notice du pfe_regis anthony
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AVENIR D’UN TERRITOIRE INDUSTRIEL
SUR FOND DE PAYSAGE CAMARGUAIS
LE DIALOGUE DES GEANTSDe Martigues à Port-de-Bouc
Anthony REGIS
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REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier les personnes
qui m’ont accompagné lors de ce projet de fin d’étude et
qui m’ont permis d’aller au bout de cette dernière étape
d’étudiant.
En premier lieu, je remercie particulièrement
Stéphane Vollenweider, mon professeur référent, pour sa
patience et ses conseils avisés tout au long de l’année. Je
remercie également Stéphane Fernandez, Hervé Dubois,
Jean-Luc Rolland et Pierre-André Comte, pour leurs
remarques pertinentes lors de corrections communes qui
m’ont permis d’avoir un regard différent sur mon projet.
Et je voudrais aussi remercier mes amis et
proches qui m’ont encouragé et soutenus tout on long
de ce travail. Je pense notamment à mes amis eux aussi
étudiants en architecture, pour leur aide et leur point de
vue critique, à Thomas Di Giovani et Gaetan Zarco pour
leurs qualités de photographe, et bien sûr à ma famille
pour leurs encouragements ainsi qu’à Ioana Bouquier pour
son soutien quotidien.
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Durant ces cinq années d’études, j’ai donc pu
apprendre ce que voulait dire être architecte. Une phrase
de Le Corbusier pourrait résumer ma pensée : « Mon devoir
à moi, ma recherche, c’est d’essayer de mettre cet homme
d’aujourd’hui hors du malheur, hors de la catastrophe ;
de le mettre dans le bonheur, dans la joie quotidienne,
dans l’harmonie ». L’architecture est un cadre à notre vie,
nous vivons constamment en contact avec elle, et c’est en
lui donnant certaines qualités que les architectes peuvent
influencer la manière de vivre des gens, leur bien-être,
leurs sentiments, leurs émotions. L’architecture doit nous
faire vivre, nous faire ressentir, nous émouvoir. Car c’est
bien pour nous-même que nous construisons, l’Homme doit
être au centre des attentions. Ce positionnement théorique
a totalement bouleversé ma vision du monde. Le fait de
pouvoir donner du bonheur et des émotions aux gens dans
leur quotidien, en construisant un bâtiment qui a tel ou
tel qualité, est la raison essentielle pour laquelle je veux
devenir architecte. Pour arriver à ce résultat, les différentes
notions et concepts architecturaux que j’ai pu étudier lors
de ces cinq années, constituent les bases d’un savoir qu’il
faudra évidemment continué à étoffer durant les années
à venir. Car une des autres qualités de l’architecture que
j’apprécie beaucoup est le fait qu’elle n’ait aucunes limites.
Je vous présente donc ici mon travail de fin d’étude
qui ponctue une période d’apprentissage mais qui marque
aussi le début d’une autre, plus longue, qui me permettra
je l’espère de devenir architecte, tel que je l’entends.
Devenir architecte n’était pas une vocation
depuis le plus jeune âge. C’est au fil des années et des
différentes expériences que j’ai compris ce que voulait dire
être architecte et que je me suis rendu compte que cela
me correspondait et me passionnait plus que toute autre
chose.
J’ai toujours été fasciné par le fait de concevoir et
construire des choses de mes propres mains, des simples
legos et maquettes d’enfance, en passant par la confection
d’objets de toute sorte en bois ou autre matériaux, jusqu’à
la réalisation d’éléments de maçonnerie ou de second
œuvre sur chantier. Je me suis d’abord orienté vers un BTS
Bâtiment, où j’ai découvert toute la technicité qui se cache
derrière ces édifices, comment résistent-ils aux charges?
Comment sont-ils dimensionnés ? Par quels procédés
techniques sont-ils assemblés ? Quelle solution adopter
dans tel ou tel situation ? Etc. Ce fut très enrichissant, mais
j’avais le sentiment d’être dans une position d’exécutant où
l’on me donnait un plan en me demandant de trouver les
solutions techniques pour construire un bâtiment. Même
si cela peut constituer un défi excitant, il me manquait
quelque chose, la plus importante à mes yeux, c’est-à-
dire la raison pour laquelle il fallait construire ce bâtiment.
Pourquoi ici ? Pourquoi cette forme ? Pourquoi ce matériau?
Et surtout, pour qui ? Je pensais que trouver des solutions
techniques sans avoir de réponses à ces questions n’avait
aucun sens. C’est alors que je me suis tourné vers ces
études en architecture, pour comprendre ce qui se passe
dans la tête des architectes, là où tout commence, et
trouver mes réponses.
AVANT-PROPOS
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SOMMAIRE
Remerciements............................................................................................................................................5
Avant-propos..............................................................................................................................................7
Sommaire..................................................................................................................................................9
Épigraphe..................................................................................................................................................11
INTRODUCTION.....................................................................................................................................12
I - ETAT DES LIEUX..............................................................................................................................14
1 - Histoire urbaine...........................................................................................................................14
2 - Analyse et ressenti du site............................................................................................................19
3 - Problématiques et hypothèse.........................................................................................................21
II - PROJET URBAIN.............................................................................................................................22
1 - Objectifs....................................................................................................................................22
1/3 Ramener l’urbanisation le long du Chenal de Caronte............................................................22
. 2/3 Rendre plus fluide la transition entre le massif et le Chenal de Caronte....................................23
3/3 Relier Martigues et Port-de-Bouc par le Chenal de Caronte...................................................24
2 - Projet.......................................................................................................................................25
1/4 Patrimoine industriel........................................................................................................26
2/4 Itinéraire de flânerie........................................................................................................27
3/4 Émergences structurantes................................................................................................28
4/4 Unité d’ensemble...........................................................................................................30
III - PROJET ARCHITECTURAL.............................................................................................................31
1 - Choix de l’émergence...................................................................................................................31
2 - Pied de l’émergence....................................................................................................................31
3 - Espace public vertical..................................................................................................................32
4 - Programmation..........................................................................................................................33
CONCLUSION.......................................................................................................................................35
Bibliographie.............................................................................................................................................36
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EPIGRAPHE
« Votre ville au commencement c’est un site,
un abri cher aux marins fuyant les rades foraines, un
promontoire. La géographie, les alliances de nécessité,
les politiques et les marchands ont façonné un paysage
mutant, un territoire d’utilité, un peuplement d’émigrants
agrégé au provençaux.
Et l’on voit se révéler des perspectives de
monstres obèses, mi-dieu inca mi-gorgones aux écailles
reptiliennes, des tamanoirs accouplés, des salamandres,
des iguanes. Sur les berges courent des frises obsédantes
de reptiles au squelette apparent, pourvus de plumes et de
dents ».
Virginie BUISSON
Le bal des ogres (2007) - Port-de-Bouc
12
LE DIALOGUE DES GEANTS INTRODUCTION
On peut alors observer qu’il y a plus de surface construite
dédiée à l’industrie, au commerce ou aux infrastructures
que celle dédiée aux logements et ses équipements, alors
que c’est l’inverse pour la ville de Marseille et le bassin
Aixois (3). On a donc une très forte présence d’espaces
industriels et depuis les années 1970 et le déclin des
activités industrielles, nombre d’entre eux sont aujourd’hui
totalement abandonnés, à l’état de friche. Et cela va
aller en s’accentuant car même s’il reste des industries
encore en activité aujourd’hui, la plupart vont disparaître
ou vont être reconverties. En témoigne le programme «
Horizon 2020 » mis en place par l’Union Européenne en
2014 qui prévoit un « verdissement des industries » et
« favorisera les usines de hautes technologies avec des
employés qualifiés ». Les usines de matières premières
seront décentralisées vers les pays du Sud et les emplois
non qualifiés de type ouvrier seront amenés à disparaître.
L’exemple de la raffinerie de La Mède à Martigues (6)
Ce projet de fin d’étude se place dans une réflexion
menée par le département de La Fabrique sur le territoire
de l’Etang de Berre et plus particulièrement sur les villes
de Martigues et Port-de-Bouc et sur le Chenal de Caronte
(1).
Le territoire de l’Etang de Berre est l’un des trois
foyers qui forment la métropole Aix-Marseille avec le bassin
Aixois et la ville de Marseille (2). Ces trois foyers se sont
développés en rapport à une topographie très présente
dans cette région, que ce soit en termes de pleins avec
les différents massifs, ou de vides avec notamment le
début de la Camargue à l’Ouest. Mais ce qui différencie
particulièrement le territoire de l’Etang de Berre des deux
autres est la forte présence d’industrie, et surtout d’industrie
lourde. En effet, ce territoire étant depuis toujours celui
de l’expansion de la ville de Marseille, de nombreuses
industries se sont implantées autour de l’Etang de Berre.
INTRODUCTION
1 - Territoire de l’Etang de Berre, Martigues et Port-de-Bouc
13
LE DIALOGUE DES GEANTS INTRODUCTION
2 - Les trois foyers de la Métropole Aix-Marseille
3 - Espaces urbanisés
4 - Raffinerie de Berre
5 - Raffinerie de Lavéra
6 - Raffinerie de La Mède
illustre bien ces nouvelles dispositions car « elle s’engage
à se transformer en bioraffinerie d’ici 2017 » (La Provence,
article du 18/04/2015). On aura alors une apparition
de plus en plus importante de friches sur ce territoire de
l’Etang de Berre, car elles ne pourront pas toutes être
reconverties, et il se posera forcément la question de leur
devenir.
En effet, de plus en plus de villes autrefois
vouées à l’industrie, autour de l’Etang de Berre et partout
ailleurs, doivent aujourd’hui faire face à ce changement de
paradigme et trouver des solutions quant au devenir de
leur patrimoine industriel. La reconversion de ces espaces
industriels peu alors devenir un enjeu vital pour certaines
villes où ces friches peuvent constituer un véritable frein à
leur développement. C’est le cas des villes de Martigues
et Port-de-Bouc qui disposent d’un patrimoine industriel
conséquent mais dans sa majorité inexploité et à l’abandon.
Je m’intéresserais donc ici à un espace industriel
en friche situé sur le territoire des villes de Martigues et
Port-de-Bouc, afin d’interroger sa mutabilité et d’imaginer
son devenir. Pour cela un état des lieux général sera
d’abord effectué pour comprendre le site et définir une
problématique plus précise. Le projet se déclinera ensuite
à plusieurs échelles, un projet urbain sera d’abord exposé,
puis un élément architectural de ce projet urbain sera plus
particulièrement étudié. Et enfin, à noter que les éléments
d’analyses secondaires ne seront pas développés dans
l’état des lieux général mais là où ils me permettront
d’expliquer un élément du projet urbain ou architectural.
14
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
1 - HISTOIRE URBAINE
Bien que le territoire de Martigues et Port-de-Bouc
fut occupé depuis la période du Néolithique, Martigues
n’existe sous ce nom que depuis 1581 et l’unification
des trois quartiers : Jonquière, l’Ile et Ferrières qui eux
datent respectivement de 950, 1226 et 1250 (3), et
Port-de-Bouc est une ville encore plus récente car elle
ne devient officiellement commune qu’en 1866. Mais je
m’intéresserais ici à une date précise qui marque pour
moi un bouleversement dans l’histoire du développement
urbain de ce territoire : le 8 février 1794.
Cette date correspond au jour où Napoléon
1er posa le pied sur ces terres. Martigues n’était alors
constituée que de ses trois quartiers historiques, comptant
6700 habitants et Port-de-Bouc n’existait pas encore,
seulement un petit hameau nommé La Lèque de 22
habitants (2), et le Fort-de-Bouc avec ses 25 habitants
étaient présents. Néanmoins, Napoléon vis en ce territoire
l’emplacement idéal pour y bâtir une ville de plusieurs
milliers d’habitants avec un port militaire, d’importants
chantiers de constructions et le creusement d’un Canal
d’Arles à Bouc (4). Mais pour des raisons politiques, ce
projet n’aboutira jamais dans son intégralité, seuls La Jetée
en 1820 et le Canal d’Arles à Bouc en 1842 seront finalisés
(5). Mais grâce à la réalisation de ce canal, l’Etang de
Berre est désormais relié au Rhône et ainsi au reste de la
France et de l’Europe par voie fluviale. Martigues et Port-
de-Bouc se retrouvent sur le passage de ce nouvel axe
(6) et deviennent une terre d’accueil pour de nombreux
commerces et industries. C’est à ce moment-là que
l’histoire du développement urbain de ce territoire bascule
dans une industrialisation massive.
I - ETAT DES LIEUX
4 - Plan du projet de Napoléon, 1802
3 - Les trois quartiers de Martigues, 1892
2 - Hameau de La Lèque, Port-de-Bouc, 1820
1 - Martigues et Port-de-Bouc, 1842
15
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
1850 : fonderie de plomb et salins
1870 : usine de charbons agglomérés
1876 : sécherie de morue Cabissol
1888 : fabrique de chaux et de tuiles
1894 : première raffinerie de pétrole de la région : La
Phocéenne
1899 : construction naval des Chantiers et Ateliers de
Provence (7)
1915 : usines chimiques Saint Gobain et Kulhmann (8)
1920 : société la Vieille Montagne
1923 : huilerie et savonnerie Verminck (9)
1924 : raffinerie de pétrole de Lavéra
6 - Nouvel axe fluvial
6 - Construction de la Jetée en 1820 et du Canal d’Arles à Bouc en 1842
8 - Usine Kulhmann
7 - Chantiers et Ateliers de Provence
9 - Usine Verminck
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LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
Les marécages et autres roseaux qui constituaient
principalement le paysage de ce territoire proche de la
Camargue vont alors être dans l’obligation d’accueillir
ces nouveaux monstres d’acier. La construction du pont
ferroviaire en 1915 (10) et du tunnel du Rove reliant
Marseille à l’Etang de Berre par voie fluviale en 1927 (11),
viendra accélérer l’industrialisation du site et accentuer son
changement paysager. Mais lorsque la crise industrielle
arriva dans les années 1970, ces industries vont tour à tour
mettre la clé sous la porte. Seule la raffinerie de pétrole de
Lavéra est toujours en activité après avoir été le plus grand
port pétrolier d’Europe dans les années 1950.
Depuis cette crise, l’habitat a peu à peu pris le
dessus sur les industries. L’apparition du pont autoroutier
en 1972 sera suivie de près par une forte construction
de logements sociaux à Martigues et Port-de-Bouc. De
nombreux grands ensembles voient le jour, puis ensuite
c’est l’habitat pavillonnaire qui s’étant vers le Nord sur les
terres agricoles. L’urbanisation des deux villes finira par se
rejoindre en suivant l’axe autoroutier et un décalage entre
emplois et résidence apparaît. Martigues et Port-de-Bouc
deviennent des cités dortoirs (12).
Aujourd’hui nous sommes en présence d’un
territoire très hétérogène composé de nombreux bâtiments
industriels pour la plupart en friches, de logements sociaux
de type « grands ensemble », de grands équipements,
de noyaux villageois, d’habitat individuel ou de zones
commerciales. Mais en dehors des noyaux villageois, on
observe un tissu urbain très discontinu, il n’y a pratiquement
aucun alignement sur rue, on a seulement une association
de tous ces éléments, mais sans qu’il n’y ait de dialogue
entre eux. Il y a donc une sorte de confusion, de manque
de lisibilité de la ville. On a fabriqué de la ville, mais pas
de la vraie ville, plutôt une juxtaposition d’éléments les uns
après les autres (13).
11 - Construction du tunnel du Rove (1927)
10 - Construction du pont ferroviaire en 1915 et autoroutier en 1972
17
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
12 - Dévellopement urbain de Martigues et Port-de-Bouc
1920
1930
1940
1950
1960
1970
1980
1990
2000
18
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
13 - Occupation des sols aujourd’hui
14 - Espace industriel en friche entre Martigues et Port-de-Bouc
19
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
Le passé industriel est donc encore très présent
aujourd’hui. On observe notamment un espace non
urbanisé entre Martigues et Port-de-Bouc, le long du
Chenal de Caronte, qui est un ancien territoire industriel
aujourd’hui principalement en friche (14). Seuls quelques
anciens bâtiments industriels sont encore utilisés par
diverses entreprises de carrosserie, dépôts, déchèterie,
stockage, maintenance ou manutention. Au vu de ce que
nous avons décrit en introduction, il convient alors de se
poser la question de la mutabilité de cet espace industriel,
que va-t-on faire de ce patrimoine industriel quasiment
entièrement en friche aujourd’hui ? Pour ce projet de
fin d’étude, j’ai donc voulu m’intéresser à cet espace en
essayant d’apporter des réponses quant à son devenir.
2 - ANALYSE ET RESSENTIS DU SITE
En allant sur le site, on remarque immédiatement
la forte présence industrielle caractéristique de ce territoire
de l’Etang de Berre. C’est ce que lui donne une atmosphère
si particulière par rapport au bassin Aixois ou à la ville
de Marseille. La raffinerie de pétrole de Lavéra, avec
ses hautes cheminées parfois enflammées, ces grands
réservoirs et ses longs réseaux de tuyauterie à l’air libre
est l’élément qui prend le plus de place dans le paysage,
avec le pont ferroviaire (20) et le pont autoroutier. Les
tankers remplis de pétrole en attente au large du port de
Fos, ou accostés dans le port pétrolier de Lavéra, viennent
accentuer l’échelle démesurée qui caractérise ce site. Et
pour ne rien oublier, la tranchée creusée pour le Canal
d’Arles à Bouc et les grands ensembles perchée sur les
collines de Port-de-Bouc et de Martigues finissent de nous
persuader que nous sommes tout petit face à ces ogres
gigantesques.
Mais à côté de cela, et je pense que c’est ce qui
rend ce paysage industriel si particulier, il y a une présence
naturelle très forte, comme un acte de résistance face à ces
envahisseurs. Sur le site étudié nous pouvons observer de
grandes étendues de végétation, avec notamment beaucoup
de roseaux, ou de végétaux typiquement Camarguais qui
15 - Type de végétation sur le territoire de la métropole
16 - Voie ferrée désaffectée
17 - Bâtiment industriel en friche
20
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
nous rappelle un peu plus que nous ne sommes pas loin
de la Camargue et qui nous laisse imaginer ce que serait
ce site sans ces industries. Et surtout, il y a l’omniprésence
de l’eau, avec la mer Méditerranée, l’Etang de Berre, le
Chenal de Caronte et le Canal d’Arles à Bouc, qui nous
rappelle aussi que c’est grâce à elle que Martigues et Port-
de-Bouc ont pu exister ainsi que leurs industries.
Aujourd’hui on observe donc une cohabitation entre
industrie et nature, si bien que l’on a du mal à séparer
les deux. Les deux s’entremêlent et forme la particularité,
l’identité et le charme de ce territoire. Mais cela entraine
une sorte de confusion car suivant où nous nous baladons,
nous ne savons pas si nous nous trouvons dans un espace
naturel où nous sommes libre d’aller, ou si nous nous
trouvons sur un site industriel interdit. Ce sentiment est
aujourd’hui accentué par le fait que les friches industrielles
sont souvent accessibles car les clôtures ont été détruites.
Il apparait alors un manque de lisibilité de cet espace
industriel entre Martigues et Port-de-Bouc.
18 - Port minéralier
19 - Raffinerie de Lavéra
20 - Viaduc ferroviaire
21
LE DIALOGUE DES GEANTS I - ETAT DES LIEUX
3 - PROBLEMATIQUES ET HYPOTHESE
De plus, j’aimerais prendre en compte des
problématiques plus globales pour ce projet de fin d’étude.
Nous avons déjà vu celle concernant l’avenir des sites
industriels avec le programme « Horizon 2020 » de l’Union
Européenne, mais il y en a deux autres qui me semblent
importantes à intégrer à mon projet. D’une part, selon les
estimations de professionnels, d’ici 2050 le nombre de
citadins dans le monde passera de 3,6 à 6,3 milliards,
ce qui représente 1 million et demi de personnes qui
viennent s’installer en ville chaque semaine. A l’échelle de
la métropole Aix-Marseille, ce sont 200 000 personnes
qui sont attendues d’ici 2030. Il faudra donc trouver
comment loger ces nouveaux habitants. D’autre part,
l’autre problématique tout aussi importante concerne les
terres agricoles. En effet, tous les 10 ans, la France perd
l’équivalent d’un département en terres cultivables, c’est-
à-dire 60 000 hectares, dus notamment à l’étalement
urbain. Il est donc évident qu’il faut absolument ralentir ce
processus.
Au regard de ces trois problématiques, nous
pouvons alors en déduire qu’il faudra à l’avenir ralentir
l’étalement urbain, voir le stopper, pour protéger les terres
agricoles, mais en même temps accueillir de nouveaux
habitants dans les villes. La loi ALUR constitue d’ailleurs
un début dans ce sens. Cela passera donc par une
densification des villes et par exemple une reconversion
des espaces industriels pour les faire évoluer en espace
urbain. L’espace industriel entre Martigues et Port-de-
Bouc pourrait totalement rentrer dans ce cas de figure car
les deux villes devront accueillir une partie des 200000
nouveaux habitants dans la métropole d’ici 2030 alors
qu’elles ont atteint leur limite en terme d’étalement urbain
sur les terres agricoles depuis bien longtemps. Ce territoire
industriel délaissé serait donc une opportunité pour accueillir
ces nouveaux logements. La problématique de ce projet de
fin d’étude sera donc la suivante :
Comment ce territoire mêlant industrie et nature le long du Chenal de Caronte
peut-il évoluer afin de devenir un territoire urbain ?
L’hypothèse ne serait bien évidement pas de tout raser pour reconstruire une ville toute neuve par-dessus
l’existant, mais de se servir de ce patrimoine industriel et naturel pour structurer le territoire afin que ces deux éléments
deviennent les bases de l’urbanisation future de la ville. Et une fois que ces bases seraient mises en place, la ville pourra
alors se développer d’elle-même, au fil du temps.
22
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
II - PROJET URBAIN
Je pense que construire un seul bâtiment au
milieu de ce grand espace industriel délaissé, de 5 km
de long sur 600 mètres de large, n’aurait pas permis
de le structurer entièrement afin qu’il puisse accueillir
une nouvelle urbanisation. C’est pourquoi j’ai essayé de
traiter cet espace dans sa globalité, de Martigues à Port-
de-Bouc et du Chenal de Caronte à la voie ferrée. Je
présenterais d’abord les trois objectifs de ce projet urbain,
qui découlent de l’analyse que j’ai pu faire de cet espace
industriel entre Martigues et Port-de-Bouc, et j’exposerais
ensuite la démarche proposée pour atteindre ces objectifs.
1 - OBJECTIFS
1/3
Ramener l’urbanisation le long
du Chenal de Caronte
Nous avons vu que Martigues et Port-de-Bouc
ce sont d’abord développés indépendamment au cours de
l’histoire, en laissant s’implanter les industries le long du
Chenal de Caronte. Mais à partir des années 1970 les
deux villes ce sont peu à peu rejointes le long du tracé
de l’autoroute formant une urbanisation linéaire. C’est
l’une des particularités des villes implantées autour de
l’Etang de Berre. Contraintes entre les éléments naturels
que sont l’Etang de Berre et les massifs montagneux, les
villes ne peuvent pas avoir un schéma de développement
concentrique comme Marseille ou Aix-en-Provence (2).
Elles se développent donc de manière linéaire en suivant
la plupart du temps les voies ferrées ou autoroutes. Mais
concernant Martigues et Port-de-Bouc, l’urbanisation ne
s’est pas arrêtée là. A cause de massif montagneux peu
abruptes, l’étalement urbain a réussi à atteindre les terres
agricoles sur le plateau au sommet des collines.
L’objectif sera donc de stopper cette extension
vers le Nord, sur les terres agricoles et de la ramener
au Sud, le long du Chenal de Caronte, là où un espace
industriel en mutation pourra l’accueillir (1).
1 - Objectif 1
2 - Schéma de développement concentrique et linéaire
23
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
2/3
Rendre plus fluide la transition entre
le massif et le Chenal de Caronte
Dans cette urbanisation linéaire qui caractérise
Martigues et Port-de-Bouc, les réseaux prennent
alors beaucoup plus d’importance que pour les villes à
l’urbanisation concentrique. A l’échelle de la métropole, ces
réseaux sont très importants pour permettre à Martigues
et Port-de-Bouc d’être en relation avec les autres villes
comme Marseille ou Aix en Provence mais aussi Istres
et Salon de Provence (4). Mais à l’échelle de la ville,
ils constituent des limites très fortes qui sont encore plus
accentuées par le caractère linéaire de l’urbanisation.
Ainsi, Martigues et Port-de-Bouc sont aujourd’hui des
villes très fragmentées où les quartiers sont séparés par
l’autoroute, la voie ferrée ou le Canal d’Arles à Bouc et
où les possibilités de franchissement qui sont de l’ordre
de 1 tous les 500 mètres diminuent fortement les liens
entre ces quartiers (5). De plus, les voies transversales
qui permettent de relier le Chenal de Caronte aux terres
agricoles au Nord sont ni nombreuses, ni directes, ce qui
les rend vite impraticable pour un piéton par exemple. On
a alors une forte ségrégation des quartiers de ces deux
villes.
J’essayerais donc dans ce projet urbain d’améliorer
ces transitions entre quartiers et surtout entre le Chenal de
Caronte et les terres agricoles qui sont les deux éléments
naturels dominants de ce territoire (3).
3 - Objectif 2
4 - Les réseaux dans la métropole
5 - Possibilités de franchissement des réseaux
24
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
3/3
Relier Martigues et Port-de-Bouc
par le Chenal de Caronte
Autrefois, le Chenal de Caronte était le lien majeur
entre Martigues et Port-de-Bouc. Les habitants transitaient
par exemple en bateau entre les deux villes, notamment
lorsque les Chantiers et Ateliers de Provence fonctionnaient
encore entre 1899 et 1966. Mais avec la démocratisation
de la voiture et surtout l’apparition de l’autoroute en 1972,
c’est par cette dernière que le lien entre les deux villes
se fait principalement aujourd’hui. Le Chenal de Caronte
a donc perdu de son importance au profit de l’autoroute,
si bien que l’on a l’impression que les deux villes ne sont
pas au bord du même Chenal (7). En effet, lorsque l’on
est à Martigues, au bord du Chenal, et que l’on veut aller
à Port-de-Bouc, on a le choix d’emprunter soit l’autoroute,
soit le boulevard maritime, soit la route de Port-de-Bouc,
mais dans les trois cas nous perdons le contact visuel
avec le Chenal pour le retrouver une fois arrivé à Port-
de-Bouc. On a donc la sensation de quitter le Chenal
pour aller en retrouver un autre à Port-de-Bouc. Ceci est
accentué par un manque de continuité le long de ses
berges. Elles ne sont pas accessibles par le piéton sur
toute leur longueur entre Martigues et Port-de-Bouc, du
fait de la présence d’activités industrielles ou d’anciennes
industries en friches (9). De plus, il y a une alternance de
berges naturelles et de berges construites sous forme de
quais de déchargement et d’accostage.
L’idée serait donc d’arriver à garder le contact
avec le Chenal et le rendre accessible sur toute sa
longueur, depuis Martigues jusqu’à Port-de-Bouc pour
faire reprendre conscience aux habitants que l’élément qui
relie les deux villes est avant tout le Chenal (6).
6 - Objectif 3
9 - Accessibilité des berges du Chenal
7 - Ressenti actuel : deux villes oposées
8 - Objectif 3
25
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
2 - PROJET
A travers le projet urbain que je vous présente
maintenant, j’ai essayé de donner des réponses aux
objectifs que je viens d’exposer. Mais face à l’échelle du
site, il me fallait une méthode pour appréhender la totalité
de l’espace industriel délaissé afin de le structurer et de lui
donner plus de lisibilité. Lors de mes premières esquisses,
j’avais d’abord essayé de « remplir » tout cet espace
industriel, mais je me suis vite rendu compte que c’était
impossible de concevoir et construire une ville tout entière
d’un seul coup (1). Puis dans une seconde esquisse j’ai
voulu me concentrer sur les berges du Chenal et rassembler
les éléments de projets en 4 points stratégiques pour
qu’ensuite la ville se construise d’elle-même entre ces
points (2). Cela fait référence à l’idée de « Masse Critique
» du projet de Rem Koolhaas où il nous montre que si on
étale un projet sur plusieurs kilomètres il perd forcément
de son impact et qu’il vaut mieux concentrer le projet en
des points stratégiques pour que la ville puisse ensuite
se développer entre ces points (3). Mais le problème est
que cette proposition était trop linéaire et ne prenait pas
en compte l’épaisseur de l’espace industriel étudié. Pour le
projet final, j’ai donc associé ces deux esquisses afin de
traiter toute la longueur et toute l’épaisseur du site sans
forcément tout remplir. Je développerais plus en détails ce
projet dans la suite de cette notice, mais je peux d’ores et
déjà vous dire que tout tourne autour d’une même idée,
celle de construire la ville selon un processus ascendant.
En effet, cette idée fait référence à la manière
dont les Romains construisaient leurs villes. Seules
les infrastructures de base étaient fournies comme les
réseaux de rues ou les grands équipements, et ensuite
il appartenait à chacun de construire sa propre parcelle à
partir de ces infrastructures. Ce processus engendre une
richesse incroyable car la ville se façonne une histoire,
une identité et un passé au fur et à mesure qu’elle se
construit. A l’inverse, les nouvelles villes qui se construisent
aujourd’hui selon un processus descendant dans les pays
du Moyen Orient ou d’Asie, comme par exemple Dubaï,
sont planifiées et construites en l’espace de quelques
dizaines d’années. De ce fait, elles n’ont aucun passé
commun qui rassemble une communauté, et donc aucune
identité. Le projet que je propose est donc une première
trame, à l’échelle de la ville, qui comportera toutes les
infrastructures nécessaires pour que chacun puisse ensuite
venir l’habiter. Cette première trame aura pour bases les
deux éléments dominants qui forment la particularité du
site, c’est-à-dire la nature et les industries, mais ils seront
mieux définis et délimités pour améliorer leur lisibilité. Ces
deux éléments seront ensuite complétés par des éléments
programmatiques situés en des points stratégiques du site.
Et pour finir ces trois éléments seront mis en relation par
de grands axes afin de structurer le territoire et de former
cette première trame.
1 - Première esquisse
2 - Deuxième esquisse
3 - « Masse Critique » du projet
26
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
1/4
Patrimoine industriel
En étudiant la ville de Martigues et Port-de-Bouc,
on s’aperçoit que ce processus ascendant de construction
de la ville a bien eu lieu. En effet, nous pouvons observer
d’une part que la plus forte construction de logements
commence à partir du moment où l’autoroute arrive jusqu’à
Port-de-Bouc. Et d’autre part, à plusieurs reprises, on
observe que les logements apparaissent une fois que les
grands équipements sont construits, comme les hôpitaux,
lycées, collègues, etc.
L’idée est donc de poursuivre ce processus en
implantant des équipements sur ce territoire industriel
en mutation pour que les habitants puissent imaginer
venir y habiter. Ces équipements pourraient avoir une
importance régionale ou nationale et donc créer des points
de rencontres pour les habitants. Pour cela, ce serait les
bâtiments industriels déjà présents sur le site qui seraient
réhabilités en équipement. Ainsi la mémoire du passé
industriel serait conservée en donnant une nouvelle vie à
ce patrimoine aujourd’hui quasiment en ruine.
Ces équipements seraient ensuite mis en valeur
par un vide autour d’eux, formé par un plein végétal ou un
plein bâtit. Ce vide leur permettra de ne pas être engloutis
par l’urbanisation comme la plupart des églises ou bâtiments
patrimoniaux dans les grandes villes. Ils garderaient ainsi
leur majestuosité quel que soit l’urbanisation qui pourra se
développer autour d’eux (4). Ainsi, ces différents bâtiments
industriels pourront devenir des gymnases, piscines, maison
de retraites, hôpitaux, cliniques, gares, ports, musées,
lycées ou collèges, et serviraient d’éléments signaux ayant
chacun leur singularité afin d’améliorer la lisibilité de ce
territoire (5).
Equipements existants
Equipements projetés
5 - Disposition des différentes friches réhabilitées en équipement
4 - Maquettes schématiques montrant des possibilitées pour construire le vide autour des équipements, avec un plein végétal ou bâtit.
27
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
2/4
Itinéraire de flânerie
Cet itinéraire de flânerie permettrait de redonner
accès aux berges du Chenal sur toute leur longueur et de
mettre en valeur le patrimoine naturel du site avec une
succession de parc et d’activités.
En effet, nous avions remarqué que les berges
du Chenal n’étaient accessibles que sur une petite partie
et que l’espace public y était quasiment inexistant. Cet
itinéraire de flânerie permettra de parcourir à pied, vélo
ou voiture, toute la longueur du Chenal de Caronte de
Martigues à Port-de-Bouc. Les habitants pourront alors
garder contact avec le Chenal, l’élément qui a permis le
développement de ces deux villes.
L’épaisseur de cet itinéraire de flânerie sera
exclusivement constituée de parcs ou d’équipements
publics, aucune urbanisation n’y sera effectuée. Il permet
ainsi d’établir une distance avec les industries de l’autre
côté du Chenal en créant un paysage entre la future
urbanisation et ces usines. Un travail de séquence est
réalisé pour inciter à la flânerie et créer une dynamique.
Ainsi nous avons une alternance de typologies de
bâtiments, de végétation naturelle ou contrôlée, d’espaces
publics ou d’équipements publics, etc. De droite à gauche,
nous avons successivement un port à sec, un parc, un
musée, un deuxième parc, un établissement de bains
publics, un troisième parc, un équipement pour la pèche
et la plaisance, un port de plaisance, et pour finir, un
équipement accueillant des évènements.
De plus, un système de boucles vertes le long des
ruisseaux existants permettrait ensuite de compléter cet
itinéraire de flânerie en proposant des parcours alternatifs
aux coureurs, cyclistes ou promeneurs au travers des
autres espaces naturels du site. L’itinéraire de flânerie
ne serait donc pas cantonné aux berges du Chenal de
manière linéaire mais viendraient s’élargir en rentrant plus
en profondeur dans les terres. Des liens seraient alors
établis entre le Chenal de Caronte et le massif avec ses
terres agricoles au Nord (6).
Itinéraire de flânerieCours d’eau
Végétation existante
Végétation projetée
6 - Itinéraire de flânerie
28
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
3/4
Emergences structurantes
Pour compléter ce dispositif urbain composé de
bâtiments industriels réhabilités en équipements et d’un
ensemble d’espaces publics rassemblés en un itinéraire
de flânerie, il me semblait nécessaire d’ajouter un élément
pour venir unifier l’ensemble.
En effet, compte tenu de l’échelle du site, à la fois
par ses dimensions, mais surtout par la présence d’éléments
démesurés comme les usines et leurs cheminées, le pont
ferroviaire, le pont autoroutier, les tankers, le Canal d’Arles
à Bouc, le tunnel du Rove ou les grands ensembles sur
les collines, il me paraissait indispensable qu’un élément
architectural vienne dialoguer avec ces géants tout en
structurant le territoire (7).
Ces éléments prennent la forme d’émergences, ou
plus simplement, de tours, qui sont placées en des points
stratégiques, à l’image du concept de « Masse Critique
» de Rem Koolhaas évoqué plus haut. Cela fait aussi
référence à la notion d’acupuncture urbaine c’est-à-dire au
fait de poser des points d’énergies à des endroits précis
de la ville. Ainsi, il y aurait au total neuf émergences,
chacune placée à un endroit bien défini. Trois d’entre
elles permettent de faire le lien avec les villes alentours,
c’est-à-dire Martigues, Port-de-Bouc et Marseille. Le lien
avec la ville de Marseille et de nature différente, c’est
plus un lien mental, alors que le lien avec Martigues et
Port-de-Bouc est plus de l’ordre physique. Ensuite trois
autres émergences permettent de contenir des espaces
qui pourront devenir plus tard des quartiers. Et enfin les
trois dernières marquent une entrée ou sortie de quartier
permettant de rejoindre l’urbanisation déjà existante. Mais
il est à noter que j’ai séparé les neuf émergences en trois
types différents pour une meilleure compréhension mais
certaines d’entre elles peuvent être associées à deux types
à la fois (13).
Pont ferroviaire 970m de long30m de haut
Pont autoroutier890m de long60m de haut
Usine120m de haut
Tunnel du Rove22m de large7120m de long
Canal d’Arles à Bouc 47km de long73m de large
Paquebot200m de long30m de haut
Réservoir50m de diametre26m de haut
Capitainerie de Port-de-Bouc50m de haut
Emergence140m de haut
7 - Comparaison à échelle identique des géants du site
11 - Façade depuis le Chenal de Caronte
8 - Canal d’Arles à Bouc
9 - Viaduc autoroutier
10 - Raffinerie de Lavéra
29
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
Tours faisant le lien avecles villes voisines
Tours qui contiennent un espace (quartier)
Tours marquant l’entrée ou la sortie d’un quartier
13 - Positionnement des émergences
Ces émergences permettent alors de tenir la
distance entre Martigues et Port-de-Bouc en créant des
points de repères visuels forts dans le paysage. Car
lorsque l’on est au milieu de ce vaste espace industriel
délaissé, on ne sait plus trop où l’on se situe par rapport à
Martigues et Port-de-Bouc. Ces émergences deviendraient
donc des éléments ponctuels qui, placés en des points
stratégiques, viendraient rassembler tout un territoire. De
plus, elles seraient aussi à l’échelle du site et de ces géants
industriels. Elles dialogueraient ainsi avec les cheminées
de la raffinerie de Lavéra et diminuerais leur impact visuel
par leur simple présence. Lors de notre voyage scolaire à
Copenhague au cours de ce semestre, j’ai pu observer ce
phénomène dans un quartier où des tours faisaient face
à de hautes cheminées (12). J’ai trouvé que ce vis-à-vis
marchait assez bien et que cela formait une composition
paysagère d’une toute autre qualité que s’il n’y avait que
la simple présence de ces cheminées. Je pense donc que
cela pourrait aussi marcher ici, à Martigues et Port-de-
Bouc, compte tenu de tous ces géants qui composent le
territoire.
Concernant leur hauteur, elle est établie en fonction
de la hauteur des cheminées de la raffinerie de Lavéra et
de la hauteur des massifs au Nord de Martigues qui sont
toutes deux d’environ 100 mètres. La hauteur de base de
mes émergences est donc de 100 mètres pour qu’elles
puissent à la fois dialoguer avec les cheminées, mais aussi
pour que leur impact visuel ne soit pas trop important.
En effet, avec les massifs en fond de paysage, les tours
prennent moins d’importance visuelle que si elles étaient
découpées dans le ciel. Il y a ensuite des exceptions,
deux émergences ayant des collines basses en fond de
paysage sont réduites à 80 mètres, alors que deux autres
sont augmentées à 140 mètres car elles sont à proximité
d’un pont monumental ou qu’elles portent en elles une
symbolique qui demande une plus grande hauteur.
Et pour finir, comme les bâtiments industriels
réhabilités en équipements, chaque émergence disposerait
d’un espace public autour de son pied qui lui serait dédié
pour la mettre en valeur et éviter qu’elle soit étouffée par
l’urbanisation futur du site.
12 - Copenhague : dialogue entre tours et cheminées
30
LE DIALOGUE DES GEANTS II - PROJET URBAIN
4/4
Unité d’ensemble
Enfin, une fois ces trois éléments mis en place,
il est nécessaire de créer des relations entre eux afin de
constituer un réseau structurant le territoire. Pour cela je
me suis inspiré de ce que j’ai remarqué lors d’un voyage à
Paris.
En effet, ce qui m’a le plus marqué est la
monumentalité des espaces publics, des grands axes et
des différents édifices patrimoniaux ou culturels. Si bien
que j’ai eu l’impression que cette ville était en fait composée
de deux trames. Une à l’échelle de la ville, constituée par
ces grands bâtiments reliés par de grands axes, et une
autre à l’échelle du quartier, constituée par les différents
ilôts d’habitation, qui vient s’insérer dans la première (14).
On a donc une trame à l’échelle de la ville qui permet de
la structurer et ensuite la ville se développe à l’intérieur de
cette trame monumentale. Cette première trame permet de
se situer dans la ville et de créer des points de repères
mis en relation par de grands axes. Par exemple, quand
on sort du métro, on a plus de repères, ces grands axes
et ces monuments permettent de nous resituer dans la
ville. Et ensuite, on a presque envie de dire, peu importe
comment la ville se développe à l’intérieur de cette trame
tant que cette dernière fonctionne.
C’est ce que j’ai voulu mettre en place ici à
Martigues et Port-de-Bouc. Nous avons une première
trame constituée par les trois éléments que nous venons de
voir, reliés entre eux par de grands axes, avec notamment
un tramway reliant les deux villes, et ensuite la ville pourra
se développer d’elle-même, spontanément, à l’intérieur
de cette trame (15). Cela permet donc de reproduire le
processus ascendant de construction de la ville propre
aux romains que nous avons déjà décrit. Les habitations
viendront peu à peu occuper le site et le densifier. Il faudra
ensuite laisser l’épaisseur du temps faire son œuvre…
Axes liant les bâtiments majeurs entre eux
Tramway
15 - Axes reliants les trois éléments entre eux pour former la première trame de la ville
14 - Paris : monuments reliés par de grands axes formant la trame à l’échelle de la ville
31
LE DIALOGUE DES GEANTS III - PROJET ARCHITECTURAL
III - PROJET ARCHITECTURAL
Comme expliqué en introduction, ce projet de
fin d’étude se décompose à deux échelles. Après avoir
présenté le projet à l’échelle urbaine, il sera maintenant
question du projet à l’échelle architecturale. Pour ce dernier,
j’ai voulu me concentrer sur l’une des neuf émergences
qui permettent de structurer ce territoire industriel et de
dialoguer avec les autres géants du site. Nous verrons ici
quelle émergence a été choisie et pourquoi, mais aussi
quelle est sa place dans le projet urbain et nous rentrerons
ensuite plus en détails dans sa composition architecturale.
1 - CHOIX DE L’EMERGENCE
L’émergence que j’ai voulu plus particulièrement
étudier est celle située à proximité de la voie ferrée car
elle se situe justement au croisement des flux : voie
ferrée, tram, route, itinéraire de flânerie. En effet, quand
on sait l’importance que prennent les réseaux de transport
aujourd’hui, et notamment dans la future métropole Aix-
Marseille, on se doute bien que cette émergence aura plus
d’influence que les autres (1). Avec une gare en partie
basse, elle constituera un point d’entrée de ce nouveau
territoire urbain entre Martigues et Port-de-Bouc, par le
train (2). Grâce à cette gare, les habitants de Martigues
pourront aisément aller travailler à Marseille ou les habitants
de Marseille pourront aisément venir travailler à Martigues.
Cela rapprochera donc la ville de Marseille et par extension
la métropole de Martigues et Port-de-Bouc. A partir de
ce point d’entrée, le territoire industriel sur les berges du
Chenal pourra donc peu à peu se transformer pour laisser
place à un territoire urbain.
2 - PIED DE L’EMERGENCE
Les premiers étages de l’émergence étant
occupés par une gare qui permet de faire le lien entre
tram et train, il était primordial de gérer la relation aux
rails dans un premier temps. A la suite de plusieurs essais
en maquette, il m’est apparu évident qu’il fallait que la
1 - Réseaux férroviaires dans la métropole
3 - Plan de masse
2 - Vue depuis la gare en pied de tour
32
LE DIALOGUE DES GEANTS III - PROJET ARCHITECTURAL
Chenal de Caronte
Pont autoroutier
Pont ferroviaire
Mer
Canal d’Arles à Bouc
Terres agricoles
Etang de Berre
Industries
gare soit en relation direct avec les quais qui eux même
ne peuvent pas empiéter sur le pont. De ce fait la gare
prend place là où le pont ferroviaire commence (3). La
distance entre les quais et la tour a ensuite été déterminée
de manière à contenir l’espace entre cette dernière et les
bâtiments industriels au Nord. Cet espace pourra former
une place pour les bureaux qui seront implantés dans ces
bâtiments industriels. Ainsi L’émergence ne se place pas
devant le pont ferroviaire mais en retrait, de manière à le
laisser visible dans son entièreté et donc à conserver son
caractère majestueux.
3 - ESPACE PUBLIC VERTICAL
En analysant plusieurs tours dans le monde, je me
suis aperçu que le principal problème dans une tour était
la question de l’espace public. Que devient l’espace public
de la ville dans une tour ? Comment recréer la vie d’une
rue dans une tour ? Car la plupart des tours actuelles
sont constituées d’un noyau, central ou désaxé, contenant
escaliers, ascenseurs et descente des réseaux, et ensuite
les étages viennent s’empiler les uns sur les autres autour
de ce noyau. Mais le problème est qu’aucun lien n’existe
entre les différents étages de ces tours, hormis ce noyau
étroit et sombre. L’idée serait donc de ne pas seulement
stratifier la tour en superposant différents programmes car
sinon il n’y a pas de lien entre eux, mais d’avoir un espace
public vertical qui vienne compléter le noyau purement
technique et mettre en relation les différents programmes.
Cet espace public vertical serait la transposition du
modèle urbain, c’est-à-dire une succession de bâtiments
d’habitations, d’équipements et de places le long d’une
rue, à la verticale. Cela génèrerait un nouveau type
d’espace public dans sa forme mais il aurait les mêmes
caractéristiques qu’un espace public horizontal. Il serait lui
aussi un lieu d’échange, de rencontre entre les habitants,
de socialisation et accessible à tous (4).
La tour est ensuite divisée en huit parties, huit
places, qui donnent chacune sur un élément remarquable
4 - Espace public vertical
5 - Orientation des 8 places
6 - Principe schématique de la composition en plan
7 - Système constructif
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LE DIALOGUE DES GEANTS III - PROJET ARCHITECTURAL
Chenal de Caronte
Pont autoroutier
Terres agricoles
Etang de Berre
du site : Chenal de Caronte, voie ferrée et pont ferroviaire,
pont autoroutier, canal d’Arles à Bouc, industries, Etang
de Berre, terres agricoles et mer (5). On passe de place
en place grâce à cet espace public vertical. Chaque place
donne une vue sur un élément du site et permet la vie à
l’intérieur de la tour avec une ambiance et une atmosphère
qui leur sont propre. Ces espaces publics seraient des
espaces dits « évènementiels » car accueillant un public
large, venant des villes alentour. Un autre type d’espace
public viendrait compléter ce dispositif avec des espaces
publics dits « du quotidien » qui seront plus destinés aux
habitants de la tour (8).
Les différents blocs contenant les éléments
programmatiques viennent ensuite se placer autour
du noyau pour former un carré dynamique. Des failles
apparaissent alors, permettant de faire rentrer la lumière au
cœur de la tour, et viennent s’élargir lorsqu’il faut accueillir
les escaliers de l’espace public vertical (6).
Concernant la structure de la tour, elle est composée
d’une trame de 3.2 mètres entre axes, déterminée par
rapport aux logements, qui était l’élément programmatique
le plus contraignant. Les blocs sortent légèrement de la
façade pour créer une épaisseur permettant de gérer les
rapports entre intérieurs et extérieurs. Des brises soleils
extérieurs formant une double peau avec le vitrage intérieur
permettent de réguler les changements thermiques (7).
4 - PROGRAMMATION
Chaque place fonctionne comme un nouveau rez-de-
chaussée. Elles accueillent chacune un équipement destiné
à un public large, extérieur aux habitants de la tour. Les
étages situés entre deux places sont ensuite constitués
de logements. L’idée est de donner une atmosphère, une
ambiance différente à chaque place. Elles auraient leur
propre identité, liée à l’équipement qu’elles accueillent.
8 - Espaces public évènementiels (gris clair) et quotidiens (gris foncé)
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LE DIALOGUE DES GEANTS III - PROJET ARCHITECTURALEMERGENCES STRUCTURANTES
REGIS Anthony Projet S10 / La Fabrique / Enseignant : Vollenweider Stéphane 2014/2015
TRAVAILCoworking, papeterie, imprimerie
ASSOCIATIFCafé associatif, maison des associations, salles de réunion
SOINS DU CORPSSalon de massage, salle de sport, fitness, musculation
LOISIRSRestaurant, piscine
MARCHEMarché ambulant, parc intérieur
CULTURESalle de spectacle, logements artistes, loges artistes, bureau
Coupe 1/200
Chenal de Caronte
Pont autoroutier
Etang de Berre
35
LE DIALOGUE DES GEANTS CONCLUSION
Lors de ce projet de fin d’étude, j’ai donc voulu
mettre en place et surtout tester des outils permettant
de traiter les espaces industriels en friches. Etant donné
qu’ils sont amenés à se multiplier dans les décennies à
venir, je pense qu’il est important de s’interroger sur leur
devenir. Martigues et Port-de-Bouc étaient pour cela les
villes idéales avec la quantité d’espaces industriels qui
les composent. Leur histoire industrielle mêlée à un fond
de paysage Camarguais en fait des villes atypiques et
leur donne un charme certain. Mais les problématiques
actuelles demandent à ce que ce patrimoine industriel soit
réinvesti pour laisser place à de nouveaux usages.
Le projet urbain tente de donner des réponses face
à ce territoire confus, mêlant des édifices de typologies
très différentes avec une nature omniprésente, afin de le
faire évoluer en territoire urbain. L’idée était que ce soit
le site lui-même qui soit le socle de sa propre mutation.
Les bâtiments industriels et les espaces naturels sont donc
mis en avant, magnifiés, et deviennent eux-mêmes des
éléments structurants le territoire. Puis des émergences,
placées en des points stratégiques, viennent compléter ce
dispositif afin d’avoir un élément formel qui vienne dialoguer
avec les autres géants qui composent ce territoire. Et enfin,
de grands axes mettent en relation ces trois éléments et
viennent mailler le territoire, formant ainsi une première
trame support de l’urbanisation futur de la ville.
Le projet de tour aborde ensuite un sujet actuel
sur la ville verticale. Nous avons compris qu’il fallait
stopper l’étalement urbain, mais de plus en plus d’habitants
viendront s’installer en ville dans les décennies à venir. Il
devient donc nécessaire de densifier la ville et donc de
construire en hauteur. La ville verticale serait donc une
réponse à ce problème, mais aujourd’hui, la capacité à
fabriquer de la ville avec des tours est âprement débattue
car elles sont souvent considérées comme des impasses
verticales. Mais on ne pourra jamais recréer ce qu’il se
passe dans une rue horizontale à l’intérieur d’une tour.
CONCLUSION
C’est pourquoi j’ai tenté de proposer un nouveau type
d’espace public vertical, permettant de prolonger celui de
la rue et de donner une vie à l’intérieur de la tour. On
a donc un espace public vertical, accessible à tous, du
pied de la tour jusqu’au sommet, qui permet de créer une
véritable ville verticale. Cette tour serait donc à la fois
recentrée sur elle-même, avec une vie intérieure, mais
permettrait aussi, à l’échelle du territoire, d’être un point
de repère dans le paysage. Elle entretiendrait alors, le
dialogue des géants.
36
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