les résultats de la surveillance virale active des
marchés de 2010, reportés dans le tableau 4. Un haut taux de circulation viral a en
effet était détecté dans les marchés de Thái Bình par rapport à ceux de la province de
Hà Nội, fusionnée avec Hà Tây et voisine de Bắc Giang ;
- Le degré d’implication des éleveurs dans la vaccination : Henning et al. (2010) ont
indiqué, à propos de l’étude ACIAR, que dans les provinces du delta du Mékong
concernées par l’étude, beaucoup d’éleveurs ne se reposent pas sur le programme de
vaccination national et que les élevages étaient vaccinés à n’importe quel moment de
l’année, bien que la vaccination hors programme officiel ne soit normalement pas
autorisée par l’administration. Une telle pratique n’est pas rapportée par les
responsables de l’étude CIRAD dans le nord du Viêt Nam (Desvaux S., communication
personnelle). Une vaccination pratiquée à un moment choisi de l’année a
potentiellement une influence positive sur la protection vaccinale, puisque les
éleveurs peuvent ainsi vacciner les oiseaux dans les meilleures conditions et à l’âge
recommandé. Ces observations non concordantes entre deux régions constituent
potentiellement une piste à suivre en vue d’évaluer comment les mises en
applications différentes de la vaccination et le degré d’implication des éleveurs
peuvent influer sur le degré de protection atteint grâce à cette vaccination ;
- Les types d’élevages concernés : d’après Schuft (2009) la région du delta du Mékong
est caractérisée par une plus grande importance des élevages de grande taille, semi-
commerciaux ou industriels, comparé aux régions du nord du pays. Comme indiqué
92
plus haut, le taux d’échecs vaccinaux est significativement plus bas dans les élevages
de plus grande taille, probablement en raison d’une plus grande technicité et d’un
plus haut niveau de connaissances de l’éleveur qui apporte dans ce cas une
contribution non négligeable à la conduite de la vaccination.
En bref, cette comparaison permet de dégager quelques pistes de recherche qui pourraient
s’avérer intéressantes, comme l’évaluation de l’influence de l’éleveur lui-même, son niveau
de connaissances et de technicité, mais aussi d’investissement personnel dans la
vaccination, sur l’efficacité d’un programme de prophylaxie pourtant mis en place et dirigé
par l’administration du pays. Il faut rappeler qu’une analyse des résultats de l’étude CIRAD
de Hà Tây et Bắc Giang a montré que dans les élevages de plus grande taille le taux d’échecs
vaccinaux est significativement plus faible, ce qui suggère que lorsque les éleveurs sont plus
concernés par la protection sanitaire de leur cheptel, la vaccination est plus efficace et le
risque de non vaccination d’animaux est plus réduit (Desvaux S., communication
personnelle) .
Cependant, l’analyse introduit également un doute sur l’intérêt de la surveillance
sérologique, si on considère les paramètres qui peuvent biaiser l’étude, comme l’importante
circulation des virus H5 sauvages dans la population de volailles domestiques.
3.3 Inégalités spatiales de la circulation virale
3.3.1 Inégalités de prévalence de l’IAHP dans les élevages
En ce qui concerne les inégalités spatiales de prévalence de l’infection à H5 dans les élevages
observés entre études, il est important de considérer les limites posées par les
hétérogénéités : les pool prévalences plus élevées obtenues par les suivis GETS (par exemple
dans les provinces de Nam Định et Hậu Giang) pourraient s’expliquer par un échantillonnage
ciblé sur les canards, espèce à risque d’infections symptomatiques, et l’usage d’oiseaux
sentinelles pour augmenter la sensibilité de la détection. Il est donc difficile d’interpréter ces
résultats.
3.3.2 Inégalités de la circulation de H5N1 mesurée par la surveillance des
marchés
Dans la région du delta du fleuve Mékong et dans la côte centrale nord du Viêt Nam, les
provinces ciblées par le programme GETS présentent un taux de détection plus élevé de
H5N1 que les provinces ciblées par l’étude VAHIP, mais dans la région du delta du fleuve
Rouge, le phénomène inverse est observé. Cette comparaison n’apporte donc aucun
élément suggérant que l’arrêt de la vaccination des poulets effectué dans les provinces du
programme GETS a induit une augmentation de la circulation virale.
Le delta du Mékong apparaît comme une région à risque particulièrement élevé de
circulation du virus H5N1, par comparaison avec le reste du pays. Le delta du fleuve Rouge
93
ne présente pas un niveau de circulation virale significativement plus élevé que les régions
côtières, malgré la densité de volailles la plus élevée du pays, couplée à une activité rizicole
importante selon Desvaux et al. (2008). Les facteurs de risque suivants peuvent être évoqués
pour expliquer ce statut particulier du delta du fleuve Mékong:
- D’après Pfeiffer et al. (2007), les différences de types de populations aviaires entre les
deux régions sont la principale explication apportée à l’incidence d’IAHP plus élevée
dans le delta du fleuve Mékong durant les 2 premières épizooties de 2003 à 2005. Le
delta du fleuve Mékong est la seule région où La densité de canards est plus grande
que la densité de poulets alors que dans le delta du fleuve Rouge, la densité de
poulets est bien plus élevée que celle de canards d’après Desvaux et al. (2008). Cette
population composée majoritairement d’oiseaux aquatiques entretiendrait une
diffusion silencieuse facilitée du virus sur de plus grandes distances avant que
l’infection ne soit mise en évidence ;
- La pratique de l’élevage transhumant, décrite par Minh et al. (2010) constitue une
particularité de la région du delta du fleuve Mékong. Cette pratique de la
transhumance constitue une voie supplémentaire de dissémination du virus sur de
longues distances, après le commerce des volailles vivantes.
La circulation virale seule est donc un paramètre difficile à utiliser pour mesurer l’impact
vaccinal puisqu’elle est soumise à l’influence de facteurs spatiaux autres que la vaccination,
difficile à évaluer et prendre en compte dans une analyse spatiale.
Les résultats montrent que la surveillance des marchés de volailles vivantes, même si elle
souffre de limites en termes de représentativité, constitue le meilleur indicateur du niveau
de circulation virale en termes de sensibilité (la probabilité de détecter l’infection dans la
population étudiée est plus importante) et de coût, puisqu’elle limite fortement les
déplacements et le personnel nécessaire par rapport à la surveillance au niveau des
élevages.
3.3.3 Inégalité de la proportion H5/Influenza A mesurée par la surveillance
du programme VAHIP
Le taux de détection d’infections aux influenzavirus de type A est significativement plus
important dans le sud du Viêt Nam par rapport au nord. En revanche, le pourcentage de
détection des infections à virus de sous-type H5 et H5N1 sur l’ensemble des infections à
influenzavirus de type A est significativement plus élevée dans le nord que dans le sud du
pays.
Le taux de détection des infections aux influenzavirus de type A observé peut s’expliquer par
les facteurs de risque évoqués plus haut qui caractérisent le delta du Mékong. Ainsi, le Sud
est bien un lieu à haut risque de circulation des virus influenza de type A mais la proportion
d’infections à virus à H5 y est comparativement moins élevée par rapport au Nord.
94
Pour interpréter ces différences de proportions, Il convient de rappeler les hypothèses
formulées pour justifier l’usage de la proportion de virus H5 dans la population d’influenzas
type A comme paramètre indicatif de l’impact vaccinal:
- La vaccination a un pouvoir protecteur dirigé spécifiquement contre les virus de sous-
type H5 : il est en effet communément admis puisque la protection vaccinale est
fondée sur la production d’anticorps dirigés contre l’hémagglutinine vaccinale
utilisée et sont donc spécifiques de sous-types d’après Swayne et Kapczynski (2008).
Plusieurs études ont indiqué cependant que l’immunité cellulaire, qui est non
spécifique de sous-type puisque basée sur la reconnaissance de protéines virales
internes peut jouer un rôle dans la lutte contre l’infection une fois celle-ci établie
dans l’organisme, comme indiqué en première partie, mais à ce jour aucune étude
n’a mis à jour un rôle de l’immunité cellulaire dans la protection induite par les
vaccins inactivés, bien que celui-ci ait été suggéré dans le cas du canard par Kim et
al. (2008) ;
- Sans vaccination, la proportion de virus de sous-type H5 sur l’ensemble des virus
influenza de type A serait constante spatialement, puisque les autres facteurs
spatiaux agissent sur tous les virus influenza A sans distinction de sous-type. Cette
hypothèse est sujette à discussion. A ce jour aucune étude n’a mis en évidence une
différence d’adaptation écologique ente sous-types de virus influenza mais cela ne
veut pas dire qu’il n’y en a pas. Il est envisageable par exemple que les virus de sous-
type H5 aient une adaptation particulière à la transmission au poulet, leur
permettant de se transmettre plus facilement dans les régions où le poulet est
l’espèce d’oiseau domestique prédominante, comme c’est le cas dans le nord du
pays, par rapport aux régions méridionales. Cependant, cette interprétation
contredirait le rôle exclusif de la population de canards comme réservoir du virus.
Par ailleurs il faut rappeler que la surveillance effectuée dans le cadre de l’étude
VAHIP dans les marchés et les abattoirs a ciblé spécifiquement la population de
canards.
L’autre explication à l’inégalité observée est une protection immunitaire plus forte
développée dans le sud du Viêt Nam par rapport au nord. Cette hypothèse corrobore la
comparaison exposée plus haut de la protection vaccinale dans la population de canards du
delta du Mékong et celle des provinces de Bắc Giang et Hà Tây dans le nord.
3.4 Evaluation de l’impact vaccinal : interprétation et limites de l’analyse
Les résultats de la régression logistique effectuée vont dans le sens d’une corrélation
négative entre taux de protection conférée par la vaccination et proportion d’infections à
virus H5 sur le nombre total d’infections à influenza de type A détectées. Cette observation
suggère un rôle limitatif de l’immunité conférée par la vaccination sur la circulation virale
95
dans la population de canards domestiques. Cependant, il faut souligner les limites de ces
résultats :
- Comme expliqué plus haut, les taux de séroconversions des populations de volailles
mesurées par le programme VAHIP ne sont pas représentatifs de la couverture
immunitaire de la population sur une année entière. Il semble que ces mesures
soient plus indicatrices de l’efficacité vaccinale, c'est-à-dire le taux de vaccinations
réussies, mesurée par la proportion d’animaux vaccinés ayant bien déclenché une
séroconversion à un mois après vaccination. Cette mesure ne prend pas en compte :
� L’existence de bandes d’oiseaux non vaccinées pendant la campagne ;
� Le renouvellement des troupeaux entre les campagnes, qui se fait plus ou
moins fréquemment selon le type de production ;
� La décroissance du taux d’anticorps protecteurs avec le temps qui a lieu plus
ou moins rapidement en fonction de différents facteurs comme la qualité de
l’injection vaccinale.
Par ailleurs de sérieux doutes subsistent sur la façon dont les bandes ont été
échantillonnées. Il est impossible de dire si les échantillons sélectionnés sont bien
représentatifs des bandes vaccinées. Il faut ajouter à cela les incertitudes inhérentes
à une surveillance sérologique post-vaccinale sans stratégie DIVA : une partie des
séroconversions observées peuvent être dues à des infections naturelles aux virus
H5 ;
- La surveillance virale dans les marchés a également des limites en terme de
représentativité, d’abord parce que les marchés suivis ne sont pas sélectionnés
aléatoirement, ensuite parce que des oiseaux provenant de provinces extérieures
ont pu être prélevés lors de cette surveillance.
Les taux de séroconversions mesurés dans le programme VAHIP sont au moins indicateurs
de la qualité de la mise en œuvre des campagnes de vaccination :
- pourcentage d’animaux effectivement vaccinés dans les troupeaux visités
- qualité du transport et de la conservation des vaccins
- qualité de la réalisation des injections, respect des doses
Le constat que ces facteurs ont une influence spécifique sur la circulation des virus H5 est, en
soit, indicateur d’un impact positif des campagnes de vaccination :
- protection des troupeaux de canards vis-à-vis du risque d’infection aux virus H5 et
donc à l’IAHP
- limitation de la circulation des virus H5 dans la population de volailles domestiques et
donc du risque d’infection humaine ou d’une variation antigénique responsable
d’une augmentation de la virulence de l’IAHP ou d’un pouvoir de transmission
interhumaine
96
CONCLUSION
Cette étude se présente comme une approche innovante de l’évaluation des campagnes
nationales de vaccination des volailles contre l’Influenza Aviaire Hautement Pathogène
commencées en 2005 et qui constituent un investissement majeur du Viêt Nam dans la lutte
contre cette maladie aux conséquences économiques et sanitaires redoutables. Malgré son
importance, l’impact de ce programme vaccinal s’est avéré difficile à évaluer jusqu’ici.
L’approche développée dans cette étude s’est focalisée sur l’évaluation de la protection
vaccinale et celle de l’impact vaccinal, en s’inspirant d’autres études menées dans différents
pays et sur d’autres maladies animales mais aussi en développant de nouveaux indicateurs
comme la proportion du sous-type viral ciblé par la vaccination sur un ensemble plus large
de virus. L’analyse spatiale s’est faite en combinant et comparant les résultats de différentes
études et une analyse complète des données brutes de l’une d’elles, celle du CIRAD dans la
province de Thái Bình. Cette approche implique de prendre en compte les inévitables biais
liés aux hétérogénéités entre études.
En ce qui concerne la protection vaccinale, des inégalités spatiales ont été mises en évidence
entre régions et des recherches approfondies sur l’implication des éleveurs dans l’efficacité
des campagnes de vaccination constituent des pistes de recherche intéressantes. L’étude
confirme que la région du delta du fleuve Mékong est une zone à risque particulièrement
important de circulation de H5N1 et d’influenzavirus de type A en général. Cependant la
proportion des infections à virus H5 sur les infections à influenza type A y est moins
importante que dans le nord du pays, ce qui pourrait s’interpréter dans le sens d’une
efficacité plus élevée de la vaccination dans cette région. Cette hypothèse est appuyée par
la corrélation négative observée à l’échelle de 7 provinces réparties du nord au sud et
investiguées par le programme VAHIP entre cette proportion d’infections à H5 et la
protection vaccinale estimée. Cependant, ce résultat s’appuie sur des mesures de la
protection vaccinale qui sont soumises à réserve en raison de biais d’échantillonnages et de
biais temporels.
Bien que ces résultats soient limités en terme d’interprétation, ils encouragent à réitérer le
même type d’analyse, en mettant en place une mesure de la protection vaccinale la plus
représentative possible, et en concentrant la surveillance active des virus influenza sur les
marchés de volailles vivantes, qui représente le mode de surveillance le plus efficace et le
plus économique observé jusqu’à présent. D’autres aspects de l’impact de la vaccination
devraient être pris en compte dans de futures études, comme le volet socio-économique,
avec une analyse des conséquences de la vaccination sur les pratiques d’élevages et le
rapport des éleveurs aux autorités sanitaires, élément clé de la lutte collective contre les
maladies animales dans les pays en développement. Enfin, une analyse de la dérive
génétique potentiellement favorisée par la vaccination pourrait être envisagée, afin de
vérifier si la pression vaccinale favorise une évolution vers une virulence et un taux de
transmission plus ou moins élevés chez l’animal et l’homme.
97
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ÉVALUATION DE L’IMPACT DE LA
VACCINATION DES VOLAILLES
DOMESTIQUES CONTRE L’INFLUENZA
AVIAIRE HAUTEMENT PATHOGÈNE DÛ À
H5N1 AU VIÊT NAM Auteur : Alexis DELABOUGLISE
Résumé :
Depuis 2003, le Viêt Nam a été le théâtre de nombreuses épizooties d’Influenza Aviaire Hautement
Pathogène, aux conséquences économiques et sanitaires désastreuses. Malgré les actions mises en
œuvre, des foyers de cette maladie sont régulièrement observés dans la population aviaire
domestique, la lutte étant rendue difficile par la prédominance des élevages à faible niveau de
biosécurité et l’importance des palmipèdes, suspectés d’entretenir une persistance silencieuse du
virus. Dans ce contexte, il apparait d’importance primordiale d’évaluer l’impact global du programme
de vaccination de masse des poulets et canards d’élevage contre H5N1. Les études d’impact menées
jusqu’alors ont essentiellement révélé un niveau limité de protection immunitaire vaccinale des
volailles, ainsi qu’une circulation virale persistante de H5N1 dans la population de canards
domestiques. Elles ont également mis en avant le risque de circulation virale silencieuse favorisée par
une immunité vaccinale incomplète. La présente étude propose une approche innovante de
l’évaluation de l’impact de la vaccination, à travers une analyse spatiale basée sur la revue, la
comparaison et la combinaison des résultats des 5 programmes de recherche conduits au Viêt Nam
de 2007 à 2011, ainsi que l’estimation de la relation entre le niveau de protection conféré par la
vaccination et le niveau de circulation virale. Malgré les limites des résultats et les hétérogénéités
entre méthodologies mises en place par les différentes études, l’analyse révèle une inégalité spatiale
du taux de protection immunitaire atteint par les canards vaccinés, celle-ci étant supérieure dans le
delta du Mékong. Paradoxalement, cette région présente le niveau de circulation de virus H5N1 la
plus élevée, mesurée par la surveillance active des marchés de canards vivants. Cependant, la
proportion de virus de sous-type H5 sur l’ensemble des virus influenza de type A y apparaît
significativement moins élevée, et une corrélation négative a été montrée par régression logistique
entre cette proportion et la mesure de l’efficacité vaccinale établie par province en 2010.
Mots clés
MALADIE VIRALE / INFLUENZA AVIAIRE / VIRUS H5N1 / EPIDEMIOLOGIE / VACCINATION / IMPACT /
PERSISTANCE VIRALE / VOLAILLE / VIETNAM
Jury :
Président : Pr
Directeur : Dr Yves MILLEMANN
Assesseur : Pr Barbara DUFOUR
IMPACT ASSESSMENT OF POULTRY
VACCINATION AGAINST HIGHLY
PATHOGENIC AVIAN INFLUENZA CAUSED BY
H5N1 IN VIETNAM
Author: Alexis DELABOUGLISE
Summary:
Since 2003, Vietnam underwent several epizootics of highly pathogenic avian influenza, with
devastating economic and health consequences. Despite the control measures introduced, outbreaks
are still regularly reported in the domestic avian population, and the control of the disease is made
difficult by the predominance of farms exhibiting low biosecurity level and the importance of
domestic waterfowls, suspected of being a silent reservoir of the virus. In this context, it appears
crucial to assess the overall impact of the mass vaccination program against H5N1 conducted by the
government since 2005 in domestic ducks and chickens. Impact studies performed so far have
demonstrated a limited level of protection conferred by vaccination to the poultry population and a
persistent circulation of H5N1 virus in domestic ducks. It also highlighted the risk of silent viral
circulation induced by incomplete immunization. The study presented here introduces an innovative
approach for the assessment of vaccination impact, through a spatial analysis based on the review,
comparison and combination of the results from five research programs conducted in Vietnam, and
the assessment of the relationship between the level of protection conferred by vaccination and the
level of virus circulation. Despite the limitations of the results and the heterogeneities between
methodologies implemented in the various investigations, the analysis reveals a spatial inequality of
the immune protection coverage reached by vaccinated ducks, the rate of immunization being higher
in the Mekong river delta. Paradoxically, the level of circulating H5N1 virus measured by active
surveillance in live ducks markets is higher in this region. However, the proportion of H5 subtype
viruses on the overall type A influenza virus population is significantly lower in the southern Vietnam,
and a negative correlation was demonstrated by logistic regression analysis between this ratio and
the measurement of vaccine efficacy at the province level in 2010.
Keywords
VIRAL DISEASE / AVIAN INFLUENZA / VIRUS H5N1 / EPIDEMIOLOGY / VACCINATION / IMPACT / VIRAL
PERSISTENCE / POULTRY / VIETNAM
Jury:
President : Pr
Director : Dr Yves MILLEMANN
Assessor : Pr Barbara DUFOUR