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_______________________________________ Newsletter n°16 COVID-19 Frédéric Adnet Page 1 sur 6 Le mardi 25 Août 2020 Dans cette newsletter, une discussion sur un lien entre origine ethnique et COVID-19, le diabète qui apparaît comme un facteur de risque majeur, une nouvelle mutation qui rend le virus un peu plus sympa, des évaluations qui autorisent l’utilisation de masques périmés et le remdesivir qui risque de rejoindre l’hydroxychloroquine… Deux brèves de comptoir sur les tests salivaires et la sérothérapie complètent cette lettre. Pour les curieux qui aimeraient décortiquer les articles originaux cités dans cette lettre, il suffit de m’envoyer un mail. Idem pour ceux qui veulent s’inscrire sur la liste de diffusion. Bonne lecture ! Frédéric Adnet [email protected] MOTS CLES DE CETTE LETTRE COVID-19, origine ethnique, diabète, mutation, masques, remdesivir, sérothérapie, tests salivaires EPIDEMIOLOGIE Origine ethnique comme facteur de risque : mythe ou réalité ? Sujet délicat ! De multiples études observationnelles et retours d’expériences semblent faire un lien entre une origine ethnique, en particulier l’origine noire-africaine, et une surreprésentation des formes graves et de la mortalité du COVID-19. Il est très difficile de faire la part des choses avec d’autres facteurs de risque comme l’obésité, les maladies chroniques qui sont aussi surreprésentées dans ces minorités ethniques. La littérature est très contradictoire. Dans une cette étude descriptive, américaine, les auteurs ont tenté de répondre à cette question un peu sensible (JAMA ; 18 Aout 2020). Ils ont rassemblé une

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Lemardi25Août2020

Danscettenewsletter,unediscussionsurunlienentreorigineethniqueetCOVID-19,lediabètequiapparaîtcommeunfacteurderisquemajeur,unenouvellemutationquirendlevirusunpeuplussympa,desévaluationsquiautorisentl’utilisationdemasquespérimésetleremdesivirquirisquederejoindrel’hydroxychloroquine…Deuxbrèvesdecomptoirsurlestestssalivairesetlasérothérapiecomplètentcettelettre.Pourlescurieuxquiaimeraientdécortiquerlesarticlesoriginauxcitésdanscettelettre,ilsuffitdem’envoyerunmail.Idempourceuxquiveulents’inscriresurlalistedediffusion.Bonnelecture!Frédé[email protected], origine ethnique, diabète,mutation,masques, remdesivir, sérothérapie, testssalivairesEPIDEMIOLOGIEOrigineethniquecommefacteurderisque:mytheouréalité? Sujet délicat! De multiples études observationnelles et retours d’expériencessemblentfaireunlienentreuneorigineethnique,enparticulierl’originenoire-africaine,etunesurreprésentationdesformesgravesetdelamortalitéduCOVID-19.Ilesttrèsdifficilede faire lapartdes chosesavecd’autres facteursde risquecomme l’obésité, lesmaladieschroniquesqui sont aussi surreprésentéesdans cesminorités ethniques. La littérature esttrèscontradictoire.Dansunecetteétudedescriptive,américaine, lesauteursont tentéderépondre à cette question un peu sensible (JAMA; 18 Aout 2020). Ils ont rassemblé une

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cohortede11.210patientsadulteshospitaliséspourCOVID-19dans12Etatset92hôpitaux.Lecritèreprincipalétait lamortalitéhospitalièreet lespatientsétaientdivisésen«noirs»(N=4180), «blancs» (N=4606) et «autres» (N=2424) (les américainsn’ont jamais été trèsfins!).Commeonpouvaits’endouterlegroupe«noir»n’étaitpascomparableaugroupe«blanc»encequiconcernedesparamètresimportantscommelaproportiondefemmes,lacatégorie sociale, l’âge, et les comorbidités. Sans ajustements statistiques lamortalité dugroupe«noirs»étaitde19%,pourlegroupe«blancs»de23%et«autres»de7,5%.Aprèsajustements sur les principaux paramètres (c’est à dire qu’on élimine statistiquementl’influence des différences observées entre les groupes), il n’y avait pas de différence demortalitéentre lestroisoriginesethniques(Schéma).Parcontre,onretrouvait lesfacteursde risques classiques de la mortalité du COVID-19: âge, maladie chronique, statut socialdéfavoriséetlesexemasculin.Ilsembledoncquelesdifférencesobservéesdanslesautresétudespourl’origineethniquesoientplusenlienavecdesfacteursconfondants.Asuivre…

Schéma:courbedesurvieentrelestroisoriginesethniques;«noirs»,«blancs»et«autres»avecunajustementsurl’âge,lescomorbidités,leniveausocial,lesexe.Aucunedifférencen’estobservée.Lediabèteestbienunfacteurderisque!

OnconnaîtlesfacteursderisquesdelaformegravedelaCOVID-19:âgesupérieurà65 ans, obésité,maladies chroniques…Parmi celles–ci, un groupede chercheurs anglais avouludéterminersi lesdiabètesdetype1ou2étaientréellementdes facteursderisquesimportantspourdévelopperlaformegrave(LancetDiabetesEndocrinol;13Août2020).Ils

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onteffectuél’analysede263.830patientsdiabétiquesdetype1et2.864.670patientsavecun diabète de type 2. Ils ont constaté qu’un tiers des 23.698 décès dus à la COVID-19survenaient chezdesdiabétiques. En calculant l’incidencede lamortalitéduauCOVID-19pour 100.000 patients pour les différents groupes (27/100.000 morts sans diabète,138/100.000 pour le diabète de type 1, 260/100.000 pour le diabète de type 2) et enajustant sur des variables confondantes, ils trouvèrent que la surmortalité chez lesdiabétiquesdetype1étaitplusdetroisfoissupérieure(aOR=3,51; IC95%[3,16-3,90]),plusdudoublepourletype2(aOR=2,03;IC95%[1,97-2,09]).

Schéma: mortalité non ajustée en fonction de l’existence d’undiabète

MUTATIONUnemutationquirendraitlevirusplusgentil?

OnsaitqueleSARS-CoV-2mutepeuetquelesmutationsobservéesconcernentdespetitesstructuressansaffecterlesstructuresciblesdescandidatsvaccinscontrecevirus.Ona vu dans lanewsletter numéro 9 qu’il existait unemutation qui est devenuemajoritairepour ce virus: le variant D614G. Cette mutation a rendu le virus plus contaminant (plustransmissible) mais la virulence (la dangerosité) était inchangée dans les premièresobservations. Une équipe de Singapour s’est intéressée à une autre mutation qui étaitcaractériséeparladélétiondunucléotide382:levariant∆382(JAMA;18Août2020).Cette

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mutationaffecteraitlarégulationdelaréplicationviraleparuneatteinteducomplexeORF8.Ce variant ∆382 (ou ces équivalents) ont étémis en évidence à Singapour, à Taiwan, enChine, au Bangladesh, en Australie et… en Espagne. Les auteurs, dans un travailobservationnel et rétrospectif, ont comparé les caractéristiques de la maladie COVID-19entre lespatients infectéspar levariant∆382seul (N=29), lespatients«mixtes»(∆382etforme non mutée) (N=10) et les patients infectés par le virus «non muté» (N=92). Lesrésultats ont montré que ce ∆382 était associé à une maladie moins sévère en termed’hypoxie (0% vs. 28%), d’admission en réanimation (0% vs. 16%) et de recours à laventilationmécanique(0%vs.11%).Lamortalitéétaitde0%comparéeà2%pourlegroupenon muté (différence non significative). La présence du ∆382 était retrouvée comme unfacteurindépendant(etsignificatif)associéeaunon-recoursàl’oxygène.D’unpointdevuebiologique,legroupedepatients∆382secaractérisaitparuneplusfaibleconcentrationdesmarqueurs de la réponse inflammatoire (cytokines, chimiokines) et donc par un oragecytokinique amoindri (Schéma). Qu’en penser? Cette étude fait le lien entre virulence etmutationmaisilnefautpasoublierquecelapeutallerdanslesdeuxsens:acquisitiond’uneplus grande virulence par exemple. Ce travail, avec des effectifs très faibles et sa naturerétrospective,nepermetpasdegénéralisercettehypothèsemêmesi,actuellement,certainsenparlentbeaucouppourtenterd’expliquerladiscordanceentrelesmarqueursdegravité(mortalité, passages en réanimation) et lesmarqueurs de la circulation du virus (taux dePCR+quotidien)enFrance…

Schéma: distribution des marqueurs de l’inflammation (définissant l’orage cytokinique) entre lesformesnonmutéesetlaprésencedelamutation∆382.Chaquecolonnereprésenteunpatient.Lesastérisques(*)représententlesformesmixtes.Pluslacouleurestbleue,moinsilyademarqueurs,pluslacouleurestrouge,pluslaconcentrationestélevée.PREVENTIONEfficacitédesmasques

Eternellequestion!Uneétudeaméricaineatestéplusieurstypesdemasquesetdesalternatives lorsque lesmasques homologués «officiels» n’étaient pas disponibles (JAMAInternalMedicine;11Août).Letestaévaluélecoefficientdefiltrationdeparticulesvariantde 0,2 à 3 µm pour 29masques. Desmasques non homologués, homologués et périmés(2009 et 2011) ou reconditionnés après stérilisation (étuve, peroxyde d’oxygène, oxyded’éthylène) ont aussi été testés. Conclusion de l’étude: les masques FFP2 sont les plusefficaces (> 95% de filtration), les masques chirurgicaux un peu moins (Schéma). Les

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masqueshomologuésetpérimésou réutilisésaprès stérilisationneperdentpratiquementpas leurs capacités à une filtration efficace. Par contre, les masques de substitution nonhomologués (souvent importés de Chine) ont des caractéristiques de filtration trèsdétériorées (entre 53% et 79%). Conclusion: plutôt que d’acheter des masques neufsd’origine suspecte, il vaut mieux utiliser des masques homologués et périmés ou re-stérilisés.

Schéma:ComparaisonentreunmasqueFFP2(A)etunmasquechirurgical(B)surunvolontaireavecdifférentespositionsdelatête.LemasqueFFP2filtreplusde95%desparticulesentre0,2et3µMtandisquelemasquechirurgicalestàplusde70%.Rappel:lespostillonsontundiamètresupérieurà5µm.Lestestssalivaires:lesaméricainsfirst!

La Food and Drug Administration (FDA) vient de délivrer son autorisation pour uncinquièmetestsalivairededétectionrapideduSARS-CoV-2(CommuniquédepresseFDAdu15Août2020).EnFranceoncontinuelesPCRnasopharyngéspastrèsagréables….

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TRAITEMENTRemdesivir:bof!

Onsesouvientduremdesivir,moléculeantiviralecontreEbolaetquiamontréuneefficacité sur la cinétique de l’amélioration des patients COVID-19 graves mais pasd’améliorationsignificativesurlamortalité.Malgrélafragilitédurationnel,cettemoléculeaeul’autorisationdemisesurlemarchéauxEtats-Unis.Cen’estpascettenouvelleétudequivanousréconforter(JAMA;21Août2020)!Cetessaiprospectif,randomisécontreplaceboetouvertacomparétroisgroupes:lepremiertraitéparremdesivirpendant5jours(N=199),le deuxième avec un traitement de 10 jours (N=197) et enfin le groupe contrôle avec leplacebo(N=200).LespatientsétaientCOVID-19avecunepneumopathiemaissanscritèrederéanimation (SpO2 > 94%). Le critère de jugement était le score clinique en 7 points (1=mort;7=sortantdel’hôpitalguéri)jugéàJ11.

Les résultats montrèrent une très modeste amélioration du score clinique nonsignificative pour le traitement par remdesivir pendant 10 jours et significative pour legroupe traité pendant 5 jours (Schéma). Les auteurs eux-mêmes concluent que lesaméliorations observées n’ont pas réellement d’importance clinique. La mortalité (faible,inférieure à 2%) n’était pas significativement différente dans les trois groupes. Bref, aveccetteétudeàhautniveaudepreuve,etsicettemoléculepossèdeuneactivité,elleparaîtvraimenttrèsfaible.

Schéma: distribution du score clinque à J11, J14 et J28 pour les trois groupes de patients. OnconstateunemodesteaméliorationàJ28danslesgroupestraités.Sérothérapie:unespoir?

L’administration de plasma de patients guéris du COVID-19 aux malades enréanimationasuscitébeaucoupd’espoirs.Lebutétaitdefairebénéficierauxpatientsgravesdesanticorpscontenusdansleplasmadespatientsconvalescents.Lesessaiscliniquesn’ontpasétéconvaincantsquantàl’efficacitédecetteapproche.Ilyauraitunbénéficemodestepouruneadministrationavant le troisième jourdansuneétudeobservationnelle. LaFoodand Drug Administration (FDA) vient d’autoriser son administration en thérapeutiqued’urgenceenattendantlapublicationderésultatsplusprobants(NewYorkTimes;19Août2020).