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PADRE PIO DE PIETRELCINA

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DU MÊME AUTEUR

LA CRUCIFIÉE DE KONNERSREUTH, THÉRÈSE NEUMANN, Bloud et Gay, 1932 (épuisé).

THÉRÈSE NEUMANN, LA STIGMATISÉE, Pierre Horay, 1957 (épuisé).

THÉRÈSE NEUMANN DIE STlGMATISIERTE VON KONNERSREUTH, Credo-Verlag, Wies- baden 1958 (1963).

TERESA NEUMANN LA STIMMATIZZATA, Edizioni Paoline (Rome), 1960.

TERESA NEUMANN A ESTIMATIZADA, Ediçôes Itinerârio, Porto, 1958.

PADRE PIO LE CRUCIFIÉ, Nouvelles Editions Latines, 1971.

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PADRE PIO DE PIETRELCINA Phot. Federico Abresch

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ENNEMOND BONIFACE

PADRE PIO DE PIE TRELCINA VIE - ŒUVRES - PASSION

ESSAI HISTORIQUE

LA TABLE RONDE

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Document de la couverture : Phot. de Mastrorilli.

© Editions de la Table Ronde, 1966.

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A TOUS LES TERTIAIRES DE SAINT FRANÇOIS DU MONDE ENTIER A la sainte mémoire

du R.P. Théophile de Saint-Just O.F.M. Cap. et du R.P. Paolino da Casacalenda O.F.M. Cap.

ENNEMOND BONIFACE

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« Ce n'est pas pour rire, eux non plus, que les mystiques aiment le Christ. C'est en eux surtout qu'il est et restera en agonie jusqu'à la fin du monde. »

ENNEMOND BONIFACE, Thérèse Neumann la stigmatisée.

Le 21 mars 1913 (vendredi saint) le Christ a dit à P. Pio : « Mon fils ne crois pas que mon agonie n'ait duré

que trois heures; non, pour la cause des âmes que j'ai le plus comblées, je serai en agonie jusqu'à la fin du monde. Pendant le temps de mon agonie, mon fils, il ne faut pas dormir. Mon âme est à la recherche de quelques gouttes de pitié humaine; mais hélas, on me laisse seul sous le poids de l'indifférence...

« Ecris cela à ton Père et dis-lui ce que tu as vu et ce que tu as entendu de moi ce matin. Dis-lui qu'il montre ta lettre au Provincial. »

c Figlio mio, non credere che la mia agonia sia stata di tre ore; no, io saro per cagione delle anime da me piu beneficate in agonia fino alla fine del mondo. Durante il tempo della mia agonia, figlio mio, non bisogna dormire. L'anima mia va in cerca di qualche goccia di pieta umana; ma, ohime, mi lasciano solo sotto il peso della indifferenza...

« Scrivi al Padre tuo e digli cio che hai visto ed hai sentito da me questa mattina. Digli che mostrasse la tua lettera al Provinciale. »

1. Il s'agit du P. Agostino da San Marco in Lamis qui, à ce moment-là, était directeur spirituel de P. Pio et qui l'est resté jusqu'à sa mort, en 1963. Le Provincial était le P. Benedetto da San Marco in Lamis, mort en 1924, n'ayant pu résister aux douleurs que lui avait causées la première persécution contre P. Pio.

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AVERTISSEMENT

L'auteur tient à déclarer nettement que, sous sa plume, les mots « saint, sainteté, miracles, etc. » n'ont qu'une valeur subjective, exprimant sa conviction toute personnelle.

Fils respectueux et fidèle de la Sainte Eglise catholi- que, il adhère, à l'avance, pleinement, à tous les juge- ments qui relèvent exclusivement, de son magistère.

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AVANT-PROPOS

On a publié, jusqu'ici, de nombreux livres sur Padre Pio. Certains sont excellents. Presque tous mettent l'accent sur les dons thaumatur- giques départis au célèbre capucin et qui méritent en effet d'être sou- lignés, car ils attestent que les mystiques contemporains ne le cèdent en rien, sur ce point, à leurs aînés des siècles lointains. Il est donc permis d'en inférer que les faits merveilleux rapportés par les hagio- graphes ne sont pas, comme les sceptiques le prétendent, légendaires, puisqu'il s'en produit d'identiques sous nos yeux.

Cependant le caractère essentiel d'un mystique chrétien ne consiste pas dans la transgression signifiante des lois naturelles, mais dans l'achèvement de la Passion du Christ, qui se perpétue en eux pour le salut du monde, selon la lumineuse déclaration de saint Paul : « En ma chair, j'ajoute ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son corps qui est l'Eglise. »

Dans la longue et étonnante vie de Padre Pio, ce caractère victi- mal est frappant. Voué à la souffrance de multiples manières, c'est comme toujours la persécution qui l'a le plus et le mieux configuré à son divin Modèle. Les deux persécutions qu'il a eu à subir, à vingt- six ans d'intervalle, et dont la seconde dure encore, quoique atténuée au moment où j'écris, révèlent une telle bassesse d'âme chez leurs auteurs qu'elles ne seraient pas croyables, si elles n'étaient attestées par des témoignages et des documents irréfutables. C'est bien pour- quoi, tentant d'échapper à la honte qui les marque à jamais, ainsi qu'aux châtiments qu'ils redoutent justement, malgré les plus puissants des appuis, les auteurs de la dernière persécution du capucin ont tenté de s'en faire laver par leur victime elle-même.

Depuis le Golgotha, la cruauté et la malice humaines ont perfec- tionné leurs méthodes. Sur la Croix, le Christ a imploré le pardon pour ses bourreaux, jugeant qu'ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Padre Pio, lui, a été contraint par ses propres persécuteurs de déclarer par écrit, non seulement qu'ils ne le persécutent pas, mais que c'est sur eux seuls qu'il compte pour être protégé.

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Mais qui veut trop prouver ne prouve rien. Si vraiment Padre Pio n'était pas persécuté, contre qui devrait-il être protégé ? Contre ses amis, sans doute, et spécialement contre ceux qui ont déjà réussi une fois à le faire libérer et contre ceux, dont je suis, qui ont entrepris sa défense, pour l'honneur de l'Eglise. Car il ne faut pas que la phy- sionomie morale de son premier prêtre stigmatisé continue d'être ter- nie par le mensonge et la calomnie. La lumière doit être faite non seulement sur ses privilèges et ses vertus, mais aussi sur les épreuves qui ont mis en plus grande évidence, précisément, ces vertus.

La raison est donc double, pour moi, de révéler ce que tous les livres ont jusqu'ici passé sous silence. Je dois, d'une part, montrer le caractère victimal, qui l'emporte de beaucoup chez Padre Pio sur le merveilleux et, d'autre part, prouver de manière péremptoire que, mal- gré le démenti qu'on a osé lui faire signer — au nom de la Sainte Obéissance — et publier dans la presse, les sévices et exactions que ses fidèles ont dénoncés n'ont été que trop réels.

Je dois dire cependant que le premier de ces deux motifs seul n'aurait pas nécessité un grand développement. J'aurais aimé pouvoir n'exposer les persécutions subies par le stigmatisé que de manière suc- cincte, en ne donnant, d'une plume légère, que les preuves stricte- ment indispensables. Mais l'indigne manœuvre, qui a consisté à faire publier un démenti signé de Padre Pio lui-même, oblige l'historiographe à produire, non plus seulement des témoignages, mais des documents.

La recherche de ces documents a été longue et difficile. Leur acquisition l'a été davantage encore. Elle n'a pas coûté que des efforts d'ingéniosité. C'est pourquoi je me fais un joyeux devoir de rendre un public hommage à ceux qui, avec un zèle admirable pour la vérité et un dévouement d'une générosité sans égale, ont réussi à rassembler une documentation originale, d'une valeur inégalable et si complète que toute contradiction, même de simple détail, aux faits que j'avance, serait impossible.

Je n'ai cependant utilisé pour le présent ouvrage qu'une minime partie de ces précieux documents, me bornant à produire ceux qui étaient vraiment indispensables à la preuve que j'avais à fournir, sous peine d'être taxé d'exagération et même de mensonge.

Je pourrais en dire et en produire beaucoup plus. Dieu m'est témoin que je ne souhaite pas d'y être contraint. Je ne cherche pas le scandale. D'instinct je le fuis. Mon propos n'est donc pas de révéler des scandales, mais seulement de montrer l'authentique visage d'un haut mystique contemporain, qui se présente à nous comme un saint.

Le Christ a dit qu'il est fatal que le scandale arrive (Mat. 18, 7). De fait, cette fatalité s'est produite dans la vie de Padre Pio. Je n'y puis rien et je n'avais pas le droit, écrivant une histoire vraie, d'élimi- ner, par pudeur pharisaïque, les scandales qui assombrissent cette vie sublime, étant donné surtout que ce sont précisément ces scandales qui en révèlent le mieux la sublimité.

Seule l'Eglise aura qualité pour dire, le moment venu, si Padre Pio aura été, ou non, un saint; mais notre devoir, aujourd'hui, est de

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montrer, documents à l'appui, pourquoi nous pensons, comme c'est notre droit, qu'il en est un.

En tout cas, il faut qu'on sache bien que nous possédons, en auto- graphes, la quasi-totalité de ces documents uniques et, sans la moindre exception, tous ceux qui ont le plus d'importance : par exemple, les aveux spontanés du malheureux qui a installé les micros dans les divers lieux de confession de Padre Pio, ainsi que les lettres de ses supérieurs qui lui en avaient donné l'ordre et le dirigeaient, au jour le jour, dans son abject espionnage.

Tous ces documents — et des milliers d'autres — sont en sûreté, hors des pays où l'on pourrait avoir l'idée de les découvrir. Ils seront légués à la Bibliothèque Nationale française à Paris. Des photocopies en seront fournies à diverses bibliothèques des plus grandes villes d'Europe. Il sera donc désormais impossible de ne pas consulter cette irremplaçable documentation aux historiens qui voudront étudier la vie de Padre Pio.

Mon but unique a été de l'écrire dans sa vérité, pour la gloire de saint François d'Assise et de l'Eglise. Car nul ne ressemble plus au Christ que l'innocent souffrant, humilié, maltraité, torturé, méprisé, vaincu... en attendant la seule justice de Dieu et la gloire du siècle à venir.

ENNEMOND BONIFACE.

Sainte-Anne-Chatel, le 14 juin 1966.

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I

LA MAISON

SOULAGEMENT DE LA

SOUFFRANCE

« Venez, vous qui êtes bénis de mon Père... car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger... j'étais étranger et vous m'avez recueilli... j'étais malade et vous m'avez visité. » (MATT., 25, 33-36.) « En tout pauvre, il y a Jésus languissant; en tout malade, il y a Jésus souffrant; en tout malade pauvre, Jésus est deux fois présent. » PADRE PIO DA PIETRELCINA.

UN VIEUX MOINE PROPRIÉTAIRE D'UN JEUNE HÔPITAL.

Il y avait une fois un vieux moine, qui était propriétaire d'un hôpital.

Invraisemblable... et pourtant vrai. Un vieux moine à barbe blanche, avec une robe de bure marron,

tout usée, un long capuce et une grosse corde, en guise de ceinture, autour des reins. Or, ce vieux moine était propriétaire d'un hôpital. Sans doute, alors, pense-t-on, s'agissait-il d'une de ces petites fon-

dations médiévales, reconduite, jusqu'à nos jours, de quelque vieille et trop vaste demeure, jadis seigneuriale, aménagée tant mal que bien en hospice et léguée à un Ordre religieux, à charge pour lui d'en assurer la pérennité.

Pas du tout; il s'agissait, il s'agit toujours, d'un grand hôpital ultramoderne, un des plus beaux, sinon le plus beau d'Europe, et dont l'inauguration — en 1956 — a donné lieu à une solennité inter- nationale d'une splendeur peu commune.

Le magnifique hôpital de San Giovanni Rotondo, dont il est ici question, a été édifié, grâce aux offrandes venues du monde entier (pays communistes exceptés), par le célèbre Capucin stigmatisé, P. Pio.

C'est le pape Pie XII en personne qui l'en avait nommé Directeur à vie, et même, pour qu'il puisse en être propriétaire, il l'avait partiel- lement délié du vœu de pauvreté, par un « Rescrit de grâce » du 4 avril 1957 1

1. Sur ce point, voir les précisions données au chap. IV, p. 141 et suivan- tes.

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A L'ÉCOLE DE LA MISÈRE.

Avant de décrire sommairement cet établissement hospitalier uni- que en son genre, les mémorables cérémonies qui en ont marqué l'inau- guration, ainsi que les faits étonnants qui ont amené le pape Pie XII à prendre cette décision, sans doute est-il nécessaire d'exposer les cir- constances dans lesquelles le Padre Pio a lui-même conçu et réalisé une fondation aussi extraordinaire.

Cela remonte loin. Francesco Forgione, le futur P. Pio, est né le 25 mai 1887, dans

une famille d'humbles cultivateurs, sur une des terres les plus pau- vres et les plus ingrates de l'Italie du Sud, misérable à cette époque.

Il a donc connu, d'expérience, chez lui et autour de lui, ce qu'est la pauvreté vraie : un ventre creux, sur des jambes maigres et des pieds nus... la morsure du froid l'hiver, la brûlure du soleil l'été... une faim jamais satisfaite, même de pain sec..., l'exiguïté du taudis familial, où cinq personnes se gênent, quoi qu'elles fassent.

Il a appris, d'expérience aussi, ce que représente la maladie dans la misère, surtout en un temps et dans un pays où rien n'existait qui pût rappeler, même de loin, je ne dis pas la Sécurité sociale, récente même chez nous, mais ce qu'on appelle justement les lois d'Assistance, spécialement l'Assistance médicale gratuite.

Douloureuse et inoubliable expérience. Chez lui et autour de lui, quand on était malade, on ne pouvait

guère compter que sur la pitié d'autrui, c'est-à-dire, le plus souvent, pas grand-chose.

Plus tard, novice, puis jeune moine, ensuite desservant bénévole à la campagne, enfin et de nouveau moine conventuel, mais toujours dans le même pays, P. Pio est constamment resté au contact de la partie misérable d'une population déshéritée.

Il en a gardé le désir, devenu bien vite obsession, de soulager non seulement la pauvreté, mais surtout la maladie dans la pauvreté.

EN TOUT MALADE PAUVRE, JÉSUS DEUX FOIS PRÉSENT.

Jeune moine, il avait l'habitude de dire : « En tout homme ma- lade, il y a Jésus souffrant; en tout pauvre, il y a Jésus languissant; en tout malade pauvre, Jésus est deux fois présent. »

C'est pourquoi, dès ses premières années conventuelles, il pro- jette une fondation qui permettrait d'assister les malades les plus pauvres, et cette idée ne le quitte plus.

En juin 1923, il écrit à un ami que « depuis longtemps, il pense

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à créer, dans cette région abandonnée des Pouilles, un établissement charitable, où l'on soignera à la fois le corps et l'âme ».

LE PETIT HÔPITAL SAINT-FRANÇOIS.

Mais les moyens de réaliser son rêve lui manquaient et il lui fal- lut attendre d'avoir trente-huit ans pour pouvoir lui donner corps. C'est en effet en 1925 qu'avec l'autorisation de ses supérieurs, il fonda, au bourg même de San Giovanni Rotondo, distant du couvent d'un peu plus de deux kilomètres, une sorte d'embryon d'hôpital, une première maison de soins pour les pauvres, petite, puisqu'elle ne pouvait en recueillir au plus qu'une vingtaine. Mais enfin c'était tout de même vingt malheureux qui recevaient là les meilleurs soins, dans un cadre familial affectueux, et qui oubliaient pour un temps la dureté de leur sort.

Cette première réalisation mérite qu'on s'y arrête quelque peu, parce qu'elle montre à la fois les sentiments charitables de P. Pio et le sens pratique étonnant, qu'il n'a jamais cessé de manifester dans toutes ses activités.

Elle comprenait deux petits dortoirs et deux chambrettes réser- vées, ainsi que les services sanitaires indispensables, installés dans un ancien couvent de Clarisses. Les locaux, assez exigus, avaient été amé- nagés à cette fin par la Congrégation de la Charité, grâce déjà aux offrandes des fidèles, qui n'ont jamais fait défaut à ceux dont la prière et le sacrifice soutiennent les œuvres.

Le maire de San Giovanni Rotondo, maître Francesco Morcaldi, réélu après la dernière guerre et qui préside toujours aux destinées de la commune, se chargea, avec son ami le docteur Leandro Giuva, d'administrer l'établissement, qui prit le nom de Petit Hôpital Saint- François.

La direction en était assumée par le docteur Angelo Maria Merla, grand ami et fervent admirateur de P. Pio.

Il va sans dire que les pauvres — sa raison d'être — y étaient soignés gratuitement.

Le docteur Bucci, médecin-chef des Hôpitaux Réunis de Foggia et chirurgien renommé, venait régulièrement deux fois par semaine exécuter les opérations délicates, et accourait en outre au premier appel, dans les cas urgents.

Grâce à cette organisation rationnelle et au dévouement de cha- cun, l'établissement fonctionnait admirablement et rendait des services que ses dimensions réduites n'avaient pas laissé prévoir.

Malheureusement un tremblement de terre vint, au bout de treize années, mettre fin à l'existence du Petit Hôpital Saint-François. L'étage supérieur s'effondra, ensevelissant notamment le matériel chirurgical.

C'était la ruine totale, définitive. Aujourd'hui encore, dans l'atrium de l'ancien couvent des Claris-

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ses, transformé en jardin d'enfants, on peut lire l'inscription suivante, qui perpétue le souvenir de la première fondation de P. Pio :

LE PÈRE PIO DE PIETRELCINA VOULUT QU'EN CETTE COMMUNE FÛT CRÉÉ UN HÔPITAL.

IL RECUEILLIT PARMI SES FIDÈLES ADMIRATEURS LES FONDS NÉCESSAIRES A L'ÉRECTION DE L'ŒUVRE

LE DOCTEUR LEANDRO GIUVA PRÉSIDENT DE LA CONGRÉGATION DE LA CHARITÉ

AVEC VIRILE TÉNACITÉ SURMONTANT TOUS OBSTACLES ET HOSTILITÉS FIT UNE RÉALITÉ DE CE QUI ÉTAIT UNE IDÉE

EN SORTE QUE SAN GIOVANNI ROTONDO

A ÉTÉ DOTÉ DE CET INSTITUT HUMANITAIRE EN FURENT LES FERVENTS COLLABORATEURS

LE PÈRE IGNAZIO DA IELSI LE DOCTEUR FRANCESCO ANTONIO GIUVA MADEMOISELLE ANGELA BERRITELLI LE SECRÉTAIRE MICHELE PALLADINO

AINSI QUE LES MEMBRES DE LA DILIGENTE COMMISSION FRANCESCO MORCALDI LE CHANOINE GIUSEPPE MASSA

LE DOCTEUR ANGELO MARIA MERLA LE DOCTEUR ALFONSO IODICE JANVIER 1925

La première œuvre sociale importante de P. Pio s'était donc éteinte, marquée de la Croix. C'était le signe qu'elle devait renaître dans la gloire.

Aussi dur qu'ait pu être ce coup, pour lui et surtout pour ses amis les pauvres, le Capucin n'était pas homme à se décourager. Homme d'action, comme la plupart des mystiques, de la trempe des Vincent de Paul, des Jean-Baptiste Vianney, des Jean Bosco, des Cotto- lengo..., loin de se laisser abattre par l'épreuve, il y trouva au con- traire un stimulant et une raison supplémentaire pour lutter, avec un courage accru, contre le mal. Ce mal qui, en l'occurrence, était plus précisément la souffrance des malades pauvres.

SOIGNER TOUS LES MALADES, MAIS D'ABORD LES PAUVRES.

Pour l'éclairage de la figure du stigmatisé, on doit signaler l'éner- gie et la constance avec lesquelles il a travaillé à la première de ses deux œuvres principales, la lutte contre la maladie physique et mo- rale des pauvres.

Déjà l'expérience de treize années qu'il venait de faire l'avait beau- coup enrichi. Il avait appris tout d'abord à quel point la maladie peut être atténuée, améliorée et sa guérison facilitée, hâtée, par l'af- fection témoignée au malade, par l'atmosphère de tendresse dont il est entouré.

Il savait aussi maintenant quelle influence peut avoir sur le moral du malade, sur tout son psychisme et sur son âme même, les soins donnés au corps, avec douce attention, délicatesse, en deux mots avec

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amour. Que le malade doit être soigné, non pas même très correcte- ment, par simple obligation professionnelle, mais bien comme un frère ou une sœur, ou mieux dorloté comme un enfant bien-aimé par sa maman.

L'ardente charité de P. Pio l'avait amené à découvrir, par expé- rience, la médecine humaine, celle qui envisage et soigne, non seule- ment une maladie, mais une personne, le malade en totalité, esprit, corps et âme.

Le double but des soins affectueux à donner aux malades ressort plus nettement du discours prononcé par P. Pio, lors du premier anniver- saire de l'inauguration de la Casa, et dont on trouvera le texte plus loin.

Ce long apprentissage du double soin à donner aux malades lui avait permis de mûrir son projet d'un établissement à la mesure des besoins de la population déshéritée de cette région des Pouilles, où la Providence ne l'avait pas fait naître par hasard.

Il ne rêvait d'ailleurs pas précisément d'un hôpital proprement dit, dont le nom seul évoque des images trop austères et réveille chez beaucoup des souvenirs pénibles. Ce qu'il voulait, c'était une « mai- son », une véritable maison familiale où, à l'aide et en plus de tout l'arsenal technique nécessaire, le malade pût trouver une ambiance d'in- timité. Une vraie maison, où les riches, dont la maladie fait des mal- heureux, puissent être soignés comme chez eux par leurs proches, et où les pauvres, surtout les sans-famille, puissent être soignés comme des riches. L'idée de cette vaste fondation charitable, à la mesure des nécessités régionales, ne le quittait guère, surtout depuis la ruine du Petit Hôpital Saint-François.

De temps à autre, ne pouvant contenir l'abondance de son cœur, il en parlait à ceux qui pouvaient le comprendre.

Un soir, c'était le 9 janvier 1940 (certains disent, à tort, le 14), il avait auprès de lui trois de ses fidèles les plus fervents, trois amis bien chers : Sanguinetti, Sanvico, Kisvarday. Il se mit à les entretenir sérieusement de son projet.

Peut-être était-ce dans la sévère cellule n° 5, déjà sienne à ce mo- ment-là. Plus vraisemblablement était-ce au cours de cette récréation du soir qui a été pendant longtemps le régal, la journée finie, des familiers du couvent et dont il était l'inoubliable boute-en-train, ainsi que j'ai pu moi-même en profiter journellement, pendant mon séjour à San Giovanni Rotondo en 1957.

Religieusement, les trois amis écoutaient la petite leçon du Père sur la charité active. Il leur disait que la maladie, comme les autres maux, est la consé-

quence du péché, mais que la miséricorde de Dieu est infinie, à tel point qu'il croirait insuffisant de payer de Sa création un seul acte de pur amour. Or l'amour est l'étincelle divine de l'âme humaine, l'es- sence même de Dieu, personnifié par le Saint-Esprit. C'est donc un amour sans réserve que nous devons à Dieu, un amour qui, pour cor- respondre au Sien, devrait être infini; mais hélas ! Dieu seul est in- fini ! Du moins devrions-nous l'aimer de toutes nos forces, de tout

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notre être, afin que le Christ puisse un jour nous dire : « J'avais faim et tu m'as donné à manger ; j'étais malade et tu m'as soigné. »

Pour réaliser le précepte du Seigneur, nous devons nous oublier nous-mêmes, nous défaire de tout égoïsme, nous pencher sur les plaies douloureuses de nos frères, les faisant nôtres, pour l'amour de Dieu, et en souffrant vraiment avec eux.

Il faut savoir ramener le sourire aux lèvres, réveiller l'espoir dans les coeurs, faire pénétrer la lumière dans les âmes. C'est la plus belle prière qu'on puisse offrir à Dieu, la plus noble, celle que nourrit le sacrifice personnel, car elle est l'essence même de l'amour, c'est-à-dire le don généreux, total, de soi-même, corps et âme. Jésus souffre en tous ceux qui souffrent. Il languit dans chaque pauvre. Mais quand un pauvre est malade, P. Pio le répète sans cesse, Jésus est en lui doublement présent.

P. Pio venait ainsi d'exprimer, une fois de plus, les sentiments qui, depuis si longtemps, lui inspiraient l'idée de réaliser une fondation, permettant d'assister et de guérir les malades sans ressources.

UN PROJET GRANDIOSE ET CRITIQUÉ. Sentant le moment venu de passer des paroles aux actes, il sortit

d'une de ces profondes poches que constituent les vastes revers du froc capucin, une pièce d'or, reçue en aumône dans la journée, et la tendant au docteur Sanguinetti, il lui dit : « Voilà la première pierre. Fais-moi une maison pour les malades, où ils se sentent chez eux, et où ils puis- sent être soignés avec toutes les dernières données de la science médi- cale. » Puis, après un silence, comme inspiré, il s'écria : « Dès ce soir, prends le départ ma grande œuvre temporelle. »

Cinq jours plus tard (le 14 janvier), le docteur Sanvico lui ayant demandé quel nom il faudrait donner à cette fondation, il lui répon- dit : « Elle s'appellera Casa Sollievo della Sofferenza » (Maison Sou- lagement de la Souffrance).

La décision était donc prise. Restait à trouver comment la réaliser. En même temps que l'initiateur du projet, les trois amis, chacun

de son côté, y réfléchissaient ; sans omettre, bien entendu, de consulter, parmi leurs relations, les hommes de l'art susceptibles de les conseiller, suivant l'expérience acquise dans leurs spécialités, architectes, hospi- taliers, ingénieurs, médecins, constructeurs, etc.

La plupart se montraient plus que réticents devant l'ampleur que P. Pio voulait donner à sa réalisation. Certains ne craignaient pas de qualifier ses vues de déraisonnables et même extravagantes. Elles leur semblaient, en tout cas, presque à tous, pratiquement irréalisables.

Les gens sensés haussaient les épaules : « C'est du délire ! Cons- truire un hôpital — surtout grand — dans un désert de cailloux, sur les pentes dénudées du Gargano, où même l'herbe ne pousse pas, où l'eau fait totalement défaut, à quarante kilomètres du petit centre ur- bain le plus proche, sans autre voie d'accès qu'une unique mauvaise route, déjà défoncée, qui s'effondrerait sous les charrois lourds aux

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premières pluies, rendant impossible l'approvisionnement en matériaux et ne permettant d'édifier le gros œuvre, d'année en année, qu'à la belle saison !... »

« Et où trouverait-on les médecins, chirurgiens surtout spécialis- tes, qui viendraient s'enterrer dans ce désert, pour y travailler à plein temps, sans possibilité de compenser par une clientèle privée l'indigence à prévoir du traitement, sans aucune possibilité de distractions pour leur famille, sans établissements d'instruction secondaire à proximité pour leurs enfants... »

« Même question pour les personnels infirmier, hospitalier et ou- vrier ! »

« Et où les recruter ? Quel statut et quelles garanties de retraite ou autres leur donner ? »

« Et l'argent ? » « Imaginait-on ce que la construction et l'équipement d'un tel

établissement, en ce coin perdu des Pouilles, allaient coûter ? » « Recevoir des aumônes journalières abondantes, qui faisaient

sans doute des millions au bout de l'année, était une chose, mais tout autre chose serait de se procurer les énormes capitaux nécessaires, même pour la seule mise en train de l'ouvrage, dont le coût final, tout compté, dépasserait certainement le milliard. »

« Et la dépense à prévoir ne s'arrêterait pas là, puisque la fonda- tion était prévue surtout pour les indigents et qu'il ne fallait compter ni sur l'aide de l'Etat, ni sur celle de l'Ordre, pauvre par définition. Le fonctionnement de l'établissement ne pourrait donc être rentable. »

« A qui demander incessamment les fonds indispensables pour faire face aux dépenses journalières, pour parer aux conséquences des inévitables accidents, abstraction faite des sinistres possibles, que l'ex- périence, mal terminée, de l'hôpital Saint-François permettait de ne pas considérer comme illusoires ? »

Bref, les gens rassis ne craignaient pas de dire bien haut qu'il fallait à tout prix éviter le scandale, que ne manquerait pas de provo- quer l'interruption fatale des travaux, bien avant leur achèvement.

Le rêve de P. Pio s'évanouissait. Et qui payerait, à ce moment, les pots cassés ? L'événement vint justifier ces vues pessimistes. La deuxième guerre

mondiale faisait déjà rage et l'Italie, qui avait la chance inouïe, au début, de n'y être pas mêlée, connut le malheur de s'y engager.

Le gouvernement fasciste de Mussolini, en dépit des liens qui unis- saient les deux « sœurs latines » et violentant le sentiment profond du peuple italien, crut le moment venu, la France succombant sous la ruée nazie, d'entrer dans le conflit. La noble Italie devait payer bientôt très cher cette décision.

Quoi qu'il en soit, dans un pays sous les armes, il ne pouvait plus être question d'entreprendre une construction, même bien moins importante que celle de l'établissement projeté.

Le rêve de Padre Pio s'évanouissait dans le tumulte de la mobili- sation, puis des armées en marche et, bientôt, des bombardements.

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Mais le stigmatisé continue à prier et à réfléchir. Il sait que celui qui demande reçoit. Or ce n'est pas pour lui qu'il demande, mais pour les pauvres de la région du Gargano, qui ont besoin maintenant plus que jamais qu'on soulage leurs souffrances. Il garde donc toute sa confiance malgré la contradiction des événements. Il prie et il souffre. Il offre ce sang qui ne cesse de suinter de ses stigmates, ce beau sang vermeil, dont on a calculé qu'il a aujourd'hui perdu plus de dix fois le poids de son corps.

Sa « Maison Soulagement de la Souffrance » se construisait len- tement dans sa tête.

Sa confiance inébranlable, il savait la communiquer à ses intimes. Aussi, malgré la guerre, les aumônes, quoique ralenties, continuaient à lui arriver et pas toutes minimes. En 1942, donc en pleine guerre, un de ses anciens convertis, devenu et resté un de ses plus fidèles amis, M. Emmanuel Brunatto, fit le premier don massif au comité constitué pour la construction de la future clinique de San Giovanni Rotondo. En monnaie actuelle, ce don princier ne pourrait pas être évalué à moins de 300 millions de lires. C'est même, à ma connaissance, une des offrandes les plus élevées qui aient été faites en numéraire, par un simple particulier, aux œuvres de P. Pio. Elle n'étonne d'ail- leurs pas de la part de son auteur.

Emmanuel Brunatto, économiste réputé, est décédé le 10 février 1965. Après sa conversion, il avait vécu plusieurs années au couvent même de San Giovanni Rotondo. La cellule où il logeait était voisine de celle du stigmatisé, dont il était le confident. Il servait sa messe tous les matins. Témoin de la première heure, ses déclarations gardent une importance capitale. Nous aurons l'occasion de le retrouver à divers moments de l'histoire de P. Pio.

LES AMÉRICAINS A SAN GIOVANNI ROTONDO.

La guerre, qui avait empêché de commencer même les travaux de terrassement pour la construction du futur hôpital, eut au moins l'heu- reuse conséquence de faire connaître P. Pio à de nombreux Américains qui se relayaient à la base aérienne de Foggia. De là ils pouvaient facilement se rendre au monastère de Notre-Dame-des-Grâces, en jeep ou en moto, et même à pied.

Ces nouveaux pèlerins inattendus ne manquaient pas d'aller rendre visite à une de leurs compatriotes, dont il sera parlé plus loin, Miss Mary Pyle, une très illustre convertie de P. Pio, qui, voilà fort longtemps, s'était fait construire, tout à côté du couvent, une villa qu'elle n'a jamais quittée et où elle réside toujours, uniquement occupée à se dévouer aux œuvres de son père spirituel.

Ces jeunes Américains, de toutes classes sociales et de cultures très diverses, trouvaient en elle non seulement une introductrice et une interprète auprès du Capucin, mais encore une mine de renseigne- ments parfaitement authentiques, que personne n'aurait été capable

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de leur donner, surtout au couvent, où les moines ont toujours eu la consigne, trop fidèlement suivie, de ne pas parler.

C'est ainsi que la réputation du stigmatisé s'est répandue au- delà des mers, et c'est ce qui explique que l'afflux de visiteurs améri- cains n'ait jamais cessé à San Giovanni Rotondo.

Sitôt après les hostilités, le comité de fait dont j'ai parlé se trans- forma en société juridique déclarée. Elle fut enregistrée sous le titre de « Refuge des Affligés », avec pour but principal, selon les statuts déposés le 5 octobre 1946 : « Recevoir les personnes qui demandent charité et assistance au nom du Christ. » Le fait mérite d'être souligné, en un siècle où l'intérêt mène les hommes, et où le pur idéal est si rarement le modèle unique de leurs plus belles entreprises.

DES TRAVAUX GIGANTESQUES. Les travaux commencèrent le 16 avril 1947 et on s'aperçut aussi-

tôt que les difficultés annoncées par les détracteurs du projet n'étaient pas vaines et dépassaient même leurs prévisions pessimistes.

L'unique mauvaise voie de communication avec Foggia était pra- tiquement inutilisable pour les charrois lourds et la distance rendait le transport des quantités nécessaires trop onéreux. Il fallut donc s'or- ganiser pour tout faire, comme on dit, avec les moyens du bord.

Divers chantiers et ateliers furent installés, pourvus de toutes les machineries nécessaires, pour fabriquer sur place des plaques de ciment, des tuiles, de la pierre artificielle, tailler et polir le marbre, entretenir l'outillage et même le fabriquer. Des moteurs Diesel four- nirent la force électrique qui manquait. L'eau fut amenée par une déri- vation de l'aqueduc d'Apulia. Plus tard, on construisit en outre de vastes citernes pour recueillir l'eau des pluies, parfois abondantes dans cette région. Un four à chaux fut construit pour traiter les pierres extraites des carrières ouvertes à proximité...

Bref, plus de trois cents ouvriers et spécialistes, heureux d'avoir trouvé de l'embauche, furent employés là, pendant neuf ans, sous la direction d'un homme extraordinaire que P. Pio, avec un flair qui touche à la divination, sut découvrir comme toujours parmi ses con- naissances innombrables.

Homme au nom prédestiné et symbolique, Angelo Leone Lupi. L'intelligence lumineuse de l'ange, la force et la violence des fauves. Angiolino, comme aimaient à l'appeler ses amis, réfractaire à toute discipline, n'a pas voulu continuer ses études, stoppées dès la cin- quième. Comme il faut vivre, il s'essaye un peu à tous les métiers, toujours avec bonheur, jamais avec constance : la construction, la navigation, le cinéma, la peinture industrielle, etc. et il construit lui- même sa maison à Pescara. Inclassable, infixable, il donne l'impres- sion de tout savoir d'instinct. Il a une sorte de génie intuitif et inven- tif qui fait craquer tous les cadres.

Voilà l'homme qu'il fallait à P. Pio, pour prendre au sérieux un projet démentiel, s'y vouer avec une noble passion, corps et âme, pré-

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cisément parce qu'il semblait déraisonnable aux gens sérieux. P. Pio avait trouvé son homme; Angiolino avait trouvé son œuvre.

Peu importaient les titres. « Le diplôme d'ingénieur, c'est Dieu qui te l'a donné », lui déclara P. Pio, devant l'objection méritoire d'An- giolino qu'il était sans titres. Il fallait en réalité un tel chef, qui avait touché à tout et connaissait bien ses semblables, pour organiser une aussi vaste entreprise, actionner et coordonner tous ces travailleurs, appartenant à tant de corps de métiers différents, sous la direction très précise et constante du docteur Sanguinetti pour tout ce qui concernait la conception, l'aménagement et l'équipement techniques du futur hôpital.

Car Angelo Lupi, malgré ses qualités exceptionnelles d'action et d'organisation, n'était qu'un exécutant.

Le cerveau de l'affaire ce fut le docteur Sanguinetti, homme de confiance et bras droit du P. Pio, qu'il avait parfaitement compris et dont il sut réaliser le vaste dessein, malgré tous les obstacles venus s'ajouter à ceux que j'ai déjà indiqués. Ce fut lui qui réussit à ras- sembler les personnalités les plus diverses, parfois opposées et à les unir pour l'accomplissement de l'œuvre grandiose.

Homme au cœur ardent, parfaitement désintéressé, il sut com- muniquer l'amour des pauvres, dont brûlait le stigmatisé, non seule- ment aux divers collaborateurs recrutés, mais aussi aux fidèles et aux pèlerins journaliers, que les travaux entrepris intriguaient. Il leur en expliquait le plan et le leur faisait aimer. A son contact, chaque pèlerin devenait un co-fondateur enthousiaste et c'est en cette généreuse émulation qui lui permit de surmonter les difficultés auxquelles le pape Pie XII, très au courant de tout, ne manqua pas de faire allu- sion dans son discours d'inauguration, et dont je me bornerai à énu- mérer simplement quelques-unes.

Dans le pays même, en effet, tous ne comprenaient pas à fond le projet de P. Pio. Alors que celui-ci, tout en pensant particulièrement aux pauvres de la région déshéritée du Gargano, voulait donner à son établissement un caractère international, beaucoup auraient préféré lui voir borner son ambition à l'édification d'un hôpital local. Divergen- ces analogues en ce qui concernait les matériaux choisis, jugés trop riches et partant trop coûteux.

Or Sanguinetti savait bien que ce n'était pas un simple hôpital que voulait construire P. Pio, mais une Maison pour les pauvres, un Temple de Charité. Dès lors, ainsi qu'on ne regarde pas à la dépense pour honorer Dieu ou ses Saints, quand on élève une église en leur honneur, de même rien ne devait être trop cher ou trop beau pour bien recevoir et soigner les pauvres.

Cependant ce luxe alourdissait les nécessités financières, rendues plus impérieuses encore par le fait que P. Pio s'opposait avec force à ce que l'on fît des dettes. L'argent devait être trouvé au jour le jour.

Il appartenait donc au Dr Sanguinetti de faire comprendre aux bienfaiteurs de l'œuvre qu'il devait s'agir pour eux non de simples prêts mais de dons à fonds perdus.

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En fait les capitaux finissaient toujours par arriver. Ce fut même la cause d'une difficulté supplémentaire et tout à fait inattendue, car elle provenait de l'Ordre capucin lui-même. Certains supérieurs de P. Pio en effet estimaient que le projet en cours, précisément parce qu'il était grandiose, coûtait trop cher. Ils auraient voulu consacrer les sommes recueillies aux Missions capucines.

Telle était la position notamment du Supérieur général de l'Ordre, le P. Clément de Milwaukee et, sous ses ordres, du P. Ferdinand de S. Marc in Lamis, gardien de S. G. Rotondo. Ce dernier ne se conten- tait pas de critiquer les projets du stigmatisé; il s'ingéniait à éloigner de lui les fidèles, pour se faire remettre leurs offrandes à lui-même. Ceux qui comprenaient la manœuvre en étaient scandalisés.

Il fallut toute l'habileté diplomatique du docteur Sanguinetti, sa ténacité et aussi l'inflexible rectitude de son caractère, pour triompher de ce sérieux litige, né au sein de l'Ordre, pour de misérables ques- tions d'argent.

Nous verrons plus tard qu'il y en eut de bien plus graves, qui n'eurent pas d'autre cause.

Ces dissensions intérieures n'eurent pas pour seul inconvénient de provoquer plusieurs fois l'arrêt des travaux. Elles ne manquèrent pas d'être connues du public, en majeure partie favorable, en ce différend, à P. Pio. Aussi, lorsque le P. Ferdinand vint à mourir subitement, un jour qu'il pleuvait à verse, sur le petit chemin conduisant au couvent des Capucins, certains voulurent y voir le doigt de Dieu. Car personne n'avait remarqué l'absence du gardien et ce fut un petit garçon qui, passant là par hasard et voyant ce cadavre baignant dans l'eau boueuse, alerta les habitants d'alentour.

Enfin Sanguinetti eut beaucoup à souffrir du caractère ombrageux et fantasque de l'orgueilleux Angelo Lupi, qui, en dépit de ses hautes qualités et de ses grands mérites, se montrait si insociable qu'on disait couramment de lui, sur les chantiers, qu'il était un diable au service de Dieu.

Malgré toutes ces difficultés et d'autres que je dois taire, le docteur Sanguinetti mena sagement et patiemment à bien le projet que lui avait confié P. Pio.

UNE RÉALISATION ÉTONNANTE. Le résultat fut un incontestable chef-d'œuvre, admiré par tous

ceux qui l'ont visité. Non seulement il peut rivaliser avec les hôpitaux modernes les mieux adaptés à leurs fins, mais il peut servir de modèle à beaucoup, car outre la perfection technique de chacun de ses services, il possède certaines installations qu'il serait difficile de trou- ver ailleurs, par exemple des toits en terrasse permettant d'amener d'urgence, en hélicoptère, les grands malades, brûlés, accidentés, etc., à qui l'on veut éviter, outre la longueur des trajets, surtout par grande chaleur ou froid rigoureux, toutes les manipulations que nécessitent les travaux de transbordement en train ou en ambulance.

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Le seul reproche qu'on puisse lui faire et qu'on n'a pas manqué de formuler, c'est la splendeur de son aspect extérieur et la richesse de ses aménagements intérieurs. Trop de majesté architecturale, de marbres, de dorures, de couleurs, de mosaïques, etc., dit-on. Cela jure avec la pauvreté franciscaine et le sévère dépouillement des monas- tères de cet Ordre, spécialement du couvent voisin.

Mais précisément ce contraste est ici symbole et leçon. Le dénue- ment pour les moines, qui ont épousé la pauvreté; la beauté rutilante et le luxe pour les pauvres, qui la subissent. Cette maison est la leur. Ce n'est pas un hôpital, bien qu'il en fasse fonction. C'est « la Casa Sollievo della Sofferenza », la Maison Soulagement de la Souffrance.

On a beaucoup parlé en France, il y a quelques années, et on y parle encore de temps à autre, d' « humaniser » les hôpitaux. Toute une série de dispositions réglementaires ont été édictées pour y rendre, si les mots ont un sens, la vie des malades moins inhumaine.

Je ne sais pas l'efficacité qu'ont pu avoir — en fait et dans la majorité des cas — ces dispositions, si louables dans leur inspiration et dans leur principe. En diverses occasions j'ai pu, par de pénibles expé- riences personnelles, me rendre compte que le but recherché était loin d'avoir été atteint. Mais rien n'est plus imprudent que de généraliser hâtivement. On risque d'être très injuste. Que chacun s'en rapporte donc à la connaissance qu'il peut avoir acquise, directement, du régime des hôpitaux et même de certaines cliniques, pour savoir si leur huma- nisation est suffisante et si Nietzsche a eu raison d'écrire : « Le malade n'a pas le droit de se plaindre. »

Ce que je sais bien, par contre, c'est que l'hôpital de San Giovanni Rotondo n'aura jamais besoin d'être humanisé, du moins tant qu'il restera ce que P. Pio a voulu qu'il soit. Car le Capucin a pris les devants. Il a voulu, on n'y insistera jamais trop, que sa fondation soit une « Maison », où les malades se sentent vraiment chez eux, et où tout a été fait pour eux.

Sitôt après les hostilités et dès que les communications devinrent plus faciles, les pèlerins recommencèrent à affluer à San Giovanni Rotondo, par vagues de plus en plus abondantes, et venant bientôt des diverses parties du monde à l'exception des pays communistes et de l'Extrême-Orient.

Beaucoup, frappés par les travaux de construction en cours et enthousiasmés par le but si généreux de l'œuvre entreprise, tenaient à y participer suivant leur moyens, par des dons personnels.

Il se produisit alors ce qui se produisait jadis à Ars, quand Jean- Baptiste Vianney manquait de blé ou de farine pour son orphelinat. Ce fut la multiplication prodigieuse de la petite pièce d'or du début. LE MIRACLE DE L'ARGENT.

Le Pactole commença de couler à San Giovanni Rotondo, où la fortune se mit au service de la pauvreté, ce qui est sa plus noble mission.

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En dons, petits ou grands, c'est par centaines de millions qu'arri- vaient les participations, chaque année, à l'œuvre hospitalière de P. Pio, qui devint ainsi — en fait — internationale et dont le patrimoine, au jour où j'écris, ne peut être évalué qu'en milliards.

Certains gestes furent spectaculaires. Celui d'Emmanuel Brunatto avait donné l'exemple. En automne 1947, quand les seuls travaux de terrassement étaient encore en cours et tandis que s'organisait l'im- mense chantier, une journaliste anglaise, correspondante du journal The Economist, Miss Barbara Ward, qui venait de se convertir, vint faire un pèlerinage à San Giovanni Rotondo. Elle fut séduite, elle aussi, par l'idée de la Casa, qui commençait à prendre vie sous ses yeux. Sans que quiconque lui eût rien demandé, car personne ne connaissait ses possibilités, elle intéressa au projet son fiancé, le capitaine Jakson, conseiller délégué de l'U.N.R.R.A. pour l'Empire britannique. Celui-ci obtint de la puissante « Association de Secours des Nations unies » une attribution massive de 400 millions de lires, par l'intermédiaire d'un ancien maire de New York, Fiorello La Guardia, qui était origi- naire de Foggia, la ville la plus voisine de San Giovanni Rotondo.

La Guardia, toutefois, avait demandé que le futur hôpital portât son nom; mais le gouvernement italien du moment n'accepta pas ce patronage officiel et c'est finalement 250 millions de lires seulement qui arrivèrent à San Giovanni Rotondo. L'histoire ne dit pas ce que sont devenus les 150 millions que représentait la différence.

La Casa s'est ainsi élevée, au flanc aride du Gargano, grâce à l'effort désintéressé de tous, comme se sont élevées au Moyen Age, les incomparables cathédrales, dont la splendeur, la grâce et la majestueuse beauté n'ont jamais été égalées.

Sa masse blanche, imposante, à près de 650 mètres au-dessus de l'Adriatique, qui miroite aux confins de l'immense plaine des Pouilles, s'aperçoit de loin, sur la grisaille rocheuse de la montagne.

Je ne voudrais pas alourdir cet exposé par des précisions techni- ques trop abondantes, sur l'équipement et le fonctionnement de la Casa. Je me bornerai donc à en donner ici un aperçu suffisant, pour qu'on se rende compte de l'ampleur et de la qualité de l'œuvre.

Il faut qu'on en ait une juste idée, en effet, pour pouvoir appré- cier le drame affreux qui vient de se dérouler à San Giovanni Rotondo et qui constitue un des épisodes les moins glorieux de toute l'histoire de l'Eglise.

Il faut qu'on sache bien par qui et pourquoi la grandiose fonda- tion hospitalière, réalisée comme par miracle, risque d'être anéantie.

Il faut qu'on sache bien aussi par qui cette œuvre modèle a été appréciée, louée, encouragée. Les plus grands noms, de l'épiscopat italien surtout, figurent dans le livre d'or de la Casa, à côté de ceux de Pie XII et du cardinal Montini, aujourd'hui glorieusement régnant sous le nom de Paul VI.

On y trouvera également les noms de nombreuses autres person- nalités du monde de la Politique, des Sciences et des Arts.

Il me serait aisé d'en énumérer beaucoup d'autres, encore qu'il

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soit impossible de retrouver ceux de centaines d'évêques, d'archevêques ou d'autres personnalités qui n'ont pas voulu laisser trace de leur pas- sage.

UN HÔPITAL MODÈLE.

Prévue primitivement pour 350 malades, la Casa en a vite abrité plus de 500 et les travaux d'agrandissement ont permis de porter cet effectif à 700, avant la fin de 1965.

On comprendra mieux l'ampleur des installations que nécessite cette capacité, là où est implantée la Casa, si l'on tient compte de ce que son isolement, loin de tout centre urbain, l'a obligée à s'organiser dès le début dans un régime sévère d'autarcie, qui s'aggrave avec l'ex- tension de l'établissement. Par exemple, il faut qu'elle ait ses propres ateliers de réparations, pour son parc autos et ses multiples machine- ries, sa buanderie automatique, sa menuiserie, sa pharmacie, ses labo- ratoires, ses cuisines (normale et diététiques), une centrale thermique et une centrale électrique autonomes, une centrale pour la distribu- tion d'oxygène, une station de désinfection, une morgue et une salle d'autopsie, un service ambulance, une station autonome pour l'épura- tion et l'évacuation des eaux usées, des bureaux pour ses services administratifs, une imprimerie, des logements pour ses divers person- nels (religieux et laïques), des salles de conférence, de cinéma, de con- cert, une chapelle et bientôt deux, etc.

Outre ses services de médecine générale, naturellement les plus vastes, la Casa comprend notamment : cinq sections de chirurgie (géné- rale, thoracique, urologique...); dix salles d'opérations, munies des dis- positifs les plus perfectionnés; une section d'obstétrique; une de gynécologie; une section orthopédique; une section d'oto-rhino-laryn- gologie; une section de pédiatrie, disposant d'un centre pour les préma- turés et à laquelle sont annexés un centre pédiatrique de médecine préventive et un centre d'études sur la microcytémie; un laboratoire de radiologie divisé en quatre sections; un laboratoire de recherches cliniques, ultra-moderne; un laboratoire de cardiologie; une banque du sang, approvisionnée notamment par des donneurs volontaires, choisis parmi les pèlerins et visiteurs des malades (de mai 1956 à avril 1964, 15 389 prises de sang ont ainsi été effectuées à la Casa même).

En outre, font partie de la Casa : une Ecole d'infirmières professionnelles et une Ecole d'infirmières et d'infirmiers de services généraux non spécialisés, établies avec l'autorisation du ministère de la Santé.

Le nouvel agrandissement de la Casa doit permettre la création de sections d'oculistique, de dermatologie, de chirurgie plastique et une nouvelle d'isolement pour les contagieux.

45 médecins — à plein temps — sont affectés au service exclusif des malades et résident tous à proximité de la Casa. Ils ne sont donc pas distraits de leur tâche par les soins à donner à une clientèle pri-

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vée, ce qui est un énorme avantage pour les hospitalisés, surtout les chirurgicaux.

Ceux qui, en France, ont eu à se faire opérer en clinique savent ce que c'est, et ce qu'il en coûte parfois, que d'être obligé d'attendre 24 ou 48 heures la très brève visite du chirurgien ou de l'anesthésiste, qui est censée lui servir d'assistante médicale. Celle-ci, souvent entre deux courses à d'autres cliniques, fait des apparitions éclairs dans la chambre de l'opéré, sans procéder le plus souvent au moindre exa- men. D'où la multiplication des infarctus ou autres accidents postopé- ratoires, dont beaucoup pourraient être évités, si le chirurgien et surtout sa prétendue assistance médicale n'avaient pas à courir, du matin au soir, de clinique en clinique, d'un bout de la ville à l'autre.

Parmi les 45 médecins de la Casa, 7 ont le titre de professeur. Les médecins-chefs, ayant la responsabilité des principaux ser-

vices, les « Patrons », sont tous professeurs; les aides, la majeure partie des assistants, viennent des instituts universitaires, et sont nommés par l'administration de la Casa, sur désignation de conseillers universitaires.

Il serait impossible d'offrir aux malades plus de garanties. En outre, d'illustres spécialites italiens, qui s'intéressent à la fon-

dation, ont à coeur de lui apporter leur concours, ce qui leur permet en même temps d'achever la formation de leurs anciens élèves.

C'est ainsi que le célèbre cardiologue Valdoni est fréquemment venu de Rome opérer à la Casa, jusqu'ici toujours avec succès, des ma- ladies bleues ou autres malformations du cœur.

A son nom et à son éloge il convient d'ajouter ceux des profes- seurs Cassano, Mariano-Juco, Salvioli et Baciolli. Je m'excuse auprès de ceux que j'ai pu oublier.

La Casa est un centre de vie et de recherches scientifiques très intense. Divers congrès y ont déjà été tenus, auxquels ont participé des savants du monde entier.

Il n'est, dès lors, pas surprenant que sa réputation se soit rapi- dement étendue et que nombre de médecins traitants et d'organismes de Prévoyance lui adressent leurs malades, comme au centre de dia- gnostic et de traitement le plus désirable.

De même les cliniques, hôpitaux et maisons de soins s'arrachent les infirmiers et infirmières formés dans ses écoles.

SCIENCE ET PRIÈRE. Le fondateur de la Casa l'a conçue comme un « Lieu de Prière

et de Science ». En fait, elle est devenue, grâce aux dévouements qu'a suscités sa visible sainteté, une ville hospitalière, adaptée technique- ment aux exigences cliniques les plus hardies.

En raison de cette double idée inspiratrice, l'œuvre, — qui ne poursuit aucun but spéculatif et n'enrichit personne, — offre aux malades, pauvres ou riches, également traités sans la moindre dis- tinction de régime ou d'installation, une assistance intégrale, plus pro- fondément humaine, du plus haut niveau possible sur le plan médi-

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cal, et tout à fait complète dans les différentes disciplines. Les méde- cins, soigneusement choisis pour leurs qualités techniques et morales, et qui, ainsi qu'on l'a vu, n'ayant pas de clientèle privée, consacrent aux malades tout leur temps, bénéficient d'un complément d'études et de recherches cliniques, sous la conduite de maîtres universitaires éminents.

C'est cet ensemble de qualités qui explique le succès sans pareil de la Casa et pourquoi, contrairement aux prédictions pessimistes des sages et des prudents, loin d'avoir dû fermer ses portes après faillite, elle doit, au contraire, s'agrandir d'année en année.

Cet hôpital ultra-moderne, avec lequel bien peu des meilleurs hô- pitaux européens pourraient rivaliser, n'est d'ailleurs que l'embryon de la Cité hospitalière conçue par P. Pio.

Ce serait trop m'étendre que de donner des détails sur ce gran- diose ensemble immobilier, qui serait peut-être devenu, au moins par- tiellement, réalité, sans les tristes événements dont j'aurai à parler.

HEUREUX ESSOR SOCIAL. L'afflux des pèlerins à San Giovanni Rotondo, les considérables

travaux de construction et d'aménagement, puis le fonctionnement même de la Casa, ont eu au point de vue social l'heureux résultat de transformer cette pauvre région du Gargano où s'étiolait, au début du siècle, une population misérable quoique laborieuse, d'environ 250 000 habitants, clairsemés, à une infime densité, sur 2 000 km

Ainsi que je l'ai dit, beaucoup d'ouvriers et de spécialistes, chô- meurs, ont trouvé là un emploi.

Les maisons, pensions, villas, ont poussé comme champignons, en quelques années, autour de la Casa. Partant, un commerce florissant y est né. Ce qui n'était qu'un morne désert de cailloux est devenu riante cité.

Pour qui arriverait de nuit à San Giovanni Rotondo, par la belle route restaurée qui aboutit et s'arrête au couvent, il pourrait se croire dans une rue quelconque de l'immédiate banlieue d'une grande ville. De nombreuses enseignes lumineuses multicolores, au néon, illuminent l'obscurité. Il y a peu d'années, personne, en dehors des gens du pays, ne se serait risqué en pleine nuit le long du mauvais chemin raviné qui conduisait au couvent. Aujourd'hui on est ébloui par les lumières des vitrines et il faut se garer des voitures.

LES PLUS HAUTS JUGEMENTS DE VALEUR. Si de récents et invraisemblables événements, impossibles à pas-

ser sous silence dans un exposé historique loyal, ne risquaient de compromettre et même de ruiner la gigantesque œuvre sociale de P. Pio, peut-être conviendrait-il, pour une meilleure conduite du récit, de ne signaler que très brièvement les solennités dont j'ai à parler, maintenant. Mais elles ont été, pour tant et de si hauts personnages

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ecclésiastiques, religieux et laïques, l'occasion de manifester publique- ment leurs sentiments de profonde vénération pour le stigmatisé et d'admiration pour ses œuvres, qu'il est impossible de ne pas citer au moins quelques-uns de ces précieux témoignages, choisis d'ail- leurs par force un peu au hasard, car ils sont trop.

Le simple historien que je suis en effet n'a pas qualité pour por- ter de lui-même un jugement valable sur le moine constructeur, digne émule de saint François d'Assise, et qui est, jusqu'à ce jour, l'unique prêtre stigmatisé de toute l'histoire de l'Eglise.

Au regard de l'imposante masse des témoignages d'incomparable valeur et des jugements exprimant la plus haute estime, on pourra jauger l'importance des attaques misérables de quelques égarés, malheu- reusement revêtus de la bure franscicaine ou de soutanes, parfois violettes, ainsi que des vilenies, qu'une haine sordidement intéressée leur a fait commettre.

Mais l'honneur de l'Ordre franscicain et surtout celui de la Sainte Eglise ne sauraient en être, grâce à Dieu, éclaboussés, car ils n'ont engagé et ne continuent à engager que des responsabilités purement individuelles.

L'œuvre de San Giovanni Rotondo est « le fruit d'une des plus nobles inspirations, d'un idéal longuement mûri au contact des aspects les plus variés et les plus douloureux de la souffrance physique et morale de l'hu- manité ». S. S. PIE XII.

UNE INAUGURATION INOUBLIABLE.

Le 5 mai 1956 fut un jour glorieux. En attendant l'arrivée de P. Pio qui devait célébrer la messe en

plein air, la foule, évaluée à 30 000 personnes, que la vaste esplanade de la clinique ne pouvait contenir et qui débordait fort loin sur ses abords, contemplait l'auréole mouvante et multicolore, qui rutilait dans le clair azur, tout au haut de l'édifice éclatant de blancheur.

C'étaient des drapeaux ou bannières, de toutes nations (sauf communistes) et de toutes les grandes villes d'Italie, plantés, hampe contre hampe, au bord des toits plats de la Casa, et dont les flammes bariolées claquaient au vent frais du matin. Chaque pays avait là son étendard — notion à ne jamais oublier — car c'est la charité univer- selle qui a bâti la Casa.

Trois cents journalistes de la presse internationale s'affairaient, caméra et bloc-notes en main. Entouré des plus hautes personnalités politiques, le président du Sénat, M. Merzagora, représentait officiel- lement l'Etat italien. Les reporters pouvaient remplir leurs carnets de noms illustres, surtout du monde de la médecine, car le lendemain devait s'ouvrir à la Casa, le premier des grands congrès qui s'y sont

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tenus, celui sur les maladies des artères coronaires, qui, quarante-huit heures après, devait s'achever au Vatican.

Les plus éminents cardiologues du monde étaient là, notamment l'illustre professeur Pietro Valdoni, de Rome, avec à ses côtés les doc- teurs Di Gugielmo, Giuni, Gasbarrini, Paolucci, Sebastiani, Dogliotti, Monaci, Puddu, etc. Italiens.

En outre, le professeur Gustav Nylin, Suédois, président de la Société européenne de Cardiologie, les docteurs Lian (Français), Gil- bert Gueraldo (Espagnol), Evans (Anglais), Tacuini (Argentin), Leguine (Belge), Mahaina (Suisse), White (Américain), médecin per- sonnel de l'ancien président des Etats-Unis, Olivecrona, etc.

LE PATRONAGE DE PIE XII.

Après la messe, suivie dans un recueillement impressionnant par une immense assistance, S. Em. le cardinal Jacques Lercaro, repré- sentant S. S. Pie XII, entouré de nombreux prélats, lut le télégramme suivant, adressé au nom du Souverain Pontife par Mgr Dell'Acqua : Très Révérend Père Bénigne de Sant'Ilario Milanese,

Ministre général des Capucins, San Giovanni Rotondo. Cité du Vatican, 5 mai 1956.

A l'occasion de l'inauguration à San Giovanni Rotondo de la Casa Sollievo della Sofferenza, le Souverain Pontife, se réjouissant de l'œuvre inspirée par le noble sentiment de l'évangélique charité, invoque la géné- reuse et solennelle effusion de grâces divines sur les débuts et les progrès de cette si sainte activité et envoie de grand cœur au promoteur, aux dirigeants et aux malades sa paternelle et réconfortante bénédiction apostolique.

DELL'ACQUA, substitut. Puis le cardinal prononça l'allocution suivante : Il est inutile de parler quand les choses parlent déjà d'elles-mêmes

d'une manière si éloquente : mais si un commentaire quelconque peut être fait, je vous dirai que je me rappelais, tandis qu'en venant ce matin j'obser- vais cette Maison pour le Soulagement de la Souffrance et que j'en entendais parier, cette maison que j'avais vue en cours de construction il y a quelques années, et méditais une parole de la sainte liturgie qui, laissez-moi vous le dire, ne revient dans la liturgie qu'une seule fois dans l'année. Heureu- sement, au cours des siècles, cette parole si belle, si lumineuse, s'est répan- due en dehors même du culte proprement liturgique. Il s'agit de ce magnifique verset que l'on chante le Jeudi saint, pendant que l'évêque ou le prêtre, qui célèbre la messe de la Cène du Seigneur, lave les pieds à douze pauvres, en souvenir de ce que fit Jésus au Cénacle et à l'imitation de Jésus, et en exécution de ses ordres. On chante alors ces paroles : « Là où règnent la charité et l'amour, là est Dieu. » C'est une direction claire

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et précise pour chercher Dieu, et nous en avons tellement besoin. Et pour tous il y a des moments dans la vie où ce besoin se fait sentir plus aigu et où notre orgueil vaincu par la souffrance ou par l'humiliation nous fait finalement chercher Dieu. Où le trouver? La direction est précise : « Là où règnent la charité et l'amour, là est Dieu. » Et ce matin j'en venais à penser que cette sentence si belle, si claire, on peut également la renverser : « Là où est Dieu, là se rencontrent la charité et l'amour. » Là où Il passe, là où Il touche, là où Il arrive, disons mieux, là où on Le laisse entrer, là où on Le laisse arriver, Il apporte cette note, ce cachet de la charité et de l'amour, qu'il est impossible de confondre. Vous vous en êtes aperçus à San Giovanni Rotondo, n'est-ce pas ? Tout le monde s'en est aperçu : Dieu est ici, évidemment on devait y trouver la charité et l'amour.

Et maintenant Padre Pio vous en parlera.

Ce fut ensuite le tour de P. Pio qui s'exprima en ces termes :

Messieurs et mes frères dans le Christ, La Casa Sollievo della Sofferenza est achevée. Je remercie les bien-

faiteurs de toutes les parties du monde qui y ont collaboré. C'est l'œuvre que la Providence, aidée par vous, a réalisée; je vous la présente. Admirez- la et bénissez avec moi le Seigneur Dieu.

On a jeté en terre une semence, qu'il réchauffera de ses rayons d'amour. Une nouvelle milice, faite de renoncements et d'amour, va surgir, à la gloire de Dieu, et pour le réconfort des âmes et des corps malades. Ne nous privez pas de votre aide, collaborez à cet apostolat de soulage- ment de la souffrance humaine, et la charité divine qui ne connaît pas de bornes et qui est la lumière même de Dieu et de la Vie éternelle, amassera pour chacun de vous un trésor de grâces, dont Jésus sur la Croix nous a faits les héritiers. Cette œuvre que vous voyez aujourd'hui à ses débuts dans la vie, a besoin, pour croître et atteindre sa majorité, de s'alimenter, et pour cela se recommande à votre générosité, afin qu'elle ne périsse pas d'inanition et devienne la cité hospitalière techniquement adaptée aux plus hardies exigences cliniques, en même temps qu'un ordre ascétique de franciscanisme militant, lieu de prière et de science, où le genre humain se retrouve dans le Christ crucifié, pour ne former qu'un seul troupeau avec un seul Pasteur.

Nous avons franchi une étape du chemin à parcourir. Ne ralentissons pas le pas, répondons avec empressement à l'appel de Dieu pour la cause du bien, chacun accomplissant son propre devoir : moi, par ma conti- nuelle prière de serviteur inutile de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous, avec le désir brûlant de serrer sur votre cœur toute l'humanité souffrante pour la présenter avec moi à la miséricorde du Père Céleste. Vous, par l'action illuminée par la grâce, avec la générosité, avec la persévérance dans le bien, avec la droiture d'intention. En avant, en toute humilité d'esprit et Sursum corda ! Que le Seigneur bénisse quiconque a travaillé, travaille et travaillera pour cette Maison et récompense au centuple, en cette vie, vous tous et vos familles, et par la joie éternelle dans l'autre.

Que Notre-Dame des Grâces, le séraphique Père saint François, dans le ciel, et le vicaire du Christ, le Souverain Pontife, sur terre, inter- cèdent pour que nos vœux soient exaucés.

Plus tard, dans la journée, les spécialistes cardiologues, du moins

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Padre Pio de Pietrelcina, moine capucin de San Giovanni Rotondo (Italie), est le premier prêtre stigmatisé. On lui attribue d'innom- brables conversions et de nombreux faits d'apparence miraculeuse. Malgré cela, il a été l'objet de deux odieuses persécutions. Pie XI fit cesser la première. La seconde a été indirectement provoquée par le retentissant krach Giuffrè, le plus grand scandale financier d'après- guerre. Pie XII, qui vénérait Padre Pio, l'avait nommé administrateur à vie de la « Maison Soulagement de la souffrance » et l'avait relevé de son vœu de pauvreté, pour qu'il pût assumer, jusqu'à sa mort, la pleine propriété de cette grandiose Fondation Hospitalière, dont la réalisation a coûté plus de dix millions de dollars et qui a été dotée, par des bienfaiteurs de tous pays, de biens mobiliers et immobiliers ne pouvant être évalués qu'en millions de dollars. C'est de cette immense fortune que la Curie capucine italienne a été accusée de vouloir s'approprier — contre le gré de Padre Pio, mandataire des donateurs — pour combler le vide qu'avait creusé dans ses caisses le krach Giuffrè. D'autre part, elle s'est acharnée contre les Groupes de Prière, fondés par le stigmatisé, pour répondre aux vues de Pie XII, et contre leurs membres, etc. Tels sont, en bref, les excès qui avaient provoqué la constitution de l'Association Internationale de Défense (de Padre Pio) A.I.D., dont le Livre Blanc, destiné à l'O.N.U., a été remis à S.S. Paul VI, au Président Segni et à S. Exc. U. Thant, Secrétaire général des Nations Unies.

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