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Date : 01/07 JUIL 15 Pays : France Périodicité : Parution irrégulière Page de l'article : p.1,2,4,6,8,...,12 Journaliste : Thierry Dupont Page 1/10 DINARD2 6512054400506 Tous droits réservés à l'éditeur —A- ~ —^_ ^1 IranCÈi france^ info

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Un géant si discretParti de rien, Daniel Rouiller a fonde un champion mondialdes fertilisants et de la nutrition animale.Un groupe puissant auquel rien ne résiste.

RCEAU L usine de la filiale historique du groupeTimac Agro sur le quai interieur du port maloum

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'est d'abord un vieil ami de Daniel Rouillerqui rappelle, pour ne pas être cité dans l'article : « Danieln'aime pas qu'on parle de lui et je ne voudrais pas donnerl'impression de me mettre en avant. » Un ancien cadredirigeant du groupe agit de même quèlques jours plus tard,préférant « [se] faire oublier ». Plusieurs autres interlocuteursréclameront un strict anonymat, avant de glisser des bribesd'information. Le fondateur lui-même déclinera notredemande d'entretien. Acteur majeur sur le marché mondialdes fertilisants et de la nutrition animale, Rouiller estentouré d'un halo de mystère.

Mieux, le groupe ne publie plus ses comptes annuels depuis2006, contrairement à la réglementation en vigueur. Lesresponsables syndicaux ne connaissent même pas l'orga-nigramme exact des multiples filiales, occulté « par peurdes chasseurs de têtes »,leur a-t-on dit. Pour vivre heureux,vivons cachés ? « II n'y a pas de culte du secret chez nous,mais un goût pour la discrétion et, parfois, un excèsd'humilité », revendique Jorge Boucas, nommé président

du directoire en janvier dernier.Sur le port de Saint-Malo, difficile d'ignorer la présence

de Rouiller. A la gigantesque usine de sa filiale historiqueTimac Agro, sur le quai intérieur, s'ajoute le centre derecherche et développement en cours d'achèvement. Doté,notamment, d'une serre de phénotypage, pour reproduireles conditions climatiques de la planète, le bâtiment ultra-moderne accueillera, dès la rentrée, 200 chercheurs et tech-niciens venus du monde entier. Un retour aux sourcescomme symbole d'une réussite éclatante.

La recette? Des produits spécialisésau prix de revient le plus compresse possibleCinquante-cinq ans après avoir racheté un hangar de maerl- des débris d'algues riches en calcaire - sur le port malouin,Daniel Roullier et sa famille pointent à la 31e place du clas-sement 2014 des fortunes françaises du magazine Challenges,avec un patrimoine estimé à 2 milliards d'euros. Le groupeaffichait un chiffre d'affaires cumulé 2013 de 3,1 milliardsd'euros - seule information financière fourme à l'exté-rieur -, dont les deux tiers sont réalisés à l'étranger.Implantées dans 46 pays, ses entreprises emploient quelque7 620 salariés, dont 1450 en Bretagne.

Bien moins médiatique que François Pinault, VincentBolloré ou Louis Le Duff, Daniel Roullier, 80 ans, appartientpourtant à cette génération d'entrepreneurs qui a réveillél'économie bretonne. Ami de la famille Bouygues, dont larésidence d'été est à Saint-Coulomb, l'homme a, lui aussi,bâti son empire pas à pas. Ephémère président de la

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SOUTIENS Lors de la pose de la première pierre du centre de rechercheet developpement du groupe, en presence de Daniel Rouiller (au centre)Jean-Yves Le Drian (à g.) et Claude Renoult (à dr.), le 7 avril 2014

chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Saint-Malo à la fin des années 1980, ce « chasseur solitaire »déteste les palabres et les réunions interminables. Il préfèreretrouver ses pairs au sein du Club des Trente, structureinformelle où des capitaines d'industrie échangent conseilset carnets d'adresses.

La recette Roullier ? Des produits spécialisés au prix derevient le plus compresse possible ; un réseau de 2000 attachéscommerciaux, qui sillonnent les campagnes pour porter laparole du groupe et prendre les commandes ; et le flair d'unfondateur qui fascine ses salariés autant qu'il les maintientsous pression. Depuis les années 1960, cette formule gagnantea accompagné l'essor de l'agriculture bretonne, notammenten fournissant les amendements calcaires indispensablesaux sols acides de la région. Une manne : pour chaque hectarecultivé,il en coûte de 350 à 500 euros hors taxes tous les cinq

à six ans, calcule Gilbert Brouder, un maraîcher qui présidel'Union coopérative de Paimpol-Tréguier (UCPT).

Le milieu paysan voit en Roullier un partenaire fiable.« Leurs produits sont sans esbroufe, mais ça tient la route »,estime Marcel Denieul, président de la chambre d'agricultured'Ille-et-Vilaine. Certes, il y a eu la condamnation par l'Unioneuropéenne, en 2010, à une amende de 60 millions d'euros- confirmée en mai dernier - pour entente avec ses principauxconcurrents sur les prix des phosphates. L'affaire vaut augéant malouin d'être poursuivi depuis 2012 par la Fédérationrégionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA),qui réclame réparation du préjudice financier subi par sesadhérents. Roullier fait traîner la procédure, mais prendl'affaire au sérieux : pour sa défense, il s'est attaché lesservices d'une juriste réputée, l'ancienne ministre des Affaireseuropéennes Noëlle Lenoir.

UN DEVELOPPEMENT EXPONENTIEL

1959 Daniel Roullier acquiert un dépôt d'algues

calcaires sur le port de Samt-Malo. Création de

la société Timac (Transformation industrielle de

maerl en amendements calcaires). 1972

Construction de la première usine defertilisants

sur le quai intérieur du port malouin. La nutrition

vegetale représente encoredeux tiers du chiffre

d'affaires et des effect i fs du groupe. 1975

Lancement de la Timab et début du négoce de

matières premières (calcium, phosphore,

magnésium, sodium...) pour l'alimentation du

bétail. 1978 Création deladeuxièmeusmeTimac,

dans la zone industrielle de Samt-Malo. 1985

Lancement d'Hypred. La société entend fournir

des solutions d'hygiène professionnelle « de la

fermee l'assiette ».C'est,selon plusieurs sources,

l'une des « pépites »du groupe. 1993 Rachat de

la société Florendi, spécialiste de la fabrication

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VISIBILITE Sur le port, difficile d'ignorerle premier employeur industriel du secteur.

Ce différend n'a pas empêché l'arrière-pays agricoled'appuyer le projet d'extraction de sable coquillier dansla baie de Lannion (voir page XII). Face à la mobilisationdéterminée des pêcheurs, des écologistes et des riverainsopposés à l'opération, Roullier use de ses relais : une pétitionde soutien lancée par la cham-bre d'agriculture des Côtes-dArmor a recueilli 1700 si-gnatures. « On a besoin de cesable pour nos champs, justi-fie Marcel Denieul. Et puis,il y a eu un sentiment de soli-darité en faveur de Roullieren réaction à ce blocagesystématique dans l'opinionvis-à-vis de tout projet dedéveloppement. »

Préfet de la région Bretagnedepuis juin 2013, PatrickStrzoda a lui aussi été sensibleà cet argument. Soucieux« d'accompagner les projets maritimes dans des conditionsde concertation exigeantes mais volontaristes », le repré-sentant de l'Etat a défendu le dossier de la Compagnie ar-moricaine de navigation (CAN), filiale du groupe,y comprisdevant le ministre de l'Economie Emmanuel Macron. Enaoût 2013, Daniel Roullier figurait déjà parmi la quinzainede patrons bretons conviés par le nouveau préfet à rencon-trer François Hollande à l'Elysée. Conseiller régionalEurope Ecologie-lés Verts, Guy Hascoet voit dans cetteaffaire « les vieux mécanismes des notables des annéespompidoliennes ». « L'attribution du permis d'extractionétait inéluctable », appuie le président (PS) de la commu-nauté d'agglomération de Lannion-Trégor, Joël Le Jeune,opposant au projet, qui souhaiterait qu'on soit « plus exigeantavec Roullier à l'avenir ».

Les élus hésitent à mécontenter l'undes principaux employeurs privés de la villeLe poids économique du groupe, qui a investi 24 millionsd'euros dans la région en 2014, et le nombre de ses salariéslocaux pèsent évidemment lourd dans les débats. « PourDaniel Roullier, l'emploi demeure le seul critère de légitimitévis-à-vis du territoire », reconnaît un ancien haut cadre. Lamusique chante aux oreilles des élus, obnubilés par la luttecontre le chômage. Le monde politique n'a, en outre, jamaisimpressionné l'entrepreneur. « Pendant que les élus décident

ou non de construire un pont, j'ai le temps d'acheter cinqusines », professait-il à L'Express en 2004, dans l'un desrares entretiens qu'il ait accordés. Cela ne l'empêche pasde frapper aux portes pour réclamer un appui, ni de semontrer affable et charmeur pour emporter l'adhésion.

Lancien président du conseilgénéral des Côtes-dArmorClaudy Lebreton se souvientque le courant était bien passéil y a quèlques années, lors d'undîner chez Noel Le Graet,patron d'un groupe agro-alimentaire et futur n° I dè laFédération française de foot-ball (FFF). « Le départementest ensuite intervenu pouraccompagner l'implantationde Roullier en Tunisie, riche

I en gisements de phosphates »,* rappelle l'ancien élu socialiste.

A la tête du conseil régionalde Bretagne de 2004 à 2012, Jean-Yves Le Drian s'est montrétout aussi attentif. Propriétaire depuis 2007 des ports deLorient, de Brest et de Saint-Malo, la région a investi plusde 18 millions d'euros dans ce dernier, où plus de la moitiédes marchandises transportées concerne les activités deRoullier. Surtout, celui qui est devenu le ministre de laDéfense de François Hollande a porté à bout de bras leproj et de centre de recherche. Avec un obj ectif simple : tantque les grandes entreprises bretonnes garderont leurs états-majors sur place, l'emploi local sera protégé. Dans une villequi a perdu 4000 habitants en dix ans, tous se réjouissentde voir bientôt des dizaines de cadres de haut niveau, bienpayés, débarquer avec conjoint et enfants. Actuel présidentde la CCI, Youenn Le Boulc'h s'enflamme : « Pour Saint-Malo, le centre de recherche, c'est le bon Dieu qui tombedu ciel ! » Et un joli coup de pub pour Roullier. D'autantque le montage de l'opération lui est assez profitable (voirl'encadré page VI).

Le projet vient à point pour redorer une réputation terniepar les poussières que nombre de Malouins attribuent auxactivités de la Timac sur le port. Avec quelle incidence surla santé des habitants ? (Voirpage XI) Les rares audacieuxà s'être penchés sur ces dossiers ont baissé les bras. « Pours'opposer à Roullier, il faut être indépendant économique-ment. Or Saint-Malo est un tout petit monde », regrettel'un d'eux. A droite comme à gauche, les élus hésitent

d'engrais pour jardins 1994 Acquisition

dhalieutis (poissons surgelés et cuisinés) et de

Ker Cadélac (pâtisseries bretonnes) pour renforcer

l'activité nutrition humaine 1998 Implantation

au Brésil et acquisition de l'usine de Rio Grande

2003 Construction à Gabès (Tunisie) d'une

usmedeproductiondephosphates Unedeuxième

voit le jour en 2007 2006 Création à Dmard du

Centre d'études et de recherches appliquées

(Cera) pour améliorer les procédés industriels

2004-2008 Intensification des implantations

en Europe centrale et orientale et en Amérique

duSud 201lSignatured'unejomt ventureavec

la société Louis Dreyfus Armateurs pour la

construction de quatre vraquiers 2013 Cession

delafihaleCharcuteriesgourmandesàlasociété

Cosnelle L'un des échecs de la stratégie de

diversification Legroupes'implanteen Af rique:

Kenya,Tanzanie, Sénégal, Côted'lvoireet Ghana.

2014 Développement de filiales en Chine, en

Inde et en Australie.

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à mécontenter l'un des principaux employeurs privésde la ville. « II faut savoir ce que l'on veut. On ne peut pasêtre fier du port de Saint-Malo et ne pas accepter les activitésindustrielles qui y sont liées », tranche le maire (diversdroite), Claude Renoult.

Chiche en soutien politiquecomme en contribution aux festivités localesLors des dernières élections municipales, la défense del'industrie portuaire l'a opposé au sortant, René Couanau,davantage tourné vers le développement touristique de laville. « Lorsqu'il était maire, Couanau ne supportait pas l'idéede ne pas contrôler ce qui se passait sur le port », glisse YouennLe Boulc'h. Avec Daniel Roullier, partisan d'ériger Saint-Malo en un grand port industriel, les relations étaient assezfraîches. Une affaire de caractères, aussi. Aux commandes dela ville depuis 1989, l'énarque Couanau ne goûtait guère lesconseils dè l'autodidacte Roullier et de ces messieurs deSaint-Malo, à l'orgueilleux succès. Ces inimitiés et une usureconsommée ont fini par lui coûter sa place en 2014. Maiscontrairement à Roland Beaumanoir, qui a fait fortune dansle textile, le champion de l'agrofourniture s'est bien gardéde se mêler du combat politique. « On perçoit l'influence deBeaumanoir derrière la municipalité actuelle, alors que Roul-lier reste en retrait », souligne l'écologiste Michèle Le Tallec.

A Dinard, où le groupe possède plusieurs autres sites,la maire (divers droite), Martine Craveia-Schûtz a vitepardonné à Daniel Roullier d'avoir dérogé à sa légendaireréserve en soutenant la sortante, Sylvie Mallet, lors desmunicipales de 2014. Est-ce le souvenir de sa propre fille,qui, à la fin des années 2000, suivit des études en alternanceau sein d'une de ses entreprises ? Ou bien la présencedans son équipe de plusieurs salariés de Roullier ? Entout cas, l'édile ne tarit pas d'éloges sur le patriarche etses équipes. Tout au plus souhaiterait-elle que le groupecontribue davantage aux festivités locales. 10 000 eurosen 2014 pour le Festival du film britannique, un appuipour le concours hippique, c'est chiche pour un tel poidslourd industriel qui revendique pourtant de soutenir unecinquantaine d'associations et d'événements locaux.

A Saint-Malo, les amateurs de voile déplorent queDaniel Roullier n'ait jamais investi dans la moindrecourse de bateaux. Un sacrilège dans la ville de la Routedu Rhum. Seul est connu son engagement dans le réseau« Si tous les ports du monde », créé par son ami LoïcFrémont, directeur du théâtre de Saint-Malo. Fuyant lesmondanités, l'intéressé laisse dire. « L'homme le pluspuissant de Saint-Malo est aussi le moins visible », noteun observateur. Vu son succès, il y a peu de raisons quecela change. • T. Du.

LA BELLE AFFAIRE DU CENTRE DE RECHERCHE

C'esf un berceau au-dessus duquel lesfées ont été nombreuses à se pencheren 2008. Sous l'impulsion de Jean-YvesLe Dr/an, a/ors président du conseilrégional de Bretagne, l'Etat, la région, laville de Saint-Malo et l'agglomération ont

MANNE En cours d'achèvement,le centre de recherche accueillera,

à partir de la rentrée, 200 chercheurset techniciens venus du monde entier.

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déroulé le tapis rouge au groupe Roullierpour l'encourager à construire, sur leport de Saint-Malo, son nouveau centremondial de recherche et développement.Détenteur de 80 brevets, le groupey concentrera des activités jusque-là

réparties entre plusieurs sites françaiset espagnols. Il a d'abord fallu déplacerle centre de travaux routiers des servicesde l'Equipement, qui occupait l'empriseconvoitée par l'industriel, sur unterrain trouvé par l'agglomération àLa Couesnière. Là, un nouveau bâtimentsera construit pour 5 millions d'euros,au terme d'un astucieux tour de passe-passe. Maître d'ouvrage de l'opération,la région va payer la facture avantde se faire rembourser en deux tempspar Roullier : un versement immédiatd'environ 1 million d'euros ; puis, via unloyer annuel de 90 000 euros pendanttrente-cinq ans pour les 2 hectares duterrain portuaire, propriété du conseilrégional. Soit 4,5 euros le mètre carré.Une autorisation d'occupationtemporaire (ADT) du domaine publica été signée pour cette période entreles deux parties. Décidément généreuse,la région a également financéles travaux de dépollution du site.Coût : 230000 euros hors taxes.Le groupe, lui, annonce qu'il investira27 millions d'euros dans la constructiondes 8 000 mètres carrés du centrede recherche et des serres.

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lin autodidacte à poignePatron aussi respecté que redouté, Daniel Rouiller continue,à 80 ans, de veiller sur son groupe.

« Un astre. » « Un regard vit et per-çant. » « II dégage une énergie folle,on sent l'électricité dès qu'il pénètredans une pièce. » A entendre ceux quiconnaissent Daniel Roullier, on croi-rait qu'ils évoquent une rock star ouun gourou. Pas le fondateurd'un empire spécialisé dansles engrais et l'alimentationdu bétail. Et pourtant ! Del'avis général, le secret dela réussite du groupe rési-derait en grande partiedans les qualités de meneurd'hommes de son créateur.

Gare aux malheureuxqui plombent la marge!Depuis les débuts, en 1959,dans le hangar à maèrl surle port de Saint-Malo, ce filsde négociant en grains desCôtes-dArmor a bâti sonorganisation autour d'unephilosophie bien à lui : le« Roullier ManagementSystem », comme l'appelleJorge Boucas,le jeune pré-sident du directoire, en ré-férence à Toyota. Ce modede fonctionnement reposesur deux principes simples :une large autonomie deshommes et des filiales, maisune obligation de résultatsimplacable. Gare aux mal-heureux qui plombent lamarge ! Réprimandespubliques, licenciementsbrutaux, vieux compagnonsde route partis sans un potd'adieu ni même un remer-ciement du chef... L'auto-didacte Daniel Roullier n'est pas tendreavec ses équipes. Cela n'empêche pascertains bannis d'être rappelés en casde besoin, même après un passage parla case prud'hommes, comme le nou-veau patron du marketing, Nicolas Ver-mesch,ni certains d'entre eux de se re-

trouver au sein d'une association desanciens (voir l'encadré page X). Vo-lontiers paternaliste, Daniel Roulliers'enorgueillit souvent « de n'avoir ja-mais affronté un seul jour de grève nivu baisser [ses] effectifs ». En 2009, an-

METHODE Une large autonomiedes hommes et des filiales,

mais une obligationde résultats implacable.

née de l'effondrement de la demanded'engrais, « nos usines ont fermé, maisles salariés ont été reclassés ou envoyésen formation », confirme Jean-Luc LePlihon, délégué FO chez Timac Agro.Un choix stratégique du patron, qui apermis au groupe de restaurer ses parts

de marché en un clin d'œil lorsque laconjoncture s'est retournée.

S'il a transmis, en 2011, la propriétéde la holding familiale à ses filles et àses petits-enfants, le patriarcheconserve la présidence du conseil de

surveillance. A 80 ans, l'an-cien coureur de fond, droitcomme un « I » et cheveluregrisonnante impeccable, nesemble pas pressé de souf-fler. « II est incapable de res-ter un jour sans travailler »,rigole Youenn Le Boulc'h,un proche qui préside lachambre de commerce etd'industrie de Saint-MaloFougères. Le « petit Bretonau caractère bien trempé »,comme dit l'ancien ministreCharles Josselin, a depuislongtemps le monde pourhorizon. « C'est notre meil-leur expert : il connaît aussibien le cacao en Côted'Ivoire que le soja enUruguay ou le riz enChine », glisse, admiratif,Jorge Boucas.

Un insatiablecompétiteurEntre deux voyages d'at-

u, f aires, Daniel Roullier aimeI savourer en famille le calmejj; de son château de Beaure-| gard, à Saint-Méloir-des-S Ondes. A l'abri des regards,I il profite de la volière où ilI assouvit sa passion des oi-=j seaux. C'est bien le seul luxeï qu'on connaisse à celui qui

fuit les mondanités et lesmédias. « Le seul baromètre de sonbonheur est la réussite de son groupe »,note un ancien cadre. Un autre ajoute,vachard : « C'est un compétiteur in-satiable. Réussir moins bien qued'autres Bretons comme Bolloré ouPinault doit le mortifier. » • T. Du.

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Le cc fils » prodigeNommé président du directoire en janvier 2015, Jorge Boucas, polytechniciende 42 ans, doit encore s'imposer comme le successeur de Daniel Rouiller.

Quand on lui demande comment legroupe Rouiller fera sans son fonda-teur, la réponse de Jorge Boucas fuse :« Mais je suis là! » Un éclair desincérité dans un océan deformules prudentes. « Je plai-sante, n'écrivez pas cela »,rétropédale, dans la seconde,le nouveau président dudirectoire, craignant le doubleprocès en lèse-majesté et ensuffisance. Depuis janvierdernier, c'est pourtant bience polytechnicien de 42 ans,adepte de la voile, qui se re-trouve à la barre d'un paque-bot de 7 300 salariés.

Depuis une quinzaine d'an-nées, Daniel Rouiller échouaità installer un héritier. PourBertrand Meheut, actuel PDGde Canal +, resté six mois audébut des années 2000, commepour l'ex-banquier PhilippeVignon, la greffe n'avait paspris. Aucune de ses cinq fillesn'ayant été intronisée, c'est fi-nalement sur l'un des membresde la « Star Ac' », comme onappelait en interne cette four-née déjeunes diplômés à hautpotentiel recrutés il y a unedizaine d'années, que le choixdu patron s'est porté. Non sansobstacles, d'ailleurs...

Arrivé en 2004 comme direc-teur industriel, Jorge Boucas

était parti deux ans plus tard avec uncollègue monter une société dechaudières à bois, NextEnergies. Uneentreprise rachetée en 2012... par

AMBITION Objectif du nouveau patron :doubler le chiffre d'affaires du groupe d'ici à 2020.

Rouiller. « Je n'avais pas son talentd'entrepreneur », reconnaît le nouveaupatron, qui a fait siennes les valeursde travail et d'humilité du groupe.

Il revient à ce fils d'ouvriersportugais émigrés dans le nordde la France d'amplifierl'internationalisation d'unchampion breton qui réalisedéjà 66 % de son activité àl'étranger, notamment enEurope de l'Est et au Brésil,en attendant l'Inde et la Chine.« L'une des tâches de Boucasest d'améliorer l'image etla communication de songroupe », estime Alain Legen-dre, un ancien investisseur ausein de NextEnergies. Indis-pensable, en effet, quand onveut recruter un millier de nou-veaux talents dans les pro-chains mois, avec l'ambitionde doubler le chiffre d'affairesd'ici à 2020. Mais Jorge Boucasaura-t-il les coudées franchesquand Daniel Rouiller resteaussi présent dans le paysage ?Beaucoup en doutent. « J'aiune grande proximité avecDaniel Roullier, avec quij'échange tous les jours. Mais

œ il ne m'aurait pas nommé à ceg poste si je n'étais pas capableI de lui dire non. » Voilà quiI paraît plus facile à dire qu'à" faire... • T. Du.

LE RESEAU DES ANCIENS

//s sont comme des copains duservice militaire, qui aiment se rappelerles moments forts passés ensemble.Plus de 140 anciens salariés sontabonnés à la newsletter Gwenvidik- « bienheureux » en breton -et, chaque année, deux dînersréunissent une vingtaine de convives àRennes. « C'est un réseau pour garder

le contact entre nous et, parfois,retrouver du boulot », expliqueson initiateur, Benoît Fortineau,ex-responsable de la filiale chilienne.Même des évincés s'y retrouvent.« Roullier ressemble souvent à un piègeparadisiaque », admet Roland Monnerie,directeur des ressources humaines de1991 à 2007. Attirés par le cadre de vie

enchanteur et les hauts salairesproposés, ingénieurs et commerciauxdécouvrent des opportunitésexaltantes... et une pression internepermanente. « A Saint-Malo ou à Dinard,sortir du groupe, c'est être mort »,juge Benoît Fortineau, qui confie,malgré tout, son respect intactpour le « général Roullier ».

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lin poids lourd de 3 milliards etpoussières

des

Les usines du groupe sontsoupçonnées de disperserune abondante poussièredans la ville. Avec quellesconséquences?

Sur l'un des quais alloués à la Timac,un vraquier observe docilement leballet de la grue qui plonge dans sescales et ressort en cadence. En s'ouvrantau-dessus de la trémie, les godets relâ-chent une matière pondéreuse, dontune petite quantité s'envole en gerbedans l'air de ce matin printanier.

Bienvenue à Saint-Malo, où les toitsen ardoise sont couverts d'une moussejaunâtre. Sans parler de la pellicule depoussière qui macule carrosserie desvoitures et vitres des maisons, ajoutentplusieurs Malouins. Leurs regards setournent vers le complexe portuairede la Timac, berceau du groupe Roul-lier, avec ses unités de production defertilisants et de pierres à lécher pourbétail. Des tonnes de matièrespremières en poudre (potasse, urée,phosphate, sodium...) y arriventchaque jour par bateau.

Le problème est ancien. En mars 1966,une pétition des habitants de Saint-Servan accusait déjà Rouiller de pro-duire une « épaisse poussière blanchâ-tre » et « probablement nocive ».Cinquante ans plus tard, la ville ressassedes rumeurs d'affections respiratoiresà proximité des dépôts de maërl ou detaux de cancer du sein largement su-périeurs à la moyenne nationale. AÎAdeci 35 (Association des dépistagesdes cancers en Ille-et-Vilaine),les per-manents ont, bien sûr, entendu parlerdu « fameux problème de Saint-Malo ».Mais, faute d'étude spécifique sur lacommune, rien ne permet, disent-ils,de déceler « plus de cancers qu'auniveau national ».

Sur le port, l'usine Timac n'a cessé dese développer. Ce site comme celui de

DECHARGEMENT Chaque jour, des tonnesde matières premières en poudre arriventpar bateau et sont ensuite transportéespar camion-benne vers des hangars.

la zone industrielle sud sont soumis àautorisation et inspectés chaque annéepar la direction régionale de l'environ-nement, de l'aménagement et du loge-ment (Dreal). Depuis quinze ans, d'im-portants travaux de mise aux normes

ont été réalisés à Saint-Malo et à Dinard,où l'usine Hypred de fabrication dedétergents est classée Seveso. Ces effortsont parfois connu des aléas et des retards.Mais Roullier, qui réalise un chiffred'affaires de3,l milliards en 2013,plaidela bonne foi. Le groupe ouvre chaqueannée ses usines au public. « Nousn'avons peut-être pas été toujours par-faits, mais nous faisons toujours de notremieux avec les meilleures techniquesdisponibles », assure Jorge Boucas, pré-sident du directoire. « On a beaucouptravaillé sur le problème des poussières,confirme Jean-Luc Plihon, déléguésyndical FO de la Timac, qui travaillesur le port. Cela dit, ce ne sera jamaiscomme dans un laboratoire. »

RANCE : DES SEDIMENTS A RECYCLER

Pour redorer l'image du groupe, pourquoi ne pas l'associer à une mission d'utilitépublique, comme le désenvasement de l'estuaire de la Rance ? Porteur du projetde parc naturel régional avec son association Cœur Emeraude, l'ancien ministreCharles Josse/in veut inciter Roullier à réutiliser les sédiments dans la compositionde ses fertilisants. L'industriel ne ferme pas la porte. Maîs précise, prudent :« ll faut vérifier la composition de cette vase, son intérêt qualitatif et l'impactsur l'environnement local. Pour l'instant, nous n'avons pas été réellement sollicitéssur ce sujet. » Avis aux intéressés.

IMPACT Les toits en ardoisede la ville sont couvertsd'une mousse jaunâtre.

Page 10: Page 1/10...Ami de la famille Bouygues, dont la résidence d'été est à Saint-Coulomb, l'homme a, lui aussi, ... (à g.) et Claude Renoult (à dr.), le 7 avril 2014 chambre de commerce

Date : 01/07 JUIL 15

Pays : FrancePériodicité : Parution irrégulière

Page de l'article : p.1,2,4,6,8,...,12Journaliste : Thierry Dupont

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DINARD2 6512054400506Tous droits réservés à l'éditeur

Le problème du déchargementà l'air libre des bateaux et du transportpar camion-benne vers les hangars resteentier. Encore faudrait-il pouvoir envérifier l'impact sur l'air et l'eau du portpar des études spécifiques. En 2006,arguant qu'une éventuelle pollutionaquatique ne saurait être imputée à sesseules activités, Rouiller refusait que luisoient imposées des analyses régulièresdes eaux des bassins à flot. Contactéepar L'Express, la Dreal Bretagne s'estcontentée d'une réponse écrite lapi-daire : « La réglementation ne prévoitpas de mesures annuelles pour les casd'envol. L'étude de ce type de phéno-mène serait exigible [...] si des modifi-cations importantes étaient apportéesau site [...]. Ce n'est pas le cas à ce jour. »En 2010, des capteurs installés sur lecimetière de Rocabey à la demande dela mairie ont conduit l'association AirBreizh à conclure au rôle mineur du tra-fic portuaire dans l'émission de parti-cules fines de type PM10.Toutefois,l'or-ganisme chargé de surveiller la qualitédè l'air breton songe à renouveler l'ex-périence sur une base plus régulière.Compte tenu de l'inquiétude des Ma-louins, on ne saurait trop l'encourager...

Les élus malouins poussent en ce sens.Le radical de gauche Stéphane Perrincomme l'écologiste Michèle LeTallecregrettent « un déficit de communica-tion en direction des habitants ». Outreles études d'impact, ils estiment queseules des enquêtes sanitaires permet-traient de lever les craintes de lapopulation. Le maire, Claude Renoult(divers droite) juge de tels travaux « dif-ficiles à encadrer ». Pointer du doigt lepremier employeur industriel dusecteur - 483 emplois rien qu'à Saint-Malo - n'a rien d'évident. « Attentionà ne pas jeter le bébé avec l'eau dubain », prévient la députée européenne(PS) Isabelle Thomas. Une corde que

lefondateur,DamelRoullier,n'ajamaishésité à titiller. En janvier 1967, critiquepour le bruit permanent émanant desateliers, il écrivait : « Arrêter l'usine lanuit correspondrait à diminuer [la pro-duction] de 50 %, ce qui entraîneraitla rupture de 50 % de mes marchés enFrance et à l'étranger, et le licenciementdu même pourcentage de mes em-ployés. »

Les temps ont changé et Jorge Boucas

sait qu'il lui faut avancer. Le déchar-gement de certaines cargaisons paraspiration « est à l'étude et en coursde chiffrage, indique-t-il, en lien avecla chambre de commerce et d'indus-trie », qui gère les installations por-tuaires. 2015 devrait voir la remise enétat de bandes transporteuses pour letransfert direct des produits desbateaux vers les magasins de stockage.Un premier pas. • T. Du.

FACE-A-FACE DANS LA BAIE DE LANNION

OPPOSANTS Manifestation contre l'extractionde sable coquilher dans la baie par une filiale de Rouillerle 24 janvier dernier.

BUVONS

les pêcheurs de

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Quoi qu'en dise son entourage, c'estbien à une opération de déminagegué s'est livré le ministre de l'Economie,Emmanuel Macron, lors de sa visiteà Lannion (Côtes-d'Armor) le 8 juinLes opposants à l'extraction de sablecoquillier dans la baie ne digèrent pasl'approbation en avril dernier du projet- revu à la baisse - de la Compagniearmoricaine de navigation (CAN).Cette filiale de Rouiller pourra prélever250000 mètres cubes par an dansla dune sous marine située entre

deux zones Natura 2000. Rassurant, leministre a rappelé qu'un état des lieuxenvironnemental et socio-économiqueserait réalisé d'ici six à neuf moiset que l'autorisation préfectorale seraitrenouvelée chaque année aprèsévaluation de l'impact sur la zone.Les adversaires du projet menacentde peser sur les élections régionaleset préparent déjà des recoursjuridiques. Chez Rouiller, on semble serésigner à une guérilla judiciaire, « unsport national », se/on Jorge Boucas.