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POUR UN RENOUVELLEMENT

PROMETTEUR

DES PROGRAMMES À L’ÉCOLE

A V I S À L A M I N I S T R E D E L ’ É D U C A T I O N

S e p t e m b r e 1 9 9 8

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Le Conseil a confié la préparation de cet avis à un comité composédes personnes suivantes : Madame Céline Saint-Pierre, présidentedu Conseil et présidente du comité; Monsieur Robert Céré,directeur de l’école secondaire Sophie-Barat et membre du Conseil;Monsieur Roger Delisle, directeur des services de l’enseignementde la commission scolaire La Jeune Lorette; Monsieur NormanHenchey, professeur émérite de l’Université McGill et consultanten recherche sur l’éducation; Madame Linda Juanéda, enseignanteau primaire à l’école de la Renaissance et membre du Conseil;Monsieur Claude Lessard, professeur à la Faculté des sciences del’éducation de l’Université de Montréal.

Coordination et rédaction : Arthur Marsolais.

Soutien : Marthe Rajotte et Jacqueline Giroux au secrétariat,Nicole Lavertu à l’édition, Francine Vallée à la documentation etJulie Adam à la révision linguistique.

Avis adopté à la 467 réunione

du Conseil supérieur de l’éducation,le 10 juin 1998

ISBN : 2-550-33502-3Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, 1998

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Table des matières

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

CHAPITRE PREMIERLa triple mission de l’école . . . . . . . . . . . . . 7

1.1 Des discernements bienvenus . . . . . . . . . . . . . 7

1.2 Des réticences importantes . . . . . . . . . . . . . . . 81.2.1 Le développement de la personne

laissé dans l’implicite . . . . . . . . . . . . 81.2.2 Accès au savoir et développement

intellectuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91.2.3 Éducation sociale ou socialisation . . . . 9

1.3 Une interprétation restrictive à éliminer . . . . 10

CHAPITRE DEUXDomaines de référence : des assises àapprofondir et à consolider . . . . . . . . . . . . 11

2.1 Une approche d’analyse culturelle . . . . . . . . 12

2.2 Les choix possibles de domaines deréférence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.2.1 Deux perspectives anglaises . . . . . . 152.2.2 Quelques autres façons de poser

des domaines de référence . . . . . . . . 17

2.3 Domaines et résultats : outils dedécentralisation et d’émancipation . . . . . . . . 19

2.4 Pousser plus loin l’articulation des Aspects problématiques des grillesdomaines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

2.5 Les assises du curriculum du point de vuede la classe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

CHAPITRE TROISLe souci des compétences . . . . . . . . . . . . . . 25

3.1 L’appel d’une conjoncture . . . . . . . . . . . . . . 25

3.2 Une jonction dégagée progressivement . . . . 26

3.3 Ni neuf, ni facile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

CHAPITRE QUATREConvergences et cohérence entrematières d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

4.1 Le contact entre matières d’étude duprimaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294.1.1 Affinités naturelles et zones

d’interdisciplinarité . . . . . . . . . . . . . 294.1.2 L’interdisciplinarité très

poussée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4.2 Thèmes interdisciplinaires, compétencestransdisciplinaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314.2.1 Des thèmes interdisciplinaires par

nature ou par choix . . . . . . . . . . . . . 314.2.2 Une transdisciplinarité ancrée dans

l’horizon des compétences . . . . . . . . 324.2.3 Défis particuliers du curriculum

du secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

4.3 L’interdisciplinarité, la transdisciplinaritéet les programmes officiels . . . . . . . . . . . . . . 34

4.4 Un chantier exigeant pour le ministère del’Éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

CHAPITRE CINQLatitude locale, appropriation ducurriculum, dynamique pédagogique . . . . 39

CHAPITRE SIX

matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

6.1 Le genre et la portée des grilles-matières . . . . . 43

6.2 Quelques arbitrages à reconsidérer . . . . . . . . 446.2.1 Le nombre d’heures de la semaine

des élèves au primaire . . . . . . . . . . . 446.2.1.1 Quelques premières raisons . . . 456.2.1.2 Le temps, les ressources et la

richesse culturelle ducurriculum . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

6.2.2 L’évacuation de l’éveil scientifi-que, historique et géographique aupremier cycle du primaire . . . . . . . . 47

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6.2.3 Sciences et technologie aupremier cycle du secondaire . . . . . . 49

6.2.4 Le français langue d’enseigne-ment et l’équilibre du premiercycle du secondaire . . . . . . . . . . . . . 50

CHAPITRE SEPTPour une stratégie de développementmobilisatrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

7.1 De multiples perplexités . . . . . . . . . . . . . . . . 53

7.2 Des méthodes éprouvées . . . . . . . . . . . . . . . . 54

7.3 Des inquiétudes légitimes à lever . . . . . . . . . 55

ConclusionSavoir tirer parti d’une conjonctureprivilégiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

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Introduction

L’énoncé de politique éducative portant sur la du curriculum et certains types de pratiques péda-réforme des programmes d’études du primaire et gogiques privilégiées. Le Conseil attire ensuitedu secondaire, L’École, tout un programme, est à l’attention sur quelques aspects problématiquesla fois un signal de départ et l’amorce d’un proces- des grilles-matières esquissées dans L’École, toutsus complexe. Le Conseil supérieur de l’éducation un programme. Enfin, il conclut en examinantporte la plus sérieuse attention à ce changement certains traits d’un processus de mise en œuvre deproposé. Il est extrêmement important pour l’évo- cette réforme qui favorisent la maîtrise du change-lution de l’école que les milieux scolaires, et parti- ment et la pleine appropriation de ce dernier parculièrement le personnel enseignant, apportent leur les partenaires du ministère de l’Éducation.contribution à ce processus d’approfondissementet de renouvellement du curriculum. Cet énoncé de politique éducative ouvre des portes

L’énoncé de politique éducative L’École, tout un l’action du ministère de l’Éducation ménage lesprogramme a eu déjà des suites d’ordre divers : conditions les plus favorables possible à la pleineinscription dans la Loi sur l’instruction publique utilisation de ce potentiel. Et tel est l’axe principald’une spécification de la mission de l’école; des propos qui suivent concernant l’action decréation d’une commission des programmes d’étu- l’État à l’égard de l’éducation : un souci de contri-des; engagement de divers travaux découlant de buer à la consolidation et à l’approfondissement duL’École, tout un programme. Le Conseil supérieur renouvellement espéré.de l’éducation, pour sa part, a voulu contribueraussi à pousser plus loin la réflexion partagée sur Cette perspective est en même temps, aux yeux dule renouvellement des programmes d’études, ou du Conseil, d’une pertinence immédiate et très impor-curriculum, sans restreindre son intervention à un tante pour les agents d’éducation du réseau sco-examen d’amendements éventuels des régimes laire : directions d’école, en particulier, conseillerspédagogiques du primaire et du secondaire . C’est et conseillères pédagogiques, enseignants et ensei-1

pourquoi, en vue de prévenir des attitudes attentis- gnantes. Les avenues ouvertes par l’énoncé detes et d’encourager plutôt un engagement actif, le politique constituent un espace d’initiative, deConseil a entrepris d’analyser les fondements ou créativité professionnelle et de concertation institu-les assises de la réforme proposée. Il s’est particu- tionnelle beaucoup plus net et stimulant que celuilièrement arrêté aux positions retenues sur les mis- du cadre curriculaire actuel. De ce fait, le renou-sions de l’école, aux grands domaines d’apprentis- vellement du curriculum représente, pour le minis-sage constitués comme référence englobante du tère de l’Éducation, un premier espace S privi-curriculum et au rattachement de compétences, légié S, pour rendre perceptible la dynamiqueparticulièrement de grandes compétences transdis- d’autonomie institutionnelle de l’école et de priseciplinaires, à ces domaines. Le Conseil a exploré de responsabilité élargie des instances locales quedans ce contexte le potentiel de l’interdisciplinarité les modifications récentes de la Loi sur l’instruc-et de l’intégration des matières, et a mis en valeur tion publique ont balisée.les affinités entre ces avenues de renouvellement

extrêmement intéressantes. Il faut que la suite de

Des enseignantes et enseignants, des conseillèreset conseillers pédagogiques, des cadres scolaires,des chercheurs et des professeurs de sciences del’éducation ont fait bénéficier, à divers titres, leConseil et son comité de travail sur le curriculumde leurs connaissances et de leurs analyses. LeConseil les en remercie expressément. Par ailleurs,quelques questions majeures, dans la perspectivedu renouvellement du curriculum, restent à appro-

1. Ayant été adopté par le Conseil le 10 juin 1998, le pré-sent avis n’a donc pas pu tenir compte du document dela Commission des programmes d’études intitulé Calen-drier d’élaboration, d’implantation et de révision desprogrammes d’études rendu public par la ministre del’Éducation le 17 juin, en même temps qu’un échéancierretenu par la ministre pour la suite des travaux relatifsaux programmes. Il n’échappera pas toutefois au lecteurque plusieurs éléments de ces échéanciers dépendentd’amendements à apporter aux régimes pédagogiques,qui demeurent encore en suspens à l’été 1998.

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fondir. Le Conseil a l’intention d’y revenir dans unavenir prochain : exigences pour la formationinitiale et continue des maîtres; optique de renou-vellement et de différenciation du second cyclesecondaire dans une perspective d’accès élargi à laréussite scolaire; harmonisation du régime desétudes secondaires avec ceux de la formation pro-fessionnelle, des études collégiales et de l’éduca-tion des adultes; régime de sanction des étudessecondaires. Il s’agit là, en effet, de facteursimportants pour la pleine efficacité de l’actuelprocessus de renouvellement du curriculum.

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CHAPITRE PREMIER

La triple mission de l’école

Pour conduire les élèves à la réussite, l’école abesoin de l’appui de toutes les Québécoises et detous les Québécois, jeunes ou adultes. Mais cetappui ne lui sera accordé que si les missions quilui sont confiées sont connues et font consensus.Sinon l’ambiguïté persistera et l’école continuerade se voir adresser des demandes qui risquerontde la distraire de son objectif. Il importe donc demieux définir le champ d’action de l’école.

INSTRUIRE, avec une volonté réaffirmée [...]SOCIALISER, pour apprendre à mieux vivreensemble [...]QUALIFIER, selon des voies diverses.(L’École, tout un programme, p. 9.)

L’École tout un programme s’ouvre sur une décla-ration ferme et dense à propos des trois grandesmissions de l’école: instruire, socialiser, qualifier.Il va de soi qu’une conviction quant à la missionde l’école constitue l’assise première du dévelop-pement et de la mise en œuvre du curriculum.Cette position est-elle, dans la situation présente del’école québécoise, une assise adéquate, ou bienexcellente, ou bien ambiguë et susceptible d’inter-prétations contraires? S’accorde-t-elle très bienavec le reste de l’énoncé de politique sur les régi-mes pédagogiques et les programmes? Celademande réflexion. À quelles conditions cetteposition peut-elle inspirer et mobiliser les ensei-gnantes et enseignants, plutôt que soulever chezeux soit de l’attentisme, soit des réticences nettes?Car il y a des réticences. Seule une analyse soi-gneuse permettra de voir si, et comment, on peutles surmonter.

Le Conseil traitera successivement dans le présentchapitre les points suivants :

a) des discernements bienvenus sur les missions;b) des réticences à considérer;c) une interprétation restrictive à éliminer.

1.1 Des discernements bienvenus

Par rapport aux positions de 1979 (L’École québé-coise. Énoncé de politique et plan d’action), ladéclaration récente sur les missions de l’école,inscrite dans la Loi sur l’instruction publique, ades qualités incontestables. Elle concerne l’éduca-tion scolaire et non pas toute éducation, y comprisla familiale. Elle se place sur le terrain normatif dece que l’école se doit d’être, et non pas dans unezone ambiguë entre le factuel et ce qu’elle devraitêtre . Enfin, elle fait écho à l’une des convictions1

fortes de la Commission des États généraux :l’importance de réagir à la tolérance ou à la rési-gnation devant l’ignorance des élèves au sortird’un long parcours scolaire commun de base.L’accent placé d’abord sur la mission d’instruirevient directement de là. Il y a eu, en effet, toutessortes de façons de reporter à plus tard le véritableeffort d’apprendre, en privilégiant l’épanouisse-ment personnel, en séparant *apprendre à appren-dre+ et apprendre *les arts, les sciences et les let-tres+, en privilégiant le savoir-être. L’accent missur la mission d’instruire répond à une doubleobservation : la *légèreté+ ou la relative pauvretéculturelle du curriculum en place, dont le Conseilfaisait état en 1994 ; ensuite, la situation concrète2

où nous sommes, c’est-à-dire une société d’infor-mation et de savoir, où la compétence intellec-tuelle est garante de l’avenir collectif .3

Un second grand discernement neuf et bienvenuconcerne la mission de socialiser : l’importanced’une éducation à la citoyenneté. Quelle sorted’école peut être une matrice du *savoir-vivre-

1. En suivant la distinction utilisée par Olivier Reboul, onpourrait parler, dans une perspective factuelle, de fonc-tions de l’école, des rôles qu’elle exerce de fait auprèsde la jeunesse, en liaison par exemple avec les servicespublics de santé, sans qu’il s’agisse pour autant de saraison d’être. Voir Philosophie de l’éducation, p. 27 et s.

2. Voir Rénover le curriculum du primaire et du secon-daire, chap. 4.

3. Cet aspect d’une assise socialement contextualisée ducurriculum a été particulièrement développé par legroupe de travail sur les profils de sortie, en 1994. Voirson rapport, Préparer les jeunes au XXI siècle.e

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ensemble+, comme le dit le rapport de la commis- yeux de certains une régression. D’autres, à l’écolesion Delors de l’Unesco (L’École, un trésor est secondaire, frémissent en entendant des ensei-caché dedans, 1997)? L’éducation sociale joue à gnants réagir à la formulation de la première mis-tous les paliers, des relations interpersonnelles sion de l’école : *Enfin, nous allons pouvoir “don-jusqu’à la dimension *citoyen du monde+, en pas- ner des cours”, point final!+sant par la démocratie politique. Le rapport théma-tique du Conseil sur l’état et les besoins de l’édu- Sur le premier point, deux remarques s’imposent.cation pour 1997-1998 porte justement sur ce D’abord, dans L’École, tout un programme, lethème majeur et contribuera à la réflexion com- développement personnel constitue l’un des sixmune sur ce sujet. domaines d’apprentissage majeurs, de sorte qu’on

La troisième mission, celle de qualifier selon desvoies diverses, évoque la nécessité d’évoluer versdes façons d’éduquer beaucoup plus diversifiéesque par le passé, particulièrement dans le cadre dusecond cycle du secondaire. Cette mission con-cerne au moins autant le système d’éducationconsidéré globalement que l’école primaire etl’école secondaire. On a placé dans la Loi surl’instruction publique elle-même cette exigenced’accessibilité, non seulement de l’instruction,mais d’une qualification multiforme qui réponde àla réalité de la vie active. À ce titre, l’école secon-daire qui conduit à une formation spécialisée ulté-rieure, aux études de métiers, aux études techni-ques collégiales ou aux études universitaires,exerce sa mission de qualifier, même indirecte-ment, telle qu’elle est formulée dans L’École, toutun programme.

1.2 Des réticences importantes

La position adoptée sur les missions de l’écolerencontre cependant des réticences. Il faut en faireétat et les analyser, de façon à éviter que la suitedes événements ne nous empêche de tirer le meil-leur parti possible de cet énoncé de politique.

1.2.1 Le développement de la personnelaissé dans l’implicite

De façon particulièrement perceptible dans lemilieu de la maternelle et de l’école primaire, lesilence qui est fait sur toute perspective de déve-loppement de la personne déçoit. L’effacement duterme *éduquer+ au profit d’*instruire+ paraît aux

ne peut pas prétendre qu’il s’agit ici d’un viragevers l’instruction *pure et dure+, dépouillée d’unsouci d’épanouissement de la personne. Ensuite,dans le débat des États généraux, les commissairessemblent avoir été surpris de la force d’une con-viction selon laquelle la raison d’être de l’éduca-tion serait très imprégnée de *développement inté-gral+ ou équilibré, conviction qui amenait desinterlocuteurs à refuser d’accorder la priorité ausouci de développement intellectuel et au rôled’instruire, dans l’école. Sur cet arrière-plan, il estpossible d’interpréter la forte valorisation de lamission d’instruire comme une réaction, unevolonté de rééquilibrer les choses. Revaloriser lamission d’instruire, c’est en effet souligner lepropre de l’école, si l’on désire s’éloigner d’unedéfinition de l’éducation très large et diffuse,s’appliquant tout aussi bien à l’éducation familiale.C’est aussi une façon de faire écho à une réticencesouvent exprimée au cours de la dernière décennieà l’égard d’une *école envahie+ par trop de pré-occupations qui ne sont pas de son strict ressort.Cependant, une caractérisation des missions del’école qui poserait d’entrée de jeu un rôle dedéveloppement de la personne ne serait certes pasincompatible avec ce que privilégie plus loinL’École, tout un programme au titre des grandsdomaines d’apprentissage. Il ne faut sans doutepas voir le développement de la personne commeune mission de plus, à côté de *instruire, socialiseret qualifier+, en parallèle et, à la limite, en compé-tition. Il faudrait plutôt mettre en lumière que c’està travers et par ces visées que progresse la *cons-truction d’un sujet+, que le développement de lapersonne donne leur sens profond à l’ensemble destrois missions.

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La triple mission de l’école 9

1.2.2 Accès au savoir et développementintellectuel

Comment ne pas dissocier l’instruction et le déve-loppement des capacités? L’École, tout un pro-gramme met l’accent sur deux visées qui n’ont pastoujours été bien articulées entre elles : d’une part,l’acquisition des habiletés et des capacités, dontcertaines sont dites *compétences transversales+;d’autre part, l’approche culturelle des savoirs etdes disciplines, par opposition à une approche tropstrictement fonctionnelle, sèche, pauvre de sens. Ils’agit de deux pôles en quelque sorte, qu’il estrisqué de mal lier. Si l’on dérive vers une accen-tuation trop marquée des capacités, des savoir-faire, on dévalorise les savoirs, qui deviennent descontenus-prétextes. Comme certains contenus élé-mentaires ont valeur instrumentale à titre d’habile-tés S principalement lire, écrire et compter S, lamentalité utilitariste s’est souvent alliée, en Améri-que du Nord, avec le courant back to the basics(*retour à la base+), en plaidant pour des savoir-faire de base. Si, à l’autre extrême, l’on dérive versla survalorisation des savoirs sans souci des savoir-faire, on va vers une conception encyclopédiquedu curriculum, et l’on risque de survoler beaucoupde domaines sans mettre en jeu des capacités demobilisation de son propre savoir qui dépassent *lamémoire jusqu’à l’examen+. Quelle que soit lamatière étudiée, le souci des capacités que l’étudede celle-ci permet de travailler et de développermérite beaucoup d’attention : capacités intellec-tuelles certes, mais aussi capacités sociales, capaci-tés de communication, de coopération. Par exem-ple, certaines thématiques de fables, contes etromans fournissent une avenue directe vers l’édu-cation à la citoyenneté.

Le Conseil a eu l’occasion déjà de souligner laliaison de ces deux aspects : capacités relativementgénériques d’une part et initiation d’autre part auxdiverses dimensions ou composantes de la culture .4

L’initiation s’oppose ici à la maîtrise que représen-terait une spécialisation professionnelle : initiationartistique qui n’est pas une formation de musicien,initiation scientifique qui n’est pas une formationde chimiste, et ainsi de suite. Cela ne signifie pasqu’il n’y ait pas place à maîtriser toutes sortes deconnaissances dans chacun des champs culturels.L’école et l’enseignant ou l’enseignante exercenten fait un rôle de médiation : aider l’élève à sesituer dans les grands domaines qui structurent lemonde de référence de l’être humain et donnentprise sur lui. Dans cette optique, deux grandscritères de qualité du curriculum sont retenus :l’équilibre et la richesse. Un curriculum si exclusi-vement pragmatique qu’il laisserait fermés leshorizons de l’esthétique, de l’éthique, du langagesymbolique, serait par définition pauvre, toutcomme le curriculum qui laisserait les élèves illet-trés sur le plan technologique ou scientifique.

Actuellement, beaucoup de formulations d’unemission de l’école associent l’expression d’uneouverture aux grands domaines constitutifs de laculture et la visée d’un développement de capaci-tés, particulièrement de capacités intellectuelles.Tout cela est-il présent de façon compacte dans lamission instruire de L’École, tout un programme?Ou, plutôt, l’initiation culturelle se rattache-t-elle,plus ou moins aisément, à la mission socialiser, envue d’un partage du patrimoine culturel de la col-lectivité? Là encore, on peut soupçonner que lestrois termes clés, soit *instruire+, *socialiser+ et*qualifier+, ne rendent pas pleinement justice audouble souci qui s’affirmera plus loin dansL’École, tout un programme : celui des habiletéstransversales d’une part, celui de l’enrichissementculturel du curriculum, d’autre part.

1.2.3 Éducation sociale ou socialisation

Le terme *socialiser+ a fréquemment des connota-tions de l’ordre du conformisme, comme s’ils’agissait de *mouler+, d’adapter l’individu à lasociété telle qu’elle est. Par contre, l’un desaccents les plus neufs de L’École, tout un pro-gramme réside incontestablement dans son souci

4. Voir les avis du Conseil intitulés La Qualité du françaisà l’école, une responsabilité partagée et Rénover lecurriculum du primaire et du secondaire.

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10 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

de l’éducation à la citoyenneté. On rejoint alors un scolaire sur le développement des élèves, qui sethème très vivant dans les débats sur l’école en soucie d’ouverture culturelle, qui milite pourAmérique du Nord : l’école comme condition et l’exigence constante d’attentes élevées et stimu-quasi-matrice de la démocratie, une école à l’image lantes.du modèle qu’en présente Dewey, de façon bril-lante. Jusqu’à tout récemment, l’éducation politi- Il reste donc de grands risques d’ambiguïté dans laque était implicite dans l’éducation sociale. Est- reformulation des missions de l’école, incluseelle suffisamment et correctement exprimée main- depuis peu dans la Loi sur l’instruction publique.tenant dans la mission de socialisation? La sociali- De ce fait, le Conseil recommande à la ministre desation est souvent entendue comme un processusélémentaire qui se passe bien plus dans la familleet le voisinage immédiat qu’à l’école, même s’il yest naturellement relayé. Est-ce que cela signifieaussi une éducation sociale qui initie au *savoir-vivre- ensemble+ S pour emprunter un terme durapport Delors à l’Unesco S sous un régime delois, d’élections, de pouvoirs (législatif et exécutif)démocratiques? Si *socialiser+ risque d’évoquerseulement la coexistence pacifique dans l’environ-nement scolaire et social immédiat , c’est peut-être5

une formulation de la mission de l’école qui resteen deçà de l’audace et de la largeur de vue du restede l’énoncé de politique. Si tel était le cas, il seraitplus juste d’employer le terme *éducation socialeet civique+ pour formuler cette mission.

1.3 Une interprétation restrictive àéliminer

La position ministérielle se prête, c’est indéniable,à une double lecture. Une première lecture, restric-tive, répond au slogan de *l’école envahie+. Ellerenvoie à des bribes d’un discours conservateur defermeté fort répandu en Amérique du Nord : seconcentrer sur l’essentiel, durcir les exigences,qualifier pour gagner la guerre économique mon-dialisée ... La seconde lecture relève d’une6

perspective humaniste, qui centre le système

veiller à ce que l’interprétation concrète desmissions de l’école respecte une compréhensionlarge et ouverte, plutôt que restrictive; consé-quemment, le Conseil souhaite que la mise enœuvre de la réforme des programmes rendepleinement justice à ce que promeut L’École,tout un programme, à savoir : le développementde compétences intellectuelles, le développe-ment personnel en tant que domaine d’appren-tissage, la valorisation de l’éducation à lacitoyenneté. C’est en même temps la meilleurefaçon de tenir compte des convictions d’ensei-gnants et d’enseignantes qui percevraient commeune régression toute tendance à durcir la frontièreentre instruire et éduquer.

5. On trouvera chez John I. Goodlad (In Praise of Educa-tion) un exposé très actuel de la conviction que l’éduca-tion sert en quelque sorte de matrice à la démocratie, àune démocratie à la fois sociale et politique. Voirégalement Goodlad et McMannon (dir.), The PublicPurpose of Education and Schooling.

6. John I. Goodlad (1997) présente en particulier lesimpasses où conduit une analyse politique de la situationde l’école qui associe utilitarisme et *ligne dure+.

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CHAPITRE DEUX

Domaines de référence :des assises à approfondir et à consolider

Il importe de préciser les grands domainesd’apprentissage qui doivent apparaître dans lecurriculum, ainsi que les intentions générales àprivilégier pour chacun de ces champs, de façonà indiquer des balises en vue de la révision desprogrammes. Ces cinq domaines sont :

les langues;la technologie, les sciences et lesmathématiques;l’univers social;les arts;le développement personnel [...]

Le domaine des compétences transversales

L’école devra aussi poursuivre l’acquisition decompétences et, dans certains cas, d’attitudes quine relèvent pas du domaine exclusif de l’ensei-gnement des disciplines [...] : ce sont les compé-tences transversales.

(L’École, tout un programme, p. 17-18.)

L’École, tout un programme enracine le curricu-lum dans un ensemble limité de grands domainesd’apprentissage. Ce faisant, l’énoncé de politiques’efforce de rendre perceptibles la cohérence etl’équilibre de l’ensemble. C’est une voie de plusen plus pratiquée dans l’élaboration du curriculum,une sorte de pont entre les programmes particulierset la mission générale de l’école. Le Conseil ten-tera dans les pages qui suivent d’attirer l’attentionsur l’intérêt majeur qu’il y a à fonder, pour ainsidire, le curriculum sur des grands domainesd’apprentissage, d’une part, ainsi que sur des habi-letés et des compétences partiellement transdisci-plinaires, d’autre part. Il examinera en mêmetemps divers moyens par lesquels on pourraitconsolider et développer encore ces assises. Carces fondements ou ces enracinements peuventparticulièrement contribuer à ces grandes qualitésde tout curriculum que sont la richesse de soncontenu, son équilibre et sa cohérence.

Pourquoi entreprendre une telle réflexion sur lesgrands domaines d’apprentissage sous-jacents etpour ainsi dire préalables aux diverses matièresscolaires? Essentiellement parce que le curriculummis au point au début des années quatre-vingt estéclaté et dispersé. De ce fait, son sens est occulté.On voit très mal comment il met en œuvre la mis-sion propre de l’école. C’est un curriculum trèsanalytique dans chacun de ses programmes, et cesprogrammes demeurent juxtaposés, sans cohé-rence, sans interdépendance forte et affichée. Lecurriculum actuel porte trop en évidence les tracesde la logique suivante : s’il survient un aspect neufà prendre en considération, ajoutons un cours. Onpeut souligner sans hésitation que l’effort de déga-gement de grands domaines de référence du curri-culum, depuis 1994, a d’abord voulu freiner etinverser une telle logique de juxtaposition etd’éclatement.

Comment faire en sorte que l’enracinement deséléments concrets d’un curriculum dans des grandsdomaines de référence ne soit pas banal, de l’ordrede l’expédient organisationnel mais, au contraire,inspirateur et profondément significatif? Faut-ils’interroger sur le genre même des domaines àprivilégier? À l’intérieur d’un genre donné, qu’est-ce qui mérite d’être englobé de façon synthétique,et, à l’opposé, qu’est-ce qui mérite d’être consi-déré de façon autonome? Dans le sillage deL’école, tout un programme, ce sont des questionsextrêmement pertinentes. Une très bonne façon demettre en valeur à la fois l’intérêt et l’importancede telles questions peut consister à dégager leurcentralité dans d’autres grands efforts d’actualisa-tion et de renouvellement du curriculum entreprisdans des sociétés analogues à la nôtre. Pour ali-menter la réflexion qui s’impose, le Conseil fera,dans les pages qui suivent, un bref tour d’horizonde quelques perspectives actuelles sur la raisond’être de tels domaines de référence et sur l’intérêtde divers choix en la matière.

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12 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

2.1 Une approche d’analyseculturelle

L’articulation du curriculum a renvoyé, au coursdes dernières décennies, à deux approchescontrastées. L’une est d’inspiration technique etplanificatrice : elle met de l’avant le *menu+, unensemble de disciplines à proposer et, partant delà, elle déploie des enchaînements d’objectifs parétapes jusqu’à des objectifs dits terminaux. Lestraits communs des programmes mis en place auQuébec entre 1979 et 1982 renvoient à ce modèle,d’abord promu par Ralph Tyler (1949), puisconstamment raffiné.

L’autre approche d’élaboration du curriculumporte couramment le nom d’analyse culturelle.Voici comment un expert la décrit :

[...] Il n’y a pas nécessairement d’oppositionentre les besoins de l’individu et les besoinssupposés de la société, comme beaucoup de pro-fessionnels de l’éducation progressistes sem-blent l’avoir supposé. L’individu ne peut deve-nir authentiquement humain et social qu’endevenant membre d’un réseau, d’un groupesocial. Un enfant qui grandirait isolé du reste del’humanité deviendrait *sous-humain+. L’essenced’une pleine humanité, c’est d’avoir part aulangage, à la culture et aux expériences d’autresêtres humains. Un curriculum doit donc ouvrirl’enfant individuel au monde des autres êtreshumains par des types appropriés de connais-sance et d’expérience. Telle est essentiellementla perspective qu’adoptent ceux des théoriciensdu curriculum dont le système se base surl’*analyse culturelle+.

Ma propre perspective s’appuie sur la définitiondu curriculum comme étant une sélection à par-tir de la culture de la société. Le terme *culture+,dans ce contexte, est compris au sens anthropo-logique ou sociologique, comme tout ce qui estproduit par l’être humain dans notre société : lesmets rapides et le bingo aussi bien que les scien-ces et la mathématique; les valeurs et les croyan-ces aussi bien que la religion, l’art et la littéra-ture; la culture pop aussi bien que la grande cul-ture et ainsi de suite. Aucune école ne peut toutenseigner ou transmettre le tout de notre cultureà la génération suivante, alors il faut déterminerdes priorités. Il faut choisir à partir de l’ensem-ble de notre culture pour transmettre à la nou-

velle génération les aspects les plus importantsde notre héritage culturel. Soulignons qu’il nes’agit pas ici d’une vision statique de la cultureS l’essence de la culture dans une sociétécomme la nôtre est de changer constamment.L’école doit aussi tenir compte de ce change-ment, mais non pas nécessairement refléter tousles types de changements. Des jugements devaleur s’imposent quant aux types de change-ments nécessaires et importants, et quant auxtypes de changements auxquels il faut résister.(D. Lawton, 1985, p. 32-33.)

À la différence de la première perspective, celle-cis’attaque ouvertement à la question du choix descontenus de formation : qu’est-ce qui mérite d’êtreenseigné? Cette question peut se formuler en destermes qui reflètent un souci d’actualisation et demise en contexte : pour entrer de la meilleurefaçon dans cette société-ci, avec quels grandschamps d’expérience et de connaissance le jeuneêtre humain doit-il entrer en contact grâce àl’école? Quelle palette de modes d’accès doit-iltravailler, expérimenter, exercer, raffiner? Tel estl’intérêt majeur des grands domaines de référencesous-jacents à la gamme des cours et matières d’uncurriculum : exprimer quelle sorte de médiationculturelle l’école exerce.

L’explication des grands domaines de référence del’ensemble d’un curriculum met en valeur, d’unepart, des constantes transculturelles, dans uneperspective universaliste, au sens où la culture detoute société comporte des techniques et façons defaire, des modes d’échanges de biens, des façonsde reconnaître et d’estimer le beau, un mode defonctionnement institutionnel et social, une langueau cœur de son mode de communication et d’expres-sion, et ainsi de suite . D’autre part, poser claire-1

ment ces domaines de référence permet dans unsecond temps, et c’est là l’élément le plus inspirantpour le curriculum, de particulariser, d’actualiserou de mettre en contexte chacune des dimensions.Le rapport du groupe de travail sur les profils desortie avait déjà, en 1994, fait ressortir des accents

1. Denis Lawton analyse à ce titre huit sous-systèmesculturels qu’il considère comme présents dans chaqueculture particulière et qu’il pose comme assise d’uneanalyse culturelle sous-jacente au curriculum. Voir à cesujet : Conseil supérieur de l’éducation, Rénover lecurriculum du primaire et du secondaire, p. 42-43 etsection 2.1, plus loin.

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Domaines de référence : des assises à approfondir et à consolider 13

bien précis concernant l’un ou l’autre domaine : dimension culturelle n’est pas une facette ajoutée :rationalité scientifique et technologie, langue au c’est la substance et le fond. La richesse culturellecœur de la communication, soin majeur apporté à d’un curriculum, telle que le Conseil l’analysaitl’appropriation de la composante sociale et civique dans son avis de 1994, repose sur la volonté et lade notre culture. Les débats des États généraux et capacité de l’école de médiatiser l’accès de lala reprise de leur problématique dans les conclu- jeune génération à chacun des grands domainessions du rapport du groupe de travail sur le curri- constitutifs de la culture actuelle de notre société,culum, Réaffirmer l’école (1997), ont dégagé des culture en grande partie partagée avec l’ensemblejugements du même type. Ils portent sur des facet- de l’humanité contemporaine.tes de la culture de notre société auxquelles l’écoledoit apporter un soin très particulier dans sa mis-sion de médiation culturelle. Rappelons les troisjugements d’actualisation majeurs : l’importancede la maîtrise d’une langue commune, dont lanégligence ne pourrait que conduire à un graveappauvrissement culturel; le caractère crucial,donc la promotion nécessaire, de la composantecivique et démocratique de notre culture; enfin,l’accès à la culture technologique S l’analphabé-tisme technologique devenant un facteur indivi-duel de marginalisation et un facteur collectif destagnation.

Dans ce contexte, il devient relativement facile delever une ambiguïté qui demeure, dans L’École,tout un programme, sur la richesse culturelle ducurriculum. L’énoncé de politique oscille entre uneposition où la technologie, les études sociales, lamathématique sont moins *culturelles+ que l’his-toire, l’art et la littérature (selon le sens humanistedu terme *culture+, associé aux *humanités+ del’école moderne) et une position où la technologie,l’éthique ou la politique font tout autant partie dela culture que les arts et les lettres. C’est la pre-mière position qui pousse à greffer une dimensionculturelle à toutes les matières, particulièrementaux matières scientifiques. Mais la seconde posi-tion est plus juste et plus féconde. Ainsi, c’estparce que la technologie est une partie intégrantede la culture contemporaine qu’une *analyse cultu-relle+ lucide à la base du curriculum nous incite àévoluer vers une école qui la prenne au sérieuxtout autant que l’histoire et la littérature . La2

2.2 Les choix possibles dedomaines de référence

Les domaines d’apprentissage retenus commeassises du curriculum dans L’École, tout un pro-gramme sont-ils adéquats? Sont-ils les meilleurs?Faudrait-il les approfondir, les expliciter encore?Avant de répondre à ces questions, il y a lieud’examiner d’autres ensembles de domaines deréférence pour comprendre à quoi ils peuvent lemieux répondre comme exigences, pour peu qu’onfasse varier leurs accents .3

En général, les domaines d’apprentissage posés enréférence servent au moins deux fins : ils sont unrempart contre le réductivisme, la banalisation,la pente utilitariste qui concentrerait volontiersl’effort de l’école sur le strict nécessaire permet-tant de tenir un emploi productif; ils servent aussià mettre en valeur la cohérence du curriculum, lacontribution complexe et convergente d’une palettelarge de disciplines et d’activités d’apprentissageaux divers domaines S une cohérence, donc, quiappelle des complémentarités interdisciplinaires.

Au-delà de ces fonctions générales, on peut retrou-ver des dominantes, des préoccupations particuliè-res. Parfois, la référence à des domaines sert toutparticulièrement à l’actualisation du curriculum.

2. On trouvera une analyse sociologique et historique deces mutations culturelles qui interpellent l’école au plushaut degré dans les communications de deux conféren-ciers au récent colloque École et culture, Québec,Conseil supérieur de l’éducation et Institut québécois derecherche sur la culture, 1997 : Camille Limoges et PaulInchauspé, p. 47-65, p. 103-122. transversales.

3. Dans la majorité des cas, les domaines de référencen’incluent pas un domaine de compétences transversa-les, celui que L’École, tout un programme pose commesixième et dernier domaine, parce que c’est un aspect del’éducation qui concerne chacun des domaines plus spé-cifiques. Le chapitre trois portera sur les compétences

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Ce fut le cas dans le rapport Préparer les jeunesau XXI siècle, de 1994 : ses trois discernementse

majeurs se retrouvent d’ailleurs dans L’École, toutun programme : nécessité d’une maîtrise pousséede la langue commune de notre société; accentua-tion de l’apprentissage de la citoyenneté; et trèsgrande importance, pour entrer de plain-pied dansle monde tel qu’il est, d’une alphabétisation scien-tifique et technologique qui soit commune et étof-fée. Parfois, les domaines permettent de donnerdroit de cité à toutes les dimensions de la réalité,en précisant comment les disciplines d’enseigne-ment constituent des voies polyvalentes et complé-mentaires pour chaque domaine. Telle est particu-lièrement la préoccupation de John I. Goodlad àl’égard des six domaines qu’il expose à l’aide dela figure ci-dessous : le monde comme systèmephysique, le monde comme système biologique;les systèmes de croyances et de valeurs; les systè-mes de communication et d’expression; l’espècehumaine; enfin, le *village planétaire+ : systèmessociaux, politiques et économiques.

Il faut complètement repenser les domainesd’expérience humaine et de pensée avec les-quels les enfants et les jeunes doivent com-munément venir en contact en progressantpar l’intermédiaire de l’école vers une viepleine et satisfaisante de citoyens, de parents,de travailleurs, et de participants lucides àleur culture. Se contenter d’imposer tant decours de mathématique, d’anglais et ainsi desuite pour le diplôme secondaire et l’accèsau collège, c’est se soustraire à cette respon-sabilité. Les domaines essentiels d’expé-rience humaine et de connaissance englo-bent beaucoup plus que les matières rete-nues de façon convenue dans le curriculum.En effet, cela nous rendrait service de dépasserces énumérations pour nous donner uneimage englobante du monde sur lequel lesélèves doivent s’interroger et avec lequel ilsdoivent se familiariser. Pour s’impliqueractivement dans leur culture, les humainsdoivent avoir conscience, et une compréhen-sion convenable, des grands systèmes uni-versels qui la structurent : systèmes physi-que, biologique, social, politique, communi-cationnel, évaluatif et économique [...]

Source : John I. Goodlad, “A New Look at an Old Idea : Core Curriculum”, dans Educational Leadership, p. 11-12.

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Pour sa part, l’ensemble des domaines proposéspar Ernest L. Boyer au terme des travaux conduitspar la Fondation Carnegie pour l’amélioration del’enseignement est particulièrement significatif ence qu’il crée un pont entre la mission de l’école etles divers enseignements. Il s’agit en effet de thè-mes intégrateurs qui mettent en valeur les conver-gences :

À l’École de base, tous les élèves devien-nent bien informés. Ils étudient les diverschamps du savoir qui sont structurés defaçon thématique dans un cadre appelé *leséléments communs centraux+ [Core Com-monalities]. Ces huit éléments communs,basés sur des expériences humaines parta-gées, intègrent les matières traditionnellesen aidant les élèves à voir les liaisons entredisciplines et à mettre ce qu’ils apprennenten rapport avec la vie. (The Basic School : aCommunity for Learning, p. 81.)

Ce tableau est tout à fait utilisable et applicable ausecondaire et au-delà. Ici, Boyer pense surtout àrésister à la fragmentation des enseignements àl’école primaire, fragmentation qui dépouille beau-coup d’apprentissages de leur sens, de leur rapportà une réalité de vie.

Ce que nous proposons pour l’École de basen’est pas tant un nouveau curriculumqu’une nouvelle manière de concevoir lecurriculum. Bien sûr, il y a indéniablementun noyau de contenus à apprendre en his-toire, en littérature, en sciences, en éduca-tion civique et dans les autres domainesd’études. Cependant, à l’École de base, cecontenu traditionnel est inséré dans huitthèmes intégrateurs que nous avons appelés*éléments communs de base+ [CoreCommonalities] [...] Par *éléments com-muns de base+, nous entendons ces expé-riences universelles que tous partagent, lesconditions essentielles de l’existencehumaine qui donnent sens à nos vies : lecycle de la vie; l’usage de symboles;l’appartenance à des groupes; un sens dutemps et de l’espace; l’appréciation del’esthétique; les liens avec la nature; laproduction et la consommation; et la quêtede sens.

En se concentrant sur ces expérienceshumaines communes, les enfants acquièrentnon seulement un noyau de connaissances,mais ils découvrent aussi des relations entre

disciplines distinctes. Ils commencent dèslors à voir comment ce qu’ils étudient enclasse a rapport à eux-mêmes, comment leurpropre vie peut se développer de façonconstructive sur les plans personnel, socialet éthique. (Op. cit., p. 84-86.)

Un des éléments communs de base qui metparticulièrement bien en lumière son caractèrefondamental et la diversité des contributionsconvergentes des disciplines qu’il appelle estjustement le premier :

Le cycle de la vie. Le but : tous les élèves del’École de base comprennent que la viehumaine a un commencement, une périodede croissance et un terme. Ils acquièrent uneconnaissance de base des besoins et desfonctions du corps, et adoptent des habitu-des personnelles qui favorisent le bien-être.Ils développent une appréciation du carac-tère sacré de la vie et comprennent com-ment les expériences de vie diffèrent d’uneculture à l’autre. (Op. cit., p. 86.)

2.2.1 Deux perspectives anglaises

On perçoit déjà comment l’articulation des domai-nes peut se déployer franchement sur un terrainextrascolaire, culturel et anthropologique, ou bienà mi-chemin de celui-ci et des composantes con-crètes des études, en se rapprochant des discipli-nes. Le spécialiste anglais du curriculum DenisLawton est l’un de ceux qui ont poussé le plus loindans la première perspective. Dans la seconde, ontrouve un système de référence mis de l’avant parl’Inspectorat anglais , système qui a beaucoup4

servi au fil d’une démarche d’élaboration d’uncurriculum national.

D. Lawton pose huit grands domaines commesous-systèmes culturels, chacun pertinent pour lamission de médiation culturelle de l’école :

[...] il y a de bonnes raisons anthropologi-ques et sociologiques de diviser le système

4. *Her Majesty’s Inspectorate+ : cet organisme constituaitjusqu’aux années quatre-vingt-dix un corps d’experts,de leaders en matière de curriculum et de pédagogie,statutairement indépendant du Ministère et relevantdirectement du ministre de l’Éducation de l’Angleterre.

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culturel dans les huit structures ou sous-systèmes suivants : 1° structure sociale/système social; 2° système économique;3° système de communication; 4° systèmede rationalité; 5° système technologique;6° système de moralité; 7° système decroyances (*belief+); 8° système esthétique.[...]

Je soutiens qu’un programme éducatif satis-faisant doit communiquer l’essentiel deshuit systèmes, à moins que d’autres institu-tions sociales soient mieux outillées pourcet aspect de la transmission culturelle.(1983, p. 31, 38.)

L’intérêt de ces sous-systèmes, comme domainesde référence, se situe principalement sur trois ter-rains. D’abord, ils sont à la base d’une démarched’analyse portant sur chacun d’eux. On peut sedemander par exemple, par rapport au sous-système économique de la culture de notre société,où nous en sommes par rapport à l’échange, à laproduction, à l’évolution des modes de production,au travail et à son organisation, à l’entrepreneur-ship et, à partir de là, clarifier à quoi l’école pour-rait sensibiliser les jeunes. Tel est l’axe d’actuali-sation valable pour chaque domaine. En secondlieu, les domaines servent à repérer des *trous+ oudes carences dans le curriculum scolaire, en fonc-tion d’un critère de *richesse culturelle+, pour ainsidire . En troisième lieu, ils servent à mettre en5

valeur la diversité, et donc la convergence, descontributions de chaque discipline à des domainesparticuliers. Un petit exemple illustre bien le prin-cipe. Au domaine *anthropologique+ de l’esthéti-que, D. Lawton raccorde naturellement des contri-butions non seulement de l’étude des arts, ce quiva de soi, mais également de la discipline de l’édu-cation physique et des sciences de la nature.

L’Inspectorat anglais, de son côté, dans un docu-ment sur les assises du curriculum intitulé TheCurriculum from 5 to 16, mettait en rapport étroitet direct des domaines d’expérience et de connais-

sance et des habiletés à acquérir. Il retenait neufdomaines, certains plus centrés sur une disciplineprécise, d’autres moins : domaine esthétique etcréatif, domaine humain et social, domaine lin-guistique et littéraire, domaine mathématique,domaine moral, domaine physique, domainescientifique, domaine spirituel, domaine technolo-gique .6

L’intérêt de cette articulation de domaines ressortparticulièrement lorsqu’on les place en regard desgrandes catégories d’habiletés à développer. Cardans ces habiletés, certaines sont propres à undomaine, d’autres non. Et l’on commence ainsi às’approcher de la problématique de compétencestransversales qui se retrouve dans L’École, tout unprogramme. Voici les neuf grandes catégoriesd’habiletés que pose le document cité de l’Inspec-torat : habiletés de communication, d’observation,d’interprétation de données, de résolution de pro-blèmes, habiletés physiques et pratiques, habiletéscréatives et imagination, habiletés de mesure etcalcul, habiletés personnelles, habiletés sociales(HMI., p. 39-40).

Le plus intéressant, à ce sujet, est de constater quecertaines correspondances entre domaines et habi-letés sont évidentes et très fortes (domaine mathé-matique et habiletés de mesure et calcul), d’autressont claires mais non exclusives, d’autres, enfin,sont très larges, car certaines catégories d’habiletéssont en jeu dans tous les domaines, potentielle-ment, comme celle de résolution de problèmes, parexemple. Là se trouve la source de l’idée decompétences transversales. Les habiletés vont duplus particulier au plus commun, et celles qui peu-vent être exercées et développées dans de multi-ples domaines ne sont pas moins importantes queles autres.

5. Il y a ici un parallèle direct avec le passage d’une per- et technologie. Par rapport au cinquième, celui du déve-ception de l’importance cruciale de la démocratie et du loppement personnel, on trouve ici posés de plein droitpluralisme dans notre société à la conviction du bien- les domaines physique, moral et spirituel, ce dernierfondé d’un grand souci d’éducation à la citoyenneté sur étant analogue sans doute à l’élément commun *quête dele terrain proprement scolaire. sens+ de Boyer.

6. On constate aisément que, vis-à-vis des quatre domainesstrictement liés aux disciplines de L’École, tout un pro-gramme, on ne combine pas ici mathématique, sciences

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Domaines de référence : des assises à approfondir et à consolider 17

C’est donc avec beaucoup d’à-propos que L’École,tout un programme retient conjointement et soli-dairement des domaines, puis rappelle le caractèrefréquemment transdisciplinaire d’habiletés ou decompétences à développer et à exercer. La plupartdu temps, on ne pose pas les habiletés comme undomaine de plus; on les analyse plutôt comme unedimension commune à l’ensemble des domainesd’apprentissage. Mais il n’y a pas lieu d’argumen-ter sur cette particularité.

2.2.2 Quelques autres façons de poserdes domaines de référence

Malgré la grande diversité dans la façon de présen-ter des domaines de référence, il existe des cons-tantes, et il s’agit toujours de *fonder+, de légitimerles éléments diversifiés du curriculum : matières,activités, enchaînements. Voici quelques témoinssupplémentaires de cette diversité.

D’abord, voyons le produit d’une démarche deréflexion partie de l’idée de formation fondamen-tale comme englobant des attitudes, des savoirs,des savoir-faire essentiels. Dans l’effort de dégagerles savoirs ou les concepts essentiels pour l’éduca-tion scolaire actuelle, Norman Henchey propose7

les dix concepts suivants, d’une façon très appa-rentée au discernement de grands domaines deréférence dans notre culture :

Concepts à comprendre

1- Les systèmes : les espèces de systèmes(fermés et ouverts), les caractéristiques d’unsystème, les modes de changement des sys-tèmes, la façon dont ils constituent un con-texte pour la signification, la différenceentre des hiérarchies et des réseaux, le rôlede l’information dans le maintien et la trans-formation de la structure des systèmes.Sources : philosophie, théorie de la com-munication, gestion, mathématique, scien-ces politiques, écologie, sciences physiques.

2- Le temps et l’espace comme contexte :élargir notre point de vue au-delà du tempsprésent et de l’environnement local, équili-brer le sens d’identité avec notre compré-hension d’autres façons de vivre.Sources : histoire, géographie, anthropolo-gie, art, littérature.

3- Pouvoir, conflit et coopération : le pou-voir comme force et comme contrôle, lesdivers types de pouvoir, le concept d’éman-cipation, les conflits de pouvoir, la violence,la résolution des conflits, la coopération etl’action concertée.Sources : sciences sociales, particulièrementsciences politiques et économiques.

4- Le soi : intelligence, corps, esprit, poten-tiel, intégrité; le concept de soi à la fois dansson sens psychologique et dans son sensintellectuel, l’accomplissement de soi, laphysiologie et la santé, l’intelligence, ledéveloppement spirituel et *le sens del’existence+.Sources : biologie humaine, psychologie,éducation physique, éducation à la santé,éducation morale et religieuse.

5- La société en tant que communauté :l’évolution des communautés de la familleaux nations et à la communauté internatio-nale, les divers modèles de société, types demœurs et de responsabilités, le bien com-mun, les droits.Sources : sociologie, histoire, éducationcivique, philosophie sociale.

6- L’interdépendance mondiale : l’effetdes communications, des mouvements envi-ronnementaux, du commerce, des politiquesmonétaires sur des régions et des pays parti-culiers, les disparités de richesse et de puis-sance, les concepts de développement, lesresponsabilités des pays développés.Sources : histoire, économique, écologie,actualité mondiale.

7- Écologie humaine, sphère de la vie,sphère de la matière inerte : nature du sys-tème écologique, menaces environnemen-tales (pluies acides, effet de serre, couched’ozone, déchets toxiques, etc.), le rôle del’être humain, développement durable etpolitiques d’intervention.Sources : sciences de la nature, particuliè-rement biologie et écologie, économique,géographie, sciences politiques.

8- L’équilibre et l’échange : l’équilibre,l’homéostasie, la modération, les jeux à gain

7. *Les Éléments fondamentaux : concepts, habiletés etvaleurs+, Vie pédagogique, p. 6-10.

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18 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

nul, le concept général du prix à payer dans Les autres activités éducatives visent égale-divers champs de choix. ment les objectifs généraux fixés à l’alinéaSources : sciences physiques, économique. 1 . Ces activités s’inscrivent dans les

9- La culture et la technique en tant queproduits : la culture en tant qu’interventionde l’être humain, comment les cultures res-treignent ou amplifient le champ d’actionhumain, l’influence de la technologie sur lascience et la culture, le rôle et les limites dela technologie dans une culture de hautetechnologie.Sources : histoire, technologie, sciences,anthropologie et éthique.

10- Le vrai, le bien, le beau : façons detrouver et de vérifier ce qui est vrai, de dis-cerner le bien du mal, de créer et d’appré-cier le beau.Sources : sciences, mysticisme, philosophie,religion, art, musique, danse, théâtre, littéra-ture, architecture.

Quelle différence trouve-t-on entre ces concepts etles huit grands domaines de Boyer? Il s’agit d’uneperspective plus située, plus en contexte, qui tendà montrer sous quels éclairages les enseignementscourants seront vraiment en prise sur des caracté-ristiques présentes de notre société. Comme l’écritNorman Henchey, *la liste des concepts, des com-pétences et des valeurs qu’on pourrait enseigner etapprendre s’allonge à mesure que l’histoireavance. Mais chaque société se doit d’en dégagerl’essentiel pour elle, une liste restreinte qui reflèteles courants sociaux importants+ (ibid.). D’unecertaine façon, les éléments fondamentaux propo-sés par Henchey sont encore plus distants desdisciplines comme telles que les Core Commonali-ties d’Ernest Boyer. De ce fait, ils montrent lelarge éventail des *sources+, des disciplines contri-buant potentiellement à chaque grand thème.

En Belgique francophone, on trouve une articula-tion des domaines qui se formule à travers le lan-gage des *socles de compétences+ :

Alinéa 3. Les socles de compétences accor-dent la priorité à l’apprentissage de la lec-ture centrée sur la maîtrise du sens, à la pro-duction d’écrits et à la communication oraleainsi qu’à la maîtrise des outils mathémati-ques de base dans le cadre de la résolutionde problèmes.

er

domaines suivants, qui font partie de la for-mation commune obligatoire : la structura-tion du temps et de l’espace, l’éducationpsychomotrice et corporelle, l’éveil puisl’initiation à l’histoire et à la géographie,l’éducation artistique, l’éducation par latechnologie, l’initiation scientifique, ladécouverte de l’environnement, l’apprentis-sage de comportements sociaux et de lacitoyenneté .8

Ici aussi, la diversité des disciplines d’appui, doncla complémentarité et la convergence entre elles,ressortent amplement.

Il est très intéressant de situer en parallèle la posi-tion de base de la grande charte du curriculumnorvégien des écoles primaires et secondaires. Carce document de référence officiel explicite luiaussi à la fois la spécificité de domaines donnés etl’extrême importance de les traiter de façon inté-grée. Le sens de l’éducation est exprimé à traverssix grandes dimensions de l’être humain : l’êtrehumain spirituel, créatif, travailleur, cultivé(liberally-educated), social et soucieux de l’envi-ronnement; et ces six dimensions convergent dansune perspective unifiée, de celle de *l’êtrehumain intégré+. La charte du curriculumnorvégien est particulièrement explicite sur les9

tensions et les équilibres à maintenir, sans réducti-visme, pour favoriser le développement de l’*êtrehumain intégré+ :

L’éducation poursuit un certain nombre debuts apparemment contradictoires :• exprimer l’axe moral commun de notre

culture, avec son souci des autres S etfavoriser la capacité de tracer sa proprevoie;

8. Ministère de l’éducation et de l’audiovisuel, Projet dedécret définissant les missions prioritaires de l’ensei-gnement fondamental et de l’enseignement secondaireet organisant les structures propres à les atteindre,Bruxelles, Communauté française, 1997. Cité dans : J.Weiss, Quels plans d’études et quelles compétences cléspour le XXI siècle?, p. 30.e

9. Royal Ministry of Church, Education and Research,Core Curriculum for Primary, Secondary and AdultEducation in Norway.

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Domaines de référence : des assises à approfondir et à consolider 19

• familiariser avec notre héritage chrétien les attitudes courantes, la sagesse con-et humaniste S et faire connaître et res-pecter les autres religions et croyances;

• vaincre l’autocentrisme et la croyanceau droit du plus fort S et inspirer laforce de s’affirmer, de résister, dediverger d’opinion, de ne pas céder auxopinions des autres ou s’abaisser devantelles;

• développer des personnalités indépen-dantes et autonomes S et la capacité defonctionner et de travailler en équipe;

• nourrir le caractère unique de l’indi-vidu, les différences qui en font uneressource pour les autres S et trans-mettre l’acquis commun de savoirs etd’habiletés qui facilitent l’interaction etcontribuent conjointement à la sociétéet à son développement;

• laisser de la latitude aux jeunes en cequi concerne les manières et les façonsde vivre S et les outiller pour qu’ilsprennent part au monde des adultes et yassument des responsabilités;

• fournir des habiletés en vue du travail etdes tâches pratiques de la vie S et lais-ser place à la croissance émotionnelle etau développement de la personnalité;

• enseigner et entretenir notre patrimoinenational et nos traditions locales pourpréserver la variété et la particularitéS et aller ouvertement à la rencontred’autres cultures pour prendre plaisir àla diversité de l’expression humaine etpour apprendre à partir des différences;

• faire connaître une histoire de l’huma-nité chargée de conflits, les triomphes etles épreuves du passé S et les crises etles possibilités du temps présent;

• faire prendre conscience de la détermi-nation de notre époque et de notre viequotidienne par les choix des généra-tions précédentes S et de la façon dontnous aussi, nous préparons la scènepour les générations à venir;

• fournir des connaissances factuellespermettant de suivre et de comprendrel’actualité S et véhiculer des valeurspouvant guider les choix auxquels con-duisent des connaissances nouvelles;

• susciter un contact prenant avec les plusgrandes réalisations dans les domainesde la littérature et des arts, du travail, del’aventure et de la recherche S et don-ner à chaque individu l’occasion dedécouvrir et de développer les poten-tialités relevant de ses propres capa-cités;

• inspirer le respect des faits et de l’argu-mentation solide S et exercer les capa-cités critiques de remettre en question

ventionnelle et les façons de faireétablies;

• éveiller l’estime pour l’effort des autreset l’humilité devant leurs exploits S etdévelopper une foi suffisante en soi-même pour prendre le risque d’échouer;

• ouvrir les sens aux formes qui se sontenracinées pour devenir traditions, danstous les domaines, de la musique àl’architecture S et avoir l’audace derepenser les choses à neuf et l’imagina-tion pour rompre avec les voiesétablies;

• fournir aux jeunes une base solide deconnaissances S et la constituer de tellefaçon qu’elle pousse au questionnementet à la quête de nouvelles connaissancestout au long de la vie;

• apprendre aux élèves à utiliser la natureet ses forces à des fins humaines S etleur apprendre à protéger l’environne-ment contre les extravagances et lesabus de l’homme.

L’éducation doit équilibrer ces doublesbuts. Elle vise un développement global decapacités et de qualités caractéristiques : seconduire de façon morale, créer et agir, tra-vailler avec les autres et en harmonie avecla nature. L’éducation doit contribuer à laconstruction d’une personnalité qui donneaux individus la force de prendre en mainleur propre vie, d’assumer leurs devoirsenvers leur société et de prendre soin deleur environnement (Royal Ministry...,p. 39-40.)

2.3 Domaines et résultats : outils dedécentralisation et d’émanci-pation

La récente démarche de renouvellement du curri-culum conduite dans l’État de l’Oregon, aux États-Unis, met en valeur une autre façon de présenterles domaines de référence, en les couplant avecdes seuils de résultats attendus, à divers niveaux deprogression dans le temps.

De la maternelle à la fin des études secon-daires, le curriculum commun à tous lesélèves est construit autour de neuf matières(*Subjects+) et de neuf habiletés communesd’apprentissage (*Essential Learning Skills+).Les matières retenues sont l’anglais, lesmathématiques, les sciences, les sciencessociales, les arts, les langues secondes,

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20 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

l’éducation à la santé, l’éducation physiqueet la technologie. Quant aux qualités quel’on qualifie d’*essentielles+ et auxquelleson donne une valeur commune semblable àcelle des matières elles-mêmes, ce sontl’habileté à lire, à rédiger, à résoudre unproblème, à communiquer (notamment parécrit), à apprendre, à penser, à repérer del’information, à utiliser la technologie et àtravailler de manière efficace, individuel-lement ou à l’intérieur d’un groupe .10

Sans entrer de façon fouillée dans l’articulation deces grands domaines avec les habiletés communes,sur laquelle l’étude citée fournit un éclairagenuancé, il y a lieu de prêter attention à des seuilsrepères touchant les résultats attendus :

Ce curriculum prend forme à partir de troiséléments : des objectifs généraux d’appren-tissage (*Common Curriculum Goals+), descontenus communs d’apprentissage(*Content Standards+) et des apprentissa-ges-repères (*Benchmarks+) dont la maîtriseest présumée acquise à la fin des 3 , 5 , 8 ,e e e

10 et 12 années (op. cit.).e e

Cette façon de structurer l’ensemble du curriculumclarifie les résultats attendus d’une façon qui favo-rise une latitude évidente quant à l’agencement desmoyens au niveau local.

Un autre exemple, plus près de nous, permet desaisir que l’établissement de domaines, associé à ladétermination de résultats attendus, est de plus enplus utilisé à la fois pour favoriser le renouvelle-ment pédagogique et pour laisser l’autorité localeet l’équipe enseignante, avec leurs partenaires dumilieu, prendre tout l’espace d’initiative souhaita-ble. Il s’agit d’un programme scolaire intégré,proposé en Ontario depuis 1995, qui va de lapremière à la neuvième année d’études.

Au cœur du programme, il se trouve d’une partquatre grands domaines de référence, très prochesdes quatre premiers domaines de L’École, tout unprogramme : 1° les arts; 2° la formation person-nelle et les études sociales : l’individu et la société;

3° la langue; 4° les mathématiques, les sciences etla technologie .11

Ce programme propose d’autre part dix capacitésque l’ensemble de ces années d’études doit per-mettre d’exercer et développer :

• communiquer de façon efficace;• résoudre des problèmes et prendre des déci-

sions éclairées en faisant preuve d’espritcritique et de créativité;

• utiliser la technologie de manière efficace;• manifester sa perception du monde comme

étant un réseau de systèmes connexes;• appliquer les compétences nécessaires pour

vivre et travailler en harmonie avec les autres;• participer à la vie communautaire à l’échelle

locale, nationale et internationale en tant quecitoyennes et citoyens responsables;

• explorer diverses possibilités en matièred’éducation et de carrière;

• faire preuve de jugement esthétique dans la viequotidienne;

• faire des choix judicieux concernant son modede vie;

• utiliser ses compétences d’apprentissage pourmieux apprendre.

On propose enfin un niveau de résultats attenduspour chacun des quatre grands domaines à la finde la 3 , de la 6 et de la 9 année.e e e

Le plus éclairant, pour saisir l’esprit qui guidecette démarche, tout à fait dans la ligne des *profilsde sortie+ que l’équipe présidée par M. ClaudeCorbo avait commencé à élaborer à la demande duministre Chagnon en 1994 (Préparer les jeunes auXXI siècle), est sans doute le contraste esquissée

dans ce programme entre une approche centrée surles résultats et une approche plus classique :

10. Réginald Grégoire inc., La Nouvelle Piste de l’Oregon, et de la Formation, The Ontario Curriculum, GradesRecherche documentaire, à paraître. 1-8 : Language, Toronto, 1997.

11. Ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario,Le Programme d’études commun : politiques et résul-tats d’apprentissage de la 1 à la 9 année, p. 41-101. Ilre e

faut noter cependant, qu’avec le retour au pouvoir duParti conservateur, on a diffusé un nouveau programmed’anglais de la 1 à la 8 année qui comporte des seuilsère e

de progression établis année par année; on a fait demême en mathématique. Voir ministère de l’Éducation

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Domaines de référence : des assises à approfondir et à consolider 21

Dans le contexte de l’apprentissage axé sur les résultats, le programme scolaire sedéfinit comme un ensemble d’expériences variées par lesquelles les élèves attei-gnent une série de résultats clairement définis. Cependant, l’atteinte de ces résul-tats ne passe pas par une suite d’activités d’apprentissage imposées dans une disci-pline particulière ou durant une année d’études donnée. Au contraire, les élèvessont amenés à atteindre les résultats visés en vivant des expériences variées quiportent sur des notions tirées des divers champs d’études et qui s’échelonnent surplusieurs années d’études. Bref, l’apprentissage axé sur les résultats fait appel àune programmation intégrée, les deux étant indissociables. [...]

Programme axé sur les objectifs Programme axé sur les résultats• cible sur ce que le personnel ensei- • énonce clairement ce que les élèves

gnant a l’intention d’enseigner; doivent savoir et pouvoir faire;

• met l’accent sur l’atteinte des • met l’accent sur l’application deobjectifs prescrits dans le pro- l’apprentissage dans diversgramme d’études; domaines;

• détermine le contenu et les objec- • permet l’application de l’approchetifs de façon compartimentée; intégrée de l’apprentissage;

• met l’accent sur le temps consacré • requiert un horaire souple;à l’étude de diverses matières;

• implique l’estimation de ce que • permet à l’élève d’acquérir dansl’élève peut apprendre durant une une période flexible les connais-période donnée; sances, les compétences et les

valeurs propres à un champd’études particulier;

• permet de vérifier l’atteinte des • permet d’évaluer avec précision leobjectifs par l’élève. rendement de l’élève. (op. cit.,

p. 25-26).

2.4 Pousser plus loin l’articulationdes domaines

En réappliquant à L’École, tout un programmel’éclairage de ce rapide tour d’horizon, que pour-rait-on conclure et proposer? Un certain nombre deconstats et d’hypothèses fortes se dégagent, quipeuvent servir à étoffer et à guider la suite d’unedémarche de renouvellement du curriculum duprimaire et du secondaire.

En premier lieu, le fait même de proposer desgrands domaines de référence pour l’ensemble ducurriculum avant de structurer les composantestrès diverses de cours et de matières d’études estun atout, un pas en avant. L’École, tout un pro-gramme, en établissant ce pont entre les missionsde l’école et la place des disciplines particulières,

resitue la problématique ministérielle du curricu-lum québécois dans la ligne des problématiquescontemporaines majeures.

En second lieu, le Conseil constate et souligne quedes domaines de référence moins scolaires oustrictement liés aux disciplines et proportionnelle-ment plus ancrés dans une lecture sociale desdimensions irréductibles de la culture serventmieux les impératifs permanents d’actualisation etde pertinence du curriculum. Ils se prêtent mieux,aussi, à rendre perceptible aux élèves le rapportentre l’étude et leur vie, car les domaines sont deschamps d’expérience et de connaissance quidonnent prise sur un monde complexe. Touteamélioration du référentiel de base d’un curricu-lum officiel rajeuni et repensé devrait prendre trèsau sérieux cette voie.

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22 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

En troisième lieu, un tableau de domaines de d’articulation d’un curriculum selon les résultatsréférence sert en particulier à se donner collective- démontrables plutôt que selon la gestion détailléement une façon de s’assurer de la qualité du curri- du temps alloué, des intentions et des objectifs deculum. C’est une étape préalable à l’établissement départ de chacun des programmes, s’appliqued’attentes élevées pour les élèves. Par exemple, si particulièrement là où les équipes enseignantes etun curriculum ne pousse pas, ou ne pousse pas les établissements sont capables d’organiser lesuffisamment, à l’appropriation d’un sens de la temps, les ressources didactiques et les pratiquescitoyenneté ou encore s’il ne lutte à peu près pas pédagogiques avec une latitude substantielle.contre l’analphabétisme technologique, on setrouve devant un problème de qualité du curricu- Cela dit, comment tirer parti au mieux de ce quilum, et non pas de rendement des élèves. Dans est déjà acquis dans L’École, tout un programmel’ensemble des cas examinés ci-dessus, les domai- pour une suite optimale du processus de renouvel-nes de référence choisis mettent fortement en lement du curriculum?garde contre une mentalité de *retour à la base+(back to the basics) et, à cet égard, L’École, tout Le Conseil supérieur de l’éducation est persuadéun programme n’est pas à l’abri de toute ambi-guïté. Dans un curriculum pauvre et restrictif,obsédé avant tout d’habiletés permettant de gagnersa vie, il y a beaucoup moins de problèmes d’équi-libre et de cohérence que dans un curriculum largeet riche. C’est pourquoi, dans la visée d’un curri-culum large et riche, non étriqué, les domaines deréférence servent déjà à faire comprendre les con-vergences et la cohérence de l’ensemble.

En quatrième lieu, comme il a été mentionné à lasection 2.1 plus haut, à la différence du sixièmedomaine, celui des compétences transversales dansL’École, tout un programme, on ne pose pratique-ment jamais les habiletés comme un domaineparmi d’autres. Il paraît beaucoup plus éloquent etpratique de poser les habiletés, certaines plus liéesque d’autres à des thématiques particulières, enintersection par rapport à l’ensemble des domainesretenus.

Enfin, la logique qui fait poser comme double etinséparable assise à un curriculum des domainesde référence, d’une part, et un tableau très articuléd’habiletés, d’autre part, habiletés en bonne partietransdisciplinaires (*connaissances procédurales+,*habiletés méthodologiques+, *habiletés ou compé-tences intellectuelles génériques+, *compétencessociales+), invite à une troisième référence fonda-trice, sans l’imposer : la formulation des résul- humaines. On peut dire la même chose dutats attendus au terme d’étapes données duparcours d’apprentissage. Cette perspective

que le système de domaines constituant le curri-culum mériterait d’être retravaillé, approfondiet consolidé. Dans son état actuel, l’énoncé depolitique n’annonce pas très bien le sens des chan-gements majeurs que l’on propose plus loin auxgrilles-matières. Il laisse encore planer une ambi-guïté entre une lecture réductrice et appauvris-sante, et une lecture actualisatrice et enrichissantedu sens général du renouvellement du curriculum.

Si l’on se donne la peine de réexaminer ces ques-tions, un tableau de domaines de référence sansdoute moins étroitement réduit à des catégories dedisciplines aurait une place tout à fait bienvenuedans le *programme des programmes+ qu’onannonce ou même dans un préambule aux règle-ments concernant le régime pédagogique, ouencore dans le commentaire de ces derniers.

Quelques points méritent une attention particulièredans cette éventuelle démarche de consolidation etd’approfondissement. Sans vouloir les trancher, leConseil les formule comme questions non dépour-vues d’enjeux ultérieurs :

1° le détachement d’un domaine séparé de déve-loppement personnel pose problème. D’unepart, le domaine éthique mérite droit de cité,car il n’est pas réductible aux seules sciences

domaine religieux ou spirituel, irréductible àcelui de l’éducation éthique, dans la mesure où

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Domaines de référence : des assises à approfondir et à consolider 23

une société lui donne délibérément et démo- intéressants. Si l’on opte pour le premier cas,cratiquement une place dans l’éducation on laisse ouverte la possibilité de convergen-scolaire. De même l’ancrage de l’éducation ces interdisciplinaires, on les appelle, même :physique dans un tableau de domaines très il y a toute une beauté à découvrir en se fami-bien articulé soulève certaines difficultés. À liarisant avec les cristaux et les minéraux, aveccet égard, la piste proposée par Ernest Boyer les plantes, avec les oiseaux, sans parler desdans l’un de ses huit domaines de référence, coquillages de mer. De la même façon, il y aconstitue un exemple intéressant, lorsqu’il un incontournable arrière-plan poétique etpose la découverte de la vie et du vivant esthétique dans les œuvres que l’on découvrecomme domaine fondamental, indépendam- en apprenant sa propre langue. D. Lawton,ment des institutions sociales, même s’il est pour sa part, détecte une contribution possibleéclairé à la fois par la biologie et l’éthique de l’éducation physique à l’expérience esthéti-(caractère sacré de la vie). que. Si par contre, dans la ligne du second

2° Il y a des raisons évidentes de solidariser en un esthétique), les quatre domaines de référencemême domaine sciences de la nature, mathé- strictement disciplinaires de L’école, tout unmatiques et technologie, mais il y a aussi des programme servent trop directement à légiti-contre-indications et de graves inconvénients. mer la place réduite, maintenue ou agrandie deD’abord, dans la vie, l’intelligence du quanti- disciplines particulières dans le régime péda-tatif s’applique au moins autant aux questions gogique, on se prive de la mise en valeur dessociales et économiques qu’au champ des convergences potentielles entre disciplines.sciences de la nature. De plus, le type d’intelli-gibilité symbolique et logique des mathémati- 4° Dans le champ de l’éducation sociale par rap-ques rejoint très peu les compétences d’obser- port au domaine des sciences humaines, onvation et de montages expérimentaux des peut pareillement se demander si l’on ne brûlesciences. Enfin et surtout, le monde du *faire+, pas les étapes en adoptant d’entrée de jeu undu *produire+, du *fabriquer+ demeure cultu- système de référence strictement lié aux disci-rellement hétérogène par rapport à celui du plines. Y a-t-il une distinction opportune àsavoir scientifique comme tel. Quelle est l’arti- faire entre l’éveil au temps et à l’espace, d’uneculation des domaines qui conduirait à consi- part, et une initiation aux institutions socialesdérer de plus en plus la technologie et le comme telles (juridiques, économiques, politi-savoir-faire comme une dimension de plein ques), où se situerait plus précisément l’éduca-droit de l’initiation culturelle aux champs du tion à la citoyenneté? La composante de for-savoir dont s’occupe l’école? Cela mérite cer- mation sociale des programmes de formationtainement réflexion. personnelle et sociale que nous avions jusqu’à

3° Vaut-il mieux poser le domaine de l’expé- grer? S’il faut l’intégrer, quel domaine de réfé-rience esthétique comme dimension anthropo- rence lui sert d’assise? Il y a, dans L’École,logique constitutive (sens et sentiment du tout un programme, une forte valorisation debeau, expression et création, reconnaissance et compétences transversales d’ordre social, paradmiration...), puis, dans un second temps lesquelles on rattrape des thématiques de coursseulement, poser une relation privilégiée entre promis à disparaître, par exemple la thémati-disciplines artistiques et champ esthétique, ou que de l’environnement. Mais c’est un modebien, comme dans L’École, tout un programme, de rattrapage qui mériterait d’être repensé.poser d’entrée de jeu les arts comme domaine? L’une des façons de le repenser pourrait passerIl n’y a sans doute pas là un enjeu majeur, par une articulation de domaines de référencemais c’est un choix qui éclaire d’autres aspects moins immédiatement liés aux disciplines.

choix (domaine des arts plutôt que domaine

maintenant est-elle éliminée ou faut-il l’inté-

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24 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

2.5 Les assises du curriculum dupoint de vue de la classe

Le Conseil avait eu l’occasion de souligner, en1994, que la perspective actuelle la plus courantede développement du curriculum privilégiaitd’abord le *curriculum effectif+, celui de la classeet de l’école, qui n’est jamais le *curriculum offi-ciel+ réalisé à l’identique partout, mais bien un*curriculum interprété+. Quels que soient lesapprofondissements et les améliorations possibleset souhaitables en ce qui a trait notamment auxdomaines du curriculum officiel, le Conseil désireattirer l’attention des enseignantes et enseignantset des équipes de conseillers et conseillères péda-gogiques sur des acquis qui demeurent.

Le fait même de poser d’entrée de jeu, commeassises du curriculum, d’une part des domainesd’apprentissage, d’autre part des habiletés et descompétences qui se développent dans et par cesdomaines, a beaucoup de potentiel de renouvelle-ment d’un intérêt immédiat et puissant du point devue du *curriculum effectif+ et de l’école. En effet,c’est d’abord une approche qui assoit et légitimeles disciplines, tout en leur donnant une com-plémentarité évidente. Le temps où les grilles-matières découlaient d’un arbitrage entre groupesde pression par discipline est passé; de même etsurtout, le temps où la dimension éducative desdisciplines était si peu perçue que l’on parsemait, àcôté de grands enseignements *instructifs+, diverspetits cours *éducatifs+, ce temps est révolu. C’està travers l’ensemble des enseignements que trou-vent leur chemin l’éducation dite personnelle,l’éducation sociale, tout comme l’éducation intel-lectuelle et la formation de l’esprit.

La clarification des assises du curriculum met envaleur la diversité, la richesse potentielle et laconvergence de la contribution des diverses disci-plines. Elle aide les équipes-écoles à se donner desexigences quant au curriculum qu’elles offrent. Onpeut en effet, sur cet arrière-plan, se poser locale-ment la question de l’accessibilité de l’éducation

considérée du point de vue du curriculum, dans unesprit d’évaluation institutionnelle. On peut ainsise demander : notre agencement de cours, matiè-res, activités, ressources didactiques et évaluationsdonne-t-il à la jeune génération la meilleure chanced’entrer en contact avec les grands domainesd’expérience et de connaissance hors desquels saprise sur notre monde contemporain reste boi-teuse? Et les aspects évolutifs les plus requis, dansune perspective d’actualisation et de pertinence ducurriculum, sont-ils bien assumés?

En somme, la position, dans le curriculum officiel,de grands domaines en jonction étroite avec descompétences constitue une perspective de dévelop-pement du curriculum qui permet, à terme, unerelation plus saine entre curriculum officiel etcurriculum effectif, une relation qui ne se limiteplus à une application quasi technique de consi-gnes. En effet, plus les domaines constitutifs et lestypes de compétences visées sont clairs, plus lesrésultats escomptés, donc, sont explicités, plusl’équipe-école devient maîtresse de la structurationdu temps, des approches didactiques, de l’orches-tration même des grandes convergences interdisci-plinaires. C’est dans cet esprit que le Conseilaborde maintenant trois aspects du curriculum quiont une grande importance sous l’éclairage deL’École, tout un programme :

a) le souci des compétences, particulièrement descompétences transversales;

b) l’interdisciplinarité et l’intégration desapprentissages;

c) les approches pédagogiques qu’appelle uncurriculum rénové.

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CHAPITRE TROIS

Le souci des compétences

L’école devra aussi poursuivre l’acquisition decompétences et, dans certains cas, d’attitudes quine relèvent pas du domaine exclusif de l’ensei-gnement des disciplines et qui doivent donc êtreprésentes dans l’ensemble des activités éducati-ves organisées par l’école : ce sont les compéten-ces transversales. Elles peuvent être définiesselon les quatre catégories suivantes :

les compétences intellectuelles [...]les compétences méthodologiques [...]les compétences liées aux attitudes et auxcomportements [...]les compétences linguistiques.

(L’École, tout un programme, p. 18-19.)

*L’École, tout un programme accorde à bon droitune grande importance aux compétences transver-sales. Mais, là encore, le genre de texte dense etimpératif qui convient à un énoncé de politiquen’est pas nécessairement le plus adéquat pour met-tre en valeur les ponts concrets entre la pratiqueactuelle et les avenues de développement quis’offrent. Si l’énoncé de politique laisse deviner ceque cette valorisation des compétences transver-sales impliquera dans le texte des programmesofficiels, on ne saurait dire pour autant qu’iléclaire et inspire un curriculum effectif de la classeet de l’école. Le Conseil désire donc s’attarder àexpliciter l’horizon potentiel extrêmement intéres-sant de revalorisation du curriculum effectif qui sedévoile dans la perspective des compétences trans-versales . Il désire aussi contribuer à atténuer les1

réticences que fait naître toute nouveauté, surtoutcelle qui présente les compétences transversalescomme le *slogan de l’heure+ ou la *trouvaille dusiècle+. Il attirera enfin l’attention sur quelquespratiques susceptibles de donner ses chances optima-les à la promotion des compétences transversales.

3.1 L’appel d’une conjoncture

C’est l’évolution sociale et l’importance croissanted’apprendre et de savoir apprendre qui appellentun renouvellement en profondeur du curriculum,des améliorations qui aillent jusqu’à la restructura-tion, bien au-delà des retouches superficielles. Undocument canadien récent, portant sur l’enseigne-ment au secondaire, décrit bien l’arrière-plan quiconstitue la principale incitation à valoriser lescompétences transversales :

*Pourquoi restructurer les écoles?

Les défis

Les écoles secondaires font face à plusieursdéfis importants :• la diversité croissante des élèves du

point de vue du milieu d’origine, deshabiletés, des intérêts et des attentes : lamême pointure ne convient pas à tous;

• le monde du travail en évolution, quimet l’accent sur les habiletés sociales,intellectuelles et les habiletés de com-munication, sur l’apprentissage tout aulong de la vie, sur l’initiative et la sou-plesse : les distinctions entre formationgénérale et formation professionnelle sebrouillent et il se trouve toutes sortes detransitions et de voies entre l’école et letravail, entre travailler et apprendre;

• l’effet des technologies de l’informationet des communications, qui élargissentl’accès aux services et aux ressourcesd’apprentissage : les ordinateurs, Inter-net et le multimédia remettent en ques-tion les notions établies de l’apprentis-sage, du temps, de l’horaire, du lieu, dela fréquentation scolaire et de l’inter-relation entre enseignement et appren-tissage.

Des réponses

Les écoles et les systèmes scolaires pren-nent des initiatives pour relever ces défis :• en dégageant des résultats transcurricu-

laires, des apprentissages, des habiletés,des valeurs et des concepts clés;

• en insistant sur des connaissancesessentielles et des habiletés génériquescomme apprendre à apprendre;

• en explicitant les relations entre domai-nes d’apprentissage et en dégageant denouveaux domaines;

1. Ce qualificatif de *transversal+, rappelons-le, correspondau qualificatif courant de *transdisciplinaire+. À des finsde clarté, on réservera ici le qualificatif *interdiscipli-naire+ aux thématiques qui concernent plus d’une disci-pline ou aux thématiques qu’on allie délibérément entredisciplines.

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26 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

• en montrant la pertinence de ce qu’on développement communautaire, des loisirs,apprend; de la communication et de la recherche.

• en instaurant des activités et program-mes visant l’amélioration des qualités Les établissements d’enseignement appren-d’employabilité des jeunes S habiletés nent aussi à changer, et changent pour aiderintellectuelles, travail d’équipe, capa- à apprendre de façon plus effective.+cité d’organisation personnelle; (Henchey, 1997, p. 9-10.)

• en reliant l’apprentissage scolaire avecla collectivité locale;

• en utilisant la technologie de façoncréative pour appuyer l’apprentissageen classe et le compléter avec l’appren-tissage indépendant et l’apprentissagecoopératif;

• en élaborant des moyens originauxd’évaluer la performance qui s’ajoutentaux *tests+ traditionnels;

• en déplaçant vers l’école S et versl’apprenant individuel S davantaged’activités et de décisions relatives aucurriculum;

• en évoluant vers une politique de for-mation continue selon laquelle la scola-risation des jeunes constitue une pre-mière phase importante.

Les conséquences

Ces défis et ces tendances ont des consé-quences importantes pour le personnelenseignant et la direction des écoles secon-daires :• les écoles sont en compétition entre

elles et avec d’autres ressourcesd’apprentissage;

• les écoles sont pressées de démontrer laqualité, l’efficacité et l’originalité deleurs programmes et de leurs services;

• les écoles doivent établir et entretenirdes liens étroits et diversifiés avec leurcollectivité locale;

• les écoles doivent développer les habi-letés jumelles de l’apprentissage coopé-ratif et de l’apprentissage indépendantchez leurs élèves, pour les préparer àdes apprentissages ultérieurs et à unmonde du travail en évolution;

• les écoles doivent être prêtes à repenser va vers des programmes de type encyclopédique,certaines des présuppositions concer-nant les tâches des enseignants, leshoraires, l’organisation de la classe,l’enseignement, le curriculum, lescours, l’engagement des élèves, l’éva-luation, la technologie, l’allocation desressources et les méthodes de contrôle.

Plusieurs de nos institutions subissent destransformations et certaines sont actuelle-ment en train de se réinventer. C’est ce quise produit dans les domaines des soins desanté, des services sociaux, de la finance, du

La mise en valeur des compétences transversalesprend tout son sens dans cette configuration desbesoins en éducation. Du même coup, il devientévident qu’elle exige, pour se concrétiser, une pro-fonde prise en charge locale. En effet, elle s’allienaturellement à une capacité institutionnelle destructurer autrement le curriculum, de ne plus s’entenir à la reproduction d’un modèle d’organisationuniforme de simple distribution de cours. L’École,tout un programme ouvre la porte dans cette direc-tion. Examinons de plus près la portée de compé-tences transversales qui se greffent aux disciplinesou aux grands domaines thématiques sous-jacentsau curriculum.

3.2 Une jonction dégagéeprogressivement

Le sixième domaine de l’énoncé de politiqueL’école, tout un programme, celui des compéten-ces transversales, n’est pas en rapport de symétrieavec les cinq précédents, du fait précisément deson attention à la transversalité : il implique unejonction étroite avec chacun des autres domainesthématiques plus ou moins immédiatement centréssur une discipline. Et c’est précisément cette jonc-tion, cette inséparabilité même, qui favorise l’équi-libre du curriculum et fait éviter une polarisationmalsaine entre deux dérives possibles. La première

où il s’agit de montrer le plus de choses possible.La seconde privilégie tellement les savoir-faire queles connaissances comme telles glissent vers unstatut d’occasion d’exercer des habiletés, un statutde *contenus-prétextes+. C’est en tenant très fer-mement à la fois à la légitimité de chacun desdomaines thématiques et à l’importance des com-pétences, y compris les transversales, ainsi qu’àleur jonction adéquate et bien conçue, qu’onéchappe au risque d’oscillation entre ces deux

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Le souci des compétences 27

pôles opposés. Si l’on utilisait l’appellation poussé à examiner très soigneusement les condi-*domaines d’expérience et de connaissance+ pour tions de mobilisation des connaissances. Cettedes champs relativement distincts et spécifiques, mobilisation joue déjà dans des situations élémen-on pourrait poser les compétences transversales taires telles que l’application dans l’écriture desnon pas comme un domaine de plus, mais comme principes de grammaire que l’on a appris parun carrefour, une intersection, une jonction que ailleurs.chaque domaine particulier rencontre.

Il y a deux grands dangers d’appauvrissement de aussi la distinction entre connaissances déclara-cette perspective des compétences transversales : tives (savoir ce qui en est de la guerre civile améri-celui de la faire passer pour une nouveauté absolue caine, par exemple) et connaissances procéduraleset celui de penser qu’il est facile de l’exploiter et (savoir se documenter, savoir argumenter orale-de la mettre en œuvre. Dans le premier cas, il faut ment, par écrit...), en soulignant l’importance tropsouligner avec force que cette perspective est souvent laissée dans l’ombre de ces savoirs métho-l’aboutissement d’une évolution de la pratique dologiques, comme les appelle le rapport Préparerpédagogique bien perceptible au Québec comme les jeunes au XXI siècle.ailleurs. Pour le comprendre, le plus simple con-siste à rappeler quelques phases d’une ligne de Aujourd’hui, le travail sur des compétencesprogression bien connue. conduit plus loin dans cette piste de développe-

En arrière-plan se trouve la hiérarchisation des par *compétence+ la capacité de mobiliser etniveaux dans la taxonomie des objectifs cognitifs : d’appliquer ses savoirs dans des situations com-du plus bas niveau, celui de *savoir que+ (par plexes, on travaillera sur des capacités qui vont au-exemple, savoir que Rome est en Italie, que la delà de transferts de connaissances pris un à un,pluie va de pair avec la basse pression atmosphé- pour mettre en jeu une sorte de faisceau, trèsrique), on passe à celui de comprendre pourquoi fréquemment multidisciplinaire, de connaissancespar éléments détachés (par exemple, comprendre déclaratives et procédurales.que les divers éléments chimiques se combinentplus ou moins aisément à d’autres, d’après leur Cette ligne de pensée converge avec le souci devalence), puis il s’agit de comprendre de façon compétences génériques sur le plan social et d’atti-plus globale, de s’approprier des connaissances en tudes soutenant la mobilisation : le plaisir, plutôtles maîtrisant (jusqu’à les utiliser en les tirant du que la déception, d’avoir à se colleter avec quelque*préréfléchi+, en quelque sorte) et de les intégrer à chose d’un peu trop difficile ne va pas de soi. Lasoi au plus haut degré, avec les réorganisations joie de lire non plus. La confiance en soi et la séré-conceptuelles que cela exige; enfin, le plus haut nité émotive suffisantes pour se sentir à l’aise dansniveau consiste à appliquer ces connaissances. l’activité de la classe sont-elles des apprentissages

Dans un second temps, la problématique du trans-fert des connaissances a suscité beaucoup d’intérêt :on peut, par exemple, transférer des connaissancesacquises en histoire dans un raisonnement politi-que sur le présent, ou encore des connaissancesbiologiques dans le choix et la pratique d’un typed’exercice physique. La volonté de privilégier desconnaissances transférables préfigure déjà les com-pétences transversales. Mais la difficulté de faireen sorte que s’opère véritablement le transfert a

La réflexion pédagogique et didactique a utilisé

e

ment. Si, avec Philippe Perrenoud , on comprend2

transdisciplinaires utiles et importants? Beaucoup

2. Dans Construire des compétences dès l’école. Il seraittrès intéressant de rapprocher le développement descompétences du concept de *zone proximale+ mis del’avant par le psychologue Vygotski, poussant à fairetravailler l’élève dans des tâches légèrement en avancesur son développement cognitif, mais qui demeurent à saportée avec assistance. Voir B. Schneuwly, J.B.Bronckart (dir.), Vygotski aujourd’hui.

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d’enseignants et enseignantes les prennent très au ne risque-t-on pas de généraliser un vocabulairesérieux, en tout cas . nouveau sans que la substance de l’éducation en3

Ainsi, la perspective des compétences transver-sales est bien loin de constituer une nouveautéabsolue. Elle couronne et explicite, systématise enmême temps, ce qui progressait depuis au moinsdeux décennies. Il faut le reconnaître et l’expliquerà tout prix. Ce faisant, on confirme l’importancede pratiques qui doivent être posées comme assisesau curriculum. Ainsi, on reconnaît l’intérêt et onrenforce le potentiel de ce qui préoccupait leséducateurs bien avant que cela n’émerge dans lecurriculum officiel.

3.3 Ni neuf, ni facile

La mise en œuvre d’un exercice constant des com-pétences transversales est un idéal qui oriente déjàle chemin du développement actuel en matière dedidactique et de curriculum. Cet exercice doit allerplus loin que la seule attention aux habiletés géné-riques. C’est pourquoi l’une des façons les plusmenaçantes de *brûler l’idée+ serait de ne pas enreconnaître la difficulté et de négliger d’y travaillerpatiemment avec les enseignants et les enseignan-tes des disciplines les plus diverses.

Ce bref rappel d’une progression ambitieuse, enmatière de visées de l’éducation scolaire, amène leConseil supérieur de l’éducation à attirer l’atten-tion de la ministre de l’Éducation sur une ambi-guïté possible touchant le souhait exprimé d’undocument inspirateur sur ce terrain et qui seraitpour ainsi dire un *Programme des program-mes++. Cette suggestion, avalisée dans L’École, toutun programme, risque d’osciller entre une consi-gne a priori et une volonté, si bien intentionnéesoit-elle, d’instrumentation stimulante et pratiquepour les enseignants et enseignantes. Si la pressiond’échéances serrées pousse vers la première vision,

profite? Dans ce contexte, le Conseil supérieur del’éducation recommande que le **Programme desprogrammes++ ait un statut exploratoire, qu’ilsoit un point de départ de travaux multiformesde développement du curriculum plutôt qu’uneconsigne définie une fois pour toutes, renvoyanttout le fardeau de la mise en œuvre à la débrouil-lardise des milieux scolaires. Ici comme ailleurs,l’absence d’écho gouvernemental à l’hypothèse dugroupe de travail sur le curriculum de constituerun lieu privilégié de recherche et de développe-ment en matière de curriculum laisse songeur. Lesressources requises trouveront-elles leur principalport d’attache dans des équipes de conseil pédago-gique constituées en réseau? Ou bien au ministèrede l’Éducation lui-même? Ou bien en mêmetemps, du côté de la Commission des programmesd’études récemment créée ? Quelle que soit la4

façon d’y pourvoir, la nécessité d’une certaine*masse critique+ de ressources appropriéesn’échappera à personne.

3. Dans les classes du primaire, en particulier, les ensei- ments généraux qui serviront de guides pour l’établisse-gnants et enseignantes soulignent qu’il serait fort discu- ment des programmes d’études; b) le calendrier d’élabo-table de penser la classe maternelle comme *toute socia- ration, d’implantation et de révision des programmeslisation+ et la classe primaire *tout instruction+. L’éduca- d’études; c) l’approbation des programmes d’études;tion sociale constitue parfois presque un levier, sinon un d) l’adaptation continue des programmes d’études+préalable, en vue de l’éducation intellectuelle. (Bulletin Info-Réforme, 16 avril 1998).

4. Cette commission, composée de onze membres nomméspar la ministre de l’Éducation, a pour mandat *de con-seiller la ministre sur toute question relative aux pro-grammes d’études qu’elle établit. Elle doit faire desrecommandations sur : a) les orientations et les encadre-

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CHAPITRE QUATRE

Convergences et cohérenceentre matières d’étude

Un dernier aspect du curriculum peut être consi- une meilleure lancée . Trois observations de départdéré comme relevant de ses assises et situé en aident à cerner la question et rappellent le bénéficeamont des programmes d’études particuliers, à de l’expérience acquise au cours des vingt der-savoir tout ce qui renvoie à l’interdisciplinarité et à nières années : affinités naturelles fortes entre cer-une intégration partielle des matières. C’est l’un taines thématiques, rapport naturel entre savoirsdes aspects qui a paru le plus déficient au sortir de instrumentaux et nouvelles connaissances, ambiva-la grande opération de révision de l’ensemble des lence, enfin, quant à l’opportunité d’expliciter desprogrammes effectuée de 1978 à 1981. En vertu de éléments de la pratique d’enseignement.L’École, tout un programme, la perspective est-elle plus prometteuse? Voilà la question que leConseil aborde ici. Il entend examiner ce thème enaccordant une attention prépondérante à l’écoleprimaire, tout en présentant plus loin quelquesperspectives propres aux études secondaires. Laquestion majeure et cruciale est la suivante : sil’interdisciplinarité est souhaitable de mêmequ’une certaine intégration entre diverses matières,de quelle façon les programmes d’études soutien-dront-ils cette possibilité? Faut-il que, à la diffé-rence des programmes actuels, ce soient des pro-grammes éminemment intégrables?

4.1 Le contact entre matièresd’étude du primaire poids constant. Qu’est-ce qui joue, dans cette

Les programmes officiels actuellement en vigueur,conçus au début des années quatre-vingt, prennentpeu en considération le contact et les affinités entrematières. C’est pourquoi, entre 1982 et 1985,divers documents de la Direction des programmesdu ministère de l’Éducation ont mis de l’avant soitl’interdisciplinarité, soit l’intégration des matières,mais a posteriori, en partant des objectifs analyti-ques tels qu’établis dans chacun des programmes.Or, des projets d’envergure ont été réalisés sur ceterrain. Il s’est publié du matériel pédagogiquelargement utilisé . Tout cela permet aujourd’hui, si1

l’on tire profit de l’expérience acquise, d’aborderune nouvelle ère de révision des programmes sur

2

4.1.1 Affinités naturelles et zonesd’interdisciplinarité

La première remarque porte sur les affinités natu-relles, qui ne manquent pas. Nous sommes ici surle terrain d’une interdisciplinarité partielle.Ainsi il y a, entre une partie des apprentissages dessciences de la nature et les outils de l’intelligencedu quantitatif, un recoupement majeur. On peutpar exemple faire saisir à des enfants le conceptd’hydrodynamisme en faisant flotter des bouts debois de diverses formes S rectangulaires, pointus àun bout, pointus aux deux bouts, arrondis Squel’on fait tirer à l’aide d’un fil de nylon chargé d’un

expérience? Essentiellement la mesure : les varia-tions de poids, de distance, de temps... Dans lemême ordre d’idée, l’aérodynamisme peut se testeravec un éventail maison ou même avec une pailledans laquelle on souffle. En fait, le recouvrementbidisciplinaire est tellement incontournable dansces cas qu’on n’y pense pas, et ce n’est pas néces-saire de l’expliciter. Cependant, on peut vouloirrenforcer l’apprentissage mathématique par dessituations concrètes d’observation, de construction,d’expérimentation, qui relèvent des sciences de lanature, y compris de la zoologie ou de la botani-que . Si l’interdisciplinarité partielle entre les3

1. Du côté des écoles primaires de langue française, trois Grande-Bretagne : on sème dans un carré une poignée deensembles de matériel didactique ont fréquemment servi graines de plantes sauvages, puis l’on mesure soigneuse-à intégrer ce que les programmes eux-mêmes avaient ment lesquelles prennent le dessus, lesquelles se fontdéveloppé de façon cloisonnée : le matériel MÉMO, étouffer, de saison en saison. Ce faisant, avec un décomptecelui de La Passerelle et celui diffusé sous le nom des très minutieux, on refait aujourd’hui des observations quiMaskalutes. ont beaucoup inspiré le grand naturaliste Darwin.

2. Voir Roger Delisle et Pierre Bégin (dir.), L’Interdisci-plinarité au primaire : une voie d’avenir? Cet ensemblede communications d’un colloque de l’Association descadres scolaires demeure tout à fait d’actualité.

3. Un exemple pratiqué couramment dans des écoles de

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mathématiques et les sciences de la nature relève culture passe non seulement par les programmesd’affinités naturelles et évidentes, parier sur celles- d’art, mais aussi par l’apprentissage de la langue etci demande cependant du temps et de l’ingéniosité. par la familiarisation avec la nature que permet leÀ cet égard, il n’est pas nécessaire que chaque programme de sciences de la nature.enseignant ou enseignante réinvente le tout isolé-ment. Toutes choses égales d’ailleurs, un pro- Au-delà des affinités naturelles, il peut y avoir desgramme officiel qui se prête mieux qu’un autre à convergences et des alliances construites, sans queces recoupements est sans aucun doute un meilleur l’esprit d’une matière en souffre au profit d’uneprogramme. autre. Ainsi, limiter l’apprentissage des sciences de

Les affinités naturelles sont vastes et ne sont pas il comporte un exercice de l’observation et unetoutes aussi évidentes. Par exemple, la géographie certaine dose de manipulation. Ces alliancesamène à travailler avec des formes, des mesures, construites prennent souvent la forme d’un projet,des proportions. Or, l’enfant qui trace des formes à d’un travail thématique étendu sur une certainel’échelle travaille également de façon mathéma- durée : un module de sciences naturelles, partique. Par ailleurs, l’histoire et la géographie ont exemple, qu’on harmonise soigneusement avec lesbeaucoup d’affinités avec l’apprentissage de la apprentissages en langue ou en mathématiques.langue et il est possible de systématiser ces recou-pements. Après tout, le nom même de l’algèbrevient de l’arabe...

L’apprentissage de la langue a aussi des affinitésconsidérables avec le domaine des arts. En soi, il ades composantes poétiques . Il rejoint naturelle-4

ment la dimension visuelle et la gestuelle par lethéâtre. De plus, il s’insère en toute facilité dansles activités liées à la chanson, au rythme de lamusique . On pourrait soutenir sans abuser des5

mots que l’ouverture à l’aspect esthétique de notre

la nature à la lecture de textes ne suffirait pas, car

4.1.2 L’interdisciplinarité très poussée

Il existe un rapport naturel entre savoirs instrumen-taux et nouvelles connaissances. Autrement dit, onpeut faire en sorte que les savoirs de base d’ordrelinguistique, de même que ceux d’ordre mathéma-tique, s’exercent en bonne partie ou quasi entière-ment dans et à travers des thématiques diverses.

Une première approche à ce sujet a consisté àretravailler le curriculum du primaire à partir de ladistinction entre *matières-outils+ et *matières-contenus+, de façon à associer étroitement la pro-gression en langue maternelle, par exemple, avecdes projets dont la thématique était issue des scien-ces de la nature, des sciences humaines ou de laformation personnelle et sociale. Une variante decette approche a consisté à donner forme auxdiverses disciplines au moyen de projets thémati-ques approfondis et coopératifs .6

On trouve en Belgique francophone un programmeintégré pour l’école maternelle et l’enseignementprimaire qui se situe nettement dans cette perspec-

4. Il faudrait se rappeler le fait que la dimension poétiquede toute chose a sa place dans l’enseignement, comme lesoutiennent L. Cornu, J.-C. Pompougnac et J. Roman :*Comment recueillir dans une culture les connaissancesà transmettre à l’école? La question est celle de la miseen relation d’éléments épars, de “contenus” disjoints.Trois opérations peuvent opérer ces relations : la pre-mière est de l’ordre de la présentation, la seconde del’ordre du récit, la troisième de l’ordre de la problémati-sation. Il est souhaitable et possible de développer àpropos de chaque objet de savoir une poétique, unemémoire et une problématique. Seule la conjugaison deces trois exercices peut à la fois donner l’idée qu’il y aquelque chose à comprendre, en communiquer le goût,indiquer les manières de s’y exercer, et enfin, préparerune démarche critique dans les champs du savoir et de laculture.+ (Le Barbare et l’écolier. La fin des utopiesscolaires, p. 120.)

5. L’expérience montre que le décodage de la notationmusicale renforce considérablement l’aisance à décoder 6. Cette approche, couramment utilisée avec l’accord desdes lettres, des mots et des phrases. En même temps, parents, est très bien décrite dans les publications tou-l’exercice du chant familiarise avec les syllabes et la chant le projet Intégration. Voir Pierre Angers et Coletteparole en général de façon tout à fait convergente avec Bouchard, La Mise en œuvre du projet intégration ainsiles premiers apprentissages scolaires de la langue. que Le Jugement, les valeurs et l’action.

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tive, car il pose, comme aboutissement de la clari- c) la possibilité des perspectives et des pratiquesfication des objectifs d’apprentissage, le déploie- transdisciplinaires ancrées plutôt dans lesment d’activités fonctionnelles, c’est-à-dire d’acti- habiletés ou les *compétences+ de référencevités *signifiantes+ qui reflètent mieux le décloi- que dans les thématiques propres à chaquesonnement des connaissances et des outils dans discipline.des tâches d’une certaine complexité, que les exer-cices traditionnels . L’École, tout un programme ouvre des portes sur7

Il y a beaucoup de potentiel dans l’interdisciplina- renforcent la capacité de relative intégration durité en tant que jonction et renforcement entre curriculum.thématiques. L’expérience des quinze dernièresannées en a toutefois laissé voir la difficulté etcertaines limites. Comme la facture même desprogrammes en place ne la favorisait pas, il estarrivé qu’on utilise le matériel didactique élaborépour l’instrumenter, comme une norme de rempla-cement à appliquer à la lettre, plutôt que commeoutil. D’autre part, forcer au recouvrement totalentre les matières, à une intégration exhaustive,risque de privilégier les zones les plus faciles àmettre en commun et d’infléchir parfois l’espritd’une matière. Le piège le plus évident serait parexemple de verser dans une approche trop livres-que des sciences de la nature.

Le progrès des efforts, dans ce domaine, invite àclarifier la différence entre trois notions qui seconfondent trop aisément :

a) l’idée de l’interdisciplinarité au sens initiald’alliances et de combinaisons thématiquesentre disciplines;

b) la notion des thématiques particulières quisont pour ainsi dire naturellement interdiscipli-naires, ou bien que l’on constitue telles parchoix d’organisation du curriculum ;8

ces notions. Il y a lieu d’examiner comment elles

4.2 Thèmes interdisciplinaires,compétences transdisciplinaires

Comme on l’a vu jusqu’ici, certains contenus par-ticuliers de programmes d’études se prêtent à descombinaisons et à des renforcements d’un pro-gramme à l’autre. De toute évidence, l’usage d’unepratique pédagogique comme la pédagogie de pro-jets, projets d’une certaine envergure et complexitémobilisant les élèves bien autrement que sur les*rails uniformes+ des cahiers d’exercices, est parti-culièrement favorable à ce premier type d’intégra-tion partielle de matières différentes ou d’interdis-ciplinarité.

Avant, toutefois, de dégager en quoi et commentdes programmes officiels bien faits doivent tout aumoins ne pas faire obstacle à une relative globalitédu travail de la classe ou, encore mieux, mettre enévidence le potentiel de l’interdisciplinarité dupropos, il faut considérer deux autres aspects :celui des thèmes interdisciplinaires par nature oupar choix et celui du caractère transversal de com-pétences à développer et d’attitudes à cultiver.

4.2.1 Des thèmes interdisciplinaires parnature ou par choix

Bien des thèmes qui constituent l’éducation pri-maire sont interdisciplinaires par nature : éveil à lasanté, à l’environnement, à la diversité culturelleproche ou lointaine, à la beauté, à la coopérationconduisant à un savoir-vivre-ensemble. Il n’y apas, en effet, une et une seule matière qui corres-pond à ces grandes thématiques. Elles ont toutes

7. Fédération de l’Enseignement fondamental catholique(FEFC), Programme intégré. Plans de référence pourun projet pédagogique d’école fondamentale, Liège,1995, 191 p.

8. L’exemple le plus évident, dans le curriculum en usageau Québec depuis les années quatre-vingt, consiste, pourle primaire, à intégrer les thématiques du programme deformation personnelle et sociale dans l’ensemble desenseignements. Un autre exemple typique, beaucouppratiqué dans les écoles de langue anglaise : apprendresimultanément le français langue seconde et diversesautres disciplines suivant la pratique de l’immersionfrançaise.

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rapport à plusieurs matières. Si le sens de la beauté travail coopératif en petits groupes, car elle yn’émerge pas aussi dans l’étude de la langue, dans trouve une efficacité incontestable pour fairele contact avec la nature physique et biologique, le progresser les élèves en mathématiques. Elle ne seprofesseur d’art sera bien seul. Il en va de même si situe pas délibérément dans un horizon dela santé n’a pas d’autre point d’appui que le pro- transdisciplinarité. Une autre enseignante estgramme d’éducation physique. soucieuse d’une éducation sociale à la coopération;

Au secondaire, c’est un des traits majeurs du pré- d’apprentissage qui permettent d’exercer, donc desent virage touchant le curriculum de renoncer à développer des attitudes ouvertes à l’égard desl’éparpillement de multiples mini-cours gravitant autres. Pour ces raisons, elle fait travailler lesautour de thématiques normalement interdiscipli- élèves en coopération, par petits groupes, dans lesnaires telles que : la formation personnelle (décou- mêmes tâches mathématiques, et l’on peut direverte de soi, comme homme ou femme, comme qu’elle se situe dans une perspectivepersonne capable de telle ou telle qualification transdisciplinaire de façon délibérée. Si doncprofessionnelle); la formation sociale, économique, l’*interdisciplinarité+ concerne d’abord les affinitéspolitique; la prise de conscience des enjeux envi- et les rencontres entre les thématiques des discipli-ronnementaux; le rôle de producteur et de consom- nes, la *transdisciplinarité+ s’entend plus particu-mateur, etc. Comme le rapport Réaffirmer l’école lièrement de réalités sous-jacentes et communesl’a amplement souligné, c’est par un traitement aux diverses disciplines, de l’ordre des habiletés etsérieux de ce type de thématiques que les disci- des attitudes.plines du secondaire assureront en particulier leurrichesse culturelle et leur pertinence . Et la pre- La transdisciplinarité ainsi comprise et vécue n’est9

mière thématique interdisciplinaire qui les con- pas dépourvue d’intérêt, certes. Cependant, ilcerne toutes consiste en l’articulation et en la serait abusif d’en faire une référence incontourna-consolidation des capacités d’information par la ble. Par un côté, elle rejoint la grande question deslecture et des capacités de raisonnement et habiletés génériques que l’école permet d’exercerd’expression par l’écriture et par l’échange oral et de développer. Quand on compare très finementconstamment exercés. l’action de l’enseignant exceptionnel avec ce qui

4.2.2 Une transdisciplinarité ancréedans l’horizon des compétences

Si nous revenons à l’école primaire, nous voyonsl’émergence, depuis au moins une dizained’années, d’une perspective *transdisciplinaire+,qui correspond intégralement à la piste des compé-tences transversales promue dans L’École, tout unprogramme. Le préfixe *trans+ évoque ici, para-doxalement, à la fois un *au-delà+ des disciplineset un *à travers+, une dimension qui traverse lesdisciplines. Prenons un exemple. Une enseignanteutilise à l’occasion, comme méthode didactique, le

elle est particulièrement à l’affût de situations

se passe dans une classe moyenne, on observe eneffet que, dans la classe exceptionnelle, les habile-tés génériques sont davantage mises à contribution.Mais de là à croire qu’il suffit de se donner cetteconsigne avant de franchir la porte pour livrer unenseignement remarquable, il y a une marge consi-dérable! En effet, l’enseignant que la recherchequalifie d’expert ne vise pas toujours délibérémentcette mise en valeur des habiletés à développer. Ille fait d’instinct, spontanément. Cet aspect de sontravail n’est pas *algorithmisé +, et il y a de forts10

arguments, du côté de l’analyse de la profession

9. À la différence du rapport Réaffirmer l’école, on qualifie analytique comme une procédure d’extraction d’unedans le présent avis ces thématiques d’*interdisciplinai- racine carrée. Ainsi, pour programmer un robot qui doitres+ plutôt que de *transdisciplinaires+, pour préserver peindre des voitures, on attache des senseurs électroni-une association plus claire entre perspective de compé- ques à un ouvrier expert, puis ses gestes se reproduisenttences et transdisciplinarité. Il va de soi qu’une autre à partir de commandes électroniques mises en équationsterminologie serait tout aussi acceptable. algébriques et gouvernant les mouvements du robot.

10. On observe que le progrès de la technique consiste enpartie à transposer un artisanat fait de *tours de main+,d’instincts formés par imitation et devenus experts, enpratique *algorithmisée+ c’est-à-dire décrite de façon

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enseignante comme pratique réfléchie (dans la On pense à intégrer aussi l’initiation technologiqueligne de pensée de Schoen), qui amènent à penser à l’éducation scientifique. Le Conseil reviendraqu’il ne doit pas nécessairement devenir délibéré. plus loin sur cette question, à propos des grilles-

4.2.3 Défis particuliers du curriculum dusecondaire

Les études secondaires entretiennent depuistoujours un rapport substantiel et normal avec ladiversité des disciplines et impliquent une familia-risation progressive avec leurs spécificités. De cefait, la problématique de l’interdisciplinarité et del’intégration des matières prend, au secondaire, descouleurs particulières mais n’est pas moins cru-ciale qu’au primaire. Elle joue particulièrement surquatre terrains précis : l’intégration proprementdite de certaines matières, la reprise de thémati-ques interdisciplinaires, la responsabilité partagéeen ce qui a trait aux habiletés linguistiques et,enfin, l’attention aux compétences transdisciplinaires.

En matière d’interdisciplinarité au sens strict,d’abord, apparaissent de multiples besoins de con-certation ou d’intégration. Des cours simultanésd’histoire et de géographie, en 1 et en 2 secon-re e

daire, ne peuvent pas décemment se passer detraits de convergence et d’harmonisation. Si ladirection de l’école décide de les confier à uneenseignante ou un enseignant *bivalent+ dans ceschamps, le programme d’études devrait présenterces enseignements d’une façon hautement inté-grable.

En sciences, on désire à juste titre se diriger versun enseignement intégré, y compris dans les scien-ces de la vie, au premier cycle du secondaire. Celaest exigeant, et le programme doit tracer la voie àune intégration authentique et stimulante pourl’élève, bien au-delà d’une séquence de modulesqui demeureraient aussi hétérogènes que desenseignements propres aux disciplines parallèles .11

matières. Si l’on s’en tient à ce principe, du moinsen deçà du second cycle du secondaire, c’est uneintégration qui nécessitera un soin très particulier.

Le second terrain qui demande une réflexionsérieuse et des actions fermes est celui des théma-tiques interdisciplinaires. Plusieurs d’entre ellesétaient incorporées à des cours qui disparaîtront :santé, environnement, rapport aux institutionssociales, consommation, choix de carrière etdécouverte de son propre potentiel. Il est impos-sible de transposer tout cela par le canal descompétences transversales d’ordre social. Dansla mesure où la santé, l’environnement, la thémati-que sociopolitique, par exemple, comportent dessavoirs, et non seulement des habiletés et des atti-tudes, l’ensemble des disciplines du secondairedoit comporter des ancrages et des *points dechute+ précis pour ces diverses thématiques.

En troisième lieu, l’ensemble des disciplinescomme lieu d’exercice et facteur de progressiondes habiletés linguistiques constitue un horizonrelativement nouveau, et représente, commeL’École, tout un programme le rappelle succincte-ment, un défi incontournable d’appui interdiscipli-naire au secondaire .12

En quatrième lieu, le dégagement des contribu-tions respectives des diverses disciplines à l’appro-fondissement de compétences transversales,méthodologiques, intellectuelles ou sociales estégalement un chantier relativement neuf sur leterrain des programmes officiels, chantier particu-lièrement stimulant dans l’enseignement secon-daire, invitant à une concertation pédagogique

11. Il va de soi que les travaux majeurs conduits par le ce sujet, particulièrement à l’intention des professeursConseil des ministres de l’Éducation du Canada permet- de mathématiques, de sciences de la nature et de scien-tront ici de ne pas *commencer à zéro+ : voir Conseil des ces humaines. Voir M. Baudry et al., La Maîtrise de laministres de l’Éducation (Canada) : Cadre commun de langue au collège, 1997. Le collège français correspondrésultats d’apprentissage en sciences de la nature : au parcours scolaire québécois de la 6 année du pri-maternelle à 12 année. maire à la 3 année du secondaire.e

12. Le Centre national de documentation pédagogique deFrance diffusait récemment un document de travail sur

e

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34 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

substantielle entre groupes d’enseignants etenseignantes .13

4.3 L’interdisciplinarité, latransdisciplinarité et lesprogrammes officiels

Comme il a été exposé au chapitre deux, le bien-fondé de l’interdisciplinarité ressort particulière-ment d’une bonne mise en valeur de grandsdomaines d’expérience et de connaissance servantd’assises à l’ensemble du curriculum, car on yperçoit la multiplicité des contributions potentiel-les des disciplines à chaque domaine.

Quant au bien-fondé de la transdisciplinaritéd’habiletés ou de compétences transversales, ilréside pour l’essentiel dans l’articulation entreconnaissances et habiletés, et dans le fait que deshabiletés d’importance majeure ne sont pas pro-pres à une discipline particulière. Comment mettreen valeur ces idées et convictions dans la facturemême des programmes officiels? Comment fairede ceux-ci un outil et une inspiration pour que lecurriculum effectif des classes et des écoles pro-gresse dans ces directions? L’expérience desquinze dernières années quant à l’usage des pro-grammes officiels confirme sans doute quelquesconvictions inspiratrices. D’abord, une réactions’impose à l’hyperfractionnement analytique desprogrammes, sans quoi l’on risque de réduire lescompétences à une nouvelle appellation. SelonPhilippe Perrenoud, il ne s’agit pas de revenir endeçà d’une programmation par objectifs, mais dedépasser son premier stade trop éclaté :

Parfois, on ne parle de compétences quepour insister sur la nécessité d’exprimer lesobjectifs d’un enseignement en termes de

conduites ou de pratiques observables; onrenoue alors avec la *tradition+ de la péda-gogie de la maîtrise ou des diverses formesde pédagogie par objectifs. Ces approchesne sont nullement dépassées, à conditiond’en maîtriser les excès maintenant connus :behaviorisme sommaire, taxonomies inter-minables, fractionnement objectif par objec-tif, etc. Connaissant ces limites, on nedevrait plus, aujourd’hui, oser enseignersans poursuivre des buts explicites, commu-nicables aux étudiants et sans en évaluerrégulièrement, avec les apprenants, le degréde réalisation, d’abord à des fins de régula-tion (évaluation formative), ensuite, lorsqu’ilne reste plus de temps d’enseignement-apprentissage, à des fins certificatives. Tou-tefois, parler à ce propos de compétencen’ajoute pas grand-chose à l’idée d’objectif.

On peut d’ailleurs enseigner et évaluer parobjectifs sans se soucier du transfert desconnaissances, encore moins de leur mobili-sation face à des situations complexes.L’assimilation d’une compétence à un sim-ple objectif d’apprentissage brouille lescartes et suggère, à tort, que chaque acquisscolaire vérifiable est une compétence, alorsque la pédagogie par objectifs est parfaite-ment compatible avec un enseignementexclusivement centré sur les connaissances.(Construire des compétences dès l’école,p. 23-24)

Il s’est réalisé un effort exemplaire de *remembre-ment+ de l’immense panoplie des objectifs desprogrammes du primaire, dont les résultats sonttout à fait significatifs. Ils se trouvent dans LeGuide DISCAS des programmes d’études. Lesactions ou compétences les plus fréquemmentproposées dans le détail des objectifs des program-mes officiels y sont résumées en une courte liste :

• objectifs expérientiels : explorer, rappeler,rétroagir;

• objectifs cognitifs et psychomoteurs :a) les habiletés intellectuelles : constater,

identifier, décrire, interpréter, représenter,relier, expliquer, analyser;

b) les habiletés pratiques : appliquer, choisir,produire, synthétiser;

• objectifs affectifs (les attitudes) : accueillir,exprimer, s’engager.

(DISCAS, 1994, *Cadre de référence+, p. 21-22)

13. Le régime pédagogique des années quatre-vingt, ausecondaire, accentuait la compétence commune en péda-gogie dans l’identité professionnelle des enseignants etenseignantes, en multipliant des petites matières à asso-cier aux disciplines principales dans une perspectivebivalente ou polyvalente. Les propositions de L’École,tout un programme rééquilibrent la situation, revalori-sent les disciplines et la place légitime d’une compé-tence disciplinaire approfondie dans leur identité profes-sionnelle.

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Cette liste pourrait inspirer et guider une perspec- souhaitable. Cependant, la difficulté constammenttive transdisciplinaire, tel un arrière-plan perma- rencontrée dans les débats autour de la formationnent qui donne du corps, de l’ambition à bien des fondamentale consiste à savoir discerner l’*essen-enseignements particuliers. L’utiliser, cependant, tiel+. En effet, on a utilisé très couramment lasimplement pour outiller un vocabulaire d’évalua- définition de la formation fondamentale proposéetion, ou bien pour réduire le contenu même du par le Conseil supérieur de l’éducation en 1984 :curriculum aux seuls points d’appui suffisants *les apprentissages essentiels dans l’ordre despour exercer ces compétences, serait très discuta- savoirs, des savoir-faire et des attitudes[...]+ Leble et ce n’est pas l’intention du guide DISCAS . qualificatif *essentiel+ a propagé une représenta-14

En effet, ce serait revenir à une notion de *con- tion qui lui opposerait le marginal, l’inutile,tenu-prétexte+ et ouvrir la porte à un grave appau- l’élément envahisseur qui dilue la mission devrissement culturel du curriculum. Le chapitre l’école. Cette catégorisation est malsaine, parcedeux du présent avis a suffisamment insisté sur qu’un bon enseignement est saturé de chosesl’irréductibilité des grands domaines d’expérience utiles, valables, intéressantes, d’éléments souhaita-et de connaissance. L’école a une mission d’initia- bles qui ne peuvent pas toujours prétendre aution culturelle, de médiation des acquis de la statut d’*essentiel+. La marge entre un curriculumcréativité humaine, et pas seulement une fonction riche et un curriculum culturellement pauvre joued’exercice des capacités mentales, comme on le sur le terrain du souhaitable plutôt que sur celui depostule en pratique si l’on considère les contenus l’essentiel. La valeur d’un curriculum effectifparticuliers de connaissance comme largement adéquatement actualisé (qui n’est pas à la remor-interchangeables à titre de simples occasions que de chaque mode; qui outille au mieux pard’exercice. rapport à la culture artistique, scientifique, politi-

Un courant vivace de réflexion sur *la formation rapport à la culture d’il y a 20 ou 30 ans) relèvefondamentale+ a aussi préparé le terrain, depuis aussi davantage du possible-souhaitable que deune quinzaine d’années, au souci des compétences l’évidence des apprentissages incontournables,transversales, non sans ambiguïté, toutefois. Le c’est-à-dire *essentiels+.tout se plaçait dans la perspective d’un *retour àl’essentiel+. Les débats et les travaux conduits C’est ici qu’il faut ancrer l’enjeu de la deuxièmedepuis plusieurs années par le Conseil pédagogi- perspective, soit le souci de remédier à l’éclate-que interdisciplinaire du Québec (CPIQ) autour du ment de mini-objectifs à la façon du guide DISCAS.thème de la formation fondamentale sont une Les programmes paraissent à la fois extrêmementexcellente illustration de ce courant. Il est lié à la lourds, surchargés, dès lors qu’on s’impose de sui-conviction qu’il faut cerner plus précisément la vre fidèlement l’enchaînement linéaire de leursmission propre de l’école, rejeter la situation de objectifs, et légers dans leur ambition et la richesse*l’école envahie+ et éviter une dérive qui donnerait de leur contenu. Les nouveaux programmes àune mission trop ambitieuse, donc impossible, à venir, dans le sillage de L’École, tout un programme,l’école. Il faut, selon ce courant, que l’école se sauront-ils négocier autrement l’association entreconcentre davantage sur l’essentiel pour le garantir la clarté d’un minimum et le réalisme d’un opti-mieux, au lieu de s’éparpiller. L’énoncé de politi- mum? Peut-on rêver de programmes simples etque éducative L’École, tout un programme fait ambitieux, remplaçant des programmes dont lasubstantiellement écho à cette analyse de ce qui est complexité les fait percevoir comme chargés?

que et technologique actuelle plutôt que par

La correction la plus propre à pallier les difficultésengendrées par la facture des programmes actuelsest le recours à une pédagogie par projets. Laperspective d’une attention renouvelée à des

14. On trouve des typologies transdisciplinaires des démar-ches intellectuelles et socioaffectives qui ont beaucoupd’affinités avec cette liste dans Louis D’Hainaut, Desfins aux objectifs, p. 114-151.

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compétences transdisciplinaires constitue un autrerecours. D’après Perrenoud, c’est une modificationqui exige un allégement du contenu de connaissan-ces des programmes de même qu’une évolution durôle des enseignants et enseignantes vers unaccompagnement plus soutenu dans des situationsd’apprentissage plus ouvertes; cette modificationexige aussi de repenser radicalement l’évaluation(1997, p. 93-110).

Ce n’est pas une mince affaire d’élaborer desprogrammes officiels qui soient compatibles avecce genre de renouvellement pédagogique ou,mieux encore, qui y soient favorables. Commentéchapper à la difficulté, caractéristique de ladernière décennie et au-delà, de devoir mettre enœuvre une authentique approche transdisciplinaire,c’est-à-dire un souci constant et efficace des com-pétences transversales, malgré une facture et uneélaboration de programmes centrées sur les disci-plines, et qui s’y prêtent donc peu ou mal? La viveinsistance du rapport Réaffirmer l’école sur lacoordination nécessaire mérite à cet égard la plusgrande attention, de même que tout ce que larecherche a dégagé sur ce terrain.

4.4 Un chantier exigeant pour leministère de l’Éducation

Vers quel type de programmes d’études ministé-riels faudrait-il aller? Cette question a d’énormesrépercussions pour tous les enseignants et ensei-gnantes, sans oublier les équipes de conseillers etconseillères pédagogiques et les directions d’école.Le Conseil tient à attirer l’attention de la ministrede l’Éducation sur quelques aspects bien concretsdes développements promis ou attendus.

Si nous joignons les propos du chapitre deux, surles domaines de référence, et ceux du chapitretrois, sur les compétences transversales, à ceux duprésent chapitre, il ressort que L’École, tout unprogramme donne des assises très intéressantes aucurriculum considéré globalement. C’est justementparce que les grands domaines d’expérience etde connaissance auxquels l’école doit donner

l’accès à la jeune génération sont plutôt **pré-disciplinaires++, ancrés dans la culture de notresociété, qu’il y a du jeu dans l’ajustement posté-rieur des disciplines comme telles par rapport auxdomaines. Ce jeu est tout à fait propice aux con-vergences et aux alliances interdisciplinaires, qu’ilfaut favoriser et cultiver.

Une seconde assise d’importance majeure vientprendre place dans le sillage de L’École, tout unprogramme. Pour les praticiens et praticiennes del’enseignement les plus engagés, la reconnais-sance des visées transdisciplinaires, en ce quitouche les compétences et aussi les attitudes,légitime et consolide ce qui émergeait, s’expéri-mentait et se pratiquait depuis nombre d’années,malgré, en quelque sorte, le curriculum officielcloisonné selon les disciplines.

Mais comment faire en sorte, particulièrementdans le curriculum officiel et les programmesministériels, que ces assises engendrent les résul-tats les plus positifs qu’on peut en escompter dansle curriculum effectif de l’école et de la classe? Ilexiste trois pièges possibles, auxquels l’avis duConseil sur le curriculum, paru en 1994, portaitdéjà attention.

Le premier piège serait d’ignorer les affinités deL’École, tout un programme avec l’une ou l’autreoptique pédagogique privilégiée, et de fairecomme si les programmes fondés sur les assisesdécrites ici étaient totalement dissociables despratiques pédagogiques (approches didactiques,méthodes d’évaluation, etc.). C’est une vue del’esprit dangereuse que de maintenir une telledissociation. Elle renvoie à l’époque du début desannées soixante-dix, où l’on posait volontiers lespratiques pédagogiques dans un ordre parfaitementindividualiste d’*options+ quasi idéologiques. Leplein respect de la profession enseignante ne résidepas là : il réside dans la prise de conscience que lecurriculum effectif, c’est-à-dire celui qui s’appli-que à la fois à la classe et à la vie de l’école nepeut être qu’un curriculum interprété et que leprofessionnalisme des enseignantes et enseignants

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s’exerce à travers une appropriation, avec interpré- le champ ministériel; c’est plutôt de soutenir letation, du curriculum officiel. curriculum de la classe et de l’école par un *curri-

Le second piège, qui n’est pas tout à fait dissocia- soutien solide. Il faut éviter à tout prix que s’accré-ble du premier, consisterait à mettre l’accent sur la dite dans l’esprit des enseignants que, *par défaut+,responsabilité ministérielle pour déterminer le con- comme l’on dit en programmation informatique, cetenu du curriculum au détriment de la responsabi- sont quelques grands éditeurs de matériel didacti-lité ministérielle de soutien à son implantation. que qui *font+, en pratique, les programmes.L’ampleur et la complexité du soutien au dévelop-pement du curriculum ne peuvent échapper à qui- Le Conseil supérieur de l’éducation recommandeconque observe un peu ce qui se passe dans lamajeure partie des pays d’Occident sur ce terrain.En ne donnant pas suite à la proposition du rapportRéaffirmer l’école d’instaurer un centre de recher-che et d’innovation, la ministre de l’Éducation seplace dans la situation ou bien de devoir faire assu-mer le soutien par son ministère, ou bien de laissercette responsabilité pour compte. Un réseau sanssoutien condamne au second piège. On affirmeraitalors un nouveau vocabulaire *officialisé+ despratiques sans assistance substantielle pour lesrenouveler.

Le troisième piège serait sans doute une orchestra-tion administrative précipitée des travaux consé-quents à L’École, tout un programme. On a puentendre, dans les échanges récents de la Commis-sion parlementaire sur l’éducation, des propos quioscillaient entre la volonté de réduire les ressour-ces et le temps requis pour *produire+ des pro-grammes officiels révisés, et celle de reconnaîtretoute la portée d’un processus de renouvellementinséparable d’une collaboration à susciter dans lesmilieux scolaires. La version minimaliste équivau-drait à reproduire le processus des années 1978 à1982, en commençant par un *devis+ de toutnouveau programme officiel, puis en posant uncalendrier de *sortie+ des programmes révisés,sortie suivie d’une courte opération dite *d’implan-tation+. On entend, par exemple, que le programmerévisé de français appliqué depuis 1995 serviraitde modèle... Pourtant, il demeure très analytique,quoique plus bref que l’ancien; et l’on peut diffici-lement prétendre qu’il repose sur une consciencevive des compétences transversales à mettre envaleur. Le but de l’opération n’est pas de pouvoirdire *mission accomplie+ le plus tôt possible, dans

culum officiel+ qui soit un excellent outil et un

d’élaborer, pour l’enseignement primaire, unprogramme intégré plutôt que des programmesparallèles par matière d’enseignement : unprogramme qui déploie les domaines de réfé-rence du curriculum, qui définit et explicite lescompétences transversales, et qui présente lesvisées des diverses matières et les résultatsattendus d’une façon qui favorise et soutienneune véritable intégration interdisciplinaire. Iln’est pas nécessaire que la description de la prati-que de l’enseignement primaire renvoie obligatoi-rement à neuf ou dix documents parallèles. Il esttout à fait possible de placer ensemble, dans lemême document de programme officiel, les domai-nes de connaissance qui servent de référence glo-bale, les compétences transdisciplinaires privilé-giées, les éléments spécifiques aux diverses disci-plines et, enfin, les aspects et les thématiques deces dernières qui invitent le plus naturellement àdes pratiques d’interdisciplinarité. Il faut que laforme adoptée par le programme officiel exprimeelle-même l’esprit de convergence et de cohérencequi l’inspire.

Le Conseil reconnaît l’immense intérêt de certainsaspects neufs des assises du curriculum telles queformulées dans L’École, tout un programme. Il sepréoccupe de faire reculer l’attentisme actuel, desensibiliser les milieux scolaires au potentiel derenouvellement qu’annonce l’énoncé de politique.De ce fait, pour l’ensemble du curriculum du pri-maire et du secondaire, il recommande à laministre de l’Éducation d’engager formelle-ment les ressources du ministère de l’Éducationdans des démarches de soutien au développe-ment pédagogique et curriculaire qui répondentaux idéaux d’enrichissement du curriculum

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d’une part et, d’autre part, d’agencer les tra-vaux de renouvellement des programmes defaçon à mobiliser au mieux les équipes ensei-gnantes qui travaillent déjà ou travaillerontdans ces perspectives.

Pourquoi ne pas animer, dès l’année scolaire1998-1999, la réflexion des enseignants et ensei-gnantes sur le rapport entre diverses disciplines,des mathématiques aux arts en passant par leslangues vivantes, et sur les compétences transver-sales mises en valeur déjà dans les analyses dePréparer les jeunes au XXI siècle (1994) puise

dans Réaffirmer l’école (1997)? Du côté del’enseignement primaire, il est évident que ce sontdes convictions pédagogiques globales qui servi-15

ront de moteur à l’actualisation et à l’enrichisse-ment des enseignements dans le sillage de L’École,tout un programme. Bien loin de durcir la distinc-tion entre curriculum et pédagogie, il faut bâtir desponts, renforcer les affinités. C’est précisément lacause que plaide le chapitre suivant.

15. Voir Marcel Chabot, *Plaidoyer pour une école bour-donnante+, Vie pédagogique, p. 19-21, pour l’expressionsynthétique d’idéaux pédagogiques qui inspirent lesespoirs de changement des enseignantes et enseignantsdu primaire.

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CHAPITRE CINQ

Latitude locale, appropriation du curriculum,dynamique pédagogique

L’une des grandes difficultés à entrer dans la à des capacités, habiletés et compétences parfoisperspective de L’École, tout un programme, dans peu liées à une discipline particulière. Or, il fautle milieu scolaire, notamment dans celui de absolument reconnaître que cette nouvelle appro-l’enseignement primaire, découle du fait qu’on n’y che émerge aujourd’hui, au Québec et ailleurs,perçoit pas une position cohérente et articulée en parce que les pratiques pédagogiques ont évolué etmatière pédagogique. Or cette timidité est compré- se sont raffinées, depuis une trentaine d’années .hensible : elle s’enracine en effet dans la volonté Leur évolution a conduit à des convictions pédago-de préserver l’autonomie professionnelle des giques sans lesquelles on n’oserait pas énoncer cesenseignantes et enseignants. ambitions relatives au curriculum. Pour que les

Il se trouve une seconde forme, bien précise, de profonde du renouvellement du curriculum, on nepréservation d’une latitude locale. Il s’agit du peut faire abstraction des perspectives pédagogi-principe d’un programme officiel limitant ses ques qui l’inspirent.ambitions au potentiel réaliste de 75 % du tempsprévu. Ceci soulève indirectement un problème Que signifie, par exemple, le travail par cycles?plus vaste, car on semble alors postuler que les C’est le corollaire direct de pratiques pédagogi-unités réparties entre disciplines, dans la grille- ques plus adéquates, capables de remédier à trèsmatières du secondaire, équivalent à un temps court terme aux difficultés qui se manifestent dansstandard, dont 75 % est plus strictement prédéter- la classe. Prenons à témoin cette esquisse tiréeminé. La grille-matières risque, dans ce contexte, d’un programme d’études belge :de dériver vers une transposition en grille-horaire.

Un troisième élément de latitude locale est moinsdéveloppé : celui qui concerne précisément lesconseils d’établissement que les modificationsrécentes apportées à la Loi sur l’instruction publi-que ont institués à partir de l’automne 1998.

Ces divers éléments ne sont pas totalement indé-pendants les uns des autres. En ce qui concerne legenre et la facture même des programmes ministé-riels, le Conseil désire attirer l’attention sur quel-ques aspects qui garantissent jusqu’à un certainpoint les chances d’une excellente appropriationlocale de l’esprit du curriculum rénové.

Le clivage entre une emprise gouvernementaleforte sur le curriculum officiel et une totale latitudepédagogique individuelle laisse perplexe. Il en vade même pour une forte spécification à l’égard destrois quarts du temps en principe alloué à unematière, par opposition à un dernier quart, libéréde contraintes. Ce sont des éléments qui deman-dent à être repensés.

Le Conseil a souligné l’intérêt manifeste d’accor-der des domaines d’expérience et de connaissance

1

milieux scolaires puissent s’approprier l’intention

Organiser progressivement son école encycles, c’est mettre en place des unitéspédagogiques de base comprenant au moinsdeux années de la vie scolaire.

Durant cette période, doivent s’effectuer uncertain nombre d’apprentissages caractéris-tiques, précisés dans ce programme intégré.

Les cycles concernent des communautés devie composées d’enfants d’âges différents etd’adultes coresponsables de la vie du cycleet plus particulièrement de la gestion desapprentissages et de l’évaluation.

Ils se caractérisent notamment par l’éveil ausentiment d’appartenance à une commu-

1. On trouvera par exemple, dans Michel Perraudeau, LesCycles et la différenciation pédagogique, un enracine-ment très soigné d’une pratique de programmes parcycles (et non par années) d’une part, dans la compré-hension des stades de développement que fournit la psy-chologie et, d’autre part, dans l’acquis de la pédagogiedifférenciée et dans les percées didactiques que favori-sent les travaux d’Antoine de la Garanderie, les apportsde la neuropédagogie (voir Hélène Trocmé-Fabre,J’apprends donc je suis, Paris, éd. d’Organisation,1987), les recherches de Britt-Mari Barth très prochesde celles de Jérôme Bruner (B.M. Barth, Le Savoir enconstruction, Paris, Retz, 1993) et les méthodes demédiation dite instrumentale de Reuven Feuerstein. Voirégalement Michel Minder, Champs d’action pédagogi-que. Une encyclopédie des domaines de l’éducation,p. 437-513.

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nauté de vie, le respect des rythmes d’ap-prentissage des enfants, la différenciationdes apprentissages (approche multiple etvariée des savoirs), la continuité pédagogi-que à l’intérieur comme à l’extérieur descycles, la cogestion par des adultes desinterapprentissages entre enfants, l’organi-sation de groupements différenciés (d’inté-rêt, de besoins, interâges...), la mise enplace de stratégies d’évaluation formativetout au long du cycle, le report de l’évalua-tion sommative en fin de cycle.

Les cycles dont il est fait mention dans ceprogramme correspondent aux âges sui-vants : 1 cycle : 2½-5 ans; 2 cycle : 5-8er e

ans; 3 cycle : 8-10 ans; 4 cycle : 10-12 ans.e e

(FEFC, 1995, Programme intégré [...],p. 19)

Que signifie, pour sa part, la volonté de faireconverger et s’allier entre elles diverses discipli-nes? La possibilité d’intégrer les matières entreelles et surtout les grands thèmes interdiscipli-naires dans les matières du secondaire, va de pairavec une pédagogie de projets particulièrementpropre à exercer les compétences méthodologiquesque l’on considère si cruciales .2

L’idée même de se servir d’une marge dans l’allo-cation du temps, soit pour enrichir les apprentissa-ges, soit pour offrir un soutien pédagogique sup-plémentaire dans la classe, découle directementdes immenses progrès de la pédagogie différen-ciée. Au-delà de ces acquis, un enseignement axésur le développement de compétences appelle unepédagogie active très raffinée dans ses mises ensituation et ses choix de problèmes de départ . Si3

les programmes officiels restent totalement muetssur des approches pédagogiques consonantes, ilsn’incitent pas les praticiens et praticiennes à se lesapproprier. Ils risquent plutôt d’être lus commes’ils émanaient d’une mentalité magique : c’estécrit, c’est comme si c’était fait.

En matière d’approches pédagogiques, le ministèrede l’Éducation n’est évidemment pas en positiond’autorité. Si, de ce fait, il décline ou néglige sonrôle d’influence, de réflexion et d’analyse, deleadership pour tout dire, l’appropriation francheet positive de programmes officiels repensés risquefort de prendre un mauvais départ.

En somme, la question des 75 % du temps cou-verts par le programme officiel de même que celledu conseil d’établissement comme partenaire etacteur majeur de la mise en œuvre d’un curriculumrenouvelé demandent toutes deux un éclairage quine dissocie pas curriculum et pédagogie. Dans uneperspective optimale, l’équipe enseignante d’uneécole, animée par sa directrice ou son directeur,assume la responsabilité d’agencer les complémen-tarités, d’instrumenter concrètement le travail surles habiletés génériques et les compétences trans-versales. Avec le conseil d’établissement, l’équipe-école organise le temps S cours, temps de travailindépendant et d’étude, périodes périscolaires desoutien, d’activités culturelles et de sport S sansrien négliger des cibles de résultats à atteindre,mais dans une autonomie institutionnelle large-ment moins encadrée et contrainte que ce que lesystème scolaire connaît depuis plus d’une décen-nie. La mesure de l’émancipation, dans ce cas, serale degré de prise de responsabilité collective capa-ble d’allouer les ressources humaines, les moyensdidactiques et le temps non pas uniquement en4

fonction des besoins du personnel mais aussi enfonction des besoins des élèves. Dans l’optique decette participation décentralisée, il est évidentqu’un curriculum officiel très clair sur les résultatsattendus au sortir de chacun des cycles demeure la

2. Le programme intégré pour la 1 à la 9 année, publié enre e

1995 en Ontario (Le Programme d’études commun.Politiques et résultats d’apprentissage de la 1 à la 9re e

année) fournit un bon exemple, dans tous ses dévelop-pements sur l’intégration interdisciplinaire, de l’associa-tion d’analyses pédagogiques à la détermination d’uncurriculum comme tel.

3. Le Conseil avait approfondi, en 1993, les points de ren-contre des pratiques pédagogiques et des traits du curri-culum sous l’éclairage d’un souci prédominant de réus-site, soulignant les interdépendances : voir Le Défid’une réussite de qualité. Voir aussi, pour un exempled’approche curriculaire gouvernée par des pratiquespédagogiques de plus en plus favorisées : Suzanne 4. Voir à ce sujet, le constat des États généraux concernantFrancœur-Bellavance, Le Travail en projet. Une straté- le manque d’emprise sur l’usage du temps, trop prédé-gie pédagogique transdisciplinaire. terminé et stéréotypé : Exposé de la situation, p. 44-46.

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Latitude locale, appropriation du curriculum, dynamique pédagogique 41

formule la plus stimulante. Car, si l’on peut fairemieux dans les limites du temps scolaire disponi-ble, tout y est favorable. Comme le laisse très clai-rement entendre le document ontarien déjà cité surle curriculum, plus les résultats attendus sont clairset engageants, plus la sélection et l’orchestrationdes moyens retrouvent leur centre de gravité dansl’initiative institutionnelle locale.

Comment faire en sorte que les divers programmesofficiels favorisent chez leurs usagers l’explorationde perspectives pédagogiques harmonisées avecl’esprit de ces programmes? Et cela, sans tomberdans ce que le rapport Réaffirmer l’école semblepercevoir comme un *hyperpédagogisme+ desprogrammes des années quatre-vingt? Sans nonplus donner à penser que la pratique pédagogiques’impose et se décrète? Comment, de façon com-plémentaire, mettre en valeur les responsabilitésrespectives de l’équipe-école et du conseil d’éta-blissement, dans l’orchestration délibérée deslatitudes disponibles en matière de curriculum?

Le Conseil supérieur de l’éducation croit qu’unoutil remarquable à cet effet pourrait se trouverdans un document général d’interprétation desdivers programmes qui engloberait plus de thèmesque ce qu’on attend du *Programme des program-mes+. Dans cette optique, le Conseil supérieur del’éducation recommande à la ministre de l’Édu-cation de voir à ce que soient rassemblés dansun document officiel de type **Programme desprogrammes++ les éléments suivants : 1° uneréarticulation plus fouillée de domaines deconnaissance servant de référence fondatriceau curriculum; 2° comme il a déjà été prévu,une articulation des habiletés spécifiques etsurtout transdisciplinaires, se regroupant enfaisceaux de compétences transversales; 3° uneesquisse des liens entre ces deux composantesqui favoriserait à terme l’émergence de stan-dards de progression jalonnés de seuils repères(couramment appelés benchmarks en Amériquedu Nord); 4° et enfin, une exploration desaffinités du nouveau curriculum avec desconvictions et des pratiques pédagogiques.

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CHAPITRE SIX

Aspects problématiques des grilles-matières

Sans aller jusqu’à esquisser un régime pédagogi- central, parce qu’elles ne peuvent pratiquementque entièrement repensé pour les études primaires pas s’appliquer autrement que comme des grilles-et un autre pour les études secondaires, L’École, horaires, surtout au secondaire. Si l’on conserve cetout un programme propose des grilles-matières cadre de référence, on risque fort de dépouiller ledestinées à constituer un élément clé de ces régi- conseil d’établissement d’une responsabilité àmes. En juin 1998, ces propositions ont valeur de l’égard de l’usage du temps que le rapport final*livre blanc+, selon le vocabulaire de notre démo- des États généraux et le rapport Réaffirmer l’écolecratie parlementaire, c’est-à-dire qu’elles expri- considèrent comme très importante. Les grilles-ment l’intention du gouvernement, sous réserve matières traditionnelles relèvent d’une logique ded’autres avis à venir. Le Conseil croit opportun contrôle des moyens plutôt que des résultats. Ellesd’apporter des éclairages qui ont été peu considé- symbolisent et perpétuent un cloisonnement entrerés dans les débats des États généraux et dans le disciplines qui ne favorise pas le recours aux com-mandat du groupe de travail sur le curriculum. pétences transversales.

Le Conseil estime que l’intention de conserver le L’espace d’initiative locale est-il suffisammentgenre de grilles-matières qui gouverne l’éducation concrétisé dans le principe d’un programme offi-depuis les années quatre-vingt pose problème. En ciel élaboré pour 75 % du temps théoriquementmême temps, il désire attirer l’attention sur quel- disponible , dans la définition, pour l’enseigne-ques aspects des grilles-matières proposées qui ment primaire, d’une zone de *temps non alloué +,méritent un nouvel examen. puis dans le statut de *temps indicatif+ pour prati-

6.1 Le genre et la portée des grilles-matières

On peut appréhender certains effets du genre degrilles-matières proposées dans L’École, tout unprogramme, notamment qu’elles s’harmonisentmal avec l’esprit des assises d’un curriculumrenouvelé. S’accordent-elles, telles qu’elles sontproposées, avec le potentiel d’un curriculum quiassocie domaines d’apprentissage et habiletés oucompétences transdisciplinaires? Conduisent-ellesà une emprise régénérée des équipes-écoles et desconseils d’établissement sur le curriculum de laclasse et de l’école en s’appuyant sur une structu-ration du curriculum officiel qui va dans cettedirection? Ou, au contraire, les grilles-matièresproposées perpétuent-elles une autre logique,suivant laquelle l’essentiel de la structurationlocale se règle au palier central? Une réflexionurgente s’impose sur ces points.

Quels sont les défauts majeurs du genre de grilles-matières qui gouvernent le curriculum depuisquinze ans? Ce sont des grilles-matières quirèglent l’organisation locale à partir du palier

1

2

quement toutes les matières?

Le sens des grilles-matières consiste de toute évi-dence d’abord à symboliser l’importance relativedes composantes du curriculum, à proposer unéquilibre entre ces dernières. Mais le maintien dugenre de grilles-matières actuelles ne donnerait pasleur chance aux traits les plus prometteurs durenouvellement auxquels L’École, tout un pro-gramme ouvre la porte. Le ministère de l’Éduca-tion pourrait proposer trois ou quatre exemples degrilles-matières comportant des allocations detemps et pouvant servir d’appui à des établisse-ments qui assument leur propre responsabilité destructuration du temps. Au primaire, si l’on dispo-sait d’un programme intégré élaborant de concertles divers domaines d’apprentissage, on pourraitlier les allocations de temps à des priorités trèsclaires découlant de résultats visés par cycle.

1. Ce principe à lui seul montre combien il est difficile dene pas transposer la grille-matières en grille-horaire.

2. Ce qui signifie forcément qu’il y a un temps à allouerpar décision locale : 5,5 heures au premier cycle et 9,5heures au deuxième et au troisième cycles (L’École, toutun programme, p. 22).

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44 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

Le Conseil considère que les esquisses de grilles- dans un passé récent pour un retour aux 25 heuresmatières présentées dans L’école, tout un pro- hebdomadaires allouées par le régime pédagogiquegramme s’allient mal aux principes de renouvelle- jusqu’à 1980 .ment repris, par ailleurs, du rapport du groupe detravail sur le curriculum, Réaffirmer l’école. Au La pratique des années soixante, en vertu du pro-moment même où l’on travaille à un régime péda- gramme de 1959 (Programmes d’études des écolesgogique repensé pour le primaire et pour le secon- élémentaires, p. 689) échelonnait une certainedaire, le Conseil recommande donc à la ministrede l’Éducation de faire en sorte que les mesuresnécessaires soient prises afin d’harmoniser legenre même des grilles-matières avec la revalo-risation d’une responsabilité locale plussubstantielle à l’égard de la structuration ducurriculum et de l’allocation conséquente desressources, ainsi qu’avec l’esprit d’un curricu-lum moins cloisonné et plus sensible aux résul-tats visés, ce que promeut par ailleurs L’école,tout un programme.

6.2 Quelques arbitrages àreconsidérer

Il y a quatre points particuliers, dans les grilles-matières que propose L’École, tout un programme,sur lesquels le Conseil désire attirer l’attention. Ilsne vont pas de soi. Sans vouloir dicter une déci-sion particulière, le Conseil cherchera à les éclairerpar quelques analyses de leurs avantages et incon-vénients.

6.2.1 Le nombre d’heures de la semainedes élèves au primaire

Voilà une question particulièrement complexe,beaucoup débattue. Le rapport Réaffirmer l’écoleporte un jugement négatif très clair sur le déficit detemps mais s’abstient de conclure, en renvoyant àla définition de son mandat qui l’obligeait à tra-vailler en fonction du cadre du temps présentementalloué . Le Conseil supérieur a, pour sa part, plaidé3

4

progression en la matière : 21 heures en 1 et 2re e

année, 25 heures de la 3 à la 5 année, 26 heurese e

en 6 et 7 année. Puis, en 1969, un documente e

ministériel intitulé L’École élémentaire renou-velée, qui ne fut pas rendu officiel par les autoritésministérielles, mais que les commissions scolairesont fréquemment adopté par résolution de leurconseil, établissait le calendrier scolaire à 38semaines de classe à raison de 25 heures parsemaine. Tôt après, le règlement numéro 7, adoptéle 27 avril 1971, officialisait une semaine de classede 25 heures, ou 1500 minutes d’activités éducati-ves. Il prévoyait cependant une année scolaire de180 jours ou 36 semaines pour les élèves, et per-mettait aux commissions scolaires de limiter, parrésolution de leur conseil, le temps hebdomadairede présence en classe des élèves de la 1 à la 3re e

année à 1250 minutes. Le règlement du régimepédagogique du primaire et de l’éducation pré-scolaire élaboré à la fin des années soixante-dix,dans le sillage de L’École québécoise : Énoncé depolitique et plan d’action (1979) prévoit pour sapart *un minimum de 23 heures+ hebdomadairesen classe (article 41).

Il importe d’examiner ici le pour et le contre d’uneaugmentation du nombre d’heures tel qu’il seprésente dans l’argumentation courante, pourchercher ensuite un second niveau d’analyse quisituerait la décision au-delà d’une sorte de statuquo insatisfaisant qui semble devoir se perpétuer.

3. *Nous tenons à souligner que le temps consacré à 4. *Le Conseil rappelle que, pour que soit assurée unel’enseignement à l’école primaire au Québec souffre formation de base diversifiée, pour que soient accruesd’un déficit important si l’on compare avec ce qui se fait les marges de manœuvre locales et pour que le calen-ailleurs, où le temps d’enseignement est généralement drier scolaire s’approche des pratiques observables dansde 25 ou 26 heures [...] Certaines problématiques tout à les sociétés comparables, il s’avère pertinent d’augmen-fait fondées, comme le temps consacré à certaines disci- ter à 25 heures le temps de présence des élèves prescritplines ou la nécessité d’instaurer une période quoti- pour le primaire+ (1994a, p. 8).

dienne d’études dirigées à l’école, ne pourront êtrerésolues que lorsqu’on pourra prescrire au moins 25heures d’enseignement au primaire+ (p. 66).

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Aspects problématiques des grilles-matières 45

6.2.1.1 Quelques premières raisons

Qu’est-ce qui milite pour une augmentation régle-mentaire du temps hebdomadaire de classe à 25 Comment appuyer solidement une décision enheures au primaire? matière de temps de présence des élèves au pri-

D’abord, la conviction de manquer de temps aspects en rapport avec cette décision : d’abord,fréquemment exprimée par des enseignantes et l’aspect de la structuration coutumière du temps,enseignants, ce qui tendrait à exercer une certaine divisée entre la zone des enseignants généralistespression sur les élèves. En second lieu, l’espoir et celle des enseignants spécialistes; en secondd’élargir la plage temporelle d’activités éducatives lieu, la conviction d’un nécessaire enrichissementau-delà du temps de classe au sens strict, particu- culturel du curriculum; en dernier lieu, les choixlièrement dans des milieux moins favorisés du relatifs quant à l’allocation des ressources.point de vue économique. Il peut s’agir d’unepériode supplémentaire de devoirs supervisés, Ce ne sont pas tous les curriculums du primairemais aussi bien d’activités diverses à participation comparables au nôtre qui confient de nombreuseslibre qui ont un grand potentiel éducatif. Voilà du matières à des enseignantes et enseignants spéciali-moins ce que plaidait le rapport final des États sés. Dans l’un ou l’autre système scolaire, ongénéraux. Or, cet élargissement profiterait d’un trouve parmi l’équipe enseignante une personnetemps d’enseignement moins bref. qui fait office en même temps d’inspiratrice des

Une troisième raison incite à revenir aux 25 heures ques ou encore de sciences de la nature. Enhebdomadaires dans la mesure où une partie de Grande- Bretagne, par exemple, cette fonction del’ajout signifierait un accroissement du temps relais ou de leadership est formalisée sous l’appel-d’intervention d’enseignants spécialistes. Étant lation de postholder, de *répondant+, en quelquedonné l’augmentation du temps d’enseignement de sorte. Derrière cette pratique, demeure le problèmel’anglais langue seconde, très souvent confié à un d’un équilibre à établir entre trois variables : desenseignant spécialiste, le temps qui reste pour classes plus ou moins nombreuses, un nombred’autres matières se rétrécit trop souvent comme d’heures hebdomadaires de présence de l’ensei-peau de chagrin. Par ailleurs, on perçoit bien gnant dans sa classe qui est plus ou moins élevé et,l’inéluctable lien de cette question avec celle des finalement, la pratique de confier la classe épisodi-priorités concernant l’allocation des ressources. quement à un autre enseignant pour une durée plus

Il y a aussi quelques motifs de réticence qui s’expri-ment. Certains, par exemple, s’appuient sur le fait Au Québec, au début des années quatre-vingt, ilqu’au primaire, des enfants associent parfois à leur s’est présenté une alternative qui consistait à : soitscolarisation un temps substantiel consacré soit au ajouter du *temps de spécialité+ dans la semainesport, soit à la musique, soit à un autre centre des enfants en allongeant légèrement celle-ci toutd’intérêt particulier. Mais ce sont là des pratiques en augmentant un peu le nombre moyen d’enfantsdont sont couramment exclus les enfants qui pei- par classe , pour dégager les ressources nécessai-nent ou bien avancent à un rythme moyen dans res; soit préserver un nombre d’élèves par classel’apprentissage de la langue maternelle et des plus bas, en maintenant le temps prescrit de pré-mathématiques. On ne peut donc pas tirer deconclusion générale de telles situations nontypiques.

6.2.1.2 Le temps, les ressources et larichesse culturelle du curriculum

maire? Le Conseil propose d’examiner trois

collègues en matière de musique ou d’arts plasti-

ou moins prolongée.

5

5. Le nombre moyen d’enfants par classe, actuellement, sesitue à 23 en 1 année, 25 en 2 et 3 année et 27 de 4 àre e e e

6 année.e

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46 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

sence en classe sans ajouter de *temps de spécia-lité+. On a opté pour la seconde solution.

Idéalement, dans un esprit de gestion locale haute-ment décentralisée de l’école primaire, on peutsupposer que des écoles s’écartent, dans leur ges-tion du temps et leur organisation du travail, del’ancien cloisonnement entre matières de spécialitéet autres matières. On peut même penser que lenombre d’enfants par classe variera avec le tempsd’enseignement individuel dans des marges moinsétroites que celles de la pratique actuelle. Peut-onsupposer que s’il n’y a pas de spécialiste en musi-que ou en éducation physique, l’enseignante oul’enseignant généraliste pourrait ouvrir une petitefenêtre sur des activités d’apprentissage valables etintéressantes dans ces domaines? Cela dépendrabeaucoup de la facture des programmes. Mais,dans l’immédiat, il faut certainement faire en sortequ’il reste à l’école une possibilité assez large derecourir à des enseignants spécialistes.

Que signifie par ailleurs, dans le présent contexte,le souci réaffirmé de la richesse culturelle du curri-culum? Sa pauvreté potentielle est bien connue :celle-ci apparaît lorsqu’il n’y a de temps et d’insis-tance que pour les habiletés instrumentales de lalangue et des mathématiques. Il est certes indis-pensable de lire, d’écrire et de compter. Mais l’uti-lité, ainsi comprise, peut conduire à un appauvris-sement majeur, où la langue maternelle elle-mêmesera apprise mais dépouillée de ses très richesdimensions culturelles, où les mathématiquesseront un exercice infini d’algorithmes mécani-ques. Dans l’école primaire culturellement pauvre,on n’apprend pas sa langue en nommant lesoiseaux, les plantes et les roches, ou en chantant,ce qui est dommage.

On ne peut échapper, enfin, à la question clé, celledes ressources impliquées. Si l’on ajoutait uneheure et demie de temps de présence à l’école, lesenseignants généralistes ne désirent évidemmentpas prendre en charge en totalité ce temps ajoutépour un coût de système nul. Qu’il soit entière-ment absorbé par *du temps de spécialiste+, c’estincontestablement coûteux. Mais il y a de forts

arguments en faveur d’un accroissement dutemps de présence des élèves dont une partiesubstantielle serait assumée par des enseignantsou enseignantes spécialistes.

En effet, même si la traditionnelle division du tra-vail entre enseignants généralistes et enseignantsspécialistes devait perdre de sa rigidité, si cettecloison devait perdre de son étanchéité, le pas enavant réaliste serait d’abord celui d’une collabora-tion où les enseignants généralistes prendraient dutemps avec leurs élèves pour prolonger le rayonne-ment des arts, pour exercer des activités physiques,pour pratiquer la langue seconde en continuitéavec une base donnée par le spécialiste de cesmatières. Sans cet élargissement et cette collabora-tion, le temps prévu aux matières de spécialité, fût-ce à titre indicatif, selon le régime pédagogique duprimaire, se trouve dès le départ peu respecté etproblématique .6

En même temps, l’enrichissement culturel ducurriculum du primaire, dont L’École, tout unprogramme se fait le champion, a sa figure propre,qui n’est pas exactement la même que celle ducurriculum du secondaire. Le trait central de cettefigure, c’est la différence entre une école d’incul-cation de savoirs instrumentaux élémentaires(calcul, écriture, lecture) où le reste pèse peu etune école d’éveil multidimensionnel, d’émerveille-ment et de familiarisation sur le terrain des scien-ces de la nature, des arts visuels, de la technologieélémentaire et sophistiquée, de l’histoire, une écoleoù le chant, la musique et l’art dramatique évoquentet suscitent l’expression. À la façon de la célèbreécole primaire FACE de Montréal, on y soutient quetout est important parce que tout est passionnantpour un jeune esprit en éveil.

Il y a deux conditions pour que l’école primairepuisse être vibrante de richesse culturelle. Lapremière, c’est que les enseignantes et enseignants

6. Avant la grande faveur actuelle que connaît l’étude del’anglais, on a pu estimer à 50 % du temps indicatif durégime pédagogique le temps consacré aux arts et àl’éducation physique.

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généralistes, particulièrement compétents à l’égard s'agit, pour le gouvernement, d'un des choix clésdes apprentissages de langue maternelle et demathématiques, soient extrêmement bien soutenuset outillés dans les champs culturels avec lesquelsils sont moins familiers : culture scientifique, tech-nologie, arts, culture historique. Il ne suffit pas des’être imprégné une fois, longtemps avant d’ensei-gner, de certaines bases de biologie, de zoologie,de botanique et de physique pour réussir à passion-ner des petits élèves sur ce terrain, à leur fairemettre en œuvre leurs *habiletés instrumentales+naissantes dans l’observation, le calcul, le dessin,la géographie; il faut un soutien constant et hyper-pratique apporté aux enseignantes et enseignantseux-mêmes. En second lieu, dans l’école culturel-lement riche, les enseignantes et enseignants spé-cialistes travaillent pour des classes d’enfants maisaussi pour leurs collègues enseignants. Cela nousamène à l’autre condition : qu’il y ait plus qu’uneportion congrue, qu’une fraction minime de tempsalloué aux spécialistes. Si, au primaire, le temps despécialité demeure à son bas niveau actuel, et si,comme L’École, tout un programme ouvre nette-ment la voie à cette éventualité, il est de plus enplus accaparé par un autre savoir instrumental,celui de la langue seconde, il serait incohérent deparler d’un curriculum culturellement riche avantles études secondaires.

Pour toutes ces raisons, le Conseil supérieur del’éducation maintient deux convictions. D’abord,il reste fortement indiqué de rétablir à 25 heurespar semaine le temps de présence à l'école desélèves du primaire en ajoutant une heure de tempsde spécialité sur l’heure et demie supplémentaire.Ensuite, il est tout à fait réaliste et politiquementdéfendable de réallouer, en conséquence, des res-sources financières, dans le même esprit que laréallocation récente des ressources en faveur desenfants de la maternelle. Allouer quelques ressour-ces supplémentaires au primaire pour que l’éduca-tion artistique et l’éducation physique ne devien-nent pas, dans trop d’écoles ou de classes, unvague souvenir ou une coquille vide, ce n’est pasgaspiller. Cet effort ne soustrait rien aux chancesde progrès des enfants dans les matières dites debase, bien au contraire. Le Conseil considère qu’il

concernant l’enseignement primaire; il recom-mande à la ministre de l’Éducation de ne passuivre l’avis de la Commission des États générauxsur l’éducation sur ce terrain, mais plutôt d'établirà 25 heures hebdomadaires le temps de pré-sence à l'école des élèves du primaire.

6.2.2 L’évacuation de l’éveil scientifique,historique et géographique aupremier cycle du primaire

La grille-matières envisagée pour le primaire,basée sur une semaine de 23,5 heures de présenceen classe des élèves, veut allouer de façon indica-tive plus de temps à la langue maternelle au pre-mier cycle qu’aux deux suivants. Elle le fait enreportant au deuxième cycle une démarche d’éveilappuyée sur les sciences de la nature (aussi bien labotanique, la zoologie, la géologie et l'astronomieque la physique et la biologie élémentaires) et surles sciences humaines. Or, ce changement estlargement reçu comme un pis-aller. Il doit êtrerediscuté . C’est pourquoi le Conseil se propose de7

considérer diverses options possibles, au momentmême où s’élabore le projet de règlement. Il vautmieux, en effet, réajuster les calendriers adminis-tratifs que de vivre pendant des années avec leseffets d’une décision insuffisamment analysée.

D’entrée de jeu, le Conseil admet que le progrèsen lecture et en écriture constitue le défi majeur etcentral du premier cycle. Mais faut-il pour autantécarter d’office la thématique de l’éveil aux scien-ces de la nature et aux sciences humaines? Dansune perspective très cloisonnée, où la didactiquede la langue maternelle et des mathématiques nes’appuie pas du tout sur des activités d’éveil, oncomprend que celles-ci paraissent se soustraire aux*matières majeures+. Mais la perspective de renou-vellement du curriculum ne va-t-elle pas en sensexactement contraire, vers l'intégration plutôt que

7. Rappelons que le régime pédagogique n’a pas été encoreadopté par le gouvernement et qu’un changement àl’orientation proposée par L’École, tout un programmedemeure toujours possible concernant ces apprentissages.

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la dissociation, avec sa jonction de domaines 1° La carence de temps appréhendée milite beau-d’apprentissage et de compétences transdiscipli- coup plus en faveur d’un accroissement dunaires? La convergence naturelle entre activités temps de présence en classe que du retrait ded’éveil au temps et à l’espace et appropriation l’éveil aux sciences de la nature et auxd’habiletés linguistiques, entre activités de scien- sciences humaines du premier cycle.ces naturelles et exercices d’habiletés de mesure etde calcul, ne plaide-t-elle pas pour la non-exclusion 2° L’éducation scientifique repensée qu’appellede ces éveils? la logique générale de L’École, tout un pro-

À la limite, dans l’esprit de beaucoup d’interlocu- tences transversales : observation, montages etteurs du primaire, on peut croire que la *marge de manipulation, recherche d’information, travailmanœuvre+ permettrait de ne pas faire l’impasse, d’équipe. Il n'en tient qu’aux auteurs d’un pro-pendant tout le premier cycle, à partir d’un éveil gramme retravaillé d’en faire un lieu où lesaux réalités naturelles et historiques déjà présent habiletés plus spécifiquement rattachées àen maternelle. Peut-on consacrer à cela le reste du l’apprentissage de la langue maternelle s’exer-*temps non alloué+ une fois assuré le minimum cent à plein, dans des situations d’apprentis-dans les thématiques qu’il englobe? Certains pen- sage signifiantes et parfois même dans unesent même que le temps indicatif alloué à la langue pédagogie de projets relativement décloison-maternelle et aux mathématiques est amplement nés du point de vue des disciplines. Bien sûr,élastique pour permettre de consacrer le temps que emprunter cette avenue est plus long, plusl’on désire à des activités de sciences de la nature coûteux et plus compliqué que d’instaurer uneet de sciences humaines. Pourtant, l'absence parenthèse depuis la classe de maternellepatente de ces dernières dans la grille-matières jusqu'à la troisième année, mais c’est aussi uneproposée peut aussi être comprise comme un juge- voie prometteuse pour la progression en com-ment négatif sur leur pertinence. pétences langagières.

Dans la perspective d’une école primaire utilisant 3° Si l’on maintient l’hypothèse de travail actuelle,un programme intégré comme référence et non pas il y a fort à parier que des écoles utiliserontneuf ou dix programmes d’études juxtaposés, un quand même leur marge de manœuvre auprogramme qui facilite des éléments d’interdis- profit des sciences au premier cycle primaire;ciplinarité par lesquels les activités d’éveil contri- en conséquence, l’on pourrait distinguer chezbuent à appuyer les apprentissages relevant de la les élèves, au début du deuxième cycle, ceuxlangue et des mathématiques, il ne serait plus du et celles qui viennent d’écoles culturellementtout impératif d’écarter l’éveil aux sciences. Les pauvres sur le terrain scientifique et les autres,raisons qui militent pour l’écarter paraissent finale- ce qui compliquerait d’autant la suite des cho-ment assez peu convaincantes tandis que celles qui ses en cas de changement d’école : les unsplaident pour un maintien associé aux priorités piétineront, les autres non...centrales du premier cycle rejoignent les pratiquesque l’ensemble de L’École, tout un programme Le poids de l’indication de temps normal par las’emploie à promouvoir. C’est pourquoi le Conseil grille-matières est lourd, même s’il s’agit d'unrecommande à la ministre de l’Éducation de remet-tre en question l’hypothèse d’un retrait del’éveil aux sciences de la nature et aux scienceshumaines du premier cycle du primaire. Unnouvel examen de cette hypothèse pourrait enparticulier s’appuyer sur trois éléments.

gramme est une éducation axée sur les compé-

temps indicatif. L’absence de temps indicatif aaussi des effets néfastes certains, tandis que sesbénéfices sont incertains et, au mieux, très minces.

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Aspects problématiques des grilles-matières 49

6.2.3 Sciences et technologie aupremier cycle du secondaire

Dans la recherche d’un nouvel équilibre dont lagrille-matières exprime au moins symboliquementl’importance des éléments en jeu, la place quiéchoit, au secondaire, aux sciences et à la techno-logie est pauvre. Cette mesure provoque à la foisune immense réticence et de l’attentisme : atten-tisme à l’égard d’un programme intégré de scien-ces de la nature, réticence quant à la réduction dutemps alloué. On considère que les analyses cultu-relles dégageant la forte imprégnation de notresociété par les sciences et le besoin majeur d’une*alphabétisation+ technologique qui a jusqu’àmaintenant largement fait défaut sont lettres mortes8

si les unités allouées à la science et la technologie,au premier cycle du secondaire, passent de 16 à 12.

Les débats intervenus lors d’un récent congrès del’Association des professeurs de sciences duQuébec (mai 1998), avec la participation de nom-breux enseignants et enseignantes de technologie,ont montré qu’on est loin d’avoir bien fait com-prendre l’intérêt d’un enseignement intégré dessciences, et encore plus loin d’avoir mis enlumière les ponts possibles entre sciences ettechnologie.

Que représente l’enseignement intégré des scien-ces ? Les enseignants ont-ils raison d’appréhender9

une négation des perspectives spécifiques à labiologie, à la chimie ou à la physique? Quel estl’avantage d’un tel enseignement intégré par rap-port à un enseignement traditionnel? Rien ne sem-ble avoir été fait pour en plaider la cause, voirepour en expliquer le sens. Pourtant, si l’on consi-dère des pratiques, de plus en plus largement adop-tées et éprouvées, qui intègrent thématiquementl’enseignement des sciences en deçà du deuxième

cycle du secondaire, de façon à développer unecertaine interdisciplinarité respectueuse desspécificités de chaque discipline, l’enseignement10

intégré s'avère un excellent moyen d'arriver à desrésultats de fin de cycle qui demandent à êtreétablis très clairement. Et, s’ils étaient très claire-ment définis, on peut penser que le conseil d’éta-blissement et l’équipe-école pourraient opter pourune approche intégrée ou pour une approchecentrée sur les disciplines en connaissance decause, grâce à l’émergence d’un programmed’enseignement intégré dûment éprouvé. Or l’onprocède ici d’autorité, pratiquement sans s’expliquer.

L’association entre sciences et technologie consti-tue dans l’esprit des enseignants une sorte d’inté-gration au second degré, le tout sans plus de tempsni de ressources. Il y a nettement ici deux problé-matiques à distinguer clairement. Une approche desciences intégrées au premier cycle du secondairene manque pas de crédibilité quant à sa valeur ni, àplus forte raison, de vraisemblance quant à sa pos-sibilité pratique. Elle est bien connue depuis unequinzaine d’années. Par contre, une base d’éduca-tion technologique intégrée à l’éducation scientifi-que fait moins l’unanimité. Dans beaucoup de sys-tèmes scolaires, c’est effectivement par et dansl’enseignement des sciences que se réalise unesorte d’alphabétisation technologique. Dans cer-tains autres, par ailleurs, on tient à pratiquer uneinitiation à la technologie à la fois plus pratique etplus sensible au travail de conception et de planifi-cation d’une production que ce qui pourrait émergerd’une approche intégrée de l’étude des sciences .11

Si l’on ne réserve en tout et pour tout que douzeunités au premier cycle, à la fois pour l’éducation

8. Voir Préparer les jeunes au XXI siècle (1994) ete

Réaffirmer l’école (1997).

9. L’insistance de P. Perrenoud sur la nécessité de bien the Subject. Innovations in Science, Mathematics andmaîtriser la perspective disciplinaire pour une interdisci- Technology Education, Londres, Routledge et OCDE,plinarité riche a certainement sa place ici (1997, p. 88). 1996, 229 p.

10. Voir entre autres, Ministère de l’Éducation et de laFormation de l’Ontario, Le Programme d’études com-mun : Politiques et résultats d’apprentissage de la 1 àre

la 9 année; Conseil des ministres de l’Éducatione

(Canada), Cadre commun de résultats d’apprentissageen sciences de la nature.

11. On trouvera des exemples intéressants de l’un et l’autrechoix dans Paul Black et J. Myron Atkin (éd.) Changing

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scientifique et pour l’éducation technologique, onrisque de se retrouver entre deux pis-aller : con-centrer les efforts sur l’éducation scientifique enconsidérant douze unités comme un minimumvital, ou bien réduire ce minimum pour faire uneplace concrète et décente à l’éducation technolo-gique. S’il n’y a pas d’amorce un peu étoffée àl’initiation technologique, qu’elle soit intégréeavec les sciences ou relativement autonome,l’espoir de valoriser des options technologiques audeuxième cycle du secondaire, dans la ligne duplaidoyer de L’École, tout un programme pour uneécole plus *orientante+ et un second cycle plus diver-sifié, perd ici un point d’appui non négligeable .12

Le Conseil considère que cette question devraitêtre réexaminée d’urgence . Ses hypothèses de13

1994 (Rénover le curriculum du primaire et dusecondaire) représentent une autre façon d’équi-librer les choses qui a, comme celle de L'École,tout un programme, et des avantages et des incon-vénients. Cette dernière optique ne paraît pass’harmoniser avec l’analyse culturelle contex-tuelle, très attentive à la technologie, qu’avaitentreprise le groupe de travail sur les profils desortie (Préparer les jeunes au XXI siècle, 1994),e

analyse que le rapport Réaffirmer l’école reprendpourtant très largement à son compte. S’il y a unchoix délibéré et argumenté à retenir en la matière,on n’en trouve certainement pas les éléments dansRéaffirmer l’école ou dans L’École, tout un pro-gramme. Cela reste à approfondir.

6.2.4 Le français langue d’enseignementet l’équilibre du premier cycle dusecondaire

L’École, tout un programme propose d’allouerdeux unités de plus sur 36 au français langued’enseignement dans les écoles de langue fran-çaise, pour un total de huit par année au premiercycle du secondaire. L’intérêt de cette mesure,envisagée isolément, ne soulève pas de problèmeet ne rencontrera certainement pas d’objectionmajeure dans le public. Considérée plus globale-ment, toutefois, elle n’est pas aussi indiscutable.Diverses analyses inclinent à se demander sil’objectif poursuivi, soit une nette amélioration descompétences en langue française chez les élèvesdes écoles de langue française, ne pourrait paspasser par d’autres moyens.

Les analyses les plus courantes portant sur lesmoyens de remédier aux faiblesses qui se tradui-sent surtout par une difficulté à s’exprimer parécrit, ne vont pas d’habitude vers l’allocation d’unsurplus de temps à l’enseignement, mais plutôtdans les trois directions suivantes : le travail surune didactique plus efficace; le travail personnelde rédaction des élèves à accompagner et àaugmenter; enfin, la contribution de l’ensembledes matières à la progression dans les compétenceslinguistiques . Les deux dernières directions14

d’action sont certainement prises en considérationdans L’École, tout un programme. Ce documentsitue en partie les compétences linguistiques dansle grand domaine des compétences transversalesen déclarant que *la maîtrise de la langue doit êtreune préoccupation dans toutes les disciplines etpour tout le personnel enseignant+ (p. 19). L’autrepréoccupation, celle de rédiger davantage, donnemême l’impression d’être la raison première del’augmentation du nombre d'unités : *Le tempsconsacré au français langue d’enseignement, seraaugmenté et les enseignants et enseignantes de

12. L’École, tout un programme laisse planer un doute surl’extension d’un enseignement intégré englobant scien-ces de la vie, sciences physiques et technologie en 4e

secondaire, à la place des sciences physiques intégréesactuellement au programme. En effet, on prévoit l’exi-gence de sciences physiques de 4 secondaire poure

l’obtention du diplôme (p. 32), mais, dans le projet degrille-matières, on spécifie *sciences et technologie+.

13. Voir, dans un sens étroitement apparenté : Conseil de lascience et de la technologie, La Science et la technologieà l’école, Mémoire sur la science et la technologie dans 14. Le Conseil avait, en 1987, tenté d’attirer l’attention surla réforme du curriculum de l’enseignement primaire et ces diverses pistes dans un avis intitulé La Qualité dusecondaire, Québec, juin 1998. français à l’école : une responsabilité partagée.

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Aspects problématiques des grilles-matières 51

français s’adresseront, par conséquent, à un moins sent pas du jour au lendemain. Pourrait-on envisa-grand nombre d’élèves. Ils pourront ainsi faire ger une école, par exemple, qui prévoie pour sesdavantage écrire leurs élèves et assurer un meilleur élèves des temps de travail indépendant, des tempssuivi de chacun+ (p. 23). de projets non strictement axés sur une discipline;

Aux yeux du Conseil, l’augmentation d’office du d’être un butoir universel et presqu’un fétiche; oùnombre d'unités allouées et du temps indicatif cor- la semaine scolaire s’organise autour de périodesrespondant n’est peut-être pas la seule manière de d’enseignement et de périodes d’activités éducati-répondre au besoin. C’est certes la plus simple et ves qui vont souvent au-delà des 25 heures prescri-la moins coûteuse. Cependant, elle rend ardu le tes? Tout ce potentiel ne touche pas seulement àmaintien d’un équilibre satisfaisant dans l’ensem- un meilleur apprentissage du français, mais bien àble du curriculum. Elle conditionne beaucoup le tout l'ensemble des apprentissages proposés.temps des élèves à partir d’une contrainte imposéepar les exigences de la correction des travaux des Une dernière façon de reconsidérer cette questionélèves. a été exposée au Conseil. Elle repose en partie sur

Parmi d’autres formules qui demandent à être quée dans le principe des 75 % du temps d’unexaminées, une première pourrait consister à enseignement considérés comme adéquats auinsérer dans l’horaire des temps d’atelier en plus regard des résultats visés en vertu du programmepetits groupes, lieux privilégiés pour s’exercer à officiel : les 25 % restants sont-ils à la dispositionl’expression écrite avec une assistance quasi de l'enseignant ou bien aussi, potentiellement, duimmédiate plutôt qu’une correction tardive. Cela conseil d’établissement? Cette dernière façon den’irait pas sans plus d'enseignants et légèrement considérer la question repose aussi sur une façonmoins d’élèves par enseignant. Mais, si le bénéfice de voir la grille-matières beaucoup plus détachéeen vaut la dépense, c'est sûrement défendable. de l’allocation concrète du temps et des ressources

Une seconde formule mérite également qu’on s’y ple, parmi d’autres possibles, d’organisation duarrête. Des directions de services éducatifs et des curriculum, comme le Conseil l’a exposé, dans unedirectrices ou directeurs d’école l’ont exprimé logique centrée sur les résultats plutôt que sur lesainsi : il s'agirait de restaurer la marge de manœu- moyens.vre locale de deux unités à chaque année du pre-mier cycle pour que, si le besoin le justifie, on Malgré tout ce qui incline à favoriser l’augmenta-puisse allouer deux unités supplémentaires au tion prévue du nombre d' unités au premier cyclefrançais langue d’enseignement sans devoir pour du secondaire, le Conseil porte à l’attention de laautant le faire *automatiquement+. ministre de l'Éducation des raisons de réticence et

Il y aurait certainement, comme troisième solution ment dans les milieux scolaires. Il recommandede rechange, un travail orienté vers une pédagogiedifférenciée et plus active, ouvrant éventuellementsur une pédagogie de projets . Mais c’est la voie15

longue, exigeante, dont les bénéfices n’apparais-

où le chiffre de 36 périodes d’enseignement cesse

l’interprétation de la marge de manœuvre impli-

humaines : on peut la considérer comme un exem-

des hypothèses concrètes de rechange qui s’expri-

donc de réexaminer les avantages et les inconvé-nients des diverses façons de contribuer à unenette amélioration des compétences en françaisau premier cycle du secondaire.

Il ne faut pas détacher les analyses qui précèdentde toute la relecture antérieure du potentiel derenouvellement du curriculum inhérent aux grandsdomaines de référence, aux compétences à déve-lopper et à mettre en œuvre ainsi qu'à l’intérêt

15. Cette ligne d’action a peu en commun avec la pressionexercée par la menace d’échec. Lorsque *tout compte+ etqu’on se laisse accaparer par des grilles d’évaluationtrop sophistiquées, le temps de correction enfle démesu-rément, bien sûr. Mais l’usage constant de l’évaluationsommative ne s’impose pas.

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d’une programmation axée sur des résultats viséspar cycle d’études. Le Conseil est persuadé que,pour développer ce potentiel, il faut évoluer versun autre genre d’emprise du curriculum officiel surla structuration locale des études que celui quevéhiculent les grilles-matières des quinze dernièresannées. En même temps, quelques intentions for-mulées à l’égard des grilles-matières invitent parti-culièrement à des analyses complémentaires que leConseil soumet ici à l’attention de la ministre del’Éducation.

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CHAPITRE SEPT

Pour une stratégie de développement mobilisatrice

L’année 1997-1998 n’a pas été, comme on aurait textes de programmes révisés quant à la forme,pu l’espérer, une année d’effervescence, de dialo- suivant des consignes uniformes, puis le personnelgue et de recherche sur le terrain du curriculum. enseignant applique ces programmes après unePourquoi? Cela est dû, en bonne partie, au mau- brève sensibilisation dite *opération d’implanta-vais souvenir que gardent les professionnels de tion+.l’éducation de l’opération de révision des pro-grammes, au début des années quatre-vingt. Quelles initiatives ont été prises cette année pourRappelons que cette opération provenait d’un faire converger les positions de L’École, tout unschéma de décisions émanant du Ministère et qu’il programme avec les multiples acquis de la recher-devait être appliqué après une courte période de che contemporaine sur le développement du curri-sensibilisation appelée *implantation+. On n’a pas culum? Rien n’est manifeste encore. Pourtant, plu-suivi le processus de changement, plus inspirateur sieurs éléments de l'énoncé de politique deman-et plus valable, de la recherche sur ce terrain . dent à être approfondis, consolidés et même par-1

7.1 De multiples perplexités

Vu du côté des écoles et des milieux d’éducation,le processus de renouvellement du curriculum pro-posé par L’École, tout un programme est malenclenché. Les discours formulés dans une perspec-tive plutôt politique, au terme des États généraux,dans Réaffirmer l’école et dans le présent énoncéde politique n’éveillent pas l’écho professionnelqu’on pourrait espérer. Cet accueil tiède rappellel’absence de suite au rapport du groupe de travailsur les profils de sortie, en 1994. Celui-ci, pour-tant, appelait de tous ses vœux un relais : *Ledocument qui suit est donc un point de départ, uneinvitation à la réflexion, un encouragement à nosconcitoyens à regarder en face des questions fon-damentales et à formuler les réponses qu’ils jugentles plus appropriées.+ (Préparer les jeunes au 21e

siècle, p. 3.) Mais le relais n’est pas venu. Actuel-lement, devant les suites à donner à L’École, toutun programme, on ne peut pas dire que le relais seprépare très nettement. L’attentisme règne. La sen-sibilisation aux perspectives les plus prometteusesn’est pas très visible. Certains s'attendent à unefaçon d’appliquer la réforme qui risque d’être sem-blable à la précédente et ne s'avère guère plusouverte et mobilisante : le Ministère émet des

fois remis en question. Quelles ressources a-t-onconsacrées pour amorcer et alimenter la réflexionlocale sur les pistes les plus prometteuses? Il y ades équipes-écoles que le redécoupage géographi-que des commissions scolaires concerne très peu etqui sont prêtes à s’investir dans l’appropriation etl’articulation d’un curriculum prônant le développe-ment de compétences transversales. Or, les signauxdéclencheurs ne sont pas venus en 1997-1998. Lamise en œuvre d’un curriculum repensé et renou-velé pourrait constituer le premier grand chantierde la responsabilité institutionnelle confiée légale-ment aux conseils d’établissement, dès l’automne1998. Cependant, le pont n’est pas établi de cecôté. En fait, la perpétuation d’un genre de grille-matières qui a prévalu depuis le début des annéesquatre-vingt ne favorise pas cette harmonisation,comme le Conseil l’a indiqué dans les pagesprécédentes.

L’École, tout un programme se prête malheureuse-ment à une interprétation réductrice, volontariste ettechnocratique d’une réforme du curriculum pardécisions externes imposées. On pouvait lire, parexemple, dans un bulletin d’Info-réforme :

L’école devra mettre l’accent sur l’essen-tiel. Tous les éléments ayant été rajoutés aufil des ans seront éliminés. On ne conser-vera que les connaissances de base dontdépend directement le succès des élèves : lamaîtrise de la langue maternelle et d’unelangue seconde, celle des éléments princi-paux des mathématiques, la connaissancede l’histoire, l’initiation aux arts, aux fon-dements des sciences et l’acquisition de

1. Rappelons que l’un de ces principaux acquis, mis envaleur dans le rapport du Conseil sur le curriculum en1994, consiste à reconnaître mieux la substance ducurriculum pratiqué de fait dans les classes et les écoles,puis à définir le *curriculum officiel+, retenu par un État,par exemple, en interdépendance étroite avec le premier.

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méthodes de travail solides. À ces connais-sances essentielles s’ajouteront des aptitu-des et des comportements relatifs au déve-loppement humain et social. (Info-réforme,ministère de l’Éducation, 17 nov. 1997.)

Pourtant, l’esprit de L’École, tout un programmeest plutôt d’enrichir le curriculum en intégrantmieux ses composantes, en particulier les thémati-ques transdisciplinaires de citoyenneté, de santé etd'environnement. Comment mettre l’accent sur leschoses à éliminer puis passer sans transition à lafacette culturelle, comme si elle consistait en unecoloration ajoutée.

Nous lisons encore dans le même bulletin :

Il importe également de rehausser le niveauculturel des programmes d’études. Leurrévision prévoira explicitement l’intégrationde la dimension culturelle dans l’enseigne-ment même des matières. Une plus granderigueur est de mise dans l’ensemble ducurriculum national. Les objectifs des pro-grammes doivent être clairs ainsi que leurlien avec les autres disciplines. (Ibid. )2

On peut percevoir ici l’un des malaises majeurs,peut-être, du processus d’implantation qui semblese mettre en place : s’agit-il avant tout d’unerédaction de textes de programmes officiels dotésde ces qualités de rigueur et de clarté, de produireun corpus de programmes officiels qui, considéréssolidairement, formeraient le curriculum national?Si tel est le cas, nous sommes en grave danger derevivre les déceptions des expériences du débutdes années quatre-vingt, à l'époque où l’expression*se faire implanter un programme+ se disait avecironie. Ou bien s’agit-il d’améliorer les chancesd’apprendre des élèves, entre autres par un travailsérieux sur les programmes officiels? Quand lesenseignants et enseignantes lisent, dans le mêmebulletin : *un nouveau programme appeléProgramme des programmes contiendra toutes lescompétences dites transversales, c’est-à-dire lescompétences permettant de transférer dans diffé-

rents domaines d’activité un savoir acquis dans uncontexte particulier+ (Ibid.), ils craignent uneforme de fétichisme devant les textes : c’est écrit,c’est à faire, c’est comme si c’était déjà mis enœuvre dans les classes.

7.2 Des méthodes éprouvées

Les recherches et les évaluations portant sur lesmultiples efforts de renouvellement du curriculumentrepris dans divers États et pays, depuis deuxdécennies, ont contribué à dégager des constantes.Elles sont convergentes avec les conclusions plusgénérales qu’avait récemment dégagées le Conseilsur la maîtrise du changement, d’une part (1995),et sur le nouveau type de gestion que demande laprésente conjoncture (1992), d'autre part.

Parmi les résultats les plus fermes de la recherchesur l’efficacité d’une stratégie de changement enmatière de curriculum, il faut considérer les sui-vants, qui sont des conditions de réussite d'unchangement véritable :

1. la nécessité d’un leadership professionnelenraciné dans la communauté intellectuelle;sinon, on agit par règlement et on changesurtout l’appellation des choses;

2. la nécessité d’un concept très clair de l’espritdu changement, qui puisse mobiliser un con-sensus sur l’essentiel : par exemple, une valo-risation des compétences transversales, uneinfusion de créativité dans l’ensemble du sys-tème pour l’amélioration du curriculum;

3. l’importance de la recherche pour une analysecontinue de la situation et une mise à jourconstante, car un processus de renouvellementdu curriculum sérieusement enraciné dans larecherche ne peut pas consister en un viragesubi une fois tous les quinze ans;

4. l’importance d'expériences pilotes pour testerles modèles qui émergent;

5. l’importance de l’évaluation des *impactsenvironnementaux+, comme on les appellevolontiers; par exemple, dans certaines zonesdu Québec, on connaît un décrochage chez les

2. Ce quasi-décalque d’un passage de L’École, tout unprogramme, p. 13-14, est significatif par les déplace-ments d’accent qu’il apporte. La rigueur ne va plus dansl’école mais dans le curriculum.

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Pour une stratégie de développement mobilisatrice 55

garçons au secondaire qui atteint près de auquel le groupe de travail sur le curriculum avait50 %; d’où la question : quels sont les liens sérieusement songé.potentiels entre la réforme du curriculum et lapossibilité de remédier à cette situation? En second lieu, le Conseil s’inquiète de la mise en

6. l’activation de partenariats entre groupes inté- œuvre de cette réforme en ce qui touche son échéan-ressés : une bonne réforme du curriculum per- cier. L’échéancier proposé dans Réaffirmer l’écolemet de surmonter la réticence des écoles et du est à la fois très linéaire et fort long. On y place enpersonnel enseignant, à appeler la contribution quelque sorte sur le même pied des domainesdes parents et de la collectivité locale en vue d’enseignement où tout est à construire et d’autres,d'une meilleure mise en œuvre du curriculum. où il n’y a pas de problème particulier. Faut-il par

Les processus de changement trop linéaires, hiérar- cycle d’anglais langue seconde au primaire avantchiques et très circonscrits dans le temps ont géné- même que les élèves de 3 année abordent uneralement donné des résultats décevants et superfi- première année d’anglais, qui se faisait jusque-làciels, faut d’avoir parié sur le dynamisme et le pro- en 4 année? Rien n’est moins sûr. Par contre,fessionnalisme du milieu scolaire. Pour échapper à outiller les enseignantes et enseignants du primairel’ambivalence actuellement perçue, il faut penser pour faire mieux qu'une transmission de connais-très soigneusement la stratégie de changement et sances livresques en éducation scientifique est unl’outiller adéquatement. Dans un contexte de valo- chantier de longue haleine requérant des ressour-risation de l’emprise locale sur la qualité de l’édu- ces substantielles et méritant une période suffi-cation par les conseils d’établissement, le pilotage sante de mise à l’essai.du système doit en particulier s’appuyer sur desinstruments fins et crédibles de suivi, sur une Aux yeux du Conseil, il n’est pas du tout évidentsupervision très attentive à la créativité du réseaudes écoles.

7.3 Des inquiétudes légitimes àlever

Le Conseil supérieur de l'éducation désire attirerl’attention de la ministre de l’Éducation sur troiséléments d’un processus de mise en œuvre de laréforme du curriculum. Ces éléments paraissentparticulièrement incertains dans les circonstancesprésentes.

En premier lieu, le Conseil s’inquiète de l’avenirde la mise en œuvre de cette réforme en ce quitouche les ressources de recherche et de déve-loppement qu’elle requiert : elles n'ont pas étémises en place jusqu’à maintenant, ni au Ministère,ni dans le réseau des écoles, où les équipes de con-seillers et conseillères pédagogiques voient leurspostes diminuer de façon draconienne, ni encoredans un organisme tiers de développement etd’innovation à la fois pédagogique et curriculaire,

exemple à tout prix un nouveau programme par

e

e

qu’on ne puisse pas aborder dès maintenant le chan-tier du deuxième cycle du secondaire, sans attendreque tout le curriculum rénové du premier cycle soiten place. De même, pour l’essentiel, on peut s’atta-quer dès maintenant aux grands pans du premiercycle du secondaire sans qu’un troisième cycle duprimaire complètement rénové ait émergé. Certes,l’an 2006 est encore loin. Pour mettre en œuvreplus tôt et plus vigoureusement le renouvellement,toutefois, il faut éviter que rien ne se réalise avantque le Ministère n’émette un premier texte réviséde programmes, et éviter sans doute aussi qu’unepremière mise à l’essai soit universelle et impéra-tive. Bon nombre d’écoles ne demandent pasmieux que de contribuer à l’émergence mêmed’une première mise à l’essai d’un nouveau pro-gramme. Mais, pour s’inspirer d’une méthode dedéveloppement curriculaire de plus en plus cou-rante dans divers pays, méthode qui mobilise desécoles pilotes comme terrains d’expérimentation etde validation dans le travail sur des programmesnationaux ou officiels, le Ministère doit impéra-tivement se donner les ressources humainesrequises. Si telle est la priorité, la gestion des

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56 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

conditions concrètes d’action doit pourvoir au d’un leadership repris et relayé par les acteurs clésnécessaire. que sont les directeurs et directrices d’école, les

Un dernier point mérite une brève analyse pour les enseignantes et enseignants chevronnés capa-donner toutes ses chances de réussite au vaste bles de susciter autour d’eux des réappropriationschantier d’actualisation et d’enrichissement du innovatrices de responsabilités liées au curriculum.curriculum : il s’agit d’une compréhension justedu rapport nécessaire entre curriculum etpédagogie. Car il y a, à ce sujet, toutes les condi-tions objectives d’un vaste malentendu. Le rapportdu groupe de travail sur le curriculum, Réaffirmerl’école, a réagi à juste titre contre une sorted’hyperpédagogisme de bien des programmesélaborés dans les années quatre-vingt. En effet, ilest malsain de présenter un tout petit programmeaccompagné d’un très gros guide pédagogique, s’ils’agit de communiquer à tout prix une perspectivepédagogique. Cela évoque une vision des ensei-gnants comme étant des exécutants plutôt que desprofessionnels autonomes et compétents. Cepen-dant, à l’extrême opposé, penser que des program-mes comme ceux qu’appelle L’École, tout un pro-gramme peuvent n’évoquer aucune pratique ouperspective pédagogique préférable, est aussi unevue de l’esprit dangereuse. La preuve en est quec’est dans le sillage d’efforts majeurs de renouvel-lement pédagogique qu'à émergé une jonctionadéquate entre domaines de connaissance et com-pétences transversales à construire dès l’école.Certes, le versant pédagogique du renouvellementdu curriculum demande une attitude de leadershipde la part du Ministère, plutôt qu'un geste d'auto-rité formelle et décisionnelle; mais les exigences ration d'une stratégie efficace pour une mise ende ce leadership n'en sont pas moins concrètes : le œuvre réussie du renouvellement du curricu-soutien fourni en matière de ressources de recher- lum, une grande attention soit apportée à lache et de développement sera un facteur décisif de sensibilisation des milieux scolaires auxréussite quant à la mise en œuvre du renouvelle- perspectives essentielles du renouvellementment du curriculum. proposé, aux ressources de recherche et de

Sur le plan administratif, le ministère de l’Éduca- en œuvre qui soit à la fois souple et mobilisateur.tion s’emploie naturellement et normalement àinstaurer les conditions structurantes et facilitantesd'une rénovation permanente du curriculum. Maison ne peut dissocier les éléments structurels (tou-chant le régime pédagogique, les règles négociéesd’organisation du travail, les règles budgétaires)

3

conseillères et conseillers pédagogiques ainsi que

De même, la mise à contribution des équipesuniversitaires de formation des maîtres agissantcomme partenaires avec des écoles volontairespour les expériences pilotes les plus utiles consti-tue une stratégie très prometteuse, préférable peut-être à des mesures de formation continue unifor-mément appliquées.

Même si tout n’est pas formalisé du côté des règle-ments touchant les régimes pédagogiques, il y aamplement matière à ce que l’année 1998-1999soit dans les écoles une année de réflexion, decommencement d’application (pensons, par exem-ple, aux équipes fonctionnant par cycle au pri-maire), de validation (d’exploration par exempled’une progression intégrée de l’initiation scientifi-que au premier cycle du secondaire ) et de planifi-4

cation concertée de la part des conseils d’établisse-ment (quelle figure donner, par exemple, à undeuxième cycle du secondaire plus diversifié quantaux parcours éducatifs des élèves?). Entre desapproches rivales, soit bureaucratique et centrali-sée, soit mobilisatrice et décentralisée, d’un pro-cessus de mise en œuvre, un choix clair s’impose.En ce sens, le Conseil recommande à la ministrede l’Éducation de veiller à ce que, dans l'élabo-

développement requises et à un rythme de mise

3. En outre, la mise en place des conseils d’établissementrenforce la nécessité de fournir à leurs membres desoutils de travail facilitant leur familiarisation avec ledomaine du curriculum.

4. Télé-Québec serait à préparer une émission d’animationpédagogique visant précisément à explorer cette piste dedéveloppement.

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ConclusionSavoir tirer parti d’une conjoncture privilégiée

Dans cet avis, le Conseil a exploré ce que rendpossible et ce que peut susciter, à certaines condi-tions, l’énoncé de politique éducative L’École, toutun programme. Il a porté plus particulièrement sonattention sur les assises et les fondements d’unenouvelle perspective sur le curriculum. Il s’estefforcé de mettre en lumière le potentiel et lafécondité d’un ensemble cohérent de domaines deconnaissance comme ancrage du curriculum, laplace accordée aux complémentarités interdiscipli-naires, l’intérêt des compétences transversales et 2. Le Conseil invite, en second lieu, à étoffer et àles affinités de cette nouvelle perspective sur le approfondir les domaines d’expérience et decurriculum avec des pratiques et des convictions connaissance auxquels renvoient les diversespédagogiques. Cet énoncé de politique laisse espé- matières. Les compétences transversales devantrer des possibilités de renouvellement qui sont, s’articuler avec l’ensemble des enseignementsdepuis un certain temps déjà, attendues de la partdu milieu scolaire. Par cet avis, le Conseil incite às’engager dans la mise en œuvre des orientationsproposées, à s’approprier dès maintenant ces nou-velles assises qui, bien que perfectibles, sont déjàprometteuses d’un curriculum plus riche, pluscohérent et mieux adapté aux nouvelles exigencesde formation. Le temps y est propice et la conjonc-ture, favorable. L’énoncé de politique même inviteen ce sens, ouvre des voies et se présente tel unappel au dynamisme du milieu scolaire.

Pour soutenir le mouvement maintenant lancé,pour qu’il soit bien instrumenté et le plus productifpossible pour la qualité de l’éducation, le Conseil aformulé quelques recommandations à l’intentionde la ministre de l’Éducation. Les premières por-tent sur ce que l’on a appelé les assises d’un curri-culum repensé. Les autres concernent quelquesaspects précis des régimes pédagogiques en révi-sion et l’un ou l’autre aspect de la mise en œuvredu changement proposé.

1. Le Conseil invite, en premier lieu, à prendregarde à une possible interprétation restrictivedes missions de l’école qui ne rendrait pasjustice à l’ensemble de l’énoncé de politiqueL’École, tout un programme. C’est pourquoile Conseil recommande à la ministre del’Éducation de veiller à ce que l’interpréta- culum du primaire et du secondaire, le Conseiltion concrète des missions de l’école res-pecte une compréhension large et ouverte,

plutôt que restrictive; conséquemment, leConseil souhaite que la mise en œuvre de laréforme des programmes rende pleinementjustice à ce que promeut L’École, tout unprogramme, à savoir le développement decompétences intellectuelles, le développe-ment personnel en tant que domained’apprentissage et la valorisation de l’édu-cation à la citoyenneté.

et des activités éducatives, le Conseil recom-mande à la ministre de l’Éducation que le**Programme des programmes++ ait un statutexploratoire, qu’il soit un point de départde travaux multiformes de développementdu curriculum plutôt qu’une consigne défi-nie une fois pour toutes, renvoyant tout lefardeau de la mise en œuvre à la débrouil-lardise des milieux scolaires

3. Étant donné le rapport particulier des étudesprimaires avec l’interdisciplinarité et toutel’importance que l’on désire donner aux com-pétences transdisciplinaires ou transversales, leConseil recommande à la ministre de l’Édu-cation d’élaborer, pour l’enseignement pri-maire, un programme intégré plutôt quedes programmes parallèles par matièred’enseignement: un programme qui déploieles domaines de référence du curriculum,qui définit et explicite les compétencestransversales, et qui présente les visées desdiverses matières et les résultats attendusd’une façon qui favorise et soutienne unevéritable intégration interdisciplinaire.

4. Préoccupé d’éviter l’attentisme dans lesmilieux scolaires et de sensibiliser ceux-ci aupotentiel du renouvellement amorcé du curri-

recommande à la ministre de l’Éducationd’engager formellement les ressources du

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58 Pour un renouvellement prometteur des programmes à l’école

ministère de l’Éducation dans des démar- plus substantielle à l’égard de la structura-ches de soutien au développement pédago- tion du curriculum et de l’allocation consé-gique et curriculaire qui répondent aux quente des ressources ainsi qu’avec l’espritidéaux d’enrichissement du curriculum d’un curriculum moins cloisonné et plusd’une part et, d’autre part, d’agencer les sensible aux résultats visés, ce que promeuttravaux de renouvellement des program- par ailleurs L’École, tout un programme.mes de façon à mobiliser au mieux leséquipes enseignantes qui travaillent déjà outravailleront dans ces perspectives.

5. Pour que soient prises en compte les affinitésentre les orientations pédagogiques et lerenouvellement du curriculum et afin d’éviterqu’on ferme la porte à une progression vers lamise en valeur de résultats attendus au termede diverses étapes du parcours scolaire S dansla perspective des *profils de sortie+ S leConseil recommande à la ministre de l’Édu-cation de voir à ce que soient rassemblésdans un document officiel de type **Pro-gramme des programmes++ les éléments sui-vants : 1) une réarticulation plus fouillée dedomaines de connaissance servant de réfé-rence fondatrice au curriculum; 2) commeil a déjà été prévu, une articulation deshabiletés spécifiques et surtout transdisci-plinaires, se regroupant en faisceaux decompétences transversales; 3) une esquissedes liens entre ces deux composantes quifavoriserait à terme l’émergence de stan-dards de progression jalonnés de seuilsrepères (couramment appelés benchmarksen Amérique du Nord); 4) et enfin, uneexploration des affinités du nouveau curri-culum avec des convictions et des pratiquespédagogiques.

6. Se référant aux régimes pédagogiques esquis-sés dans L’École, tout un programme, leConseil a voulu attirer l’attention sur la formede ces régimes, d’une part et, sur plusieurspoints particuliers, d’autre part. À cet effet, leConseil recommande à la ministre de l’Édu-cation de faire en sorte que les mesuresnécessaires soient prises afin d’harmoniserle genre même des grilles-matières avec larevalorisation d’une responsabilité locale

7. En continuité avec la position qu’il a constam-ment tenue depuis plusieurs années à proposdu régime pédagogique, le Conseil recom-mande à la ministre de l’Éducation d’éta-blir à 25 heures hebdomadaires le temps deprésence à l’école des élèves du primaire.

8. Reconnaissant l’importance de l’enseignementdes sciences de la nature et des scienceshumaines dans la formation des élèves duprimaire, le Conseil recommande à la minis-tre de l’Éducation de remettre en questionl’hypothèse d’un retrait de l’éveil aux scien-ces de la nature et aux sciences humainesdu premier cycle du primaire.

9. À propos du régime pédagogique du secon-daire, le Conseil souligne le caractère problé-matique de l’intégration proposée de l’éduca-tion technologique et des études scientifiques,en même temps que de la place qui leur estfaite au premier cycle du secondaire. LeConseil n’a pas émis de recommandation surcette question pour l’instant, mais il souhaiteque l’on pousse plus loin la réflexion à cetégard.

Quant à l’apprentissage du français dans lesécoles de langue française, le Conseil recom-mande à la ministre de l’Éducation deréexaminer les avantages et les inconvé-nients des diverses façons de contribuer àune nette amélioration des compétences enfrançais au premier cycle du secondaire.

10. Enfin, pour que les milieux scolaires tirent lemeilleur parti possible, au bénéfice des élèves,du mouvement de renouvellement du curricu-lum qui s’amorce, le Conseil recommande àla ministre de l’Éducation de veiller à ce

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Conclusion S Savoir tirer parti d’une conjoncture privilégiée 59

que, dans l’élaboration d’une stratégieefficace pour une mise en œuvre réussie durenouvellement du curriculum, une grandeattention soit apportée à la sensibilisationdes milieux scolaires aux perspectives essen-tielles du renouvellement proposé, aux res-sources de recherche et de développementrequises et à un rythme de mise en œuvrequi soit à la fois souple et mobilisateur.

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Conseil supérieur de l’éducation

MEMBRES DENIS, Gaston

SAINT-PIERRE, CélinePrésidenteMontréal

NEWMAN, JudithVice-présidente Commission scolaire English-MontréalMontréal Westmount

AUROUSSEAU, Chantal HARRIS, RichardÉtudiante au doctorat et chargée de cours Professeur titulaireUniversité du Québec à Montréal Département de physiqueMontréal

BLONDIN, MichelDirecteur de la formationFondation d’éducation et de formation économique Enseignante au primaireFonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ) École de la RenaissanceMontréal

BORODIAN, AlineÉtudiante au 2 cyclee

Faculté de pharmacie Directeur généralUniversité de Montréal Commission scolaire Pierre-NeveuSaint-Laurent Mont-Laurier

BOUTIN, Nicole LAJOIE, JeanDirectrice des études CommissaireCégep Montmorency Commission municipale du QuébecOutremont Pointe-au-Pic

CÉRÉ, Robert MONTICONE, PietroDirecteur Directeur, secteur de l’ÉducationÉcole Sophie-Barat RISO Canada inc.Commission scolaire de MontréalMontréal

CÔTÉ, ÉdithProfesseure agrégée formation professionnelleFaculté des sciences infirmières Commission scolaire Marguerite-BourgeoysUniversité LavalQuébec

Ex-directeur du programme de maîtriseFaculté des sciences appliquéesUniversité de SherbrookeSherbrooke

GATINEAU, Marie-ClaudeDirectrice régionale

Université McGillLachine

JUANÉDA, Linda

Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-ÎlesSainte-Thérèse

LAJEUNESSE, Bernard

Lorraine

RATHÉ, Jean-PierreDirecteur de l’éducation des adultes et de la

Pierrefonds

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ROY-GUÉRIN, Marie-LissaConseillère pédagogique Commission scolaire des Portages-de-l’OutaouaisGatineau

SERGERIE, PâqueretteCommissaire-parentCommission scolaire des Chic-ChocsSainte-Anne-des-Monts

TOUSSAINT, MichelDirecteur généralCégep de La PocatièreLa Pocatière

MEMBRES D’OFFICE

CÔTÉ, GuyPrésident du Comité catholiqueLaval

JACKSON, GrahamPrésident du Comité protestantLoretteville

MEMBRES ADJOINTS D’OFFICE

CHAMPOUX-LESAGE, PaulineSous-ministreMinistère de l’Éducation

CADRIN-PELLETIER, ChristineSous-ministre associée pour la foi catholiqueMinistère de l’Éducation

HAWLEY, Grant C.Sous-ministre associé pour la foi protestanteMinistère de l’Éducation

SECRÉTAIRES CONJOINTS

DURAND, AlainLAMONDE, Claude

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Liste des publications récentes et encore disponiblesdu Conseil supérieur de l’éducation

AVIS Pour un accès réel des adultes à la formation

Modifications au Règlement sur le régime desétudes collégiales (1998) 50-0422

La Formation continue du personnel des (1996) 50-0409entreprises : un défi pour le réseau publicd’éducation (1998) 50-0421

Les Services complémentaires à l’enseigne- l'action (1996) 50-0408ment : des responsabilités à consolider (1998)

50-0420

L’École, une communauté éducative. Voies derenouvellement pour le secondaire (1998)

50-0419

Recherche, création et formation à l’université :une articulation à promouvoir à tous les cycles (1998) 50-0418

Enseigner au collégial : une pratique profes-sionnelle en renouvellement (1997)

50-0417

Pour une formation générale bien enracinéedans les études techniques collégiales (1997)

50-0416

L’Autorisation d’enseigner : le projet d’unrèglement refondu (1997) 50-0415

Projet de règlement modifiant le règlement surle régime pédagogique de l’éducation pré-scolaire et de l’enseignement primaire(1997) 50-0414

L’Intégration scolaire des élèves handicapés eten difficulté (1996) 50-0413

Contre l'abandon au secondaire : rétablirl'appartenance scolaire (1996) 50-0412

Le Financement des universités(1996) 50-0411

continue (1996) 50-0410

La Création d'un établissement public d'ensei-gnement collégial dans le sud de Lanaudière

Pour un développement intégré des serviceséducatifs à la petite enfance : de la vision à

La Réussite à l'école montréalaise : une urgencepour la société québécoise (1996) 50-0407

Pour la réforme du système éducatif : dixannées de consultation et de réflexion (1995)

50-0406

Des conditions de réussite au collégial :réflexion à partir de points de vue étudiants (1995) 50-0405

Une école primaire pour les enfantsd'aujourd'hui (1995) 50-0403

Pour une gestion de classe plus dynamique ausecondaire (1995) 50-0402

Le Partenariat : une façon de réaliser la missionde formation en éducation des adultes (1995)

50-0401

La Création d'un établissement d'enseignementcollégial francophone dans l'Ouest de l'île deMontréal (1995) 50-0399

Réactualiser la mission universitaire (1995)50-0398

Rénover le curriculum du primaire et dusecondaire (1994) 50-0397

L'Enseignement supérieur et le développementéconomique (1994) 50-0396

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Vers un modèle de financement en éducation ÉTUDES ET RECHERCHESdes adultes (1993) 50-0394

Le Régime pédagogique pour l'éducation desadultes dans les commissions scolaires (1994)

50-0393

Des conditions pour faire avancer l'école (1993) 50-0391

L'Enseignement supérieur: pour une entréeréussie dans le XXI siècle (1992) 50-0388e

Évaluer les apprentissages au primaire : unéquilibre à trouver (1992) 50-0387

Accroître l'accessibilité et garantir l'adaptationSS L'éducation des adultes dix ans après lacommission Jean (1992) 50-0386

En formation professionnelle : l'heure d'undéveloppement intégré (1991) 50-0384

La Formation professionnelle au secondaire : faciliter les parcours sans sacrifier la qualité (1991) 50-0383

RAPPORTS ANNUELS SUR L'ÉTAT ET LESBESOINS DE L'ÉDUCATION

1996/1997 SS L’Insertion sociale et profession- secondaire : défis, limites et conditions denelle, une responsabilité à réalisation (1995) 50-2082partager 50-0166

1995/1996 SS Pour un nouveau partage des professionnelle au secondaire : contexte etpouvoirs et responsabilités en enjeux (1995) 50-2081éducation 50-0164

1994/1995 SS Vers la maîtrise du changement réalité à gérer (1993) 50-2080en éducation 50-0162

1993/1994 SS Les Nouvelles Technologies del'information et de la commu-nication : des engagementspressants 50-0160

La Formation continue du personnel desentreprises SS Vers la gestion des compétencespar l’entreprise et par chaque employé (1998)

À propos des interventions d’insertion et deleur impact (1997)

Examen de certaines dimensions de l’insertionprofessionnelle liées au marché du travail (1997)

Les Conséquences psychologiques du chômage :une synthèse de la recherche (1997)

L’Insertion professionnelle des diplômées etdiplômés : le langage des chiffres (1997)

À propos de la régionalisation en éducation etdu développement social : étude exploratoire (1997)

La Concomitance de la formation générale et dela formation professionnelle au secondaire (1996) 50-2084

L’École montréalaise et son milieu : quelquespoints de repère (1996) 50-2083

L’Alternance en formation professionnelle au

Vers un nouveau parcours de formation

L'Éthique dans la recherche universitaire : une

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