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nvoLe journaL de La cgt janvier 2015

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menu

8lanceursd’alertesentinelles du bien commun

14scop des fralib dans les starting-blocks

16alstomDes millions pour Kron

20intermittentsLa mobilisation a payé

32europeEntretien avec Michel Aglietta, économiste

36loi macronExtension du domaine libéral

38juridiqueles nouvelles obligations comptables en vigueur

42téléopérateursAttachés à un fil d’un mètre cinquante

44expositionla collaboration en face

48entretien Dominique Huez médecin du travail

50afriqueSoutien aux syndicats

éditorial

faire vivre l’esprit charlie

d es millions de per-sonnes ont participé aux rassemblements,

souvent spontanés, le 7 janvier, et à la marche citoyenne dimanche 11 janvier. Le monde syndical uni y a pris toute sa place.Le peuple de France, dans sa diversité d’opinions, de religions, d’idéaux, s’est levé contre les totalitarismes, la barbarie et pour défendre les libertés, l’égalité, la fraternité, la solidarité, les valeurs essen-tielles au vivre-ensemble, à la démocratie, à la dignité humaine. La CGT dénonce avec la plus vive fermeté ceux qui entre-tiennent la haine et la division entre les êtres humains en stigmatisant des com-munautés, les cultures et les religions.La question est de savoir ce que nous al-lons faire de cet élan pour continuer le combat qui fait obstacle à une société de tous pour tous.Pour notre part, nous continuerons plus que jamais à faire vivre l’esprit Charlie en combattant l’obscurantisme, les politiques libérales, en construisant les solidarités pour une société de justice et de progrès social. Dans cette perspective, la CGT ap-pelle à faire obstacle à la nouvelle régres-sion sociale que représente le projet de loi Macron dont l’examen débutera à l’As-semblée nationale le 26 janvier prochain.Il ne peut exister de démocratie sans la prise en compte des exigences du monde du travail pour bien vivre et bien tra-vailler. Il ne peut exister d’égalité sans une autre répartition des richesses créées par le travail au service de l’intérêt général et de tous. Il ne peut exister de liberté d’expression, de pluralisme d’in-formation sans octroyer à la presse d’opi-nion les moyens de vivre.Au moment où la CGT va fêter ses 120 ans et la Sécurité sociale ses 70 ans, ouvrons grand le débat avec les salariés sur leur travail et leur capacité à gagner des droits nouveaux, afin que puissent s’exercer démocratie, citoyenneté au tra-vail et dans la cité.

agnès naton, directrice de la NVO

la nouvelle vie ouvrière – 263, rue de Paris, case 600, 93516 Montreuil Cedex – Fax : 01 49 88 68 67 n Service commercial Tél. : 01 49 88 68 50 – e.mail : [email protected] n Rédaction Tél. : 01 49 88 69 69 – e.mail : [email protected] n DIRECTION : PDG, directrice de publication : Agnès Naton – directeur général adjoint : Stéphane Puifourcat – comité de direction : Isabelle Avran, Laurent Milet, Laurent Mossino, Agnès Naton, Stéphane Puifourcat, Pascal Santoni – développement éditorial : Jean-François Jousselin / le bimédia nVo mensuel / nvo.fr – rédacteur en chef : Pascal Santoni – rédactrice en chef adjointe, chargée de l’édition magazine : Isabelle Avran – assistante de la rédaction : Sophie Bober – RÉDACTION : Carmen Ahumada, Sophie Babaz, Dee Brooks, Mélanie Carles, Nathalie Carmeni, Régis Frutier, Chrystel Jaubert, Marie-Madeleine Legouhy, Aude Le Mire, Catherine Lénack, Dominique Martinez, Amélie Meffre (chef de service), Pierre Ménétrier, Laurent Milet (directeur des

publications juridiques), Christine Morel, Olivier Perriraz, Estelle Suire n ÉDITION RÉALISATION : directeur : Stéphane Puifourcat – rédacteur en chef technique : Olivier Lannuzel – premier maquettiste : Philippe Foesser – première maquettiste web : Sylvie Lebrun – maquette : Cécile Bondeelle, Ilae Roc, Rémi Gadéa – secrétariat de rédaction : Sylviane Gauthier, Iulia Niculescu – iconographie : Sophie Barnett – publicité : Audience créative (Marc Roumejon) – conception : Naja presse / Susanna Shannon avec Sylvie – tarifs du journal : 6 € le numéro, 76 € l’abonnement d’un an (60 € pour les syndiqués CGT). Abonnement en ligne sur nvo.fr – annonces légales : 8,50 € la ligne / N° 3535. Copyright : ISSN : 1628-674 X. Commission paritaire : 0317 1 79805. Dépôt légal : à parution. Imprimé et routé par Rivet Presse Édition 87000 Limoges.Fondée en 1909 par un groupe de syndicalistes animé par Pierre Monatte, Alphonse Merrheim et Alfred Rosmer. Responsable de la rédaction dans la clandestinité pendant l’occupation hitlérienne : Benoît Frachon.

22formation maxi-ambitions mini-moyens

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3nvojanvier 2015

Image couverture : Corbis

Ce numéro comporte quatre pages numérotées de I à IV pour les abonnés Ile-de-France. Est joint à ce numéro un supplément « Charlie hebdo »

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4nvojanvier 2015

actualité à l’agenda

Jusqu’au 28/01 les militants CgT partageront leurs expériences, leurs bonnes pratiques et leurs succès au cours de cinq rencontres interrégionales. l’occasion aussi d’échanger sur le fonctionnement de la CgT et la NVO. à angers, Besançon, angoulême, nîmes et Montreuil.

05/02 Dans le cadre de leur travail sur « Le syndicalisme est-il porteur d’égalité ? », l’Institut CGT d’histoire sociale et l’Institut de recherches de la FSU proposent une première conférence : « L’égalité salariale est-elle possible ? Les salaires en France depuis 1945 et leurs évolutions ». Au siège de la CGT à Montreuil (93). Inscriptions : Tél. 01 55 82 81 13.

29/01 la CgT Mines Énergie et FO Énergie et Mines organisent une journée de mobilisation nationale à Paris pour alerter la population et les salariés sur les conséquences de la loi de « transition énergétique ».

28/01 Rencontres d’Options – journal de l’Ugict CGT – sur « le numérique, l’entreprise et le travail : quels impacts et quelles perspectives ? » À Paris. Inscriptions : ugict.cgt.fr/RO2015

26/01Début de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Macron auquel la CGT appelle à faire obstacle. À Paris, l’UD 75 prévoit une journée de grève et de manifestation.

Report de la loi dépendance

Promesse de campagne de nicolas Sarkozy la réforme de la dépendance

avait déjà été abandonnée en 2012 avant d’être une promesse de campagne de François Hollande. las, bien qu’adoptée à l’assemblée nationale la loi ne sera mise en œuvre qu’au début 2016 a annoncé le premier ministre. Pour la CgT, ce nouveau report est inacceptable tant les Français ont des craintes sur leur capacité à financer la perte d’autonomie. C.M.

lutte pour l’emploi à Chapelle darblay

Pour sauver les emplois, l’imagination est au pouvoir au syndicat CGT

de la papeterie Chapelle Darblay de Grand-Couronne (76). UPM, le groupe propriétaire de la papeterie, s’est mis en tête d’avoir une rentabilité à deux chiffres sur ce site et, pour ce faire, prévoit de délocaliser pour partie en Allemagne, sacrifiant au passage 196 emplois sur 365. Une hérésie car l’usine est un modèle d’économie circulaire et écologique et la presse française consomme son papier. Parmi les actions menées par les salariés pour sauver l’activité : l’organisation d’une journée portes ouvertes le 10 janvier où 1 000 visiteurs sont venus découvrir l’usine ; une opération spectaculaire dans les rues de Rouen le 21 janvier… C.M.

Chute du prix du pétrole, bonheurs et malheursla chute spectaculaire du prix du

pétrole se poursuit avec des effets contrastés. Resté autour de 105 dollars le baril pendant quatre ans, il est aujourd’hui à 46 dollars après avoir décroché à l’été 2014. Répercutée à la pompe, cette baisse fait le bonheur du consommateur. Quant à François Hollande, voilà que l’Insee lui prédit 0,4 point de croissance supplémentaire pour la France d’ici à la mi-2015, grâce à l’effondrement de la valeur du baril d’or noir. Reste à savoir ce que les entreprises feront des bénéfices de cette baisse… Côté mer du nord, la perspective est plus sombre. BP a déjà annoncé la suppression de 300 emplois au Royaume-Uni. et ce n’est qu’un début. en Écosse le secteur pétrolier prévoit de supprimer 15 000 postes. C.M.

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nvo5janvier 2015

Pour son premier budget post-ré-forme ferroviaire la direction de la SNCF taille dans les effectifs. En-

trée en vigueur le 1er janvier, la réforme du sys-tème ferroviaire a donné naissance à un groupe public composé de trois entités – SNCF mobilité, l’établissement de tête et SNCF Réseau. Les deu x premières perdront 1 600 postes en 2015 quand le troisième en ga-gnera 500, à quoi il faut encore soustraire le millier de départs en retraite non remplacés. Soit « 2 000 postes susceptibles de disparaître cette année », estiment la CGT Cheminots et Sud Rail dans leur communiqué du 14 janvier.

Pour les deux fédérations ce budget 2015 est le résultat d’une réforme qui n’a pas « traité le problème du financement » et, de ce fait, entraîne des conséquences à la fois pour les cheminots (gel des salaires, ralentissement des déroule-ments de carrières, etc.) et les usagers (ferme-tures de guichets, de lignes, de gares, le rem-placement de trains par des autocars, retraits de contrôleurs, remise en cause de fondamen-taux en matière de sécurité ferroviaire, etc.). Les fédérations CGT Cheminots et Sud Rail, qui veulent contraindre la direction de la SNCF « à faire d’autres choix » et à « ouvrir des négociations s’agissant de l’avenir du service pu-blic ferroviaire en France et en Europe », appel-lent à une manifestation nationale à Paris le 29 janvier.

Île-de-france

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‘‘2 000 postes risquent de disparaître”

les cheminots manifestaient déjà en mai dernier contre la réforme ferroviaire.

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nvo6 janvier 2015

actualité

Blouses blanches en colère noireLa révolte des « Pigeons » de la high-tech de 2013 avait surpris son petit monde. En 2014, la manifestation des patrons de PME, prisonniers de leur entreprise empêchée de se libéraliser en rond avait davantage suscité l’hilarité que l’agacement. Et voilà qu’arrive la grève des médecins généralistes libéraux, vent debout contre la généralisation du tiers payant. On n’avait pas tout vu.La déclaration de grève a inquiété, dans un premier temps ; et pour d’évidentes raisons liées à la capacité de « nuisance » des généralistes libéraux lorsqu’ils sont en pétard. Et que le public a découverte bien supérieure, dans ses impacts sur la santé, aux très médiatiques « prises d’otages » des voyageurs par les cheminots. Saluons la performance ! D’autant plus qu’aucun de ces milliers de patients foudroyés par la gastro et contraints à des heures d’attente aux urgences en pleine trêve des confiseurs n’a songé à se sentir « séquestré ». Bref, nul n’en doute et nul ne le nie : cette mobilisation des blouses blanches en colère noire fut un succès. Sauf qu’à l’arrivée, la bataille contre le tiers payant risque de provoquer plus de malaises dans la société que les médecins libéraux n’ont refusé d’en soigner durant leur grève. Dirigée contre la ministre de la Santé mais frappant les populations les plus susceptibles de tirer avantage d’une des rares mesures de progrès social de l’ère Hollande, la « guérilla administrative » risque l’échec. Et le choc. « Sous prétexte de conserver ses privilèges de gestion directe des honoraires, les médecins libéraux s’opposent au tiers payant » affirme à ce titre la CGT. De tout temps soucieuse des revendications du corps médical, public comme libéral, la CGT a et continue de porter des propositions en matière de rémunération alternative au paiement à l’acte comme de qualité de travail. Entre solidarité avec les grévistes et œcuménisme revendicatif, le diagnostic est posé : le tiers payant est une avancée sociale évidente, il n’est pas admissible que cette mesure soit attaquée. Nathalie Carmeni

Humeur La perspective d’une victoire de la coalition de gauche radicale Syri-za, opposée aux politiques d’aus-

térité menées par la droite au pouvoir, affole les milieux financiers et la Commission euro-péenne. À croire qu’ils préféreraient voir le mécontentement des Grecs profiter au parti d’extrême droite, l’Aube dorée… L’avènement d’un gouvernement décidé à renégocier la dette du pays et à redresser l’économie par une politique de relance économique et de progrès social, constituerait un double échec. Le premier, déjà consommé, celui des politiques d’austérité qui ont plongé un tiers de la population dans la pauvreté. Le résultat est catastrophique pour les salariés et leurs familles. Le taux de chômage, lar-gement sous-estimé, est de 26,5 %. Sur les 1,5 million de sans-emploi, 110 000 seulement ont reçu une indemnisation. En quatre ans 180 000 PME ont fermé leurs portes. Mais aussi la disparition des conventions collec-tives, la baisse du Smic…La dette est passée de 120 % du PIB en 2009 à près de 175 % du PIB aujourd’hui ! Et le PIB a chuté de 25 % depuis 2008. Face à ces résul-

Né à l’automne 2014 à Dresde, en Allemagne, Pegida dont l’acronyme signifie « Pa-

triotes européens contre l’islamisation de l’Occident » ne cesse de prendre de l’am-pleur. Chaque lundi, identitaires, néonazis, membres du parti d’extrême droite an-ti-euro Alternative pour l’Allemagne par-viennent à agréger une frange de la popu-lation, fragilisée par un système allemand en pleine régression sociale et sensible aux sirènes anti-immigrés. Semaines après se-maines, les rangs de Pegida se gonflent. Le 12 janvier, quelques jours après les attentats parisiens, l’organisation brune a revendi-qué la présence dans les rues de Dresde de 25 000 personnes. Pour le sulfureux Lutz Bachmann, créateur du mouvement, les actes terroristes parisiens sont « la preuve du bien fondé de Pegida ». Devant une foule

tats calamiteux la seule politique préconisée par les responsables européens consiste à multiplier les privatisations et réduire encore les dépenses publiques et les droits sociaux.Ce qui n’a pas empêché ces responsables européens de promettre le chaos aux Grecs dans le cas d’une victoire de la coalition Sy-riza et d’afficher leur soutien au gouverne-ment actuel, ni le FMI de suspendre ses aides jusqu’aux élections… Et jusqu’à Angela Mer-kel menaçant la Grèce d’une sortie de l’euro et d’un effondrement des finances de la Grèce.C’est le second échec. Le chantage au chaos, les pressions des milieux financiers, la fer-meture de la radio-télévision publique, l’ar-restation de journalistes dénonçant la fraude fiscale, n’ont pas entamé la détermination des Grecs d’en finir avec l’austérité. Syriza est tou-jours favori pour les législatives du 25 janvier.Si cela se confirmait c’est la politique d’aus-térité prônée par les dirigeants européens qui s’en trouverait désavouée et représen-terait un encouragement pour les peuples européens à exiger de leur gouvernement et des responsables européens un sérieux changement de cap. P.S.

enthousiasme, il a déclaré que : « L’islam n’a pas sa place dans des sociétés libres et démocra-tiques comme celles d’Europe ».Dans un sursaut salutaire, la société alle-mande s’est mobilisée pour contrer la va-gue xénophobe sur laquelle surfe Pegida. Les partisans d’une société tolérante où tous les citoyens peuvent vivre ensemble ont rassemblé 20 000 personnes à Munich et 30 000 à Leipzig. À Dresde, une contre-manifestation anti-Pegida avait même réuni 35 000 personnes. Reste que les anti-islam continuent de propager leur vision de « la guerre des civilisations » en Europe. Le mou-vement à des ramifications naissantes dans plusieurs pays nordiques, en Autriche et en Suisse. Le 8 janvier, au lendemain des atten-tats parisiens, une branche espagnole a été lancée sur Twitter et annonce qu’elle pré-pare déjà sa première manifestation. V.L.

éLeCtioNS

La Grèce vote dimanche 25 janvier

PeGida

Nouveau mouvement, vieilles rengaines

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“Solidarité Charlie Hebdo”

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En solidarité avec Charlie Hebdo, la NVO édite un hors-série d’hommage à l’hebdomadaire et a ses journalistes qui ont marqué également la vie de la NVO et d’Ensemble. Avec des dessins de Charb, Cabu, Wolinski, Honoré, Tignous et accom-pagné des dessins d’Adele, Babouse, Boiré, Faujour et Hin.

Les bénéfices de la vente seront reversés à Charlie Hebdo.

nvoSUPPLÉMENT À LA NVO - JANVIER 2015

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Code origine : magNVO

www.nvo.fr

nvo4 nvo5janvier 2015janvier 2015

UN OCÉAN DE LARMES Des amis, des frères, des camarades, des potes en quelque sorte. On ne sait plus quoi trop dire ou trop quoi écrire.

Ils ont fait partie de notre vie, de nos vies, à partir de leurs petits mickeys qu’ils distribuaient dans les journaux à droite et à gauche (pas au sens politique, bien sur). Depuis les bancs du lycée, on lisait Charlie Hebdo –et pour ma génération, excusez ! c’était depuis Hara Kiri Hebdo et Charlie mensuel. Gébé, Reiser, Wolinski, Cavanna, Cabu et tant d’autres déjà. On faisait en quelque sorte le lien entre les anciens et les nouveaux, nous qui publiions leurs dessins. Reiser, par exemple, nous avait invités, mon vieux complice Yves Housson (il a débuté à la VO), et moi à un bouclage de Charlie, pour chercher un dessin qu’il avait réalisé pour notre journal de jeunes. On était arrivé avec nos petites parkas et nos cartables (j’exagère à peine) et on était tombé sur une bande de joyeux délurés, Choron en train de réaliser le strip-tease des copines dans un coin, la table regorgeant de victuailles, les fumées des cigares, le vin sur les tables. On a eu beaucoup de mal à remonter sur nos Solex. Des années plus tard, deux petits jeunes, avec leur carton à dessins sous le bras, avaient débarqué, -ils sortaient tout juste de l’école-, à Révolution, alors hebdomadaire culturel en plein essor. C’étaient Charb et Luz, qu’une amie avait entraîné là pour qu’ils présentent leurs dessins. C’est ainsi qu’au fil des ans, on s’est croisé et recroisé, à L’Humanité, L’Huma dimanche et aussi à la NVO. Avec Charb, c’était comme un rituel de se retrouver au stand de Cuba Si à la Fête de l’Huma ou dans le patio de la CGT à Montreuil où il venait dédicacer ses livres, toujours accompagné de Charly et d’Alain, de la Filpac-CGT et de plein d’autres. Et aussi, ces dernières années des policiers de la protection des personnalités. Ils étaient tous, toujours, disponibles pour filer un dessin en vitesse, râlant contre les délais trop courts mais prêts à donner un coup de main à la CGT et aux travailleurs-euses en lutte. On n’était pas forcément d’accord sur tout, mais l’essentiel c’est qu’on allait dans le même sens. Patrick Peloux dans ses passages à la télévision et sur les radios l’a bien dit, il y avait une humanité qui se dégageait d’eux. Cette complicité avec le monde du travail –complètement partagé aussi par Tignous- fonctionnait dans les deux sens. Combien de fois à la NVO a-t-on reçu des coups de fil ou des mots de syndicats nous demandant s’ils avaient le droit de reproduire sur leurs tracts ou dans leurs journaux syndicaux tel ou tel dessin que nous avions publié ? Des milliers de poings levés, de crobars tournant en dérision le patronat –rapace, le patronat, toujours rapace- ont fait ainsi le tour des entreprises.

Il y avait Charlie, bien sur, leur point d’ancrage (et d’encrage) et tout ce qu’ils faisaient à l’extérieur de Charlie, pour le mouvement ouvrier, comme on disait et comme il faut continuer à dire. Je me souviens de soirées passées à La Mer à boire, café aujourd’hui disparu dans sa conception d’alors, de Belleville, avec Philippe de Palmas (directeur artistique de la NVO), où on commentait avec Charb l’actualité politique et mondiale : t’en penses quoi, toi…Il y a quelques années lors d’un entretien pour la NVO Georges Wolinski nous avait dit : « J’adore les gens qui travaillent, les artisans qui connaissent un métier : charpentier, potier. Je travaille avec les mains. » Il ne connaissait pas l’usine, « par contre, tout de suite, dès qu’on évoque le mot usine, je pense à Charlie Chaplin : le geste. » Il n’aimait pas cet aspect « à l’américaine » que prenait la France où l’on dit sans arrêt aux gens comment ils doivent vivre : « fumer ça fait mal ! Il ne faut pas boire ! Ne pas manger n’importe comment ! » Tous les intégrismes le faisaient bondir. Il y avait chez Wolinski un sentiment de révolte contre l’ordre établi, l’ordre imposé, celui qui formate, qui vous donne des leçons de morale pour aller dans le sens du vent. Il avait également évoqué la CGT : « pour moi, disait-il, un syndicat c’est la CGT, je n’ai jamais eu d’hésitation. J’ai été membre de la CGT, même quand j’étais à Match ; je considère que j’y suis toujours. » A propos d’une rencontre avec Bernard Thibault, il ajoutait : « Il est sympathique, pas con. Il a débarrassé – pas encore tout à fait- la CGT de la raideur communiste qu’elle paraissait avoir. On ne dit plus aujourd’hui, à tort ou à raison, que les communistes dirigent la CGT. Pour la CGT, c’est important. » Ce n’était pas pour lui une question idéologique, mais une conception du syndicalisme qui doit rassembler tous les salariés. « Ce qui n’empêche, avait il conclut philosophiquement, que les communistes syndiqués doivent être à la CGT. » Wolinski (1) c’était aussi l’amitié et la solidarité avec Cuba. Ayant été invité pour la biennale de l’humour de San-Antonio-de-Banos, il en témoigne ensuite avec des rotativistes CGT (on est dans les années 70) et leur explique qu’à Cuba « les enfants et les poètes manquent de papier pour apprendre, écrire, imprimer. De cette rencontre naîtra l’organisation concrète de la solidarité avec l’envoi d’un bateau chargé de papier « « La fabrication du papier demande énormément d’énergie. La feuille de canne à sucre est acide, il faut un traitement chimique particulier. Le papier coûte très cher. Avec ce chargement, on a fourni des écoles. » Georges était un briseur de blocus et un briseur de tabou. Il n’était pas un briseur de rêves. Jacques Dimet(1) A chaque fois qu’on lui demandait un dessin ou une affiche pour la CGT, Georges n’a jamais refusé.

Merci à Cuba si France pour le prêt de ...... Vas y Olivier lâche toi

nvo6 nvo7janvier 2015janvier 2015

Le combat pour que vive la presse d’opinion

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Le droit d’alerte, extension de la liberté d’expression, naît historiquement du droit du travail. Par extension, le terme de « lanceur d’alerte » est aujourd’hui employé pour la révélation de faits de corruption, d’alerte sanitaire ou environnementale, de conflit d’intérêts ou touchant des services d’État.

enquête

sentinelles du bien commun

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Qu’ont en commun Daniel Ellsberg, consultant du Pentagone, révélant

dans les années 1970 les documents secrets sur la guerre du Vietnam, le docteur Irène Frachon, dé-nonçant les dangers du Médiator, Julian Assange, initiateur des Wikileaks, les chercheurs Christian Vélot ou Gilles-Eric Séralini, dénonçant les effets néfastes des OGM, le chimiste André Cicollela pointant du doigt les ravages des éthers de glycol et du bisphénol A, Bradley/Chelsea Manning, Ed-ward Snowden, les salariés exposés à l’amiante, les médecins appelant à la reconnaissance des effets de l’environnement sur la santé, notam-ment autour de la directive REACH ?Tous, et la liste serait aussi longue que les risques sont nombreux, ont sonné l’alarme, considérant qu’ils avaient connaissance de faits néfastes au bien commun. Ils ont ainsi pris le risque de s’ex-poser aux représailles de leur hiérarchie, aux foudres des tenants d’intérêts privés – voire pu-blics – dérangés dans leurs juteux marchés, voire aux poursuites de la justice.

Une démarche désintéressée et de bonne foiLes premières lois en matière de droit d’alerte (États-Unis, 1863) protégeaient uniquement les agents publics. La première convention interna-tionale ratifiée par la France (Organisation inter-nationale du travail, 1982) interdira le licencie-ment d’un salarié ayant alerté sur des faits illégaux commis par son employeur. En France, le terme de lanceur d’alerte a été inventé en 1996 par deux sociologues de l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess), Francis Cha-teauraynaud et Didier Torny, lors de travaux qui seront ensuite publiés dans l’ouvrage Les sombres précurseurs, une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque 1.

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enquête

Dans son livre Les lanceurs d’alerte 2, Florence Hartmann indique : « Le lanceur d’alerte est une personne qui apprend, dans le cadre de son exercice professionnel, une information sur laquelle elle est tenue au secret, mais qui est d’une importance pour la société, et qu’elle décide de rendre publique parce que ce secret correspond à un abus ou un crime. C’est la démarche d’un individu, une démarche de bonne foi, ce qui exclut l’acte diffamatoire ou intéressé. Le lanceur d’alerte met en débat ses obligations de ré-serve professionnelles face à l’obligation de faire connaître un délit ou un crime. C’est prendre un risque pour rendre service à la société. » En 2014, le Conseil de l’Europe 3 définit ainsi le lanceur d’alerte : « Toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. »

Protéger l’intérêt publicL’ONG Transparency International France – dont l’action porte notamment sur la lutte contre la corruption – indique pour sa part que le lan-ceur d’alerte est « tout employé qui signale un fait illégal, illicite ou dangereux pour autrui, touchant à l’intérêt général, aux instances ou aux personnes ayant le pouvoir d’y mettre fin ». Il s’agit donc de signalements touchant à l’intérêt général : crime ou délit, erreur judiciaire, corruption, atteintes à la sécurité, la santé publique ou l’environnement, abus de pouvoir, usage illégal de fonds publics, graves erreurs de gestion, conflits d’intérêts ou dissimulation des preuves afférentes.La loi française n’offre pas de définition globale du lanceur d’alerte, mais seulement une défini-tion partielle, limitée à la santé publique et à l’en-vironnement (loi du 16 avril 2013 dite loi Blandin, art. 1er) : « Toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire pe-ser un risque grave sur la santé publique ou sur l’en-vironnement. » Lors du colloque « Alerte, expertise et démocra-tie », la sénatrice Marie-Christine Blandin aler-tait sur les restrictions au principe de précau-tion, inscrit dans la Constitution, que des députés de droite entendrait limiter en l’incluant dans un « principe d’innovation » qui viderait le principe de précaution de toute sa substance. On le voit, les lanceurs d’alerte ne vont pas chômer.Dee Brooks1. Éditions de l’Ehess, 1999.

2. Éditions Don Quichotte, 18 euros.

3. Recommandations CM/rec (2014)7 du comité des ministres aux États membres sur la protection des lanceurs d’alerte : https://wcd.coe.int/ViewDoc

André Cicolella, le précurseurAndré Cicolella, chimiste, travaille

depuis 1971 à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS). Il s’y penche sur les effets des éthers de glycol présents dans les cosmétiques, les peintures, les nettoyants ménagers et certains médicaments. En 1994, il alerte la communauté scientifique sur les effets toxiques pour l’homme de ces solvants. Cette responsabilité de lanceur d’alerte lui vaut d’être licencié pour insubordination. En 2000, la Cour de cassation reconnaît le caractère abusif de son licenciement et publie un arrêt dans lequel est reconnue « l’indépendance due aux professionnels de la santé ». C’est la première jurisprudence de la Cour sur la protection des lanceurs d’alerte.Par la suite, le scientifique travaille à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Il évalue notamment les risques sanitaires et environnementaux du naufrage de l’Erika, puis initie l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement (AFSSE) avec le député Verts André Aschieri. Il crée en 2002 la fondation Sciences citoyennes 1 et en 2009, le réseau environnement santé 2. Ce réseau est notamment à l’origine de l’interdiction du bisphénol A dans les biberons et de l’interdiction du perchloréthylène dans les pressings.1. http://sciencescitoyennes.org

2. http://reseau-environnement-sante.fr/

86 %des cadresbritanniques

lES ChIFFRES Du PARlER VRAI86 % des cadres britanniques contre 54 % de leurs homologues européens déclarent aujourd’hui ne pas craindre de « parler vrai ».

lA FoNDAtIoN ANglAISE CRééE EN 1993, PuBlIC CoNCERN At WoRk, A Déjà tRAIté 20 000 AlERtES, DoNt 71 % AVAIENt été lANCéES EN INtERNE, EN VAIN.

54 %des cadreseuropéens

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11nvojanvier 2015

Alerte aux métaux lourdsPrintemps 2013, l’UL CGT de Montluçon et l’UD CGT de

l’Allier alertaient sur l’exposition des salariés de l’une des unités de l’entreprise Environnement Recycling de Domérat (Allier) à vingt-huit métaux lourds tous extrêmement nocifs. Ouverte à grands renforts d’aides publiques sur un bassin d’emploi sinistré, l’entreprise emploie environ 170 travailleurs handicapés ou en insertion au recyclage de matériels électroménagers, électroniques ou informatiques répartis en trois unités. Bien que non implantée dans l’entreprise, la CGT était informée par des salariés de l’une des unités (affectée au broyage de tubes cathodiques notamment) de conditions de travail d’un autre âge et de nombreux malaises résultant notamment d’un empoussièrement anormal. Malgré les manœuvres de la direction pour dissimuler les risques et intimider le syndicat, la CGT locale, consciente « qu’il est indispensable de travailler avec des associations spécialisées » et malgré « une absence de connaissance des textes de loi sur la protection des lanceurs d’alerte » a fait appel à l’association Henri-Pézerat, précise Laurent Indrusiak, secrétaire général de l’UD CGT. Un système de dépoussiérage a depuis été installé mais il s’avère encore insuffisant et des dossiers ont été déposés auprès des prud’hommes et également au pénal.www.asso-henri-pezerat.org

Quel droit pour l’alerte ?Ancienne fonctionnaire du Quai d’Orsay et diplomate en Afrique, Nicole Marie-Meyer a elle-même souffert de représailles pour avoir dénoncé des faits de corruption constatés dans l’exercice de ses fonctions. Aujourd’hui, elle œuvre avec ténacité au sein de l’ONG Transparency International France sur la question du droit du lancement d’alerte.

NvO Comme les auteurs de l’ou-vrage Les lanceurs d’alerte, auxi-liaires de justice ou gardiens du si-lence ? 1, vous pointez les lacunes, les paradoxes et la fragmentation du droit français en matière de droit d’alerte. Cinq lois couvrent des secteurs et des champs limi-tés et proposent des protections plus ou moins étendues. Mais cet « empilement » législatif est-il sa-tisfaisant ?Le droit d’alerte s’est lentement construit dans le monde au fil des qua-rante dernières années en réaction émotionnelle à des crises, scandales publics, lourdes pertes humaines ou financières, qui auraient tous pu être évités, si les équipes, averties, n’avaient craint de perdre leur emploi en brisant le silence. Ou si elles avaient été enten-

dues lorsqu’elles en ont eu le courage. En état de choc, sociétés civiles et gou-vernements sont alors placés devant deux choix : prendre le long temps col-lectif de l’élaboration d’une loi globale, protégeant les salariés des secteurs public, privé et associatif pour tous signalements touchant à l’intérêt géné-ral, ou empiler rapidement des lois sec-torielles élaborées sous le coup de l’émotion, parfois sous la pression de l’opinion publique, au risque de lacunes ou de contradictions internes, créant incertitude et insécurité juridique. Suite à une série de tragédies à la fin des années 1990 (395 morts), le Royaume-Uni a d’abord créé, en 1993, une fondation (avec une ligne d’ur-gence pour les salariés), puis élaboré, de 1993 à 1998, une loi globale, le Public Interest Disclosure Act (PIDA), proté-

geant les salariés des secteurs public et privé, y compris les policiers, s’ils signalaient crimes ou délits, erreurs judiciaires, atteintes à la santé, la sécu-rité ou l’environnement et dissi -mulation des preuves afférents. Le salarié peut saisir employeurs, autorité ou presse, selon un principe de propor-tionnalité (si l’urgence ou le danger l’imposent) et de claires modalités. Mais surtout en cas de procédure de licenciement post-alerte, il bénéficie sous huit jours d’un mécanisme de « référé conservatoire » sur son poste, sur décision d’un juge – jusqu’au procès. (Il lui est même offert le choix, si la nécessité l’exige, de demeurer à domicile, en conservant son salaire).Suite au scandale du Mediator et au dossier Cahuzac, la France a adopté quatre lois sectorielles et lacunaires en deux ans (2011-2013), dont deux (les deux lois sanitaires Bertrand du 29 décembre 2011 et Blandin du 16 avril 2013) ne protègent pas le salarié du licenciement, et dont une seule (la loi du 6 décembre 2013) permet un signa-lement à la presse. Ces quatre lois lacu-naires se sont ajoutées à celle du 13 novembre 2007, qui ne protégeait que le seul salarié du secteur privé signalant des faits de corruption.Les signalements protégés incluent donc désormais : les faits de corruption pour le secteur privé (loi du 13 novembre 2007), la sécurité sanitaire des médicaments et produits de santé (loi du 29 décembre 2011), les risques graves pour la santé et l’environnement (loi du 16 avril 2013), les conflits d’inté-rêts (loi du 11 octobre 2013), mais ciblant une liste de membres du gouvernement ou hauts de fonctionnaires et les crimes

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« Nous avons publié en ligne le Guide pratique à l’usage du lanceur d’alerte français »

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enquête

ou délits (lois du 6 décembre 2013) – avec un champ d’application, des recours, des saisines, des procédures et une liste de protections disparates (omission du licenciement ou de la nul-lité de l’acte.)C’est pour s’opposer à une telle com-plexité et garantir une sécurité juri-dique que les ONG comme Transpa-rency International recommandent une loi globale. C’est pour éclairer le salarié français dans le maquis de ces cinq nouvelles lois, partielles et lacu-naires, que nous avons publié en ligne le Guide pratique à l’usage du lanceur d’alerte français 2. Afin de l’accompa-gner en amont de sa décision (lois, conseils juridiques gratuits, associa-tions ou ONG par domaines) ou au cours de son procès (jurisprudences favorables). Afin d’éviter que la relative nouveauté de ce droit ou la disparité de ces lois ne l’induisent en erreur.

Il existe, dans d’autres États, des dispositifs spécifiques plus com-plets sur le lancement d’alerte. Sont-ils plus efficaces et pour-quoi ?Il faut à la fois traiter l’alerte (le fond) et protéger le salarié (des représailles) et ni l’un ni l’autre de ces deux objectifs ne doit être oublié. Outre une loi globale, préférable pour la sécurité juridique, il faut donc également une autorité indé-pendante pour le suivi de l’alerte (et publication des données) et une fonda-tion pour les victimes (une ligne d’as-sistance gratuite et confidentielle). Depuis les années 1970, près de soixante pays se sont dotés d’un droit d’alerte, en expérimentant lois globales (Afrique du Sud, Ghana, Irlande, Japon, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande) ou sectorielles, agences (Aus-tralie, Belgique, Canada, États-Unis), et fondations (Allemagne, Afrique du Sud, Canada, Royaume-Uni, Pays-Bas), et il serait extrêmement utile de béné-ficier d’une étude des bonnes pratiques (succès et échecs). C’est le rapport auquel je travaille, et c’est le pro-gramme que Transparency Internatio-nal France et la fondation Sciences citoyennes lancent au travers d’une série de débats avec la société civile afin d’amender notre législation. Quatre colloques sont prévus en 2015 dont le premier se tiendra à l’Assem-blée nationale le 4 février 2015 3

Est-il possible de transformer cet empilement législatif « sectoriel » français en une réglementation complète spécifique au lance-ment d’alerte ? Si oui, de quelle manière et grâce à quels leviers ?Nous allons y réfléchir ensemble toute l’année 2015 au travers de ces débats avec la société civile. Il conviendrait tout au moins d’harmoniser nos cinq

75 à

99 %des salariés se taisent dans les pays européens dénués d’une législation spécifique

30 ou

33 %des salariés se taisent dans les pays dotés d’un droit d’alerte depuis plus de 10 ans (Australie, États-Unis)

EffIcAcItÉ dU droIt d’AlErtE

lois sur la mieux-disante, donc la loi du 6 décembre 2013 – la plus complète, et la seule de nos lois qui autorise un signalement à la presse. Deux députés français nous ont par ailleurs récem-ment contactés pour un renforcement de notre législation au travers de deux projets de lois : une loi globale, et une Agence de l’alerte. Suite à la campagne lancée en 2014 par l’ONG anti-mafia Libera International et la signature de 67 parlementaires européens, un inter-groupe « Intégrité » œuvre aujourd’hui, en lien avec Transparency Internatio-nal et d’autres ONG, à un projet de directive européenne pour la protec-tion des lanceurs d’alerte – projet de directive qui ne doit pas « détricoter » les avancées les plus significatives des législations nationales, nous devons ensemble y veiller.Enfin, en partenariat avec la plate-forme des ONG que Transparency France a créée à dater de 2009, et notamment avec la fondation Sciences Citoyennes, nous travaillerons en 2015 à la préfiguration d’une Maison ou d’une fondation pour les lanceurs d’alerte.1. democratie-reelle-nimes.over-blog.com

2. De Laurence Romanet et Lionel Benaiche, éditions de Santé, collection Hygéia. 18 euros.

3. Inscription jusqu’au 27 janvier au 01 43 14 73 65 ou [email protected]

droit d’alerte et monde du travaildans le monde du travail, l’alerte est une pratique

reconnue, qui possède ses propres institutions (les cHSct et les cE) et une longue tradition de luttes portées ou soutenues par le monde syndical, s’appuyant sur le droit du travail. ce que rappelait Annie thébaud-Mony 1 lors du colloque « Alerte, expertise et démocratie », précisant que « les plus méconnus, les plus réprimés sont les lanceurs d’alertes ouvriers », citant au passage « les travailleurs de la chimie, du bâtiment, de la construction navale, de l’agroalimentaire, du nucléaire et saluant le courage de ces travailleurs qui ont dénoncé leurs conditions de travail et que ces luttes ouvrières pour le bien commun sont une part de la lutte des classes ». les journalistes qui relaient les alertes portées à leur connaissance bénéficient aussi d’une protection relative due à leur statut et à leur fonction. dans les deux cas, l’obligation de réserve professionnelle ne s’applique pas. Et les enjeux se modifient au gré d’innovations scientifiques. Par exemple, la cGt chimie interrogeait les salariés sur le respect de la directive rEAcH dans les entreprises ou se prononçait pour un moratoire sur les nanoparticules. Plus largement, dans l’analyse des risques et enjeux de l’accord commercial transatlantique (tAftA), la cGt souligne qu’« il paraît nécessaire d’instaurer un droit d’alerte technologique dans l’esprit du droit de retrait qui existe dans le Code du travail français avec une protection pour le lanceur d’alertes ».1. Sociologue, spécialiste des cancers professionnels pour la fondation Henri-Pézerat et l’Université Paris-13. dernier ouvrage publié : La science asservie, la découverte. 21 euros

SoUrcE : AltErnAtIvE to SIlEncE, WHIStlEbloWEr ProtEctIon In 10 EUroPEAn coUntrIES, trAnSPArEncy IntErnAtIonAl, 2009

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nvo14 janvier 201514

À l’usine de thé de Gé-m e n o s , d a n s les Bouches-du-

Rhône, tout doit être prêt fin mars. Après quatre années d’une lutte sans précédent, les 58 coopérateurs, anciens salariés de Fralib (filiale d’Unilever), vont enfin réaliser leur rêve d’une re-lance de la production. « Il faut imaginer le bruit quand ça tourne. C’est bizarre, mais ça me manque. C’est comme un train. Tout s’enchaîne et avec ces boîtes colorées

Standard) qui permettra de travailler avec la grande distribution. C’est un gros tra-vail auquel participent tous les coopéra-teurs. Nous avons aussi mis en chantier le marketing, avec une équipe qui travaille à la création de la marque. Pour l’heure nous avons le logo et le nom de la Scop (Scop.Ti), mais maintenant, il faut créer notre propre marque. Elle sera présentée fin janvier. L’assemblée générale des coopérateurs va-lidera le nom. » La relance de la produc-tion n’est pas une mince affaire, mais cette fois ce sera leur production, pas celle de la multinationale.Durant des décennies, l’usine a com-mercialisé des thés et infusions aux arô-mes subtils et au goût unique sous la marque Éléphant. Mais quand Unilever-Lipton la rachète, tout change. Il s’agit désormais de vendre des produits uni-formisés aux standards reproductibles n’importe où dans le monde. L’expé-rience et le savoir-faire des salariés, véri tables experts aromaticiens, sont définitivement bafoués lorsqu’on intro-duit de nouveaux produits en remplace-ment des riches produits de la Pro-vence : « Au lieu de recevoir les plantes et feuilles entières, nous réceptionnions des mélanges préfabriqués, importés d’on ne sait où, déjà coupés. » Nul besoin de gens expérimentés pour ce type de produc-tion. Et c’est presque logiquement que le 28 septembre 2010, Unilever annonce la fermeture de l’usine de Gémenos avec ses 182 salariés pour délocaliser la production vers la Pologne.Le 26 mai 2014 voit l’épilogue d’une lutte acharnée (voir la chronologie ci-contre). Unilever signe un accord qui permet de créer une coopérative. Gérard Cazorla explique qu’aujourd’hui les travailleurs ont repris la main : « Nous allons recréer une filière courte de producteurs locaux de plantes aroma-tiques et médicinales. Des contacts sont pris pour se fournir localement en tilleul, verveine, camomille et menthe. Pour le thé, une coopération a été engagée avec le Vietnam. Celle-ci est née de contacts mili-tants et syndicaux, avec l’aide notamment du conseil général du Val-de-Marne. On nous donnait mort d’avance contre une multinationale comme Unilever. On a fait un pied de nez à tout le monde en démon-trant que même contre les plus puissants on pouvait gagner. »Régis Frutier

qui défilent, il y a de la beauté dans ce mou-vement », témoignait Bob dans la NVO pendant ces longs mois où l’usine était figée. C’est donc en mars 2015 que le bal-let des boîtes de thé réanimera les ma-chines. On sent une fierté, liée à l’excita-tion, dans les propos de Gérard Cazorla, l’ex-secrétaire CGT du comité d’entre-prise devenu l’un des dirigeants de la Scop : « On avance. Nous avons été certifiés bio en novembre. On continue pour obtenir la certification IFS (International Food

La Scop des Fralib dans les starting-blocks

paroles de...

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nvo15janvier 2015

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Le travail du dimancheLe « retrait sans condition » du projet de loi Macron, c’est ce que réclame l’intersyndicale du commerce parisien Clic-P (CGT, CFDT, SUD, Unsa), mobilisée pour dénoncer l’extension programmée du travail du dimanche dans les commerces sans contreparties pour les salariés : repos compensateur et doublement de la rémunération ne s’appliqueraient pas dans les établissements de moins de 20 salariés où l’employeur pourra « fixer des contreparties différentes ». Or, « les magasins de moins de 20 salariés constituent 80 à 90 % des commerces », rappelle Karl Ghazi (CGT). D.M.http://uscommerceparis.free.fr/

SePTeMbre 2010 Unilever annonce la fermeture de l’usine de Gémenos qui compte 182 salariés.

Février 2011 Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est rejeté en justice. Un deuxième PSE est engagé.

SePTeMbre-nOveMbre 2011 Première occupation de l’usine.

nOveMbre 2011 Le deuxième PSE est rejeté par la justice. Un troisième est engagé, mais il porte sur 103 salariés, des transactions individuelles ayant été négociées.

MarS 2012 La direction lance un nouveau plan, aussitôt attaqué en justice.

Mai 2012 – SePTeMbre 2012 Nouvelle occupation et mise sous surveillance des machines.

SePTeMbre 2012 La communauté urbaine de Marseille préempte les bâtiments, puis rachète l’outil industriel à l’euro symbolique.

Février 2013 La cour d’appel d’Aix-en-Provence annule le PSE et les licenciements, qui sont définis comme illégaux.

MarS 2013 Unilever ne tient pas compte du jugement et interrompt le versement du congé de reclassement. Sans statut, les salariés sont enjoints à s’inscrire à Pôle emploi alors que leur licenciement n’est pas reconnu.

SePTeMbre 2013 Les salariés privés de revenus décident de s’inscrire à Pôle emploi, mais la justice est saisie pour qu’elle confirme la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

OCTObre 2013 Le juge d’exécution confirme la décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Une astreinte de 3 000 euros, puis 10 000 euros, par jour est prononcée.

OCTObre 2013 – janvier 2014 Les discussions avec Unilever sont engagées.

janvier 2014 Un PSE concernant les quatorze salariés protégés est engagé.

Mai 2014 Un accord est signé qui indemnise les partants et permet de lancer l’activité de la Scop.

janvier 2015 Les coopérateurs mettent la dernière touche à leur plan de relance.

MarS 2015 Relance de la production.

Une LOnGUe LUTTe paroles de...

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nvo16 janvier 2015

Christian Garnier, coordinateur CGT d’Alstom, dénon-

çait, lors d’une conférence de presse donnée en décembre dernier, le fait que « l’assemblée générale des actionnaires va valider le super-bonus qu’ils vont se mettre dans la poche pour avoir bien travaillé à nous vendre ». C’est en effet une scanda-leuse opération de bradage d’un fleuron de notre industrie nationale qui vient d’être acté avec la vente des activités énergie d’Alstom à l’américain General Electric. 65 000 salariés sont directe-ment concernés. Grâce à cette opéra-

tion, les actionnaires s’octroient quatre milliards de dividendes et le PDG, Pa-trick Kron, plus de quatre millions d’eu-ros pour lui seul. D’aucuns pourraient estimer qu’un chevalier d’industrie ren-dant d’inestimables services à la France serait fondé à justifier de telles primes de Noël. Mais hélas, c’est bien tout le contraire que M. Kron a mis en œuvre. Les autorités judiciaires américaines ont habilement joué de pressions en-vers les dirigeants d’Alstom – qu’ils ont inculpés de faits de corruption dans plusieurs opérations – afin d’obtenir l’ac-quisition de cette branche stratégique.

Peu après le vote des actionnaires, on apprenait qu’Alstom acceptait un accord de type « plaider-coupable » avec le dé-partement américain de la justice (DOJ) et le paiement d’une amende record de 772 millions de dollars. « Cet accord avec le DOJ met un point final au dossier », dé-clarait M. Kron. Circulez, y a rien à voir. Or « la vente à GE se fait sans aucune perspective de développement, d’investis-sements, d’emplois et de recherche. D’ailleurs, le groupe américain a déjà an-noncé un plan d’économie de 1,2 milliard dans la recherche, en production et les achats », s’insurge la FTM CGT. Un rap-port du Centre français de recherche sur le renseignement (www.cf2r.org) de Leslie Varenne et Éric Denécé décrypte toute l’aberration stratégique de ces dé-cisions et l’ampleur de l’incompétence ou de la démission de l’État dans ce dossier. En attendant, M. Kron n’en a cure, car lui part avec ses millions.Régis Frutier

À Alstom, des millions pour Kron

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nvo17janvier 2015

AZF : nouveau procès

‘‘Le jugement de 2012 qui condamne l’ex-directeur d’AZF Toulouse à

trois ans de prison et 45 000 euros d’amende a été annulé. Philippe Saunier, de la FNIC CGT, dénonce une décision qui oblige à un nouveau procès : « Total a dépensé des sommes énormes pour échapper à ses responsabilités. Or, la cause de l’accident est liée à la politique de l’entreprise. C’est le fait de sous-traiter et précariser une partie du fonctionnement de l’usine qui a conduit au mélange de produits incompatibles. Il est gravement préjudiciable pour les victimes de reporter encore de plusieurs années une décision de justice. En plus des morts, il y a eu plus de 20 000 blessés. La CGT va continuer à être partie civile dans ce procès. Les grands groupes se permettent ainsi de continuer à déréglementer le travail en argumentant qu’il n’y a pas de cause à effet. Dans ces conditions, nous ne sommes pas à l’abri d’un nouvel AZF. » R.F. B

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On m’a traité comme un délinquant”Le 24 avril 2014, une délégation de la Fédération nationale des salariés de la construction-bois CGT décidait d’envahir le siège de la chambre patronale du bâtiment pour protester contre le refus de négociation du patronat sur le dossier de la pénibilité. Les patrons portent plainte contre la CGT. Le 8 décembre dernier, Philippe Christmann, administrateur de la fédération CGT, était convoqué par la police par contrainte d’une mise en garde à vue et soumis à des prélèvements ADN. Une attaque personnelle, alors qu’il s’agissait d’une action votée collectivement, estime Jean Pascal François, secrétaire général de la fédération qui met en garde : « On ne peut s’en prendre à un “petit”, à un bouc émissaire, un défenseur des constructeurs. Quand on touche un constructeur, on touche tous les constructeurs. »Philippe Christmann, administrateur de la fédération CGT bois-construction

Ratier Figeac en grève pour les salaires

‘‘L’usine aéronautique Ratier de Figeac (Lot) s’est mise en grève

le 12 janvier 2015. Sur le site, qui compte environ 1 200 salariés, 90 % de la production était arrêtée au troisième jour d’action. « Cela nous a surpris », explique le délégué CGT Jean-Philippe Couchet. « Au départ, la CGT avait consulté les salariés pour savoir s’il fallait simplement tenir une AG. Vu le peu de réponses à cette consultation – une trentaine – nous avons hésité à la tenir. Finalement nous nous sommes retrouvés à 200, dont des personnels des méthodes et du laboratoire. Ça nous a étonnés. » La grève est votée pour réclamer une augmentation de salaires. Le 14 janvier, la CFDT se joint à l’appel et la direction propose une revalorisation de 2,2 % avec un plancher de 40 euros. Insuffisant pour les salariés, qui exigent 70 euros et poursuivent le mouvement. Jean-Philippe n’en revient pas « Le DRH a tenté de convaincre les personnels. Nous pensions que les tracts que nous distribuons régulièrement n’étaient pas lus, or ce sont tous nos arguments que les salariés ont ressortis. » R.F.

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nvo18 janvier 201518

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Karim Khedimallah50 ans, responsable adjoint du service extrusion chez Sphere (leader européen de l’emballage ménager) à Ouville-la-Rivière (76), délégué syndical de son entreprise et secrétaire général de l’union locale cGT de Dieppe.

«L’industrie est le poumon

de l’économie du pays. Les 170 salariés de notre usine font vivre beaucoup de prestataires, en tout plus de 1 000 personnes. on est un peu des samouraïs. on se bat pour nous et pour les autres. Si on réindustrialise la France, ça va remettre la machine en marche. J’appelle tous les patrons français à avoir le courage de produire sur notre territoire, confiance dans notre outil de travail et dans les salariés de France. »

paroles de…

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nvo19janvier 2015 19nvo

L e 24 octobre dernier au lami-noir de l’usine Aperam d’Im-phy (Nièvre), l’accident est

arrivé. Un salarié consciencieux essaye de retirer un papier sur une bande de métal à l’enroulage et se fait happer par les vêtements. Il arrive à se dégager in extremis mais a l’épaule luxée. Un mois plus tard, la victime est licenciée pour faute grave. Il a vingt ans d’expérience. « Je préfère licencier un salarié que de de-voir appeler son épouse et aller à son enter-rement », ose justifier le directeur. Sa pré-sence à des obsèques n’est pas réclamée. Depuis la loi du 9 avril 1898, c’est l’em-ployeur qui est présumé responsable des accidents du travail. Mais chez Aperam, le xIxe siècle est déjà trop progressiste, la faute est celle de la victime. Une ma-chine de guerre est mise en place, la fair play policy, et dix « règles d’or ». Les sala-riés qui les respectent sont félicités, ceux qui y contreviennent sont sanctionnés. Les sanctions pleuvent. En décembre, un cariste transportant trois caisses de bois en marche avant est convoqué à un en-tretien préalable au licenciement. Une règle précisait que cela devait être fait en marche arrière. Dans un autre secteur, un aciériste subit le même sort car il in-tervenait dans une zone risque gaz sans son détecteur. « En fait, ils intervenaient à deux avec un seul détecteur. Mais tous les

aciéristes n’ont pas de détecteur individuel et ils sont obligés de courir pour s’en procu-rer » s’insurge Samuel Houel, délégué CGT. Dès le 1er décembre les salariés du laminage à froid arrêtent le travail au re-gard de la règle d’or n° 10 qui stipule : « Je m’assure chaque jour de mon aptitude à te-nir mon poste de travail. » Ils argumentent auprès de la direction qu’ils ne se sen-taient pas bien pour travailler suite à l’annonce du licenciement. Le 2 dé-cembre, les salariés de production arrê-tent le travail face au constat que leur manière de travailler était en inadéqua-tion avec les dix règles d’or. « Si on les res-pecte à la lettre, l’usine ne peut pas tourner, analyse Samuel. À la suite de cela, la direc-tion a réuni des groupes de travail et acté un grand nombre de dérogations à ces règles d’or. » Le 10 décembre, jour de l’en-tretien préalable de l’aciériste, un ras-semblement a lieu en ville avec la venue de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT-métallurgie. Cela n’empêche pas ces deux derniers salariés de rece-voir leur lettre de licenciement. Depuis décembre, la colère s’étend face à la di-rection qui refuse la réintégration des salariés injustement licenciés. À l’heure où nous écrivons, une mobilisation impli-quant l’ensemble des sites d’Aperam était en cours de prépa-ration. Régis Frutier

EUROPE

CES

‘‘L’Europe a désespérément besoin d’investissements et d’emplois », a

déclaré mi-décembre Bernadette Ségol, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, alors que le président de la Commission européenne annonçait un plan d’investissement de 315 milliards d’euros sur trois ans. Comment générer cet investissement avec 21 milliards d’euros d’argent public, principalement sous forme de garanties ? Quel impact sur l’économie de l’UE « alors que le déficit d’investissement annuel depuis le début de la crise est estimé à au moins 280 milliards » ? La CES propose un plan d’investissement de 2 % du PIB (soit environ 250 milliards d’euros par an sur dix ans). I.A.

Grande- Bretagne

‘‘Alors que les directeurs des compagnies de bus

empochent le gros lot, les chauffeurs de bus effectuant le même travail sur la même ligne sont montés les uns contre les autres à cause de leur taux horaire différent », dénonce Wayne King, responsable syndical. Mardi 13 janvier, des milliers de chauffeurs de bus étaient en grève à l’appel du syndicat Unite, s’opposant aux 80 taux horaires de leur profession. Selon le maire de Londres, Boris Johnson, cette grève a été décidée par une minorité. Les conservateurs projettent, en cas de victoire aux prochaines élections législatives, d’imposer un minimum de 40 % d’avis favorables pour lancer un appel à la grève dans le secteur public. V.L.

Pologne

‘‘Si d’ici mardi [21 janvier, ndLR] la situation ne change pas et que

les négociations avec le gouvernement n’aboutissent pas à une solution souhaitée, un état-major intersyndical se réunira pour entreprendre des actions appropriées », a déclaré Piotr duda, du syndicat Solidarité, qui s’oppose à un projet de loi entraînant la fermeture de quatre établissements du groupe Kompania Weglowa contrôlé par l’État. Les mineurs font la grève tournante en restant à tour de rôle et par milliers au fond de la mine. Sur les 11 000 salariés, 3 000 sont menacés de licenciement. V.L.

APERAM

Licenciés pour « leur bien » !

Victoire des urgentistesÀ la veille de noël, Patrick Pelloux,

président de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF) commentait le succès que venaient de remporter les urgentistes : « On a obtenu un bon compromis qui comprend la reconnaissance de notre temps de travail quelles que soient les structures d’urgence, quels que soient les statuts. » Cette décision du gouvernement a permis la levée du préavis de grève qui avait été déposé essentiellement sur ces revendications à l’initiative de l’AMUF et de la CGT santé (alliance AMUF CGT) début décembre. R.F.

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nvo20 janvier 2015

Rendu le 7 janvier, le rapport de la mis-sion de concertation

sur l ’ intermittence reprend bon nombre des propositions de la CGT Spectacle. Si le premier ministre a an-noncé quelques mesures phare, la vigi-lance reste de mise.Le rapport de la mission de concertation sur l’intermittence, menée depuis l’été par le député socialiste Jean-Patrick Gille, l’ancienne directrice du festival d’Avignon Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle, ex-directeur général du Travail, a été remis le 7 jan-vier. Dans la foulée, le premier ministre, Manuel Valls, annonçait deux mesures phare. Dès le premier semestre 2015, l’inscription dans la loi des annexes 8 et 10 du régime d’assurance chômage

Quant à la prise en charge par l’État du différé d’indemnisation, période pen-dant laquelle un nouveau chômeur at-tend avant d’être indemnisé, elle « per-durera jusqu’à la négociation d’assurance chômage prévue au premier trimestre 2016 ». En d’autres termes, rien n’est réglé, il faudra batailler contre le main-tien du différé.Si le rapport reprend bon nombre des propositions de la CGT Spectacle et qu’un retour à une ouverture des droits dès 507 heures sur douze mois n’est plus considéré comme tabou et est même finançable, rien n’est acté. Même chose avec les droits rechargeables non épuisables qui bloquent certains chô-meurs avec des indemnisations misé-rables avant de pouvoir accéder au ré-gime général ou aux annexes 8 et 10. Et Denis Gravouil de donner l’exemple d’un musicien contraint d’épuiser ses droits – 5 euros par jour pendant un an – avant de pouvoir bénéficier de nou-veaux droits.Enfin, le cadre des négociations devrait changer pour éviter le simulacre de né-gociation du 22 mars dernier. « Les par-tenaires sociaux représentatifs du spec-tacle et de l’audiovisuel seront invités à négocier les paramètres propres au régime d’indemnisation des intermittents. Ils le feront dans un cadre préalablement fixé par les partenaires sociaux interprofes-sionnels. » Point de désaccord majeur de la CGT Spectacle : « Ce cadre fixera une trajectoire financière » pour parvenir à des économies. « Il s’agit toujours de faire des économies sur le dos des chô-meurs. Pas question de partager la mi-sère », martèle Denis Gravouil. Avant de conclure : « Nous entrons dans une troi-sième phase d’information et de vigilance, afin que le gouvernement mette en œuvre ce qu’il annonce. » Affaire à suivre donc. Amélie MeffreConsulter le rapport « Bâtir un cadre stabilisé

et sécurisé pour les intermittents

du spectacle », remis au premier ministre

le 7 janvier dernier : www.fnsac-cgt.com/

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réservée aux artistes et aux techniciens du spectacle. « Un principe réclamé depuis 2007 », se félicite Denis Gravouil, secré-taire général de la CGT Spectacle. Ainsi, plus question de les remettre en cause à chaque nouvelle négociation. Autre bonne nouvelle en ces temps de disette : le dégel dès janvier des 8 % de réserve parlementaire qui sert à gérer les comptes publics et l’augmentation en 2016 du budget de la Culture. « La mobi-lisation a payé », commente encore Denis Gravouil, d’autant qu’un fonds pour le développement de l’emploi devrait être créé, aidant notamment le développe-ment de l’emploi permanent. Côté pro-tection sociale, Manuel Valls a déclaré que dorénavant le seuil pour ouvrir des droits à la Sécurité sociale passerait de 200 heures à 150 heures.

AssuRAnCe ChôMAge des inteRMittents

La mobilisation a payé

décodage

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1 Le retour à une période de référence de 12 mois avec un seuil d’affiliation de 507 heures

de travail pour l’ouverture de droits.Cette période avait été réduite en 2003 à 10 mois pour les allocataires de l’annexe 8 et à 10,5 mois pour les allocataires de l’annexe 10 sans modifier le seuil d’affiliation. « L’hypothèse d’un retour à un système de date anniversaire, associé à une période de référence de 12 mois, doit pouvoir faire l’objet d’un examen dépassionné dans le cadre des futures négociations de l’assurance chômage. C’est une revendication essentielle sur laquelle s’accordent une large partie des interlocuteurs au niveau professionnel, qui va dans le sens d’un cadre plus stable et plus sécurisant pour les salariés intermittents. »

2Le renforcement de la responsabilité sociale de l’État et des collectivités territoriales

comme employeurs et financeurs.« En tant qu’employeurs et prescripteurs, l’État, les collectivités territoriales et les établissements dont ils assurent la tutelle n’assurent pas toujours le rôle structurant qu’ils devraient avoir. Par exemple, en complément des exemples souvent cités dans l’audiovisuel public, les données recueillies par la Direction générale de la création artistique (DGCA) auprès des établissements publics dont elle assure la tutelle montrent que les contrats tendent à être de plus en plus fractionnés et qu’une centaine d’emplois de techniciens pourraient être transformés en CDI. »

3 Renforcer l’encadrement juridique du contrat à durée déterminé d’usage (CDDU)

dans le secteur du spectacle et instaurer une durée minimale des contrats.« Face à la constatation du faible niveau de transformation des CDDU en CDI, la mission parlementaire (…) a proposé que le législateur instaure un mécanisme automatique de requalification au-delà de 900 heures réalisées chez un même employeur. Une telle mesure apparaît cependant trop drastique par rapport au seuil négocié dans l’accord (…). D’autres mesures peuvent être envisagées, comme l’instauration d’une durée minimale du contrat, par exemple de quatre heures, qui pourraient aussi être inscrites dans la loi et/ou les conventions collectives ».

TRois poinTs DU RappoRT sUR L’inTeRmiTTenCe appel à

témoignages du comité de chômeurs du morbihan (56)Face aux droits rechargeables, le

comité de chômeurs du morbihan (56) appelle à une mobilisation pour obtenir le « droit d’option » entre reliquat de droits et nouveaux droits pour tous. Depuis le 1er octobre, la convention d’assurance chômage signée le 22 mars et agréée par le gouvernement est en application dans son intégralité.« De nombreuses personnes perdent des droits, voire beaucoup de droits, avec cette convention d’assurance chômage : les intermittents, les intérimaires, les personnes de plus de 50 ans, les personnes qui reprennent une activité partielle, les cadres… », alerte le comité. il a lancé un appel à témoigner et déjà 42 personnes y ont répondu. L…, allocataire de Fort-de-France, touche 650 euros au lieu des 1 050 euros attendus. J…, allocataire de Dordogne, touche 500 euros au lieu des 940 euros attendus. C…, allocataire de Charente, touche 850 euros au lieu des 1 380 attendus…« Le sentiment d’injustice est tel, que les concernés se mobilisent. Une allocataire qui touche 850 euros au lieu de 3 600, une autre qui touche 195 euros au lieu de 900, c’est une honte. Les signataires de la convention doivent revoir leur copie », déclare le comité.envoyez votre témoignage à :

[email protected].

Voir le dossier complet du comité sur :

http://cgtchomeursrebelles56.blogspot.fr/

L’empLoi Dans Le speCTaCLe

L’inDemnisaTion Des inTeRmiTTenTs

Recensement de la population (INSEE).

74 100 artistes

116 400 profes-sionnels

technico-artistiques

L’actu en continu, c’est sur nvo.frLe monde ne tourne pas plus vite aujourd’hui qu’hier, mais l’activité humaine s’est démultipliée, créant un nombre d’informations à la seconde qui, parfois, perturbent notre compréhension. Pour suivre l’actualité et s’y retrouver, consulter et conseiller

nvo.fr

nvo21janvier 2015

47,5 %

52,5 %

Les effectifs professionnels atteignaient en 2010 environ 190 000 personnes déclarant exercer à titre principal dans le champ du spectacle vivant et enregistré, dont 74 100 artistes et 116 400 professionnels technico-artistiques

Le nombre d’intermittents indemnisés par l’assurance chômage atteint 108 700 allocataires en 2011, dont 52,5 % de techniciens (annexe 8) et 47,5 % d’artistes (annexe 10).

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maxi-ambitions,mini-moyens

dossier

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L e compte personnel de formation (CPF) et le conseil en évolu-

tion professionnelle sont entrés en vigueur le 1er janvier 2015. Quelles sont ces appellations techniques ? Rien de révolutionnaire, juste les deux dispositifs phares de la nouvelle réforme de la formation professionnelle.Fruit de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013 – non signé par la CGT, côté salariés, ni par la CGPME, côté employeurs (voir l’entretien p. 26) –, la loi rela-tive à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale date du 5 mars 2014. Sur le papier, elle prétend « orienter les finance-ments vers les salariés qui en ont le plus besoin (bas niveaux de qualification, demandeurs d’em-ploi, salariés des TPE), obliger les entreprises à former plutôt qu’à payer et donner plus de

Des droits en progrès, mais des financements obligatoires insuffisants. état des lieux et pistes pour obtenir un droit réel des salariés à la formation professionnelle.

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place au dialogue social et à l’initiative du salarié pour construire les parcours de for-mation » . Mais, contrairement aux

réformes de 2003 et 2009, qui avaient acté de nouveaux droits pour les salariés et des finan-cements supplémentaires, cette nouvelle réforme pose les bases d’un désengagement des entreprises avec « une baisse de plus de 2 mil-liards d’euros de contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle », relève, chiffres à l’appui, Paul Desaigues, conseiller formation professionnelle à la CGT. Et de chiffrer à près de 30 % la réduction des obligations des employeurs. « Cette réforme, abonde Laurent Milet, rédacteur en chef de la Revue pratique de droit social, dont le n° 833-834 entièrement consacré au sujet, est arrimée à la logique de course à la compétitivité par la réduc-tion du coût du travail dans le cadre du pacte de responsabilité, dont le leitmotiv est le rétablisse-ment des marges des entreprises par de nouvelles exonérations de contributions patronales. » Et de résumer l’essence des nouvelles dispositions dans l’intitulé de son éditorial : « Un droit vir-tuel à la formation ».En clair, sur le papier tout apparaît plus pos-sible que jamais, mais concrètement le finance-ment n’a jamais été aussi peu obligatoire. Bien sûr, certains aspects intéressent (voir les témoignages p. 28 et 29), comme celui du compte personnel de formation (CPF), figure de proue de cette réforme, qui remplace le droit individuel à la formation (DIF). Attaché à la personne et non plus au contrat de travail, le CPF est transférable et permet à tout salarié à temps complet d’acquérir tout au long de sa vie professionnelle – dès 16 ans et jusqu’à sa retraite – deux heures par mois jusqu’au cumul de 120 heures, puis une heure par mois jusqu’à 150 heures au maximum. « Chaque salarié, dans l’emploi ou privé d’emploi, est depuis le 1er janvier 2015 titulaire d’un CPF doté des heures de DIF disponibles au 31 décembre 2014, résume Paul Desaigues. Mais les financements légaux sont à ce point indigents que pour beaucoup, son usage risque de n’être qu’une arlésienne. » Avec 0,2 % de la masse salariale consacré au CPF – hors abondement volontaire des entreprises –, c’est environ 1,2 milliard d’euros qui lui serait dédié 1. Or, en prenant un taux prudent de 5 % de sala-riés utilisant ce dispositif, il coûterait déjà entre 5 et 6 milliards 2… Les institutions représentatives du personnel (IRP) sont officiellement propulsées en pre-mière ligne, mais restent consultatives. Les élus des CE seront invités à porter les demandes des salariés et les organisations syn-dicales seront amenées à négocier les augmen-tations de contribution au plan de formation de la part de l’employeur ou par accords de branche, mais toute contribution supplémen-taire restera conventionnelle. Les seules obliga-tions pour l’entreprise sont celle dite « de forma-tion d’adaptation au poste ou liée à l’évolution ou au maintien dans l’emploi », mais quid des moyens financiers prévus à cet effet puisque

dossier

l’obligation de finance-ment de 0,9 %, au titre du plan de formation de l’entreprise, a été sup-primée. C’est dire si la bataille syndicale et le rapport de force seront décisifs pour revendi-

quer l’orientation du plan de formation et l’ob-tention de financements supplémentaires.La CGT n’a cessé de critiquer le déséquilibre de cette réforme dès les premières séances de négociation. Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer le décalage entre les ambitions affichées et les financements en baisse. C’est dans ce contexte et dans une logique combative que la CGT a organisé, les 11 et 12 décembre derniers, les assises nationales de la formation professionnelle, avec pour thème : « Un an après la fin de la négociation formation professionnelle, quelle démarche CGT pour une réforme utile aux salariés ? » L’objectif était d’informer les 300 participants,

Les entreprises ne paieront pas un centime de plus que ce qui est prévu par la loi [du 5 mars 2014, NDLR] ”,précisait Jean François Pilliard, délégué général de l’UIMM, le 14 mai 2014, sur l’éventuelle instauration d’une contribution conventionnelle supplémentaire.

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24nvojanvier 2015

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entretien avec Pierre StraSSer

d’analyser avec eux les enjeux et d’établir des revendications communes. « Notre environne-ment idéologique et sociétal est de plus en plus individualisé et la CGT reconnaît qu’il faut des droits individuels, explique Djamel Teskouk, conseiller formation professionnelle à la CGT. Mais ce droit que constitue le CPF est un droit d’initiative du salarié qui ne peut devenir effectif que s’il s’appuie sur des garanties collectives. C’est pourquoi il faut construire une démarche collective pour s’en saisir. »Dominique Martinez

1. ces chiffres (1,2 milliard d’euros et 5 %), cités par les

économistes Pierre cahuc et Marc Ferracci dans la note

qu’ils ont produite pour le conseil d’analyse économique,

confirment la pénurie de moyens alloués.

2. Le calcul serait le suivant : 5 % de 20 millions de salariés

= 1 million. coût fourchette basse d’un cPF : sans rému-

nération = 1 500 € ; avec rémunération = 4 500 €. Besoin de

financements = 4,5 milliards a minima. Si on se réfère à

tous les actifs, les chiffres fluctuent entre 24 et 40 millions

d’actifs.

Quelle est l’idée fondatrice de la réforme de la formation professionnelle ?La volonté affichée est celle d’as-surer la compétitivité des entre-prises et de permettre la sécurisa-tion des parcours professionnels des salariés avec un supplément de formation, et donc une amélio-ration de leurs qualifications.

Quelles sont les spécificités de cette réforme ?Certains aspects s’attachent à la personne : en premier lieu, l’oppor-tunité est offerte à chacun de recourir à un conseil en évolution professionnelle (le CEP) fourni par des organismes extérieurs à l’en-treprise, ce qui lui permettra de réfléchir à son avenir. Un certain nombre d’opérateurs ont été dési-gnés, mais aucun financement

n’est prévu. Et l’ambition du CEP est si forte qu’on peut se deman-der si tous ces organismes dispo-sent des moyens et des compé-tences pour assumer cette charge. En second lieu, il y a l’entretien professionnel, un tête à tête entre le salarié et l’employeur, mais on sait que ce n’est pas une formule qui a suscité beaucoup d’engoue-ment jusqu’ici.Enfin, le compte personnel de for-mation (CPF) constitue la figure de proue de la réforme. C’est un élément intéressant, car on a tiré les leçons de l’échec du DIF. Il est attaché tout au long de sa vie à la personne, qui en a la maîtrise. Seulement, il ne peut servir qu’à financer pour l’essentiel des for-mations éligibles, inscrites sur des listes. Il est donc plus restrictif que le DIF. En résumé, le CPF pose un double défi : d’abord, le financement prévu est a priori insuffisant si ce dispositif a du suc-cès ; ensuite, il suppose une forte motivation du salarié, or l’expé-rience du DIF a montré que cela n‘est pas acquis d’avance.

et du côté des employeurs ?La grande réforme pour eux, c’est la diminution de l’obligation de finan cement de la formation pro-fessionnelle. Le risque est de voir diminuer les formations dans l’en-treprise. On a fait le pari qu’au lieu d’avoir une approche comptable de la formation vue comme une obligation de dépenser, on allait adopter une approche dynamique en considérant la formation comme un investissement. L’idée est intéressante, mais c’est loin d’être fait. Et dire, comme cer-tains, que l’obligation de financer se transforme désormais en obli-gation de former… Il y a abus

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Pierre Strasser est ancien enseignant et ancien directeur de l’institut du travail de l’université de Strasbourg.

“Le risque : la diminution des formations dans l’entreprise”

25nvojanvier 2015

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plan de formation de l’entreprise. Nous avions alerté sur l’impact considérable de cette simple mesure, notamment pour les PME et les TPE, et tout particulièrement pour les entreprises de 10 à 50 salariés. Autre aspect aggravant : la dispari-tion de l’obligation de financement est assortie d’une obligation de résultat puisque désormais, les entreprises devront rendre compte tous les six ans de la formation de leurs salariés. En d’autres termes, cette réforme nous prive des moyens de faire ce qu’elle nous impose de réussir. D’où notre refus d’avaliser le texte de la réforme. C’est une raison pragmatique et non idéologique, largement parta-gée par nos entreprises adhérentes mais aussi par nombre d’organisa-tions syndicales de salariés.

Quelles étaient les exigences de la CGPME ? Notre feuille de route avait trois objectifs : simplifier le système pour les patrons de TPE et de

Le représentant de l’organisation patronale CGPME explique les

as pects négatifs de la réforme pour les petites entreprises.

La CGPME n’a pas signé le volet formation professionnelle de l’ANI de décembre 2013. Pourquoi ?Parce qu’il acte la disparition pure et simple d’une participation obli-gatoire des entreprises au finance-ment de la formation profession-nelle. Laquelle disparition a pour corollaire la fin programmée de la mutualisation des fonds dédiés à la formation. Car ce sont ces fonds, collectés par les OPCA dans le cadre du plan de formation obliga-toire, qui finançaient jusqu’ici le

dossier

Les raisons du refus de la CGPME

de langage : cette obligation exis-tait déjà pour l’adaptation au poste de travail et la compétence pour être à la hauteur de son emploi. Il n’y a rien de nouveau, et les sala-riés ont du mal à faire reconnaître ce droit à la formation. Alors, à moins d’un miracle…Cette réforme va également se tra-duire vraisemblablement par une diminution des fonds mutualisés au sein des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Or ces OPCA ont à faire face à de nou-velles missions : par exemple accueillir les demandes des sala-riés mobilisant leur CPF, conseiller les entreprises dans leur nouvelle approche du plan de formation des salariés qui s’adressent à eux, veiller à la qualité des formations… Seront-ils tous à la hauteur de leurs nouvelles tâches ?

Quels sont les risques ?Ils sont multiples : le risque lié aux financements d’abord (rien de prévu pour le CEP, un financement trop faible si le CPF a du succès, un risque de diminution de l’effort de formation de certaines entreprises, un risque de diminution des fonds mutualisés…) ; le risque lié aux paris qui sous-tendent la réforme (pari de la mobilisation des titu-laires de CPF, pari du changement d’approche de la question de la for-mation par les employeurs, pari de l’évolution des pratiques des OPCA…). C’est loin d’être gagné mais des pistes sont ouvertes.Propos recueillis par Dominique Martinez

“ Les entreprises françaises ne sont pas assez matures et responsables pour être libérées de l’obligation légale de formation… ” Jean-Philippe Peugeot, PDG d’Établissements Peugeot Frères, le 2 décembre 2014.

Jean-Michel Pottier préside la commission formation- éducation de la CGPME.

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ENtrEtIEN

26nvojanvier 2015

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PME ; rendre plus efficace l’accès à la formation des salariés, et facili-ter l’accès aux fonds pour les plus petites entreprises grâce à un dis-positif de solidarité interentre-prises fondé sur une vraie mutuali-sation des ressources. Mais aucun de ces objectifs n’a été retenu.

Pourquoi les négociateurs n’ont-ils pas tenu compte des demandes de la CGPME, et donc des attentes des PME et des TPE ? Le Medef a imposé sa feuille de route. Or, l’un de ses objectifs était précisément d’obtenir la suppres-sion de l’obligation de financement du plan de formation. Pour ce faire, il s’est battu – c’est à souligner – non pas sur les règles d’imputabi-lité du financement du plan de for-mation, mais contre le principe d’imputabilité lui-même. À l’arri-vée, nous avons une réforme qui répond aux desiderata du Medef et de l’UPA, mais qui pénalise lourde-ment les PME, les TPE et bien sûr, les salariés.

Est-ce un succès pour les grandes entreprises et un échec pour les autres ? Ce que je peux affirmer, c’est que nous avons utilisé la même tech-nique que la CGT : négocier jusqu’au bout pour ne rien laisser que nous n’aurions pas tenté. Et ce ne fut pas peine perdue puisque nous avons réussi à préserver 0,2 % d’obligation de financement pour les entreprises de 10 à 50 et 0,1 pour celles de 50 à 300 salariés. Ce n’est qu’un trognon de ce qui existait. Mais nous nous sommes dit que c’est sur ces décombres que nous allions recons-truire un système de financement mutualisé. Un système volontaire, qui ne sera évidemment pas de la même nature juridique, mais qui permettra au moins aux entreprises de continuer de financer les plans de formation. C’est ce que nous négo-cions actuellement au sein de l’Age-fos-PME [l’OPCA des PME et des TPE, NDLR].

Le compte personnel de formation (CPF) est-il, comme beaucoup le pensent, une avancée majeure ?Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un progrès pour les salariés parce que le dispositif est très compliqué. C’est comme si vous vouliez activer une structure aussi sophistiquée que Beaubourg avec un carbura-teur de Solex. Je plains aussi nos entreprises en raison de la com-plexité inouïe dans la mise en œuvre du dispositif. Par ailleurs, je plains les salariés qui vont devoir s’en saisir et découvrir que leurs nouveaux droits ne sont pas assor-tis de moyens suffisants ; parce que là encore, l’accord prévoit une contribution de l’entreprise au CPF, mais quelques articles plus loin, le même texte fournit aux entreprises le mode d’emploi pour s’exonérer de cette contribution par simple accord. Cherchez l’erreur.

Alors, quel est le sens de cette réforme ? J’aimerais le comprendre. Mais le plus inquiétant, c’est le message délivré par le gouvernement qui semble dire : « Ne dépensez plus d’argent pour la formation profes-sionnelle. » Pour la CGPME, ce mes-sage est terrible. Car par-delà nos divergences de conception sur le droit individuel à la formation, nous considérons la formation comme un outil indispensable au développe-ment économique de l’entreprise.Propos recueillis par Nathalie Carmeni

Les raisons du refus de la CGPME

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Le point de vue de Pascale Gérard, présidente de la commission formation de l’Association des régions de France 1, sur le compte personnel de formation et la réforme.

“On peut considérer le CPF comme une avancée

majeure pour les salariés, et pour cause : c’est une étape décisive vers la sécurité sociale professionnelle. Parce que ce droit est attaché à la personne du salarié et non au contrat de travail, et parce qu’il est transférable. Certes, nous n’avons pas remporté la bataille du maintien des garanties collectives de son financement face à un Medef qui y était totalement opposé. Reste que nous avons franchi une étape significative : imposer notre vision de la formation, à deux niveaux : comme outil d’émancipation et de développement humain, mais aussi comme instrument de compétitivité hors coûts. Certes, encore, le dispositif actuel est largement perfectible, mais précisément, nous n’avons pas encore fini de pousser pour que les décrets de loi à venir reflètent au plus près l’esprit de la loi. La politique que je suis ne se privera pas d’exhorter les partenaires sociaux et les pouvoirs publics pour trancher des questions restées en suspens. Par exemple, cette proposition de doter le CPF d’au moins 150 heures de formation dès son activation. C’est pourquoi j’en appelle à garder la confiance dans le système, le mécanisme du CPF, nous allons le voir, est infiniment riche et offrira un choix immense à ses détenteurs. »

1. L’ARF représente les régions, qui pilo-

tent la formation continue sur leur terri-

toire.

“Un dispositif perfectible”

ENTRETiEN

27nvojanvier 2015

Page 28: nvo.fr nvo · 2017. 11. 7. · nvo Le journaL de La cgt janvier 2015 Sentinelles du bien commun nvo.fr enquête page 8. menu 8 lanceurs d’alerte sentinelles du bien commun 14 scop

L e secteur associatif à but non lucratif et les éta-blissements médico-

sociaux à caractère commercial sont les deux grandes branches du secteur de la santé concernées par la réforme de la formation profes-sionnelle – la fonction publique hos-pitalière n’étant quant à elle pas concernée. Les négociations entre les syndicats de travailleurs et d’employeurs de cette branche (l’Unifed) ont démarré en sep-tembre 2014. L’enjeu est de taille. Le secteur sanitaire, social et médico-social associatif à but non lucratif emploie 700 000 salariés dans près de 21 000 établissements en France : les centres de lutte contre le cancer, ceux de la Croix-Rouge, des structures d’aide aux personnes handicapées, âgées ou fragiles, des fondations hospita-

dossier

reportage Contre le désengagement des employeurs, les syndicats à l’offensive

nvo.fr

Franck [le prénom a été modifié], formateur des élus de CE et agent de la Direccte

“La crainte c’est que les CE vont se retrouver seuls, sans l’appui de l’administration de contrôle de la formation professionnelle face à l’employeur pour garantir le bon fonctionnement de la formation en entreprise. La

Direccte [la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, NDLR], ne contrôlera plus les plans de formation. Pis, la réforme a supprimé les sanctions financières qui pouvaient être très importantes. Désormais, ce ne sera plus qu’un simple délit d’entrave, quasiment jamais poursuivi . ”

témoignages

lières et de nombreuses associa-tions de l’action sociale. La CGT s’inquiète de la baisse du budget alloué à la formation pro-fessionnelle. La fin de l’obligation légale de cotiser au plan de forma-tion pour les grandes entreprises (plus de 300 salariés), conséquence directe de la nouvelle réforme, en est la raison principale. Jusque-là, le taux de contribution des établis-sements à l’OPCA de branche, Unifaf, était de 2,3 % de la masse salariale brute. Ce taux passerait à 1,7 %, si l’on s’en tient aux proposi-t ions actuel les de l ’Uni fed. Concrètement, cela signifierait une perte d’environ 100 millions d’eu-ros chaque année dans les caisses de l’Unifaf, soit 126 300 formations de moins financées selon les esti-mations de la CGT. « La formation devient une variable d’ajustement pour les employeurs. Ce qui n’ira plus

dans la formation professionnelle sera transféré à la trésorerie des éta-blissements », s’indigne Joëlle Loussouarn, membre de la fédéra-tion CGT santé et action sociale, négociatrice de ce dossier.Une autre de ses craintes ? Que « le nouveau compte personnel de forma-tion (CPF) permette aux employeurs de se dédouaner de leurs responsabili-tés de former les salariés sur le long terme ». En clair, que les établisse-ments se contentent désormais de former leurs employés a minima. « Nous redoutons que le plan de for-mation ne se résume qu’aux stages courts de quelques jours comme, par exemple, “Conduire un entretien avec les familles”, “Travailler avec des adolescents psychotiques” ou encore “Apprentissage des nouveaux logiciels informatiques” », explique Franck Monfort, éducateur spécialisé d’un foyer éducatif en Bretagne et admi-

Mohamed Ezzenz, membre du collectif

CGT formation professionnelle Aquitaine, mandaté CGT au Fongecif.

« Le compte personnel de formation (CPF) et le

conseil en évolution professionnelle vont dans le bon sens. Ils vont permettre au salarié de s’approprier son parcours professionnel. Le problème, c’est qu’il y aura moins d’argent demain. La nouvelle loi fait des économies sur la formation. Or, nous ne la voyons pas comme un coût, mais comme un investissement sur le long terme. »

Lydie Delias, militante CGT chez Legrand, entreprise leader dans l’appareillage électrique à Limoges, et représentante CGT au Fongecif.

“Il y a dix ans, Legrand consacrait 1,4 % de sa masse salariale brute au plan de

formation et 10 % de son chiffre d’affaires aux investissement industriels. Aujourd’hui, on est tombé à 0,9 % pour la formation et 2 % pour les investissements. Avec la nouvelle réforme, notre entreprise de 6 000 salariés, donc au-dessus de la barre des 300 salariés, va échapper à l’obligation légale de financement du plan de formation en interne. La société Legrand cherchant à diminuer ses dépenses, elle réduit ses investissements dans les machines et diminue ses effectifs. Si elle peut éviter de financer la formation, évidemment, elle le fera. On n’en est plus à former, mais à prendre le risque de perdre progressivement nos compétences. Cela va diminuer notre capacité à innover alors qu’il faudrait former en informatique et en électronique pour développer la domotique. C’est la viabilité de l’entreprise qui est en jeu. ”

28nvojanvier 2015

Page 29: nvo.fr nvo · 2017. 11. 7. · nvo Le journaL de La cgt janvier 2015 Sentinelles du bien commun nvo.fr enquête page 8. menu 8 lanceurs d’alerte sentinelles du bien commun 14 scop

nvo.fr

Contre le désengagement des employeurs, les syndicats à l’offensive

Catherine Bigot, formatrice, membre du collectif emploi formation du comité régional Bretagne CGT

“Le compte personnel de

formation est une vraie avancée. Universel, transférable, il est attaché à l’individu quel que soit son statut. L’entretien personnel de formation est aussi une bonne chose car certains salariés n’ont jamais entendu parler de formation après dix ou quinze ans de boîte. Mais il faut qu’il soit balisé et le salarié doit y être préparé. Il ne doit pas devenir une séance d’évaluation du salarié face à son employeur. ” E.S.

nistrateur CGT d’Unifaf. Or, dans un secteur aussi réglementé que la santé et l’action sociale, où l’on ne peut exercer sans titre certifié, il faudrait au contraire des forma-tions longues et diplômantes pour permettre la reconversion ou l’aug-mentation des qualifications des salariés. « Nous réclamons des certifi-cations totales et non des bouts de compétences au bon vouloir des patrons. Cela leur suffit peut-être mais pas aux salariés », conclut Joëlle Loussouarn.Dans ce contexte, la CGT appelle à la mobilisation des salariés et en particulier dans les petits établisse-ments car ils sont les bénéficiaires de la mutualisation des fonds col-lectés par l’OPCA Unifaf. « Un éta-blissement de dix salariés peut diffici-lement se permettre de payer une formation longue d’infirmière à une salariée. Un haut niveau de collecte

lui permettait de profiter de forma-tions au même titre que les gros éta-blissements », précise Franck Monfort. Dans le Finistère, il a fait circuler la pétition nationale « pour la survie de la formation profes-sionnelle ». À ce jour, plus de 400 salariés l’ont signée dans le dépar-tement. « En découvrant comment la formation professionnelle était finan-cée, ils ont pris conscience qu’un droit était en train de leur échapper et que cela mettait en péril leurs possibilités d’évolution de carrière. La formation est un puissant vecteur d’émancipa-tion et de promotion sociale. » Cette pétition peut faire pression sur leurs employeurs, adhérents d’Unifed.Face à la logique de désengagement des employeurs et à leur rejet de la mutualisation des fonds, Joëlle Loussouarn se donne deux objec-tifs : tirer vers le haut les budgets et

créer des droits nouveaux. « Il faut mettre le plan de formation sous contrôle social. Les syndicats doivent pouvoir négocier l’élaboration du plan de formation au même titre que les salaires. Ensuite, il faut sanctuariser une partie de ce plan aux formations qualifiantes – c’est-à-dire – celles qui permettent de s’élever d’un niveau de qualification. Enfin, il faut au moins maintenir ce que l’on a déjà, les 2,3 % de la masse salariale brute. »La fédération CGT santé et action sociale négocie au même moment avec la Fédération de l’hospitalisa-tion privée et le Synerpa, deux organisations patronales représen-tant les maisons de retraite et les cliniques, établissements médico-sociaux à caractère commercial. Les négociations pourraient durer encore un mois.Sophie Babaz

L’impact de la réforme

La réforme de la formation professionnelle issue de la loi du 5 mars 2014 acte une forte baisse des financements minimum des employeurs. Au global, les 7 444 millions d’euros d’obligation de 2012 se transforment en 5378 millions d’euros, soit une réduction de 27,75 %.

Source « Jaune budgétaire 2015 »– calculs CGT – décembre 2015

29nvojanvier 2015

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La CGT n’a pas signé l’accord national interprofessionnel qui a notamment présidé à la loi sur la réforme de la formation professionnelle entrée en vigueur le 1er janvier 2015…En effet. Rappelons que ces négociations s’inscrivaient dans le contexte, toujours actuel, de l’offensive du patronat, relayée par le gouvernement, en faveur de la baisse du coût du travail. Elles faisaient suite à celles dites « de sécurisation de l’emploi » que nous n’avions pas signée – [FO également, NLDR] – car contraire aux intérêts des salariés. Ce contexte ne nous laissait que peu d’espoir de gagner des droits supplémentaires pour les sala-riés ni d’avancées vers la perspective de sécurité sociale professionnelle revendi-quée par la CGT. Malgré cela, nous y avons participé avec la volonté de faire valoir nos propositions. Mais dès le début de ces négociations le gouvernement, par la voix du ministre en charge de la forma-tion professionnelle, donnait le feu vert à la principale exigence du Medef : la sup-pression de l’obligation légale de finance-ment du Plan de formation profession-nelle par les entreprises. En contrepartie partielle de cet abandon, il y avait certes des dispositifs intéressants qui vont dans le sens de ce que propose la CGT : des droits individuels garantis collectivement. Mais ces nouveaux droits et dispositifs comme le Compte Personnel de Formation, le Conseil en Évolution

Conforter les attentes et gagner des financements conventionnels

perspeCTives

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dossier

Professionnelle ou même l’entretien de formation professionnelle sans ces garan-ties collectives et sans les financements nécessaires ne peuvent être réellement efficaces et accessibles.

La réforme votée, il va falloir s’en emparer. Comment compte faire la CGT ? Les militants de la CGT, dans les comités régionaux, dans les OpCA vont être amenés à peser sur l’affectation des fonds, dans les entreprises les élus Ce seront invités à donner leur avis…Durant toute l’année 2014, nous avons influé sur la rédaction de la loi et des décrets, faisant avancer nos analyses et nos propositions dans les différentes phases de la concertation quadripartite. Ce seront autant de points d’appui pour nos élus CGT dans les négociations de branches, dans les consultations des CE d’entreprises ou dans les instances régio-nales, désormais décisives sur ce registre. Dans les faits, la loi instaure la baisse des financements, il y a donc à gagner une compensation de la baisse par des finan-cements conventionnels. Nos élus dans les négociations de branches s’y attellent et sont confrontés dès les premières négociations à un désinvestissement fort de la part du patronat (obnubilé par la baisse du coût du travail). Le deuxième enjeu sera de réussir à faire monter les attentes car – comme on l’a répété plu-sieurs fois lors des assises de la formation professionnelle des 11 et 12 décembre qui ont réuni plus de 200 participants – il ne faut pas considérer la formation profes-sionnelle comme un sujet technique isolé, mais bien au contraire commencer par faire réagir les salariés sur leur travail, la qualité du travail, son organisation, son sens, sa reconquête. Et à partir de là, faire émerger les besoins en formation pour répondre à l’évolution de leur métier, à leur volonté d’évoluer professionnelle-

ment ou même de s’émanciper de leur travail. Cette démarche vise à révéler les demandes de droit à la formation et à rou-vrir le débat dans les entreprises sur l’in-suffisance des investissements réels face aux attentes et aux besoins de salariés. Le militant de terrain est en première ligne : c’est à lui que revient d’expliquer aux sala-riés en quoi la formation peut servir à reconquérir son travail et combien la construction d’un rapport de force est nécessaire pour obtenir des acquis. La confédération publie « Ma formation en poche » pour susciter le dialogue avec les salariés sur le terrain de l’entreprise. Ensuite, la bataille se joue aussi dans la consultation du plan de formation qui a lieu deux fois par an.

Cette réforme compte donc aussi des aspects positifs ?N’idéalisons pas la situation : nous récla-mions une délibération sociale du plan de formation que nous n’avons pas obtenu. Les textes en sont restés à la consultation des élus du CE, ce qui maintient le manque de pouvoir réel d’intervention des représentants des salariés. Mais cette consultation a été mise en relation avec la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (la GPEC). C’est un point d’appui pour faire émerger les besoins de formation en entreprise avec un entretien individuel en formation professionnelle rendu obliga-toire par la loi pour toutes les entreprises. Les militants de la CGT pourront tra-vailler collectivement au développement des entretiens de formations individuels pour porter des demandes de formations qualifiantes et/ou diplômantes qui entraî-neraient une reconnaissance notamment par une augmentation de salaire et une évolution de poste au retour de forma-tion. Tous ces enjeux nous attendent dès ce début d’année. Dominique Martinez

entretien avec Catherine perret, membre de la Ce confédérale de la CGT en charge de la formation initiale et continue.

30nvojanvier 2015

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nvo32 janvier 2015

une instance fédérale, la banque cen-trale, qui, par son statut, défend bien un intérêt européen. Mais cet intérêt euro-péen reste limité dans son extension et son mode d’action par le fait que le reste de la construction européenne n’est pas fédéral. D’où un statut de banque cen-trale très particulier : à la fois très in-dépendant mais avec des missions très réduites que la banque a d’ailleurs dû dé-passer dans l’urgence de la crise. C’est là le résultat d’une gouvernance qui étant constituée par un conseil de chefs d’État est une gouvernance non coopérative. Chaque gouvernement défend en effet son intérêt national en prenant l’intérêt des autres comme un donné immuable. Chacun produit donc un optimum qui n’est un optimum que si l’autre ne bouge pas. Mais l’autre bouge dans les mêmes conditions. Cet équilibre non coopéra-tif a pu fonctionner pendant la période d’avancée de la globalisation financière parce que nous étions en quelque sorte dans le flux de l’extension financière. Mais cette gouvernance, ne produisant aucun intérêt européen, s’est avérée ca-tastrophique dans la crise.

Quelles en ont été les conséquences concrètes ?Elle a entraîné trois erreurs majeures de politique économique. La première c’est que, contrairement aux États-Unis, le sys-tème bancaire n’a pas été assaini. On a laissé stagner les pertes à l’intérieur du système bancaire, on n’a pas recapitalisé

à la crise. Concernant ces dernières, l’évolution se fait en deux phases. Immé-diatement après la crise financière, vous avez à peu près le même profil dans tous les pays développés : on observe une ré-cession qui est limitée par les décisions du G20 de Londres en mars 2009 qui consistent à créer une relance généra-lisée. Les évolutions concernant les va-riables macroéconomiques – croissance, consommation, crédit, etc. – sont très parallèles en Europe et aux États-Unis. Puis, au milieu de l’année 2010, alors que les signes de reprise se font jour, se produit un deuxième choc, européen celui-là, dont le catalyseur est la crise grecque. Ensuite, la divergence des évolutions est totale. Les États-Unis, de manière conjoncturelle, connaissent un processus de reprise, moins important que lors des reprises antérieures mais qui néanmoins permet de réduire le chô-mage. L’Europe, en revanche, retombe en récession. Ce qui révèle une difficulté proprement européenne : l’incapacité à faire en sorte que l’euro soit un mode de relation dont on puisse tirer parti pour mener une politique européenne cohé-rente. C’est donc la très mauvaise gou-vernance de la zone euro, ce que j’appelle l’incomplétude de l’euro, qui est à l’ori-gine de ce phénomène.

Qu’entendez-vous par incomplétude de l’euro ?Nous avons, avec l’euro, créé un hybride unique au monde. Nous avons projeté

‘‘Nous constatons tous l’existence d’un lien entre crises systémiques, brouillage des repères 

républicains traditionnels et sentiment croissant d’impuissance qui grève la démocratie’’

Changer l’Europe…  et l’entrepriseNVO – L’Europe reste le point noir de l’économie mondiale et est aujourd’hui menacée par la déflation. Comment en est-on arrivé là et de quelle crise s’agit-il ? De la crise de l’Europe ou de la crise du capitalisme ?MiChEL AgLiEttA – C’est en fait une crise en profondeur du régime de crois-sance financiarisé qui s’est mis en place ces trente dernières années. La crise, en effet, ne se caractérise pas par un évé-nement extérieur qui viendrait créer un choc sur un type de croissance qui, lui, fonctionnerait. Elle traduit au contraire le caractère insoutenable de ce type de croissance fondé sur la dette et des dy-namiques financières provoquant des bulles spéculatives. La crise remet ainsi profondément en cause le mode de régu-lation que le capitalisme a mis en place après le début des années 1980, lorsqu’il a vaincu l’inflation. Les problèmes ne se limitent donc pas à l’Europe, ils se po-sent dans le monde entier. Et le symp-tôme qui représente cette incidence de phénomènes profonds sous-jacents est ce qu’on appelle la baisse de la crois-sance potentielle : les capacités de pro-duire de la valeur sont affaiblies par rapport à ce qu’elles étaient avant. Cette baisse se manifeste partout. En Europe comme aux États-Unis ou en Chine…

Mais la crise n’a-t-elle pas, en Europe, des traits spécifiques ?Il faut distinguer la crise et les réponses

analyse

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nvo33janvier 2015

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Michel Aglietta, économiste, professeur des Universités, conseiller au CEPII, membre du Haut conseil des Finances publiques.

les banques et, en conséquence, la paraly-sie de la finance s’est manifestée annihi-lant le potentiel de transmission de la po-litique monétaire à partir de la BCE. Résultat, l’assainissement du système fi-nancier ayant été énormément retardé, la dette privée ne s’est pas réduite. La deuxième erreur est de n’avoir pas su identifier la nature de la crise grecque et d’avoir donc permis le déve-loppement d’un phénomène de conta-gion dans le cadre du système financier intégré de l’Europe. On a ainsi considé-rablement accru les oppositions entre créanciers et débiteurs ajoutant à l’af-faiblissement de la croissance poten-tielle l’incapacité de répondre à la situa-tion de manière positive. Ce qui se traduit par ce qu’on appelle dans le jar-

gon économique un « output gap » (un écart de production) négatif : la produc-tion effective et, donc, le niveau d’em-ploi, est bien inférieure au niveau po-tentiel même si celui-ci baisse sur la longue durée. Troisième erreur enfin, l’austérité géné-ralisée. Sous la pression allemande, les gouvernements ne se sont entendus que sur une chose : la nécessité de réduire les dettes publiques et le déficit budgé-taire. Et ils l’ont fait simultanément et avant que la dette privée ait diminué. Ce qui fait que l’économie privée n’est pas capable de soutenir la croissance au moment où se produit le choc récessif de la puissance publique… La consé-quence, c’est une baisse de la demande qui, compte tenu des interdépendances

en Europe, débouche sur un processus autoentretenu de basse croissance.

Autrement dit, l’Europe sort de la récession par la stagnation, et le danger, c’est que cette stagnation dure ?Oui, et ce danger découle de ce que j’ap-pelle les trois cercles vicieux de la basse croissance. Premier temps, la baisse de la demande, liée à la politique d’austé-rité, entraîne une stagnation voire une contraction des revenus qui, à son tour, contrarie le désendettement du secteur privé. Le résultat, c’est une réduction de l’investissement parce que les entre-prises sont soit endettées, soit ont des clients endettés qui, en tout cas, n’exer-cent pas de demande de débouchés. La baisse de l’investissement entretient donc le marasme de la demande glo-bale. C’est le premier cercle vicieux, le plus direct.Le deuxième, c’est que la banque cen-trale, pendant ce temps, fait son travail. Elle baisse les taux d’intérêt nominaux puis, à un moment donné, elle bute sur la barrière de taux zéro. Mais, dans le même temps, la baisse prolongée de la demande fait baisser l’inflation et cette baisse, avec un taux d’intérêt nominal bloqué, entraîne une hausse du taux d’intérêt réel qui a deux conséquences : elle augmente le coût de la dette privée et contrarie une nouvelle fois le désen-dettement ; elle met le coût du capital plus haut qu’on ne le croit et entraîne donc une nouvelle réduction de l’inves-tissement.Le troisième cercle vicieux s’enclenche, lui, du côté de l’offre. Quand on a une forte diminution de l’investissement brut, c’est l’efficacité même des facteurs de produc-tion qui se trouve entamée. D’abord, le ralentissement du renouvellement du ca-pital pèse sur la productivité car, en ne remplaçant pas les machines, on se prive d’innovations qui augmentent l’efficacité productive. Et, de l’autre côté, le chômage de longue durée, tendant à devenir struc-turel, détruit les compétences et la qualité de la force de travail. Résultat, la produc-tivité globale baisse et c’est là un élément important de la baisse de la croissance potentielle.

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nvo34 janvier 2015

Est-il difficile de sortir de cette sta-gnation ?Oui, parce que si l’austérité est un fac-teur déclenchant, les trois cercles vi-cieux s’enchaînent les uns derrière les autres et créent un processus autoen-tretenu. Il marche de lui-même, les an-ticipations se formant à partir de cette vision de stagnation. Ce qui veut dire qu’il ne suffit pas d’enlever l’austérité antérieure pour en sortir. Il faut faire beaucoup plus.

Et que conviendrait-il de faire ?Il nous faut fabriquer un intérêt com-mun européen pour aller vers une vraie union budgétaire et relancer massive-ment l’investissement. En matière bud-gétaire, je pense qu’on peut trouver une voie, disons progressive, pour ce faire. L’idée, c’est d’adopter dans ce domaine la démarche qui a été celle de l’Union bancaire. Or, nous avons fait, dans le cadre du traité d’union budgétaire de 2012 (TSCG), des choses positives en même temps que nous confirmions des choses négatives. Il y a là un aspect dia-lectique intéressant. Le positif, c’est quoi ? C’est d’abord ce qu’on appelle les semestres européens. C’est-à-dire l’obli-gation pour les gouvernements de voir plus loin que l’année et d’avoir une vision à moyen terme des finances publiques.

Une vision à cinq ans. Autre instrument intéressant, les hauts conseils des fi-nances publiques qui sont des organes d’évaluation indépendants, qui donnent un diagnostic de la situation budgétaire. Maintenant, le négatif. C’est que le dispo-sitif n’est pas contingent à la situation macroéconomique et notamment à la si-tuation macroéconomique d’ensemble. Autrement dit, chacun fait son pro-gramme de stabilité par rapport à une perception de la croissance potentielle qui n’est pas du tout validée par les faits et avec un mauvais jugement sur ce que va être « l’output gap » Ce qui fait que les engagements pris – c’est surtout vrai pour la France – ne peuvent être tenus. Et on tombe alors sur une absurdité, parce que toutes les contraintes de l’an-cien pacte de stabilité en matière de dé-ficit et de dette sont toujours là et qu’on en a même rajouté. Je pense qu’il faut passer maintenant à une vraie coordina-tion avec les outils institutionnels dont on a commencé à se doter et laisser tom-ber les contraintes qui nous détruisent.

Mais comment instaurer cette « vraie coordination » ?L’idée, c’est de mettre en réseau les hauts conseils des finances publiques de façon à avoir un point de vue multila-téral sur les situations budgétaires des

uns et des autres. Le problème dans une union monétaire, c’est qu’on se crée de très fortes interdépendances qu’on ne maîtrise pas si on n’adopte pas ce point de vue. Si nous réunissions dans un Institut budgétaire européen tous les hauts conseils, nous pourrions dis-poser d’une analyse intégrée permet-tant d’aller dans le sens d’une politique budgétaire commune. À partir de ce diagnostic formulé par des experts in-dépendants dont le sérieux n’est pas remis en cause, les gouvernements pourraient mieux voir les choix à opé-rer pour le semestre européen et pour la politique budgétaire. On peut même faire encore mieux en commençant à injecter un peu de démocratie. Je pro-pose que ce rapport puisse être discuté – et d’une certaine manière validé – par une conférence des parlements natio-naux représentés par des membres de leurs commissions des finances. Ils for-meraient un collège, lequel formulerait un avis souverain dont le conseil des chefs d’État devrait tenir compte dans ses arbitrages finaux. Ce qui aurait le mérite d’introduire un début de légiti-mité démocratique dans une procédure qui aujourd’hui n’en a aucune.

Et s’agissant de l’investissement… Là, la mayonnaise commence à prendre. Sur le plan intellectuel, il y a, d’un côté, la doctrine allemande qui, avec des jus-tifications d’ordre moral et juridique, s’est imposée en Europe au travers de tous les carcans que nous venons d’évo-quer et, de l’autre côté, le reste du monde, si j’ose dire, qui considère que l’Europe est tombée dans un piège lié à l’insuffisance de demande. Chaque es-poir de reprise conjoncturelle sponta-née s’étant systématiquement étouffé depuis le milieu 2013, il y a quand même de plus en plus de discussions là-dessus y compris en Allemagne. L’insuffisance d’investissement devient incontour-nable dans le débat. Il faut s’appuyer sur ces débats comme il faut s’appuyer sur Mario Draghi, qui ne cesse d’insis-ter sur le fait qu’il ne pourra pas conti-nuer à essayer d’éviter la déflation si les gouvernements ne font pas leur travail. Et leur travail aujourd’hui, c’est de sor-tir du manque de demande et, en même

‘‘Il faut penser une cohérence industrielle, il faut penser réindustrialisation des territoires qui ont

été désindustrialisés. Il faut aussi penser une certaine cohérence de l’innovation et des priorités. ’’

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35nvojanvier 2015

temps, de remettre la notion de ré-formes structurelles sur le bon chemin. C’est-à-dire celui de l’amélioration de l’efficacité des facteurs de production et non celui de la baisse des coûts par la baisse des revenus. L’investissement devient donc une priorité absolue.

Le programme Junker répond-il à cet impératif ?Il sonne le réveil, mais il n’est pas en-core à la hauteur sur le plan opération-nel. Il dit « il faut investir », mais il ne nous dit pas où ni comment seront dé-terminés les programmes d’investisse-ment. Le danger, c’est une liste de pro-jets à la Prévert, décidés seulement par des bureaucrates et sans aucune cohé-rence industrielle. Or, aujourd’hui, il faut penser une cohérence industrielle, il faut penser réindustrialisation des territoires qui ont été désindustrialisés. Il faut aussi penser une certaine cohé-rence de l’innovation et des priorités. L’Europe doit réfléchir aux domaines dans lesquels elle peut avoir un lea-dership technologique si elle veut re-trouver une trajectoire de long terme. Elle peut essayer de suivre dans le do-maine du numérique mais le retard est trop important pour qu’elle puisse s’im-poser comme leader. En revanche, si nous disons que le problème crucial de ce siècle, c’est le changement clima-tique et l’interaction de l’environne-ment et de l’économie, l’Europe appa-raît comme sensibilisée, avec déjà des expertises dans ce domaine. Il faut donc, selon moi, se saisir de la confé-rence de Paris l’année prochaine pour fabriquer une politique industrielle au-tour d’une filière « énergie-carbone ».

Pour retrouver le chemin de la croissance, ne faut-il pas aussi remettre en cause la « dictature » de la valeur actionnariale qui est un frein à l’investissement, mais aussi au développement des capacités humaines ?Absolument. Et, pour en sortir, il faut remettre en cause la conception de l’en-treprise qui a cours aujourd’hui. L’idée que l’entreprise est possédée par les ac-tionnaires n’a, en fait, pas de sens. La notion de politique industrielle comme la nature de l’innovation et le sens du progrès technique exigent la prise en compte des compétences collectives. C’est l’interaction entre partenaires qui produit des connaissances qui servent à augmenter la productivité de l’en-semble. Il faut donc passer d’une gou-vernance actionnariale qui consacre la toute-puissance des actionnaires à une

gouvernance partenariale qui reconnaît tous les acteurs de l’entreprise.

C’est ce passage d’une gouvernance actionnariale à une gouvernance partenariale qui devrait, selon vous, permettre d’établir un nouveau contrat social ? Oui. Nous avons eu dans l’après-guerre un contrat qu’on pourrait dire « mana-gérial » avec redistribution. Il était très fort, parce que le lien salaire-producti-vité entretenait une macroéconomie stable. Il nous faut retrouver ce type de lien. Mais, aujourd’hui, nous devons al-ler au-delà et passer à un principe par-tenarial au niveau de la définition stra-tégique des entreprises et pas seulement au niveau de la distribution des fruits de la croissance, laquelle doit ressortir, justement, du fait que tous les partenaires qui constituent du capital intangible, comme on dit, sont des ayants droit à l’utilisation de la valeur ajoutée. Il faut donc que les décisions stratégiques des entreprises et leur mode de gouvernance soient irrigués par l’ensemble des compétences qui sont dans l’entreprise. Et, éventuelle-ment d’ailleurs, à l’extérieur, si vous mettez en place des systèmes d’innova-tion dans lesquels les entreprises sont mises en réseau – comme dans le Mit-telstand allemand – ou si les collectivi-tés locales prennent plus de pouvoir en matière de décisions industrielles.

Pour vous, ce serait cela la nécessaire mutation du capitalisme ?En tout cas, ces changements y contri-bueraient fortement. Ils réduiraient l’emprise de la financiarisation et l’arri-vée de porteurs de compétences dans les décisions qui vont définir la distribu-tion des revenus aurait incontestable-ment des conséquences positives, même s’il est difficile de les décrire par avance. De plus, ce déplacement du pouvoir va dans le sens d’une démocra-tie approfondie et réelle. Pour moi, un nouveau contrat social ne peut appa-raître qu’à partir de cette transforma-tion du modèle de décision de l’entre-prise. Je pense aussi que c’est à partir de là qu’une inversion de la distribution des revenus primaires peut se faire. On retrouve là la nécessité du changement que j’évoquais au début : le capitalisme doit muter et, selon moi, il ne peut mu-ter que dans ce sens-là, s’il veut sortir d’une crise très, très profonde.

Entretien réalisé par Jean-François Jousselin

Michel Aglietta, Europe, sortir de la crise et inventer l’avenir, Michalon, 327 pages, 19 €

Publié en novembre dernier, le dernier

livre de Michel Aglietta répond à dix questions qui cernent les maux persistants de l’Europe et les changements qui permettraient de s’en libérer. Soulignant qu’il n’y a pas d’avenir pour qui est incapable d’investir et pas d’élan pour l’investissement innovant dans les pays convertis à l’hégémonie de la finance, il plaide donc pour que l’Europe retrouve une autonomie idéologique et renoue avec une vue de long terme centrée sur deux finalités : reconstruire un contrat social fondé sur un partenariat entrepreneurial et investir résolument dans la transition énergétique.

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36nvojanvier 2015

l’Économie. Un coup de jeune pour la France, selon celui-ci, qui entend bien « ne pas s’en arrêter là ». Il ne s’agirait ce-pendant pas de « la loi du siècle », a mo-déré début janvier le locataire de l’Ély-sée, sur France Inter, devant l’avalanche

Extensiondu domaine libéral

de critiques non seulement syndicales, ainsi que des élus Front de gauche et écologistes, mais aussi parmi des élus de sa majorité, contre le contenu et les orientations du texte.C’est que le projet d’Emmanuel Macron, présenté en décembre en conseil des mi-nistres pour arriver à l’Assemblée natio-nale le 26 janvier, et qui vise à « lever les freins à l’activité », mieux investir et tra-vailler davantage, s’inscrit très officielle-ment dans la continuité « des grands choix économiques engagés depuis 2012 » au nom de la compétitivité des entre-prises « à travers le crédit d’impôt compé-titivité emploi (CICE) et le Pacte de respon-sabilité et de solidarité ». En allant plus loin encore dans la remise en cause du droit des salariés, notamment des plus précaires, et du droit du travail…Rassemblant une série de mesures ap-paremment sans lien, le texte, qui puise dans le rapport de la commission At-tali de 2008 « pour la libération de la croissance française » comme dans le rapport Bailly sur le travail du di-manche, est en fait guidé par une ob-session : l’extension du domaine libéral.

Ce qu’assouplissement veut dire...Des mots ? Qu’on en juge. Parmi les premières mesures envisagées, l’aug-mentation du travail du dimanche et de nuit, qu’un euphémisme tant patronal que gouvernemental nomme « assou-plissement ». Les commerces pourraient faire travailler leurs salariés cinq di-manches par an sans autorisation spé-ciale, et jusqu’à douze avec l’autorisa-tion des mairies. Dans les zones dites touristiques internationales, l’ouver-ture serait possible jusqu’à minuit. Certes, les salariés devraient pour cela se dire volontaires, et recevraient une « compensation salariale ». Mais la pré-carité comme le chantage direct ou in-direct à l’emploi rendent ce genre de volontariat quelque peu illusoire, et les bas salaires transforment souvent la quête de « compensation salariale » en obligation. Il est vrai qu’Emmanuel Ma-cron veut « asseoir la place de Paris comme place financière internationale ». Peu importe si cela ne crée pas davan-tage d’activité pour le petit commerce, ni davantage d’emplois, et si cela dé-mantèle toute vie sociale ou familiale pour les salariés concernés et, bientôt, pourquoi pas, pour les professionnels des crèches et autres activités pour les enfants. Ni plus d’emplois, ni de meilleurs salaires, donc. Et, plutôt que les salaires, c’est l’épargne salariale et l’actionnariat salarié que souhaite dé-velopper Emmanuel Macron, qui en-

À l’occasion de ses vœux aux Fran-ç a i s f i n d é -

cembre, François Hollande avait large-ment salué le projet de loi dit « pour la croissance et l’activité » du ministre de

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37nvojanvier 2015

tend en généraliser l’accès aux PME, tout en abrogeant la « prime de partage des profits » laquelle obligeait les entre-prises qui augmentent leurs dividendes deux ans de suite à une redistribution au profit des salariés.Autre mesure : le développement des transports en autocar pour les « plus pauvres », qui pourraient ainsi « voyager facilement ». Si, si. « À l’heure actuelle, beaucoup de Français sont trop pauvres pour prendre le train qui est trop cher. Le transport en autocar est 8 à 10 fois moins cher que le train. Cette mesure de libérali-sation du transport en autocar va bénéfi-cier aux familles les plus modestes, les plus précaires, les plus fragiles. » Ainsi donc, le principe même d’égalité des citoyens sur tout le territoire grâce au service

public en l’occurrence ferroviaire n’au-rait plus cours, les engagements en fa-veur de transports respectueux de l’écologie seraient balayés, l’investisse-ment dans la réhabilitation de petites lignes et la rénovation du réseau utiles à l’économie et aux salariés oubliés. Seuls bénéficiaires : les réseaux de cars privés, low-cost, au détriment de l’écolo-gie voire de la sécurité.Dans la même veine, le texte prévoit la vente par l’État de plusieurs milliards d’euros actifs dans des entreprises, au nom de la réduction de la dette pu-blique. Un billard à un coup, un seul, sans interroger ni les raisons de la dette et ses bénéficiaires, ni les besoins d’investissements. À l’avenant : la libé-ralisation des professions réglementées

‘‘ Une proposition de loi qui va plus loin encore dans la remise en cause

du droit des salariés, notamment des plus précaires, et du droit du travail’’

qui ont missions de service public, au nom de la libre concurrence.Le projet s’attaque aussi à des piliers de la défense des droits des salariés. Comme les prud’hommes. Après la suppression des élections, il s’agit cette fois, au nom de la réduction effective-ment nécessaire des délais, de mettre les prud’hommes sous tutelle accrue du juge, de permettre des sanctions contre des conseillers pourtant pressurisés, de retirer aux organisations syndicales une partie de la formation de ces conseillers. Bref, délais plus courts ou jugements expéditifs ?Difficile donc de voir dans ce projet de loi l’ébauche d’une politique de relance industrielle, d’une politique d’investis-sements utiles, dans la formation, dans la recherche, dans l’outil de production, d’une politique de l’emploi, pourtant cheval de bataille officiel du président de la République. Il est vrai que pour Emmanuel Macron, la nouvelle généra-tion aurait intérêt à se fixer une tout autre ambition. Devenir milliardaires. Isabelle Avran

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nvo38 janvier 2015

– la caisse centrale d’activités sociales du personnel des industries électriques et gazières, les caisses mutuelles complé-mentaires et d’action sociale des indus-tries électriques et gazières et le comité de coordination.

établissement des comptesDes modalités différentes d’établisse-ment des comptes s’appliquent en fonc-tion de seuils :– jusqu’à 153 000 € de ressources, le comité d’entreprise ne doit tenir qu’une comptabilité dite ultra-simplifiée ;– s’il n’excède pas deux des trois seuils suivants, 50 salariés employés par le comité, 1,55 million d’euros de bilan et 3,1 millions de ressources, le CE doit tenir une comptabilité avec présentation sim-plifiée des comptes annuels ; cette présen-tation doit être faite par un expert-comp-table pris en charge par le CE sur sa subvention de fonctionnement ;– s’il dépasse deux des trois critères sui-vants : 50 salariés, bilan d’au moins

En 2012, une campagne médiatique de grande ampleur a focalisé l’at-

tention sur les dérives, réelles ou suppo-sées, d’une minorité de comités d’entre-prise afin de justifier auprès des élus, des syndicats et de l’opinion publique un encadrement plus poussé des dépenses des comités d’entreprise. Reprenant les conclusions d’un groupe de travail com-posé des organisations syndicales et patronales, la loi du 5 mars 2014 a posé le principe de la transparence financière des comités d’entreprise en reprenant assez fidèlement les conclusions des tra-vaux de ce groupe, lesquelles avaient fait consensus. Les nouvelles obligations comptables portent sur l’ensemble des ressour ces (subventions de fonctionne-ment et ressources des activités sociales et culturelles).Depuis le 1er janvier 2015, tous les comités d’entreprise sont soumis à des règles sur la tenue des comptes ainsi que :– le comité central d’entreprise ;

Comité d’EntrEprisE

Les nouvelles obligations comptables en vigueur

information des salariés Le droit à l’information des salariés de l’entreprise est prévu par l’article L. 2325-53 du Code du travail. il porte à la fois sur les comptes annuels, le rapport d’activité et, le cas échéant, l’état de synthèse pour les comités soumis à la comptabilité simplifiée. peu importe la forme de la communication : affichage, intranet de l’entreprise, etc. En cas de difficulté, voire de litige, tout élu membre du comité, ou tout représentant syndical au comité, ou toute organisation syndicale présente dans l’entreprise peut, si les comptes annuels, le rapport d’activité et, le cas échéant, l’état de synthèse n’ont pas été affichés, ou si leur contenu est manifestement insuffisant, demander au tribunal de grande instance d’ordonner au comité de publier un document correctement établi.

juridique

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nvo39janvier 2015

La Cour de cassation rappelle, dans un arrêt récent, que la notion

« d’accroissement temporaire de l’activité », qui permet le recours aux contrats précaires, doit être interprétée de manière stricte. Le pic d’activité censé justifier le recours à ces contrats ne doit pas relever de l’activité normale et permanente de l’entreprise, comme c’est le cas pour le lancement d’un nouveau produit. Conséquence : tout CDD ou contrat d’intérim conclu pour ce motif doit être requalifié en CDI. P.M.(Cass. soc. 29 octobre 2014, n° 12-27936, société Essilor International). En savoir plus Voir également notre dossier spécial « La requalification des contrats précaires », RPDS n° 831, juillet 2014

Plafond sécurité socialE1,3 % d’augmentation en 2015

le plafond annuel de la sécurité sociale pour 2015 est de

38 040 euros, soit une augmentation de 1,3 % par rapport à 2014.les plafonds sont fixés aux montants suivants : 9 510 euros par trimestre, 3 170 euros par mois, 1 585 euros par quinzaine, 732 euros par semaine, 174 euros par jour et 24 euros par heure.ce plafond est réévalué chaque année en fonction de l’évolution des salaires. il est utilisé pour le calcul de certaines cotisations sociales et prestations de la sécurité sociale. M.-M.l.

1,55 million d’euros, 3,1 millions de res­sources annuelles, le CE doit pratiquer une comptabilité de droit commun, conformément au plan comptable général (compte de résultat, bilan et annexes). Il devra en outre, à compter de 2016, faire certifier sa comptabilité par un commis­saire aux comptes.Par ailleurs, si le comité contrôle une ou plusieurs entités, comme c’est parfois le cas dans la gestion des activités sociales et culturelles (association, société civile, etc.), il est soumis à l’obligation d’établir des comptes consolidés si l’ensemble constitué par le comité et les entités contrôlées excè­dent deux des trois seuils (50 salariés ; bilan d’au moins 1,55 million d’euros de bilan ; 3,1 millions de ressources annuelles).Les différentes modalités d’établissement des comptes sont définies par un règle­ment de l’Autorité des normes compta­bles. Répondant à la préoccupation expri­mée par des organisations syndicales, le plan comptable général a été adapté aux spécificités des CE. Il en résulte que de nombreux comités d’entreprise ne sont pas tenus de se conformer aux règles com­pliquées du plan comptable général. La comptabilité peut rester simple. Elle indique chronologiquement, d’une part, le montant des ressources du comité dans le cours de l’année civile et, d’autre part, le montant des dépenses assumées par lui, soit pour son fonctionnement, soit pour les activités sociales et culturelles. Et il doit établir, une fois par an, un état de synthèse simplifié, dont le modèle est établi par l’Au­torité des normes comptables, portant sur des informations complémentaires rela­tives à son patrimoine et à ses engage­ments en cours, comme le prévoit l’ar­ticle L. 2325­46 du Code du travail.

Approbation des comptesLes comptes annuels seront arrêtés par les membres élus du CE selon des modali­tés prévues par son règlement intérieur. Ce qui implique que les comités qui n’ont pas de règlement intérieur en adoptent un. En outre, le comité doit désigner, parmi ses membres élus, ceux ou celles qui sont chargés d’arrêter les comptes. Ils doivent être approuvés par les membres élus du comité réunis en séance plénière. La réu­nion au cours de laquelle les comptes sont approuvés doit porter sur ce seul sujet.L’état de synthèse simplifié portant sur des informations complémentaires rela­tives au patrimoine et aux engagements en cours pour les comités soumis à la comptabilité simplifiée est également concerné par ces dispositions et doit donc être approuvé dans les mêmes conditions. laurent MiletDétails sur

Fanatisme « juridéologique »Je m’étais rendu compte depuis un certain temps du manque de retenue de certains juristes. Mais là, les bras m’en tombent. Vl’a t’y pas que dans une revue consacrée au droit des sociétés, un professeur à l’école de droit de la Sorbonne se livre à une violente diatribe contre le droit du travail dont voici un morceau choisi : « on ne peut qu’être saisi de consternation à la vue de ce code ubuesque qu’est le Code du travail, dont on ne dira jamais assez quelle part de responsabilité il porte dans la situation catastrophique du marché de l’emploi dans notre pays. Qui peut avoir envie d’entreprendre et d’embaucher à la vue de cet empilement de règles kafkaïennes ? Quel esprit doué de raison peut défendre ce code obèse, illisible et abscons, dont un colloque organisé à Montpellier en 1986 se demandait déjà s’il convenait de le brûler […] ? La réponse est négative, car on ne brûle pas les livres, mais c’est peu dire que la tentation est grande… »Que ce monsieur soit décomplexé c’est une évidence ; qu’il se pare de ses habits d’universitaire pour présenter comme une vérité objective ce qui n’est que sa propre opinion, c’est déjà plus contestable. Mais qu’il profite

d’une tribune dans une revue scientifique pour asséner des contre­vérités avec un vocabulaire proche de l’exclusion, c’est proprement intolérable. Comprenons­nous bien : la liberté d’expression et la bataille des idées sont des droits essentiels qui ne souffrent pas d’exception. Mais encore faut­il qu’il s’agisse bien de positions étayées et non d’un déversement de lieux communs, limite haineux, à l’égard d’une branche du droit dont la vocation est de rétablir le déséquilibre existant dans la relation employeur/salarié. Une telle posture s’apparente à encourager le fanatisme « juridéologique ». On a pu malheureusement constater dans d’autres domaines où mènent les mauvais chemins. laurent Milet

lE billEt dE juridix

intériM Et cddrecadrage des juges

nvo.fr

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nvo40 janvier 2015

juridique

L a revalorisation du Smic s’est faite a minima. Depuis le 1er janvier dernier, le Smic ho-

raire est passé à 9,61 euros, ce qui porte le Smic mensuel brut à 1 457,52 euros 1.Cette application stricte des règles de reva lorisation, sans coup de pouce, repré-sente un salaire mensuel net de 1 136 eu-ros environ, soit une augmentation de 7 euros seulement par mois 2. Plus de trois millions de salariés sont concernés. On est loin, bien loin, d’une augmentation si-gnificative du Smic à 1 700 euros que re-vendique la CGT pour soutenir la consom-

C omment sortir d’une situa-tion de harcèlement moral ? Et quelles indemnités peut-

on demander au juge ? La Cour de cassation vient d’apporter d’utiles précisions. Tout d’abord, une confirmation de jurisprudence : le salarié qui a subi un harcèlement moral a droit à une double indemnisation. La pre-mière correspond au préjudice résultant de l’absence de prévention par l’employeur du harcèlement (il a manqué à son obligation d’assurer la sécurité de ses salariés). La se-

L e maintien de la rémunération du temps de pause doit être considéré, pour les salariés fai-

sant partie des effectifs au jour de la dénon-ciation de l’accord qui l’a instituée, comme un avantage individuel acquis.La société Doux dépend de la convention des industries de la transformation des vo-lailles. En 1999, un accord RTT maison est signé, fixant l’horaire hebdomadaire à 35 heures dont 32,5 heures de travail effectif et 2,5 heures de pause rémunérée. Dénon-ciation de l’accord collectif en 2003, par

mation, reconnaître la valeur du travail et favoriser la justice sociale.Cette augmentation, si minime soit-elle, a diverses incidences : sur les salaires des jeunes en contrat d’apprentissage, en contrat de professionnalisation, les tra-vailleurs de moins de 18 ans, etc. M.C.Passage en revue des nouveaux chiffres sur1. Décret n° 2014-1569 du 22 décembre 2014, JO du 24. Calcul effectué sur la base 35 heures × 52 ÷ 12.2. Selon le taux de cotisations sociales. appliqué

conde vise à compenser le harcèlement ef-fectivement subi. Autre précision donnée par la Cour de cassation : si un salarié en-tend rompre son contrat de travail parce qu’il subit un harcèlement et faire requali-fier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse par les juges, il doit agir vite. Un délai de six mois entre des actes de harcèlement et la rupture du contrat de travail a été jugé trop long. M.C. Cass. soc. 9 nov. 2014, n° 13-17729, Sté Chaillan.

l’employeur, sans signature d’un nouvel ac-cord pour le remplacer. L’horaire collectif redevient celui de la convention de branche : 35 heures, mais 35 heures de travail effectif. La pause rémunérée de 30 minutes par jour a disparu. Considérant la rémunération de la pause comme un avantage individuel ac-quis, les salariés demandent en justice, outre des dommages et intérêts, son réta-blissement au profit de ceux qui étaient en poste avant la dénonciation. Les juges ont tranché en leur faveur (Cass. soc. 5 nov. 2014, n° 13-14077, UES Doux). A.L.M.

SALAireS

Le SMiC en 2015

HArCèLeMent MorAL

Quelle réparation ?

ACCorD CoLLeCtiF

rémunération de la pause acquiseéLeCtionS

Le mandat verbal suffitUn délégué syndical ne peut

présenter de liste de candidats au nom de son syndicat que lorsqu’il a expressément reçu mandat pour ce faire. Sur ce point, la Cour de cassation ne tergiverse pas. toutefois elle a récemment précisé que ce mandat peut tout à fait être verbal. L’élection d’un titulaire du Ce peut donc être sauvée si le syndicat dont il est issu vient attester, en justice, avoir donné mandat (Cass. soc. 10 déc. 2014, n° 14-60447, Sté YSL Beauté). A.L.M.

eMBAUCHe

À travail égal, salaire égal

Une différence de diplôme ne peut justifier un salaire plus élevé à

l’embauche car l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles du nouveau salarié. C’est le principe posé par la Cour de cassation dans un arrêt de novembre 2014. Les qualités professionnelles peuvent justifier une augmentation de salaire ou une progression plus importante dans la grille indiciaire d’un salarié, mais uniquement au cours de la relation de travail. M.A.Cass. soc. 13 nov. 2014, n° 12-20069, Sté Microturbo.

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LiCenCieMent éConoMiQUe

Le nouveau contrat de sécurisation professionnelle

CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC pour les salariés… Medef, CGPME et

UPA pour les employeurs. C’est à l’unanimité qu’a été signé l’accord relatif au renouvellement du contrat de sécurisation professionnelle le 8 décembre dernier. Ce contrat, censé favoriser un retour rapide à l’emploi, doit être proposé aux salariés licenciés pour motif économique dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. Applicable depuis le 1er janvier dernier et jusqu’au 31 décembre 2016, le dispositif comporte quelques nouveautés. M.C. En savoir plus sur

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nvo42 janvier 2015nvo

Attachés à un fil d’un mètre cinquante

à suivre

en partant de la parole des salariés, de l’analyse de chercheurs et du travail des artistes, comme c’est le cas depuis six ans, avec l’Escaut en devenir, qui donna lieu à un opéra.Cette fois, il s’agit de s’interroger sur ces nouveaux métiers du tertiaire, for-tement implantés dans le Nord-Pas-de-Calais (voir encadré ci-contre) avec des filiales au Maroc. Au-delà du simple constat de conditions de travail déplorables, montrer les impacts sur la vie des salariés, sur leurs corps, sur le sens qu’ils donnent à leur travail. D’oc-tobre 2012 à novembre 2013, à Calais, Casablanca, Dunkerque, Lens, Rabat, Saint-Omer et Tourcoing, une tren-taine de téléopérateurs ont témoigné, la plupart anonymement. Deux cher-cheurs, Mohamed Ali Elhaou et Benoît

Tine, qui ont travaillé sur les plate-formes téléphoniques en France, au Sénégal et en Tunisie ont été audition-nés. En résidence artistique, Jean-Charles Massera, auteur de fictions et de pièces radiophoniques, explique : « On a vite abandonné l’idée de filmer sur les plateformes, il fallait que les per-sonnes soient libres de s’exprimer. Et puis, les téléopérateurs, ce sont avant tout des voix. » Dans le film, point de visages mais des paroles qui se libè-rent pour dire le non-sens du travail : des salaires de misère qui ne suffisent pas à payer des vacances ou même l’es-sence pour aller travailler, des horaires qui empêchent la vie de famille, le stress des objectifs à atteindre, l’eczé-ma, l’ouïe défaillante, la négation de l’identité quand tout le monde s’ap-

À la longue, l’impact psychologique est dévastateur. On

croit qu’on a un bon salaire mais la re-dondance du travail et l’absence com-plète d’attributions, de missions intellectuelles font que les gens s’abru-tissent. Ils deviennent des robots comme Charlie Chaplin dans les Temps modernes. Les paroles des téléopéra-teurs récoltées, en France comme au Maroc, dans Call me Dominik, le docu-mentaire de création de Jean-Charles Massera, nous plongent dans un quoti-dien bien morose. À l’initiative du pro-jet « Centres d’appels : les nouvelles usines à paroles », l’association Travail et culture (TEC). Cette dernière déve-loppe des projets culturels sur la ques-tion du travail et ses transformations,

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nvo43janvier 2015

En octobre 2011, Anne-Marie Costa, caissière d’un magasin Cora de Mondelange (Moselle), était menacée de licenciement pour vol après avoir récupéré un bon d’achat de 4 euros

abandonné par une cliente. La mobilisation du syndicat et de l’UD CGT de Metz ainsi que la médiatisation de cette affaire bloquaient les poursuites. Faut-il souligner qu’Anne-Marie Costa était élue du personnel ?S’inspirant de ce fait divers et de l’élan de solidarité qui avait entouré Anne-Marie Costa, Louis-Julien Petit trousse avec verve et acuité une comédie sociale « à l’anglaise » où il imagine que cinq employés d’un hard discount menacés de perdre leur emploi (remplacés par des caisses automatiques et un discount drive), entreprennent de monter leur propre discount… parallèle.Tourné avec trois francs six sous et bouclant son budget grâce au financement participatif, Discount décevra les amateurs de sabres laser et aussi ceux de la comédie franchouillarde à grimaces et grosses ficelles. Montrant qu’il existe entre les deux un registre à explorer et un public qui a envie de reconnaître la « vraie vie », ce premier long-métrage d’un cinéaste trentenaire est prometteur.Emmené par la formidable Corinne Masiéro, qui campe une Christiane librement inspirée d’Anne-Marie Costa, Discount, transposé dans le Nord-Pas-de-Calais, attire ainsi l’attention sur les méthodes de management du hard discount, sur le gaspillage alimentaire et sur la dignité et la solidarité de salariés qui n’ont rien de low-cost.Dee BrooksDiscount, réalisé par Louis-Julien Petit. 1 heure 45. En salles le 21 janvier 2015

cinéma

Le ticket solidaire

Quelques chiffresn La région Nord-Pas-de-Calais est la 2e région française (9 % du marché français) pour les activités de centres d’appels, juste après l’Île-de-France (18 % du marché). Dans le Pas-de-Calais, la société Arvato Services France, filiale du groupe allemand Bertelsmann, est le premier employeur privé du secteur tertiaire (environ 2 400 salariés) avec 4 sites repartis dans le bassin d’emploi de Lens et de l’Audomarois et des filiales au Maroc (Casablanca et Marrakech). Ses activités : service clients, assistance commerciale et technique, vente additionnelle. Ses clients : Orange, Canal +, AIG assurance, Flying Blue, Pôle Emploi, Veolia, Prisma Presse, Le Monde, Playstation…n En France, il existe 3 500 centres d’appels dont 22 % gèrent une activité sous-traitée par d’autres. Le secteur emploie quelque 273 000 salariés 1 et se repartit comme suit : 22 % pour les outsourceurs (centres d’appels externalisés), 12 % dans la téléphonie et l’Internet, 11 % dans les banques, 10 % dans le service public, 10 % dans la grande distribution, 8 % dans les services aux particuliers, 6 % dans les assurances, 6 % dans les industries, 6 % dans l’informatique, 5 % dans le tourisme, 4 % dans l’énergie 2.1. Xavier Burot, secrétaire de la fédération cGT des sociétés d’études, en charge des centres d’appels, lors du colloque international des centres d’appels, Saint-Denis, avril 2012.

2. « Le livret de l’observatoire de la relation client », mission nationale relation client, décembre 2011.

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Dr

pelle Dominique Verdier, lit les mêmes scripts chronométrés ou doit se fondre dans la culture française depuis Casa-blanca…« Bonjour, Julie sur une chaise 8 heures par jour, attachée à un fil d’un mètre cin-quante, à votre écoute », le message rythme le documentaire, entrecoupé d’archives vantant l’amélioration du ni-veau de vie, d’annonces d’embauche al-léchantes. Une œuvre qui en dit long sur l’aliénation des corps et des esprits et sur le retour du taylorisme dans le tertiaire.amélie meffre

Call me Dominik, réalisé par Jean-charles massera. après le film, TEc entend poursuivre le projet, en mettant en place des ateliers artistiques avec une quinzaine de téléopérateurs, les Français se rendront au maroc et les marocains en France. http://travailetculture.org

nvo.fr

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nvo44 janvier 2015

La collaborationen face

En déambulant dans les couloirs sombres de l’exposition consacrée

à la Collaboration, aux Archives natio-nales, on entend des soupirs de consternation. Une chose est de savoir que cette sinistre période a existé, une

autre est de découvrir son étendue, do-cuments à l’appui. « Bien sûr, vous avez raison en ce qui concerne les juifs et les francs-maçons. J’en ai connu et c’est bien comme vous dites. J’en connais même en-core dans ma maison », et l’auteur de cette lettre de dénonciation adressée à Robert Peyronnet, animateur à Radio Paris, le 7 septembre 1941, de citer les noms et l’adresse. Pendant que nous lisons avec effroi la lettre manuscrite, la voix du maréchal Pétain résonne :

« C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française […] que j’entre au-jourd’hui dans la voie de la collabora-tion », un discours prononcé le 30 oc-tobre 1940.Le mérite de cette exposition est de nous montrer la diversité de cette col-laboration : politique et idéologique mais aussi économique, culturelle, po-licière et militaire. Et de parcourir le registre de recensement des juifs éta-bli par le commissariat du 3e arrondis-

à suivre

44nvo

Exposition

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nvo45 janvier 2015

Une expo à voir quand les vieux démons reviennent

sement de Paris le 16 juillet 1942 et utilisé par la préfecture de police pour la rafle du Vel d’Hiv, de lire les avis de mise en vente d’un immeuble ou de deux cabinets dentaires appartenant à des « Israélites ». La haine contre les juifs, les francs-maçons et les commu-nistes s’étale sur les affiches caricatu-rales, lors d’expositions, dans les brû-lots de Céline ou de Lucien Rebatet et les journaux financés par l’occupant comme Revivre, Le grand magazine il-lustré de la race ou Le Téméraire pour la jeunesse. Des documents qui donnent la nausée comme l’exemplaire Au Pilori du 14 mars 1941 où il est écrit que « le juif n’est pas un homme, c’est une bête puante ». Comme le rappellent les his-toriens Thomas Fontaine et Denis Peschan ski, commissaires de l’expo et auteurs de l’indispensable La Collabo-ration 1940-1945, Vichy-Paris-Berlin, paru aux éditions Tallandier, la cen-

sure se met en place. Des listes de livres interdits d’auteurs antinazis, an-glophiles ou juifs, sont établies ; la « liste Bernhard », dressée par les ser-vices de la Propaganda Abteilung et ceux de l’ambassade d’Allemagne, pu-bl iée dès l ’été 1940, comprend 143 titres. En octobre, une deuxième liste énumère 1 060 ouvrages. Au total, plus de 2 millions d’ouvrages sont sai-sis chez les éditeurs et libraires, pour être pilonnés.On suit encore la création des partis collaborationnistes qui entendent mettre en place un régime fasciste en France : le Parti populaire français qui compte au départ 40 000 membres, di-rigé par Jacques Doriot, que l’on voit vociférant à la Mutualité, le 6 juin 1941, devant une salle comble. Mais aussi le Rassemblement national populaire de Marcel Déat ou encore le parti franciste de Marcel Bucard. La collaboration va plus loin et passe par la lutte armée via la Milice française ou la Légion des vo-lontaires français contre le bolche-visme, soutenue par Otto Abetz, ambas-sadeur de l’Allemagne à Paris, qui part combattre sur le front de l’Est sous l’uniforme allemand.

Autre aspect évoqué dans l’exposition : la collaboration économique. Le 16 fé-vrier 1941, s’ouvre ainsi au Petit Palais le Salon technique et industriel préparé par les services du commandant mili-taire allemand, Otto von Stülpnage. Il est conçu comme une vitrine des pro-duits dont le Reich a besoin. Au total, 26 000 propositions de fabrication ont été déposées auprès du commandement militaire allemand par 10 000 entre-prises françaises.Plongés dans ces années noires, on au-rait tendance à penser que la majorité des Français étaient collabos. Or, comme le rappellent Denis Peschanski et Thomas Fontaine, ni la légende noire, ni la légende rose du tous résistants ne sont valables, mais une masse de Fran-çais oscillant entre accommodation et résilience. Une expo et un livre à médi-ter quand les vieux démons reviennent. Amélie MeffreExposition « La Collaboration. 1940-1944 »,

jusqu’au 2 mars, aux Archives nationales de Pa-

ris, 60, rue des Francs Bourgeois, Paris 3e.

www.archives-nationales.culture.gouv.fr

À lire : La Collaboration 1940-1945, Vichy-Paris-

Berlin, de Thomas Fontaine et Denis Peschanski.

éditions Tallandier, 304 p., 39,90 euros.

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46nvojanvier 2015

à suivre

CDHymne à la libertéEskelina sort son premier album avec Christophe Bastien, du groupe Debout

sur le Zinc, pour la musique, et Florent Vintrigner, de La Rue Kétanou, pour les paroles. Un CD où il est beaucoup question de voyage et de liberté, à l’image de l’interprète suédoise installée en France. Dans un folk rondement mené, « La valise rose » nous dit la joie d’être libre comme l’air, tout comme « Maman », celle de découvrir le monde. Les chansons déclinent encore les amours libres avec « Émilie », « Milan », l’amour de passage aux aventures vagabondes ou « Les hommes à poil » sur un swing joyeux. Une soif de liberté qui se fait aussi plus rebelle dans « Désordre » qui tacle le pouvoir religieux, militaire ou économique. L’alchimie opère tout au long de l’album, portée par une voix puissante et pleine de charme. À découvrir ! A.M.

Le matin du Pélican, d’Eskelina, éd. l’Atelier du Pélican, 11,99 euros. En tournée jusqu’en mars, dont le 31 janvier à l’Olympia : www.eskelina.com

nouvEllEsBribes de vieune veuve étonnamment joyeuse, une autre qui veut rencontrer celui à qui on a transplanté le cœur de

son époux, une garde alternée où la chienne de la famille ne joue pas le jeu, un ancien marine qui est sur le point de se faire arrêter par ses fils policiers… Difficile de trouver un fil conducteur aux douze nouvelles que nous livre Russel Banks, si ce n’est qu’elles nous surprennent et qu’elles se déroulent toutes aux États-Unis. Certaines viennent révéler d’ailleurs les travers de la société américaine, comme l’excellente « Blue ». Ventana, qui a péniblement économisé pour s’acheter une voiture, se retrouve coincée le jour de l’achat dans le magasin qui a fermé sans se soucier d’elle. Contrainte de passer la nuit perchée sur les toits des autos pour échapper au pitbull de garde. Si une équipe de Channel 5 se dépêche sur place, alertée par un passant et que des badauds s’attroupent attirés par les projos et la présentatrice vedette, personne ne cherchera à la secourir… A.M.

Un membre permanent de la famille, de Russel Banks, traduit par Pierre Furlan, Actes Sud, 240 pages, 22 euros

Expo

l’énergie de la couleurle musée d’Art moderne de la ville

de paris consacre une grande rétrospective à sonia Delaunay (1885-1979) rassemblant plus de 400 œuvres : peintures, décorations murales, gouaches, estampes, mode et textiles. la première partie de l’exposition donne à voir de très belles toiles où l’influence de Gauguin est manifeste notamment dans ses portraits colorés. sa série du Bal Bullier, ses Chanteurs de flamenco comme ses Prismes électriques sont éclatants. l’abstraction prend ici toute sa force, l’énergie des couleurs se conjugue à merveille au dynamisme des formes. la suite du parcours consacrée à ses créations textiles pour la mode ou le théâtre est moins convaincante. A.M.

« Sonia Delaunay. Les couleurs de l’abstraction », jusqu’au 22 février 2015 au musée d’Art moderne (Paris XVIe). www.mam.paris.fr

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nvo47janvier 2015

RomanIllusions perduesVirginie Despentes nous revient avec Vernon Subutex, une fresque générationnelle bâtie

autour d’un antihéros et de la mort d’une rock star. Vernon, proche de la cinquantaine, dont le magasin de disques a fermé en 2006, a réussi à survivre jusqu’ici en vendant son fonds via eBay et en profitant de l’aide de son ami Alex Bleach, chanteur devenu millionnaire. À la mort de ce dernier, radié du RSA, Vernon se retrouve à la rue. Via Facebook, Vernon contacte ses anciennes connaissances, histoire de trouver un toit pour quelques nuits. L’écrivaine nous dresse alors une galerie de portraits de cette génération – baignée dans le rock, la drogue, l’insouciance – quelque peu perdue. Ancienne star du porno devenue trans, réalisateur de télé haineux, trader compulsif, intérimaire alcoolo qui cogne sa douce… Les illusions d’antan se sont envolées. Certains sont devenus des rapaces, d’autres des proies. Vernon est resté lui-même comme figé dans le temps. On dévore ce premier tome de Vernon Subutex et on attend le deuxième, prévu en mars, avec impatience. a.m.

Vernon Subutex (t. 1), de Virginie Despentes, éd. Grasset, 397 pages, 19,90 euros

FestIVal

le travail à l’écranla 6e édition du festival Filmer le travail s’ouvre à Poitiers (86)

du 6 au 15 février.Compétition internationale, rétrospectives, séances spéciales et rencontres professionnelles sont au menu de ce temps fort ouvert aux non-professionnels avec le concours Filme ton travail. la thématique centrale du festival sera « la belle ouvrage » qui rappelle la nécessité du sens du travail. Une conférence d’Yves Clot, « le travail à cœur », un hommage à alain Cavalier, une projection-débat sur les « fablabs » et une exposition « le bonheur au travail » illustreront ce thème. Filmer le travail, c’est aussi montrer ce qui pèse : les difficultés, les souffrances – stress, burn-out, pénibilité, risques psycho-sociaux –, mais aussi la question majeure de son absence : la pression exercée par le chômage sur les actifs, sur les élèves et étudiants. la question du travail ne peut plus se raisonner qu’internationalement : le festival consacre une rétrospective à Wang Bing, l’un des plus grands documentaristes chinois. D.B.

http://2015.filmerletravail.org

RomanÀ la dérive« Je me suis effondré en même temps

que la finance occidentale : pour une fois, j’étais en phase. » Dans Le poisson pourrit par la tête, Michel Goussu, qui a travaillé dans la gestion bancaire, aborde un sujet grave – le burn out – avec une écriture qui ne manque pas d’humour. Nous voilà plongés dans le quotidien d’un cadre de la finance qui, peu à peu, s’enfonce dans la dépression à force de devoir mener, dans des délais intenables, des projets aussi cruciaux qu’éphémères. Cafés-clopes à la chaîne pour tenir, puis dos bloqué, antidépresseurs, anxiolytiques, boulimie et masturbation compulsive. Et l’auteur de nous décrire par le menu la bataille des chefs, les humiliations quotidiennes, les réunions inutiles, les dialogues de sourds via un jargon absurde, la sainte trinité Qualité, Coût, Délai… Pire que tout, ce qui mine et fait craquer le cadre : la soumission permanente à des gens médiocres. Un premier roman sacrément prometteur. a.m.

Le poisson pourrit par la tête, de Michel Goussu, Castor Astral, 224 pages, 17 euros

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nvo48 janvier 2015

santé au travail de tous les salariés. Il s’agit de la suppression de la visite médi-cale d’embauche, ainsi que la suppres-sion des visites médicales périodiques pour tous les travailleurs qui ne seraient pas exposés à des risques importants pour leur santé. Les visites périodiques ne seraient maintenues que pour les sa-lariés qui bénéficient d’une surveillance renforcée. Mais la surveillance renforcée ne concerne que très peu de travailleurs. Ce sont ceux qui sont exposés aux CMR 1 de catégorie 1 et, en gros, des popula-tions restreintes protégées par des dé-crets spéciaux concernant la santé au travail. Soit globalement très peu de per-sonnes. Combien, je ne sais pas exacte-ment, le patronat l’évalue à 10 % des gens, alors que les médecins du travail

L a médecine du travail est la cible d’une at-taque sans précédent

au travers des mesures gouvernementales qui seront mises en œuvre via la loi Ma-cron. Dominique Huez, médecin du tra-vail, alerte sur les dangers des mesures de simplification qui mènent à « une pratique eugénique » de la santé au travail.

Quel est l’impact des « mesures de simplification » de la loi Macron sur la médecine du travail ?Il y a deux mesures qui concernent la

estiment que cela devrait être bien plus… Ces visites seraient donc remplacées par un lien qu’aurait une entreprise donnée avec l’équipe pluridisciplinaire, non mé-dicale, du service de santé au travail. Les visites médicales à la demande de l’em-ployeur ou à l’initiative du salarié ne sont pas remises en cause. Ce qui est remis en cause, c’est la médecine du travail

‘‘Les mesures de simplification visent à protéger les employeurs des conséquences juridiques de l’intervention du médecin du travail’’

entretien

Santé des travailleursou sécurisation des employeurs ?

DoMiniQue HuezMédecin du travail, secrétaire général du syndicat national des médecins du travail des mines et des industries électriques et gazières CGT

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nvo49janvier 2015

pour tous. C’est-à-dire pour tous les tra-vailleurs dont la santé n’est pas réputée altérée. Et, dans la mesure 22, il est pré-conisé de restreindre l’intervention du médecin du travail en répondant à la question de l’aptitude (apte ou inapte).

En quoi l’intervention du médecin du travail sera-t-elle restreinte ?Ce qui disparaît, c’est la possibilité en droit, pour le médecin du travail, d’émettre des préconisations médicales de modification du poste de travail dans l’intérêt du salarié à la santé altérée, dans l’intérêt de celui-ci. Les mesures de sim-plification visent donc à protéger les em-ployeurs des conséquences juridiques de l’intervention du médecin du travail qui les contraindrait à aménager le travail ou

Aj

Ph

oto

à faire face aux conséquences de condi-tions de travail dont ils sont responsables, et dont les médecins du travail atteste-raient par un écrit dédié. Il y en a de deux types : la fiche de suivi médical (dite fiche d’aptitude) ou l’attestation d’un lien entre la santé et le travail.

C’est donc l’aménagement, mais aussi la capacité pour le médecin de faire le lien entre la pathologie et le travail qui est attaquée. Qu’est-ce que cela implique ?Cela conduit à une médecine d’employa-bilité, une médecine d’évacuation des malades du travail. Intervenir pour aménager un poste, c’est analyser les causes de l’atteinte à la santé des per-sonnes. Parmi les causes, il n’y a pas que la responsabilité du travail. On peut avoir une personne qui a des vulnérabi-lités personnelles. La fonction de la mé-decine du travail est de lui permettre, malgré ces fragilités personnelles, de pouvoir travailler. Tout doit être fait pour que le travail ne les rende pas ma-lades du fait de ces vulnérabilités qui ne sont que des facteurs de risques.

Plutôt que d’aménager le travail, nous aurions donc une médecine de sélec-tion des travailleurs qui exonérerait le patronat de ses responsabilités ?En fait, ils sont en train de concilier deux contradictions. La première est que l’apti-tude ne préserve pas la responsabilité de l’employeur. En conséquence, les em-ployeurs estiment que l’on n’a plus besoin de voir systématiquement le médecin du travail pour délivrer l’aptitude. Cepen-

dant, ils veulent garder le médecin du tra-vail pour gérer l’employabilité et la sécu-risation – pour les employeurs – d’avoir des salariés en bonne santé. Et pour les salariés qui auraient des fragilités, les em-ployeurs entendent obtenir le consente-ment des intéressés pour être éloignés du travail. Il s’agit donc effectivement d’une médecine de gestion de la main-d’œuvre par une pratique eugénique. À travers la modification de l’emploi de l’aptitude d’un travailleur consentant à ceci (apte, inapte ou réduction d’aptitude), il est tenté une opération pour dégager une partie des conséquences de la responsabilité des employeurs en matière de faute inexcu-sable. Or, l’accord d’un salarié consentant n’a jamais dédouané la responsabilité ex-clusive de ses décisions pour le médecin du travail, ni n’a jamais dédouané l’em-ployeur de son obligation de sécurité de résultat.

Vous contestez ces mesures sur le fond, mais également sur la forme, la manière dont elles sont décidées…On ne doit pas accepter cette réforme de la médecine du travail par ordonnance. Les mesures de simplification ont été di-rectement impulsées par les présidents de tous les services de santé au travail adhérents au Cisme 2, lesquels n’ont pas pris en compte l’intérêt pour la santé des travailleurs. Ils agissent de façon parti-sane, ne considérant la médecine du tra-vail que sous l’angle comptable. Dans ces mesures de simplification, les points concernant la médecine du travail ne sont considérés que comme des contraintes comptables pour l’entre-prise. C’est donc la preuve de l’échec ab-solu d’un paritarisme dirigé par le patro-nat qui empêche de prévenir et dépister les altérations de la santé du fait du tra-vail. Il faut du dialogue social et, si be-soin, un passage devant le Parlement.Propos recueillis par Régis Frutier1. Cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.2. Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise. Créé en 1942 sous le régime de Vichy, il est géré et financé par les employeurs à hauteur de 1,2 milliard d’euros. Autrement dit, il s’agit d’un syndicat patronal.

‘‘La médecine du travail

doit permettre à un salarié, malgré des fragilités personnelles, de pouvoir travailler’’

+46%hAussE du nombRE dE mALAdiEs PRoFEssionnELLEs reconnues au régime général entre 2007 et 2011 (la plupart pour des troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs) Source : Rapport du sénateur Dériot sur le financement de la Sécurité sociale

nombre de médecins du travail en France*

7 200 en 2000

5 700 aujourd’hui

4 000 en 2020

sur le netLA Pétition LAnCéE PAR L’AssoCiAtion sAnté Et médECinE du tRAVAiL : Pas d’ordonnance pour la médecine du travail

QuELs RisQuEs si L’on suPPRimE LA VisitE médiCALE d’EmbAuChE ? Éléments de réponse par l’Association Santé et Médecine du travail : simplifier la médecine du travail /fantoni-quinton.pdf(en équivalent temps plein et avec départ à la

retraite à 65 ans) Source : SNPSt

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nvo50 janvier 2015

la CFDT, et l’analyse budgétaire, dis-pensée par la CGT.

Une première à reconduireSelon Mathieu Moriamez, conseiller de l’espace international de la CGT, « toutes les organisations espèrent des suites à ce projet. Et en effet, il serait plus intelligent de capitaliser immédiatement sur ce qui vient de s’achever plutôt que d’attendre. Nous travaillons à une reconduction de formations syndicales, élargie à la Côte d’Ivoire, sur la base de besoins dont les orga nisations nous font part. Cela concerne, notamment, l’approfondisse-ment des questions budgétaires et fiscales, la stabilité économique étant très claire-ment une question centrale ».Car certes, bien des enjeux demeurent comme autant « d’énormes défis […] qui parfois sapent la visibilité de leurs initia-tives et actions », reprend Kouglo Lawson Body. Création d’emplois décents pour la jeunesse, assurance d’une protection so-ciale pour tous et bonne gestion des res-sources publiques : telles sont les trois premières préoccupations mentionnées. Encore faut-il que les orga nisations syn-dicales aient les capacités de s’emparer de ces sujets. Au-delà de la mise en place de Cares, la formation syndicale dans ses diverses déclinaisons – et selon les besoins définis – est un pilier possible qui va au- delà d’une simple solidarité post- colonialiste. Pour le coordinateur de la CSI Afrique, ce « pourrait être un ai-guillon de l’action syndicale en Afrique de l’Ouest ».Chrystel Jaubert

Cares, organes intersyndicaux, destinés à favoriser l’implication des organisa-tions syndicales dans les processus de dialogue social. Le bilan réalisé à mi- parcours faisait état d’avancées concrètes, tant au plan organisationnel – puisque les Cares créés ont mis en place un fonctionnement, recherché des financements propres et fixé un cadre relationnel avec l’exécutif des centrales concernées – qu’au plan opérationnel, car plusieurs de ces Cares ont produit des documents, proposé des campagnes d’information ou appuyé des négocia-tions nationales. « Tous s’accordent pour affirmer que les Cares ont créé ou consolidé les pratiques de l’unité syndicale ou de l’unité d’action dans chacun des pays (à l’exception du Mali) », dit le bilan du co-mité de pilotage.

Les formations plébiscitéesC’est la première fois que l’AFD finance un projet syndical. Et pour une pre-mière, c’est une réussite. À plusieurs points de vue. Sur cent projets désignés comme les meilleures initiatives de dé-veloppement en Afrique, vingt ont été récompensés du prix de l’AFD. Et le projet de soutien à l’action syndicale en fait partie. Nulle surprise donc si la re-conduction d’une telle démarche est à l’ordre du jour. La demande est forte, comme le dit Kouglo Lawson Body : « Dans tous les pays, les bénéficiaires ont exprimé des avis favorables pour la conti-nuation des actions du projet. » Il y a eu deux années de formation sur deux axes : la protection sociale, assurée par

Le soutien aux syndicats africains récompensé

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L a région Afrique de la Confédération syndi-cale internationale

(CSI), la CGT et la CFDT ont été récom-pensées du prix de l’Agence française de développement (AFD) pour un pro-gramme de soutien des capacités des organisations syndicales ouest- africaines. La première phase de forma-tion désormais achevée, les participants travaillent à prolonger le projet.

Renforcer les syndicatsL’enjeu est majeur. Il s’agit de renforcer les capacités des organisations syndi-cales d’Afrique de l’Ouest francophone en matière d’analyse économique et so-ciale « pour faire du travail décent une réa-lité ». Le programme de formation initié en 2012 par la CSI Afrique, exécuté avec la CGT et la CFDT et cofinancé par l’Agence française de développement participe certes d’une démarche soli-daire, mais s’est surtout élaboré à partir de besoins très précis. Sept pays (Séné-gal, Guinée, Burkina Faso, Mali, Togo, Bénin, Niger) et vingt-cinq organisations syndicales sont concernés. Selon Kouglo Lawson Body, coordina-teur du projet pour la CSI Afrique, il fal-lait avant tout aider à consolider la cohé-sion d’un mouvement syndical d’Afrique francophone, en voie d’émiettement au plan national et régional, et renforcer les capacités de ces organisations en ma-tière d’analyse et de formulation d’alter-natives sur les questions de développe-ment économique et social : « Il s’agit de leur permettre d’être des acteurs influents dans la définition et la mise en œuvre des politiques économiques et sociales à travers les comités d’analyse et de recherche syndi-cale (Cares), qui constituent la cheville ou-vrière de ce projet et que nous travaillons à mettre en réseau. » C’est la traduction de la résolution n° 3 de la CSI Afrique rela-tive à l’unité d’action syndicale via les

Les travailleuses du sel au Sénégal effectuent le ramassage, en plein soleil, avec leurs mains et un bâton pour tout équipement, pour un ou deux dollars par jour.

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