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Les ultrasons L’utilisation des ultrasons n’est pas un thème de recherche récent, puisque le premier modèle mathématique date de 1917, par Lord Raleigh. Les premières applications indus- trielles datent, quant à elles, de 1930, dans le domaine de la chimie. L’effet létal des ultrasons a été rapporté pour la pre- mière fois, par HARVEY et LOOMIS, en 1929. Depuis, même si la recherche a fait de gros progrès et a permis l’uti- lisation industrielle des ultrasons dans de nombreux domaines d’application, son étude, comme éventuel moyen de conservation des aliments, ne remonte qu’à une dizaine d’années. A) DÉFINITIONS ET PRINCIPES PHYSIQUES DES ULTRASONS 1) Définitions et classification Un son est une onde mécanique de pression qui se propage dans un milieu et qui se traduit au sein de celui-ci, par une succession de cycles de dépression et de compression. Cette onde est caractérisée par : - sa fréquence, c’est-à-dire le nombre de cycles passant en un point fixe par unité de temps, son unité est le Hertz (Hz) - son amplitude, qui correspond à la différence maximale entre la dépression et la compression, son unité est le mètre (m). ARTICLE ORIGINAL Nouveaux traitements physiques de conservation des aliments : revue bibliographique 2 ème Partie : ultrasons, ultraviolets et lumière pulsée B. PETIT, ° M. RITZ et M. FEDERIGHI ° Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes, UMR 1014 d’Hygiène des Aliments INRA/ENVN, B.P. 40706, F-44307 Nantes RÉSUMÉ Cet article propose une synthèse bibliographique de nouveaux procédés physiques de préservation des aliments. Dans cette seconde partie, l’accent est porté sur les ultrasons, les ultraviolets et la lumière pulsée. Les modifi- cations physiques et biologiques induites par le traitement sont développées, et particulièrement l’effet des traitements sur les micro-organismes. En dernière partie, les applications potentielles de ces traitements dans l’indus- trie agro-alimentaire sont abordées. MOTS-CLÉS : ultrasons - ultraviolet - lumière pulsée - qualité - micro-organismes. SUMMARY New physical food preservation treatments : an overview. Second part : ultrasounds, ultraviolet and light pulses. By B. PETIT, M. RITZ and M. FEDERIGHI. This review proposes an overview of some new physical food preserva- tion treatments. In this second part ultrasounds, ultraviolet and pulsed light are described. Physical and biological aspects of these treatments are taken into consideration, principally effects on food components and on microor- ganisms. At last, before a conclusion, potential uses for both treatment in food industry are evocated. KEY-WORDS : ultrasounds - ultraviolet - pulsed light - quality - microorganisms. Revue Méd. Vét., 2002, 153, 10, 653-664

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Les ultrasons

L’utilisation des ultrasons n’est pas un thème de rechercherécent, puisque le premier modèle mathématique date de1917, par Lord Raleigh. Les premières applications indus-trielles datent, quant à elles, de 1930, dans le domaine de lachimie. L’effet létal des ultrasons a été rapporté pour la pre-mière fois, par HARVEY et LOOMIS, en 1929. Depuis,même si la recherche a fait de gros progrès et a permis l’uti-lisation industrielle des ultrasons dans de nombreuxdomaines d’application, son étude, comme éventuel moyende conservation des aliments, ne remonte qu’à une dizained’années.

A) DÉFINITIONS ET PRINCIPES PHYSIQUES DESULTRASONS

1) Définitions et classification

Un son est une onde mécanique de pression qui se propagedans un milieu et qui se traduit au sein de celui-ci, par unesuccession de cycles de dépression et de compression. Cetteonde est caractérisée par :

- sa fréquence, c’est-à-dire le nombre de cycles passant enun point fixe par unité de temps, son unité est le Hertz (Hz)

- son amplitude, qui correspond à la différence maximaleentre la dépression et la compression, son unité est le mètre(m).

ARTICLE ORIGINAL

Nouveaux traitements physiquesde conservation des aliments : revue bibliographique2ème Partie : ultrasons, ultraviolets et lumière pulsée

B. PETIT, ° M. RITZ et M. FEDERIGHI

° Ecole Nationale Vétérinaire de Nantes, UMR 1014 d’Hygiène des Aliments INRA/ENVN, B.P. 40706, F-44307 Nantes

RÉSUMÉ

Cet article propose une synthèse bibliographique de nouveaux procédésphysiques de préservation des aliments. Dans cette seconde partie, l’accentest porté sur les ultrasons, les ultraviolets et la lumière pulsée. Les modifi-cations physiques et biologiques induites par le traitement sont développées,et particulièrement l’effet des traitements sur les micro-organismes. Endernière partie, les applications potentielles de ces traitements dans l’indus-trie agro-alimentaire sont abordées.

MOTS-CLÉS : ultrasons - ultraviolet - lumière pulsée -qualité - micro-organismes.

SUMMARY

New physical food preservation treatments : an overview. Second part :ultrasounds, ultraviolet and light pulses. By B. PETIT, M. RITZ and M.FEDERIGHI.

This review proposes an overview of some new physical food preserva-tion treatments. In this second part ultrasounds, ultraviolet and pulsed lightare described. Physical and biological aspects of these treatments are takeninto consideration, principally effects on food components and on microor-ganisms. At last, before a conclusion, potential uses for both treatment infood industry are evocated.

KEY-WORDS : ultrasounds - ultraviolet - pulsed light -quality - microorganisms.

Revue Méd. Vét., 2002, 153, 10, 653-664

On classe les sons en fonction de leur fréquence et de leurintensité acoustique (figure 1).

L’intensité acoustique (J), exprimée en Watt (W) par mètrecarré (m2), est donnée par la formule :

J = 1/2.P2/ρν

- P est l’amplitude de la pression acoustique

- ρ est la densité du milieu

- ν est la vitesse de propagation de l’onde dans le milieu[3].

Les ultrasons utilisés pour leur effet bactéricide, sont situésdans une plage de fréquence allant de 20 à 100 kHz, et ayantdes intensités acoustiques supérieures à 104 W/m2.

2) La cavitation

a) Définition

C’est la formation de microbulles dans un liquide. Elleapparaît quand une forte pression négative est appliquée auliquide et que, la pression tombe plus bas que la pression devapeur du liquide.

Ces bulles sont remplies par la forme vapeur des gaz dis-sous dans le liquide, ou par la vapeur du liquide.

Elles subissent au même titre que le liquide, les alternancesde compressions et de dépressions, modifiant ainsi leurvolume.

Lorsque les variations de volume s’effectuent de manièrestable, après des milliers de cycles, il se crée une circulationautour de ces bulles (microcourant), c’est la cavitation stable.Elle se produit sous des pressions de 1 à 100 kPa.

Sous certaines conditions, les bulles atteignent une tailletelle que la vapeur contenue dans ces bulles se condense bru-talement, engendrant des chocs très violents entre les molé-cules. C’est la cavitation transitoire, elle a lieu après très peude cycles. Les chocs, ainsi créés, s’accompagnent très locale-ment d’une augmentation très importante de la température

instantanée (5500°C), et de la pression (5.104 kPa) en trèspeu de temps (de l’ordre de la microseconde), ainsi que de laformation de radicaux libres, tels que le peroxyde d’hydro-gène [29].

b) Facteurs de variation

Différents paramètres peuvent intervenir, soit en modifiantla formation des bulles (seuil de cavitation), soit en modifiantl’énergie libérée lors de l’implosion des bulles.

Lorsque la fréquence augmente le seuil de cavitation estdiminué, ainsi que l’énergie libérée lors de l’implosion.L’intensité acoustique, et donc l’amplitude acoustique, influede manière très importante sur l’énergie de l’implosion. Pluselle est élevée, plus l’énergie libérée sera importante [29].

Lorsque la quantité de gaz dissous augmente, les échangesde gaz au travers de la bulle sont favorisés, et la cavitationaugmente. Par contre, l’intensité de l’implosion diminue.L’augmentation de la viscosité du milieu diminue le seuil decavitation, mais augmente l’énergie libérée lors de l’implo-sion [3].

La température est un paramètre essentiel. Lorsque la tem-pérature augmente, la tension de surface du liquide diminue,et la pression de vapeur augmente, ce qui favorise la forma-tion des bulles, mais diminue l’énergie de l’implosion.

Une augmentation de la pression ambiante diminue la cavi-tation, mais augmente fortement l’intensité de l’implosion.

c) Les générateurs à ultrason

Ils sont généralement formés par un générateur piézo-élec-trique, constitué d’un cristal, dont la forme change lorsqu’onle soumet à un champ électrique intense (de l’ordre de 1000Volts), à une fréquence de l’ordre de 20 kHz ; les vibrationsainsi obtenues, sont transmises à une corne qui amplifie lavibration, et dont la pointe est plongée dans le liquide à trai-ter [29].

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654 PETIT (B.) ET COLLABORATEURS

FIGURE 1. — Classification des sons [3].

B) EFFETS DES ULTRASONS SUR LES MICRO-ORGA-NISMES

1) Mode d’action

La majeure partie des auteurs s’accorde à dire que l’effetlétal des ultrasons est d˚ à la cavitation [25]. Les extrêmespressions atteintes lors de l’implosion des bulles, entraîne-raient une rupture des structures cellulaires, et conduiraient àla mort de la cellule [26]. Ces auteurs ont observé au micro-scope des cellules de Yersinia enterocolitica, après un traite-ment par les ultrasons (20 kHz, 117 µm, 200 kPa, 30°C, 3min), la totalité des cellules observables présentait des rup-tures des structures cellulaires.

Les fortes températures atteintes ne semblent pas être àl’origine de l’effet létal des ultrasons sur les micro-orga-nismes, car cette élévation de température ne concerne qu’untrès petit nombre de cellules [29, 30].

Le microcourant généré par la cavitation stable n’apparaîtpas, non plus, être à l’origine d’un effet létal, tout du moinsdans les conditions dans lesquelles, sont effectuées la plupartdes recherches [30]. Pour SALA et coll. (1995) les radicauxlibres, formés suite à l’implosion, ne sont pas la cause deseffets sur les micro-organismes [29].

2) Facteurs de variation

L’effet létal des ultrasons étant dû au phénomène de cavita-tion, et plus particulièrement aux conséquences de l’implo-sion, tout paramètre entraînant des modifications de la cavi-tation, aura des conséquences sur l’inactivation des micro-organismes. Toutefois, il est difficile de savoir si des change-ments dans les caractéristiques du milieu, entraînent des dif-férences de sensibilité aux traitements par les ultrasons, oubien des différences dans l’intensité de la cavitation [29].

a) Facteurs intrinsèques aux micro-organismes

Il est généralement admis que la sensibilité des micro-orga-nismes augmente avec la taille de la cellule, que les bacillessont plus sensibles que les cocci, les bactéries à Gram positifsont plus résistantes que les bactéries à Gram négatif, et lesbactéries aérobies sont plus résistantes que les bactéries anaé-robies [29]. Toutefois SCHERBA et coll. (1991), ne consta-

tent pas de différence dans l’effet des ultrasons (26 kHz, à39°C) sur les taux de survie de Staphylococcus aureus etBacillus subtilis (bactéries à Gram positif), et de Escherichiacoli et Pseudomonas aeruginosa (bactéries à Gram négatif)[30].

Comme souvent, les spores bactériennes apparaissentbeaucoup plus résistantes que les formes végétatives auxultrasons [12].

WRIGLEY et LLORCA (1992) ont étudié l’inactivation deSalmonella typhimurium par les ultrasons. Ils constatent unelégère différence entre les populations âgées de 3 heures etles populations âgées de 18 heures, pour un temps de traite-ment inférieur à 15 minutes. Cette différence n’existe pluspour 30 minutes de traitement [35].

b) Composition du milieu

PAGAN et coll.(1999) ont comparé les effets d’un traite-ment par les ultrasons (20 kHz, 200 kPa, 117 µm, 40°C) surListeria monocytogenes dans différents milieux. Ils consta-tent que le lait a un effet protecteur et qu’un pH acide aug-mente l’inactivation microbienne (figure 2) [21].

De même le taux d’inactivation d’un traitement par lesultrasons de Salmonella typhimurium en milieu modèle est de4 log, alors qu’il n’est que de 2 log dans du lait, et inférieur à1 log dans de l’œuf [35].

c) Durée du traitement

A l’instar d’autres traitements physiques, le nombre de sur-vivants après un traitement par les ultrasons décroît demanière exponentielle avec le temps d’application.

LOPEZ-MALO et coll. (1999) ont étudié l’effet d’un trai-tement par les ultrasons (20 kHz, 90 µm) sur une populationde Saccharomyces cerevisiae, en milieu de Sabouraud et àdifférentes températures (45 à 55°C) [16]. L’effet de la duréedu traitement est représenté sur la figure 3.

PAGAN et coll. (1999) obtiennent une réduction de 1,5 logde la population de Streptococcus faecium, après 2 minutesd’un traitement à 117 µm, sous une pression de 200 kPa, et à62°C, et de 2,5 log après 4 minutes [20].

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NOUVEAUX TRAITEMENTS PHYSIQUES DE CONSERVATION DES ALIMENTS : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 655

FIGURE 2. — Influence du milieu sur l’inactivation de Listeria monocytogenes par les ultrasons[20].

d) Amplitude

L’effet létal des traitements par les ultrasons augmente demanière exponentielle avec l’amplitude de l’onde [20, 21,26].

Une augmentation de l’amplitude de 10 µm entraîne unediminution de 20 % de la valeur du temps de réduction déci-male d’un traitement par les ultrasons (20 kHz, 200 kPa,30°C) sur Yersinia enterocolitica [26].

L’effet de l’amplitude sur l’intensité de l’inactivation parles ultrasons est représenté sur la figure 4.

L’augmentation de l’efficacité des ultrasons, suite à uneaugmentation de l’amplitude, serait due à une plus forteintensité d’implosion des bulles de gaz [21].

e) Température

La température est un paramètre important, qui modifie demanière très conséquente, les effets des ultrasons sur lesmicro-organismes.

L’augmentation de la température d’un traitement de 30 minutes par les ultrasons, de 0 à 40°C, diminue la popula-tion de Salmonella typhimurium, de 4 log en milieu modèle,et de 3 log dans du lait [35].

LOPEZ-MALO et coll. (1999) ont comparé les temps deréduction décimale de Saccharomyces cerevisiae avec untraitement par les ultrasons (20 kHz, 90 µm) et sans ce traite-ment (figure 5). Ils constatent qu’une augmentation de latempérature de 10°C réduit le temps de réduction décimaled’un facteur 30. Toutefois l’effet bénéfique des ultrasons,comparé à un traitement thermique diminue quand la tempé-rature augmente, ils considèrent que l’intensité de la cavita-tion, réduite par une augmentation de la température, est àl’origine de cette différence [16].

GARCIA et coll. (1989) ont étudié les mêmes effets sur desspores de Bacillus subtilis, dans de l’eau, mais à des tempé-ratures plus importantes (70 à 100°C) (figure 6), on parle par-fois de thermo-ultrasonication, ou de thermosonication. Ilsconstatent, eux aussi, que l’effet bénéfique apporté par uneaugmentation de la température, diminue à des températuresplus élevées. Ils considèrent également que la températureréduit l’intensité de la cavitation, en diminuant fortement latension superficielle. Par contre, dans le lait l’augmentationde température nécessaire pour réduire d’un facteur 10 letemps de réduction décimal, est la même, que ce soit sousl’effet d’un traitement par les ultrasons ou non [12]. Cecipourrait être dû à la présence de particules solides, affectantdirectement l’intensité de la cavitation.

Une étude, citée par RASO et coll. (1994), a montré que,même à des températures élevées (90-110°C), l’effet béné-fique apporté par une augmentation de température restaitimportant, si le traitement par les ultrasons était effectué souspression (figure 7).

f) Pression

Lorsque le traitement par les ultrasons est effectué sousl’influence de la pression, on parle alors de mano-sonication,pour des températures faibles à modérées, et de mano-thermo-sonication, pour des températures élevées. Il faut rap-peler toutefois, que les pressions employées pendant ce typede traitement (100 à 600 kPa), sont nettement inférieures auxpressions utilisées lors des traitements par les hautes pres-sions (100 à 1000 MPa) [10].

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FIGURE 3. — Influence de la durée du traitement (20 kHz, 90 µm)sur l’inactivation de Saccharomyces cerevisiae à 45°C [12].

FIGURE 4. — Influence de l’amplitude sur le temps de réduction décimale deListeria monocytogenes, d’un traitement par les ultrasons (20 kHz, 40°C)à différentes pressions [20].

FIGURE 5. — Évolution du temps de réduction décimal de Saccharomycescerevisiae en fonction de la température et de l’application d’ultrasons[12].

La pression favorise les effets d’un traitement par les ultra-sons.

L’augmentation de la pression de 0 à 200 kPa, entraîne unediminution du temps de réduction décimale de Listeriamonocytogenes de 4,3 à 1,5 minutes, lors d’un traitement à20 kHz, 117 µm et à 40°C. Cette diminution n’est que de 0,5minute, lorsque la pression augmente de 200 à 400 kPa [20].

RASO et coll. (1998) obtiennent le même type de résultats,avec un traitement à 20 kHz, 150 µm, et à 30°C, sur Yersiniaenterocolitica. Le temps de réduction décimale passe de 1,5 à0,28 minutes, lorsque la pression varie de 0 à 300 kPa, et de0,28 à 0,20 minute, lorsque la pression augmente encore de300 kPa (figure 8) [26].

L’augmentation de pression favoriserait une intensité d’im-plosion plus élevée, mais le fait que l’effet bénéfique de lapression diminue aux pressions les plus hautes, serait dû à ladiminution de nombre de bulles formées à ce niveau de pres-sion [21].

C) EFFETS DES ULTRASONS SUR LES CONSTI-TUANTS ALIMENTAIRES

Même si les modifications induites par les ultrasons sont,et ont été, très étudiées dans le domaine de la chimie, peu de

données sont disponibles sur leurs effets sur les constituantsalimentaires. Quelques remarques générales peuvent toute-fois être formulées.

Les ultrasons sont à l’origine de la dépolymérisation decertaines macromolécules, telle l’amidon, et de la rupture decertaines zones de l’ADN, ainsi que de la polymérisation demolécules [29,33].

Les modifications constatées sur les protéines (rupture dela structure quaternaire des protéines globulaires polymé-riques, délipidation de certaines lipoprotéines, dissociationde l’hémoglobine, modifications de la structure de certainsacides aminés), sont fortement dépendantes de la concentra-tion de ces protéines et de la nature des gaz dissous [29].

Les enzymes ont été étudiées de manière plus importante.Les ultrasons entraînent l’inactivation du lysozyme, de lalipase, de la protéase [33], des oxydases [3] ainsi que de lalactate déshydrogénase [29]. Par contre les catalases et laribonucléase semblent être résistantes [29]. Le mode d’actionde l’inactivation des enzymes n’est pas connu. Les radicauxlibres pourraient en être la cause, d’autres auteurs considè-rent que le microcourant pourrait être à l’origine de l’inacti-vation enzymatique [29, 33].

WRIGLEY et LLORCA (1992) ont mis en évidence qu’iln’y avait pas de différence significative dans les concentra-

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NOUVEAUX TRAITEMENTS PHYSIQUES DE CONSERVATION DES ALIMENTS : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 657

FIGURE 6. — Effet de la température sur le temps de réduction décimal despores de Bacillus subtilis et de l’application d’ultrasons [12)].

FIGURE 7. — Effet de la température sur le temps de réduction décimal despores de Bacillus subtilis, et de l’application d’ultrasons sous pression[25].

FIGURE 8. — Influence de la pression sur le temps de réduction décimale de Listeria monocytogenes(117 µm, 40°C) et de Yersinia enterocolitica (117 et 150 µm, 30°C) [20, 26].

tions en protéines solubles du lait et de l’oeuf liquide, aprèsun traitement par les ultrasons à 50°C, pendant 30 minutes[35]. Le traitement de céréales, à 35 kHz, pendant 10secondes à 200 minutes (brevet WO 9216116), ne modifie nileur goût, ni leur valeur nutritive [3].

L’homogénéisation des graisses et l’activité antioxydantesont augmentées dans le lait après un traitement par les ultra-sons [19]. Plusieurs autres modifications sont rapportées parBOISTIER-MARQUIS et coll. (1999) : une odeur de brûlépeut apparaître sur le lait, les qualités organoleptiques du jusd’orange sont altérées [3].

D) APPLICATIONS DES ULTRASONS EN INDUSTRIESALIMENTAIRES

Actuellement plusieurs applications industrielles utilisantles ultrasons existent. Ainsi, le phénomène de la cavitationstable est utilisé, pour dégazer certaines boissons carbonatéeset la bière. L’extraction du contenu cellulaire du houblon estutilisé en brasserie, et les ultrasons sont utilisés pour émul-sionner certaines préparations, telles que la mayonnaise et leketchup. Mais l’application la plus répandue est le tranchage,en effet les ultrasons permettent des épaisseurs de tranchetrès petites (de l’ordre du millimètre), ainsi qu’une très bonnefinition. Ce type de technique est utilisé pour trancher desproduits fragiles (pâtisseries, entremets). Toutefois, aucuneapplication visant à augmenter la durée de conservation desdenrées alimentaires ou à pasteuriser les aliments, n’est à cejour utilisée dans le monde.

Plusieurs auteurs s’accordent à dire que l’utilisation desultrasons à la pression atmosphérique, ne trouvera probable-ment pas de débouchés à des fins de pasteurisation, en raisondes temps d’application trop longs, nécessaires pour parvenirà une destruction suffisante des micro-organismes des ali-ments [25, 29].

L’utilisation des ultrasons, sous l’influence de pressionsmodérées (mano-sonication) entraînant des réductions par-fois spectaculaires de la résistance des micro-organismes à lachaleur, permet d’envisager des traitements combinant lachaleur et les ultrasons sous pressions (mano-thermo-sonica-tion). Ce type de traitement en réduisant notablement, la tem-pérature ou le temps d’application, permet de diminuer lesconséquences d’un traitement thermique sur les qualitésorganoleptiques des aliments, et d’envisager leur utilisation àdes fins de pasteurisation [25, 29, 33].

De même, l’utilisation des ultrasons permet d’augmenternettement la sensibilité des spores bactériennes à la chaleur[23], ainsi que l’élimination des pathogènes tels que Listeriamonocytogenes, connus pour développer une résistance trèsélevée à la chaleur à la suite d’un traitement thermique [22].

E) CONCLUSION

Les données rapportées sur les effets d’un traitement parles ultrasons sur les micro-organismes laissent à penser queson utilisation seule ne trouvera probablement pas de débou-ché en matière de conservation des aliments, en raison desintensités trop élevées requises pour atteindre un seuil d’in-

activation microbienne satisfaisant, modifiant de ce fait demanière trop importante les aliments. En revanche son utili-sation combinée avec l’emploi de pressions modérées et de lachaleur, augmentant parfois de manière spectaculaire la sen-sibilité des micro-organismes, permet d’entrevoir des appli-cations potentielles intéressantes. Des études portant sur lesconséquences toxicologiques d’un tel traitement sont toute-fois nécessaires.

Les ultraviolets et la lumièrepulsée

L’existence des rayons ultraviolets a été mise en évidence,en 1801, par RITTER, grâce aux réactions chimiques qu’ilsinduisent. En 1910, le premier appareil de production derayons ultraviolets est construit, en vue de désinfecter l’eau,mais il est vite remplacé par l’utilisation du chlore. C’estdans les années 40, avec l’apparition du quartz, que laconstruction de lampes à UV devient intéressante. Depuis,l’utilisation de ce type de rayonnement s’est répandue,notamment en vue de désinfecter l’air, l’eau et différentessurfaces.

A) PRÉSENTATION DES RAYONS ULTRAVIOLETS

1) Définition

Les rayons ultraviolets sont les rayonnements électroma-gnétiques, dont les longueurs d’onde s’étendent de 100 nm(juste au dessus des rayons X) à 400 nm (juste en dessous duspectre visible) (figure 9).

Au sein même des UV, on distingue trois classes qui ontdes propriétés différentes:

- les UV A (315 à 380 nm) qui ont un effet bronzant,

- les UV B (280 à 315 nm) qui ont un effet érythémateux,

- les UV C (100 à 280 nm) qui ont des propriétés photochi-miques et germicides.

La particularité des UV C est de présenter des propriétésgermicides, avec un optimum vers 253,7 nm [1,27].

L’intensité des rayons UV est exprimée, en général, enWatt par unité de surface, le plus souvent le centimètre carré(cm2). Pour simplifier la compréhension, on exprimera l’in-tensité du rayonnement en W/cm2, ou en fonction des mul-tiples du Watt [microwatt (µW), milliwatt (mW) ou mega-watt (MW)].

La dose de rayonnement reçue (D), est égale au produit del’intensité (I) et de la durée (T) (en secondes), elle est expri-mée en W.s/cm2 ou en Joule/cm2 (J/cm2).

D = I.t 1 J/cm2 = 1 W.s/cm2.

2) Mode d’émission

L’émission des UV résulte du mouvement des électronsorbitaux vers une couche externe, sous l’effet d’une tensionélectrique, s’accompagnant de l’émission d’un photon, quel’on a coutume d’associer aux rayonnements électromagné-tiques.

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En pratique, on soumet une lampe, à une tension électriquealternative, qui produit entre les deux électrodes, unedécharge lumineuse [27]. Les caractéristiques de la lampe etdu circuit électrique permettent de classer les sources en plu-sieurs catégories.

a) Lampes à vapeurs de mercure

Ce type de lampe est utilisé depuis longtemps dans diffé-rents domaines d’application (désinfection de l’eau, de l’airet de différentes surfaces, chimie analytique, physiquenucléaire).

Elles se composent en général :

- d’un tube en quartz, perméable aux UV,

- de vapeurs de mercure,

- d’un gaz rare, diminuant le seuil de tension nécessaire àl’émission,

- d’halogénures métalliques, modifiant le spectre d’émis-sion.

Selon la pression à l’intérieur du tube, on distingue deuxtypes de lampes à vapeurs de mercure. Les lampes à bassepression (10-3 à 10-5 bars) émettent en presque totalité avecune longueur d’onde de 254 nm. Elles consomment peud’énergie, et sont limitées aux applications nécessitant unfaible débit. Les lampes à hautes pressions (10-1 à 20 bars),nécessitent un courant beaucoup plus élevé. Elles délivrentune intensité plus importante, mais dans des longueursd’onde plus larges (240 à 290 nm). Elles sont adaptées auxdébits importants.

Ces types de lampes sont utilisées, en général, dans les dif-férentes études et propositions d’applications, selon un modecontinu, en étant couplé à un dispositif électrique classique.Elles ont une puissance unitaire qui va de 100 W à quelqueskW.

b) Technique de l’énergie pulsée

L’utilisation de condensateurs sur le circuit électrique, per-met l’accumulation de très hautes valeurs d’énergie, qui, unefois déchargées dans la lampe, produisent un flash de lumièreintense (lumière pulsée). Ce système est similaire au systèmeélectrique rencontré lors de l’utilisation des champs élec-triques pulsés. Le spectre d’émission est conditionné par lacomposition de l’enveloppe de la lampe, contenant en géné-ral du xénon [17, 28]. Les flashs émis ont une puissance del’ordre du mégawatt et une durée très courte, de l’ordre de lamicroseconde; leur consommation électrique globale estsimilaire à celle des installations classiques [28].

La société Pure Pulse Technologies (San Diego,Californie) possède un brevet concernant un tel équipement :le procédé Pure Bright. Les flashs émis possèdent une puis-sance maximale de 10 MW pour une durée de 300 µs envi-ron.

Toutefois, à la différence des lampes à vapeurs de mercure,ces procédés émettent dans un spectre beaucoup plus large,de 200 nm à 1 mm [6], contenant environ 8 % d’UV de lon-gueur d’onde comprise entre 200 et 300 nm [17].

3) Interaction des UV et de la matière

A la différence des rayons γ, les rayons UV ont un pouvoirde pénétration très limité.

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NOUVEAUX TRAITEMENTS PHYSIQUES DE CONSERVATION DES ALIMENTS : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 659

FIGURE 9. — Spectre électromagnétique [27].

On peut calculer l’intensité de lumière pénétrant à l’inté-rieur d’un liquide selon la formule suivante :

I = I0.e-αx

où I est l’intensité à la profondeur x, I0 l’intensité inci-dente, ( le coefficient d’absorption [27].

DUNN et coll., (1988) proposent l’équation suivante pourles différents matériaux:

I = (1-R). I0.e-z

où R est le coefficient de réflexion, z le coefficient d’ex-tinction (déterminé par l’opacité du matériau). On voit doncque à une profondeur donnée, l’intensité augmente avec l’in-tensité incidente, et que pour une intensité donnée, le pouvoirde pénétration augmente avec l’intensité incidente [7].

ROSSET et ROSSET (1996) considèrent que le pouvoir depénétration des rayons UV est de l’ordre de 100 µm, pour unliquide de densité égale à celle de l’eau ; alors que pour lalumière pulsée, cette profondeur est de l’ordre de 0,25 cm[2].

Quelque soit le type de source utilisée, la lumière émise parces équipements ne pourra traiter les matériaux qu’en sur-face.

B) ACTION DES RAYONS ULTRAVIOLETS SUR LESMICRO-ORGANISMES

1) Mode d’action

Le site d’action principal des ultraviolets est l’acidenucléique des cellules. En effet, lorsque l’on compare l’effetbactéricide des rayons UV et le spectre d’absorption del’ADN, on constate que tous deux présentent un maximumpour des longueurs d’onde de l’ordre de 250-260 nm [27]. Lamajeure partie des protéines ont un maximum d’absorptionvers 280 nm.

Par activation des électrons, les UV dissocient les doublesliaisons des acides nucléiques, entraînant la formation dephotoproduits, principalement des dimères de thymine, parpontage intrabrin, responsables d’erreur de réplication[14,27,28].

ROWAN et coll. (1999) ont étudié les effets de la lumièrepulsée produite par deux types de lampes, contenant beau-coup ou peu d’UV (dans les longueurs d’onde comprisesentre 200 et 400 nm). Ils constatent que l’inactivation deEscherichia coli est supérieure pour les lampes contenantbeaucoup d’UV, et concluent que l’action létale de la lumièrepulsée est bien due aux rayons UV[28]. Dunn (1996) rap-porte le même type d’action pour la lumière pulsée, obtenueavec le procédé Pure Bright [8].

FIKSDAL et TRYLAND (1999) ont étudié la croissanced’une souche de Escherichia coli, en milieu modèle, en fonc-tion de la dose pour des intensités incidentes de 0,8 à1,6 mW/cm2, ainsi que différents paramètres tels que la res-piration cellulaire, l’intégrité membranaire, le potentiel trans-membranaire et l’activité enzymatique de la βD galactosi-dase. Ils constatent que pour des doses inférieures à48 mW.s/cm2, tous les paramètres sont intacts et la croissancecellulaire est inhibée, que pour des doses supérieures à

940 mW.s/cm2 tous les paramètres sont altérés (proportion-nellement à la dose) et que la croissance cellulaire est inhibée[11]. Ils corroboreraient, ainsi, les résultats obtenus parMORGAN (1989), qui considèrent que si l’action des UV estsuffisamment prolongée et/ou renforcée, les structures mem-branaires du noyau sont détruites [18].

DUNN et coll. (1995), ainsi que BARBOSA-CANOVASet coll. (1997), considèrent que les UV peuvent réagir avecles doubles liaisons des protéines, KUO et coll. (1997) rap-portent que les UV peuvent inhiber les phosphorylations oxy-datives [2,6,15].

DUNN et coll. (1990) considèrent que les effets des UVpourraient être liés à des processus thermiques très élevés etde très courte durée, mais ROWAN et coll. (1999), ne consta-tant qu’une élévation de température de 1°C, à la surface dusubstrat, suite à un traitement par une intensité proche de35 MW, écartent un processus photothermique au profit d’ef-fets photochimiques [9, 28].

En conclusion, le mode d’action de ces types de traitementserait dû principalement aux modifications photochimiquesde l’ADN qu’induisent les UV.

2) Inactivation des micro-organismes

Le tableau I présente les doses nécessaires pour l’obtentionde réduction décimale de différents micro-organismes obte-nues avec les rayons ultraviolets, dans des conditions delaboratoire.

Elles varient de 2,6 mW.s/cm2 pour Staphylococcus aureusà 130 mW.s/cm2 pour Aspergillus niger. Les virus, les cocciset les formes végétatives des bactéries sont généralementplus sensibles que les levures, les moisissures et les sporesbactériennes [4,27].

MORGAN (1989) rapporte que les UV ne sont pas, ou peu,efficaces sur les levures, dès qu’elles ont commencé à sedévelopper [18].

SUMNER et coll. (1996) ont comparé les taux d’inactiva-tion de Salmonella typhimurium par les UV, pour des dosesallant de 1,6 à 9,8 mW.s/cm2, sur des boîtes de Pétri et sur dela peau de poulet. Alors que une réduction de 7 log et plus estobtenue sur les boîtes de Pétri, seulement 80 % de la popula-tion est inactivée, sur la peau de poulet, pour les doses lesplus fortes [32]. De même, STERMER et coll. (1987) obtien-nent une réduction de 3 log, de la population bactérienne surgélose, pour 4 mW.s/cm2, et seulement 1,5 log sur des steaksde boeuf, pour 16,5 mW.s/cm2 [31].

Les courbes de survie des populations cellulaires soumisesaux rayons UV montrent classiquement un effet très marquéau début, puis une diminution du taux d’inactivation (figure10).

KUO et coll. (1997a) ont étudié les effets des UV d’uneintensité égale à 0,62 mW.s/cm2, sur Salmonella typhimu-rium inoculée sur gélose ou sur des coquilles d’oeufs. Ilsobtiennent le même type de courbe (figure 11), à savoir unedécroissance initiale marquée, suivie d’une atténuation del’effet létal des UV [14].

Le taux d’inactivation microbienne croît donc avec letemps d’exposition, mais sur les coquilles d’oeuf, une petite

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TABLEAU I. — Dose nécessaires à l’obtention de réductions décimales de différents micro-organismes [27].

FIGURE 10 . — Inactivation de Escherichia coli par la lumière pulsée contenantbeaucoup (o) et peu d’UV (•) [28].

FIGURE 11. — Inactivation de Salmonella typhimurium, inoculée sur gélose et sur descoquilles d’œufs, par un traitement UV (0,62 mW/cm2) [14].

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fraction de la population est résistante au traitement, proba-blement parce que la surface de la coquille n’est pas aussilisse que la gélose, et que la présence de pores peut empêcherla totalité des bactéries d’être atteinte. STERMER et coll.(1987) rapportent les mêmes conclusions, sur l’inactivationbactérienne avec des doses de 16,5 mW.s/cm2, appliquéessur des steaks [31].

DUNN et coll. (1995) comparent la cinétique d’inactiva-tion de spores d’Aspergillus niger d’un traitement UV encontinu (dont la dose n’est pas rapportée) et du procédé PureBright (figure 12).

Ils rapportent que l’utilisation de la lumière pulséeengendre un taux d’inactivation supérieur (plus de 7 log) etque ce procédé est plus efficace [6]. Toutefois, ROWAN etcoll. (1999), en étudiant l’effet d’un traitement par la lumièrepulsée (100 à 200 flashs de 100 ns et d’intensité nominale de35 MW), sur différentes souches bactériennes, rapportentl’efficacité d’un tel traitement; cependant l’inactivation obte-nue n’est pas totale, les populations passant de 8-9 log à 3,4-5 log [28].

En conclusion, compte-tenu de la très grande variabilitédes résultats, il apparaît important d’étudier les effets desrayons ultraviolets et de leurs différents procédés d’émission,sur les micro-organismes cibles et dans les conditions réellesd’utilisation.

C) APPLICATIONS ALIMENTAIRES

1) applications existantes

Historiquement, les premières applications industriellesutilisant la lumière concernaient la désinfection de l’eau deboisson, des sirops après dilutions ou bien encore de la sèved’érable [27]. Actuellement l’utilisation des UV, en modecontinu, permet également la décontamination des eauxpotables et des eaux de process. La décontamination par UVde l’air ambiant est très largement répandue dans de nom-breuses industries, notamment en industries agro-alimen-taires, en vue de prévenir la contamination du produit par desgermes aéroportés. Ce type d’application est répandu dansles industries laitières, les industries de la viande, en boulan-gerie et en restauration collective [27].

2) Emballages

Les rayons ultraviolets sont utilisés, en industries agro-ali-mentaires, pour réduire la charge microbienne de différentsemballages plastiques et métalliques. Ainsi PATIL et coll.(1988) ont montré que l’exposition à une lampe à vapeur demercure de 30 W, pendant 30 secondes, était suffisante pourréduire de 3 log les populations de différentes bactéries ino-culées (à un taux de 102-103 germes/cm2) sur un emballageplastique [24].

L’utilisation de la lumière pulsée, en réduisant la duréed’exposition nécessaire pour atteindre un même niveau dedécontamination, permet d’augmenter la cadence de traite-ment, puisque quelques flashs d’une durée de 100 µs sontsuffisants pour détruire la plupart des bactéries, levures etmoisissures [6]. Elle permet de surcroît d’éliminer un plusgrand nombre de spores (~5 log, pour 6 W.s/cm2) [5].

3) Applications potentielles

L’efficacité de ce type de procédé étant limité à la surfacedes solides, on peut envisager son utilisation sur les denréesalimentaires liquides, que dans un but d’augmentation de ladurée de conservation ou de prévention d’une contaminationlors de la fabrication des denrées.

Ainsi KUO et coll. (1997) ont montré qu’un traitement UV(1720 µW/cm2, pendant 15 minutes) permettait de réduire lenombre de bactéries aérobies, de 5 log à 2,7 log, et de moi-sissures, de 3,7 log à moins de 1,5 log, sur des coquillesd’oeufs. La population de Salmonella typhimurium étantréduite de 4,6 log à 620 µW/cm2, pour 7 minutes de traite-ment [14].

DUNN (1996) obtient une réduction de 8 log de la popula-tion de Salmonella enteritidis sur des coquilles d’oeufs, après8 flashs de 0,5 W/cm2, en utilisant le procédé Pure Bright. Ilestime que, à la différence d’un traitement UV classique, lalumière pulsée permet d’atteindre, en partie, les bactériesprésentes dans les pores des coquilles, et de ce fait d’aug-menter l’efficacité globale du procédé [8].

WONG et coll. (1998) ont étudié l’effet d’un traitementUV (1000 µW/cm2, pendant 32 minutes) sur de la peau et surdes muscles de porc inoculés avec Escherichia coli et S.Senftenberg. Ils obtiennent respectivement 1,9 et 2 log de

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FIGURE 12. — Inactivation de spores d’Aspergillus niger, sur gélose, par un traite-ment UV continu et par la lumière pulsée [6].

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réduction, pour les muscles, et 3,3 et 4,6 log pour la peau etproposent l’utilisation des UV pour décontaminer les car-casses avant leur transformation [34].

DUNN et coll. (1995) ont montré que la lumière pulséepermettait d’obtenir une réduction de 2 log de la populationde différentes salmonelles sur des ailes de poulet, et deListeria innocua sur des saucisses de Francfort [6].

Lorsque que l’on traite par les UV, à la dose de300 mW.s/cm2, du maquereau, la population microbienneprésente à la surface voit son nombre diminuer de 2 à 3 log,et la durée de conservation du poisson réfrigéré à -1°C, aug-menter d’au moins 7 jours, par rapport au témoin [13]. Demême, des crevettes exposées à la lumière pulsée et réfrigé-rées, ne présentent pas de dégradation microbienne, après 7jours de stockage, à la différence des témoins non traités [6].

Il semble possible, en utilisant le procédé Pure Bright,d’augmenter considérablement les dates limites de consom-mation (DLC) de différents produits :

- 16 W.s/cm2 font passer la DLC de pain de mie emballé, de14 jours à 5 mois,

- 12 W.s/cm2 suffisent à allonger la DLC de mini cakes de26 jours à 6 mois,

- 9 W.s/cm2 permettent une DLC de 26 jours, pour du jam-bon tranché [5].

4) considérations toxicologiques et nutritionnelles

Peu d’études ont porté sur les effets toxiques et nutrition-nels que pourrait présenter ce type de traitement. Certainsauteurs, au cours de leurs études sur les effets microbiolo-giques, ont étudié quelques paramètres nutritionnels, quel’on peut résumer ci-après.

L’utilisation des ultraviolets ne semble pas entraîner demodifications importantes des qualités organoleptiques dusteak [31] et du maquereau [13].

DUNN et coll. (1995) n’ont pas constaté de différencesdans la composition en protéines, riboflavine, nitrosamine etvitamine C, de saucisses de Francfort traitées par la lumièrepulsée, par rapport aux échantillons non traités [6].

MIMOUNI (1999) constate que la lumière pulsée n’a pasentraîné de phénomènes de radiolyse, lors d’essais réaliséssur différents aliments [17].

D) CONCLUSION Les technologies utilisant les rayons ultraviolets représen-

tent une technique alternative intéressante de décontamina-tion des emballages et la sécurité des aliments, emballés ounon. L’augmentation de température générée par ce type deprocédé est limitée à quelques degrés, la rapidité de traite-ment permise par les techniques pulsées, le prix de revientlimité, 1 à 3 centimes par m2 d’emballage [17] et le faibleencombrement de l’installation permettent, d’une part, uneintégration aisée sur la chaîne de fabrication et, d’autre part,une adéquation avec les impératifs économiques et tech-niques des industries agro-alimentaires. Des études sur lesconséquences toxicologiques et nutritionnelles sont toutefoisnécessaires pour garantir au consommateur l’innocuité de cetype de procédé.

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