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Le 22 septembre 2012, s’est tenu le « 3ème Forum des RASED » organisé par l’AFPEN, la FNAME et la FNAREN avec le concours de l’AGEEM et l’ANCP, l’AGSAS et le GFEN, Le thème de ce forum était : « L’école en souffrance violence et décrochage scolaire » ****************** Que ce soit en cours de récréation, dans les couloirs, dans une classe ou encore à l'extérieur de l'école, chacun d'entre nous a croisé le chemin d'un enfant, d'un élève, d'un enseignant ou d'un parent en ‘’souffrance’’. Le Larousse donne la définition suivante du mot : ‘’souffrance’’ : Fait de souffrir, état prolongé de douleur physique ou morale. A ce moment crucial de la Refondation de l’école : Peut-on dire que l'école, notre école est en souffrance ? Est-elle responsable de cette douleur occasionnée ou en est-elle victime ? D’où vient cette violence croisée perceptible ? Quels que soient les chemins sinueux et complexes qu'emprunte la souffrance, aucun de nous ne peut rester insensible, inactif et sans réaction. Il nous faut trouver des réponses pour aider, apaiser, faciliter le retour du plaisir de vivre. Ce 3ème forum des RASED s’inscrit dans cette recherche, en apportant, grâce à ces échanges fructueux, de réelles perspectives d'évolution. Le Bureau National de la FNAME Forum des RASED 2012 - Notes Thérèse BOISSELIER – FNAME page 1 Octobre 2012 Spécial Forum des RASED I N T E R A C T I O N S n° 34

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Page 1: Octobre 2012 Spécial Forum des RASED - fname.fr · décrochage scolaire, phobies, burn-out, dépression, suicide… sont évoqués pour les enfants et pour les enseignants et font

Le 22 septembre 2012, s’est tenu le

« 3ème Forum des RASED »organisé par l’AFPEN, la FNAME et la FNAREN avec le concours de l’AGEEM et l’ANCP, l’AGSAS et le GFEN,

Le thème de ce forum était :

« L’école en souffrance violence et décrochage scolaire »

******************

Que ce soit en cours de récréation, dans les couloirs, dans une classe ou encore à l'extérieur de l'école, chacun d'entre nous a croisé le chemin d'un enfant, d'un élève, d'un enseignant ou d'un parent en ‘’souffrance’’.Le Larousse donne la définition suivante du mot : ‘’souffrance’’ :Fait de souffrir, état prolongé de douleur physique ou morale.

A ce moment crucial de la Refondation de l’école :Peut-on dire que l'école, notre école est en souffrance ?Est-elle responsable de cette douleur occasionnée ou en est-elle victime ?D’où vient cette violence croisée perceptible ?Quels que soient les chemins sinueux et complexes qu'emprunte la souffrance, aucun de nous ne peut rester insensible, inactif et sans réaction. Il nous faut trouver des réponses pour aider, apaiser, faciliter le retour du plaisir de vivre.

Ce 3ème forum des RASED s’inscrit dans cette recherche, en apportant, grâce à ces échanges fructueux, de réelles perspectives d'évolution.

Le Bureau National de la FNAME

Forum des RASED 2012 - Notes Thérèse BOISSELIER – FNAME page 1

Octobre 2012Spécial Forum des RASED

INTERACTIONS

n° 34

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Forum des RASED 2012 - Notes Thérèse BOISSELIER – FNAME page 2

Page 1 : Edito

Page 2 : Sommaire

Page 5 : Mot d’accueil de Sylvie MET PARET,(vice présidente de la FNAME)

Page 6 : AFPEN : intervention de Jean Louis LE RUN(Pédopsychiatre)

Page 11 : FNAME : intervention de Pierre PERRIER(Professeur en Sciences de l’éducation)

Page 16 : FNAREN : intervention d’Eric DEBARBIEUX(Professeur en Sciences de l’éducation)

Page 20 : Table Ronde avec les invités associatifsANCP, AGEEM, AGSAS, GFEN

3ème FORUM DES RASED

« L’école en souffrance :violence et décrochage scolaire »

Forum organisé parl’AFPEN, la FNAME et la FNAREN

avec le concours del’ANCP, l’AGEEM, l’AGSAS et le GFEN

Samedi 22 septembre 20129H45 – 16H30

Entrée libre et gratuite

Bourse du Travail / Salle Croizat3, rue du Château d’eau - 75010 Paris

Métro République ou Bonsergent

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L’école en souffrance :violence et décrochage scolaire

Pour sa troisième édition, le FORUM des RASED, organisé par les trois associations et fédérations des professionnels des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté, avec à ses côtés l’ANCP, l’AGEEM, l’AGSAS et le GFEN, vous invite à partager leurs réflexions.

Nous souhaitons dans ce nouveau contexte politique, réfléchir à l’état de l’école pour prendre place dans sa probable et nécessaire refondation. L’école est-elle en souffrance ?

Souffrances vécues, ressenties à l'école par des enfants rencontrant des difficultés scolaires bien sûr, mais aussi celles des enfants s'enfermant dans la violence ou maltraités par leurs pairs, celles aussi des enseignants se trouvant parfois démunis face à des classes surchargées, hétérogènes et difficiles à gérer, et pour qui un soutien des RASED est devenu de plus en plus difficile à obtenir. Violence, harcèlement, décrochage scolaire, phobies, burn-out, dépression, suicide… sont évoqués pour les enfants et pour les enseignants et font parfois la Une des journaux.

Ce forum veut aborder ces sujets et poser la question de la prévention :

Dans quelles mesures ces souffrances initiales ressenties dès l’école primaire jouent-elles un rôle dans le processus du décrochage scolaire constaté au collège ?

Si l’école ne peut pas tout, ne peut-elle pas toutefois représenter un lieu pacificateur privilégié pour comprendre, contenir et limiter la violence ?

Comment prévenir cette souffrance et éviter les comportements d’opposition et de rejet vis-à-vis de l’institution scolaire, et par voie de conséquence, vis-à-vis des apprentissages ?

Quelles interventions possibles devant la souffrance d’un enseignant ? Quel type de formation envisager ?

Dans une société qui évolue très vite, où la précarité, l’urgence et l’immédiateté influent de plus en plus sur les trajectoires scolaires, nous sommes persuadés qu’il est primordial de réfléchir, de débattre, afin d’imaginer ensemble une école qui devienne un lieu d’accueil bienveillant et contenant, permettant à tous les enfants de parcourir au mieux leur scolarité, et aux enseignants d’être mieux formés pour faire face aux inévitables difficultés liées à ce métier.

On pourra aussi s’interroger sur certains points plus précis : la place des parents dans l’école, les liens à entretenir avec les partenaires et structures extérieures, le rôle des personnels des RASED et la définition de leurs missions, au cœur d’un système éducatif en évolution.

Ce forum sera l’occasion d’aborder tout ou partie de ces questions à partir d’interventions situées dans différents champs (pédagogiques, psychologiques, sociologiques) et d’échanger lors de la table ronde de l’après-midi, sur le point de vue des partenaires associatifs, des invités et des auditeurs.

Il nous permettra de réaffirmer l’importance capitale d’une école qui accompagne l’enfant dans sa vie d’élève, son épanouissement personnel et citoyen. Il est plus qu’urgent de nous questionner sur le devenir et les enjeux de l’école aujourd’hui afin de rechercher ensemble des réponses pour que celle-ci devienne un lieu d’accueil et un lieu de vie bienveillant, favorisant la socialisation, l'émancipation et la scolarisation de tous.

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Programmede la

journée

L’invité de l’AFPENJean -Louis Le Run (pédopsychiatre)" Mieux comprendre et mieux résoudre les tensions à l'école. "Médecin Chef du 1er secteur de psychiatrie infanto-juvénile de Paris.Hôpitaux de Saint-MauriceRédacteur en chef de la revue « Enfances et Psy ».

L’invité de la FNAMEPierre Périer"Quels principes de justice dans les rapports entre les familles populaireset l'école ?"Professeur en Sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2Chercheur au CREAD

L’invité de la FNARENEric Debarbieux"Comment aider l'école ?"Professeur en Sciences de l'éducation à Paris-Est CréteilDirecteur de l'Observatoire international de la violence à l'école

Table ronde avec nos invités – ANCP – AGEEM – AGSAS - GFEN

ANCP Association Nationale des Conseillers Pédagogiques.AGEEM Association Générale des Enseignants des Écoles et classes Maternelles publiques.AGSAS Association des Groupes de Soutien Au Soutien.GFEN Groupe Français d’Éducation Nouvelle.AFPEN Association Française des Psychologues de l’Éducation NationaleFNAME Fédération Nationale des Associations de Maîtres EFNAREN Fédération Nationale des Associations de Rééducateurs de l’Éducation Nationale

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« L’école en souffrance :violence et décrochage scolaire »

Forum organisé parl’AFPEN, la FNAME et la FNAREN

avec le concours del’ANCP, l’AGEEM, l’AGSAS et le GFEN

Mot d’accueil par Sylvie MET PARET, vice-présidente de la FNAMEBonjour et bienvenue à tous pour cette 3ème édition du Forum des RASED, merci à nos invités pour leur présence à nos côtés.

Nous l’avons organisé en partenariat avec Colette DARSAC chargée de la relation avec les partenaires, au sein du BN de la FNAREN, dont la présidente est Maryse CHARMET, Daniel TRAMONI vice-président de l’AFPEN dont la présidente est Véronique LE MEZEC, et moi-même, Sylvie MET PARET vice-présidente de la FNAME, accompagnée par son président Alain THOMAZEAU, avec l’aide de notre équipe, membres de nos BN respectifs que vous pouvez apercevoir parmi nous.

Un stand est installé sur l’estrade, derrière nous….

Ce Forum des RASED a été créé par les 3 fédérations professionnelles des RASED afin de pouvoir élargir ce moment si essentiel et devenu parfois si peu réalisable qu’est ce temps de synthèse où nos 3 spécificités croisent leurs regards.

Vous savez bien que désormais ce temps de regards croisés qui fait notre force, notre originalité et nous donne notre efficacité est réduit à « peau de chagrin » pour certaines équipes.

En vous proposant une nouvelle édition du Forum, nous avons répondu à vos demandes et allons tenter cette année d’affiner le concept en nous projetant sur la partie « Forum ». Ce nom de « Forum des RASED » a été choisi pour tout ce qu’il évoque comme volonté d’échanges. Nous allons donc écouter nos invités, que nous remercions vivement pour leur présence puis, nous avons souhaité une interaction bien plus intense avec vous cette année, en vous demandant de bien vouloir vous manifester par vos remarques, vos questions, afin que nous puissions au mieux réaliser les échanges entre nous.

En ce moment où le projet de refondation de l’école requiert voire monopolise à juste titre toute notre attention, où la concertation est en cours, où les enjeux sont majeurs notamment pour les missions de RASED, nous avons souhaité réfléchir ensemble sur l’école en souffrance, violence et décrochage scolaire, à partir des interventions de nos spécialistes, puis à nos côtés, nos amis partenaires que sont l’ANCP, l’AGEEM, l’AGSAS, le GFEN qui nous permettrons d’enrichir cette journée lors des échanges qui se feront autour d’une table ronde. Ce thème a été choisi dans le contexte européen « Education et formation 2012 », puisque l’Europe a fait de la lutte contre le décrochage scolaire un objectif majeur.

Je vous rappelle les sujets que nous souhaitons aborder :

Dans quelles mesures ces souffrances initiales ressenties dès l’école primaire jouent-elles un rôle dans le processus du décrochage scolaire constaté au collège ?

Si l’école ne peut pas tout, ne peut-elle pas toutefois représenter un lieu pacificateur privilégié pour comprendre, contenir et limiter la violence ?

Comment prévenir cette souffrance et éviter les comportements d’opposition et de rejet vis-à-vis de l’institution scolaire, et par voie de conséquence, vis-à-vis des apprentissages ?

Merci à vous et bonne journée, je laisse la parole à l’AFPEN.

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AFPEN – intervention de l’invité de l’AFPEN

Mot de Véronique LE MEZEC, présidente AFPEN, qui espère que nous allons pouvoir échanger ensemble sur les problèmes de violence à l’école, problème qui concerne tous les acteurs de l’école : enfants, parents, adultes et institution.

Daniel TRAMONI, vice-président accueille et présente le Docteur Jean-Louis LE RUN, pédopsychiatre : connu pour sa pratique de travail en réseau avec tous les acteurs de l’enfance, il propose des espaces d’écoute, des pôles de rencontre pour les parents. Jean-Louis LE RUN s’est intéressé à la place du père, à la problématique de l’adoption, notamment, sujets qu’il a développés dans plusieurs ouvrages…

Il va aujourd’hui nous présenter sa pensée sur les violences à l’école.

Intervention de Jean-Louis LE RUN (pédopsychiatre)

Médecin Chef du 1er secteur de psychiatrie infanto-juvénile de Paris. Hôpitaux de Saint-Maurice. Rédacteur en chef de la

revue « Enfance et Psy »« Mieux comprendre et mieux résoudre les

tensions à l’école. »

Jean-Louis LE RUN nous dit son plaisir d’intervenir dans le cadre du forum des RASED et de pouvoir parler d’un sujet d’actualité, celui de la violence à l’école, avec ses multiples causes. Ne faisant pas partie du monde de l’école, il souhaite apporter le regard d’un partenaire concerné, du fait notamment des liens entre secteurs de la psychiatrie et écoles (enfants suivis pour des problèmes liés à la tension ou la violence qu’ils rencontrent ou vivent à l’école ; rencontres dans le cadre de réunion d’équipes éducatives). Son propos sera centré sur la violence.

Définition : étymologiquement, le mot « violence » vient du latin « vis » qui signifie « la force » sans égard à la légitimité de son usage, la violence est donc un abus de la force, elle repose sur l’agressivité mais ne doit pas être confondue avec celle-ci. L’agressivité peut être un moteur pour se dépasser, elle est aussi à la source de la conscience morale (Freud), et contribue à forger le Sur-Moi. La violence, c’est l’agressivité mal contrôlée, destructrice. Sur les écrans, elle fascine. Elle peut être individuelle ou collective, dirigée contre l’autre ou contre soi. Elle peut être physique ou verbale : il y a des mots qui détruisent, ou des silences qui taisent ce qui doit être dénoncé.

La violence surgit du conflit mais peut aussi être gratuite, source de jouissance dans le sadisme. Elle peut servir d’intimidation : la meilleure défense c’est l’attaque !

Elle peut-être un moyen éducatif : souvenir des coups ou humiliations à l’école il y a une cinquantaine d’années (voir les travaux de Merle sur le sujet de la violence de l’école).

Jean-Louis LE RUN évoque les contextes cliniques nombreux où l’enfant peut se montrer violent : la violence alimente la nébuleuse des troubles du comportement, qui s’expriment dans le passage à l’acte, forme repérable de la violence, qu’ils soient exceptionnels ou répétitifs.

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Avant de passer à l’acte l’enfant connaît un malaise croissant qu’il ne parvient pas à mettre en mot. Il s’agit pour lui d’échapper à un vécu insupportable, de trouver une réponse à une tension : le recours à la violence est alors une façon de retrouver un rôle actif après un moment de passivité. L’acte violent réalise un corps à corps qui rétablit la distance avec l’autre, autre vécu subitement comme intrusif et nié dans son altérité.

Le passage à l’acte peut parfois exprimer quelque chose symboliquement, on parle plutôt alors de « passage par l’acte ».

L’enfant peut répéter des violences subies ou entrevues : l’acte violent peut être lié à une identification à l’agresseur (2 définitions/identification à l’agresseur, selon les auteurs : pour Anna Freud, l’enfant reproduit la menace de castration ; pour Ferenczi l’enfant se sacrifie pour garder l’amour de l’agresseur en reproduisant les violences qu’il a subies et en se clivant)..

Exposition d’un cas avec trouble envahissant du développement (TED) : enfant avec crises de violences impressionnantes pour son âge (arracher un radiateur), crises brutales, peu prévisibles, à l’occasion d’une frustration ou remarque insupportable. La est mère déprimée et très obsessionnelle, en arrêt de travail, le père plus âgé avec un statut social inférieur à sa femme, du mal à s’exprimer car parlant mal le français ; cet enfant rejouait répétitivement des scénarios transgressifs, des scènes qui dégénéraient où les forces de l’ordre étaient pires que les malfrats ; il utilisait de façon massive des défenses maniaques, une omnipotence avec besoin de contrôler ce qui se passait obligeant le thérapeute à rappeler la loi en permanence. Petit à petit l’enfant, rassuré sur la solidité du cadre, a commencé à changer de jeu : via la construction d’une maison en papier, il a symbolisé un contenant dans lequel il posait des objets retrouvés d’une séance à l’autre ; il a ensuite construit un château avec un jardin, puis a abandonné ses scénarios transgressifs et les crises de violence ont été de plus en plus rares ; parallèlement, un travail a été fait avec les parents pour amener la mère à lâcher son emprise sur son enfant et le père à s’investir auprès de lui, à partager des moments avec son fils. Maintenant, l’enfant représente les choses symboliquement, et peut parler de son vécu. On voit le rôle d’offrir un espace pour dessiner, parler, être capable de symboliser pour dépasser la violence.

La violence peut être plus maîtrisée voire préméditée, relevant de conduites de domination destinées à prendre l’ascendant sur l’autre ou sur un groupe : c’est une façon de garder une emprise sur ce qui risque d’échapper et aussi d’échapper à la peur,.

La violence peut aussi résulter de la bêtise et cruauté, avec un déficit d’empathie, l’empathie étant la capacité à s’identifier à l’autre. La violence est le signe d’une difficulté à s’identifier à l’autre.

On retrouve aussi la recherche compulsive de conflit, comme besoin de chercher des limites, d’obtenir une punition ou simplement une réponse. C’est un moyen d’exister, d’attirer l’attention chez des enfants qui ne savent pas comment faire autrement pour que l’on s’intéresse à eux, y compris bien sûr en classe.

La violence peut prendre la forme de jeux exutoires à l’excitation, par exemple dans la cour de récréation, ou de dérives violentes de jeux anodins répétés parfois dans une relation duelle sadomasochiste (enfant qui devient bouc émissaire du groupe).

Certains groupes favorisent la décharge de l’excitation sur un bouc émissaire : ce qui entraine un repli sur soi, une dépression chez la victime. Vu de l’extérieur, on a l’impression que les enfants boucs émissaires ne sont pas toujours convenablement protégés par l’institution.

Plusieurs caractéristiques favorisent le rôle de victime : la différence (physique, culturelle ou sociales, psychique), l’isolement, le fait de ne pas comprendre l’agression ni savoir comment y répondre. L’indifférence des adultes/situation joue un rôle favorisant pour la violence. Les enfants victimes de ces violences de groupes se confient peu aux adultes, ils ont honte et peuvent penser à mourir. Résultat de cette situation, la victime veut se punir de sa propre lâcheté en retournant la violence sur elle même.

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Violences sur soi : exemple de Sandrine, adolescente vu en urgence pour des scarifications de plus en plus importantes. Ses difficultés commencent à l’école primaire où elle est victime de racket de la part d’une camarade d’école qui a beaucoup d’emprise sur elle. Ni ses parents ni l’école ne s’étaient aperçu de rien. Aux prises avec la souffrance de cette relation sado-maso, Sandrine s’est mise à aller plus mal quand elle a été séparée de sa persécutrice. Elle déprime et a honte de cette relation qui a dégradé son estime d’elle-même. Elle avait pensé à mourir, a chuté scolairement, a renforcé la mauvaise image d’elle-même.

À cette souffrance, s’ajoutent des problèmes avec sa famille qui permettent de comprendre ses scarifications: elle est en opposition avec sa mère qui vivait mal son licenciement de l’entreprise familiale au même moment. L’intérêt des parents est monopolisé par les difficultés de son frère qui fait les 400 coups. Enfin la famille est victime d’agression pendant les vacances : son père qui les défend courageusement est agressé violemment, tailladé au niveau du torse.

Le symptôme des scarifications était surdéterminé et peut se comprendre comme suit : en se tailladant les poignets, il y a identification à l’homme courageux, le père ; dans le même temps, elle se punissait des attaques contre sa mère, dans un processus d’identification à mère qui a raté professionnellement, elle échoue scolairement et est victime d’abord d’une autre puis d’elle même… Après quelques mois de suivi psychologique, elle a arrêté de se taillader mais est venue à sa séance avec des piercings dont elle est très fière. Quelques mois plus tard encore, elle raconte qu’elle veut devenir « perceuse », ouvrir une boutique de piercing : cela coïncidait avec le moment où sa mère s’était reprise et avait ouvert d’une boutique de bijoux fantaisie. Elle finira par choisir de s’orienter vers un CAP de coiffure.

Son cheminement passe par le fait de passer de la passivité à un rôle actif où elle retourne d’abord l’agressivité contre elle-même, puis la transforme en forme socialement acceptable en se réinvestissant narcissiquement, puis projette un métier dans lequel elle serait l’acteur tout en s’identifiant à sa mère, pour aboutir à un projet professionnel assez cohérent.

Dimension familiale de la violence : à chercher dans les dysfonctionnements familiaux, la répétition transgénérationnelle. Pistes à explorer : le climat familial avec violences subies ou le climat familial avec violences conjugales, ou les séparations très conflictuelles avec conflits de loyauté pour l’enfant ; parfois, cela peut être des carences éducatives (absences de filtrage télé, par exemple).

La violence est au fondement du lien : le bébé commence par construire, reconstruire un objet extérieur d’attachement. Le bébé développe alors les prémisses du phénomène culturel, dans l’aire intermédiaire transitionnelle si bien décrite par Winnicott.

Au cours du développement l’agressivité primaire va évoluer en partie (par liaison avec la libido) vers le sadisme qui est la jouissance prise à faire souffrir, et en partie vers l‘emprise qui vise à s’approprier, contrôler et débouchera sur la prise et l’apprendre. La période du non, période d’opposition est fondamentale. L’enfant s’y affirme en s’opposant et met à l’épreuve l’autorité parentale et les limites. Les réponses de l’entourage sont primordiales dans l’acquisition de la capacité à supporter la frustration et l’interdit. Les colères de l’enfant vont céder le pas à des comportements plus adaptés grâce à la réparation qui succède et conforte le lien.

Le développement de la pensée et du langage joue un rôle très important car il permet d’absorber le conflit et offre des réponses plus élaborées. L’agressivité ou la violence va pouvoir se déplacer du corps vers la parole. Vers trois quatre ans la plupart des enfants abandonnent les comportements violents envers les autres. Plus tard les agressions vont devenir verbales (il me traite…) L’éducation apprend à l’enfant à réprimer son agressivité et à l’orienter vers des buts sociaux par la sublimation. Cet apprentissage est difficile car il vient contrarier la toute puissance narcissique du

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moi idéal. Le passage de celui-ci au surmoi et à l’idéal du moi, la renonciation aux bénéfices régressifs, n’est possible que s’il est étayé sur une relation affective et est compensé par un enrichissement du moi. Celui-ci développe alors une appétence sociale et culturelle, éveillée par l’entourage, nourrie à bon escient et garantie par la loi. Initiée dans la famille et les lieux de petite enfance cette évolution se prolonge à l’école qui associe le rapport au groupe classe, à l’enseignant, au groupe des pairs, et à l’institution scolaire et ses représentants. Les jeux entre pairs fourniront un exutoire à l’agressivité. Pour les enfants qui n’abandonnent pas la violence, il faut les aider à passer à une autre forme d’expression. L’apprentissage de la sublimation est très difficile, ce qui suppose un étayage par une relation affective qui permet le renforcement du moi. Initiée par la famille, cette évolution qui permet d’évacuer la violence, se poursuit à l’école.

L’école est une grande source de frustration qui peut générer de la violence.

Conclusion sur l’école maternelle : enjeux fondamentaux à la maternelle. Les RASED doivent intervenir le plus possible à cet âge de la maternelle : si l’enfant arrive prématurément, s’il n’est pas prêt et s’il n’est pas bien accompagné dans cette première entrée à l’école… Lorsque les conditions d’accueil de l’enfant exigent de lui un effort démesuré, survient une rupture dans la connaissance de soi-même qui va entraîner une souffrance : angoisse de séparation, dépression, voire à l’extrême une dépersonnalisation responsable d’un isolement (ou d’une adhésivité) défensif protecteur. Cette angoisse peut aussi activer une défense maniaque responsable d’agitation, de toute-puissance et d’agressivité volontiers externalisée sur les autres. Ces défenses, si elles ne sont pas comprises, peuvent entraîner un rejet ou une marginalisation de l’enfant de la part de l’enseignant, renforçant les difficultés, engendrant un cercle vicieux et entravant le développement de sa socialité, alors que des aides seraient possibles.Les adultes doivent aider les enfants à trouver des contenants à la désorganisation pulsionnelle.

A l’heure actuelle, importance d’inscrire l’enfant dans un projet qui ne soit pas seulement pédagogique : il y a moins de violence dans les établissements où il y des projets et du travail en équipe.

Le rôle du RASED - psychologue de l'Education nationale et enseignants spécialisés - des services de santé scolaire est capital : permettre de comprendre la violence comme mode de fonctionnement pas toujours explicite mais toujours sous-jacent.

Parole à la salle :

Vous avez parlé du conflit de loyauté quand il y a divorce. Il y a aussi un conflit de loyauté entre la culture de l’école et celle de la société, qui peut aussi amener à la violence.

J-L LR : toutes les séparations sont toujours conflictuelles mais ne génèrent pas toujours un conflit de loyauté (seulement quand un parent interdit à l’enfant d’entendre l’autre parent). La différence culturelle peut effectivement générer un conflit de loyauté en particulier si les parents n’encouragent pas l’adhésion au modèle scolaire ou que l’école ne tient pas compte des références culturelles de l’enfant.

SNUIPP : allusion aux prédispositions liées aux situations familiales. Mais à la maternelle, la violence peut être liée au fait que des enfants ne comprennent pas ce qui se passe pour eux (surcharge des effectifs, contraintes nouvelles).

J-L LR : oui, la maternelle c’est le lieu de la première socialisation. Tout dépend de là où ils en sont de leurs développement psycho-affectif, certains ont déjà construit une sécurité intérieure qui leur permet d’aborder cette entrée à l’école. Leur agressivité, naturelle et propre à cet âge,

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s’estompe ; d’autres qui ont développé un attachement insécure vont être mis en difficulté par le grand groupe et la socialisation qu’implique l’école. La personnalité de l’enseignant a des incidences aussi. Certains parents ne sont pas du tout à l’aise avec l’école et l’école les renvoie à des vécus négatifs. Les enfants n’arrivent pas du tout égaux à l’école, école qui doit tenter de s’adapter à ces différences.

Violence de l’institution elle-même : certains enseignants ne prennent pas toujours en compte des différences culturelles ; en niant tout ce que les enfants savent à l’origine du fait de leur culture d’origine, une violence est faite à l’enfant. Une autre violence, c’est celle de la maternelle où on empêche l’enfant de jouer en supprimant progressivement les espaces jeux des classes de maternelle.

J-L LR : ne pas caricaturer ce qui se passe à l’école. De l’extérieur, beaucoup de choses se passent souvent bien dans beaucoup d’équipes. Jean-Louis LE RUN partage la remarque sur la place du jeu à l’école maternelle où l’on privilégie trop souvent les fiches.

UNSA : violence familiale, violence institutionnelle évoquées. Pose la question sur la violence environnementale des médias auxquels les enfants sont soumis de plus en plus. Avez-vous perçu une évolution / place des médias avec images violentes dans l’environnement des enfants ?

J-L LR : oui, de plus en plus de violences dans les médias, mais aussi accès aux sites sur internet sans aucune possibilité de reprise et de parler ce qui est vu. Il est essentiel de travailler sur l’accompagnement de l’enfant dans leur accès aux médias : certains enfants sont effectivement confiés à la télévision ou aux ordinateurs, sans possibilité d’échanger sur ce qu’ils voient. Mais en 30 ans, le changement c’est l’envahissement des médias qui a augmenté. Les pathologies ont été mises en évidence également. Très difficile aujourd’hui pour certains parents de jouer leur rôle de pare-excitation ; pour certains enfants, ce sont les médias qui jouent le rôle de « parent ».

Psychologue scolaire : comment mieux résoudre, quand on sait que beaucoup de familles n’iront pas consulter à l’extérieur, comment mieux résoudre à l’intérieur de l’école ?

J-L LR: aspect travail en équipe. En hôpital de jour, on a affaire à des enfants qui attaquent beaucoup les liens, parfois aussi on se demande comment intervenir pour aider l’enfant. Les synthèses, échanges, parfois, permettent que l’enfant aille mieux : il s’agit alors de redonner un sens aux projections perçues comme insensées de l’enfant. Même procédure à reprendre à l’école, avec présence des tiers que sont les personnels RASED, ce qui permet de se dégager, d’avoir un autre point de vue.

Mais on demande parfois à l’école de résoudre ce qu’elle ne peut pas résoudre : l’école ne peut pas tout résoudre.…

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FNAME – Intervention de l’invité de la FNAME

Pierre PERIER – Professeur en Sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2-

Chercheur au CREAD« Quels principes de justice dans les

rapports entre les familles populaires et l’école ? »

Présentation par Sylvie MET PARET :

Bonjour Pierre Périer,Merci pour votre présence parmi nous, merci d’avoir accepté l’invitation de la FNAME afin de nous présenter ainsi vos travaux de recherche sur une question qui nous interpelle en ce moment clé.

Pierre PERIER, vous êtes sociologue et professeur en Sciences de l’éducation à l’Université Rennes 2, chercheur au CREAD (centre de recherches sur l’éducation, les apprentissages et la didactique). Les recherches que vous avez engagées ces dernières années s’inscrivent dans une sociologie des acteurs dans des contextes scolaires parfois difficiles. Vous vous intéressez aux problématiques d’enseignement, de scolarisation et de socialisation dans les quartiers populaires. Celles-ci sont envisagées du point de vue des enseignants, des élèves et des parents.

Vous avez choisi de donner comme titre à votre intervention :

Quels principes de justice dans les rapports entre les familles populaires et l'école ?

Pierre PERIER.

Le propos va porter sur les questions de justice dans les rapports entre les familles et l’école, du côté des familles populaires et des enfants qui rencontrent des difficultés précoces et durables, particularité des enfants des familles populaires.

La violence qui est dans le thème du forum sera parlée de façon indirecte, au travers du sentiment d'injustice vécu par certains parents. Dans ce but, la question de la reconnaissance des uns et des autres ou des uns par les autres, question centrale, mérite d’être regardée de plus près, notamment du côté des parents qui ont l’impression de « bien faire », alors qu'on attend d'eux ce dont ils ne sont pas capables.

Pierre PERIER se propose de retracer la genèse de ce qu’on appelle le partenariat, qui est avant tout une préoccupation de l'institution scolaire de voir les parents davantage impliqués dans la scolarisation des enfants et disponibles pour répondre aux attentes des enseignants et de l'école.

Jusque dans les années 80, il existait des associations qui assuraient un relais entre les parents et l'école. Surtout, la demande était moindre vis-à-vis des parents mais une pression nouvelle s’est faite sur l’école pour faire réussir les enfants en raison d'une exigence sociale de qualification et de politiques en quête de toujours plus d'efficacité. Il n’y a pas si longtemps, les élèves en difficulté ne suscitaient pas les mêmes préoccupations car les conséquences individuelles et sociales de l'échec étaient moindres. Aujourd’hui, il y a une attente de l'institution mais aussi une pression des familles parce que l’école a un poids croissant sur la formation et le destin des individus. On n’a jamais autant demandé aux parents de participer et de s’impliquer : la pression sur eux augmente en même

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temps qu'augmente la pression scolaire. Les évaluations et classements scolaires interviennent dès l’école maternelle, et imprègnent précocement et durablement la vie des familles.

L’enchâssement école/famille s’est donc installé dans les années 80, avec une idée présupposée ou plutôt un impensé : les parents sont en capacité d’aider leur enfant, de s'approprier les normes et codes de l'école. En réalité, on le constate aisément, les parents sont très inégalement dotés et compétents face à ce type d'attentes implicites, de sorte que l'on crée avec les « meilleures intentions », la figure de parents « incapables », c'est-à-dire « déviants » par rapport aux normes de l'institution. Ce piège qui se referme sur les parents de milieux populaires nourrit un profond sentiment d’injustice car il y a inégalité en termes de statut, du fait de la place que l’on fait à chacun à l’école, mais inégalité également entre les enfants plus ou moins accompagnés et soutenus par leurs parents.

Quelle est la « demande » des parents : reconnaissez-nous comme ce que nous sommes et non comme ce que vous attendez que nous soyons. En ouvrant la « boîte noire » du partenariat, on comprend qu'elle requiert des parents qu'ils se conforment à leur rôle de « parent d’élève » qui fait d'eux des auxiliaires de l'école ou des recours. L'obligation morale du partenariat s'adresse implicitement à un parent « idéal », plus proche des classes moyennes et supérieures.

Quelle compréhension les parents ont-ils des demandes de l’école ?

Ainsi, la question, si évidente en apparence, de l'échange avec les parents, fait problème. On peut invoquer plusieurs raisons : - les difficultés de maîtrise de la langue mais aussi les difficultés à argumenter, à se faire

comprendre, à faire entendre sa « voix », et que l’on y prête attention ;- le sentiment que le pouvoir est du côté de l’école et que les parents sont dépossédés de leur

enfant, - le risque d’être mal perçues et mal jugées donc, un risque de stigmatisation chez ces familles

lorsqu'elles sont confrontées aux difficultés de l'enfant, sachant qu'elles connaissent par ailleurs des difficultés récurrentes dans la vie sociale (emploi, logement,…).

- Il existe des obstacles pratiques mais aussi des droits d’entrée symboliques pour franchir le seuil de l’école, du portail ou de la classe : des seuils de légitimité où l'on est plus ou moins autorisé. Il y a comme une gradation dans l’espace qui est signifiante des positions des uns et des autres comme on le voit avec ces parents qui n'osent pas rentrer dans l'enceinte de l'école.

Comment trouver la « bonne distance » pour les parents qui sont dans la méfiance ou dans la crainte (la « peur »), qui éprouvent un sentiment d’impuissance mais aussi de domination face à l'école et aux enseignants ? En ce sens, il peut y avoir des effets pervers à vouloir rapprocher les parents de l’école, à leur demander de se comporter comme des « parents d’élèves ». Car cela contribue à souligner la distance ou l'absence de certains et à creuser l'écart entre les membres des classes moyennes ou supérieures, acculturés à l'école, et les familles populaires ou immigrées qui n'ont guère fréquenté l'école et portent un passé scolaire parfois douloureux. La culture scolaire joue la connivence culturelle avec certains, se frotte et se heurte à la dissonance avec les autres….

Loin de s'adresser à tous, le partenariat met à distance une partie des parents car il y a non rencontre ou non communication avec ces parents « absents » qui vont être assimilés à des parents désintéressés ou démissionnaires. Or leur position est avant tout l'expression de leur impuissance face à l'école. Les rapports relèvent alors d'un différend qui porte sur les règles de l’échange, sur les rôles et responsabilités des uns et des autres, sur la division du travail scolaire. L'absence de complémentarité et d'accord se fait au désavantage des parents qui ne peuvent pas suivre leurs enfants ou le travail scolaire. Les inégalités se renforcent pas ce biais et fécondent le sentiment d’injustice, profond quoique rarement exprimé comme tel.

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Quelles sont les réactions de la part de ces parents ?

Plutôt que l'affrontement, les parents vont vouloir se soustraire au jugement et au regard de l’institution : le retrait est une façon de se protéger de l’atteinte à l’image et l'estime de soi. Il y a un fil rouge qui court de l’élève à l'enfant et de l'enfant aux qualités éducatives des parents. Voir ce rôle de parent indirectement mis en cause peut engendrer des blessures identitaires, non intentionnelles de la part de l’école, qui sur-responsabilise les familles et les discréditent. Les parents essaient alors de se faire oublier, pour préserver leur identité et leur dignité. L’attente de justice est alors déçue car les parents ont un sentiment de déséquilibre dans l’échange avec l'école qui les gratifie peu et les culpabilise beaucoup.

Une autre conséquence serait la responsabilisation précoce des enfants de la part des parents qui lui délèguent la conduite de sa scolarité, dont il devra endosser la charge morale, non sans risque. Les parents sont pris dans un processus où ils s’en remettent à l’école ou à l'enfant, par impuissance et non par dénégation ou démission.

Il semble donc essentiel, dans un souci de justice scolaire et de reconnaissance des personnes, de repenser les rapports entre l'école et les familles. Après 30 ans de partenariat, cette politique est dans l'impasse en ne parvenant pas à s’adresser à toutes les familles et surtout pas à celles qui pourraient en avoir le plus besoin. Question : faut-il continuer à penser les relations parents /école en termes de communication et de participation? Attendre trop des parents ou ce dont ils ne sont pas capables, c’est d’emblée les mettre en difficulté et ne pas les reconnaître. L'école impose des règles et des normes qui favorisent certaines et renforcent l’impuissance des autres.

Pour conclure : il semble nécessaire à ce stade d'ouvrir des perspectives nouvelles, de poser des jalons pour reformuler le problème et, selon nous, déplacer l’enjeu de communication vers un enjeu de légitimation et de reconnaissance mutuelle. L’enjeu, c’est d’inventer un langage commun, des significations communes, des règles d’échange partagées. On peut en cerner les formes et contenus à partir de trois termes :

- Le malentendu renvoie à l'incompréhension et à des difficultés de communication. Peut-on plus et mieux communiquer avec les parents ? Cet objectif, si récurrent dans le discours de l'institution, suggère implicitement un travail d’explication auprès des parents qui ne « comprennent » pas l'école. Or, on ne crée pas ainsi les conditions de la communication et du partenariat puisque d’emblée, il y a un déséquilibre : l'école dit de manière unilatérale ce qu'elle attend des parents à qui il faut expliquer comment se conformer. On est bien loin d'une éthique de la discussion qui serait attentive à associer les parents à la définition des objectifs qui les concernent.

- Le différend oppose des paroles hétérogènes, des raisons individuelles qui ne disposent pas de normes partagées pour s’entendre (comme c'est le cas sur le mode de la connivence culturelle). Sans langage et règle commune, on génère des tensions et conflits qui ne peuvent être tranchés, avec le risque de durer au détriment de la scolarité de l'enfant.

- La mésentente pose la question de la considération accordée à la parole des parents et de la manière de s’entendre sur ce qui est soumis à discussion. Les effets de position et de disqualification symbolique des parents montrent qu'il leur difficile d'accéder à une égalité des statuts avec les acteurs de l'école et de se comprendre, y compris avec les mêmes mots.

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Se joue donc dans les relations école/familles, la possibilité d'une reconnaissance mutuelle.L’idée, c’est bien de s’appuyer sur les connaissances et les compétences des parents, ne pas leur demander d’être ce qu’ils ne sont pas ou ne pourront pas devenir, mais s'appuyer sur leurs propriétés et qualités. Ainsi, à rebours du partenariat, nombre de parents ont pour norme de ne pas intervenir et de faire confiance à l'école. Il importe dès lors de délimiter des domaines de compétences et rôles des uns et des autres. Il y a un enjeu à reconnaître les formes d’implication des parents en valorisant ce dont ils sont capables, à leur mesure, et voir que tout un ensemble de signe, en partie invisibles, témoigne de la place symbolique faite à l’école dans l'espace domestique. Ou encore, comment créer les conditions d'accès des parents à leurs droits (que beaucoup ignorent) ? Comment associer les parents sans vouloir les conformer, ne pas les mettre (plus) en difficulté, ni les culpabiliser ?

Bref, inventer un langage commun qui fonde l’accord et l’égalité.

Parole à la salle :

Avez-vous pu observer des écoles publiques dans lesquelles il existe un autre mode de fonctionnement, avec un lieu spécifique de rencontres, d’échanges, entre parents, enseignants, membres RASED ?

Pierre Périer : A l'école à Rennes où j'ai enquêté, existe un lieu qui fait une place matérielle et symbolique aux parents. L’analyse de cette expérience montre néanmoins une faible fréquentation de ce lieu par les parents, du moins une appropriation par une minorité ayant pour effet d' « exclure » d'autres parents. A l'évidence, l’espace parents n’est pas la bonne réponse (à quel problème) et surtout pas la seule ? C’est dans la diversité des formes du lien que l’on peut espérer améliorer les rapports familles/école. En général, les dispositifs existants ne font que s’adresser à un sous-ensemble de parents, et c’est insuffisant. Il s'agit de diversifier, afin d'enrichir les modalités de relations associant le plus grand nombre des familles. Penser à d’autres actions ou dispositifs, en innovant davantage.

Tableau un peu noir dressé . Il existe pourtant des dispositifs qui travaillent à un climat apaisé entre les familles et l'école. Il y a dégradation de ces relations au fil de la scolarité de l’enfant. Le rapport d’égalité entre parents et école est faussé, mais c’est vrai aussi dans le domaine de la santé ou de la justice. Il y a une nécessité de clarifier les rôles. Quelle perception des savoirs et de l’école ? Quels sont les leviers à lever, les choses à faire évoluer dans ce qu’on demande à l’école et aux familles … On est du côté de l’empilement de connaissances, alors qu’il faudrait parler plus de compétences que de savoirs.

Pierre Périer : Le tableau peut paraître un peu sombre, mais il est regardé sous l’angle particulier d’un quartier populaire en éducation prioritaire. Le trait n’est pas noirci, épaissi, mais plutôt extrême dans ses contours, car choisi pour mieux comprendre les impasses et contrastes qu’il peut y avoir dans les liens familles/école. L’important c’est l’identification de principes de justice sur lesquels on peut s’appuyer pour penser l'action et atténuer les inégalités. Car il y a une triple inégalité : celle des enfants en difficulté d’apprentissage, celle pour aider les enfants à la maison, celle de parents impuissants face à l’école. Il me semble nécessaire de considérer les parents à égalité des enseignants en tant que personnes conscientes de l'enjeu d'apprentissage et de réussite de l'enfant, ce qui ne veut pas dire que les parents sont à égalité de rôle ou de responsabilité des enseignants pour atteindre cet objectif.

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Un tel objectif pose aussi la question du recrutement et de l'affectation des personnels enseignants : il y un grand décalage entre les enseignants, souvent « bon élèves » issus de milieux des classes moyennes ou supérieures, et les familles populaires, et donc un risque d'incompréhensions mutuelles accrues.

Problème de la réflexion à mener avant de rencontrer les familles : l’institution met aussi les enseignants en difficulté par manque de formation.

Faire rentrer les parents à l’école : attention de ne pas transformer les parents en élèves. Souvenir de fêtes de quartier dans le lieu école. Importance de créer du lien social. Exemple de la région parisienne où il y a un important problème de logement qui touche plus que les pauvres et les étrangers. Il s’agit de prendre en compte tous les problèmes d’exclusion et de se mobiliser pour que tous les enfants soient scolarisés, dans le respect mutuel des uns et des autres.

Analyse intéressante : les RASED sont souvent dépositaires des difficultés portées par les familles, avec un rôle particulier des RASED pour trouver ce langage commun qui resterait à inventer.

Pierre Périer : Oui, comme sur le principe de la médiation, où il y a nécessité d’un tiers dans une relation inégale. Oui également sur la dimension collective de l'action et du regard global à porter sur l'enfant. La réserve consiste dans le risque d’étiqueter l'enfant et de l'engager dans un processus où il se retrouve dans une position et un statut pas tout à fait comme les autres. Ce qui peut paraître comme très courant pour l’institution, peut être vécu comme traumatisant par les parents ou l'enfant. Un garde-fou serait le principe de différence, qui veut que toute action engagée jamais ne doit défavoriser davantage le bénéficiaire supposé de cette action. Attention donc aux effets pervers et aux « bonnes » intentions initiales.

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FNAREN – Intervention de l’invité de la FNAREN

Eric DEBARBIEUX – Professeur en Sciences de l’éducation à Paris-Est Créteil. Directeur de l’Observatoire international

de la violence à l’école.« Comment aider l’école ? »

Présentation par Maryse CHARMET, présidente FNAREN, d’Eric DEBARBIEUX, un des premiers signataires de la Charte pour une Ecole Humaniste de la FNAREN. Eric DEBARBIEUX n’est plus le président de l’Observatoire International de la violence à l’école. Il a récemment été nommé Délégué Ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire. Pour autant, il reste chercheur à l’Université Paris-Est Créteil.

Maryse CHARMET évoque le projet de prévention mis à mal par les attaques et suppressions massives de postes G.

Eric DEBARBIEUX :Les 2 ministres de l’Education Nationale ont réaffirmé que la lutte contre le décrochage scolaire est une priorité nationale.On est dans une période meilleure, porteuse d’espoir que les attaques contre les missions des RASED cessent. L’intérêt c’est de parler de vrais problèmes et de vraies solutions.L’intervention du jour se fait dans un contexte compliqué du fait de l’actualité médiatique autour de la création de la nouvelle délégation ministérielle.

Comment aider l’école ?Concernant la violence à l’école : Eric DEBARBIEUX vient de publier un rapport après avoir mené une enquête électronique (avril-mai 2011) de victimation et de climat scolaire s’adressant aux personnels des écoles maternelles et élémentaires. Le rapport peut être téléchargé sur le site de la Fédération Autonome de Solidarité.

Il livre donc aujourd’hui l’essentiel des résultats d’une enquête (environ 12000 réponses, une mobilisation qui a permis l’analyse), en montrant en quoi cela fait écho à nos questions.

Quand la violence est là, installée dans un groupe social, c’est déjà trop tard ; d’où l’importance d’agir de façon précoce. Poser des problèmes de façon saine, non idéologiquement (sans fichage précoce), sinon il y a des risques politiques, sociaux, importants, à venir. Le problème de la violence à l’école ne doit pas être pris de manière idéologique. Toute stigmatisation augmente le risque.

Les réponses sont claires et situent le climat scolaire « entre bonheur et ras le bol ».Ce qui n’est pas surprenant, c’est ce qu’est la violence à l’école. L’école maternelle et l’école élémentaire ne sont pas à feu et à sang, c’est important de le rappeler. Une école qui a des problèmes certes, mais 90% des enfants répondent qu’ils sont plutôt bien à l’école et 88% des personnels se sentent respectés par les élèves et par les parents. Il faut donc se méfier de toute opposition entre corps enseignants et corps des parents.

L’inégalité est malgré tout très forte. Les 10% qui se sentent plutôt mal, sont d’abord des jeunes enseignants, qui ne se sentent pas respectés par les élèves, par les parents, et qui se sentent très peu soutenus par l’institution (collègues et hiérarchie).

Le climat scolaire est corrélé à la qualité des apprentissages et le bien-être à l’école.

Cette année, la rentrée a encore une fois polluée par des faits d’agressions sur des enseignants : ce

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n’est pas respecter les victimes de ces violences que de dire qu’elles sont de plus en plus agressées depuis longtemps. Car l’enquête montre un très faible pourcentage de personnels qui se disent agressés.

Donc pourquoi faire grossir cet état de fait ?

Peu d’enseignants vont porter plainte contre un enfant.

Un problème clé, celui de la violence verbale exercée par des parents d’élève : 1 membre des personnels sur 5 a été injurié par un parent d’élève, moins fréquemment les membres des RASED. Tensions donc, avec des différences selon les milieux, les contextes d’exercice. Dans les milieux favorisés, on utilise une nouvelle forme de violence, sur internet (la cyber violence). Dans les milieux défavorisés, ce sont plus des insultes et des violences physiques. La sociologie de la violence à l’école, forme et fréquence, est liée au contexte social et à l’exclusion sociale.

Un constat : nous ne sommes pas formés au dialogue interculturel ou à la communication, encore moins à la communication non violente avec les parents. Il y a donc nécessité de mettre en place des formations à ces problématiques.

Une tension verbale dépendante du milieu social et de la fonction : ceux qui sont les plus victimes de coups sont les directeurs, en particuliers les directeurs déchargés, les moins victimes de coups étant les enseignants, les personnels RASED le sont encore moins pour des raisons qui peuvent se comprendre puisqu’ils n’ont pas la même relation aux enfants et aux familles... même si un certain nombre de témoignages viennent des RASED aussi.

La violence est très peu le fait d’intrus, mais existe plutôt au sein de la relation pédagogique, par des parents ou par des élèves. Donc ce n’est pas une question de vidéo-surveillance, qui ne règlerait rien, ou de violence qui vient directement des quartiers.

Sur la violence en collège, 98% des faits sur élèves sont des faits de violences qui viennent des élèves eux-mêmes. 7% des faits de délinquance seulement sont traités par la vidéo-surveillance.Donc, quelle efficacité ? Techniquement, ça ne marche pas.

Le plus intéressant, ce sont les réponses à la question : que proposeriez-vous pour améliorer le bien-être des élèves et des personnels dans les écoles de ce pays ?

Les réponses ont été un défouloir de 12 000 pages, 8 500 réponses. Ce qui vient en premier, ce n’est pas la question des postes et des effectifs dans les classes.

Le malaise social vient en premier avec la question de la violence institutionnelle ressentie par les personnels.

Massivement, les réponses sont :

- Parents, respectez-nous, institutionnels, respectez-nous : ces réponses expriment le ras-le-bol d’un mépris social de plus en plus exprimé. A ce sentiment de mépris social, des réponses diverses qui vont du « supprimez les perturbateurs, supprimons les allocations » (4%), mais l’immensité des réponses sont sur le versant « aider les parents ». « Aidez-nous à les aider ».

- Remise en cause cruelle, totale, parfois haineuse de la hiérarchie : la remise en cause de la hiérarchie locale est énorme. « Ras le bol » d’être infantilisés, d’être utilisés.

Sur des exemples précis :

← sur les évaluations, le moment où elles ont été faites, la manière où elles ont été utilisées pour répondre aux demandes de la RGPP ;

← sur la réforme DARCOS, les rythmes, l’encyclopédisme croissant, les fameuses 108h où le sentiment d’humiliation a été important (idée de l’horloge pointeuse) alors que l’on sait que le temps passé autour de la classe et de l’enseignement est énorme et bien plus important que les 108h ;

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← sur l’application de la loi 2005 sur l’intégration du handicap : les répondants ne remettent pas en cause l’idée de l’intégration des handicapés, mais 8% disent avoir obtenu l’expulsion d’élèves pour des problèmes de comportement, 37% qui disent avoir des élèves « gravement perturbés » (handicap physique je sais faire, handicap mental je sais pas). En Angleterre, en fonction des difficultés vécues par les enfants, il y a une dotation supplémentaire d’enseignants pour traiter les problèmes qui étaient repérés. Ce que disent les enseignants français, c’est que ce n’est pas possible à la fois de supprimer les RASED (plébiscite très clair des RASED dans l’enquête) et en même temps de demander aux enseignants des classes d’intégrer des élèves handicapés, ils demandent donc d’être aidés à aider les enfants en difficulté.

- Demande d’écoles à effectifs moindres. Les recherches sont contradictoires sur l’effectif des classes : les classes à effectifs faibles, les classes spécialisées, sont celles où il y a le plus de violence, parce que ce sont souvent celles où on multiplie les difficultés. Cependant, nécessité de fixer un plafond haut des effectifs par classe.

- Demande d’enseignants spécialisés et surnuméraires pour aider les enseignants à aider les élèves en difficultés.

Il y a un vrai débat sur la prise en charge individuelle et prise en charge collective.

Mais l’urgence, c’est d’aider les enseignants dans les classes, sur des compétences nouvelles pour changer les choses : aider les enseignants par des prises en charge de groupe.

Dans d’autres pays que la France, il existe d’autres façons de faire sur la prise en charge de la violence à l’école. En France, il y a une culture du plan national qui va éradiquer la violence, qui va restaurer le respect. Dans le premier degré, des aides éducateurs ont permis d’aider les enseignants dans les classes. Mais dans le second degré, l’ajout simple de personnel supplémentaire ne résout rien.

Demande d’enseignants supplémentaires, donc, mais pour quoi faire et formés comment ?

Ce qui fonctionne le plus, en termes de prévention, ce sont d’abord des stratégies du groupe. Les enfants qui ont des patterns de comportement agressif ont des comportements qui se répètent, où la victime c’est le coupable. Nécessité de libérer les enfants de ces comportements acquis, qui sont des comportements réflexes, sinon des années plus tard, la recherche l’a montré, ce seront des adultes qui seront plus facilement dans le chômage, en marge de la société, ou avec des comportements violents au sein des familles,…

Exemple du programme contre la colère : montrer aux enfants, de façon collective, que la colère ce n’est pas beau, pouvoir en parler en groupe, pouvoir réfléchir en groupe aux solutions à proposer à ces enfants qui se sont mis en colère.

Développer l’empathie : réfléchir aux points de vue différents, aux solutions différentes, programmes qui peuvent se faire en classe.

Aider les enseignants à aider les élèves en difficulté dans leur classe est essentiel : être membre d’une équipe pour aider au sein de l’équipe et de la classe.

On n’est pas, en France, capable de penser qu’il faut parfois aussi traiter le symptôme : or, un enfant de 4 ou 6 ans n’a pas le temps d’attendre des années (le temps d’un suivi psychologique) pour être intégré dans son groupe social qu’est sa classe, pour être « acceptable en classe », parce qu’il lui faut des années pour atteindre le noyau dur de son être et qu’on ne veut pas traiter le symptôme de ce problème de comportement.

Eric DEBARBIEUX plaidera, au sein de la commission ministérielle, en faveur d’une prévention précoce à l’école, avec l’aide de tous.Aider l’école, c’est aider l’école à aider l’enfance en difficulté.

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Parole à la salle :- AGEEM : à propos de la prévention, tout à fait d’accord, mais évoque l’importance de remettre

de la formation aux activités qui permettent de travailler avec les enfants sur l’expression des émotions. Beaucoup d’activités d’expression ont peu à peu disparus des écoles maternelle, pour privilégier le cognitif. Réponse : on continue d’opposer des apprentissages dits fondamentaux à d’autres perçus comme moins fondamentaux. Plaider pour assurer la formation à la communication, la relation, l’expression, bien sûr. Les programmes nouveaux à prôner peuvent inclure ce type de réponses. Permettre aux enfants d’accéder à des stratégies d’expressions, y compris non verbales. Laissons l’école maternelle être une école maternelle. Et si on maternisait un peu l’école élémentaire ?

- Référence au traitement du symptôme : demande de précisions/prise de position en faveur d’un traitement du symptôme.Réponse : pas de refus de la réponse psychanalytique. Mais c’est souvent très long. Rappelle que le problème peut être le symptôme qui empêche l’enfant d’aller plus loin. Il s’agit de ne se priver d’aucun outil en sachant pourquoi on s’en sert. Ne pas laisser un enfant faire mal aux autres et à lui-même, sinon on le laisse croire qu’il est tout-puissant. Comment apprendre à l’enseignant à avoir une réaction non abusive ? Traiter le symptôme, c’est prendre en charge l’enfant, le calmer. Traiter le symptôme évite l’auto entretien et n’exclut pas le soin.

- La rééducation se pose la question du sens du symptôme . Le respect du symptôme ne doit pas être refus de la psychanalyse ou traitement médicamenteux. Réfléchir ensemble à comment on peut organiser les espaces ne dispense pas de se poser la question du sens du symptôme de l’enfant. Réponse : ayons une école qui soit « multicartes », et attentive à toutes les souffrances. Quel débat pour éviter les caricatures réciproques ?

- Fondamental de retravailler sur des pédagogies type institutionnelles , Freinet, OK, mais il reste des enfants très jeunes déjà dans des états de maltraitance, avec histoires particulières pour qui il est essentiel de pouvoir proposer autre chose, à un autre moment, ailleurs, à cette frange d’enfants qu’il faut prendre en compte. Réponse : totalement d’accord. Mais ça ne suffit d’avoir des AVS non formés pour pouvoir s’occuper de ce type d’enfants. Pédagogie Freinet : s’il devait retourner en classe, Eric DEBARBIEUX retravaillerait avec cette pédagogie. Mais les réponses de type coopération, pédagogie institutionnelle, ne sont que très peu citées par les enseignants qui ont répondu à l’enquête.

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Table Ronde avecles invités associatifs :

ANCP, AGEEM,AGSAS, GFEN

Présentation de la table ronde par Alain THOMAZEAU, président FNAME

Au nom des trois fédérations, je remercie M.LE RUN, M. PERIER et M. DEBARBIEUX d’avoir accepté d’être présents à ce troisième forum des RASED.

Après vous avoir écouté, nous sommes tous d’accord pour dire que le décrochage scolaire n’arrive pas soudainement à l’adolescence, mais qu’il est l’aboutissement d’un processus qui commence tôt, souvent même dès l’école maternelle, quand les enfants « n’accrochent pas ». Dans sa conclusion sur l'école maternelle, M. LE RUN a d'ailleurs insisté sur les enjeux fondamentaux de la maternelle, l’école demandant beaucoup d’efforts aux parents.

Les équipes enseignantes ont besoin d’être épaulées pour analyser la situation de l’élève et construire une réponse adaptée.

Les enfants ont besoin d’être entendus, avec bienveillance et une certaine neutralité, par des personnels formés, mais un peu à l’écart du quotidien de la classe.

Les parents ont besoin de pouvoir s’exprimer au sein de l’école et d’être entendus par des personnels garants de la confidentialité de leur discours.

Ce travail de prévention et d’accompagnement est indispensable dès la maternelle. M. DEBARBIEUX nous a affirmé qu'il plaidera, au sein de la commission ministérielle, en faveur d'une prévention précoce à l'école.

Cette prévention se fait par :

l’accompagnement des parents pour une meilleure connaissance de l’école (Inventer un langage commun qui fonde l’accord et l’égalité, nous a précisé M. PERIER).

l’aide à la gestion de la difficulté de la classe

l’aide dès l’apparition des premières difficultés de l’enfant

le repérage et l’orientation vers des personnels spécialisés

le lien avec ces personnels médico-sociaux et l’école

un espace d’écoute

Ce dispositif de prévention existe au sein de l’éducation nationale, dès la maternelle et tout au long de la scolarité : ce dispositif, c’est le RASED.

Si nous voulons prévenir le décrochage scolaire et agir à la source, il faut donc développer et renforcer les RASED.

Le quatrième temps de cette journée est consacré à une table ronde. Nous sommes heureux d’accueillir nos amis partenaires : l’AGSASS, le GFEN, l’AGEEM et l’ANCP.

Je vous rappelle que les sujets que nous souhaitons aborder figurent dans la plaquette qui vous a été remise à l’accueil.

Je laisse donc la parole à nos amis partenaires.

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ANCP : Patrick RICOLIER et Hélène CUYER .

Patrick RICOLIER : souhaite témoigner du lien entre ANCP et les fédérations RASED. Trois mots qui l’ont interpellé : culture, créativité, expression. Activités artistiques et culturelles permettent de voir les enfants autrement, ni juste ni faux, dans le cadre des consignes ou pas, permet d’exprimer quelque chose, renforce l’estime de soi, respect de l’expression des copains, renforcement des liens entre l’école et les familles.

Hélène CUYER : grand intérêt à travailler ensemble au national et au local, avec les RASED, pour aider les enseignants dans les classes. Les membres des RASED permettent d’aider des collègues qui rencontrent des difficultés à gérer des élèves porteurs de difficultés durables et persistantes, et de comportement.

AGEEM : Isabelle RACOFFIER , présidente. Association qui existe depuis 1921.

C’est le terme décrochage qui retient l’attention. Toutes les conditions sont-elles réunies pour qu’il y ait accrochage dès l’école maternelle ? I. Racoffier préfère le terme d’attaches. Sont-elles suffisantes lors de l’entrée en maternelle ? Quelles conditions indispensables pour que les attaches se fassent ?

Créer un climat de confiance dès l’inscription de l’enfant à l’école et de l’accueil par la directrice, écouter les attentes des familles et expliquer le fonctionnement de l’école. Donc parfois nécessité d’avoir des interprètes.

Faire des découvertes, afin que l’enfant découvre les lieux de vie dont il va bénéficier au mois de septembre, pour que physiquement il connaisse ces lieux. Avec invitations.

Autant de moyens de faire connaissance avec l’école, faire connaissance mutuelle.

Dès la rentrée, continuer de faire le lien entre l’école et la famille, donner des moyens de mémoriser les temps partagés à l’école avec les usagers de l’école.

Mettre en place des accueils échelonnés, quand c’est possible du fait des comptages des élèves dès le jour de la rentrée pour logique comptable / ouverture ou fermeture de classe.

S’attacher à voir l’enfant avant l’élève, leur permettant de retrouver une aisance corporelle qu’il a souvent à la maison.

Former les enseignants à travailler l’absence avec l’enfant, ce qui va aider à l’installation dans l’école maternelle.

Apporter de l’insolite qui crée plaisir, étonnement, surprise et besoin d’attache.

Motiver les équipes RASED pour aider à accueillir ces élèves de PS.

Multiplier les occasions d’inviter les familles à l’école autour d’actions, d’activités partagées à partir des cultures différentes, qu’elles soient étrangères ou non.

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AGSAS : Bernard DELATTRE, président .

Bernard DELATTRE remarque que le mot humain n’a jamais été prononcé, mais va y revenir car l’AGSAS est très attachée à cette idée de lien humain.

Depuis 2008, l’AGSAS apporte son soutien sans faille aux RASED, tout d’abord par la prise de position de Jacques LEVINE, début octobre 2008, quelques jours avant son décès. Le texte s’intitulait : « Non à la disparition des aides spécialisées à l’école. ».

Ensuite par notre participation active au Collectif de Défense des RASED et aussi, lors de cette dernière année scolaire par notre soutien actif lors de la présentation du superbe film, « Un parmi les autres », à Paris ou en province. Au total, une vingtaine d’interventions.

Même si le contexte politique a changé, comme tous ici, nous restons vigilants, mus par cette conviction profonde, celle de nous occuper des plus démunis, de ceux que l’on voudrait laisser pour compte, « les abandonnés sur le bord du chemin », disait Jacques LEVINE.

En ce qui concerne la thématique retenue pour ce troisième Forum des RASED, je voudrais faire un lien avec la 5ème journée du refus de l’échec scolaire de l’AFEV qui avait lieu mercredi dernier et qui avait aussi pour thème « le décrochage scolaire ».

Plusieurs choses m’ont frappé à l’écoute des différents experts qui se sont succédé à la tribune. C’est d’abord le fait que tout le monde sait comment il faut faire, plus de coopération, plus de travail en équipe, plus d’accompagnement… « Je suis aussi une personne dit un élève interviewé ».

Mais, comme le faisait remarquer Nathalie Mons, pourquoi ne le fait-on pas ?... puisque nous savons tous ce qu’il faut faire et pourquoi continue-t-on à se satisfaire de cette statistique d’environ 150 000 jeunes qui sortent sans formation, sans diplômes du système éducatif, chaque année ?

Un professeur d’IUFM de Lyon faisait très justement remarquer que nous parlons beaucoup du décrochage mais qu’il y aurait sans doute lieu de s’occuper beaucoup plus de l’accrochage scolaire.

Par ailleurs, il proposait qu’à l’instar de l’IDH (Indice de Développement Humain) mis en place par l’UNESCO pour étudier la qualité de vie des habitants des différents pays du monde, peut-être serait-il intéressant de regarder sur ce modèle, ce qu’il en est des établissements scolaires tant on sait quelle est l’importance du climat scolaires dans lesdits établissements. Il y a peut-être là quelque chose à creuser, selon lui. Pour faire lien avec l’accrochage, il racontait cette petite anecdote, émanant d’un formateur allemand : en France, disait-il, quand l’enfant qui est en dernière année de maternelle va passer au CP, les parents se demandent s’il saura lire à Noël. En Allemagne, dans la même situation, les parents se demandent s’il n’est pas trop tôt pour que cet enfant apprenne à lire...

Alors que tout le monde s’accorde à dire que sur le plan du développement de l’enfant, l’âge optimal moyen pour apprendre à lire se situe autour de 7 ans… pourquoi est-ce que nous continuons à précipiter les choses ?

De la même façon, pourquoi est-il si difficile de se défaire de la « constante macabre », dénoncée par André ANTIBI ?

Une intervenante, experte du système d’éducation finlandais, nous rappelait qu’en Finlande, il est interdit de mettre des notes chiffrées durant les cinq premières années de l’école fondamentale.

Pour revenir à la thématique d’aujourd’hui et essayer d’être concis, je voudrais revenir sur ce que propose l’AGSAS en regard des différentes questions posées.

Nous nous situons, à l’AGSAS, dans ce qu’Eric DEBARBIEUX appelle « la prévention primaire et la prévention secondaire ».

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La prévention primaire concerne 80 à 90 % des élèves, passe par une organisation de la classe, de l’école, qui agit sur le contexte afin d’accroître le sentiment d’appartenance des jeunes à l’établissement.

La prévention secondaire tente de prévenir les actes de violence et d’éviter l’escalade dans les relations avec des jeunes déjà identifiés comme posant des problèmes. Les classes-batailles, disait Jacques LEVINE (5 à 15 % des élèves).

Lorsque nous proposons aux enfants, dès la grande section de maternelle, des ateliers de philosophie, nous proposons que ces derniers puissent réfléchir ensemble aux grands problèmes du monde. Nous leur permettons de prendre conscience qu’ils sont capables de penser par eux-mêmes, de produire de la pensée, et de penser avec les autres, avec les pairs. En cela, nous le considérons comme un « interlocuteur valable ».

L’expérience nous montre que cet exercice développe l’autonomie des élèves, agit très favorablement sur le climat relationnel dans la classe, en même temps que cela permet à ces mêmes élèves de s’inscrire dans ce que Jacques LEVINE appelait « le Moyen Tout », le groupe d’appartenance, et aussi dans le « Grand Tout », dans son appartenance au monde, à la civilisation (cf. Edgar MORIN).

Quand nous proposons des ateliers de psychologie qui permettent à l’enfant de se décentrer puisque la question posée est du type : « que peut ressentir quelqu’un qui… se montre violent dans la cour ?... veut toujours prendre la parole ?…qui ment constamment ? », nous permettons à l’enfant d’essayer de s’approcher de ce que nous appelons « la logique de l’autre », question fondamentale à l’AGSAS, que nous retrouvons aussi dans l’analyse de pratique.

Il s’agit là d’un moyen de désamorcer la violence, de la mettre à distance par la réflexion et l’écrit, et partant, de désamorcer des conflits, là encore, le climat de classe s’en trouve amélioré.

En ce qui concerne la formation des maîtres, nous souscrivons aux propos d’Eric DEBARBIEUX, « la non formation est criminogène ».

Nous proposons, en plus de la formation disciplinaire, didactique, … que les enseignants et plus généralement les personnels d’éducation, puissent bénéficier de temps de réflexion sur leurs pratiques professionnelles. Cela nous paraît fondamental.

Un lieu de pause, un lieu que nous appelons « hors menace » :- pour dire l’insupportable, - pour chercher, avec l’aide d’une personne extérieure formée, quelle est la logique de l’autre, - pour changer de regard, - pour comprendre ce qui se cache derrière ce qui nous est donné à voir, à savoir la dimension

réactionnelle qui découle d’une dimension accidentée antérieure (concept d’écoute tripolaire créé par Jacques LEVINE),

- et surtout pour proposer des pistes de remédiation, pour sortir de ces situations frontales, pour donner ou redonner du futur, grâce à une alliance humanisante.

Et cela nous ramène, bien évidemment au travail des enseignants spécialisés que vous êtes.

Pour terminer, je voudrais vous lire quelques lignes écrites par jacques LEVINE pour la défense des RASED….

« Nous savons que l’enfant en difficulté a besoin d’être accompagné pour découvrir les forces positives qu’il porte en lui, pour faire face à l’adversité inhérente à tout parcours scolaire, forces négatives dont il est victime. Il a besoin que nous regardions de près la nature des dommages subis et que nous l’accompagnions dans la marche en avant vers une dimension positive du Moi, afin qu’il retrouve une considération en lui-même,

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Le risque de la suppression des enseignants spécialisés est la dévalorisation de l’enfant si on ne lui permet pas de puiser les atouts qui sont en lui. »

Les dispositifs mis en place par les enseignants spécialisés s’appuient sur une acceptation de l’autre tel qu’il est, pour construire avec lui, et les partenaires éducatifs, un projet qui permettra de l’accompagner dans son devenir d’élève.

« Une écoute de la partie accidentée du Moi pour engager un travail de réparation en s’appuyant sur la partie intacte du Moi et à partir de l’établissement d’une relation de coopération. »

Les membres des RASED, de par leur formation et la conception même de leur travail, connaissent ces dysfonctionnements réels ou potentiels.

L’enseignant spécialisé sent qu’il a quelque chose de très important à apporter dans ces directions vitalisantes aux enfants qui n’ont pu trouver, de façon suffisamment réussie, ce type de plaisir préalables dans leur famille, à la crèche, à la maternelle. C’est la valeur de leur Moi pensant qui est mise en question dès les premières confrontations avec l’école.

L’enfant a besoin, comme tout être humain d’être reconnu comme interlocuteur valable. Il a besoin du MRM – minimum de reconnaissance du Moi – qu’il ne pense pas trouver à l’école, dans les situations d’apprentissage. Il a besoin que l’adulte ait pour lui un désir de croissance, qu’il manifeste sa compréhension en tenant compte des forces anti-croissance dont il a été (ou est encore) l’objet.

Le problème de l’enseignant spécialisé est d’organiser une alliance personnelle qui donne sa place à un travail de confiance dans le futur qui permet à l’enfant d’être moins tributaire de la dimension accidentée et à un travail d’individuation qui permet, par le plaisir de penser qu’il procure, la réémergence de la sphère de délibération.

Il s’agit d’une réparation qui passe par d’autres chemins que l’apprentissage, notamment par le sens que prend la relation avec l’enseignant spécialisé.

Supprimer des postes spécialisés relève d’une méconnaissance de ce que sont les difficultés possibles qu’un enfant peut rencontrer dans ses apprentissages.

Les enfants qui arrivent à l’école avec de la honte et de l’arrogance, dans une non-alliance avec l’école, parfois gardiens protecteurs d’un mode de pensée et de fonctionnement familial différent de celui de l’école, ont besoin que des adultes reconnaissent leurs appréhensions et leurs difficultés, et c’est en posant ce regard sur eux que les enseignants spécialisés vont ouvrir des pistes de travail…

Vouloir faire l’économie des enseignants spécialisés, c’est :

- ôter à tout enseignant l’espoir de pouvoir aider certains élèves refusant de faire alliance,

- ôter à certaines familles la possibilité de comprendre l’aide qu’ils peuvent apporter à leur enfant et leur permettre de recréer des éléments de confiance vis-à-vis de l’école,

- permettre à la société de supprimer ces individus « abandonnés sur le bord du chemin, incapables de s’intégrer dans le monde des actifs pour une évolution positive. »

Et Bernard DELATTRE de rappeler que l’économie n’a pas besoin de toute cette population qui reste sur le bord du chemin, selon un article lu dans « Le courrier international ».. ..

C’est le travail fait ensemble depuis 2008 qui a permis qu’en 2012, lors de la campagne présidentielle on parle des RASED.

Sur le fond, il faut tenir, sur la forme on peut toujours discuter.

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GFEN : Jacques BERNARDIN .

Propose quelques éléments sur « comment travailler avec des enfants qui présentent des comportements violents ? »

D’abord, proposer un cadre contenant : une école où les enseignants font équipe autour d’un projet, développement possible pour tous. Accueillir des enfants mais aussi des parents. Ce dont les enseignants souffrent c’est d’aveuglement sociologique, qui les pousse à considérer l’attitude des parents comme à partir de leur propre point de vue.Ensuite, des adultes fiables : qui à la fois assument leur statut d’adulte et leur statut de professionnel, qui disent ce qu’ils font et qui font ce qu’ils disent. La fiabilité des figures adultes est souvent à reconstruire avec des enfants en difficultés comportementales.

L’enseignant référent compte d’autant plus pour les enfants perturbés ; avoir un interlocuteur, rencontrer le regard de l’adulte ; poser un cadre structuré, sécurisant, qui aide l’enfant à se projeter, à élaborer.

La médiation de l’activité. C’est à travers l’activité que l’enfant grandit. Plaider pour la richesse des activités : activités artistiques mais aussi les sciences, le français. Permettre aux enfants d’accrocher à des contenus riches. Contre la solitude compétitive, Jacques Bernardin plaide pour la solidarité complice dans les apprentissages. Importance de l’échange entre pairs, souvent extrême sentiment de solitude chez des enfants en difficultés, ou décrocheurs.

Dans l’espace classe, favoriser des échanges qui permettent à l’enfant de passer de l’oppression tyrannique à la liberté de faire, « espaces » pour élaborer sa pensée : pour viser la compréhension partagée, éviter que des enfants se sentent « out, hors-jeu ». Leur permettre de comprendre, c’est les intégrer dans une commune humanité.

Parole à la salle :

Journée de qualité, intéressante. Concept un peu particulier, énorme attente de la part des collègues et des RASED, notamment sur les missions des collègues des RASED. Ce ministre considère que les RASED ont quelque chose à faire pour la réussite des élèves. Mais beaucoup de souffrance du fait des évolutions des missions, des secteurs d’interventions, du pilotage. Parler des RASED sur 3 points : respect des personnels spécialisés, réouverture des postes sur les secteurs les plus démunis, des moyens pour la formation spécialisée.

Merci à toutes ces associations qui ont soutenu les RASED durant les 4 années qui viennent de se dérouler, un remerciement à l’AGSAS. À quand une délégation ministérielle pour l’AGSAS ?

Bernard DELATTRE a dit à Jacques LEVINE que ses idées lui survivront. Jacques LEVINE disait de se remettre sans cesse en question, de toujours continuer à réfléchir.

Conviction profonde que pour faire bouger les lignes, il faut des adultes fiables. Parler des désobéisseurs contre qui le gouvernement n’a pas levé les sanctions : demande d’une action collective.

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Bernard DELATTRE : l’enquête d’Eric DEBARBIEUX va être intéressante dans le sens où elle dit que les enseignants sont contre le poids de la hiérarchie, contre toutes les demandes institutionnelles. Bernard DELATTRE défend l’idée de « plus d’horizontal que le vertical » dans l’école : il est essentiel d’accorder plus de confiance aux enseignants pour qu’ils fassent à leur tour davantage confiance aux élèves. Rappelle que les finlandais ont été les premiers étonnés de leurs résultats à l’enquête PISA. Le problème, c’est que dans les ministères, les personnes sont les mêmes…

FNAREN : rappelle que les trois fédérations ont tiré la sonnette d’alarme parce qu’inquiets concernant la formation. A l’horizon 2014, c’est l’école du professorat, mais en attendant, qu’est-ce qu’on fait ? Si rien n’est fait, risque que les équipes de formateurs disparaissent. Donc, il y a urgence.

Mot de la fin par Sylvie MET PARET :

merci à nos invités qui sont d’un soutien sans faille, toujours prêts à nous soutenir dans nos missions, merci aux 3 fédérations qui continuent de travailler ensemble.

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