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Plan 2 1.1 LA PHYLOGÉNIE : CONCEPTS, MÉTHODES ET OUTILS 1.1.1 La notion d’espèce, support de l’étude de la diversité a) Classer le vivant Dès le plus jeune âge, nous apprenons à distinguer un chat d’un chien ou d’un renard. Nous appelons chien, des individus très différents en taille, couleur de pelage alors même que nous donnons un autre nom, renard, à des individus proches. La notion d’ espèce est donc, à l’origine, une notion intuitive. Depuis Carl von Linné (1707-1778), les scientifiques nomment les individus d’une même espèce par un nom de genre suivi d’un nom d’espèce : c’est la nomenclature binominale. Elle utilise le Latin, langue parlée au XVI e siècle dans les pays européens et qui représentait la langue commune pour les scientifiques. Ainsi le chien est désigné par Canis familiaris , le renard par Vulpes vulpes et le hêtre est nommé Fagus sylvatica . Les espèces ont été rangées depuis cette époque dans sept niveaux hiérarchiques : règne, embranchement, classe, ordre, famille, genre et espèce (figure 1.1) que l’on appelle rangs formels. Dans le programme, des exemples sont vus en TP : l’embranchement des mollusques avec les classes des lamellibranches (moule) et des gastéropodes (escargot), l’embranchement des arthropodes avec les classes des insectes (criquet) et des crustacés (écrevisse), embranche- ment des vertébrés avec les classes de mammifères (souris) et d’amphibiens (grenouille), l’embranchement des annélides, des plathelminthes et des némathelminthes. Chez les végé- taux, on n’utilise pas le niveau de l’embranchement : en TP sont vues les classes des angiospermes, des pinophytes, des filicinées, des bryophytes. La diversité du vivant CHAPITRE 1 1 1.1 La phylogénie : concepts, outils et méthodes 1.2 La classification du vivant Introduction La diversité du vivant est une expérience quotidienne qui s’observe à plusieurs échelles : celle des écosystèmes (depuis les pôles jusqu’à l’équateur et du cœur des continents aux océans), celle des espèces : on a décrit quelques 1,7 million d’espèces sur le globe mais l’inventaire est incomplet et les évaluations donnent des estimations de plusieurs millions (voire dizaine de millions). Enfin à l’intérieur même d’une espèce, la diversité des allèles est grande : il existe quelques 2 000 variétés de pommes par exemple ! Dans le programme de cours et de travaux pratiques de 1 re et 2 e année, divers exem- ples d’organismes ont été étudiés. L’objectif de ce chapitre d’étudier les parentés entre organismes vivants grâce à une classification phylogénétique c’est-à-dire une classification qui montre les liens de parenté entre les taxons (un taxon est un groupe d’êtres vivants qui possède un ancêtre commun exclusif donc un groupe qualifié de monophylétique). Quels sont les critères de la classification phylogénétique du vivant ? Nous verrons d’abord les aspects théoriques de la classification phylogénétique, puis quels sont les critères utilisables en phylogénie et comment ils sont utilisés. Les connaissances acquises en cours et TP (BCPST1 et BCPST2) seront ensuite utili- sées pour proposer un aperçu de la classification du vivant montrant ainsi les parentés à établir entre les êtres vivants.

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Plan

2

1.1 LA PHYLOGÉNIE : CONCEPTS, MÉTHODES ET OUTILS

1.1.1 La notion d’espèce, support de l’étude de la diversité

a) Classer le vivant

Dès le plus jeune âge, nous apprenons à distinguer un chat d’un chien ou d’un renard. Nousappelons chien, des individus très différents en taille, couleur de pelage alors même que nousdonnons un autre nom, renard, à des individus proches. La notion d’

espèce

est donc, àl’origine, une notion intuitive.Depuis Carl von Linné (1707-1778), les scientifiques nomment les individus d’une mêmeespèce par un nom de genre suivi d’un nom d’espèce : c’est la

nomenclature binominale.

Elleutilise le Latin, langue parlée au XVI

e

siècle dans les pays européens et qui représentait lalangue commune pour les scientifiques. Ainsi le chien est désigné par

Canis familiaris

, lerenard par

Vulpes vulpes

et le hêtre est nommé

Fagus sylvatica

. Les espèces ont été rangéesdepuis cette époque dans sept niveaux hiérarchiques : règne, embranchement, classe, ordre,famille, genre et espèce (figure 1.1) que l’on appelle rangs formels.Dans le programme, des exemples sont vus en TP : l’embranchement des mollusques avec lesclasses des lamellibranches (moule) et des gastéropodes (escargot), l’embranchement desarthropodes avec les classes des insectes (criquet) et des crustacés (écrevisse), embranche-ment des vertébrés avec les classes de mammifères (souris) et d’amphibiens (grenouille),l’embranchement des annélides, des plathelminthes et des némathelminthes. Chez les végé-taux, on n’utilise pas le niveau de l’embranchement : en TP sont vues les classes desangiospermes, des pinophytes, des filicinées, des bryophytes.

La diversité du vivant

CHAPITRE

11

1.1

La phylogénie : concepts, outils et méthodes

1.2

La classification du vivant

Introduction

La diversité du vivant est une expérience quotidienne qui s’observe à plusieurséchelles : celle des écosystèmes (depuis les pôles jusqu’à l’équateur et du cœur descontinents aux océans), celle des espèces : on a décrit quelques 1,7 milliond’espèces sur le globe mais l’inventaire est incomplet et les évaluations donnent desestimations de plusieurs millions (voire dizaine de millions). Enfin à l’intérieurmême d’une espèce, la diversité des allèles est grande : il existe quelques 2 000variétés de pommes par exemple ! Dans le programme de cours et de travaux pratiques de 1

re

et 2

e

année, divers exem-ples d’organismes ont été étudiés. L’objectif de ce chapitre d’étudier les parentésentre organismes vivants grâce à une classification phylogénétique c’est-à-dire uneclassification qui montre les liens de parenté entre les taxons (un taxon est un grouped’êtres vivants qui possède un ancêtre commun exclusif donc un groupe qualifié demonophylétique).• Quels sont les critères de la classification phylogénétique du vivant ?Nous verrons d’abord les aspects théoriques de la classification phylogénétique,puis quels sont les critères utilisables en phylogénie et comment ils sont utilisés. Lesconnaissances acquises en cours et TP (BCPST1 et BCPST2) seront ensuite utili-sées pour proposer un aperçu de la classification du vivant montrant ainsi lesparentés à établir entre les êtres vivants.

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CHAPITRE 1

Depuis la mise au point de la

classification phylogénétique

(1950), cette hiérarchie est encoreutilisée par tradition mais elle a perdu de son intérêt car elle est trop rigide. C’est la proximitédans l’arbre phylogénétique, comme on va le voir, qui indique l’apparentement et les nœudsrenseignent sur la hiérarchie.

b) Reconnaître l’appartenance à une espèce

Une espèce regroupe sous le même nom un ensemble

monophylétique

d’individus qui, dansleur milieu naturel non perturbé, se reconnaissent comme partenaires sexuels et donnent unedescendance féconde (G. Lecointre).Pour que deux populations soient de la même espèce, il ne suffit pas qu’elles se ressemblent : lesvariations morphologiques peuvent être importantes au sein d’une même espèce (voir l’exempledu chien) et au contraire faible entre deux espèces. Les populations doivent en plus être capablesde se reproduire entre elles pour donner une descendance fertile : c’est le critère d’interfécon-dité. Mais deux autres critères apparaissent dans la définition ci-dessus :

• d’abord le milieu de vie car toute perturbation peut entraîner des changements d’habitudes, decomportements qui peuvent être à l’origine de croisements entre espèces ;

• ensuite le temps : les individus de la même espèce ont un ancêtre commun (« ensemblemonophylétique » de la définition) dont elles peuvent déjà légèrement différer.

Si la notion d’espèce paraît intuitivement simple, on voit que dans l’application elle est plus déli-cate (encart 1.1), en particulier chez les végétaux. Ainsi, chez les filicophytes, il existe denombreux exemples d’hybridations interspécifiques associées éventuellement à des polyploïdisa-tions ; le blé cultivé est un hexaploïde issu d’hybridation entre des ancêtres diploïdes.

Règne

Embranchement

Classe

Ordre

Famille

Genre et Espèce

Vertébrés

Mammifères

Primates

Hominidés

Homo sapiens

Animal

Figure 1.1 Les rangs formels.Ainsi L’espèce humaine fait partie du règne animal, de l’embranchement desvertébrés, de la classe des mammifères, de l’ordre des primates, de la famille deshominidés et est nommée Homo sapiens (genre et espèce).

Voir TP9, « Lesfilicophytes »

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Chapitre 1

La diversité du vivant

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Les espèces ont d’abord été traditionnellement identifiées par rapport à un type morpho-logique que l’on pouvait trouver dans les muséums : si l’individu ressemblait suffisam-ment à ce type, il était de l’espèce. Cette approche de l’espèce est trop imprécise.Ernst Mayr a précisé le concept d’espèce, au milieu du

XX

e

siècle, de la manière suivante :« groupes de populations naturelles interfécondes, isolées du point de vue reproductif desautres groupes équivalents ». Cette définition fait intervenir le critère de la reproductionet non plus la ressemblance. Deux populations sont de la même espèce si elles peuventdonner une descendance fertile. Comme la reproduction sexuée entraîne un brassagegénétique, l’espèce apparaît ainsi comme un pool génétique au sein duquel s’établissentdes flux géniques. Des mécanismes d’isolement empêchent la procréation entre popula-tions d’espèces distinctes. Il existe des exceptions comme la mule, issue du croisemententre un âne et une jument, mais elles sont stériles. Chez les végétaux, les barrières inters-pécifiques sont parfois plus fragiles et les hybrides ne sont pas rares.En 1963, Ernst Mayr a rajouté à sa définition « et occupant une même niche écologique ».La niche écologique correspond à la manière dont les individus occupent leur milieu devie. Le critère de séparation par la reproduction ne tient vraiment que si les milieux nesont pas perturbés. En effet, dans le cas d’espèces très proches entre elles, séparées depuispeu, des croisements peuvent encore se produire lorsque le milieu est perturbé. Parexemple, le rotengle (

Scardinius erythrophthalmus

), le gardon (

Rutilus rutilus

), lechevaine (

Leuciscus cephalus

) et le toxostome (

Chondrostoma toxostoma

) sont des cypri-nidés européens appartenant à des genres différents qui ne se croisent pas en conditionnormale. Lorsque le milieu est perturbé, par exemple dans des cas de baisse exception-nelle du niveau des eaux des rivières, ils sont obligés de frayer aux mêmes endroits etdonnent une descendance hybride fertile. Ainsi, l’intégrité des milieux naturels participede fait aux critères de reconnaissance de l’espèce.Pour englober plusieurs générations et donc passer d’une vision instantanée de l’espèce àune vision dans le temps, l’espèce peut être reconnue comme l’ensemble des organismesappartenant à une lignée phylogénétique définie par une combinaison unique d’états decaractères. Il s’agit donc d’un ensemble monophylétique.

c) Évaluer la biodiversité

Le terme de

biodiversité

est une contraction de diversité biologique. Il a été créé en 1986 et faitréférence à la variété du monde vivant. Pour les mammifères et les oiseaux, l’inventaire estprécis. Mais pour tous les autres groupes, il ne s’agit que d’évaluation. Les sytématiciens décri-vent environ 15 000 espèces nouvelles par an (dont 62 % d’Insectes) (figure 1.2) mais dans lemême temps de nombreuses espèces disparaissent.

1.1.2 Organiser la diversité du vivant

La diversité constatée masque les relations de parentés entre les êtres vivants. Pour recherchercelles-ci, l’étude des êtres vivants de l’échelle anatomique à l’échelle moléculaire est nécessaire.

a) Comparer les plans d’organisation

Chez les Métazoaires, la disposition des principaux organes et appareils les uns par rapport auxautres constitue le

plan d’organisation

. L’étude comparative des plans fournit de nombreuxcritères pour la systématique. Par exemple, si l’on compare la souris et l’écrevisse, toutes lesdeux vues en travaux pratiques, les différences semblent importantes :• d’abord le squelette est interne (endosquelette) chez la souris alors qu’il est externe (exosque-

lette) chez l’écrevisse ;• la souris présente quatre membres chiridiens, l’écrevisse une paire d’appendices par méta-

mères ;• cette métamérie est bien visible au niveau de l’abdomen de l’écrevisse ; chez la souris, la méta-

mérie n’est décelable qu’au niveau de la colonne vertébrale (vertèbres et muscles associés) ;

Les critères d’appartenance à une espèce et l’évolution des idées

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1

Voir « Le brassagegénétique »,

chapitre 8

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