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Lettres de l’atem 2005 n° 33 – n° 34 2004 n° 30 – n° 31 – n° 32 2003 n° 27 – n° 28 – n° 29 2002 n° 24 – n° 25 – n° 26 2001 n° 21 – n° 22 – n° 23 2000 n° 18 – n° 19 – n° 20 n° 34 - juin 2005 Convocation à l’Assemblée générale Congrès 2005 à Québec Jacques Joubert nous a quittés Max Cocoynacq est mort Notices bibliographiques Site Web de l’ATEM éditorial Merci du bonheur et du labeur partagés ! Chers amis et amies de l'ATEM, au près et au loin, C'est avec beaucoup de reconnaissance et d'émotion que je vous adresse la parole, au terme de mon deuxième mandat présidentiel. En 1999, suite à l'AG de Louvain-la-Neuve, je m'étais trouvé dans la situation imprévue de devoir assumer une présidence que tout semblait destiner à Bruno-Marie Duffé, qui exerçait alors également la vice-présidence avec moi mais qui décida au tout dernier moment de renoncer à la candidature. Grâce à l'insistance de plusieurs membres de l'ATEM, en particulier de la part de René Simon, j'acceptai la demande du Conseil, avec une certaine appréhension mais aussi avec une joie très profonde. Je n'oublierai jamais l'esprit de confiance personnelle, scientifique et oecuménique qui me conduisit ainsi à devenir, après Jean-François Collange, le deuxième président protestant de l'ATEM et, de surcroît, le premier président helvétique. En 2002, au Lazaret, le Conseil m'a réélu pour un deuxième mandat, que les statuts, fort heureusement, ont eu la sagesse de considérer comme le dernier. Quand je repasse en mon esprit et en mon coeur ces six années, je ressens la vibration d'un beau compagnonnage, scandé par les colloques et les congrès, et rythmé aussi par les rencontres et le travail au sein du bureau et du Conseil. J'aimerais remercier Bruno Cadoré, mon prédécesseur, de m'avoir facilité la tâche et d'avoir été constamment disponible, y-compris ces dernières années et malgré ses charges de provincial, lorsque des préoccupations ou des questions ont pu survenir. J'exprime ma vive reconnaissance aux membres successifs du bureau, de 1999 à 2005, ainsi qu'à tous les membres du Conseil, pour leur collaboration fraternelle et efficace. Les vice-présidents (Marie-Jo Thiel, Geneviève Médevielle et Alain Thomasset), le secrétaire Eric Gaziaux (sans oublier Annie Dervaux à Louvain) et le trésorier (Hugues Puel) m'ont apporté un appui indéfectible, dans l'humour et dans la vérité. Les organisateurs des colloques ou congrès - Olivier de Dinechin, Jean-Marie Gueullette, Xavier Lacroix et Jean-Daniel Causse, Marie-Jo Thiel, Luc-Thomas Somme et Bernard Keating - avec leurs équipiers sur place, ont permis à l'ATEM de continuer sa tâche et de renouveler sans cesse ses activités.

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Lettres de l’atem 2005 n° 33 – n° 34

2004 n° 30 – n° 31 – n° 32

2003 n° 27 – n° 28 – n° 29

2002 n° 24 – n° 25 – n° 26

2001 n° 21 – n° 22 – n° 23

2000 n° 18 – n° 19 – n° 20

n° 34 - juin 2005 Convocation à l’Assemblée générale

Congrès 2005 à Québec Jacques Joubert nous a quittés Max Cocoynacq est mort Notices bibliographiques

Site Web de l’ATEM

éditorial

Merci du bonheur et du labeur partagés ! Chers amis et amies de l'ATEM, au près et au loin,

C'est avec beaucoup de reconnaissance et d'émotion que je vous adresse la parole, au terme de mon deuxième mandat présidentiel.

En 1999, suite à l'AG de Louvain-la-Neuve, je m'étais trouvé dans la situation imprévue de devoir assumer une présidence que tout semblait destiner à Bruno-Marie Duffé, qui exerçait alors également la vice-présidence avec moi mais qui décida au tout dernier moment de renoncer à la candidature. Grâce à l'insistance de plusieurs membres de l'ATEM, en particulier de la part de René Simon, j'acceptai la demande du Conseil, avec une certaine appréhension mais aussi avec une joie très profonde.

Je n'oublierai jamais l'esprit de confiance personnelle, scientifique et oecuménique qui me conduisit ainsi à devenir, après Jean-François Collange, le deuxième président protestant de l'ATEM et, de surcroît, le premier président helvétique.

En 2002, au Lazaret, le Conseil m'a réélu pour un deuxième mandat, que les statuts, fort heureusement, ont eu la sagesse de considérer comme le dernier.

Quand je repasse en mon esprit et en mon coeur ces six années, je ressens la vibration d'un beau compagnonnage, scandé par les colloques et les congrès, et rythmé aussi par les rencontres et le travail au sein du bureau et du Conseil.

J'aimerais remercier Bruno Cadoré, mon prédécesseur, de m'avoir facilité la tâche et d'avoir été constamment disponible, y-compris ces dernières années et malgré ses charges de provincial, lorsque des préoccupations ou des questions ont pu survenir.

J'exprime ma vive reconnaissance aux membres successifs du bureau, de 1999 à 2005, ainsi qu'à tous les membres du Conseil, pour leur collaboration fraternelle et efficace. Les vice-présidents (Marie-Jo Thiel, Geneviève Médevielle et Alain Thomasset), le secrétaire Eric Gaziaux (sans oublier Annie Dervaux à Louvain) et le trésorier (Hugues Puel) m'ont apporté un appui indéfectible, dans l'humour et dans la vérité. Les organisateurs des colloques ou congrès - Olivier de Dinechin, Jean-Marie Gueullette, Xavier Lacroix et Jean-Daniel Causse, Marie-Jo Thiel, Luc-Thomas Somme et Bernard Keating - avec leurs équipiers sur place, ont permis à l'ATEM de continuer sa tâche et de renouveler sans cesse ses activités.

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De Louvain à Québec, en passant par La Baume les Aix, Saint-Jacut, Sète, Strasbourg et Toulouse, j'aurai éprouvé le sens de la solidarité et de la « visiting community », cette forme fragile et humaine de la communion et de la charité. À travers nos « vies minuscules » (Pierre Michon), il nous a été donné de vivre et de goûter ensemble une anticipation joyeuse du Royaume à venir. Lorsque des témoins de cette grâce s'en sont allés (et il y a en a eu beaucoup : je pense notamment à Vincent Nalis, Xavier Thévenot, René Simon, Roger Berthouzoz, Jacques Joubert, Max Cocoynacq) ou ont passé par des épreuves, cela a resserré nos liens de fraternité et tissé nos mémoires de reconnaissance. Et fort heureusement, nous avons eu la fierté de voir des membres de l'ATEM accéder à des responsabilités ecclésiales et académiques, et le bonheur d'accueillir régulièrement de nouveaux membres, femmes et hommes, plus jeunes et avec de nouvelles idées ou envies. Merci de tout coeur à tous et à toutes.

La Lettre de l'ATEM est parue avec une belle régularité; et un site web devrait bientôt être accessible, nous permettant de rayonner encore mieux et de communiquer davantage entre nous.

Je me réjouis, après Québec, de pouvoir saluer les nouveaux responsables, à la présidence et au bureau, qui conduiront notre association vers de nouveaux rivages.

Denis Müller, président sortant de l'ATEM

Convocation à l’Assemblée générale L’assemblée générale de l’ATEM aura lieu cette année à Québec, le mardi 23 août à 20h.

Ordre du jour

PV de l'AG de Toulouse ;

Rapport moral du président ;

Rapport financier du trésorier ;

Nouveaux membres ;

Renouvellement partiel du conseil ;

Colloques futurs ;

Divers.

Pour rappel, le conseil d'administration de l'Atem est actuellement composé des membres suivants :

Élus en 2002 : F. Daull, L.-T. Somme, B.-M. Duffé, C. Batailh ;

Élus en 2003 : K. Lehmkühler, R. Heyer ;

Élus en 2004 : A. Bondolfi, L. Lemoine, G. Médevielle, Ph. Bordeyne ;

plus les cinq membres du bureau : É. Gaziaux, D. Müller, H. Puel, M.-J. Thiel, A. Thomasset.

Les membres dont le mandat arrive à échéance sont donc :

F. Daull, L.-T. Somme, B.-M. Duffé, C. Batailh ainsi que les cinq membres du bureau du fait de l'élection d'un nouveau président.

Communication du bureau au sujet des élections au Conseil et au bureau (Québec, 2005)

Il est rappelé à chaque membre de l'ATEM l'importance de l'Assemblée générale, qui aura donc lieu cette année à Québec mardi 23 août à 20h. Les membres empêchés sont instamment priés d'envoyer une procuration à un collègue ayant l'intention de venir.

Le bureau souhaite que l'élection du président et du bureau de l'ATEM se fasse dans des conditions optimales. L'AG aura lieu régulièrement à Québec.

Cependant, en fonction du nombre de membres présents, et notamment du nombre de membres présents du nouveau Conseil élu, il est envisagé si nécessaire que l'élection du bureau et du président par le Conseil puisse être reportée au 24 septembre 2005 à Paris. En ce cas, le président et le bureau sortants assureraient la transition. Ces dispositions feront bien sûr l'objet d'une discussion et d'une décision formelles sur place, à Québec.

Congrès ATEM 2005 Santé, solidarité et bien commun 22-25 août

En complément de la présentation du congrès ATEM et des informations qui vous étaient données dans la Lettre de l’ATEM 33, un programme plus détaillé est joint à cette lettre, programme que vous trouverez également ainsi que d’autres renseignements sur le site www.ftsr.ulaval.ca/ethiques/ATEM.asp

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Notre congrès sera suivi d’un Colloque public

La notion de santé : nouvelles figures, nouvelles promesses, nouvelles alliances ?

Université Laval

25-26 août

Le colloque associatif de l’ATEM sera suivi d’un second qui s’adressera aux professionnels de la santé, aux décideurs et au grand public. Ce colloque s’intéressera aux déplacements du concept de santé, à ses nouvelles représentations et aux promesses que fait miroiter la biomédecine moderne.

Si la santé n’est pas un simple fait objectif mais également un construit social, il en va de même pour son envers! La maladie a des frontières mouvantes qui se déplacent, non seulement au fil de l’évolution culturelle et scientifique, mais également sous l’influence d’un marketing particulièrement efficace. Par ailleurs, la part toujours croissante des coûts de la santé consacrée par le système public au médicament conduit à pousser la réflexion au-delà des considérations liées à l’usage optimal du médicament. Ce sont les objectifs assignés au système public de santé qui se retrouvent sous examen lorsqu’on craint pour sa pérennité. Ceux-ci ne seraient-ils pas imperceptiblement déplacés, en contrecoup de l’évolution du concept de santé et de l’offre présente sur le marché de la santé? Si c’est le cas, il faut reconnaître que nous sommes, comme société, devant des choix cruciaux. C’est l’avenir de la solidarité qu’il faut penser.

Détails pour l’inscription : [email protected]

Jacques JOUBERT nous a quittés

Jacques Joubert, maître de conférences en théologie morale à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg et membre de l’ATEM, est mort le 30 mars ; il avait 44 ans. Début octobre, nous avons encore préparé ensemble la rentrée universitaire ; mais il se plaignait de pertes d’équilibre et a dû s’aliter. La maladie l’a emporté en six mois.

Jacques est né le 27 octobre 1960 à Lyon, où son père militaire était en garnison. Alors que sa famille s’installait à Contrexéville, il a poursuivi ses études à Strasbourg, d’abord en biologie – jusqu’à l’obtention en 1982 d’une maîtrise de biologie cellulaire et de génétique –, puis en théologie catholique, dont il a suivi le cursus complet. Les titres de ses travaux reflètent ses intérêts : De la virginité (mémoire de maîtrise, 1985), Texte, interprétation et institution (mémoire de DEA, 1986), De la Trinité à l'eucharistie – Figures du corps et représentations du salut (thèse de doctorat préparée sous la direction de Roland Sublon, 1989). Sa thèse a paru en 1991 sous le titre le Corps sauvé aux éditions du Cerf (coll. « Cogitatio fidei » n° 161) et il a publié une vingtaine d’articles depuis.

De 1984 à 2000, il est professeur d'enseignement religieux dans les lycées de Strasbourg. En même temps, il est chargé d’enseignement au CÉRIT (Centre d’études et de recherches interdisciplinaires en théologie) et donne des cours de morale à la Faculté de théologie catholique durant la mise en disponibilité de Raymond Mengus de 1994 à 1997. Il est enfin nommé maître de conférences en éthique et théologie morale en septembre 2000. On le voit : cette carrière écourtée est en réalité forte de 20 ans de recherches.

Jacques s’était investi aussi dans les problèmes moraux posés « sur le terrain », en particulier en tant que membre d’ Euro Cos – Humanisme et santé (Institut européen post-universitaire de formation des professions de santé), un groupe de réflexion sur les problèmes de santé publique au niveau européen. Plus récemment, il a participé aux travaux du Comité régional d’éthique en matière d’expérimentation animale (CRÉMEAS). En tant que membre de l’ATEM, il a activement contribué à l’organisation du Congrès 2003 sur le thème du racisme au Parlement européen de Strasbourg.

Jacques nous a quittés avec l’élégante discrétion du bon compagnon qui paradoxalement se livre peu et par là même laisse être, transmet. Il écrit p. 187 de son livre : « Fondamentalement le salut apparaît comme affaire d’avant et d’après… Mais entre cet avant et cet après il ne saurait y avoir de consistance temporelle : le pendant n’existe pas mais bien le maintenant. » Merci, Jacques, te disent tes amis et collègues de l’ATEM, pour nous ouvrir à ce maintenant.

René Heyer

Information

Suite au décès de Jacques Joubert, un poste de maître de conférences est déclaré vacant à la faculté de théologie catholique de Strasbourg. Pour postuler, il faut être inscrit sur une liste de qualification (inscription à l'automne 2005 pour une candidature au printemps 2006).

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Max COCOYNACQ est mort

Je remercie l’ATEM de me faire l’honneur d’écrire quelques mots de fraternelle gratitude à sa mémoire. Je ne procéderai pas à une biographie que d’autres, à Bordeaux spécialement, sauront présenter mieux que moi. Je n’ai pas vécu au quotidien auprès de lui. Ce qui m’autorise à prendre ici la parole, c’est sa fidèle participation pendant plus de dix ans au Conseil scientifique de la Revue d’éthique et de théologie morale « Le Supplément ». J’entends saluer l’homme, le prêtre, le théologien moraliste et le psychanalyste.

L’homme : il m’a aidé pour être attentif à la crise de la différenciation sexuelle qu’éprouve notre civilisation. Le prêtre catholique : il m’a soutenu dans le souci de favoriser une théologie morale de la tâche œcuménique et interreligieuse à travers la RETM, et par les collections de livres au Cerf ou chez Cujas (Recherches morales, Histoire de la morale et Ethique et société). Théologien moraliste : il a été de ceux qui ont beaucoup soutenu un regain d’exigence en matière d’accompagnement interindividuel, comme lieu éthique et comme lieu théologique. Psychanalyste : lorsque j’ai dû étudier quelle suite prévoir après la parution du numéro 211 de la RETM de décembre 1999, « Le Transfert en psychanalyse », nous avons eu une longue conversation au colloque ATEM à la Baume les Aix, à propos notamment d’interventions indues de la part de certains psychanalystes, comme celle-ci : « Divorcer, vous libèrerait ».

Tout dernièrement, je parlais avec Emile Poulat de ces prêtres qui, comme Max Cocoynacq « sont passés de l’autre côté du discours », pour donner la primeur et tout l’espace nécessaire à l’écoute, comme l’a fait Max. Pour opérer ce « passage » , certains ont dû renoncer à une parole presbytérale pour ne parler qu’en sociologie par exemple. De toute manière, Max n’était pas un homme de l’écrit ; l’écoute a été son écritoire.

Max m’interpelle sur certaines conditions éthiques, tant de l'écoute par l’accompagnement, que de la prise de parole par une écriture d’enseignant, de chercheur. Cela rejoint le soin avec lequel Paul Ricoeur - qui vient aussi de nous quitter -, mettait à procéder à chacun de ses actes d’écriture. Oui, accompagner et enseigner sont de l’ordre , dirait le canoniste, du graviter. À cet égard, Michel Demaison op ne revenait-il pas sur « l’avènement du sujet éthique », à propos de ce qui advient dans « parler, écouter » (« Le Supplément » RETM, N°230, septembre 2004) ?

Max me questionne : lui, n’est-il pas passé tout entier du côté de l’écoute ?

Résonne en moi comme une inquiétude pour ceux et celles qui imagineraient que l’on peut zigzaguer aisément – et sans perte ni abus – , entre la posture d’un être écoutant d’un côté, et la fonction d’un être enseignant, d’un autre côté. Le confesseur, lui , ne sera-il pas d’autant plus sanctifié, qu’il se rapproche d’un Maître souverain, dont la réputation consiste à ne plus savoir ce que le repentit avait pu commettre comme méfait, puisque désormais le Maître a effectivement accordé le pardon de toutes les fautes avouées par ce pénitent, lui qui a eu le ferme propos de ne plus rechercher des occasion de récidiver ?

Un enseignement, pour s’appuyer sur des expériences, n’a-t-il pas besoin de beaucoup de recul ; parfois le recul de toute une existence terrestre ? Max a su m’enseigner sans me prodiguer un cours, mais en désignant un enjeu, celui de la distance et de la durée en matière de réponse humaine.

Jean-Paul Durand op , membre de l’ATEM,

directeur honoraire de la RETM , doyen de la Faculté de droit canonique de l’ICP.

Notices bibliographiques Laurent Sentis, De l’utilité des vertus. Éthique et alliance, Préface de Mgr Rey, Paris : Beauchesne, 2004, 403 p.

Que le lecteur ne s’attende pas à une approche utilitariste des vertus ! L’A., directeur des études au séminaire de Fréjus-Toulon, nous présente plutôt un plaidoyer, ample et dense, pour une utilisation mesurée des vertus en théologie morale, moyennant la critique de leur héritage occidental. La méthode lui vient de Thomas d’Aquin. L’ouvrage offre une interprétation renouvelée du rôle tenu par l’édifice des vertus dans sa théologie morale, le montrant héritier d’Aristote, d’Augustin et de la Bible. Il en ressort une hypothèse métaéthique : penser la morale, c’est toujours traiter des relations entre les hommes et, pour les croyants, également avec Dieu, ce qui suppose que l’on ordonne de manière vertueuse des appartenances multiples, comme le fit Thomas avec ses propres sources. Le concept biblique d’alliance est fécond pour orienter de tels arbitrages, de telle sorte que la vertu peut être redéfinie comme l’adaptation de l’homme à l’alliance, ou encore à sa condition communautaire. L’acception du terme devient très large, mais l’enjeu est de prendre position face aux problèmes éthiques et sociaux d’aujourd’hui : comment les résoudre sans l’aide des vertus, qui permettent à chacun de mieux gérer ses propres solidarités ? Cette proposition mérite la consultation de cet ouvrage, auquel on se reportera aussi pour ses différents chapitres, qui constituent de précieuses études sur les vertus.

Philippe Bordeyne

Olivier Abel, Le mariage a-t-il encore un avenir ?, Paris, Bayard, 2005.

L'éthicien protestant de Paris nous livre une splendide méditation sur l'avenir du mariage et de ses liens politiques, et pas seulement privés, avec l'invention du divorce, laquelle s'origine chez les auteurs puritains. Il s'en dégage un subtil plaidoyer pour la courtoisie. Prenant à rebrousse-poils le mythe moderne de l'émancipation, Olivier Abel illustre et défend une éthique des habitudes et de l'attachement, à la hauteur de l' « heureuse alliance » qui fonde la liberté de l'amour authentique. « Trop souvent (...) on néglige combien l'habitude augmente les possibilités quasi divinatoires de dire et faire ensemble des choses délicieuses » (p. 148). L'amour, conclut l'auteur, ne saurait être forcé : « tel est le délicat chemin de la reconnaissance mutuelle, du consentement à la fugacité du bon » (p. 183). Denis Müller

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Vient de paraître : Denis Müller et Hugues Poltier (éd.), Un Homme nouveau par le clonage ? Fantasmes, raisons, défis, Genève, Labor et Fides, 2005 (Le champ éthique 44).

Il s'agit des actes du colloque international tenu à Lausanne en février 2004. L'ouvrage est centré sur le clonage reproductif et les représentations symboliques, philosophiques et religieuses dont il est porteur. Auteurs nord-américains et européens y débattent le pour et le contre, sans concessions. Parmi les 20 signatures, notons celles de Bernard Keating, Ronald Cole-Turner, Tristram Engelhardt Jr, Karen Lebacqz, Ronald Green et Jean-François Collange.

Sous presse : Denis Müller, Karl Barth, Paris, Le Cerf, 2005 (Initiations aux théologiens). Selon la règle de la collection, dirigée par Vincent Holzer et Jean-Louis Souletie, l'ouvrage présente successivement une esquisse biographique, une présentation du geste barthien, un parcours de la dogmatique et de l'éthique chez Barth, ainsi qu'une présentation synthétique de la réception oecuménique et internationale. Suivent une conclusion personnelle, de type généalogique et critique, et un choix commenté de 12 textes permettant d'entrer par différentes portes dans une oeuvre multiforme et stimulante.

Site Web de l’ATEM Le site de l’ATEM www.ethique-atem.org est désormais ouvert.

Pour tout contact ou suggestions, s’adresser à [email protected] ou au secrétaire qui transmettra.

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n° 33 - février 2005

Jean-Louis Leuba : un théologien dans le siècle Journée d’études Vladimir Jankélévitch Congrès ATEM à Québec : « Santé, solidarité et bien commun » Nouvelles bibliographiques

éditorial

Oser une liberté… Pressé de toute part, pressé de « donner des réponses » à des questions éthiques urgentes, et sans bien souvent un peu de recul nécessaire, pressé par ses différents engagements professionnels au sein de diverses institutions auxquelles il participe, pris entre des requêtes d’ordre pastoral et des éclairages spirituels, entre des demandes d’accompagnement et le souhait d’une réflexion « plus fondamentale », le théologien moraliste souffre d’une position délicate et exigente à la fois. Les dangers qui le guettent sont alors multiples : recherche de compromis faciles, replis identitaires, fuite dans une certaine spiritualité, etc. au détriment d’une recherche de fond sur l’identité même du théologien et de la théologie morale, sur la crédibilité et la plausibilité de la parole théologique.

Dans ce contexte, il s’agit alors d’entrer, avec courage et lucidité, dans une réflexion sur des interrogations d’ordre méthodologique et épistémologique (rapport à l’Écriture, à la Tradition, aux différents discours et sciences comme la philosophie, psychologie, sociologie, etc.). Mais ne s’agit-il pas aussi de refaire un pari : celui du sens de la foi et de la Parole de Dieu au sein de notre réalité incarnée, ténébreuse et lumineuse à la fois. Ce pari porte en lui l’audace de la rencontre avec l’A(a)utre et le risque d’une aventure, celle de la liberté, d’une liberté à exprimer et à affermir, certes, mais aussi à afranchir d’elle-même, à libérer de ses fascinations et de ses séductions, dont celle d’une seule logique de l’action.

C’est à ce niveau alors que s’établit le véritable défi de l’éthique. Celui-ci réside moins dans la recherche d’accomodements peut-être bien nécessaires à notre finitude, que dans la tâche de libération qui doit (ou devrait) nourrir toute réflexion d’ordre éthique. Que serait en effet une morale, que seraient des notions fondamentales comme l’interdit ou la loi, si elles ne servaient l’être humain à grandir et à entrer dans un chemin d’humanisation qui soit celui aussi de sa rencontre avec le Tout Autre ? Il ne s’agit pas dans ce contexte de promouvoir une confusion entre le registre théologal et le registre éthique, confusion bien funeste à juste titre, tout comme son versant opposé, celui de la séparation entre les deux domaines, mais de veiller à établir une relation croisée entre ces registres. Le travail même de cette relation consiste, d’un côté, à préserver la légitime autonomie de l’éthique, tout en la mettant en garde contre sa prétention d’être l’ultime, et, de l’autre, à témoigner d’une Présence d’un autre ordre, en rappelant le nécessaire service du frère. Pari donc d’une liberté qui se vive sous le signe de l’espérance (Ricoeur), pari d’une éthique qui s’inscrive sur un chemin de libération dont elle ne possède ni la source ni la fin, pari d’une liberté qui, « en dépit de » la mort et des signes de mort que nous rencontrons et auxquels mystérieusement nous participons, fait le pari d’un « combien plus », d’une logique du don et du pardon, de la surabondance et de l’excès, pari qui fait de notre existence, selon les mots de Kierkegaard, une « passion pour le possible ».

N’est-ce pas ce à quoi nous sommes conviés dans une rencontre humble et rigoureuse avec l’autre ? n’est-ce pas ce à quoi nous invite le Ressuscité : oser entrer dans une histoire risquée, celle de notre liberté, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, et appelée à un accomplissement au-delà de toute mesure ?

Éric Gaziaux

Jean-Louis Leuba : un théologien dans le siècle

Le professeur Jean Louis Leuba vient de nous quitter, à Neuchâtel.

Né en 1912, il a très vite embrassé la double carrière de pasteur et de théologien.

Il fut notamment pasteur de 1942 à 1954, à l'Église française de Bâle. Pasteur, il l'est resté toute sa vie, avec sa vision très « haute Église », solide et instructive, d'un ministère pastoral fondé sur la Parole de Dieu, et non sur une vision hâtive du sacerdoce universel des fidèles ou sur une conception purement fonctionnelle de la mission de l'Église.

En 1947, il osa s'en prendre directement à Karl Barth, qu'il côtoyait depuis des années à Bâle, en affirmant que la vision barthienne de l'Église posait problème (« Le problème de l'Église chez Karl Barth », repris dans A la découverte de l'espace oecuménique, Delachaux et Niestlé, 1967). La critique devint centrale et systématique lorsque, dans sa thèse de doctorat en Nouveau Testament défendue et publiée à Neuchâtel en 1950, il soutint la précédence de

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l'institution sur l'événement, au grand dam de Barth et des barthiens pure souche (L'institution et l'événement, Delachaux et Niestlé, 1950, nombreuses traductions).

S'ouvrit alors une fructueuse carrière d'enseignant et de chercheur, ponctuée par un doctorat honoris causa de l'Université de Fribourg, en 1967.

Leuba était un penseur puissant et indépendant, souvent original, et un oecuméniste convaincu, attaché à la découverte incessante d'un « espace oecuménique » prophétique, raisonné et critique, n'abandonnant jamais les bases essentielles de la théologie de la Réforme, telles que Luther et Calvin avaient pu les poser et les développer,

Sa retraite, en 1982, lui permit de poursuivre et de prolonger ses travaux, que ce soit dans le champ des « études barthiennes » (Labor et Fides, 1986), des rapports entre théologie et littérature (cf. les très belles méditations réunies dans Reflets de l'épiphanie), du dialogue oecuménique et du dialogue interreligieux.

Il s'est intéressé à la morale fondamentale et appliquée, en essayant d'éviter le moralisme barthien ou calviniste par un recours à la doctrine luthérienne des deux règnes (voir sa contribution au volume collectif Loi et Évangile, 1983; discussion par René Simon dans Le Supplément 153, 1985). Son discours rectoral de 1981 s'intitulait L'Évangile et le progrès. Il fut l'un des premiers théologiens protestants francophones à traiter la question de ce qui s'appelait d'abord l'insémination artificielle (collectif, Labor et Fides, 1983).

Tout récemment encore, en 2003, il a publié dans la Nouvelle revue théologique une étude critique remarquable sur la question des changements à apporter à la papauté.

Denis Müller

Journée d’études Vladimir Jankélévitch À l'occasion du vingtième anniversaire de la mort du philosophe, vendredi 3 juin et samedi 4 juin (matin), à l'Institut Catholique de Toulouse (31, rue de la Fonderie ; 31000 TOULOUSE ; renseignements et inscriptions : (0033) 05 61

36 81 38 et [email protected]).

Vendredi 3 juin

matin Bernard Hubert : innocence et vertu

Patricia Verdeau : Jankélévitch et Bergson

Daniel Vigne : les vertus, l’instant et l’intervalle

après-midi Marie-Thérèse Duffau : V. Jankélévitch à Toulouse : clandestinité et résistance

Audiovisuel et Témoignage sur V. Jankélévitch par Isabelle Jan (nièce du philosophe)

Pavel Syssoev : l’intuition de l’unité : l’influence des penseurs russes sur Jankélévitch

Isabelle de Montmollin : V. Jankélévitch, héritier de Dante ?

Interlude musical

Jean-Michel Poirier : Jankélévitch musicologue

soir 20 h 30 : conférence de Françoise Schwab

Samedi 4 juin

matin Élisabeth Robert : rancune et pardon

Thierry Delooz : l’irréversible, l’irréparable et la futurition

Luc-Thomas Somme : l’amour pur

Congrès ATEM 2005 Québec « Santé, solidarité et bien commun »

Les systèmes de soins de santé occupent une place de plus en plus importante dans l’organisation sociale et politique des sociétés occidentales. Les budgets consacrés aux services de santé connaissent une croissance rapide, répondant à des demandes de plus en plus diversifiées et étendues, assumant ainsi une prise en charge médicale d’aspects toujours plus nombreux de l’existence humaine. Si traditionnellement le concept de santé a été essentiellement compris comme santé de l’individu, ce concept se retrouve aujourd’hui déployé dans sa dimension collective et sociale, notamment à travers les notions de santé publique et par la solidarité instituée via la création des caisses d’assurance maladie. Le concept individuel de santé a lui-même connu une transformation profonde dans les dernières décennies, passant d’une définition négative et restreinte de la santé comme l’opposé de la maladie, ou « silence dans les organes » comme l’écrivait Leriche, à une définition positive et globale – et peut-être bien utopique

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– telle que la présente l’OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité ».

La santé se retrouve aujourd’hui investie à la fois au rang de valeur à promouvoir et de besoin fondamental à combler auquel l’état providence est appelé à répondre par la mise en place de services multiples. L’augmentation et la diversification des demandes, la croissance continuelle des coûts, conjuguées à une limitation des ressources budgétaires disponibles, entraînent des choix, et donc l’élaboration de critères d’allocation des ressources. Les questions de justice et d’équité se retrouvent ainsi inscrites au cœur de l’organisation des soins.

Le système de santé, dans sa dimension de prise en charge collective par l’intermédiaire d’une couverture d’assurance maladie, représente une figure privilégiée et emblématique de la solidarité sociale des sociétés occidentales. Dans une telle perspective, la catégorie de « bien commun » apparaît féconde pour penser de manière critique les processus d’organisation et de répartition équitable des ressources dans le domaine de la santé. Le colloque vise à explorer, à partir de différents points de vue et dans différentes perspectives disciplinaires, l’apport d’une telle catégorie aux débats qui animent nos sociétés, et son articulation possible aux notions contemporaines de santé et de solidarité.

Partie I – L’organisation des systèmes de santé : figures contemporaines, perspectives sociohistoriques et remises en question

La première partie du colloque visera à dresser un portrait des systèmes de santé dans les sociétés dites « avancées » et d’analyser de manière critique l’articulation des concepts de santé et de solidarité qui sous-tend leur organisation.

• Les visages de l’inégalité et de l’injustice dans le domaine des soins médicaux dans les sociétés avancées

• Perspectives et éléments sociohistoriques

o Solidarité et hospitalité

o De l’accueil du malade au soin de santé

o De la santé à la réalisation de soi

• Remises en question : Les facteurs de crise des systèmes basés sur une solidarité assurée par des institutions publiques

o Analyse économique

o Analyse éthique

o Remise en question de l’ « état providence » en matière de santé

Partie II – La catégorie du « bien commun » pour penser les systèmes de santé comme structure et figure d’expression de la solidarité

La deuxième partie du colloque portera sur un examen critique de la catégorie classique du « bien commun », en vue d’en dégager la portée réflexive et heuristique pour penser l’organisation des systèmes de santé comme figure et expression de la solidarité dans les sociétés contemporaines.

• Résurgence de la catégorie du « bien commun » : perspectives sociologiques

• La tradition du bien commun à l’épreuve du pluralisme : Repenser l’articulation entre bien commun et pluralisme dans les questions de santé.

• Fécondité de la dialectique entre procéduralisme et communautarisme dans la réflexion sur le bien commun

• La tradition du bien commun. Quelles contributions pour les théologiens et les Églises ?

Partie III – Exploration de la portée pratique de la réflexion sur la catégorie du « bien commun » : Questions et problématiques actuelles dans l’organisation des soins de santé

La troisième partie du colloque s’attachera à explorer certaines questions et thématiques actuelles dans l’organisation des soins de santé qui permettent d’illustrer la portée pratique de la catégorie du « bien commun » mise en articulation avec les concepts de santé et de solidarité.

• La santé et la maladie comme constructions sociales

o Médicalisation des événements de la vie

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o Les indications dites « styles de vie » pour l’usage du médicament

o Extension des indications médicales aux « styles de vie » et extension de la couverture des caisses d’assurance maladie

• Le coût du médicament : le prix juste à quel prix ?

Synthèse : La catégorie du « bien commun » pour penser les nouvelles figures de la solidarité sociale dans l’organisation des soins de santé

Didier Caenepeel

Pour le comité organisateur du congrès ATEM 2005

www.ethiques.ca

Nouvelles bibliographiques

G. de LACHAUX et M. LEGRAIN, Se remarier après un divorce. Réflexions sur un temps de prière, avec une préface de Mgr Le Bourgeois, Éd. de l'Atelier, 2004, 88 p., 14,80 €.

Des divorcés, de plus en plus nombreux, sollicitent de l'Église une « petite bénédiction » à l'occasion de leur remariage civil. Comment accueillir cette demande ? Depuis novembre 2002, l'Assemblée des évêques de France a ouvert officiellement la possibilité d'accompagner par la prière de l'Église les divorcés qui veulent se réengager, à condition de ne laisser aucune place à l'ambiguïté. Dans la plupart des diocèses une recherche est engagée pour les accueillir. Mais comment répondre à la demande de façon positive sans laisser planer le doute sur la possibilité d'un second mariage à l'Église. Michel Legrain et Guy de Lachaux cheminent depuis de très nombreuses années avec des divorcés. Le livre de l'animateur, fruit de leur expérience, donne les éléments de réflexion indispensables aux équipes chargées d'accompagner ces personnes. Des pistes sont proposées pour donner un contenu au temps de prière, en prenant en compte : le désir des couples de redémarrer une nouvelle union, leur histoire passée, parfois douloureuse, et le sens du sacrement du mariage chrétien. Un second ouvrage, destinée aux couples, complète la réflexion et constitue un outil nécessaire à la construction d'un temps de prière.

F. POCHÉ, Une politique de la fragilité. É hique, dignité et luttes sociales, Paris, Cerf, 2004, 257 p., 25 €. t

Où trouver des ressources fécondes pour continuer à lutter contre l'injustice après la fin des philosophies de l'histoire ? À l'heure des incertitudes idéologiques, dans quel sens mener la lutte pour la dignité de la personne ? Que valoriser pour une société réellement démocratique avec une attention au plus petit ? Quatre parties scandent la démarche de l'auteur pour éclairer ces questions : la première prend acte du détour langagier de la philosophie occidentale (« L'enjeu anthropologique de la parole », p. 22-60) ; la deuxième partie entend répondre à l'insatisfaction du paradigme communicationnel, lorsque celui-ci néglige la corporéité, par une démarche dans le nécessaire espace humain (« Socialité, normes et démocratie », p. 61-121) ; l'anthropologie de contextualité ainsi dessinée s'ouvre alors à la pensée d'une certaine "hétéronomie subversive" (« Vers une éthique de l'opprimé », p. 123-168) ; le cheminement parcouru donne alors les éléments pour une pensée du politique qui puisse penser avec et à partir des oubliés de la mondialisation néo-libérale (« Luttes sociales et contextualité », p. 169-242). Ainsi se dessinent les grands traits d'une politique de la fragilité qui puisse penser l'horizon d'une vie meilleure à partir de ceux et celles qui l'éprouvent le plus profondément. É. Gaziaux

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n° 32 - Novembre 2004 La place des théologiens moralistes dans l’espace public A-Dieu, Xavier ! Adieu à Roger Berthouzoz Nouvelles bibliographiques

éditorial

Langage d’espérance Parler de la mort, avec gravité et pertinence, nous ne pouvons le faire qu’au moyen du langage, puisque nous ne savons pas ce qu’est la mort : nous avons seulement l’expérience de la mort des autres, et le savoir certain que nous allons mourir, un jour, nous aussi. Nous vivons la souffrance, l’énigme, la perte, le deuil, mais aussi, grâce à Dieu, la joie, l’amour, la création, le changement.

La vraie question n’est pas : Qu’est-ce que la mort, ou bien : qu’y a-t-il après la mort, mais bien : en parlant autant et de manière si répétitive de la mort, que disons-nous de nous, des choses de la vie, du monde, de l’amour, de Dieu ? Quelle force de vie et de vérité dégageons-nous ?

Cette insistance sur le langage sera notre manière d’assumer la condition herméneutique de la théologie : nous vivons en régime d’interprétation, et non dans l’illusion de posséder Dieu, la vérité, la foi, comme voudraient nous le faire croire certains gourous, parfois chrétiens, du spirituel contemporain. Nous ne nous laisserons pas non plus trop impressionner par le retour obsessionnel sur la Figure de la Mort, cette grande faucheuse convoitée par les marchands du temple de tout genre : nous avons trop appris, de Nietzsche et de Bonhoeffer avant tout, que la mort peut devenir le fonds de commerce des fonctionnaires du sacré.

À propos de la mort, autour de la mort, sur l’avant et l’après, nous sommes en effet capables de bavarder sans relâche, de broder infiniment et d’encaisser des dividendes ; mais la vraie question est d’affronter l’omniprésence invisible, imprévisible et redoutable de la mort, la mort qui sans cesse nous échappe, sans jamais arrêter de nous encercler et de nous occuper. « Au milieu de la vie, nous vivons, entourés par la mort » (Luther). La question est de ne faire de la mort ni une idole, ni une complice. Il n’est pas vrai de dire de la mort qu’elle est, purement et simplement, un nouveau soleil. Il n’est pas juste non plus d’amadouer la mort sous des prétextes euthanasiques, jusqu’à la transformer en une prétendue « mort douce ».

Le Nouveau Testament, si nous nous tournons un instant vers sa version johannique, comprend la vraie vie comme « zoé », c’est-à-dire comme une vie spirituelle liée à l’éternité, et donc comme tout le contraire du « bios » dont se gargarisent aujourd’hui nos savantes biotechnologies et nos inquiètes bioéthiques. C’est d’une zoé-éthique que nous avons au fond et en vérité besoin : d’une éthique qui remet Dieu, l’éternité, l’amour, au milieu du village, c’est-à-dire qui permet à l’époux de fêter la créativité des vierges sages à la lumière d’une huile bien chaude.

Le langage biblique au sujet de la venue du Royaume et de l’espérance de la résurrection tient ou tombe dans la manière dont il rend compte de Dieu comme mystère du monde et de la vie.

Poésie et Bible se rejoignent, sinon dans la finalité du propos, du moins par la commune expérience des limites qui se joue dans la nécessité des métaphores. De même que le voyant éprouve le surgissement de l’inconnu, le croyant se heurte à de l’indicible. Que savons-nous d’autre, de quel autre langage disposerions-nous donc pour dire l’indicible et arpenter le sens possible de l’après-mort ? Les biblistes contemporains soulignent la pluralité des images et des métaphores auxquelles recourent les différents auteurs du Nouveau Testament pour dire le mystère de la résurrection. Pour saisir plus particulièrement ce qui, dans le langage pascal, excède toute représentation, il me semble que les premières traditions chrétiennes privilégient surtout la métaphore du sommeil et de l’éveil, d’un côté, et celle de la levée ou de la relevée des corps, d’autre part. La langue allemande l’exprime bien avec le double concept d’Auferweckung (réveil) et d’Auferstehung (relevée). La célèbre injonction hymnologique transmise par Ephésiens 5,14 représente en quelque sorte le point de jonction des deux métaphores : « Éveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts, et sur toi le Christ resplendira ». Manière admirable, à la fois condensée et polysémique, de signifier que la lumière du Christ subvertit et transfigure notre double expérience humaine d’un sommeil dont on ne réveillerait pas et d’une mort dont on ne saurait se relever et se remettre.

La notion de corps spirituel, ou pneumatique (soma pneumatikon), cet oxymoron forgé de toutes pièces par Paul, a elle aussi pour visée d’exprimer cet inexprimable. Un corps n’est-il pas mortel et périssable, et donc seulement matériel, comme un vulgaire amas de cellules ? Ne sommes-nous pas voués au corps même de la mort ? Non, poétise l’apôtre : l’espérance chrétienne tient à sa manière de conjuguer l’incarnation du corps, cet élément constitutif de la

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création bonne d’un dieu, et le souffle de l’esprit, symbole de la vraie vie. Alors, frère poète, la vraie vie ne serait peut-être pas absente, mais lovée dans la jubilation du corps, du monde, du présent ? Et nous ne serions au monde que dans la mesure où nous laissons vibrer, dans le monde même, la flamme inventive et bouleversante de l’amour ?

Car si Dieu n’est pas force agissante, vivifiante et créatrice, incendie de soleil au cœur des ténèbres, notre recours au langage biblique n’est que fuite en avant dans une spiritualité pieuse et désincarnée

Nous ne cessons de prétendre, en théologie chrétienne, que nous ne savons rien sur l’après-mort, ou que nous ne pouvons en parler, sur le mode de la communication indirecte, que par le truchement de symboles et de métaphores. Or le soupçon continue à s’insinuer en nous que symboles et métaphores ne constitueraient en fait qu’un épais rideau de fumée nous dissimulant ce qu’un jour nous verrons « face à face ». Or cette promesse d’une connaissance directe, face à face, dont nous fait état l’apôtre Paul en 1 Co 13,12, ne porte pas, dans le texte en question, sur une connaissance objective et extérieure d’un état du monde ou plus exactement d’un état de l’après-monde, d’un jardin paradisiaque, plus beau que tous les jardins du monde et que tous les mondes possibles. Cette promesse nous parle, beaucoup plus profondément, d’une expérience de vis-à-vis, d’une rencontre, d’une connaissance de soi par soi et par un Autre, par-delà les apparences du miroir et dans un royaume de vérité et d’amour. Nulle part ailleurs n’est dit avec une telle force, dans l’Ecriture, que ce rendez-vous avec soi-même et avec les autres sera un face à face avec un Dieu pour qui amour et connaissance vraie, vie et vérité, création et réalité se rencontrent.

Le langage de la résurrection a pour finalité de convertir nos expériences de destin en expérience d’espérance et de défataliser l’histoire, pas seulement l’histoire discrète des individus, mais aussi ce monstre à mille têtes qu’est l’histoire collective de l’humanité.

Ce renversement sidérant de perspective en détournant notre regard de ressembler à la curiosité d’un après pour le convertir en la transfiguration d’un avant, est porteur d’un changement concret d’attitude : nous ne sommes plus appelés à aspirer à l’impensable et à l’improbable (ce que sont, après tout, toutes nos représentations trop humaines de l’après-mort), mais bien à doter nos actions présentes d’une énergie d’amour et de changement. C’est plus difficile, plus prometteur et plus exaltant, à condition que nous ne nous laissions pas griser par la confusion enthousiaste de nos potentialités créatrices avec le pouvoir éternel du Créateur.

Plutôt que de fuir dans l’idéal trompeur d’une éthique consensuelle supposée subvenir à l’absence de la vraie vie et du vrai Dieu, nous sommes appelés à ressourcer notre éthique dans l’Esprit régénérateur et révolutionnaire d’un Dieu d’avenir et de risque, de pari et de courage.

– Le langage de la résurrection est générateur de résistance face à tous les pouvoirs qui entendent enclore l’absolu sous des formes historiques, politiques ou culturelles

– Le langage de la résurrection comporte une dimension politique, comme protestation contre la puissance intra-mondaine de la mort. À force de se tourner vers le sens méta–physique de l’après-mort, les sociétés et les religions courent le risque de s’aveugler sur les réalités mortifères des puissances humaines, économiques, financières et politiques.

– Le langage de la résurrection entend relever l’homme de son inertie et de sa docilité naturelles afin de l’inviter à une posture permanente d’insurrection. L’insurrection n’est pas seulement à entendre comme une catégorie politique, c’est aussi une catégorie dirigée contre toute forme de pensée correcte (religieuse notamment)

Notre interprétation du christianisme, comme religion de la transcendance subvertissant et irradiant l’immanence, culmine dans un appel à l’insurrection permanente. Créativité et rébellion s’appellent mutuellement, pour que la vraie vie puisse rejoindre la vie réelle.

Ce langage pascal est à répéter sur tous les modes – poétiques et artistiques, également ! - jusqu’à la fin des temps, afin que puisse s’exprimer la persévérance de l’homme sans cesse vaincu et sans cesse relevé, sans cesse endormi par les idéologies et sans cesse réveillé de son sommeil dogmatique et son manque d’imagination éthique.

Le mot, biblique, de la fin nous servira de capitule. J’aime cette vieille notion liturgique de capitule. Elle suggère une récapitulation mnémotechnique et pyrotechnique, afin de mettre le feu au monde assoupi, d’activer les passions de l’agir juste et de conjurer toute velléité de capitulation :

« Éveille-toi, toi qui dors, lève-toi d’entre les morts,

et sur toi le Christ resplendira »

(Ep 5,14)

Denis Müller

D. Marguerat et D. Müller éd., Mourir … et après ?, Genève, Labor et Fides, 2004.

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La place des théologiens moralistes dans l’espace public

Une soirée ATEM et Faculté de théologie du Centre Sèvres

Le 6 février 2004, l’ATEM et la Faculté de Théologie du Centre Sèvres, proposaient une rencontre-débat sur « La place du théologien moralistes dans le débat éthique public ». A l’invitation de Jean Miler, doyen de la Faculté de Théologie, Mme Monique Canto-Sperber avait accepté, comme philosophe, d’apporter son point de vue après avoir entendu deux théologiens, Olivier de Dinechin et Jean-François Collange. L’auditorium du Centre Sèvres rassemblait une centaine de participants pour cette table ronde animée par Alain Thomasset. Les trois intervenants allaient s’exprimer à partir d’une expérience en partie commune, leur participation au Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) français, et leurs fréquentes prises de parole publiques.

Olivier de Dinechin ouvrit le terrain en rappelant les lieux d’expression que peuvent fréquenter des théologiens moralistes dans la société française. Ils sont variés : centres ou espaces, colloques, comités, consultations, presse écrite, médias, permettant au Eglises un subtil interface avec la société, en même temps que l’expression de leurs variétés internes. Le théologien catholique s’y présente volontiers comme un « généraliste de l’humain ». Il y est attentif , en matière de bioéthique, à trois questions courantes, pour lesquelles sa connivence avec le philosophe sera assez aisée, notamment pour questionner des tendances courantes : la tentation de réduire, dans le dialogue entre scientifiques et médecins, la dimension proprement humaine de la relation médicale ; le difficile accord entre une éthique du devoir, de type kantien, et une éthique utilitariste du bien, deux courants qui s’affrontent dans la recherche médicale. Enfin le rapport entre privé et public en matière de normes – pour l’Eglise catholique point spécialement sensible. Cependant, le théologien se situera aussi comme le témoin d’une foi éclairée, d’une conviction face au doute non seulement religieux mais désormais « anthropologique » que la biologie moderne fait peser, avec toute la puissance de ses projets, sur l’existence humaine. Cela lui paraît aussi important que la classique question de son orthodoxie en matière morale, souvent posée à un représentant d’une Eglise fortement instituée.

Jean-François Collange souligna l’importance de la présence du théologien aux débats à un moment important de l’aventure humaine. Sa voix se fait entendre parmi d’autres, dans l’attention aux réalités nouvelles de la science. Il est invité à faire acte d’interprétation, d’herméneutique. Quant aux valeurs et convictions qu’il porte, on ne peut toujours les qualifier d’universelles, mais la Tradition chrétienne témoigne à leur propos d’une certaine hiérarchie. D’ailleurs, une valeur n’est jamais désincarnée, elle s’exprime dans des engagements, dans des récits. Elle se transmet par le fait qu’elle enclenche des actions. Le spécifique de la vision chrétienne, biblique, ne serait-il pas aujourd’hui un ré enchantement du monde, et la proposition d’une anthropologie résolument relationnelle ?

Pour Monique Canto Sperber, les contributions de théologiens au CCNE se révèlent fructueuses quand ils participent à l’élucidation non dogmatique d’une question posée. Les innovations scientifiques donnent des puissances pour agir, et elles commandent de nouveaux rapports à la vie et à la mort. Un travail intellectuel de clarification est nécessaire , avec les moments suivants: bien comprendre ce dont il s’agit, identifier et isoler rationnellement les points moralement pertinents, les « points de contact avec la valeur », puis se lancer dans un travail de pondération, notamment entre des valeurs en conflit. Chacune de ces étapes comporte une décision, jusqu’à ce qu’émerge la conclusion. Dans ce travail, la théologie morale a un rôle difficile. Mais ne peut–elle avoir recours à certains aspects de sa tradition : la « loi naturelle », la casuistique, la dimension communautaire de la personne ? La philosophe évoque le débat au sein du CCNE sur « l’enfant médicament », où s’opposaient deux positions morales : la sincérité de l’engagement parental face à l’affirmation que la condition humaine n’est pas manipulable. Dans de tels débats, l’enracinement dans une tradition morale est d’importance, et l’affirmation de normes plus utile que l’élaboration du compromis. Que le théologien n’ait pas peur de faire s’il le faut acte de résistance.

De l’échange qui suivit ces interventions, quelques bribes : faire connaître la conflictualité… repérer les lignes de fractures… les différentes rationalités. Ou encore, en ouverture finale : marcher avec, protester, réenchanter.

A-Dieu, Xavier !

La veille du 15 août, alors que Jean-Paul II doit arriver à Lourdes, Xavier Thévenot rejoint « l’autre rive ». Comme un bon « professionnel » de la pêche, il rentre au port au petit matin, alors que la nuit fait place au jour et que se révèle en toute lumière la récolte de l’effort accompli. Après avoir navigué une vie durant en « eaux profondes », tantôt en eaux calmes et tantôt dans la tempête, tantôt comme enseignant, éducateur, théologien, tantôt comme accompagnateur spirituel, il arrive au port du rendez-vous espéré. Il rencontre Celui sur qui il a misé toute sa vie.

Et devant son Seigneur, avec et en Lui, il peut voir enfin, dans la clarté de l’aurore pascale et l’action de grâce offerte, le travail accompli durant ses 65 ans. Il peut rejoindre les pèlerins à Lourdes, là où, lors d’un pèlerinage militaire, le Seigneur l’avait confirmé dans sa vocation, là où il retourne comme théologien moraliste pour aider à réfléchir sur la

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guérison proposée par le Christ, là où il revient une dernière fois en chaise roulante, alors que la maladie immobilise déjà son corps affligé par la souffrance.

Qu’à cela ne tienne, si ses muscles se figent, son esprit, lui, reste vif, jusqu’au bout. Xavier travaille sans relâche et ses épreuves de santé deviennent un creuset d’approfondissement pour la théologie qu’il professe et la vie spirituelle qu’il promeut dans son écoute de l’autre. Déjà nourrie de sa fréquentation assidue des sciences humaines, cette parole argumentée autour du Donné révélé, priée et vécue au quotidien, se creuse comme une vague de fond. Oui, elle est étonnante la fécondité de cet homme à la fragilité “grâciée”, (cf. Carnet spirituel), touché par un mal lent mais irrémédiable alors qu’il n’a que 42 ans. Le discours qu’il tient et qui le fait vivre est profond, dense, jamais moralisateur, jamais étroitement dogmatique ; au contraire, il rejoint et le cœur et l’intelligence de l’homme, permettant à chacun(e) de s’humaniser à son rythme. Ses étudiants se pressent, des hommes et des femmes viennent lui demander conseil, des jeunes sollicitent l’éducateur salésien, des malades trouvent près de lui le courage de continuer leur chemin… Sans bruit, l’onde de ce travail de fond se répand tandis que la maladie avance. Utilité “sans pourquoi”, disait-il, à l’instar des roses apportées en bouquet par ses amis, des roses-« compagnes qui osent me parler généreusement de la vie, timidement de la mort, et qui me donnent beaucoup plus qu’elles ne me demandent… Dans les moments où la maladie semble rendre absurdes toutes choses, elles m’apparaissent comme une sorte de trouée vers le sens… et vers Dieu…. La fleur, c’est le « Oui, mais… » du Créateur face à l’accablement du mal. C’est le signe, ô combien tangible, de sa Présence gratuite… C’est la possibilité de joindre son propre émerveillement à celui de Dieu devant sa création et de s’écrier avec lui : ‘Comme cela est bon !’ (Gn 1) » (id.)

Xavier, merci pour tout ce que tu as fait, pour tout ce que tu as été, pour chacune et chacun d’entre nous. Avec et en ton Seigneur qui est aussi le nôtre, nous osons nous émerveiller devant ton existence toute donnée et nous écrier, une rose de merci à la main : « Comme cela est bon ! »

Marie-Jo Thiel

Adieu à un autre membre de l’ATEM : Roger Berthouzoz

Roger Berthouzoz OP nous a quittés vendredi 24 septembre 2004 à l'âge de 59 ans. Né le 20 mai 1945 à Saint-Maurice, originaire de Conthey (Valais), il était entré dans l'Ordre des Frères Prêcheurs (province suisse) en 1964. Après des études de philosophie en Belgique et un stage d'études au Rwanda (Kaduha) en 1968-1969, il a fait ses études de théologie, philosophie et histoire à l'Université de Fribourg et obtenu la licence en théologie en 1972 et le doctorat en théologie en 1979. Il est devenu professeur ordinaire à la Faculté de théologie de l'Université de Fribourg en 1993, comme titulaire de la chaire d'Ethique et de Théologie morale spéciale. Il a fondé et dirigé le Centre international de documentation et de recherche en éthique sociale chrétienne (CIDRESOC). Partisan d'une éthique sociale chrétienne, il rappelait que la chute du marxisme ne devait pas nous conduire à une idéalisation du néo-libéralisme (APIC).

Adieu Roger : nous nous sommes connus en 1975-1976 dans un troisième cycle de théologie systématique consacré à Hegel et la théologie contemporaine (publié en 1977 chez Delachaux et Niestlé). Ta connaissance des Pères (suite à ta thèse de doctorat sur saint Irénée) et de Hegel était impressionnante. Ensuite, nous avons co-organisé toi et moi le congrès de l’ATEM de Crêt-Bérard, sur les minorités (1994) (voir le Supplément 194, septembre 1995). Ta foi était robuste et réaliste. Tu aimais les gens, la vie, l’Afrique, la bonne chère. Souviens-toi, nous avons goûté un vin de la meilleure cuvée, un jour de septembre 1993 à Bordeaux, en attendant l’ATEM. Dis Roger, là où tu es, je suis sûr qu’on boit de fins nectars ; mais est-ce qu’on y fume ? Je pense à toi. Denis

Nouvelles bibliographiques

Philippe Bordeyne, L'homme et son angoisse. La théologie morale de " Gaudium e spes ", Paris, Le Cerf, 2004 (colle. Théologie et sciences religieuses. Cogitatio Fidei), 416 pages (avec une préface de Mgr Joseph Doré).

t

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Dans cette version complètement remaniée de sa thèse de doctorat, Philippe Bordeyne nous propose une relecture méticuleuse et passionnante des thèmes de l'angoisse et de l'espérance dans la Constitution Gaudium et spes. Il s'appuie sur les sources rédactionnelles du texte, en mettant remarquablement en lumière le rôle décisif d'acteurs souvent méconnus, tels que Mgr Ménager, Joseph Thomas et surtout Pierre Haubtmann. Cette thématisation de l'angoisse n'est pas seulement éclairante pour la compréhension de la Constitution, mais permet, plus largement, d'interroger les rapports et les types d'articulation - à la fois doctrinaux et méthodologiques - entre l'éthique fondamentale et l'éthique appliquée dans ses différents champs. L'ouvrage se termine par une réinterprétation théologique engagée des rapports entre les inquiétudes socio-politiques de nos contemporains et la question anthropologique du statut de l'angoisse, du tragique et du mal. Des ouvertures bienvenues sont balisées et relayées en direction d'auteurs protestants comme Luther, Kierkegaard, Tillich et Moltmann

(Denis Müller).

Xavier Lacroix, Passeurs de vie Essai sur la paternité. Ed. Bayard, 2004, 318 p., 19,90 EUR.

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Quelle place pour la paternité ? On dit ce lien en crise, mais ne parle-t-on pas aussi de ces « nouveaux pères » participant plus que jamais à l’éducation de leurs enfants ? Des pères-mères ? Les places de père et de mère sont-elles interchangeables ? Sur quels étayages sociaux peut s’appuyer la paternité ?

L’ouvrage tricote - ou détricote pour mieux donner à voir - les fils complexes de cette relation à la fois charnelle, symbolique et relationnelle, touchant des dimensions juridiques, psychologiques… Il s’engage sur la voie phénoménologique de l’apparaître de la figure paternelle. « Si, en effet, chaque père a un visage singulier, absolument unique, il n’est pas ‘père’ sans entrer dans une forme, sans prendre place dans une configuration, sans correspondre à une image que la culture du moment favorise ou conforte plus ou moins. » Et de relever six attitudes qui tiennent de l’esthétique mais également, déjà, d’une éthique. Car la paternité, continue l’auteur, est aussi une aventure spirituelle au sens où elle touche aux choix fondamentaux d’une liberté, à la vie de l’esprit entendue comme « dynamisme de transcendance, c'est-à-dire de dépassement ».

Nul ne peut pourtant être père tout seul, un seul homme ne peut tenir tous les rôles et tout père, « passeur de vie, passeur d’espérance, est lui-même appelé à effectuer des passages en transmettant cette vie qu’il a lui-même reçue et qui ne lui appartient pas… Plus encore, « la paternité assumée jusqu'au bout implique un renouvellement de l’accueil de la vie en sa Source originelle. » Mais s’il y a analogie entre les paternités divine et humaine, enrichissement possible de la seconde par la première, « Dieu n’est pas à l’image de nos parents » ! Une réflexion qui peut contribuer à approfondir et renouveler le sens de la paternité.

(Marie-Jo Thiel)

Hugues Puel, Économie et Humanisme dans le mouvement de la modernité, Cerf, Paris, 2004.

Pour qui s’intéresse à l’histoire du catholicisme social et à la manière dont les chrétiens prennent place dans la société, le livre d’Hugues Puel est intéressant à plus d’un titre. En témoin engagé depuis plus de 40 ans dans le mouvement Economie et Humanisme, fondé par le père Lebret en 1941, l’auteur non seulement rapporte avec précision et passion l’histoire de cette belle aventure des dominicains français et de leurs amis, mais décrit également, avec une belle culture, le contexte social et ecclésial dans lequel s’inscrit cette épopée.

À un moment où l’Église sort de la chrétienté et découvre la modernité, l’intuition du père Lebret, lecteur critique de Marx mais aussi disciple de St Thomas, ouvre une voie nouvelle. « L’économie humaine vise à intégrer dans la tradition catholique une découverte fondamentale liée aux révolutions du monde moderne, celle des structures et des dynamismes économiques dont le rôle est devenu moteur dans l’évolutions des sociétés. Economie et humanisme est un projet de modernisation économique et l’expression d’une dynamique spirituelle fondée sur le sens de la personne et du bien commun et une ouverture à un universel à la fois humain et divin » (p. 72). Mettre en dialogue la conception chrétienne de la personne humaine avec les données et les méthodes de l’économie sera fécond à la fois au plan théorique et pratique et fournira un certain nombre d’outils pour penser le développement du tiers-monde et accompagner l’évolution des sociétés modernes : pédagogie de l’économie, enquêtes participatives, analyse en termes de hiérarchie des besoins, études d’aménagements selon les divers échelons du territoire, etc. C’est aussi la démarche d’un christianisme soucieux d’incarnation et d’engagement social qui met en œuvre des intuitions spirituelles originales : le respect concret (actif) de la personne humaine et une « mystique du bien commun » qui insiste sur la dimension communautaire de la vie humaine.

Ce point de vue humaniste et quelque peu teilhardien aura toutefois du mal à affronter les désillusions et les oukases de la période du structuralisme et de la psychanalyse des années 60-70, sapant les racines de la croyance au progrès et remettant en cause les fondements de l’économie. Ces soubresauts invitent E.H. à rechercher au sein du CNRS et de l’université une reconnaissance scientifique qui puisse assurer son avenir, notamment dans le domaine de la pédagogie économique avec J.M. Albertini, de la sociologie industrielle avec Philippe Bernoux, et de l’économie des services avec Joël Bonamy. Dans ce processus de professionnalisation et de spécialisation éclatée des disciplines, EH fournit une contribution significative à la recherche, mais l’auteur, lucide, s’interroge : n’y a-t-il le risque d’une perte de l’impulsion humaniste originelle ? Il souligne aussi la prise de distance que l’association prend alors avec l’Ordre dominicain et plus largement avec l’institution ecclésiale.

En ce début de XXIe siècle où l’économie se mondialise et se financiarise, où le développement est en crise, EH, assure l’auteur, doit trouver une nouvelle place, en contribuant notamment à redéfinir l’humanisme, en élaborant un nouveau manifeste sur le développement. La réorganisation de la revue, le renouveau des sessions d’été, la poursuite de la recherche sur les questions sociales et économiques ainsi qu’une réflexion nouvelle sur la dimension spirituelle de l’action cherchent à y contribuer.

Ce témoignage sur l’histoire d’EH dans les mouvements de la modernité nous fait prendre conscience des contributions essentielles et souvent mal connues de ce mouvement qui est resté atypique tant pour le monde universitaire que pour le monde chrétien. Il montre également avec lucidité les difficultés des adaptations successives de l’inspiration originelle du père Lebret face aux changements de la question sociale et aux conditions du développement. En fin de compte, il nous interroge sur la visibilité institutionnelle et la réflexion spirituelle des chrétiens engagés avec sérieux et compétence dans le développement humain sous toutes ses formes. Cela n’invite-t-il pas aujourd’hui à rendre l’inspiration « spiritualiste » des origines plus manifeste et plus structurée ?

(Alain Thomasset)

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n° 31 - Juin 2004 La confession de foi de René Simon

Colloque ATEM 2004 Information Nouvelle bibliographique Convocation AG 07-09-04 Échos choisis du dernier CA

éditorial

Réenchanter l’Europe… L’Europe des droits de l’homme est en marche depuis plus d’un demi-siècle. L’Europe des 25 est devenue une réalité avec l’entrée en son sein, le 1er mai dernier, de 10 nouveaux pays membres et l’adoption d’une Constitution européenne (18 juin 2004). L’Europe économique et marchande a été confirmée par l’adoption d’une monnaie commune. L’Europe politique, culturelle, elle, reste quelque peu en panne, « fataliste » (J. Habermas), affalée sur elle-même, se désespérant de la fin des idéologies, source, pense-t-elle, de tous ses malheurs… Partout et toujours l’abstention gagne du terrain – plus de la moitié des européens ne se sont pas exprimés au moment de voter leurs députés le 13 juin dernier –, l’extrême droite s’engouffre dans les béances de la désespérance collective, la discrimination se traduit par des actes violents, voire meurtriers. Et si l’antisémitisme est massivement relayé par la presse, aucun des trois monothéismes n’est épargné. A Strasbourg, ce sont non seulement des cimetières juifs qui sont profanés mais également des chrétiens et des musulmans…

Notre colloque « Europe, spiritualités et culture face au racisme » à Strasbourg en 2003 comme les Actes de près de 500 pages qui seront publiés au mois de juillet 2004 (et dont je reprends ici quelques aspects) arrivent à point nommé. Aujourd’hui, en effet, il ne suffit plus de vouloir « resserrer le maillage horizontal des gouvernements nationaux » comme le propose J. Habermas, il ne suffit pas de miser seulement sur l’organisation politique (si importante soit-elle), les citoyens doivent encore pouvoir se reconnaître en celle-ci. L’universalité de l’humanité et des droits de l’homme suppose la reconnaissance des identités particulières et réciproquement. « Tout pays démocratique, écrit Charles Taylor, a besoin d’une identité commune au sens d’une ‘forme’ dans laquelle les citoyens se reconnaissent comme appartenant ensemble à un même groupe. »

Sans doute est-il plus facile de mener au désenchantement que de réenchanter et, qui plus est, de réenchanter valablement, dans le respect de la dignité de tout être humain, en évitant et la séparation discriminante de l’apartheid, du nationalisme ou d’un certain communautarisme et la confusion angoissante et mortifère d’une universalité lisse et insipide, indifférenciante et violente. Le traitement de l’extrême droite, la résolution des questions posées par les immigrés et les dilemmes engendrés par les intégristes religieux et sectaires de tous bords ne sauraient se départir d’une réflexion de fond quant à une citoyenneté consistante, se nourrissant et de son ouverture sur l’altérité et l’universalité et de son enracinement dans le tissu d’une appartenance symbolique susceptible de médiatiser la reconnaissance et la confiance en soi. Il devient alors évident que la gestion du cosmopolitisme, de ses résistances et de sa fécondité, ne peut être que globale mais aussi différenciée. Car l’expérience française, par ex., n’est pas l’expérience allemande. La première,comme le rappelle la cinquième thèse franco-allemande de Rudolf von Thadden et André Bord, « montre qu’une politique d’assimilation sans prise en compte suffisante des empreintes culturelles conduit à des résistances et à des réactions de rébellion. [Alors que] l’expérience allemande enseigne qu’une politique tournée seulement vers la communauté de vie multiculturelle favorise les exclusions qui à leur tour suscitent la xénophobie. »

Le champ de la culture et de la religion joue donc un rôle clé. Si par mésusage et abus, il peut parfois être utilisé pour favoriser le racisme, il est aussi la ressource par excellence, le lieu incontournable pour lutter contre la discrimination sous toutes ses formes. Le théologien moraliste ne saurait s’en désintéresser. René Simon, dont cette Lettre de l’ATEM honore la mémoire à l’occasion de son décès le 3 mai dernier, n’aurait pas dit le contraire…

Marie-Jo Thiel

La confession de foi de René Simon [24.07.1912 - 03.05.2004]

Je voudrais donner à ma parole une tournure très personnelle, dans laquelle s’exprimera ma foi en Christ ressuscité, quelles que soient par ailleurs les questions que je pourrais me poser et que je pose en fait quand je dis justement que Christ est ressuscité d’entre les morts. La question comme question me suit et structure ma foi, mettant en relief ce que celle-ci peut avoir de paradoxal. Le texte de Paul est là, incontournable : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité, et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi

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notre foi… Mais non ; Christ est ressuscité, prémices de ceux qui sont morts ». L’essentiel de la foi chrétienne tient dans ces mots : « Christ est ressuscité ». La mort n’a pas le dernier mot. Affirmation qui me vient de la foi en la parole de Jésus. Pas de preuves, heureusement d’ailleurs, mais précisément une foi en celui qui a donné sa vie pour ceux qu’il aime, c’est-à-dire pour l’humanité passée, présente et future. Pas une foi aveugle toutefois, mais, selon un mot célèbre, une foi en quête d’intelligence : fides quaerens intellectum ; une quête de sens toujours en acte, face aux dénis de l’existence, du scandale du mal en particulier dans ses multiples formes et des doutes qu’il peut engendrer.

Je me reporterai ici à la parole de Jésus au moment de sa mort : « Eli, Eli, lama sabactani ? », « Mon Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». À l’extrême limite de sa responsabilité (la réponse qu’il donne au Père), il reste à Jésus à trouver la figure de son obéissance. En réalité, cette figure lui est imposée, mais il en avait lucidement couru le risque dans la fidélité même qui le constituait et qui ne pouvait pas ne pas rencontrer la violence, la haine et le péché, le rejet et le verdict de condamnation à mort qui en découlait. À cet instant dernier de son existence terrestre, personne ne pouvait prendre sa place de Fils, même pas le Père. Il fallait que le Père s’effaçât pour laisser le Fils prendre sa stature de Fils et rendre possible la réponse de la résurrection. L’absence du Père à cette heure est paradoxalement le signe de son amour et non point de son indifférence. Le Fils porte jusqu’au bout la responsabilité de sa prédication et de son action. Dans ce contexte, la résurrection jaillit de cette obéissance responsable, conduite jusqu’à l’extrême, comme la réponse d’amour du Père et s’accomplit dans l’envoi de l’Esprit de la Pentecôte pour la construction du corps historique du Fils.

René Simon, texte écrit durant la semaine sainte 2000

Colloque Atem 2004 : « Parole opportune, parole importune ? »,

du 07 septembre au 09 septembre 2004 à Toulouse Le colloque de l’Atem se tiendra cette année du mardi 07 septembre au jeudi 09 septembre 2004, à l’Institut catholique de Toulouse, sur le thème : « Parole opportune, parole importune ? ». Pour ceux qui le désirent, ces journées de réflexion s’ouvriront par la soirée d’actualité éthique et théologique le lundi 06 à 20h. Le colloque proprement dit s’attachera, dans une perspective pluridisciplinaire, à scruter l’usage éthique de la parole, du dit et du non-dit. Trois axes thématiques principaux donneront lieu chacun à deux conférences. Le premier abordera le thème de la parole et de la promesse. Y interviendront Pierre Deberge, de Institut catholique de Toulouse : « Vous avez appris qu’il a été dit… Eh moi, je vous dis… » [Mt 5,21-22], Alain Thomasset et Étienne Grieu, du Centre Sèvres : « La promesse, au fondement des relations interpersonnelles et sociales ». Le deuxième axe, qui formera l’épine dorsale de l’après-midi du mardi 07 septembre, se consacrera à la thématique « parole et vérité ». « La vérité du mensonge » sera abordée par Luc-Thomas Somme (Institut catholique de Toulouse) tandis Bertrand Thomas, directeur de l’École du journalisme de Toulouse, traitera des « quatre vérités des médias ». La matinée du mercredi se centrera sur la problématique « parole et relation », troisième axe de ce colloque. Henri-Jérôme Gagey, de l’Institut catholique de Paris, l’abordera par l’angle de la théologie fondamentale : « Payer le prix de la vérité » tandis que Henri Mialocq le fera sous l’angle de la psychologie : « L’acte de parole, un événement pour une rencontre ». Enfin, une table ronde conclura sur le rapport entre « parole et violence », que Corina Combet-Galland, Institut protestant de Paris, aura initié dans sa conférence du jeudi matin : « Venir en lumière : une violence ? ». Des questions telles que le serment, le secret, le mensonge, la manipulation de l’information, la dérision pourront être évoquées. Notre réflexion d’éthiciens portera le souci de dégager l’impact de la parole sur la vie sociale ; notre conviction de croyants ne saura ignorer que la Parole s’est faite chair et que l’existence chrétienne dépend de cette incarnation du Verbe. Plus que pour tout autre sujet, il y a ici matière à débat, car la parole ne sera pas que sur l’estrade ; elle demandera à être partagée et confrontée.

– la date limite d’inscription est le 31 juillet –

Information

Véronique Margron a été élue doyen de la Faculté de théologie d'Angers.

Luc-Thomas Somme a été élu, le 07.06.04, doyen de la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouse.

Nouvelle bibliographique

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Véronique Margron, La douceur inespérée. Quand la Bible raconte nos histoires d’amour, Paris, Bayard, 2004.

L’ouvrage se propose de parler de la vie affective et sexuelle à partir des grands textes de la Bible mais également sur le mode de la parole personnelle. Au nom de quelle compétence ? Celle, répond Véronique Margron, de « la passion pour un Dieu fait chair qui concerne nos existences ». Après avoir étayé les grandes réalités et les principes de l’éthique théologique, sur le mode narratif dans les deux premiers chapitres, elle propose une relecture théologique qui constitue la moitié de l’ouvrage : récit des origines dans le livre de la Genèse, Décalogue, Cantique des cantiques et récit de la résurrection en s. Jean. « L’éthique interroge toute vie qui se veut humaine ! »

(M.-J. Thiel)

Convocation de l’Assemblée Générale

07 septembre 2004 à Toulouse Ordre du jour :

1. PV de l’AG de Strasbourg (29.08.03)

2. Rapport moral du président

3. Rapport financier du trésorier

4. Nouveaux membres

5. Renouvellement partiel du Conseil

Pour rappel, le CA est actuellement composé de :

- les cinq membres du bureau : É. Gaziaux, D. Müller, H. Puel, M.-J. Thiel, A. Thomasset (élus en 2002 sauf A. Thomasset) ;

- élus en 2001: Ph. Bordeyne, J.-P. Durand, A. Guimet, G. Médevielle ;

- élus en 2002 : F. Daull, L.-T. Somme, B.-M. Duffé, C. Batailh ;

- élus en 2003 : K. Lehmkühler, R. Heyer.

Les membres dont le mandat arrive à échéance sont donc : Ph. Bordeyne, J.-P. Durand, A. Guimet, G. Médevielle.

6. Premiers échos du colloque de Toulouse

7. Colloque 2005 à l’université Laval (Québec). Seront présents pour préciser l’état du projet : Bernard Keating et Didier Caenepeel

8. Prochains colloques

9. Divers

NB : Celles et ceux qui ne pourraient être là sont invités à donner une procuration ; cette procuration devra être transmise au secrétaire lors de l’AG.

Échos choisis du dernier CA

Nouveaux membres C. Mandry (É. Gaziaux et M.-J. Thiel), N.-J. Sed (V. Margron et H. Puel),L. Lemoine (D. Foyer et M.-L. Lamau) sont acceptés comme nouveaux membres.

RETM La parole est donnée à N.-J. Sed, directeur de la publication et de la rédaction de la Revue d'éthique et de théologie morale, pour la présentation du nouveau " concept " de la RETM. Parmi les points signalés, nous relevons les suivants :

- Il n'y aura plus de « dossiers » dans la RETM. Celle-ci se voudra une revue d'articles et de recherche scientifiques ;

- Quatre numéros par an sont prévus (de 144 pages) ;

- Les articles pourront être suivis de l'une ou l'autre chroniques ;

- Les articles ou présentations critiques d'ouvrages seront privilégiés par rapport au type « recensions » ;

- Les auteurs d'articles bénéficieront de la liberté que l'Église accorde à la recherche scientifique ;

- Les articles couvriront différents domaines de l'éthique et de la théologie morale ;

- La revue est ouverte aux différentes confessions.

Ce changement de perspective engendre deux défis :

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1. Les articles devront être à la pointe de la recherche et signaler des enjeux de recherche ;

2. Une politique active de proposition d'articles à la RETM devra être mise en place.

Il est à noter que le numéro de juin sera un numéro de transition. Un cinquième numéro est prévu, il sera un hors-série thématique qui prendra la forme d'un supplément pour les abonnés et qui circulera en librairie. Ce numéro reprendrait le colloque de l'Atem et sa publication serait prévue fin août avant le colloque annuel de l'Atem.

Un document de collaboration entre la RETM et l'Atem devra être formalisé. Il sera envoyé au bureau pour discussion et proposé au prochain CA. Le colloque de Strasbourg sera publié sous forme de volume en version « bilingue « (c’est-à-dire avec une présentation brève du texte qui est dans l'autre langue).

Le nouveau comité de rédaction de la RETM est composé de : N.-J. Sed (directeur de la publication et de la rédaction), L. Lemoine (rédacteur en chef), É. Gaziaux, P. Marin, V. Margron, B.-D. Lafille.

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n° 30 - Mars 2004 Centre Sèvres et ATEM Colloque ATEM 2004 Parole opporotune, parole importune ? Nouvelle bibliographique

éditorial

De quelques sophismes de l’épicurisme bien pensant du temps présent On a pu lire une charge fort polémique du philosophe Michel Onfray contre la religion en général et le christianisme tout spécialement, dans Libération du 3 décembre 2003, sous la protection ambivalente de Voltaire. Ce fut un exemple assez désolant d’inculture historique et de préjugés dogmatiques. Pour un peu, on se serait cru revenu au temps du matérialisme soviétique.

Notre philosophe appelait de ses vœux « une éthique vraiment post-chrétienne ». Il n’est ni le premier ni le dernier à vaticiner de la sorte. C’est son droit. Est-ce une raison pour recourir à des amalgames aussi excessifs ? Qu’on en juge : « Tous les défenseurs du Dieu unique détestent la vie et invitent chacun à mourir de son vivant pour moins perdre le jour du trépas – qui les terrorise ». Voilà une affirmation qui ne brille pas par son sens de la nuance et qui nous ramène quelques siècles en arrière, dans l’obscurantisme plus que dans la lumière. Voltaire, appelé à la rescousse, était moins simpliste et de toute façon plus déiste que cela. Mais le jeune polémiste à la mode a la mémoire courte et les références tronquées. Onfray n’a que mépris pour le christianisme en général et pour le catholicisme en particulier. Il va cependant jusqu’à inclure les trois monothéismes dans son anathème impitoyable et monolithique. Judaïsme, christianisme et Islam sont voués aux gémonies, tous unis dans une commune « détestation des femmes, des désirs, des pulsions, des passions, de la sexualité » (sic). Pour être disert et interminable, le propos n’en reste pas moins un lieu commun d’une grande platitude. Feuerbach, Marx, Nietzsche, le divin marquis, Georges Bataille, Michel Foucault ont su instruire une critique de la religion tout aussi vive, mais plus subtile. Des Lumières ne semblent subsister que le désir éphémère de briller et la mise à l’ombre et en sourdine de la pensée authentique et de la véracité. « Ose savoir », disait Kant dans son fameux libelle Was ist Aufklärung. Jamais il ne se serait attendu, ce grand admirateur de Rousseau, à une telle absence d’illumination de la part d’un héritier de Descartes.

Onfray ne voit dans les religions monothéistes que balivernes, sottises pour les enfants, débilité et malhonnêteté tout à la fois.

Reconnaissons un mérite à l’audacieux pamphlétaire. Il a bien repéré les sophismes d’une laïcité dogmatique et idéologique qui voudrait tenir lieu, dans l’espace public, de cadre de référence censé réguler le conflit des interprétations. Or la laïcité, bien comprise, n’est qu’un cadre formel et procédural, une garantie démocratique de protection des valeurs de chacun, en tant qu’homme et citoyen, et non des valeurs de la laïcité comme telle.

Pour que la laïcité devienne convaincante et féconde, il importe de la comprendre comme un espace véritablement démocratique (et pas seulement « républicain », terme dont l’universalité est trop souvent ternie par le nationalisme et le provincialisme), où toutes les opinions peuvent être émises, entendues et discutées. Les thèses agnostiques et athées y ont leur place, mais non moins leur discussion et leur critique.

Le christianisme doit balayer devant sa porte, en chacune de ses composantes confessionnelles ; La critique de la religion passe par la critique de sa propre religion. Mais ce qui vaut pour les religions, avec leur risque évident de redoublement de la violence humaine par la violence supposée du divin (risque bien connu, analysé et critiqué comme tel, y compris par les théologiens depuis de nombreux siècles), ne vaudrait-il que pour les religions ? Enseigner le fait athée à l’école, n’est-ce pas, tout autant, enseigner les ambivalences et les ambiguïtés des athéismes, leurs pactes avec la violence, l’intolérance et la persécution ? Nous le savons bien, comme croyants et comme théologiens : plus notre idéal est haut et pur, plus dur est le risque de chute, de trahison et de perversion. L’athéisme ne saurait échapper à cette mise à l’épreuve.

Plutôt que de vouloir mettre en concurrence simpliste, dans l’Ecole et dans l’espace public, le fait athée et le fait religieux, ne serions-nous pas tous mieux inspirés, quand nous enseignons le fait religieux, de respecter la critique de la religion (pas un cours de théologie sérieux, en modernité, qui n’ait à se coltiner aux objections de Freud, de Marx ou de Nietzsche) et, quand nous faisons état du fait athée, d’en problématiser les fausses évidences en même temps que nous en discutons les sens possibles et les lancinants défis ? Afin que les savoirs progressent et que la tolérance devienne une expérience intellectuelle et citoyenne réelle.

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Denis Müller, président de l’ATEM

Centre Sèvres et ATEM

La faculté de théologie du Centre Sèvres a organisé, en collaboration avec l’ATEM, une soirée-débat sur la question de « la place des théologiens moralistes dans le débat public ». Trois membres du Comité Consultatif National d’Ethique, deux théologiens (Olivier de Dinechin et Jean-François Collange) et une philosophe (Madame Monique Canto Sperber) étaient invités à dire, à partir de leur expérience du débat public, comment ils comprenaient cette place.

Olivier de Dinechin a insisté sur la figure du témoin qu’est pour lui le théologien moraliste, témoin éclairé par une foi, témoin d’une tradition qui fonde la valeur de l’homme jusque dans le tragique des situations. Après avoir présenté un rapide et éclairant aperçu des différents lieux où le théologien moraliste est consulté dans la société française, (et donc des différentes façons de faire de la théologie morale,) il a abordé la question de la théologie morale dans son rapport à la philosophie et au droit. Reconnaître les théologiens comme les témoins d’une foi toujours interrogée par la raison, c’est comprendre leur tâche, non comme la recherche d’un compromis, dans l’air du temps, mais comme une participation aux controverses, en « contestant la tentation d’auto-position de l’homme »! C’est aussi savoir être solidaire de sa tradition, en évitant deux écueils contradictoires : celui d’une dévalorisation auprès des pouvoirs publics qui le consultent, si le théologien moraliste est par trop hétérodoxe; celui d’une disqualification auprès des média si ce dernier ne fait que répéter « la voix de son maître » !

Jean François Collange a présenté le théologien comme le représentant d’une conviction qui a sa place parmi d’autres. Il a insisté sur la notion de « présence », dans le débat public, non pour dire le bien, mais pour participer à la recherche « commune et communicationnelle » du bien. Pour lui, l’essentiel de ce travail commun, dans le cadre d’un Comité d’éthique, est de bien poser les questions éthiques. Il reconnaît l’apport du théologien au service de l’analyse des phénomènes sociaux-culturels par sa méthode, son expérience de l’herméneutique : faire œuvre d’herméneutique pour un agir juste. Mais le théologien est aussi le témoin d’une certaine hiérarchie des valeurs. Si pour J.-F. Collange le problème de nos sociétés occidentales est de reconnaître une hiérarchie commune des valeurs postulées universelles, les chrétiens, en nommant une réalité transcendante « notre Père », configurent une hiérarchie des valeurs spécifique, exprimée dans des récits qui mobilisent et qui engagent une vision transformée de l’homme ainsi qu’un univers symbolico-éthique. Le rôle du théologien est de contribuer à redécouvrir le monde comme « lieu d’un réel enchantement ».

Madame Canto-Sperber a caractérisé le travail des théologiens moralistes catholiques et protestants au CCNE de « contribution réelle et fructueuse » par leur participation libre et ouverte. Elle a exposé tout d’abord la procédure de ce travail qu’elle comprend comme « un effort commun pour trouver et analyser d’une manière collective les bonnes lignes de fractures ». Il importe en effet de comprendre les conceptions morales qui s’opposent, les conflits d’interprétations morales de l’action humaine et de ses limites pour dire les limites fondamentales de toute condition humaine. Pour madame Canto-Sperber, la tâche morale est un travail de décision, travail intellectuel et moral difficile, qui s’effectue à chaque étape d’une procédure en 5 étapes : la première, intellectuelle et morale, est de bien comprendre ce dont il s’agit ; puis de trouver les bonnes articulations, les points moralement pertinents ; de mettre alors en évidence les valeurs fondamentales, lieux sur lesquels il y a des divergences ; puis de procéder à un travail de pondération, en prenant conscience de la difficulté à s’engager dans une décision morale pour savoir quelle valeur va primer. Enfin un travail final d’évaluation : ce qui émerge en dernier sera inscrit dans l’avis. La morale ainsi comprise n’est pas un accompagnement, mais un pilier, une déclaration de valeur qui pose une norme et non pas seulement un compromis. Madame Canto-Sperber qualifie l'apport des théologiens à la réflexion éthique d’important, en s’appuyant sur la notion de « co-appartenance » originale entre le religieux chrétien et la rationalité. La désignation religieuse de l'incommensurable conteste notre société de « commensurabilité généralisée ».

La réflexion qui a suivi a permis de comprendre les conditions de possibilité d’une théologie morale jugée pertinente dans le débat contemporain. Nous retiendrons la notion de « débat moral », qui n’est pas une tradition française, et l’exigence qu’il pose d’être capable d’identifier les conflits moraux, dans une situation de pluralisme des valeurs. Il y a en effet des questions qui ne sont pas moralement pertinentes ! La théologie morale est reconnue dans sa dimension herméneutique, dans sa dimension argumentative, dans sa capacité critique à analyser les situations pour en dégager les conflits moraux, mais aussi dans son rapport critique à sa tradition propre, qui a structuré notre espace commun.

Colloque Atem 2004 : « Parole opportune, parole importune ? »,

du 07 septembre au 09 septembre 2004 à Toulouse

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Le colloque de l’Atem se tiendra cette année du mardi 07 septembre au jeudi 09 septembre 2004, à l’Institut catholique de Toulouse, sur le thème : « Parole opportune, parole importune ? ». Pour ceux qui le désirent, ces journées de réflexion s’ouvriront par la soirée d’actualité éthique et théologique le lundi 06 à 20h. Le colloque proprement dit s’attachera, dans une perspective pluridisciplinaire, à scruter l’usage éthique de la parole, du dit et du non-dit. Trois axes thématiques principaux donneront lieu chacun à deux conférences. Le premier abordera le thème de la parole et de la promesse. Y interviendront Pierre Deberge, de Institut catholique de Toulouse : « Vous avez appris qu’il a été dit… Eh moi, je vous dis… » [Mt 5,21-22], Alain Thomasset et Étienne Grieu, du Centre Sèvres : « La promesse, au fondement des relations interpersonnelles et sociales ». Le deuxième axe, qui formera l’épine dorsale de l’après-midi du mardi 07 septembre, se consacrera à la thématique « parole et vérité ». « La vérité du mensonge » sera abordée par Luc-Thomas Somme (Institut catholique de Toulouse) tandis Bertrand Thomas, directeur de l’École du journalisme de Toulouse, traitera des « quatre vérités des médias ». La matinée du mercredi se centrera sur la problématique « parole et relation », troisième axe de ce colloque. Henri-Jérôme Gagey, de l’Institut catholique de Paris, l’abordera par l’angle de la théologie fondamentale : « Payer le prix de la vérité » tandis que Henri Mialocq le fera sous l’angle de la psychologie : « L’acte de parole, un événement pour une rencontre ». Enfin, une table ronde conclura sur le rapport entre « parole et violence », que Corina Combet-Galland, Institut protestant de Paris, aura initié dans sa conférence du jeudi matin : « Venir en lumière : une violence ? ». Des questions telles que le serment, le secret, le mensonge, la manipulation de l’information, la dérision pourront être évoquées. Notre réflexion d’éthiciens portera le souci de dégager l’impact de la parole sur la vie sociale ; notre conviction de croyants ne saura ignorer que la Parole s’est faite chair et que l’existence chrétienne dépend de cette incarnation du Verbe. Plus que pour tout autre sujet, il y a ici matière à débat, car la parole ne sera pas que sur l’estrade ; elle demandera à être partagée et confrontée.

Nouvelles bibliographiques

Jean-Marie Gueullette, L’amitié. Une épiphanie, Paris, Le Cerf, 2004, 333 pages (Recherches morales).

Dans cette thèse de doctorat, l’auteur, dominicain et ancien trésorier de l’ATEM, développe avec finesse et profondeur une phénoménologie de l’amitié, dans ce qui la différencie de l’amour (avec ses connotations et ses expressions sexuelles). De très belles pages tentent d’éclairer des questions fort actuelles, comme l’amitié entre hommes et femmes, de même que les amitiés entre hommes, d’une part, et entre femmes, d’autre part. La ligne de crête entre les amitiés entre personnes de même sexe et homosexualité est clairement analysée. Il se dégage de l’ouvrage un plaidoyer pour une signification anthropologique et éthique de l’amitié comme telle, de même qu’un projet de reprise théologique de sa signification, dans l’ordre de la confiance et de la foi et aussi en lien avec la mystique. Une réflexion courageuse, au cœur de questions éthiques et religieuses contemporaines très épineuses (D. Müller).

Geneviève Médevielle, Le bien et le mal, Paris, Les Éditions de l’Atelier, coll. Tout Simplement, 2003.

Ancienne vice-présidente de l’ATEM, actuellement en charge du Cycle des Études du Doctorat à l’Institut catholique de Paris, Geneviève Médevielle laisse transparaître dans cet ouvrage savoureux, destiné à un large public, les multiples facettes de son expérience de théologienne moraliste. L’axe choisi pour présenter la question morale aurait pu confiner le propos dans le seul champ de la foi, car le débat public thématise davantage le juste et l’intolérable, la norme et les convictions. Mais l’A. montre que l’amour du bien, regardé par les chrétiens comme le moteur de la vie morale, les jette au cœur des défis de notre temps, à commencer par le combat pour les droits de l’homme. Cette option ne réduit pas la complexité du discernement, mais forge le courage de l’affronter avec les armes de la raison. Les exemples concrets, puisés dans de multiples cultures, illustrent la pédagogie de l’A., qui a nourri son enseignement universitaire de sessions de formation dans les Églises locales, en France et à l’étranger. On reconnaît aussi la spécialiste de Troeltsch, habituée à scruter les formations diversifiées de l’éthos chrétien dans l’histoire et dans les sociétés. Ou encore la religieuse ignatienne qui, pour ses jeunes sœurs japonaises, puise chez l’écrivain Endô le récit des choix antagonistes faits par deux jésuites au temps des persécutions, ce qui donne à réfléchir sur l’action dans un monde encore aux prises avec le mal. Ou encore celle qui, à la faveur de cours dispensés dans un séminaire tchadien, découvre dans les luttes concrètes des femmes africaines en quoi l’adhésion à une promesse d’existence universelle donne la liberté de critiquer une tradition sans la renier. La clé de ce parcours de théologie morale tient en deux convictions mûries : « en dépit du mal qui peut nous écraser, notre vie est tissée d’actes de bonté », « la foi dans le Dieu de Jésus-Christ est une authentique source d’orientation et d’inspiration » (p. 15). On retrouve la veine de la Lettre aux catholiques de France (1996), à laquelle l’A. a collaboré activement. On entend surtout le plaidoyer pour une manière originale d’envisager la vie spirituelle, non à côté de la quête morale, mais en dialogue avec elle, pour servir la tradition vivante du discernement dans une société pluraliste où l’amour du bien doit assumer le labeur de la raison dans la complexité du réel. (Ph. Bordeyne)

Simonne Plourde, Avoir-l’autre-dans-sa peau. Lecture d’Emmanuel Lévinas, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 135 pages. -

Dans cet ouvrage concis et limpide, la philosophe de Rimouski, membre correspondante de l’ATEM et grande spécialiste de Lévinas, nous livre une synthèse magnifique de l’éthique lévinassienne. Elle la défend notamment contre les critiques inadéquates de Daniel Sibony. La discussion subtile et pondérée du dialogue entre Ricoeur et Lévinas montre que si les deux œuvres, magistrales en leur spécificité, offrent des convergences indéniables, la divergence reste marquée par un agacement étrange de Ricoeur envers la structure d’Autrement qu’être. L’ouvrage est dédicacé à René Simon à l’occasion de son 90e anniversaire (D. Müller)

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n° 29 - Novembre 2003 L’affaire « Vincent Humbert » Á propos du colloque de Strasbourg Informations Nouvelles bibliographiques Les aumôneries sont-elles déchristianisées ?

éditorial

L’importance des sources de l’éthique et le rôle de la théologie De tous les côtés, les théologiens moralistes sont sollicités pour défendre et illustrer les positions ecclésiales ou chrétiennes sur les sujets les plus variés ; l’opinion publique les attend sur du concret, mais aussi sur du solide, du fondé, du profond. L’exercice requiert une vaste culture historique, un enracinement bibliques, des ressources spirituelles et un talent de communicateur. Autan tdire que l’éthicien chrétien individuel ne réunit en lui-même qu’une partie des multiples exigences de la profession. Cela ne donne que plus de portée et de signification à la communauté de travail et d’espérance que constitue une association fraternelle comme l’ATEM.

Un aspect important du débat concerne le rôle des sources de l’éthique. De nombreux travaux philosophiques contemporains (qu’on pense par exemple aux Sources du soi de Charles Taylor ou à L’invention de l’autonomiede Jerome B. Schneewind) nous apprennent à quel point ces sources sont diverses, riches et stimulantes.

En théologie morale, la question du statut de l’Écriture sainte fait l’objet de discussions et d’études d’une grande intensité. Il est heureux de constater que ce type de problématique traverse les confessions. Dans le sillage de Vatican II, la théologie morale catholique s’est profondément renouvelée et a redonné aux textes bibliques une place centrale et constitutive. Au plan académique et œcuménique, on ne compte plus les contributions méthodologiques et théologiques rigoureuses qui renouvellent notre regard sur l’herméneutique éthique de la Bible (de la thèse d’Alain Thomasset sur la poétique de la morale chez Ricœur aux travaux socio-historiques de Gerd Theissen ou de Wayne Meeks sur l’ethos des chrétiens, en passant par la contribution croissante de nos collèges biblistes à des thèmes éthiques concrets). Un de nos membres, Philippe Bordeyne, vient d’éditer un ouvrage collectif intitulé Bible et morale (Paris, Cerf, 2003), résultant d’un colloque interdisciplinaire fort intéressant organisé par l’Institut catholique de Paris sur cette thématique. Les organisateurs du colloque avaient pris pour test méthodologique deux textes sur les migrations parus en 1993 dans un numéro de Concilium (textes de Frank Crüsemann et du soussigné).

Comme le relève pertinemment Geneviève Médevielle dans cet ouvrage, une certaine division du travail peut nous conduire à privilégier, dans telle circonstance, les enjeux sociaux d’une problématique, au risque de ne pas approfondir suffisamment nos propres références scripturaires ou de ne pas expliciter assez clairement nos présupposés de méthode ou d’interprétation. Il est donc légitime et fécond que des collègues non seulement nous interpellent à ce sujet, mais contribuent, par leurs propres travaux, à jeter de nouvelles lumières bibliques et théologiques sur les objets de notre responsabilité commune.

Denis Müller, président

L’affaire « Vincent Humbert »

Il est indéniable que le drame de Vincent Humbert, jeune homme presque totalement paralysé, mal-voyant et devenu incapable de parler à la suite d’un grave traumatisme crânien, a représenté un véritable événement, surtout en France. Il a en tout cas suscité beaucoup d’émotion, d’autant que (sans préjuger d’éventuels rebondissements) il s’est déroulé en trois actes : la lettre envoyée au Président de la République pour solliciter « un droit de mourir », la tentative de la mère du jeune homme de provoquer sa mort, suivie d’un commencement puis d’un arrêt de soins intensifs, cet arrêt étant commenté de deux manières très différentes par le médecin réanimateur. On peut ajouter un autre « fait » : la publication d’un livre, « Je vous demande le droit de mourir », « élaboré » par un journaliste à partir de « propos recueillis » auprès de Vincent H., et « programmé pour paraître pile le jour supposé secret d’une mort annoncée » selon les termes employés par Dominique Lecourt (La Croix, 7 octobre 2003). Tout cela a été très largement commenté par les médias.

Voilà qui demande interprétation.

- La situation de Vincent H. était évidemment dramatique, marquée qu’elle était par une dépendance extrême. Ce drame personnel a été transformé en un fait médiatique livré aux commentaires de toute la population. On peut se demander si la souffrance d’autrui n’appellerait pas plutôt à une certaine retenue.

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- Ma seconde remarque concerne la connaissance du drame et de ses circonstances. Pour ma part, ayant suivi de très près ce qui a été publié, je reste avec de nombreuses interrogations. Dans le livre, que retenir comme exprimant le point de vue de Vincent H., et qu’est-ce qui est « prose » du journaliste ? Les contradictions ne manquent pas dans l’ouvrage, mais ses grandes lignes semblent pouvoir être retenues comme authentiques.

- Si ce jugement est accepté, l’ouvrage peut alors être confronté à un autre document, l’article publié début octobre dans le Quotidien du Médecin après enquête dans le service de rééducation où avait été soigné le jeune homme. Cet article est disponible sur le site www.quotimed.com. À le lire on prend conscience, si cela n’a pas été le cas auparavant, que le drame posait des questions qui ne sont guère apparues dans le débat public.

Vincent H. demandait « le droit de mourir ». Quelle était alors la première responsabilité des soignants, sinon de se mobiliser pour tenter de l’aider à vivre ? C’est bien ce que semble avoir essayé l’équipe soignante. Le jeune homme s’était adressé au Président de la République, qui semble avoir fait des propositions répondant aux plaintes de Vincent H., à ces plaintes par lesquelles il justifiait sa demande. Mais, lui, qu’a-t-il entendu ou vu à la télévision (qu’il « regardait » beaucoup – cf. p. 83 – car il avait gardé une certaine vision), sinon une vive approbation de sa volonté de mourir ?

Il jugeait que sa vie n’était plus une vie (le livre emploie des mots plus crus !). Et voici que le jeune homme qui sortait à peine de l’adolescence et dont les rêves se limitaient à devenir pompier de Paris reçoit désormais des coups de fil du Président de la République et sait que la photo qu’il a choisie lui-même « a été diffusée par tous les journaux ». Il entend la télévision parler abondamment de lui. Selon les mots mêmes du livre ( p. 15 et 16), il est « devenu une star ». Une certaine presse fait de lui un héros. Un héros de la mort !

Comment n’aurait-il pas été conforté dans son désir premier de mort, d’autant qu’un grave traumatisme crânien produit souvent une certaine rigidité de pensée. De plus, entre une mère et un adolescent restant de façon prolongée en coma ou en état végétatif, se produit souvent une relation très étroite, surtout en l’absence d’un tiers qui pourrait réintroduire une certaine distance. En l’occurrence, « une symbiose fusionnelle avec celle qui lui a donné la vie et dont il disait attendre qu’elle lui donne la mort, et qui était présente tous les après-midi à ses côtés : ainsi s’est écoulée l’existence de Vincent Humbert au service A de (l’Établissement) Héliomarin. Aucun autre lien personnel. Un huis clos », est–il écrit dans l’article du Quotidien du Médecin.

- Ma principale question demeurée sans réponse porte sur les raisons d’une telle médiatisation. Est-ce uniquement parce que l’émotion soutient l’attention du téléspectateur ou du lecteur ? Ou bien la plupart des médias se sont-ils jugés en devoir d’illustrer par un cas la question d’une éventuelle dépénalisation de l’euthanasie ? Mais, alors, pourquoi ne pas avoir cherché à « documenter » autant qu’il était possible ce cas, en interrogeant notamment l’équipe de ceux qui avaient soigné Vincent pendant de longs mois ? Si ces médias avaient d’avance choisi de donner des informations « orientées », qui avait pris une telle décision, et, éventuellement, sous quelle pressions ? En tout cas, « les médecins ont eu très vite l’intime conviction qu’un mouvement militant très expérimenté dirigeait de l’extérieur les opérations », est-il écrit dans le journal médical déjà cité.

- Suite à ces remarques, que conclure ? Ces événements ont-ils fait avancer le débat sur l’euthanasie ? Le débat, à mon avis, non ! La population française en sort peut-être plus encline à accepter officiellement l’euthanasie, principalement en raison de l’émotion ressentie. Mais, inversement, on peut conclure à « l’enfermement dans le désir de mort » que peut produire une acceptation de l’euthanasie par la société. Et, dernier point, comment ne pas signaler l’oubli, apparemment total dans bien des prises de position, des personnes atteintes de lourds handicaps ? Combien d’entre elles ne se sont-elles pas senties rejetées, ou même menacées dans leur existence ?

Patrick VERSPIEREN sj, Département d’éthique biomédicale, CENTRE SÈVRES. Paris, 24 octobre 2003.

À propos du colloque de Strasbourg

Racisme : les Européens en question

Les nouvelles formes du racisme dans la vieille Europe interpellent les cultures et les religions, parfois désemparées. Un colloque strasbourgeois a approfondi ce débat.

« Il nous faut vérifier sans cesse la maturité de notre humanité (…) dans un examen de conscience permanent ». Le cardinal Karl Lehmann (Mayence), président des évêques d’Allemagne, a donné le ton de la lucidité au colloque « Europe, spiritualités et cultures face au racisme » qui vient de se clore hier à Strasbourg.

Un bacille mutant

« Les Églises elles-mêmes », a-t-il rappelé, « n’ont pas toujours trouvé en elles l’immunité contre certaines formes de racisme ». Alors même que la tradition judéo-chrétienne, depuis le Lévitique (« L’étranger qui réside avec vous sera pour vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même ») jusqu’aux affirmations du concile Vatican II, ne peut transiger avec « la reconnaissance de l’autre et de sa dignité ».

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« Nous avions cru après la guerre avoir tranché toutes les têtes de l’hydre », a expliqué André Bord, président de la commission interministérielle ; « force est de constater, un demi-siècle après, que le mal se renouvelle, qu’il progresse encore et encore, et empire quand croissent les périls, réels ou imaginaires, de nos sociétés ».

Résurgence ou renaissance ? « Le racisme est comme un bacille qui subit une mutation permanente selon son environnement », a estimé Michael E. Head, président de la commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe. « Les vieilles lunettes du racisme biologique » ne suffiraient plus pour comprendre « le racisme culturel » aujourd’hui tranquillement assumé – même s’il naît dans la peur de l’autre – par nombre d’Européens.

Les deux jours de réflexion suscités par l’association des (sic) théologiens pour l’étude de la morale (ATEM), ouverts par Fabienne Keller, maire de Strasbourg, conclu par son prédécesseur Catherine Trautmann, ont exploré cette double-question : comment comprendre le néo-racisme du XXIe siècle, comment le combattre ? Théologiens, moralistes, médecins, philosophes, militants, élus ont dit, chacun à leur façon, ce combat toujours recommencé contre un « racisme sous-cutané, qui nous colle à la peau » (Pr Dietmar Mieth, Tübingen).

Une vigilance renouvelée

Ouvert quarante ans, jour après jour, après le fameux discours d’espérance de Martin Luther King, « J’ai fait un rêve », comme l’a rappelé le Pr Marie-Jo Thiel, cheville ouvrière de la rencontre, ce colloque ne pouvait qu’appeler les Européens, croyants ou non, à une vigilance renouvelée. « Le racisme est une aberration pathétique », a martelé le cardinal Lehmann, citant le philosophe juif Hans Jonas (1903-1993), surtout alors que l’unique humanité sait aujourd’hui sa commune fragilité.

Jacques Fortier, Dernières Nouvelles d’Alsace, n° 203, 31 août 2003.

Informations

– Le Vendredi 6 février 2004 de 19h30 à 21h30, au Centre Sèvres, 35 bis rue de Sèvres 75006 Paris, aura lieu une soirée-débat organisée par la faculté de théologie du Centre Sèvres en collaboration avec l'ATEM sur le thème : « La place des théologiens moralistes dans le débat public ». Avec entre autres Jean-François Collange, Olivier de Dinechin et Alain Thomasset. Comment le théologien peut-il et doit-il se situer dans ces enceintes publiques que sont les comités d'éthiques ou en général les instances officielles où ils sont sollicités ? Quelle est sa liberté ? Quel peut être son rôle ? Quels sont les pièges à éviter ? Concernant le rapport de l'éthique au droit: le théologien doit-il davantage contribuer au compromis acceptable pour une solution juridique concrète, doit-il se situer davantage en interrogateur critique et rester au plan des critères éthiques, doit-il accompagner l'évolution des mœurs sociales... ?

– « Clonage reproductif : la nature humaine en question », tel est le thème du colloque international qui aura lieu à Lausanne les 12 et 13 février 2004 et est organisé par une équipe coordonnée par Denis Müller et Alberto Bondolfi. Avec, notamment, la participation de Henri Atlan, Isabelle Rieusset-Lemarié, John Harris, Tristram Engelhardt, Karen Lebacqz, Ronald Cole-Turner, Ronald Green, Bernard Keating et Jean-François Collange. http://www.unil.ch/cle/

– La prochaine session de formation du CERAS (Centre de Recherche et d'Action Sociales) aura lieu en deux modules : du 19 au 21 janvier 2004 et du 22 au 24 mars 2004 à Orsay (La Clarté-Dieu) sur le thème : « Les religions facteurs de violence et de paix ». Le premier module s'intéressera aux raisons pour lesquelles les religions sont associées aux causes de violence. Le deuxième examinera les ressources des traditions religieuses pour affronter la violence et bâtir la paix. Avec la participation entre autres de Christian Mellon (secrétaire de la commission justice et paix) , Joseph Mäila (institut catholique), Edouard Herr (IET, Bruxelles), Henri Madelin (Études), André Wénin (UCL), Philippe Haddad (rabbin aux Ulis), Fouad Immaraïne (imam à St Denis), Paul Valadier (Centre Sèvres), etc.

Inscriptions et renseignements : Ceras, 14 rue d'Assas, 75006 Paris, 01 44 39 48 30, [email protected]

– La revue Projet vient de rénover sa formule. Jusqu'alors revue trimestrielle constituée essentiellement de dossiers sur les questions sociales, économiques et politiques, elle multiple sa fréquence (6 numéros par an) et élargit la palette de ses rubriques. Elle se veut davantage en prise avec l'actualité et les débats de société en cours. Elle souhaite aussi faire plus de place aux réflexions qui permettent d'expliciter pour un public large l'enracinement chrétien des engagements et des prises de positions dans la société. Les contributions des théologiens moralistes sur les questions actuelles de nos sociétés sont donc les bienvenues, soit dans le cadre de prises de positions dans des questions d'actualité, soit dans l'élaboration de dossiers plus approfondis. Contacts: rédacteur en chef; Pierre Martinot-Lagarde, Projet, 14 rue d'Assas 75006 Paris, 01 44 39 48 36, [email protected]

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Nouvelles bibliographiques

Marie-Jo Thiel (dir.), Où va la médecine ? Sens des représentations et pratiques médicales. Presses Universitaires de Strasbourg, 2003, 325 p., 19 €.

L’ouvrage est le fruit d’une collaboration universitaire interdisciplinaire regroupant une vingtaine d’auteurs dont C. Perrotin, E. Couty, A. Danion, J.C. Weber, J.G. Hentz, J.J. Kress, D. Quinio, J.D. Tempe... Il ne se penche pas sur un secteur particulier de la médecine, mais sur les interrogations éthiques liées à la pratique quotidienne et à partir de leur questionnement de « sens ». Il est structuré autour de trois topiques : la parole et la relation médecin-malade, le temps et les représentations des pratiques médicales, les pouvoirs exercés et subis... La première évoque les changements récents autour de la relation entre le médecin et le malade, du consentement aux soins, de l’information médicale, en particulier dans le domaine de la psychiatrie. La seconde partie analyse comment la pratique médicale modifie le rapport au temps et aux représentations véhiculées par les techniques de diagnostic et de traitement. La troisième et dernière partie, enfin, s’attelle aux rapports de force qui régissent la pratique médicale et les responsabilités qui en émanent. L’éthique médicale ne pousse pas à renoncer à une certaine ambition technique, mais elle invite à moduler celle-ci autour du primat de l’alliance entre les personnes, incitant la médecine à s’accueillir aussi comme un art : l’art du passeur au temps de l’épreuve.

(M.-J. Thiel)

Marie-Jo Thiel (dir.), Le pouvoir de maîtriser le vivant. Strasbourg, Ed. Ami Hebdo médias, 2003, 245 pages, 20 €.

L’ouvrage édite les actes du colloque international des 21-23 nov. 2002 à Strasbourg. Il donne d’abord la parole à des médecins pour un état des lieux autour de la maîtrise en début et en fin de vie. Il nous fait entrer au CECOS, en réanimation, aux urgences. Il convoque ensuite les professionnels du droit et de la politique, acteurs nationaux ou européens, engagés dans ces mêmes secteurs. Si Y. Bur, C. de Sola évoquent les aspects normatifs, D. Moyse montre en quoi le concept de « droit de ne pas naître » est paradigmatique d’une mentalité dominante dans notre société. L’ouvrage, enfin, donne la parole à différents protagonistes engagés dans le débat éthique à l’intérieur des trois grands monothéismes, en conférant une place particulière au christianisme évoqué par O. de Dinechin, D. Mieth, et M.J. Thiel. Mgr J. Doré conclue ces réflexions en distinguant les niveaux du pouvoir, du vouloir et du devoir. (M.-J. Thiel)

Dominique Jacquemin, Bioéthique, médecine et souffrance. Jalons pour une théologie de l’échec. Paris, Ed. Médiaspaul, coll. « Interprétations », 159 p.

L’ouvrage offre une réflexion qui donne à penser sur les liens entre la pratique médicale, l’éthique clinique et les données de la foi chrétienne. Son objectif n’est pas de « faire œuvre théologique » comme il dit, « ni de tenter une articulation complètement cohérente de ‘la théologie’ avec la vie du croyant singulier… Notre but, écrit-il, sera de nous demander comment certaines pistes théologiques, prenant en compte les personnes dans leurs liens avec la médecine contemporaine, peuvent révéler à ces dernières quelques perspectives théologiques attestant une non-étrangeté de Dieu face à leur vécu clinique ». Il se centre sur le vécu du croyant en situation d’échec – un concept clé repris dans le sous-titre de l’ouvrage –, analyse l’attente à l’égard de la médecine contemporaine et finalement s’interroge sur la manière dont Dieu est ainsi concerné et engagé : le Dieu de Jésus-Christ, Dieu d’hospitalité et de salut, ne saurait être étranger, indifférent à l’histoire de l’humanité blessée. (M.-J Thiel) .

Christoph Baumgartner et Dietmar Mieth (dir.), Patente am Leben ? Ethische, rechtliche und politische Aspekte der Biopatentierung. Mentis Verlag GmbH, Paderborn, 2003, 327 pages.

L’ouvrage se penche sur la difficile question du brevetage du vivant. Il réunit des spécialistes du monde germanique, éthiciens, politiciens, juristes, chercheurs de l’industrie pharmaceutique, membres d’ONG… nouant un riche bouquet de réflexions interdisciplinaires dans un domaine qui fait apparaître la biologie et la médecine comme des « sciences-clés » (Schlüsselwissenschaften) selon le mot d’Eve-Marie Engels. Que l’on soit ou non d’accord avec la thérapie génique, avec le brevetage du vivant, nous sommes en présence d’un défi auquel ni l’éthique, ni la politique ni le droit n’échappent. L’on ne saurait mentionner simplement les problèmes individuels ainsi posés, il faut encore parler de perspective d’éthique sociale (sozialethischer Perspektive) au sens large : non pas simplement évoquer, les conséquences sociales de ces nouvelles pratiques, mais véritablement les retombées planétaires sur la « société-terre ».(M.-J. Thiel)

Étienne GRIEU qui était intervenu au colloque du Lazaret, vient de publier sa thèse sous le titre : « Nés de Dieu. Itinéraires de chrétiens engagés. Essai de lecture théologique », Cerf, Cogitatio Fidei n° 231, 2003, 518 pages, 35 €. L'auteur cherche à rendre compte de l'expérience croyante aujourd'hui à l'aide d'une analyse d'une trentaine d'interviews de chrétiens engagés et de leur mise en perspective avec une méditation de textes bibliques. La métaphore de la filiation sert à structurer l'ensemble et à rendre compte du croire comme l'entrée dans une économie où l'on se reconnaît appelé fils/fille, où l'on découvre des frères et des sœurs, et où l'on accueille une descendance. Cet essai de théologie pratique vise ainsi à décrire un « style de vie » propre aux disciples de Jésus-Christ. Par là, il rejoint par bien des aspects les recherches en cours en théologie morale. (A. Thomasset)

Paul VALADIER, a publié dernièrement « La condition chrétienne, être du monde sans en être », Seuil, 2003, 240 pages, 19 €. Ce livre, où l'auteur reprend son cours de théologie morale au centre Sèvres sur la décision chrétienne, est particulièrement utile pour les théologiens moralistes. Le titre indique le fil conducteur qui met en perspective les grandes références sur lequel le croyant peut s'appuyer dans son agir. Auditeur de la Parole, précédé par une tradition et un foule de témoins, le chrétien n'est pas un littéraliste du livre, ni tenté de s'identifier au monde, mais un marcheur décentré de lui-même, attentif dans l'actualité du monde à discerner l'esprit du ressuscité toujours en mouvement. Discernement, rapport aux autres hommes, difficulté d'une parole juste en matière de morale, importance de la conscience mais aussi de la communauté croyante, l'auteur revient sur tous ces fondamentaux dans un invitation à une éthique de la liberté. (A. Thomasset)

Les aumôneries sont-elles déchristianisées ? Une nouvelle provocation de l’éthicien américain Tristram Engelhardt

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Tristram Engelhardt, le célèbre bioéthicien de Houston (Texas), s’est signalé récemment par la publication d’un ouvrage monumental et controversé intitulé The Foundations of Christian Bioethics, paru en 2000 chez Swets and Zeitlinger, Lisse-Abingdon-Exton-Tokyo (cf. la discussion que j’en donne dans « La bioéthique au péril de Dieu : pour une critique théologique de la maîtrise éthique sur le vivant », Revue de Théologie et de Philosophie 134, 2002/IV, p. 327-340). Engelhardt s’est converti il y a une dizaine d’années à l’orthodoxie (patriarcat d’Antioche) et on ne peut plus se référer à lui simplement comme le tenant d’une éthique kantienne séculière qu’il a été antérieurement. Il anime la revue Christian Bioethics, qui se veut textuellement « non ecumenical ». Il vient d’y publier tout un dossier sur l’aumônerie en milieu hospitalier. Sa propre contribution y est très critique envers les évolutions récentes des aumôneries aux États-Unis. Il reproche à la conception selon lui dominante de l’aumônerie de succomber à des normes post-chrétiennes participant de l’espace public séculier : négation de la divinité du Christ, « œcuménisme robuste » (sic) et affirmation de la non pertinence de l’existence de Dieu. Il vise probablement des théologiens ultra-libéraux dont je ne suis pas sûr qu’ils existent sous cette forme condensée et polémique. On le lira donc avec des pincettes, amusées ou agacées (D. Müller)

Voici la référence et le résumé de cet article : Christian Bioethics 2003, Vol. 9, No. 1, pp. 139–160

The Dechristianization of Christian Hospital Chaplaincy: Some Bioethics Reflections on Professionalization, Ecumenization, and Secularization, H. Tristram Engelhardt, Jr.

ABSTRACT : The traditional roles of Christian chaplains in aiding patients, physicians, nurses, and hospital administrators in repentance, right belief, right worship, and right conduct are challenged by the contemporary professionalization of chaplaincy guided by post-Christian norms located in a public space structured by three defining postulates: the non-divinity of Christ, robust ecumenism, and the irrelevance of God’s existence. The norms of this emerging post-Christian profession of chaplaincy make interventions with patients, physicians, nurses, and hospital administrators in defense of specifically Christian bioethical norms and goals unprofessional, because the chaplain is now directed as a professional to support health care services held to standards articulated within a secular morality. These changes are exemplar of the profound recasting of the dominant moral culture with wide-ranging implications for bioethics.

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n° 28 - Juin 2003 L’affaire « Vincent Humbert » À propos de xénotransplantation Colloque « Europe, spiritualités, culture face au racisme », août 2003 à Strasbourg Réagir face aux arrêtés anti-mendicité Nominations

éditorial

Quelle violence ? Quelle responsabilité ?

La réunion du G 8 à Evian et les manifestations du mouvement altermondialiste, durant le week-end de l’Ascension, sont l’occasion d’une méditation particulièrement ardue sur la signification ambiguë de la violence, dans une société qui a tendance à diaboliser les comportements de celles et ceux qui osent penser autrement et de sacraliser les commodes vérités d’évidence.

Nous sommes à peine sortis de la guerre en Irak et du débat éthique qui l’a précédée, mais les turbulences récurrentes de la mondialisation continuent de nous affecter profondément. Ce monde est désordre, et nous voudrions nous contenter d’une propreté de façade, au lieu d’attaquer le mal par la racine.

La manière dont une partie de la Suisse riche s’est barricadée derrière des planches pour ne pas voir ce qui se passe dans le monde me laisse partagé entre tristesse, honte et dérision…

Il y a une redoutable hypocrisie à vouloir créer un climat de psychose collective sécuritaire, alors que tous les jours, les mêmes puissances et les mêmes tendances idéologiques qui en appellent au respect de la propriété privée et des biens d’autrui ne cessent de bafouer le droit international, la dignité humaine et les principes d’une éthique de la discussion sans violence et d’une démocratie pluraliste.

Au sein du mouvement altermondialiste, on a pu entendre deux sons de cloche : les tenants de la non-violence inconditionnelle ont rappelé avec force que nulle paix véritable ne saurait naître du cercle infernal de la violence ; mais d’autres ont fait valoir que le combat politique suppose parfois de s’opposer par tous les moyens aux armes injustes et aliénantes des puissants. Impossible de trancher simplement, tant ces deux possibilités nous traversent au plus intime de notre conscience.

L’éthique de conviction nous paraît plus proche de l’esprit de l’Evangile, mais peut-être devrions-nous assumer en plus toutes les conséquences de l’éthique de responsabilité : non pas seulement, toutefois, quand il s’agit de soutenir le point de vue du pouvoir, mais aussi lorsque la lutte politique et sociale requiert de nous de la résistance, du courage et, en dernière instance, la possibilité d’une violence assumée et responsable, qui n’aurait alors rien de gratuit ? De cette violence, il est impossible de parler avec légèreté, car elle engage toujours celui qui en prend le risque, loin de toute dissimulation et de toute mascarade. Pour quelques entorses totalement regrettables et toujours inacceptables à l’ordre et à la sécurité, combien d’injustices intolérables et de violences insoutenables bafouant le visage même de l’humain et la valeur infinie des personnes ?

Nous nous tenons à meilleure hauteur de l’Evangile, j’en suis sûr, quand nous cessons de nous voiler la face derrière l’ordre supposé des choses et optons en toute liberté pour la responsabilité créatrice de l’amour, au risque de perdre nos sécurités trompeuses. A partir de cette exigence-là, nul ne peut faire la morale à personne : il nous advient seulement, par grâce, de grandir en humanité et de croître en universalité.

Denis Müller

Bientôt des lignes directrices internationales en vue de la xénotransplantation

La transplantation d’organes, de tissus ou de cellules d’un être humain à un autre représente une intéressante offre thérapeutique pour nombre de personnes atteintes par des maladies incurables, des affections chroniques lourdes, ou des troubles cardiaques, pulmonaires, rénaux, hépatiques, intestinaux… L’on pense à l’hépatite fulminante, à l’insuffisance rénale, cardiaque, voire au diabète, ou encore à la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson… Aujourd’hui, la plupart des greffons proviennent de donneurs humains décédés. Mais la demande excède très largement l’offre. Cette pénurie contraint le corps médical – et, de ce point de vue, elle n’a donc pas que des effets négatifs – à un discernement éthique rigoureux en ce qui concerne l’attribution des dons tout en stimulant sa capacité à trouver des

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solutions alternatives. La xénotransplantation, c'est-à-dire la possibilité de transplanter ou d’administrer des organes, tissus ou cellules, vivants, provenant d’animaux sur des êtres humains (par opposition à l’allotransplantation où la greffe est intraspécifique), représente une de ses possibilités alternatives, tout comme les cellules souches (que nous n’évoquerons pas ici).

Les difficultés entourant la xénotransplantation demeurent pourtant redoutables. Les scientifiques ont appris à les déchiffrer au fur et à mesure de leurs tentatives successives, depuis la première réussite de greffe d’un rein de chimpanzé à un homme qui survécut 9 mois, par l’équipe de Reemtsma, en 1964, jusqu’à l’utilisation, aujourd’hui courante (dans le traitement de patients gravement brûlés à 80-90% de la surface corporelle), d’Epicel3 (une lignée cellulaire obtenue à partir d’une souche de souris il y a plus de 30 ans), en passant par de nombreuses tentatives, très diverses, dont la transplantation très médiatisée, en 1985, d’un cœur de babouin à un enfant (Baby Fae)… L’infection mais aussi des dysfonctionnements organiques occasionnés par des protéines animales libérées par l’organe transplanté dans la circulation sanguine du receveur, restent des complications particulièrement graves. La contamination virale s’avère même d’autant plus tragique qu’elle risque d’être transmissible à l’entourage et inaccessible aux ressources thérapeutiques…

L’utilisation déjà entrée dans l’arsenal thérapeutique de plusieurs pays européens d’Epicel3 et la nécessité d’encadrer la recherche clinique autour de la xénotransplantation ont conduit le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à mettre en place un groupe de travail en vue de forger des normes internationales communes, concernant notamment la protection de la santé publique. Dans la mouvance de la Convention d’Oviedo et de son Protocole additionnel relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe demanda ainsi au Comité des Ministres, le 29 janvier 1999 (Recommandation 1399), d’entreprendre cette étude. Suite à quoi, la même année, le Comité des Ministres créa un Groupe de travail sous l’autorité conjointe du CDBI (Comité directeur pour la bioéthique) et du CDSP (Comité européen de la santé), présidé par M. Bart Wijnberg (Pays-Bas). Différents États non-membres furent également intégrés à ce travail, à titre d’observateurs, afin de favoriser une collaboration internationale, la plus large possible, dans l’établissement des lignes directrices souhaitables.

En sept. 2002, le Groupe de travail présente un projet de Recommandation relatif à la xénotransplantation avec un rapport explicatif qui est finalisé pour l’essentiel lors de la rencontre du Groupe des rapporteurs des Ministres le 20 mai 2003 et qui sera présenté prochainement au Comité des Ministres afin que celui-ci le ratifie comme « Recommandation aux États membres sur la xénotransplantation ».

Ce texte marque un aboutissement autant qu’une invitation à poursuivre la réflexion par des débats publics en vue de déterminer les limites de la recevabilité d’une telle pratique. Il précise qu’« aucune xénotransplantation ne devrait avoir lieu dans un État membre qui ne dispose pas, en matière de xénotransplantation, d’une réglementation conforme aux dispositions de la présente Recommandation. » (art.4), qu’une recherche pré-clinique ne peut être acceptable que si « en l’état des connaissances scientifiques actuelles, il est hautement probable qu’il n’existe pas de risque pour la santé publique en particulier d’infection » et que « le niveau attendu d’efficacité et de sécurité pour le patient peut justifier l’intervention au regard des risques encourus. » (Art. 5). Les conditions pour la participation des patients (art.12) et l’information à leur dispenser (art.13) ont fait l’objet de longs et difficiles débats : les conséquences de la xénotransplantation doivent pouvoir être suivies durant toute la vie du patient, mais doivent aussi, selon les indications, concerner son entourage ; il ne « devrait » pas y avoir (ne faut-il pas regretter ce conditionnel ?) de xénotransplantation si une autre méthode thérapeutique appropriée et d’efficacité comparable est disponible, ou si le patient refuse de se plier à la surveillance à long terme qui s’impose… Dans le même temps, le chap. VI (art.22sq) s’attache aussi à la protection des animaux ainsi concernés.

Le moraliste lira avec intérêt cette Recommandation qui cependant n’évoque pas les conséquences anthropologiques, identitaires, psychologiques… de la xénogreffe mais invite les États membres à favoriser des débats publics en ce sens. Tout laisse à penser que ce ne sera pas la plus facile des argumentations… Certains organes sont associés à de très fortes charges symboliques, d’autres, en particulier les tissus, demeurent relativement « neutres ». Quant au seuil quantitatif, il est là encore difficile de le situer, mais il est sûr qu’au-delà d’une certaine limite, l’on assistera à une forme de rupture de la continuité du moi du sujet transplanté… L’Église catholique a activement participé à ce débat à travers le représentant de la Mission permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe. Il faut rajouter enfin que l’Académie Pontificale pour la Vie s’est également penchée sur ce thème, dès 2001, par une contribution intitulée « Prospects for xenotransplantation scientific aspects and ethical considerations » (disponible sur le site du Vatican en version anglaise), un texte dont les « practical Guidelines » demeurent finalement assez proches (sauf sur l’un ou l’autre point précis) du projet de Recommandation.

Strasbourg le 1er juin 2003

Marie-Jo Thiel

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Colloque « Europe, spiritualités et culture face au racisme »

Parlement européen, Strasbourg les 28-30 août 2003

Le savez-vous ? Depuis les années 90, l’Allemagne connaît une forte recrudescence des actes racistes. Plus de 100 personnes ont été assassinées pour des raisons racistes, plus de 10.000 délits de pouvoir et 100.000 délits mettant en cause l’extrême droite ont été perpétrés. Hajo Funke, un des intervenants de la première matinée, rappellera tous ces chiffres.

En France, ou ailleurs en Europe, les données sont analogues, même si chaque région présente ses particularités. Différents conférenciers nous convoqueront sur cette réalité.

Mais, dites-vous, qu’est-ce que le racisme ? L’ECRI (European Commission against racism and intolerance) s’est accordé sur une définition que M. Michael Head nous proposera dans la première grande conférence plénière, une définition « fonctionnelle » en vue de lutter contre le racisme, mais qui sait aussi intégrer le polymorphisme de cette réalité. Car – et c’est toute la difficulté des projets socio-politiques tendant à s’y opposer – le racisme prend de multiples visages selon les temps et les cultures.

Les religions - et le christianisme en particulier - ne peuvent pas ne pas en être interpellés… « Les chrétiens ont-ils une part de responsabilité dans l'existence et le développement des théories et des pratiques sociales ? » demandera B.M. Duffé. Question « d'autant plus paradoxale, continue-t-il, que la proposition et l'annonce du salut, dans la tradition chrétienne, sont clairement envisagées dans le dépassement des singularités communautaires ou ethniques et l'universalité d'une espérance offerte à tous les peuples. »

Le théologien moraliste est ainsi triplement sollicité et dans son information quant à cette réalité mouvante, et dans la vigilance à l’égard de ceux qui se servent de lui et des religions ou d’autres systèmes symboliques pour justifier ce qui ne saurait l’être, et dans la lutte active contre toutes les formes d’exclusion de l’être humain sous quelque prétexte que ce soit, en partie, grâce aux mêmes ressources religieuses.

En localisant l’événement de ce colloque au Parlement européen de Strasbourg, nous voulons lui donner la place que mérite un tel thème mais aussi un tel échange européen, spécialement en contexte de réforme universitaire (LMD). Au nom de l’équipe de préparation, je me permets donc d’insister une fois de plus sur l’importance d’une participation nombreuse à cette rencontre. N’hésitez pas à inviter vous-même l’un ou l’autre collègue concerné par cette manifestation. Notre rencontre ne peut que bénéficier de la richesse de nos différences…

Marie-Jo Thiel

Réagir face aux arrêtés anti-mendicité Après quelques années d’accalmie, nous avons assisté l’été dernier à une nouvelle vague d’arrêtés anti-mendicité. Comment ne pas s’étonner et s’indigner à nouveau qu’on puisse interdire à des personnes de mendier ? Certes, la question est complexe, mais ne faut-il pas raison garder ? Car si la mendicité dérange et inquiète, si elle peut être l’occasion de violences qu’il serait vain de nier, peut-on oublier qu’elle concerne avant tout des personnes et que c’est pour nombre d’entre elles la seule manière de survivre ? Faut-il rappeler qu’un jeune à la rue de moins de 25 ans n’a pas droit au RMI et que pour ceux qui peuvent en bénéficier, il faut parfois plus de 6 mois pour obtenir le premier versement?

Ce phénomène qui a vu le jour en 1993, avec les premiers arrêtés à Cannes, à Perpignan et à Montpellier, et qui s’était développé en 1995 et 1996 jusqu’à toucher plus d’une trentaine de municipalités, avait connu par la suite un certain reflux. Plusieurs arrêtés avaient été annulés par les tribunaux administratifs : une interdiction générale et absolue visant une catégorie de population est contraire au droit. De nombreuses villes avaient cherché alors à préciser leurs mesures, en spécifiant les heures et les quartiers où l'interdiction (mendicité, regroupement de chiens, consommation d'alcool) pouvait s'appliquer. Mais sous la pression des associations et de nouvelles annulations, l’état d’esprit semblait avoir évolué. Une concertation menée avec les organismes de soutien aux populations en difficulté, les débats suscités à cette occasion ont provoqué des initiatives heureuses, comme la création de centres d’accueil en centre ville, la coordination des acteurs sociaux et municipaux, l’instauration de « médiateurs de rue », etc. Or cette évolution nourrie par la perception de l’ampleur de l’exclusion et par le refus du simplisme de l’interdiction semble aujourd’hui menacée. La conjoncture s’y prête. L’importance renouvelée du thème de la sécurité et les préoccupations du nouveau gouvernement ont sans doute incité certains maires à la fermeté. Par ailleurs, l’apparition de réseaux de mendicité organisés, qui utilisent par exemple des enfants ou des handicapés des pays de l’Europe de l’Est, a contribué à stigmatiser les populations marginalisées, bien vite assimilées à ces trafics.

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Lutter contre les nuisances à l’ordre public est bien sûr légitime. De même est-il juste de vouloir éradiquer l’exploitation des personnes par les trafiquants. Mais ces arrêtés sont disproportionnés et en vérité gravement injustes vis-à-vis de la majorité des personnes qu’ils touchent. Disproportionnés, d’abord, car ils rendent plus précaire encore la situation de personnes en grande difficulté, en échange de la tranquillité pour les habitants, les commerçants ou les touristes des centres villes. Les dangers qu’affrontent ces deux populations ne sont pas comparables. En faisant place nette dans certains endroits, on veut faire baisser le sentiment d’insécurité. En revanche, on rend réellement plus difficile la vie des personnes à la rue. Notre société doit-elle consentir à ce genre de calcul, où pour la satisfaction de certains on aggrave la situation des plus pauvres? N’est-ce pas sacrifier quelques uns à la tranquillité du plus grand nombre ? D’autant plus que ces arrêtés, en repoussant un peu plus loin le problème, ne résolvent rien à la question de la pauvreté contre laquelle il s’agit de lutter. A l’inverse, ils contribuent davantage à la stigmatisation et à la marginalisation de ceux dont la difficulté consiste précisément, dans bien des cas, à renouer les fils rompus d’une relation sociale. Pour lutter contre les désordres, la grande majorité des associations et des acteurs sociaux reconnaissent que la législation actuelle est largement suffisante. Pourquoi aggraver la situation des personnes en précarité en les prenant dans le filet trop large de mesures qui, en vérité, concernent des problèmes précis et ponctuels ? Les évêques et Jean-Paul II nous ont souvent invités à juger nos sociétés sur le sort qu’elles réservent aux plus démunis. Le moins qu’on puisse dire est que ces arrêtés, en cherchant de manière spectaculaire à répondre au désir de sécurité, ne favorisent pas les personnes qui mériteraient notre plus grande attention. Ne sont-ils pas le reflet d’une société qui refuse de voir ce qu’elle engendre ?

Alain Thomasset, sj

Centre de Recherche et d’Action Sociales (CERAS), Centre Sèvres

Nominations Jean-Luc Bouilleret, né à Arbois, prêtre du diocèse de Saint-Claude, enseignant la théologie morale depuis 20 ans, à Dijon puis à Lyon à l'Institut Catholique et au Séminaire universitaire dont il était le directeur spirituel, succède à Mgr Jacques Noyer comme évêque d'Amiens.

François-Xavier Dumortier, enseignant en philosophie morale au Centre Sèvres que par ailleurs il préside, et en philosophie du droit à l'Institut Catholique de Paris, succède à Jean-Noël Audras comme provincial de France des jésuites .

Hervé Giraud de Lyon a été nommé évêque auxiliaire de Lyon.

Jean-François Collange a été élu président de l'ECAAL (Église de la Confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine) qui est la principale Église protestante de ce territoire, « fondée » par Bucer, comprenant 210 000 fidèles et 242 paroisses.

À tous, nous adressons nos félicitations et leur souhaitons un fécond ministère.

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n° 27 - Mars 2003 Colloque 2003 à Strasbourg La théologie en exil… Échos du CA du 25/01/03 Colloque 2004 à Toulouse Nouvelles birbliogaphiques

éditorial

Enseigner l’éthique des affaires au Cameroun

Pour la sixième année consécutive, je viens d’enseigner l’éthique des affaires à une quarantaine d’étudiants et d’étudiantes africains en maîtrise de gestion. Cela se déroule dans le cadre de l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, créée par une équipe de pères jésuites français et dont la cheville ouvrière fut Denis Maugenest. Cette trentaine d’heures annuelles est pour moi heureuse dans le contact avec des êtres attentifs, réactifs, lucides et pleins de vie.

Un tel enseignement est pourtant problématique. L’éthique des affaires s’est développée en Occident à partir d’un contexte particulier : celui d’un État de droit où la législation commerciale et sociale est développée et largement appliquée, d’un système judiciaire permettant de mener les contentieux de façon suffisamment ordonnée et équitable, d’un environnement économique diversifié et intégré. L’éthique des affaires apporte une réflexion sur les rapports de la morale et de la loi, sur les déontologies, les pratiques d’entreprises et leurs évolutions.

Au Cameroun, le contexte est celui de l’Afrique noire en général. L’économie y est désarticulée entre des enclaves d’extractions de richesses (puits pétroliers, mines, zones de pêches, exploitations forestières), des zones franches où se déploie la sous-traitance des multinationales et l’immense domaine de l’économie informelle qui permet la survie d’une population nombreuse, jeune, à l’existence précaire, et où les femmes jouent un rôle-clé. Dans ce contexte de désarticulation économique, l’État est sans loi. La police abuse et la justice n’est pas rendue. Le marché est sans foi. La confiance, élément-clé des affaires, n’est pas assurée. Le banditisme et la corruption fleurissent à tous les niveaux, du haut magistrat au fonctionnaire du coin.

Quel est donc la pertinence ici d’un cours d’éthique des affaires ? Prépare-t-il les étudiants à fuir leur pays pour mettre leur compétence au service de multinationales qui leur permettront plus tard éventuellement d’y faire retour. Tel est en tous cas le projet ou le rêve de nombre d’entre eux. En achemine-t-il d’autres vers la création au pays d’entreprises africaines pionnières de modernité économique et de respect de l’état de droit dans un esprit militant inspiré d’une conception d’un développement humain intégral. Il en est des témoignages, certains étant proches de l’héroïsme.

Une telle situation reflète les ambiguïtés même de notre mondialisation. L’écart entre les mœurs et la morale n’est pas une spécialité africaine. La société ENRON, dont la chute illustre l’immoralité du capitalisme financier et dissipe les mirages de la nouvelle économie, avait inscrit au fondement de ses règles de gestion un superbe code d’éthique.

Hugues Puel

Colloque international « Europe, spiritualités et culture face au racisme »

les 28-30 août 2003 au Parlement Européen de Strasbourg

L’équipe de préparation à ce colloque s’est mise en place à Strasbourg, voilà de longs mois. Outre les théologiens moralistes de Strasbourg représentant notre Association des théologiens pour l’étude de la morale (ATEM), elle s’est adjoint la collaboration directe des institutions suivantes :

- Département d’éthique de la faculté de médecine (DUHE), Université Louis Pasteur, Strasbourg (F)

- Centre de sociologie des religions et d’éthique sociale (CSRES), Université Marc Bloch, Strasbourg (F)

- Groupe de recherche « bioéthique et religions », Université Marc Bloch, Strasbourg (F)

- Centre d’études et de recherches interdisciplinaires en théologie (CERIT), Université Marc Bloch, Strasbourg (F)

- Institut für christliche Gesellschaftslehre an der Evangelisch Theologischen Fakultät der Universität Tübingen (D)

- Interfakultäres Zentrum für Ethik in den Wissenschaften (IZEW), Tübingen (D)

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- Theologische Fakultät der Universität Basel (CH)

Outre le dépliant joint à cette lettre de l’ATEM, vous trouverez ci-dessous un argumentaire nouant en gerbe les grandes intuitions autour de ce colloque.

Cette rencontre de Strasbourg, comme vous le constaterez, se caractérise à la fois par sa dimension européenne et sa dynamique interdisciplinaire. En attestent le lieu (Parlement européen) et la prise en compte des langues européennes (traduction simultanée des conférences plénières et ateliers par groupes linguistes) ainsi que la pluralité des organismes de préparation et des institutions parties prenantes (liste sur le dépliant). Sont ainsi représentées : les sciences des religions, les sciences sociales et politiques, la théologie, le droit, la médecine... Que chacun puisse rencontrer l’autre et l’entendre « dans sa propre langue » !

Le colloque alternera conférences générales, faisant appel à des personnalités de renom international, et ateliers plus spécifiques. Il est agencé autour de quatre demi-journées :

Le racisme à l’épreuve de ses définitions et de l’histoire

Visions et expériences croisées du racisme en Europe

Spiritualités, religions et racisme

L’éthique sociale face au racisme.

Ce rassemblement s’adresse aux théologiens moralistes que nous sommes, mais aussi, plus largement et de façon exceptionnelle pour les rencontres de l’ATEM, à bien d’autres institutions. N’hésitez donc pas à nous faire part des coordonnées de ces dernières.

Les soirées de jeudi et de vendredi seront spécifiquement consacrées à l’ATEM : le jeudi 28 août avec l’actualité éthique (au Palais Universitaire) et le vendredi 29 août avec la célébration œcuménique en l’église historique Saint Pierre-le-Jeune suivie d’un dîner puis de l’assemblée générale à la Maison Saint-Thomas. Ces différents lieux nous permettront aussi de circuler au cœur de la capitale alsacienne !

Au nom de l’équipe de préparation, je me permets d’insister sur la portée de l’événement et l’importance d’une participation nombreuse à cette rencontre. D’ores et déjà, nous nous réjouissons d’accueillir à Strasbourg cette « diversité européenne », plus exactement cette richesse de la différence qui n’entrave en rien, bien au contraire, notre commune dignité. Soyez donc les bienvenus !

Marie-Jo Thiel

Argument La mondialisation ne cesse de s’accélérer. Économies, modes de vie, cultures ont tendance à s’universaliser et à se confondre. Les progrès considérables des techniques de communication visent à transformer la planète tout entière un seul et même « village », dont tous les éléments sont interdépendants. Et pourtant – malgré ces bouleversements et sans doute aussi à cause d’eux – les inégalités croissent, les replis identitaires s’accentuent et les conflits s’aggravent.

Au sein de ces bouleversements, le racisme connaît des regains de croissance et se révèle plaie pour l’humanité. Il affecte tant les consciences nationales que des surenchères de minorités. D’une part, il enferme l’autre dans des catégories a priori, biologiquement ou culturellement déterminées et donc immuables et les hiérarchise d’autre part en position de supériorité et d’infériorité. Il se marque par l’intolérance et le refus de la différence, rejetant hors de son horizon tout ce qui n’est pas soi.

Ce phénomène n’épargne pas l’Europe où « nouveaux nationalismes, racisme et xénophobie sont au nombre des phénomènes préoccupants » (Cf. A. Bord et R. von Thadden, « Dix thèses franco-allemandes sur le racisme », document commun présenté lors du sommet franco-allemand de Fribourg, le 12 juin 2001, Le Monde du 13.6.01). Les préjugés, l’exclusion et les obstacles à l’intégration ne mettent pas seulement en cause la solidarité nécessaire à l’édification de sociétés équilibrées et justes mais engendrent encore des violences redoutables. La construction d’une Europe démocratique et civique passe à l’évidence par analyses et efforts pour comprendre ces phénomènes, afin de mieux lutter contre eux. Il n’est toutefois pas certains que les problèmes se posent de la même façon dans tous les pays européens et il importe dès lors d’échanger et de croiser regards et positions, afin de les enrichir et de les rendre plus pertinents et efficaces.

Par ailleurs, les aspects idéologiques, culturels, spirituels et religieux jouent un rôle non négligeable dans la question du racisme. Et ce, dans des directions paradoxalement opposées. D’un côté en effet, les facteurs culturels et religieux, façonnant comme nuls autres l’identité, renforcent les sentiments de différences et marquent les oppositions. De l’autre, leur idéal et leur éthique appellent le plus souvent à la reconnaissance de la différence, au respect de la dignité d’autrui, à l’hospitalité, l’amour du prochain et la solidarité. Il convient donc aussi d’analyser ces facteurs de façon rigoureuse, afin de pouvoir tracer quelques lignes d’action tendant à en enrayer les dérives mortifères et à en mettre en valeur les potentialités les plus positives.

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La théologie en exil. Le défi de sa survie dans la culture contemporaine Christian Duquoc, Paris, Bayard, 2002

Cet essai roboratif d’un membre éminent de l’ATEM est d’une actualité brûlante ; on rêve que les autorités académiques et ecclésiastiques prennent le temps de le lire. L’A. part d’un constat négatif, mais il postule une possible sortie de l’exil et du dilemme. L’inhospitalité de la culture n’est pas fatale, même si elle est rude et vaste. Le diagnostic est impressionnant de concision et de lucidité : l’A. passe en revue la marginalisation du christianisme dans tous les secteurs de la culture : connaissance rationnelle, technique, politique, etc. L’Écriture elle-même est neutralisée, la théologie exilée de la culture et de la science (situation française, certes, mais dont nous voyons les effets croissants dans d’autres pays d’Europe). Dissémination religieuse et frilosité des autorités ecclésiastiques accentuent le processus. L’A. montre ensuite comment les théologies critiques, ouvertes à la modernité, ont fait preuve de courage, mais sont finalement restées marginales – comme l’Évangile lui-même ! L’exégèse a été en fait, selon le systématicien français, la seule discipline théologique à éviter l’exil. On voit le paradoxe : l’A. ne recule pas devant une forte auto-critique, mais ce qu’il accorde à l’exégèse tient en partie au fait que cette dernière, évitant l’exil, pourrait avoir neutralisé la marginalité constitutive de l’Évangile. D’où la question qui naît chez le lecteur : l’A. ne serait-il pas tout de même trop négatif sur l’inculturation moderne du christianisme et trop généreux sur les victoires à la Pyrrhus d’une exégèse condamnée à la neutralité scientifique pour être crédible ? Hypothèse incomplète : dans un nouvel élan, l’A. s’efforce de rendre justice aux théologies qui ont essayé de relever le défi de la culture contemporaine : théologies de la libération, théologies féministes. Leur militance courageuse n’a cependant pas pris la mesure du scepticisme de la culture contemporaine. C’est en fait dans de nouvelles relations à la rationalité, à la tradition, à l’expérience, au pluralisme religieux, etc., que l’A. voit la chance d’une théologie plus pertinente, parce que toujours articulée sur la culture et sur la vie quotidienne de manière faillible, brisée, modeste. En fin de parcours, l’exil n’est plus une malédiction, mais une chance de sérénité et de nouveau départ. La théologie n’a pas pour tâche d’apaiser l’angoisse des hommes, « mais de l’attiser en complicité avec tous ceux que le chaos du monde et la permanence de la souffrance inutile et injuste autant que la beauté de l’univers provoquent à la création libre et à l’agir nostalgie » (p. 117-118, conclusion). D’une plume frémissante, hésitant entre la fureur, la colère, l’ironie et la jubilation, ce livre bref dresse le bilan d’un siècle et d’une existence théologique : la théologie en exil doit devenir un exil de la pensée et de l’éthique loin des modes et des désespérances. L’A. n’a pas tout résolu ainsi, il reste, comme nous, sur la brèche et sur le fil du rasoir. Mais quelle leçon de démaîtrise et d’espérance !

Denis Müller

Échos du CA tenu le 25 janvier 2003 à Paris Alain Thomasset a été élu à l'unanimité moins une voix comme deuxième vice-président.

Pour rappel, la cotisation 2003 s'élève à 26¤. Merci de faire diligence !

Pas de nouveaux membres à signaler lors de ce CA (c'est normal vu les 10 candidatures présentées et acceptées lors du colloque à Sète). À titre de rappel, pour devenir membre de l'Atem, il est nécessaire d'adresser au Conseil, via le président, une lettre de candidature et un curriculum vitae avec liste éventuelle des publications, ainsi que le soutien écrit de deux membres de l'Atem.

Les membres de l’Association désireux d'informer de leurs dernières publications, de communiquer l'un ou l'autre ouvrages ou articles, de transmettre une information susceptible d'intéresser les membres de l'Atem, sont invités à le faire auprès du secrétaire de l'Atem.

Colloque 2004 à Toulouse Le colloque de l'ATEM se tiendra du lundi 6 septembre au soir au jeudi 9 septembre 2004 à midi, à l'Institut Catholique de Toulouse. Son thème général porte comme titre : « Parole opportune, parole importune ? ». Il s'agira, dans une perspective pluridisciplinaire, de scruter l'usage éthique de la parole, du dit et du non-dit. Trois axes thématiques principaux donneront lieu chacun à deux conférences : Parole et Promesse, Parole et Vérité, Parole et Relation. Enfin, une table ronde conclura sur le rapport entre Parole et Violence. Des questions telles que le serment, le secret, le mensonge, la manipulation de l'information, la dérision pourront être évoquées. Notre réflexion d'éthiciens portera le souci de dégager l'impact de la parole sur la vie sociale ; notre conviction de croyants ne saura ignorer que la Parole s'est faite chair et que l'existence chrétienne dépend de cette incarnation du Verbe. Plus que pour tout autre sujet, il y a ici matière à débat, car la parole ne sera pas que sur l'estrade ; elle demandera à être partagée et confrontée.

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Nouvelles bibliographiques R. HEYER (dir.), Sujets à croire. Questions de théologie et de psychanalyse. Hommage à Roland Sublon, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2003, 17,44¤.

Le sujet n’est pas l’homme. Mais l’homme, l’homme de la modernité, s’est installé de façon décisive en position de sujet. A-t-il pour autant pris la place de Dieu ? S’il n’est plus certifié dans sa croyance, le sujet qui s’assure de lui-même et de son savoir n’en reste pas moins affronté à l’in-croyable, à l’im-pensé, à l’in-conscient. Tel est le défi devant lequel se rencontrent, dans ce livre, psychanalystes in-formés de la tradition chrétienne et théologiens ouverts à la conceptualité psychanalytique. Quatre parties composent le présent ouvrage : la première s’intitule « Témoins et témoignages » (avec les contributions de R. Sublon, L. Basset, I. Sala, J.-M. Charron) ; la deuxième est consacrée à « la théologie prise à la lettre » (contributions de P. Guingand, J.-M. Vappereau, Ch. Baladier, Ph. Julien) ; « Régimes de parole : foi, droit et salut », objet de la troisième partie (avec les apports de J. Werckmeister, C. Saint-Germain, G. Vahanian) ; la quatrième partie porte sur « Messianisme et institution » (articles de G.-R. Saint-Arnaud, R. Heyer, J.-P. Resweber).

R. COSTE, Les fondements théologiques de l’Évangile social, Paris, Cerf, 2002, 39¤.

Le dernier ouvrage de R. Coste (Les Dimensions sociales de la foi) avait pour but de fonder et de montrer le déploiement du principe herméneutique des dimensions sociales essentielles de la foi chrétienne. Il s’agissait d’une véritable démarche de théologie fondamentale qui aboutissait à la proposition du concept d’Évangile social, au sein de l’Évangile plénier.

Cette étude y prend sa source et y renvoie pour sa justification. En reprenant à frais nouveaux la démarche du livre de H. de Lubac (Catholicisme) sur les Aspects sociaux du dogme, il s’efforce de faire apparaître la pertinence des courants les plus novateurs de la théologie contemporaine pour l’élaboration d’une éthique sociale qui réponde véritablement aux problèmes et aux possibilités de notre temps. Le mystère trinitaire et l’ensemble des mystères chrétiens concernent toutes les dimensions de la vie en humanité et leur prise en compte serait pour elle d’une formidable fécondité. En raison même de son ampleur, l’entreprise ne pouvait être qu’un essai. On y saluera le soin de la rédaction qui évite un langage trop technique et permet ainsi à cette étude d’atteindre non seulement les spécialistes mais aussi les étudiants en théologie, les responsables pastoraux, et tout chrétien acteur de l’Évangile social.

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n° 26 - Novembre 2002 Colloque Nouvelles birbliogaphiques Rubrique Internet Échos de l’AG du 03/09/2002 Échos du CA du 04/09/2002

éditorial

Liberté responsable, j’écris ton nom

Dans beaucoup de dossiers et de débats éthiques auxquels nous sommes confrontés, en tant que théologiens moralistes, nous sommes parfois tentés de choisir entre la liberté chrétienne (fondée sur la vérité de l’Évangile, comme nous le rappelle à bon escient Veritatis splendor) et la responsabilité, entendue comme une balise mais aussi comme une limite de cette liberté première. Or tout indique que cette opposition est exagérée et finalement trompeuse.

La liberté, n’en doutons pas, se présente toujours à l’expérience chrétienne comme une aventure risquée, comme un défi, dont l’issue n’est jamais connue d’avance. Dans la perspective de la foi, elle perd cependant l’allure d’une aventure sans filet, d’un risque totalement abandonné à lui-même. Une postulation de bienveillance providentielle et de libération évangélique égaie la grisaille de nos dilemmes et éclaire les taillis de nos errements. C’est une liberté libérée, orientée, pacifiée, que cette liberté offerte, fruit de la grâce divine.

On n’a peut-être pas assez souligné, dans les controverses bioéthiques contemporaines, combien cette vision créatrice de la liberté chrétienne est plus profonde qu’une simple vision séculière de l’autonomie, réduite la plupart du temps à une auto-détermination de type volontariste et rationaliste. Nous sommes en train de quitter le paradigme nord-américain du mantra de Georgetown (autonomie, non malfaisance, bienfaisance, justice) pour entrer dans de nouvelles interrogations théologiques sur les finalités réelles de la bioéthique. Sans doute ces principes de la bioéthique n’ont-ils pas pénétré vraiment le débat européen. Mais il est tout de même frappant de voir qu’ils servent souvent de référence aux formations et aux débats bioéthiques francophones (j’ai pu le constater encore tout récemment lors de soutenances de mémoire dans le cadre du diplôme universitaire d’éthique en santé à Lyon-I).

Fort heureusement, de nombreux travaux, tant du côté catholique que du côté protestant, nous invitent à reconsidérer la dialectique de la liberté et de l’autonomie.

Une telle compréhension me paraît aussi de nature à éviter certaines oppositions factices, comme celle qui voudrait nous faire choisir de manière tranchée entre la liberté et la responsabilité. Dans des débats difficiles comme l’interruption de grossesse ou l’euthanasie active directe, par exemple, l’appel à la liberté de la conscience, placée sous l’éclairage de l’Évangile de Jésus-Christ, ne saurait signifier un manquement à la responsabilité découlant justement de cette vraie liberté. Inversement, l’accent placé sur la liberté responsable n’a pas pour but d’occulter les vertiges douloureux d’une conscience humaine souvent obligée de choisir le moindre mal plutôt qu’un bien idéal et certain.

Denis Müller, président

Colloque

La filiation interrogée : la question du nom La Croix du jeudi 17 octobre 2003 p. 26

Lentement mais efficacement, les liens de filiation se modifient. Les recompositions familiales, les nouvelles technologies biomédicales, les revendications culturelles, idéologiques... tantôt malmènent, tantôt confortent, toujours interrogent les rapports de filiation.

Ce n'est pas un hasard si l'ATEM a consacré son colloque annuel à ce thème : l'Association des Théologiens pour l'Etude de la Morale s'est penchée sur la question de l'homoparentalité soulignant et la nécessité de la nondiscrimination et les apories de la dénégation des différences. Quand un partenaire homosexuel continue d'élever les enfants qu'il a eus dans le cadre d'une union hétérosexuelle, la filiation de ces enfants n'est pas questionnée comme elle le serait en cas de recours à une procréation médicalement assistée avec intervention d'un tiers ou l'adoption d'une progéniture sans lien de sang direct avec les partenaires homosexuels.

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Plus largement, c'est toute la donne sociale, culturelle, technomédicale... qui interroge aujourd'hui la filiation. Le 21 février 2002 les députés ont adopté la proposition de loi relative au nom de famille (Loi N°2002304 du 4 mars 2002) favorisant une plus grande égalité entre les sexes et une véritable liberté de choix des parents à l'égard du nom que portera leur enfant. Désormais, < lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents... ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. » La transmission obligatoire du nom patronymique (père) existant jusqu'alors dans notre pays impliquait certes une inégalité forte entre les sexes, légitimement dénoncée. Elle avait néanmoins l'avantage d'inscrire dans la filiation la continuité d'une lignée et de prévenir ainsi un certain nombre de jeux de stratégie et, par conséquent, de violence...

Car qui dit liberté de choix dit alternative contrariant les uns, réjouissant les autres. Ainsi quand chacun des conjoints porte déjà le nom de ses deux parents, quelle combinaison entre les quatre noms va-t-on transmettre ? Celui des deux grands-pères paternel et maternel parce que c'est avec eux que le jeune couple s'entend le mieux ? Celui de la mère portant le nom de ses propres parents, en excluant la lignée du père dont le nom paraît risible au conjoint ? Etc. Le choix entre côté paternel et maternel ne va-t-il pas s'avérer crucifiant ? La liberté ne va pas sans rapport de force. Et l'idée d'une certaine transmission obligatoire, d'une préséance stricte, plus égalitaire entre les deux parents, ne serait-elle pas préférable ?

L'arrangement généalogique aléatoire n'a pas le pouvoir de s'opposer au désir incestueux (fantasmatique et inconscient) de fabriquer du même. Et s'il n'y a pas manque, l'individualisation du sujet de parole ne peut s'effectuer. Or là transmission du nom n'a rien d'anodin. Elle visibilise une filiation, une communauté de frères et sueurs, une unité familiale, une appartenance générationnelle... Elle contribue - ou non -à sa manière et à sa place à la construction identitaire du sujet. Le nom attribué d'une façon stricte et juste représente, en effet, une pierre d'angle de l'individualisation qui pose le sujet de parole sur le réel et lui permet ainsi d'édifier son existence sur la différence des sexes et des générations. Prescription n'est, de surcroît, pas préférence : la prescription d'une transmission évite de choisir entre père et mère. Ce que B. Zarca appelle dans Esprit (02/2002) la « transmission parallèle du nom » pourrait s'avérer une solution intéressante même si on ne peut sans doute l'imposer brutalement : l'homme transmet la partie paternelle de son nom et la femme la partie maternelle du sien. Chacun assumerait donc symboliquement la renonciation à l'autre. Quant à l'enfant, il serait ainsi clairement dans une double lignée, masculine et féminine, soulignant l'implication des deux sexes dans la filiation.

Une telle perspective pourrait s'avérer d'autant plus décisive que les familles monoparentales se multiplient, que le lien parents-enfants se privatise et se contractualise, que les femmes ont acquis le pouvoir de décider seules quand elles procréeront un enfant (contraception, ivg...), levant de quelque façon le frein du fantasme d'élimination du père... Car dans le même temps, certains matadors - ceux qui sont engagés dans le clonage reproductif humain, par ex. - laissent espérer que « l'on peut, comme dit la chanson, faire un enfant tout seul », certains idéologues veulent faire croire qu'un enfant n'a pas besoin, pour son équilibre, d'être confronté à la différence des sexes, etc. La discussion de la loi n'a pourtant pas mobilisé les foules. Est-ce le signe d'un virage déjà franchi dans l'évolution générale de la société ? Ou celui d'une résistance des moeurs au projet bien intentionné du législateur ? L'avenir précisera l'interrogation suscitée...

Marie-Jo THIEL

Nouvelles bibliographiques

É. Gaziaux et A. Haquin (éd.), J. Etienne : la raison et la foi. Cahiers de la Revue Théologique de Louvain, 33, Publication de la faculté de théologie de Louvain-la-Neuve et Ed. Peeters, 2001. Avec ce recueil d'articles du Prof. Jacques Etienne, les auteurs veulent rendre hommage à un collègue engagé non seulement dans le travail universitaire à Louvain-la-Neuve mais encore dans différents cercles, notamment le groupe Jacques Leclercq et le Groupe de Synthèses. Les contributions retenues relèvent du domaine de l'éthique rationnelle et de la théologie morale. Elles se voudraient en accord, comme le note E. Gaziaux, avec la « dynamique directrice d'une vie et d'une pensée, à savoir une recherche éthique alimentée par la raison et motivée par la foi ». Impossible de rendre compte de la variété de ces articles regroupés selon trois axes : les sources philosophiques articulant les philosophes de l'Antiquité (Platon, les stoïciens) aux modernes (Bergson, Nabert, Ricoeur) ; la médiation religieuse et théologique assumant la place de la Bible, du Sacré, de la Loi, de la Grâce... ; enfin, les axes de la réflexion éthique évoquant nombre de grands thèmes : éminemment modernes, comme le droit d'ingérence, les droits des minorités... ou plus classiques, comme nature et culture, éthique et anthropologie, éthique formelle et morales historiques... Toutes ces contributions font preuve de rigueur. Elles sont soucieuses d'assumer la complexité de l'être humain.

Ainsi l'auteur vérifie-t-il toujours son appel à l'universel à l'aune du particulier et, réciproquement, assume-t-il les exigences du particulier en l'éclairant à la lumière de l'universel. Sur le plan théologique, sa méthode est la même : la foi ne peut se passer du travail rationnel ; mais prise dans l'économie divine de la surabondance, l'éthique change de signe... Un ouvrage à lire et à méditer ! (Marie-Jo Thiel)

Louis Khawand, Le pardon dans la messe maronite, Coll. Bibliothèque de l'Université Saint-Esprit, XI, Ed. Kaslik-Liban, 1988, 200 p., 21 $. L'auteur, membre de l'ATEM, fait état de ses recherches sémantiques sur le pardon à partir du contexte liturgico-théologique du rite maronite. Ce travail

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prolonge sa thèse de doctorat en théologie à l'Alphonsianum (Rome). En l'an 2000, il a élargi cette réflexion au thème de l'Eglise, de ses moines et des pasteurs, dans un ouvrage arabe de 272 pages (même éditeur). (Marie-Jo Thiel)

Bruno Chenu et Marcel Neusch. Contributions de la théologie au temps qui viennent. Ed. Bayard, 2002, 361 p., 23 €. La théologie chrétienne a connu de grandes avancées au 20e siècle. Deux femmes et cinq hommes, tous théologiens, certains membres de l'ATEM évoquent ici des évolutions et des défis autour des questions bioéthiques, de la place des femmes, de la mondialisation de l'économie, du dialogue interreligieux, des nouvelles formes de guerre, de l'environnement... « Le 21e s., comme l'écrit M. Neusch, ne commence donc pas l'histoire à zéro » ! « II est l'héritier d'une pensée chrétienne qui a su affronter avec audace les principaux conflits du siècle précédent. » Rien d'exhaustif dans ces défis, mais néanmoins belle visite des chantiers que la théologie devra explorer au 21 e s. (Marie-lo Thiel)

Semaines sociales de France, Que ferons-nous de l'homme ? Biologie, médecine et société. Ed. Bayard, 2002, 404 p., 21, 50 €. II s'agit des actes de la 761 session des SSF qui a eu lieu à Issy-les-Moulineaux du 23 au 25 nov. 2001 autour du thème de l'éthique biomédicale. De nombreuses contributions mériteraient d'être relevées tant l'analyse ainsi honorée fait droit à la complexité de l'être humain, à celle des technologies mises en oeuvre au début ou à la fin de l'existence, à la diversité des éclairages du réel. Le théologien moraliste sera particulièrement sensible aux interventions de ses pairs membres de l'ATEM : B. Cadoré, 0. de Dinechin et P. Verspieren, tout en accueillant les interpellations de M. Camdessus, le président des SSF, de D. Sicard, président du CCNE, etc. (Marie-Jo Thiel)

Xavier Thévenot et Anne-Marie Bavoux, Un chemin de croix pour aujourd'hui. Méditer la passion du Christ. Ed. Saint-Augustin, 2002. L'ouvrage alterne textes bibliques, méditations et prières composées par Xavier Thévenot, et photos des 23 tableaux peints par Anne-Marie Bavoux. Les auteurs mobilisent à la fois la mémoire d'événements qui ont changé la face de l'histoire, la sensibilité émotionnelle du priant et l'intelligence adoratrice de celui qui perçoit là, d'étape en étape, l'amour passionné de Dieu pour le monde. Aucune méditation ne dissocie les deux faces du mystère pascal : celle ténébreuse de la passion et celle lumineuse de la Résurrection... À méditer ! (Marie-Jo Thiel)

Olivier Abel, De l’amour des ennemis et autres méditations sur la guerre et la politique, Paris, Albin Michel, 2002. Notre collègue de Paris nous offre ici une belle brochette d'articles et de méditations parus dans la presse (la Croix, Réforme, Libération, etc.) et les revues françaises (Esprit, Etudes, Autres Temps, etc.). Un ouvrage stimulant qui se savoure à petites doses. (D. Müller)

Adrian Holderegger, Denis Müller, Beat Sitter-Liver, Markus Zimmermann éd., Theolog e und biomedizinische Ethik. Grundlagen und Konkretionen, Fribourg, Editions universitaires, 2002. Ce recueil de 368 pages réunit les actes du colloque international de Fribourg (Suisse), les 14-15 septembre 2001, auxquels s'ajoutent plusieurs contributions d'un colloque tenu à Davos dans la même période. On y trouve les signatures de plusieurs membres de l'ATEM (Walter Lesch, Jean-Louis Bruguès, Hubert Doucet, Denis Müller), ainsi que de bioéthiciens mondialement connus (Tristram Engelhardt, HansMartin Sass, etc.). De nombreuses contributions discutent les questions éthiques liées au début ou à la fin de la vie. Ce volume représente un état des lieux stimulants de la situation actuelle des rapports entre théologie et bioéthique. (D. Müller)

i

Jean-Luc Marion, De surcroît. Étude sur les phénomènes saturés. Paris, Presses Universitaires de France (Perspectives critiques), 2001. Le philosophe français approfondit ses réflexions antérieures sur les liens entre la réduction phénoménologique et la donation. De quoi stimuler le travail des éthiciens trop souvent aspirés par la saturation des phénomènes moraux et en manque de surcroît (la grâce, le don, la surprise...). (D. Müller)

Andrea Arz de Falco-Denis Müller, Les animaux inférieurs et les plantes ont-ils droit à notre respect ? Réflexions éthiques sur la dignité de la créature, Genève, Éditions Médecine & Hygiène (CMS), 2002. (D. Müller)

Rubrique internet

Société britannique pour l'étude de (éthique chrétienne:

http://www.dur.ac.uk/ssce/

Société américaine pour (éthique chrétienne:

http://www.scethics.org/FutureMeetings2003.htm

http://www.catho-theo.net

Et la première revue de théologie universitaire francophone disponible exclusivement par internet

Échos de l’AG du 03 septembre 2002 à Sète

1. Renouvellement partiel du CA

Ne se représentent pas : Walter Lesch, Jean-Marie Gueullette, Bernard Boucher.

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La Lettre de l'ATEM, n° 25, a rappelé les membres éligibles en 2002 : soit huit membres (dont le bureau) sur 15 en tout. 5 procurations sont recueillies : Didier Séjourné (à Bernard Bouchet) ; Claude Radas (à Jean-Marie Gueulette) ; Éric Gaziaux (à Denis Müller) ; Roger Berthouzoz (à Denis Müller) ; Bruno Cadoré (à Denis Müller). 41 bulletins sont exprimés (la majorité est donc à 21 voix). Sont élus : Denis Müller (41); Éric Gaziaux (41); Hugues Puel (40) ; Marie-Jo Thiel (39) ; Fabienne Daull (38) ; Luc-Thomas Somme (38) ; Bruno-Marie Duffé (36) ; Christophe Batailh (34). Le CA est donc composé de 15 membres - les huit membres élus ce jour

- élus en 2000: René Heyer et A. Thomasset

- élus en 2001: Philippe Bordeyne, Jean-François Collange, Jean-Paul Durand, André Guimet, Geneviève Médevielle.

2. À propos du colloque 2003 à Strasbourg

II aura lieu du jeudi 28 août 2003 au soir au samedi 30 août au soir, au Parlement européen de Strasbourg sur le thème « Europe, spiritualités et culture face au racisme ». II doit s'étendre sur 4 demi-journées

1. Le racisme à l'épreuve de ses définitions et de l'histoire ;

2. Visions et expériences croisées du racisme en Europe ;

3. Spiritualités, religions et racisme ;

4. L'éthique sociale face au racisme. Chaque demi-journée débutera par deux conférences inaugurales avec traduction simultanée en français, allemand, anglais ; puis suivies de 5 ateliers de langue, deux en français, deux en allemand et un en anglais ou en italien. La détermination des conférences est en cours. Et le budget prévisionnel devrait tourner autour de 50350 €, approvisionné par des apports et des subventions diverses. L'inscription sera de 45 € (étudiants : 30 €). Diverses réservations ont été faites pour obtenir la possibilité d'un hébergement à prix moyen.

Échos du CA du 04 septembre à Sète

1. Nouveaux membres

10 candidatures ont été examinées et acceptées :

- Pierre Boitte, professeur au Centre d'éthique médicale de l'ICL, 7 Avenue Marie-José B-1200 Bruxelles ;

- Francine Charoy, 12, Square Henry Paté, 75016 Paris ;

- Charbel Chlela, BP 2323 Jounieh, Liban ;

- Luc Dubrulle, 50, rue de l'Eglise 62110 Hénin-Beaumont ;

- Dominique Jacquemin, Centre d'éthique médicale de l'ICL, 53, Rue En Rhée B-5500 Dinant ;

- Patrick Jacquemont, Couvent saint Jacques, 75013 Paris;

- Bernard Keating, professeur de théologie morale, Université de Laval, Québec ;

- Michel Sebald, 47, rue Albert Denis, 54200 Toul ;

- Michaël Sherwin, professeur de théologie morale à la faculté de théologie de l'Université de Fribourg, Albertinum CH1700 Fribourg;

- Armelle Tyrel de Poix, épouse Bouvet, Centre d'éthique médicale de l'ICL, 27, Rue Alphonse Mercier 59800 Lille.

2. Le nouveau bureau

Le C.A. a élu à l'unanimité son président : Denis Müller. Le CA a également élu, respectivement et à l'unanimité des présents, son vice-président, son secrétaire et son trésorier : Marie-Jo Thiel, Eric Gaziaux et Hugues Puel.

3. Colloques futurs

Le prochain colloque après Strasbourg pourrait avoir lieu à Toulouse : au CA de janvier 2003, Luc-Thomas Somme fera des propositions de date et de thème. Par la suite, l'on pourra envisager la Suisse (Fribourg ?) et le Québec (Laval).

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n° 25 - Mai 2002 Colloque international

Nouvelles bibliogaphiques Nouvelle rubrique Internet Entre mémoire et espoir, l’éthique comme exode de notre humanité Colloque de l’ATEM à Sète Convocation AG (3/09/02)

éditorial

La France sort à grand peine d’un traumatisme électoral. L’Europe – toute l’Europe – n’est guère mieux lotie, avec les extrémismes qui se manifestent ici et là, de manière récurrente. Le soussigné n’est pas français, mais il croit assez bien connaître les tentations de son propre pays, la Suisse, dans des directions analogues.

Le sentiment diffus d’insécurité qui semble prévaloir, et dont beaucoup de spécialistes en criminologie soulignent combien il est périlleux de vouloir l’enfermer dans de simples données statistiques, dépasse largement les enjeux des politiques dites sécuritaires : il y va d’un ébranlement des convictions, des croyances et des valeurs de base d’une civilisation, la nôtre.

L’insécurité est donc à la foi doctrinale, morale, spirituelle. C’est sans nul doute le signe d’une crise profonde, qui n’est pas sans rappeler les crises antérieures de la conscience européenne ou même mondiale.

À travers de tels ébranlements, c’est finalement la dignité même du politique, toutes tendances confondues, qui est affectée. Et, du même coup, l’édifice moral et culturel supposé soutenir et légitimer cette dignité.

Une « alliance républicaine » pourrait bien être en effet un sursaut nécessaire, mais insuffisant et de courte durée. Car le débat commence justement après : quelles vont être les valeurs qui serviront d’orientation véritable et durable aux programmes et aux projets des élus ? Les personnes et les collectivités vont-elles se montrer capables de surmonter leurs réflexes de peur et d’auto-défense et de construire patiemment ensemble un nouveau contrat social, avec ce qu’il entraîne de conscience commune et de solidarité partagée ?

Les « moralistes », à l’ATEM comme ailleurs, sont renvoyés avec vivacité à la question de leur cohérence intellectuelle et de leur pertinence sociale. Comment rendre compte intelligemment des liens de la politique, de l’éthique et de la vie sociale et économique, sans succomber à un idéalisme déontologique ou à un cynisme utilitariste ? Comment éclairer théologiquement et spirituellement le sens du politique et la dignité des fonctions civiques qu’il appelle ? Comment aborder avec réalisme et lucidité les recoupements de la politique et de la finance, hors de toute hypocrisie, mais sans légitimer l’emprise de la corruption ? Comment, en d’autres termes, moraliser la politique et penser l’éthique au cœur du politique ? Cela transcende certainement nos propres préférences partisanes.

Denis Müller, président

Colloque international

Éthique et complexité socio-économique. Science, éthique, démocratie » Louvain-la-Neuve, les 29-30 mai 2002 et Lille, le 31 mai 2002

Ce colloque a abordé la dynamique de la technologie actuelle qui offre de multiples exemples d'une maîtrise imparfaite de ses conséquences à l'échelle globale et locale, ainsi que sur les plans sociaux, sanitaires et environnementaux. La couche d'ozone et l'effet de serre, les catastrophes de Tchernobyl, du sang contaminé et de la vache folle mettent en question la possibilité d'une prévision et d'une gestion rationnelles de ces problèmes. L'évolution technologique risque d'être soumise à la seule loi du marché et du profit, au détriment d'autres considérations relevant de l'intérêt public.

Les diverses disciplines traitant de l'interaction entre sciences, techniques et sociétés, reconnaissent la complexité des systèmes techniques et remettent en question l'autonomie des processus de découverte et d'invention. La complexité de ces processus révèle l'incertitude fondamentale des situations de risque. La dévaluation du modèle rationnel de la politique fondé sur une expertise scientifique supposée neutre et consensuelle favorise la seule régulation économique.

L'affaiblissement de la dimension politique s'accompagne souvent d'une réduction de la réflexion éthique à une fonction idéologique de justification. La question radicale de la place de l'éthique dans les systèmes sociotechniques complexes en démocratie est ainsi soulevée. La méthodologie de la complexité transforme la réflexion éthique et met

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en relation les tensions causées par la précarité des principes, la pluralité des valeurs, la difficulté des décisions et l'impact des innovations.

L'enjeu central du colloque résidait dans l'analyse des tensions éthiques entre le développement de la technique pensée comme un système complexe et une société marquée par la visée d'un fonctionnement démocratique. Ce colloque s'adressait à la fois aux scientifiques, ingénieurs, philosophes, chercheurs en sciences humaines, décideurs politiques, responsables de recherche-développement du secteur privé. II se voulait un lieu de dialogue et d'interaction entre tenants de diverses disciplines et acteurs directs pour une meilleure intégration du développement technologique au fonctionnement démocratique.

Les différentes interventions ont été l’œuvre de Henri Atlan (Jérusalem) : « Conflits de rationalité dans les prises de décisions technologiques » ; Cari Mitcham (Golden, USA) : « L'histoire de la technique et l'interaction avec la société » ; Peter Kemp (Copenhague) : « Le défi de la mondialisation technologique » ; Adela Cortina (Barcelone) : « Le public de la bioéthique et le rôle de l'opinion publique » ; Eve Chiapello (Paris) : « Dynamique capitaliste et régulation de la technique » ; Pierre-Benoît Joly (Grenoble) : « Quel espace public pour une régulation éthique de la technique ? » ; Georges Legault (Sherbrooke) : « L'expérience québécoise » ; Dominique v Vinck (Grenoble) : « La médiation sociologique » ; Alain Giré (Lyon) : « Identités des formations et formations des identités » .

Plusieurs ateliers étaient aussi organisés sur les thèmes suivants : de la complexité à l'action (W. Lesch, Louvain-la-Neuve), la propriété intellectuelle et industrielle (B. Remiche, Louvain-la-Neuve), la crise écologique (D. Bourg, Troyes), l'expertise en question (F. Dassetto, Ph. Baret, Louvain-la-Neuve), le principe de précaution (E. Zaccaï, Bruxelles), les espaces de délibération (Y. Jeanneret, Paris), la normalisation : technique et valeur (A. Mallard, Paris), les crises technologiques majeures (G. Hériard Dubreuil, Paris).

Walter LESCH

Nouvelles bibliographiques

J.-P. Lebrun, N. Frogneux, É. Gaziaux - W. Lesch, B. Cadoré, Habiter e vivre son corps, Bruxelles, Lumen Vitae, 2002, 126 p. Ce petit ouvrage rassemble les interventions prononcées dans le cadre des conférences de la Fondation Sedes Sapientiae et de la Faculté de théologie de Louvain-la-Neuve en février et mars 2001. Les différentes conférences approchent l'intégrité fragile du corps selon les points de vue de la psychanalyse (J.-P. Lebrun), de l'anthropologie philosophique (N. Frogneux), de l'éthique théologique (É. Gaziaux et W. Lesch) et de la bioéthique (B. Cadoré).

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Nouvelle rubrique Internet

En attendant de créer un jour le site internet de l'ATEM, nous avons décidé de vous proposer ce modeste outil de recherche.

NB. Cette liste n'a rien d'exhaustif. Merci de nous envoyer vos propres suggestions !

Societas ethica (Société européenne d'éthique) Institut protestant de théologie (Paris-Montpellier)

http://www.societasethica.org/ http://perso.magic.fr/iptparis/

Comité consultatif national d'éthique Faculté de théologie catholique (Strasbourg)

http://www.comite-ethique.fr/ http://www.chez.com/theocathostrasbourg/

Théologie morale, Louvain-la-Neuve Faculté de théologie protestante (Strasbourg)

http://www.mora.ucl.ac.be/ http://assoc.wa nadoo.fr/theologie.prot-strasbg/index.html

Moral theology, Leuven Faculté de théologie catholique (Lyon)

http://www.theo.kuleuven.ac.be/en/profile-moral.htm http://www.univ-catholyon.fr/fr/formation/theologie.htm

Bioéthique (Université Laval) Université de Tübingen

http://www.bibl.ulavaI.ca/ress/ethic.html http://www.izew.uni-tuebingen.de/

Institut catholique de Paris Institut romand d'éthique (Genève)

http://www.icp.fr/ http://www.unige.ch/theologie/ire/ Entre mémoire et espoir, l'éthique comme exode de notre humanité

On a, plus d'une fois, dans nos rencontres de l'ATEM, évoqué les liens déterminants entre la construction de l'éthique et l'exercice de la mémoire, individuelle et communautaire. Ce sujet avait même donné lieu à un colloque, à Paris, en septembre 1998.

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En proposant de redéployer la problématique du faire-mémoire et en l'articulant à la « thématique incertaine » de l'espoir, l'Institut des Droits de l'Homme de l'Université Catholique de Lyon avait souhaité (dans son colloque d'avril 2002) risquer la rencontre entre témoins et penseurs des grands défis du monde contemporain.

II s'agissait en effet de donner lieu au récit des hommes et des peuples victimes de violences massives : Rwanda, Algérie, Colombie, Proche-Orient ... et de s'interroger sur les conditions d'un nouvel espoir de paix.

L'apport de l'expérience caractéristique de l'homme traqué - ce rwandais caché plusieurs semaines dans un faux-plafond et résistant au-delà de tout espoir pensable - et la rencontre de l'innommable avec la pensée selon laquelle le droit ne prend naissance que sur fond de violence - devait, comme on pouvait s'y attendre, provoquer d'intenses moments de réflexion.

Nous n'imaginons jamais vraiment ce que produit cette sollicitation mutuelle entre acteurs et penseurs. Non seulement le récit se donne comme chemin d'humanité mais la radicalité de l'expérience touche aux conditions mêmes de la pensée. Dès lors, nous sommes face à nous-mêmes quand l'autre évoque son malheur ou son exode et l'éthique concerne bien notre représentation de l'humain et de l'inhumain.

La mise en perspective des disciplines historique, psychologique, philosophique et juridique donne pleine mesure à cette considération d'une vie humaine à la fois complexe et fragile.

La mémoire se dit au présent. C'est bien aujourd'hui que l'on se risque à parler, que l'on tente, avec labeur et avec douleur, tant bien que mal, de construire et de reconstruire l'histoire qui est la nôtre, une histoire qui nous est, pour une part, commune.

La mémoire est un présent : elle s'offre à qui veut bien l'entendre. Ce qu'elle dit n'a jamais été dit. En tant qu'elle met au monde - devant l'autre et devant les autres - ce qui n'a jamais été prononcé, la mémoire nous situe dans l'inédit de l'histoire. Elle est en cela, un acte de liberté.

S'il n'y a pas d'espoir sans mémoire, c'est peut-être avant tout parce que nous ne pouvons nous représenter

demain qu'en prenant appui sur cette expérience de la co-présence grâce à laquelle nous nous sommes entendus et connus, capables de violence mais aussi capables de considération. L'espoir serait donc cette ligne

imperceptible et vitale sur laquelle se tiennent celles et ceux qui attendent le signe de reconnaissance qui les fera passer de la solitude à l'existence.

Brèche dans les constructions verrouillées des idéologies séductrices, l'espoir est l'autre nom de l'éthique, envisagée comme résistance du bien. II y aurait donc à concevoir un lien particulier entre le « droit à la mémoire» comme affirmation d'appartenance à la communauté humaine et «force de l'espoir » comme inscription de l'être et de la pensée dans l'horizon de la reconnaissance et de l'altérité.

C'est peut-être dans le déficit crucial de cette expérience collective de la mémoire - comme exode - que prennent corps les discours contemporains de la caricature de l'espoir. L'instrumentalisation de l'histoire des « petits et des pauvres » s'avère une forme particulièrement subtile de violence. L'éthique, entendue comme « souci » de l'homme pour l'homme, est bien alors une attitude de résistance.

Bruno-Marie DUFFÉ (Directeur de l'Institut des Droits de l'Homme, Université Catholique de Lyon)

Colloque de l’ATEM, Sète, 3 - 5 septembre 2002 - La filiation interrogée

Le registre de la filiation fait aujourd'hui l'objet d'une large discussion qui est liée, tout au moins en partie, à la nouvelle donne sociale et culturelle, mais aussi aux évolutions considérables des sciences du vivant. On peut évoquer diverses réalités comme les recompositions familiales, les familles « monoparentales », la revendication « homoparentale », la procréation médicalement assistée et les nouvelles possibilités de la génétique. L'enjeu du colloque n'est pourtant pas d'en rester à des situations particulières. À partir de questions concrètes, nous nous efforcerons, en dialogue avec diverses disciplines et notamment la psychanalyse, de repenser, du point de vue de l'éthique théologique, les fondements de la filiation et d'en dégager des effets pouvant éclairer le débat actuel. Le colloque comportera trois étapes principales : la réflexion portera d'abord sur le rapport entre généalogie et filiation (chaîne des générations, nomination et blessures liées aux ratages de l'inscription généalogique, relations et différences entre filiation biologique et filiation symbolique, etc.). Puis, dans un second temps, nous aborderons l'articulation de la sexualité et de la filiation (enjeu de la différence sexuelle dans son rapport à la filiation, lien masculin/féminin et père/mère, etc) et dans ce cadre la question posée sur le plan éthique par la demande « homoparentale ». Enfin, un troisième temps, sera consacré à l'inscription sociale da la filiation sur un plan juridique, théologique et spirituel.

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Le colloque de l'ATEM est ouvert aux membres de l'association et à ceux que le sujet intéresse et qui ont une formation théologique, philosophique ou psycho-médicale. Le colloque se déroulera du mardi 3 septembre à 9h au jeudi 5 septembre à 14h.

Une soirée d'information sur l'actualité théologique aura lieu le lundi soir à 20h30. Les propositions' d'interventions sont à communiquer par les membres de l'ATEM au président.

Lieu : Centre familial Le Lazaret, La Corniche - Rue Pasteur Lucien Benoît, 34 200 Sète. Tel. 04 67 53 22 47 (aucune inscription pour la durée du colloque ne doit être envoyée à cette adresse). Le centre, situé à 4 km de la gare SNCF de Sète est accessible par Bus n° 2 (arrêt Vigie à la Corniche) ou taxi. Une information sera envoyée aux personnes qui arrivent en train au sujet d'une possible navette organisée par le Lazaret avec une heure de rendez-vous à la gare de Sète.

Frais d'inscriptions : 58 €. Cette somme est à régler au moment de l'inscription définitive, en envoyant le bulletin ci-joint. Le règlement se fait pas chèque bancaire ou postal, à l'ordre de l'ATEM. Seuls les participants n'ayant pas de compte en euros sont autorisés à ne régler leur inscription qu'en arrivant sur place, en argent liquide euros.

Frais d'hébergement: 115 €. Ces frais seront réglés sur place. Ils comprennent la pension complète en chambre individuelle, l'excursion à Guilhem-le-désert et le repas festif du mercredi soir.

Convocation AG (3 septembre 2002) Ordre du jour

1. PV de l’AG de Saint-Jacut (04.09.02)

2. Rapport moral du président

3. Rapport financier du trésorier

4. Nouveaux membres

5. Renouvellement partiel du Conseil

Nous vous rappelons que le Conseil est actuellement composé des 15 membres suivants:

- les membres du bureau : É. Gaziaux (élu en 1997; se représente), , M.-J. Thiel (élue en 1998; se représente), J.-M. Gueullette (élu en 1998; ne se représente pas); D. Müller (élu en 1999; se représente)

élus en 1999: F. Daull, B.-M. Duffé, W. Lesch ;

élus en 2000: B. Bouchet, R. Heyer, A. Thomasset ;

élus en 2001: Ph. Bordeyne, J.-F. Collange, J.-P. Durand, A. Guimet, G. Médevielle.

Les membres dont le mandat arrive à échéance en 2002 sont donc : F. Daull, B.-M. Duffé, W. Lesch, et J.-M. Gueullette (ne se représente pas).

6. Présentation du colloque 2003 à Strasbourg

7. Divers et propositions individuelles

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n° 24 - Mars 2002 Le projet de loi « relatif à la bioéthique » Nouvelles Nouvelles bibliographiques Colloque ATEM 2002 La filiation interrogée

éditorial

Une communauté en marche

En septembre 2002, au Lazaret (Sète), l’ATEM s’interrogera sur la filiation, sous la conduite de Jean-Daniel Causse et de Xavier Lacroix (voir le programme provisoire dans ce numéro). Filiation et généalogie, filiation et sexualité, filiation et inscription sociale, ces trois thèmes scanderont nos recherches et nos échanges.

L’ATEM, comme association francophone et œcuménique, est tissée de dettes filiales et de reconnaissances collégiales. Son histoire reste à écrire. Comme responsables actuels de sa conduite et de son animation, nous souhaitons regarder résolument vers l’avenir, mais en demeurant paisiblement ancrés dans un présent assumant le passé.

En nous demandant de pourvoir au changement du siège social de l’ATEM et au transfert d’un certain nombre de documents à la Bibliothèque du Saulchoir (43 bis rue de la Glacière, F – 75013 Paris), notre collègue René Simon, dont on sait le rôle déterminant joué dans la fondation et dans la vie de l’ATEM, a fait preuve à notre égard d’une grande confiance. Nous l’en remercions vivement.

Depuis plusieurs années, grâce à l’hospitalité des frères salésiens de la Communauté Don Bosco (Rue des Pyrénées 393bis, F-75020 Paris), nous avons eu le privilège, plusieurs d’entre nous, de pouvoir côtoyer de plus près René Simon et Xavier Thévenot, deux membres éminents de l’ATEM, et de découvrir par la même occasion la belle tradition salésienne. A cette communauté et à ses amis, nous exprimons notre profonde reconnaissance pour cette précieuse contribution au travail théologique, et nous leur souhaitons bon vent pour un avenir fécond et béni.

La Bibliothèque du Saulchoir, en acceptant généreusement que le siège social de l’ATEM et ses archives y figurent désormais, à côté d’autres institutions et d’autres documents, nous permet notamment de poursuivre les liens intellectuels et fraternels qui existent, depuis toujours, entre la communauté dominicaine et l’ATEM. Que les responsables de la Bibliothèque du Saulchoir soient, eux aussi, assurés de notre vive gratitude.

Au sein de l’ATEM, nous faisons l’expérience de la diversité des courants qui animent le catholicisme francophone et l’expérience œcuménique. Le Conseil de l’ATEM a siégé ces deux dernières années au CERAS (Paris), grâce à la diligence d’Alain Thomasset ; le bureau s’est réuni notamment à Louvain-la-Neuve et à l’Institut catholique de Paris. Quant aux colloques de l’ATEM, ils obéissent comme toujours à une belle transhumance géographique et œcuménique : après Ottawa, Paris, Louvain, La Baume et Saint-Jacut, le Lazaret nous attend, puis ce sera à Strasbourg.

Comment mieux dire ce qu’est l’ATEM : une communauté en marche, ancrée dans une mémoire reconnaissante et désireuse plus que jamais de servir l’être humain, la société et les Églises, par une théologie morale enracinée et dynamique ?

Le bureau : Denis Müller, président ; Marie-Jo Thiel, vice-présidente ; Jean-Marie Gueullette, trésorier, Éric Gaziaux, secrétaire.

Le projet de loi « relatif à la bioéthique » Adopté en première lecture par l’Assemblée nationale (française) le 22 janvier 2002

Il était prévu, dans le texte même de la loi française de juillet 1994 sur les greffes d’organes, l’assistance médicale à la procréation (AMP)…, que les dispositions alors adoptées seraient soumises à révision dans un délai de cinq ans. Près de huit ans plus tard, a seulement été obtenu un vote en première lecture à l’Assemblée Nationale. Il serait surprenant que le processus parlementaire aboutisse avant l’été 2003.

En son état actuel, le projet de loi fait succéder des amendements qui vont d’une simple « toilette » du texte de 1994 jusqu’à des modifications de grande portée anthropologique et juridique.

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Il y a 8 ans, le législateur s’était montré très réservé sur le don d’organes « entre vifs ». Le commerce d’organes apparaissait abominable, et les médecins de la transplantation étaient très sensibles aux risques courus par le donneur vivant. Certains s’interrogeaient aussi sur l’existence de pressions familiales. Ne furent donc autorisés que les dons entre personnes étroitement apparentées. Aujourd’hui, semble prévaloir l’argument d’utilité (ou de nécessité). Le texte prévoit une possibilité – encadrée - de dons entre personnes ayant entre elles « un lien étroit et stable ». Dans la même ligne, le projet de loi admet le don de moelle osseuse par une personne sous tutelle, au bénéfice exclusif d’un frère ou d’une sœur, après accord du juge. Cela avait été refusé en 1994.

On notera, même si ce n’est pas une nouveauté, que le texte qualifie de « produits cellulaires à finalité thérapeutique » les cellules humaines utilisées à de telles fins. Celles-ci peuvent devenir des « spécialités pharmaceutiques » et être cédées « dans le cadre d’une activité commerciale ».

Étaient les plus attendues les décisions qui portent sur le clonage humain et la recherche sur l’embryon. Le « clonage reproductif » fait l’objet d’une condamnation très ferme. La personne qui y procéderait en France encourt une peine de 20 ans de prison, et celle qui y coopérerait en acceptant le prélèvement sur elle de cellules ou de gamètes, cinq ans, que les faits aient eu lieu en France ou à l’étranger.

Le clonage « thérapeutique » est lui aussi interdit, au moins implicitement. Il est en effet stipulé « qu’une recherche ne peut être conduite que sur les embryons conçus in vitro dans le cadre d’une AMP qui ne font plus l’objet d’un projet parental ». Le compte-rendu des débats montre que les députés ont voulu « ouvrir une porte », et une seule : celle qui mène à la recherche sur des embryons déjà constitués dans une finalité d’aide à la procréation, et devenus surnuméraires, et, de ce fait, voués à la destruction (ou à l’interruption de leur conservation…).

Ces débats furent d’assez bonne qualité. Les arguments les plus invoqués à l’Assemblée furent celui de l’intérêt des malades atteints de maladies dégénératives, et « l’hypocrisie » qu’il y aurait à bénéficier de recherches menées à l’étranger tout en les interdisant en France. Mais plusieurs députés exprimèrent longuement leurs réticences ou leurs hésitations personnelles. Certains demandèrent que les cellules-souches (qui sont au centre des perspectives actuelles de recherches) soient prélevées sur l’adulte ou le cordon ombilical ; et non pas sur des embryons humains, ce qui risquerait d’ouvrir ultérieurement la voie à la production d’embryons pour la recherche et au clonage. Comme c’est fréquent en France, l’Assemblée se rassura en rappelant les autorisations qui devraient être demandées à une « Agence de la procréation , de l’embryologie… », et les contrôles qui seraient mis en place. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, puisque tout se fera « dans des conditions très encadrées »…

Un principe est posé : « La conception in vitro d’embryons humains à des fins de recherche est interdite ». Mais il est aussitôt ajouté : « sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 2141-1-1 ». Or, cet article impose d’évaluer toute nouvelle technique d’assistance médicale à la procréation. On se souvient qu’une telle technique, l’ICSI, s’est répandue dans les années 90 sans avoir aucunement fait au préalable l’objet d’études. Le projet de loi actuel prévoit, lui, une expérimentation sur l’espèce humaine, puisqu’il précise : « Les embryons dont la conception résulterait de cette évaluation ne peuvent être ni conservés, ni transférés … ». Que devient un principe auquel il est aussitôt fait une telle exception ?

Il y aurait évidemment d’autres dispositions à signaler : l’acceptation du transfert post-mortem d’embryons, à certaines conditions ; la fin mise à la conservation d’embryons humains à la demande du couple, ou au terme d’une certaine durée… Mais on peut gager que les débats ultérieurs, au Parlement comme dans la société française, porteront essentiellement sur l’acceptation ou le refus d’utilisation d’embryons humains pour la recherche (et, a fortiori, de création d’embryons pour des évaluations ou d’autres recherches). Y a-t-il alors réification de l’embryon ? Cela doit-il être accepté par la société au nom d’intérêts supérieurs, ou de « droits des malades » ?

Patrick VERSPIEREN sj

Nouvelle Nous nous réjouissons de la nomination de notre ancien président Bruno Cadoré (Lille) comme provincial des dominicains de France et nous lui adressons nos vœux de bonheur dans cette belle tâche, en espérant qu'il aura encore de nombreuses occasions de participer aux activités de l'ATEM.

Nouvelles bibliographiques

- Ethical Theory and Moral Practice (Dordrecht), volume 4/4, décembre 2001, Is Theological Ethics Relevant for Philosophers ? (textes de Svend Andersen, Susan F. Parsons, Ton van den Beld, Gilbert Vincent et Denis Müller).

- L'éthique et la religion à l'épreuve de la démocratie. En dialogue avec Marcel Gauchet, Revue de Théologie et de Philosophie (Lausanne), 2001/IV (textes de Marcel Gauchet, Denis Müller, Olivier Tschannen, Thierry Laus et Hugues Poltier).

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- Groupe de travail sous la présidence de René Heyer, Rapport sur la déontologie en travail social, Strasbourg, Drass

Alsace, janvier 2002, 76 p.

Colloque de l’ATEM 2002

La filiation interrogée Colloque de l’ATEM, Sète, 3 - 5 septembre 2002

Le registre de la filiation fait aujourd’hui l’objet d’une large discussion qui est liée, tout au moins en partie, à la nouvelle donne sociale et culturelle, mais aussi aux évolutions considérables des sciences du vivant. On peut évoquer diverses réalités comme les recompositions familiales, les familles « monoparentales », la revendication « homoparentale », la procréation médicalement assistée et les nouvelles possibilités de la génétique. L’enjeu du colloque n’est pourtant pas d’en rester à des situations particulières. À partir de questions concrètes, nous nous efforcerons, en dialogue avec diverses disciplines et notamment la psychanalyse, de repenser, du point de vue de l’éthique théologique, les fondements de la filiation et d’en dégager des effets pouvant éclairer le débat actuel.

Le colloque comportera trois étapes principales : la réflexion portera d’abord sur le rapport entre généalogie et filiation (chaîne des générations, nomination et blessures liées aux ratages de l’inscription généalogique, relations et différences entre filiation biologique et filiation symbolique, etc.). Puis, dans un second temps, nous aborderons l’articulation de la sexualité et de la filiation (enjeu de la différence sexuelle dans son rapport à la filiation, lien masculin/féminin et père/mère, etc) et dans ce cadre la question posée sur le plan éthique par la demande « homoparentale ». Enfin, un troisième temps, sera consacré à l’inscription sociale da la filiation sur un plan juridique, théologique et spirituel.

Le colloque de l’ATEM est ouvert aux membres de l’association et à ceux que le sujet intéresse et qui ont une formation théologique ou philosophique.

Le budget à envisager sera d’environ 58 € de frais d’inscription et d’environ 120 € pour la pension complète. Les tarifs définitifs seront précisés sur le bulletin d’inscription, diffusé en mai-juin.

Le colloque sera accueilli par le centre familial du Lazaret de Sète, à 30 kilomètres de Montpellier. Un minibus pourra être organisé de la gare de Sète jusqu’au centre en fonction des pré-inscriptions.

Pensées sur le handicap et la faiblesse

La dialectique existentielle de l'amour de soi nous fait sortir de la logique de l'équivalence et de la symétrie. S'aimer et s'estimer, ce n'est pas boucler la boucle infernale et statique de l'identité de Soi, car ce serait du narcissisme, mais c'est entrer dans une transformation de soi où l'idéal du Soi vient à la rencontre de la réalité du moi, jusqu'à pouvoir faire intersection, au prix d'un événement singulier, imprévisible, jamais répétable de manière certaine ou automatique.

Ici, la passivité rencontre la fragilité, cette faiblesse constitutive dont Alexandre Jollien a si magnifiquement fait l'éloge. « Au cœur de ma faiblesse, je peux donc apprécier le cadeau de la présence de l'autre et à mon tour, j'essaie avec mes moyens de leur offrir mon humble et fragile présence » (Éloge de la faiblesse, Paris, Le Cerf, 1999, p. 95). On ne saurait mieux dire, non seulement la condition particulière de la personne handicapée, mais la condition singulière de notre commune et inimitable humanité : ne sommes-nous pas toutes et tous, ici, encore une fois, des événements singuliers, un avènement contingent de grâce ? La faiblesse, dit encore Alexandre Jollien, n'est pas un poids pour l'autre, elle peut devenir légèreté, accessibilité à l'autre, vulnérabilité même de l'accueil, hospitalité essentielle. L'apôtre Paul avait exprimé cette magnifique et profonde dialectique de la faiblesse et de la force, de la grâce et de la croix : quand je suis faible, c'est alors que je suis fort. Quand je suis léger, c'est alors que je pèse, que je pèse mon poids de sens, de gloire, de révélation. Il y a de la libération, de l’allégement, à ne peser que le poids de sa gloire, de son ouverture à la lumière d'autrui, du monde, de la beauté sur la terre, de l'horizon, toutes ces métaphores de la divinité que nous quêtons en notre « hominescence » (Michel Serres) et pour notre croissance.

Devenir un homme, croître, atteindre la taille de l'homme, comme le chantait Ramuz en son idiome singulier, n'est-ce pas, en effet, « disposer librement de sa faiblesse » (Jollien, ibid.), et trouver, dès lors, une nouvelle possibilité, ce pouvoir-être de « l'homme capable » (Ricoeur), d'un homme nouveau, non pas d'un homme sûr de lui, mais d'un homme se surmontant, d'un sur-homme ayant accès à la conscience de sa finitude et à la capacité de transformation que lui confère sa vie intérieure, une vie ouverte sur la transcendance de l'autre ?

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Il importe de revenir un instant sur le sens de la maxime chrétienne : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. On a coutume d'entendre et de lire cette maxime sur le mode d'une relation d'équivalence : il y aurait le moi et le toi, le sujet et l'autre, chacun d'un côté, posés dans une relation d'indifférence, de juxtaposition. La maxime biblique serait à comprendre de la sorte : Tu t'aimeras toi-même dans l'autre. Tu seras un Narcisse intégral, simplement christianisé, baptisé dans une pieuse mélasse. Symétrie totale et idiote, combat des chefs, banalisation mortelle de la relation. Le philosophe Alain Badiou n'est pas tendre avec cette mélasse chrétienne ou avec ce méli-mélo d'équivalence. La maxime chrétienne, nous dit-il, aurait eu pour effet, je le cite, « de d'abord contraindre, par les moyens les plus redoutables, le présumé autrui à être comme moi-même, afin de pouvoir l'aimer. Ce n'est pas dans cette impasse, ajoute cruellement Badiou, que nous pouvons déterminer le rapport supposé au non-rapport ».Il précise encore : « Techniquement, cela se dira : le rapport entre singularités, s'il existe, ne peut avoir pour paradigme la relation d'équivalence » (dans De l'amour, Paris, Flammarion, 1999).

Je note que Badiou cite la maxime biblique en disant : Tu aimeras autrui comme toi-même. Il a exclu de la maxime ce qui, justement, faisait sa singularité. Le texte biblique dit en effet : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La différence est plus grande qu'on pourrait le penser. Pour que le prochain puisse se rapprocher de moi et que je puisse l'aimer, dans l'espace d'une injonction à l'impératif, encore faut-il que l'un et l'autre se déplacent, comme le met en scène l'Écriture sainte, par exemple dans le récit du bon samaritain (Luc 10).

Tu aimeras ton prochain comme toi-même ne veut donc pas du tout dire : tu identifieras l'autre à toi, tu enfermeras ton prochain dans une relation d'équivalence close, mais, au contraire : si tu veux parvenir à aimer ton prochain, tu dois déjà découvrir la faille, la scission, la déchirure qui est à l'intérieur de toi, entre toi et toi, entre ton Moi et ton Soi.

Aimer son prochain comme Soi-même, c'est parcourir l'expérience aventureuse de la déchirure en Soi qui ouvre à l'accueil de l'Autre comme Prochain étonnamment proche, comme Lointain qui se rapproche au point de pouvoir être nommé comme Proche.

Denis Müller (8 mars 2002, la Longeraie, Morges).

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n° 23 - Novembre 2001 Nouvelles publications Cotisations Colloque de l’ATEM Échos de l’AG du 04/09/01 à Saint-Jacut de la Mer Nouveaux membres

éditorial

Entre l’innommable et le nécessaire

La tragédie du 11 septembre 2001 nous confronte à l'innommable. Malgré l'immense effort d'interprétation auquel a donné lieu cet événement, il résiste à toute explication univoque.

Le 16 septembre, lors d'un débat télévisé à Genève, interrogé par Antoine Basbous, le directeur de l'Observatoire du monde arabe à Paris, sur la signification de Dieu dans une telle catastrophe, j'ai spontanément répondu : « Dieu n'était pas plus à Manhattan qu'il n'était à Auschwitz ». Une manière sans doute trop directe de résister aux tentations de théodicée qui surgissent en nous devant de tels drames.

Aujourd’hui, le processus de lecture de l'événement n'est pas terminé. Une guerre d'un genre nouveau, contre un terrorisme d'abord anonyme, puis soudain terriblement personnalisé, a commencé. Nous nous sentons moins démunis peut-être que lors de la Guerre du Golfe, il y a dix ans, parce que nous avons pris conscience de la fragilité de l'empire américain et que le monopole de CNN n'est plus ce qu'il était.

Les outils classiques de la théologie morale, par exemple les critères précis de la doctrine de la guerre juste, se sont avérés à la fois dépassés et relancés. On n'oserait plus, en contexte judéo-chrétien, décider de la « justesse » d'une guerre, mais on a appris à rayer la plupart des guerres de la liste des entreprises humaines dignes du beau mot de justice.

En même temps, le déchaînement apocalyptique d'un monde nauséabond, perdant ses repères, semble relancer une conscience morale d'un nouveau type : nous osons enfin rire de l'infantilisme des princes de ce monde et reprendre confiance dans les valeurs élémentaires du monde vécu : la fraternité, la solidarité, l'humour, la douceur, l'attention à l'autre, la paix, l'esprit de simplicité reprennent des couleurs inédites. Le monde va à sa perte, et voici que nous nous sentons responsables de petites choses précieuses et de nouveau capables d'initiatives constructives. Tout espoir n'est pas perdu, si nous gardons la foi. En l'autre. En soi. En Dieu même, finalement, malgré notre impuissance à désigner son lieu dans un monde dur et injuste où il ne semble plus avoir de crèche.

Noël approche. Une nouvelle éthique de la responsabilité s'y love, modeste et impérieuse.

Denis Müller

Nouvelles publications

Jacques Rollet, Religion et politique. Le christianisme, l’Islam, la démocratie, Paris, Grasset [Le Collège de Philosophie], 2001. D’un philosophe politique longtemps actif dans l’ATEM, un ouvrage lucide et pertinent, mettant en évidence l’apport singulier du judéo-christianisme dans la promotion de la démocratie.

Denis Müller, Jean Calvin, puissance de la Loi et limite du pouvoir, Paris, Michalon, 2001. L’auteur relit les principaux textes du Réformateur sur les questions de l’usage politique de la Loi, des deux règnes, du rôle des magistrats et du droit. Il en tire des réflexions actuelles et personnelles sur le droit de résistance et d’ingérence ainsi que sur les relations entre l’éthique, le droit et la théologie.

Monique Canto-Sperber, L’inquiétude morale et la vie humaine, Paris, Presses Universitaires de France, 2001. Dans ce brillant essai, la philosophe française s’interroge sur l’état de l’éthique, osant s’en prendre à des auteurs à la mode (Alain Badiou, Luc Ferry, etc.) et argumenter pour un rapport positif de l’éthique à la religion, en particulier au christianisme. Courageux et roboratif.

Albert Jacquard-Axel Kahn, avec la collaboration de Fabrice Papillon, L’avenir n’est pas écrit, Paris, Bayard 2001. Un dialogue étonnant, entre deux scientifiques épris d’éthique, mais dont on découvre certains désaccords moins connus et souvent féconds.

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X. Lacroix (dir.), Oser dire le mariage indissoluble, Paris, Cerf [Recherches morales], 2001. Cet ouvrage est issu des travaux d’un laboratoire de recherche de la Faculté de théologie de Lyon qui s’est réuni de 1995 à 1999. Les contributions ont été réunies en quatre parties : « la question des fondements » (X. Lacroix, p. 15-45), « selon la raison » (p. 47-86, P. Moreau et G. Raymond), « au cœur du mystère » (p. 87-142, D. Vasse, F. Genuyt, J.-Cl. Sagne), « définitions ecclésiales » (p. 143-234, M. Evdokimov, B. de Cazenove, D. Baudot, X. Lacroix) et s’articulent autour de la question suivante : est-il possible de continuer à affirmer l’indissolubilité du lien conjugal dans le contexte d’une culture de la subjectivité ou, plus précisément, en assurant les acquis d’une philosophie et même d’une théologie de la personne et de la liberté ? Dans l’affirmative, la voie est ouverte pour une compréhension de l’indissolubilité qui ne repose pas seulement sur la primauté de l’institution, ou sur une sacralisation des liens, mais qui (re)découvre, à travers le subjectif, ce qui est au-delà du subjectif, exposant ainsi comment l’interpersonnel plonge vers les intrications inconscientes du lien, vers ses dimensions sociales, familiales, et vers sa portée théologale et ecclésiale.

É. Gaziaux et A. Haquin (éd.), J. Étienne. La raison et la foi. Éthique et théologie morale. Recueil d’articles en l’honneur de son 75ème anniversaire, Louvain-la-Neuve, Publications de la Faculté de Théologie, 2001.Le présent ouvrage est un recueil d'articles de J. Étienne, professeur de philosophie et de théologie morales à l'UCL, en l'honneur de son 75ème anniversaire. Le choix des articles et leur agencement dans une structure tripartite témoignent de la dynamique directrice de la vie et de la pensée de J. Étienne, à savoir une recherche éthique alimentée par la raison et motivée par la foi. C'est ainsi que la première partie, consacrée aux sources philosophiques de la pensée de J. Étienne, rassemble diverses études qui vont de Platon à Ricoeur en passant par Bergson et Nabert ; la seconde partie s'offre comme une médiation religieuse et théologique : elle reprend diverses contributions de J. Étienne sur le sacré, sur les relations entre la dynamique évangélique et la vie morale. La troisième partie, quant à elle, fait se croiser ces deux sources de la réflexion morale que sont la raison et la foi sur des axes fondamentaux de la réflexion éthique ainsi que sur des thématiques plus actuelles : y sont abordés e.a. les rapports entre nature et culture, entre anthropologie et éthique, mais aussi les droits de l'homme, le droit d'ingérence, le respect aux mourants. Le recueil se termine par une bibliographie de J. Étienne. Comme un fil rouge qui traverse ce recueil, la mise en évidence du primat du dialogue et de la raison sur la victoire privée de parole qu'est la violence, rappelle la capacité éthique qui habite tout être humain et qui confère à sa liberté sa dignité.

Cotisations

Vous trouverez sur la première page de cette lettre une étiquette indiquant votre situation à l'égard de la cotisation de l'ATEM. Le règlement doit être fait :

Si vous habitez en France ou que vous avez un compte en francs français, par chèque à l'ordre de l'ATEM. N'utilisez plus le CCP, le compte est fermé.

Si vous résidez dans un autre pays, par versement en espèces lors du colloque, ou par virement bancaire (demandez un relevé d'identité bancaire au trésorier), ou par mandat postal international. Évitez les eurochèques, sur lesquels les banques prélèvent une commission qui représente le quart de la cotisation.

Toute correspondance pour les cotisations est à adresser au trésorier de l'ATEM, Jean-Marie Gueullette, Couvent des dominicains, 3 rue Brizeux, F-35700 RENNES.

Attention ! en vue du passage à l’euro, la cotisation a été fixée à 26 euros pour membre actif et 16 euros pour membre correspondant.

Colloque de l’ATEM

Le dernier colloque de l’ATEM à Saint-Jacut de la Mer a décliné pour nous sous toutes ses formes l’idée de l’accompagnement. Le mot en effet a fait fortune, mais la réalité qu’il cache est multiforme. Quoi de commun entre une psychanalyse ou une psychothérapie et un conseil en création d’entreprise ? Peut-on recouvrir du même terme un « coaching » sportif ou professionnel et le discernement d’une vocation sacerdotale dans un grand séminaire ? Et même dans l’accompagnement spirituel que de différences entre la cure d’âme de la tradition protestante, la direction spirituelle d’un pénitent, les exercices spirituels de saint Ignace et la vigilance spirituelle d’un Père abbé dans un monastère de tradition bénédictine !

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C’est donc à cette réalité extraordinairement diversifiée que se sont attaqués les moralistes de notre association grâce à Jean-Marie Gueullette et une équipe de théologiens, dont beaucoup venaient de l’ouest français. Théologien à Louvain-la-Neuve et secrétaire de notre association, Éric Gaziaux est allé au fond des choses en parlant de l’autonomie de la personne et de la requête de liberté de l’homme moderne. Partant de la formule de Kant disant « aies le courage de te servir de ton propre entendement », il montra comment l’autonomie est le fondement de notre humanité commune. Loin d’être un repliement sur soi, cette autonomie fonde l’altérité et renvoie à la responsabilité du sujet. L’authentique liberté humaine est une liberté à libérer du narcissisme. C’est une ouverture et une aventure. C’est une liberté instaurée, restaurée et déployée, selon la structure trinitaire qui renvoie au Dieu des chrétiens.

Ayant justifié philosophiquement et théologiquement ce qu’on pourrait appeler un individualisme moderne, nous étions à même de comprendre ce qui se jouait dans les différentes formes de l’accompagnement. A la base se trouve la difficulté pour l’individu de devenir soi, de découvrir son projet, de traverser les épreuves de l’existence. L’accompagnement est ainsi, en première lecture, la prothèse de l’individu à la recherche de lui-même et face aux difficultés de la vie. Or ce que nous avons appris de l’accompagnement à travers exposés, témoignages et tables rondes, c’est que toutes les formes d’accompagnement se réfèrent soit à des institutions, soit à des réalités collectives et sociales.

Lorsqu’un Père Abbé veille à l’évolution spirituelle d’un de ses moines, le dialogue peut être très confiant et de cœur à cœur, mais il n’empêche que l’Abbé est à l’égard de son moine en situation d’autorité et qu’en cas de forte tension l’entretien peut très bien se terminer par le départ pur et simple de ce dernier. Dans un séminaire sulpicien des règles plus subtiles ont été élaborées. S’est peu à peu mise en place une célèbre distinction entre le jeu du for interne et du for externe pour permettre à la direction spirituelle de s’exercer à distance des décisions institutionnelles tendant à faire avancer le séminariste vers l’ordination sacerdotale ou au contraire à l’en écarter. Dans la situation très différente de la psychothérapie et de la psychanalyse, la société est loin d’être absente. En effet, le colloque singulier ne va pas sans rapport social à une profession organisée avec ses codes professionnels et ses modes de rémunérations. Dans le cas d’un accompagnement spirituel « désintéressé » (hormis les satisfactions narcissiques que peut en tirer l’accompagnateur), tout apparemment est en état d’apesanteur sociale et de gratuité économique. Pourtant on a entendu poser la question de la rémunération de celui qui passe souvent de longues heures à écouter de façon empathique des sujets souffrants et qui ne dispose pas par ailleurs de ressources régulières suffisantes.

Dans l’individu, la société est là. Cela ne met pas en cause la situation culturelle de l’homme moderne à la recherche d’autonomie et de liberté. Mais cela souligne sa fragilité, sa précarité, sa difficulté à affronter les souffrances et à vivre son rapport à la société. La multiplicité des formes d’accompagnement en témoigne. Mais elles témoignent aussi de la prégnance de notre environnement collectif, de sa complexité, de son incertitude et ainsi que des peurs et des angoisses qu’il peut engendrer.

Il me semble que seule l’ATEM pouvait analyser, avec autant de profondeur, de pertinence et de subtilité, un phénomène aussi significatif de notre temps que les multiples formes de l’écoute et du suivi de personnes souffrantes et en difficulté d’être.

Hugues Puel

Échos de l’AG du 04.09.01 à Saint-Jacut de la Mer

1. Renouvellement partiel du CA

Il est procédé au renouvellement partiel du CA. Pour rappel, suite aux décisions prises lors du colloque de Louvain-la-Neuve (1999, cf. PV/AG/07.09.99), le CA est composé de 15 membres. 42 voix (donc majorité à 22 voix).

Ont été élus : J.-F. Collange (41 voix), Ph. Bordeyne (38 voix), J.-P. Durand (36 voix), G. Médevielle (33 voix), A. Guimet (32 voix).

Pour rappel, le CA est donc composé de 15 membres :

les quatre membres du bureau : É. Gaziaux (1997), J.-M. Gueullette (1998), D. Müller (1999), M.-J. Thiel (1998); élus en 1999 : F. Daull, B.-M. Duffé, W. Lesch ; élus en 2000 : B. Bouchet, R. Heyer, A. Thomasset ; élus en 2001 : Ph. Bordeyne, J.-F. Collange, J.-P. Durand, A. Guimet, G. Médevielle.

2. Colloque 2002 à Sète

Le colloque 2002 aura lieu à Sète du 03 septembre au 05 septembre 2002, sur le thème psychanalyse, éthique et théologie. Lors de la discussion, il apparaît clairement que le thème doit être formulé de manière plus attractive. L'idée de titre suivante a été lancée « L'amour et la haine. Théologie, éthique, psychanalyses et psychothérapies ». Il reviendra bien sûr à l’équipe sur place d’en discuter.

Il émerge de la discussion que l’attente des membres de l'ATEM est clairement du côté des enjeux théologiques et spirituels de la question, et des retombées sur les problématiques d'éthique et de théologie morale. Il ne s’agit donc

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pas de traiter de l’éthique en jeu dans la pratique psychanalytique. Si cette problématique n’est pas inintéressante, elle apparaît aux yeux de nombre de membres de l’Atem trop étroite, trop technique, trop limitée à un petit groupe de professionnels.

On fait aussi remarquer qu’il serait bon de mobiliser de nouveaux moralistes dans le Sud et de faire appel à des collègues espagnols.

Enfin, suite à un vote, l'AG a émis le voeu que l'excursion soit intégrée au colloque plutôt que reportée à la fin ; l'idée a également été émise que le repas festif ait lieu hors les murs, que ce soit à Montpellier (importance de voir le lieu de travail des collègues) ou dans quelque autre endroit charmant et budgétairement compatible. Cette proposition tend à favoriser des temps de relations, d’échanges, temps jugés trop courts lors des colloques qui doivent aussi être des lieux de rencontres informelles.

3. Lettre de l’Atem et prospectus

Trois numéros de la Lettre sont parus durant l’année (numéro 20 en novembre 2000, numéro 21 en mars 2001, numéro 22 en mai 2001). Pour garder cette vitesse de croisière et afin de nourrir cet instrument de liaison, nous invitons les membres de l’Atem à nous envoyer des textes et des informations.

Grâce à la diligence de G. Médevielle, un prospectus présentant l’Atem a vu le jour. Il s’agit là d’un outil de communication précieux pour informer nos partenaires et les futurs nouveaux membres de l’Association. Des exemplaires peuvent être demandés auprès du secrétaire.

Nouveaux membres

1) Lors de la séance du Conseil du 27 janvier 2001, cinq nouveaux membres de l’ATEM ont été acceptés : Mme Céline Ehrwein (Lausanne), MM. Alberto Bondolfi (Zurich), Luc-Thomas Somme (Bordeaux), Jacques Joubert (Lyon), Karsten Lehmkühler (Strasbourg).

2) Lors de la séance du Conseil du 05.09.01 à Saint-Jacut de la mer, 7 nouveaux membres ont été « cooptés ». Il s’agit de : Béatrice Birmelé (J.-F. Collange et M.-J. Thiel), Mireille Hugonnard (B.-M. Duffé et X. Lacroix), Jacqueline Le Diguer'Her (A. Guimet et M.-J. Thiel), Françoise Bordes (H. Puel et R. Berthouzoz), Antoine Tarabay (B.-M. Duffé et O. de Dinechin), Germanos Germanos (B.-M. Duffé et A. Guimet), Christophe Batailh (A. Barral Baron et X. Lacroix).

Il est rappelé que, pour devenir membre de l’ATEM, il est nécessaire d’adresser au Conseil, via le président, une lettre de candidature et un curriculum vitae avec liste des éventuelles publications, ainsi que le soutien écrit de deux membres de l’ATEM.

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n° 22 - Mai 2001 Nouvelles publications

Cotisations Congrès Colloque ATEM 2001. Accompagner l’autre : quelles évolutions ? quels repères éthiques ? Convocation à l’AG du 04/09/2001 Soirée théologique

éditorial

Le théologien moraliste sollicité par le débat public

Les « questions morales qui nous occupent », rappelait Denis Müller dans la dernière Lettre de l’ATEM, « prennent souvent une dimension publique ».

Plus encore, le débat public sollicite aujourd’hui, peut-être plus que jamais, le théologien moraliste, soit dans sa fonction propre, soit comme éthicien rationnel. L’avènement de la bioéthique, pour ne prendre en compte ici que ce secteur particulier, a suscité une étonnante évolution ! Après avoir chassé le confessionnel par la grande porte de la loi de séparation de l’Église et de l’État, on le rappelle par la fenêtre des comités d’éthique. Après avoir décliné sur tous les tons la « dangerosité » ou l’inutilité des théologiens, bien des acteurs de terrain les interpellent pour apprendre une méthodologie, formuler des critères d’évaluation, ou encore pour « représenter » une nécessaire pluridisciplinarité de fait ou de façade.

Les demandes d’intervention qui me sont adressées s’avèrent ainsi à la fois extrêmement nombreuses et fort diverses tant à cause des instances solliciteuses que des requêtes elles-mêmes. J’en énumère quelques-unes sans souci d’exhaustivité ni d’ordre. Dans le milieu médical, l’interpellation porte autant sur les arguments autour des grandes questions éthiques sur la vie, la mort, la maladie que sur une méthodologie permettant de discerner et de décider pratiquement de la meilleure conduite à tenir possible. Les grilles d’aide à la décision médicale ou de relecture clinique tiennent ici une place de choix. Le grand public attend très souvent une « position » : position du théologien catholique à côté du représentant juif, du scientifique, du juriste, du sociologue, etc. Tout comme le journaliste. Pourtant l’un comme l’autre sauront aussi saisir l’occasion dune formation à la méthodologie quand l’opportunité se présente.

Il ne faut cependant pas être naïf : on se « sert » aussi du théologien pour des causes moins nobles. On cite certains de ses propos hors contexte. On l’inféode à des exercices où il n’a guère liberté de pensée. On en fait un simple répétiteur prié de « ne pas faire de vagues ». On l’exhibe pour illustrer un décalage entre d’une part le monde libéral, le « progrès scientifique » et d’autre part la perspective « moyenâgeuse » de l’Église ou des religions.

Parfois, c’est vrai, le moraliste est trop frileux, les sollicitations le mettent mal à l’aise ; il ne sait pas dire « non » ; surtout, il ne dispose le plus souvent d’aucune formation à la communication, à la gestion publique de réponses éthiques nuancées.

Divers aspects mériteraient ainsi d’être creusés. D’abord sans doute l’éthique de l’intervention du théologien moraliste, et en particulier les fonctions phatique et métalinguistique de sa communication. Certes son pouvoir d’inflexion sur le débat public n’est pas énorme, mais il n’est pas non plus insignifiant, loin de là. L’indigence de la réflexion sur la qualité éthique de la communication théologique devient ainsi d’autant plus inacceptable.

Comment, ensuite, discerner entre les demandes ? Quels critères privilégier pour sélectionner les sollicitations ? Comment former le théologien moraliste à la gestion publique de réponses éthiques nuancées, tenant compte de la complexité du sujet humain et de la société dans laquelle il évolue ? C’est une chance tant pour le séminaire que pour le théologien de ne pas être « enfermé » dans un lieu clos ; encore faut-il en tirer les conséquences.

Mériterait enfin d’être creusée la question des motivations de celles et ceux qui acceptent de s’engager, le plus souvent bénévolement (donc comme un surcroît de travail), dans le champ éthique. Car beaucoup de praticiens de terrain, il faut le noter également, ne s’y intéressent pas directement. Ceux qui réfléchissent l’éthique sont souvent des chrétiens ou des personnes pratiquant activement leur religion, comme si l’éthique requerrait un engagement plus facilement accepté quand il est porté par un système symbolique prégnant. Cela ne peut qu’interpeller là encore le théologien.

Celui-ci, qu’il le veuille ou non, est à la fois (in)formateur et (in)formé, acteur et spectateur, sollicité et sollicitant. Il n’a d’autre alternative que d’assumer humblement, avec audace et prudence, la tâche complexe qui lui est confiée tant par l’Église que par la société. Chemin de crête, chemin parsemé d’embûches, mais aussi Chemin de Vie.

Marie-Jo Thiel

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Nouvelles publications David Dahl Rendtorff and Peter Kemp (dir.). Basic ethical principles in european bioethics and biolaw. Vol. I: Autonomy, dignity, integrity and vulnerability (428 p.); Vol. II: Partners' research (372 p.). Report to the European Commission of the BIOMED-II Project, Basic ethical Principles in Bioethics and Biolaw 1995-1998. Ed. Centre of Ethics and Law, Copenhagen, Denmark and Institut Borja de Bioètica, Barcelona, Spain, 2000.

Cet ouvrage en deux volumes est le fruit d'une recherche entreprise dans le cadre du projet BIOMED-II et coordonnée par le Centre de Recherches en Ethique et Droit de Copenhague et qui a abouti, en novembre 1998, à " La Déclaration de Barcelone " relative aux " Principes éthiques de Base en Bioéthique et Biodroit " (cf. vol. 1, dans une double version anglaise et française). Le premier tome reprend un travail élaboré principalement lors de quatre grands meetings (Copenhague, Sheffield, Utrecht et Barcelone). Il a été rédigé par Jacob Dahl Rendtorff (rapporteur du projet depuis juin 1997) et Peter Kemp (coordinateur du même projet) à partir de ce travail en commun mais aussi en s'appuyant sur les contributions individuelles des divers partenaires qui sont reprises dans le second volume. Deux ouvrages qui donnent à penser sur les implications de la bioéthique. Marie-Jo Thiel

Peter Kemp, Jacob Rendtorff and Niels Mattson Johansen (eds.). Bioethics and Biolaw. Vol.1 : Judgement of Life. Vol.2: Four Ethical Principles. Rhodos International Science and Art Publishers & Centre fort Ethics and Law, Copenhagen, 2000.

Cet ouvrage en deux volumes est à lire en lien avec les deux précédents. Le premier tome propose les actes de la conférence internationale qui s'est tenue du 29 mai au 1er juin 1996 à l'Université de Copenhague autour du thème " Bioéthique et Bioloi "; le second offre l'essentiel des textes de la conférence qui suivit en juin 1998 et qui fut consacré au même thème, tout en se focalisant davantage sur les quatre principes bioéthiques qui seront retenus par la Déclaration de Barcelone : l'autonomie, la dignité, l'intégrité et la vulnérabilité. On trouvera là encore des contributions très diverses d'auteurs mondialement connus donnant à réfléchir. Marie-Jo Thiel

Cotisations

Vous trouverez sur la première page de cette lettre une étiquette indiquant votre situation à l'égard de la cotisation de l'ATEM. Le règlement doit être fait :

Si vous habitez en France ou que vous avez un compte en francs français, par chèque à l'ordre de l'ATEM. N'utilisez plus le CCP, le compte est fermé.

Si vous résidez dans un autre pays, par versement en espèces lors du colloque, ou par virement bancaire (demandez un relevé d'identité bancaire au trésorier), ou par mandat postal international. Évitez les eurochèques, sur lesquels les banques prélèvent une commission qui représente le quart de la cotisation.

Toute correspondance pour les cotisations est à adresser au trésorier de l'ATEM, Jean-Marie Gueullette, Couvent des dominicains, 3 rue Brizeux, F-35700 RENNES.

Congrès Congrès à Vienne (Internationale Vereinigung für Moraltheologie und Sozialethik) : 17-21.09.01

Le congrès de l'Internationale Vereinigung für Moraltheologie und Sozialethik aura lieu du lundi 17 septembre au vendredi 21 septembre 2001 sur le thème « Perspectives éthiques dans le processus de globalisation », à Vienne, sous la direction du Pr. Dr. Günter Virt (Schottenring 21 A -1010 Wien, [email protected]). Les différentes conférences seront l'oeuvre de E. Busek (Vienne, le lundi 17 au soir) ; de G. Enderle (Notre Dame), E. Altvater (Berlin), E.U. Weizsäcker (Stuttgart) pour le mardi 18 ; de J. von Braun (Bonn) pour le mercredi ; G. Luf (Vienne), I. Gabriel (Vienne) pour le jeudi ; de J.B. Metz pour le vendredi. Une excursion à l'UNO-City aura lieu le mercredi après-midi et des ateliers seront organisés le jeudi après-midi.

Congrès à Davos (Euresco Conferences. A Programme of the European Science Foundation) : 08-13.09.01

Du 08 septembre au 13 septembre 2001 se tiendra à Davos (Suisse) un colloque consacré à la biomédecine dans les limites de l'existence humaine : Biomedicine within the Limits of Human Existence. Bioethics : an Interdisciplinary Challenge and a Cultural Project, président : C. Rehmann-Sutter (Bâle) et vice-présidents : D. Mieth et M. Düwell (Tübingen). Les rencontres ne sont pas programmées pour reproduire l'état de la question des méthodes en bioéthique, mais pour poser de nouvelles questions et tenter de trouver de nouvelles voies dans le traitement des problématiques morales. Comment les discours bioéthiques peuvent-ils être enrichis par les discussions critiques sur les contraintes et les limites présentes dans les concepts de corps, de relations et de nature ? De telles discussions dépassent le champ strict de l'éthique et concernent non seulement les différents domaines des sciences humaines mais aussi les sciences et la médecine en tant que telles. Les conférences entendent fournir un dispositif pour une collaboration interdisciplinaire entre les sciences, les « humanities », et la société. Les jeunes chercheurs sont invités à émettre de nouvelles idées et approches avec de courtes présentations et en participant aux diverses tables rondes.

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Les conférenciers sont : D. Beyleveld (Sheffield), J. Caputo (Villanova, US), R. Chadwick (Lancaster), A.C. Orts (Valence), M. Düwell (Tübingen), S. Graumann (Tübingen), H. Haker (Tübingen), J. Harris (Manchester), A. R. Jonsen (Washington), J.L. Scully (Bâle), W. Lesch (Louvain-la-Neuve), M. Midgley (Newcastle), D. Mieth (Tübingen), R. Mordacci (San Raffaele), C. Rehmann-Sutter (Bâle), B. Shöne-Seifert (Zürich), M. Stacey (Warwick), P. Tichtchenko (Russie), C. Wiesemann (Göttingen), J.-P. Wils (Nijmegen).

htttp://www.esf.org/euresco/01/hc01175a.htm

Symposion interdisciplinaire à Fribourg (Suisse), 14-15 septembre 2001: Théologie et éthique biomédicale dans une société pluraliste avec pour test le début et la fin de la vie. Avec H. T. Engelhardt, H.-M. Sass, H. Doucet, J.-L. Bruguès, D. Müller, D. Mieth, J. Fischer, W. Lesch, M. Ziumermann, etc. Renseignements et inscriptions on line: www.unifr.ch/formcont/

Colloque de l’ATEM, Saint-Jacut de la Mer, 4-6 septembre 2001

Accompagner l’autre : quelles évolutions ? quels repères éthiques ?

Le colloque comprendra deux temps. La journée du mardi explorera les diverses réalités désignées aujourd’hui par le terme d’accompagnement. Puis trois demi-journées seront consacrées à l’étude de questions éthiques spécifiques.

I. Un terme récent, des réalités diverses

- Spécificité de la posture d’accompagnement. C’est une posture relationnelle, un ensemble de rôles que l’on adopte en vue d’aider une personne dans une situation existentielle difficile dont le dépassement ne peut être, en dernier ressort, décidée que par elle. Malgré le flou sémantique ambiant, il est nécessaire de la distinguer d’autres postures comme la direction, le conseil, l’enseignement, le suivi, l’animation. (Guy Le Bouëdec. U.C.O. Angers.)

- La compassion, une re-connaissance d’autrui et de soi. Un certain type de savoir fait violence en enfermant autrui dans du connu. Il est aussi un frein dans l’accompagnement, en enfermant l’accompagnant lui-même dans un pré-jugé qui est clôture sur soi. La compassion dont parlent les évangiles, ouvre à un autre ordre en ne laissant aucun des deux vis-à-vis indemnes. Est-il possible d’articuler une telle reconnaissance d’autrui avec les savoirs acquis ? (Lytta Basset. Lausanne.)

- Le dialogue foi chrétienne/psychanalyse dans le discernement et l’accompagnement des vocations, 1950-1975. Dans les années 1950-1975, l’accompagnement spirituel fut l’un des premiers bénéficiaires de la confrontation entre foi chrétienne et psychanalyse, en particulier dans le discernement des vocations sacerdotales et religieuses. (Laurent Lemoine. Lille.)

- Évolution de la signification du spirituel dans ses rapports avec le religieux. Incidences sur l’accompagnement des malades. Aujourd’hui apparaît une signification laïque du spirituel, particulièrement perceptible dans le monde de la santé. L’analyse d’accompagnements menés dans le cadre de l’aumônerie hospitalière permet d’explorer ces nouvelles dimensions de la demande spirituelle, proche de l’attente d’une reconnaissance qui donne sens à la vie, grâce à l’autre. (Gwennola Casal. U.C.O. Angers.)

- Table-ronde : Lecture critique des livres de Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs et Étienne Garin, La maison de Lazare par Françoise Baldé, psychanalyste ATEM, Paris, et Bernard Mercier, théologien (dogmatique), U.C.O. Angers.

II. Accompagnement d’une décision morale et autonomie du sujet

- L’École française et la protection du sujet : Fors interne et fors externe dans les séminaires. Après avoir décrit la pratique sulpicienne du rapport « for interne, for externe » et retracé rapidement son histoire, nous essaierons de montrer comment cette pratique est au service de la liberté des candidats au ministère presbytéral et de la liberté des formateurs eux-mêmes dans le discernement des vocations. (Bernard Pitaud. Inst. Catholique Paris.)

- L’accompagnement de la décision et la norme morale. Accompagner une décision morale amène les acteurs à se confronter aux repères éthiques. Quelle est la tâche de l'accompagnateur dans son aide à l'élucidation, surtout lors décisions lourdes à prendre (IVG, IMG, divorce et remariage, etc...) ? Comment l’Église catholique pense l’éthique de l’accompagnement ? (Jean-Michel Moysan. Quimper. ATEM)

- Autonomie morale et accompagnement humain. Un indispensable entrelacement ? L’exposé visera à dégager quelques axes de compréhension de l'autonomie pour la mettre en lien avec une dynamique de l'accompagnement. Autonomie et accompagnement se rencontrent, se croisent, voire se confrontent dans l'émergence progressive d’un sujet en quête de lui-même. (Éric Gaziaux. Louvain la neuve. ATEM.)

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III. L’investissement personnel de l’accompagnateur : quelle distance ?

- L’accompagnateur(trice) dans la tradition ignatienne. Un enjeu : être au service de la relation entre le créateur et sa créature. Des exigences : entrer dans un certain esprit de service pour aider l’autre à devenir un sujet discernant. Pour vivre cette relation d’aide, les repères ignatiens invitent l’accompagnateur(trice) à se situer dans une juste distance et une juste proximité. (Mariannick Le Gallo. Penboc’h.)

- L’abbé d’un monastère dans son rôle d’accompagnateur. Le père abbé joue plusieurs rôles : père de la communauté, pasteur, maître, sage, médecin. Alors qu’il ne peut provoquer le frère à l’ouverture du cœur, l’abbé doit l’aider à vivre sa vocation, que j’aime présenter comme un « nœud de relations ». Parmi elles, il y a la relation à l’abbé dont le rôle ne peut être une substitution du père (géniteur), et qui cependant est au service de la vie du frère, dans toutes ses dimensions. (P. Paul, Père abbé de Timadeuc.)

- Le (la) pasteur(e) protestant(e) dans la cure d’âme. L’accompagnement pastoral est passé du régime de la proclamation de la Parole de Dieu à celui de l’énonciation et de l’interprétation du sens ou de la pluralité des sens. Le pasteur ne dispose pas d’une réponse à la question d’autrui, il doit la chercher et la recevoir avec lui. Il chemine provisoirement avec l’autre dans une situation de face-à-face. (Inge Ganzevoort, pasteure, Bordeaux.)

- Accompagnement, compagnonnage, amitié. On parle d’accompagnement plutôt que de direction pour désigner une relation dans laquelle on est pourtant très soucieux de mettre en valeur la distance affective et la liberté du sujet. Or le terme d’accompagnement évoque pourtant le compagnon qui partage le pain et la route. L’exposé cherchera à renouveler l’éthique de l’accompagnement, en en montrant les relations complexes avec le compagnonage, l’amitié, et le plaisir. (Jean-Marie Gueullette. Rennes. U.C.O. Angers. ATEM)

IV. Le secret en question

- La confidentialité dans le gouvernement et l’accompagnement, à la lumière de la canonicité de l’Église catholique romaine. Le droit étatique n’est pas l’unique régulation qui préside aux relations d’autorité dans les groupements religieux, a fortiori dans l’Église catholique romaine. Ses institutions internes contribuent aux distinctions nécessaires entre gouvernement et accompagnement, entre obligation de secret et devoir de discrétion. (Jean-Paul Durand. Paris. ATEM)

- Quelques enjeux éthiques du secret à la lumière des récentes affaires de pédophilie. Situé à l’entrecroisement des droits de l’individu et du bien public, le secret engage le respect de la personne humaine et la possibilité de se fier. Mais toute institution tend, par nature, à protéger ses membres, hypertrophiant le secret jusqu’à occulter, parfois, l’intolérable. Bien des courants de la société tendent, eux, à atrophier le secret jusqu’à exiger une « totale transparence ». Ces enjeux et limites du secret, certains drames de la pédophilie les mettent en évidence de manière quasi paradigmatique. (Marie-Jo Thiel, Strasbourg, ATEM.)

Convocation AG (4 septembre 2001)

Ordre du Jour :

1. PV de l'AG de la Baume (5 septembre 2000)

2. Rapport moral du président

3. Rapport financier du trésorier

4. Nouveaux membres

5. Renouvellement partiel du Conseil

Nous vous rappelons que le Conseil est actuellement composé des membres suivants, outre les membres du bureau (É. Gaziaux (élu en 1997), G. Médevielle, M.-J. Thiel, J.-M. Gueullette (élus en 1998), D. Müller (élu en 1999) :

élus en 98 : J.-P. Durand, É. Fuchs, J.-F. Collange, L. Crépy

élus en 99 : F. Daull, B.-M. Duffé, D. Müller, W. Lesch

élus en 00 : A. Thomasset, B. Bouchet, R. Heyer

Les membres dont le mandat arrivent à échéance en 2001 sont donc : J.-P. Durand, É. Fuchs (démissionnaire), J.-F. Collange, L. Crépy

6. Présentation colloque 2002 à Sète (responsable: Jean-Daniel Causse)

7. Divers et propositions individuelles

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Soirée théologique

Le bureau souhaite poursuivre une tradition bien ancrée en proposant une soirée libre autour des intérêts des membres de l'Atem et de l'actualité théologique et éthique. Prévoir une intervention de 15-20 minutes sur le sujet que vous aborderez (thème théologique ou éthique, actualité religieuse, fonctionnement d'une instance éthique, projet pédagogique, débat public, etc.). Les membres de l'Atem qui souhaiteraient intervenir dans ce cadre sont priés de s'annoncer auprès du président Denis Müller.

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n° 21 - Mars 2001 L’ère du risque et de la précaution Cotisations Nouvelles publications Colloque ATEM 2001. Accompagner l’autre : quelles évolutions ? quels repères ?

éditorial

Spiritualité et éthique. Enjeux publics et besoins personnels

Beaucoup de questions morales qui nous occupent, en tant que théologiens, acteurs pastoraux ou philosophes, prennent souvent une dimension publique. On l’a vu avec le débat sur l’euthanasie. On en fait l’expérience dans la discussion des lois de bioéthique ou lorsqu’il est question du décryptage du génome et du clonage. Sans oublier les interrogations qui se font entendre, de manière nouvelle, sur la place des religions, du catholicisme en particulier, dans la société française ou dans d’autres contextes européens. Un dialogue comme celui auquel j’ai eu la chance d’assister, entre Marcel Gauchet et Mgr Dagens, à l’Institut catholique de Paris en décembre 2000, ou les réflexions vigoureuses de René Rémond dans son livre récent Le christianisme en accusation, Paris, Desclée de Brouwer, 2000 obligent à revenir sur la place de la religion et des Églises dans l’espace public, et, du même coup, sur la portée politique des morales d’inspiration religieuse.

Ces légitimes enjeux publics ne devraient cependant pas nous voiler ce qui demeure de préoccupations spirituelles et pastorales très liées au cheminement privé des individus. On peut penser que le regain d’intérêt pour les questions d’accompagnement spirituel et de thérapeutiques centrées sur le développement de l’intériorité, de l’estime de soi ou de la confiance témoigne d’un retour du soi et du sujet. Ce n’est pas par hasard non plus que surgissent, dans le champ de la philosophie et de la théologie morales, de nouveaux besoins d’articulation. Les « sources du soi » ne sont plus seulement l’objet de recherches historiques ou littéraires, visant à éclaircir les motivations de l’action juste, elles trahissent aussi de nouveaux intérêts, en particulier un désir d’investissement pédagogique et spirituel. Les liens entre le sujet, la spiritualité, la pastorale, les démarches psychanalytiques et l’éthique demandent à être défrichés et explorés, en vue de pratiques humaines et sociales plus satisfaisantes. Les deux prochains colloques de l’ATEM, en 2001 à Saint-Jacut (voir programme dans ce numéro) et en 2002 à Montpellier (où il se pourrait que soit abordée la question des rapports entre psychanalyse et éthique) s’inscriront à des titres divers dans cette tendance.

Sans doute faut-il y voir bien plus qu’une simple curiosité théorique. Après le temps des éthiques et des valeurs « objectives » et « publiques », voici peut-être (re)venu celui des éthiques subjectives et des vertus privées. Plus profondément, les sujets et les personnes que nous sommes éprouvent un besoin croissant de concilier leur itinéraire existentiel et spirituel, souvent intense, avec leur engagement social et politique, devenu parfois plus modeste, mais pas nécessairement moins réel. Il n’y a d’ailleurs nulle raison de soupçonner la demande spirituelle de nos contemporains de vouloir se désengager et de déserter les questions publiques. À condition, justement, de ne pas faire le jeu des replis ésotériques ou sentimentaux sur une intériorité sans médiations.

Denis Müller, président de l'Atem

L’ère du risque et de la précaution L’actualité nous met en face des questions de sécurité alimentaire et de santé publique (Organismes génétiquement modifiés, crise de la vache folle, listériose, etc.) mais aussi face à une inquiétude vis-à-vis de risques technologiques (dans le nucléaire, la médecine...). Notre société a tellement développé les protections et les assurances qu’elle est devenue hypersensible aux risques résiduels. On réclame des codes et des garanties, on cherche les responsables, on s’abrite sous des mesures de précaution qui pourraient devenir tyranniques, sans toujours savoir partager les risques ou assumer ses responsabilités propres. Une des questions essentielles des temps à venir sera de parvenir à une juste attitude face aux risques qui tissent notre existence tant personnelle que collective. Le principe de précaution qui est aujourd’hui largement utilisé tente d’y faire face mais son usage ne le permet pas toujours.

Être prudent avec le principe de précaution

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La spectaculaire mise en avant du principe de précaution pose de nombreuses interrogations. D’abord ce principe reste ambigu dans sa formulation, comme l’indique la diversité de ses définitions actuelles. Quand certaines associations écologiques déclarent qu’« aucun déchet ne doit être déversé en mer à moins que son innocuité ne soit prouvée », la loi Barnier de 1995 sur l’environnement indique que l’incertitude scientifique « ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées » pour éviter des dommages « graves et irréversibles », ceci « à un coût économique acceptable ». Ce qui, pour les uns, est un principe d’abstention absolu, exigeant la preuve de l’innocuité et s’appliquant de manière directe comme impératif de décision, désigne, pour d’autres, un critère partiel qui demande pour être concrètement appliqué d’autres éléments de justification (l’examen et la discussion des différents scénarios possibles, le calcul et la balance des avantages et inconvénients de telle ou telle mesure, la pesée des motifs d’inquiétude et des dommages potentiels).

Le principe de précaution indique qu’il peut être urgent de prendre des décisions même en l’absence de certitudes scientifiques. Dans le drame du sang contaminé, c’est faute d’avoir appliqué ce principe, en attendant de la part des scientifiques de telles certitudes sur la gravité du danger et la validité des tests, que des responsables se sont abstenus d’agir, permettant ainsi à la contagion de se propager. Il s’agit de prendre au sérieux des risques dont les indices, si faibles qu’ils puissent être, indiquent pourtant la possibilité d’une menace d’une gravité réelle. On l’a vu à l’œuvre lors de la crise de ESB. Mais une telle démarche ne saurait être assimilée à une règle d’abstention qui ferait du « dommage zéro » et de la sécurité absolue une nouvelle norme sociale. Car cette norme serait irrationnelle et son application générale impossible. Comment ne pas voir qu’elle aboutirait rapidement à la paralysie totale de l’action ? Cette norme supposerait aussi de mobiliser tous les moyens disponibles pour la prévention des dommages au détriment d’autres usages contribuant au bien public. Il ne s’agirait plus d’une attitude éthique. Par ailleurs, l’exigence d’une preuve d’innocuité se heurte, en de nombreux cas à une impossibilité scientifique. Cette requête véhicule l’idée positiviste d’une science capable de réduire toute incertitude moyennant une recherche suffisante, alors que sur de nombreuses questions aucune preuve définitive ne pourra jamais être obtenue. Malgré de nombreuses recherches, l’incertitude demeure par exemple sur les effets pour la santé publique des champs électriques et magnétiques de basse fréquence. Faut-il interdire les lignes électriques à haute tension et l’usage des téléphones portables ?

Ce rêve d’une sûreté totale évoque pour l’histoire de la tradition morale catholique une attitude « tutioriste » qui exigeait, pour apaiser les doutes de la conscience, de se décider seulement en fonction de l’hypothèse la plus sûre et dans la plus stricte observance de la loi. Bannir l’incertitude est toujours un fantasme associé à la peur devant un monde changeant. Mais notre monde n’est plus celui des certitudes et la précaution urge, précisément, à décider dans un monde incertain et complexe. Elle ouvre une nouvelle casuistique.

Un nouveau rapport entre experts, politiques et citoyens

La précaution exige d’agir sans se reposer sur les certitudes du savoir. Le lien traditionnel qui unissait l’expertise et l’action se trouve donc fragilisé. Deux dynamiques opposées sont à l’œuvre. D’un côté, la connaissance scientifique voit son pouvoir renforcé vis-à-vis des décideurs chargés de surveiller les innovations technologiques et l’activité économique ; de l’autre, la connaissance scientifique se heurte à son incapacité à fournir en temps utile les bases d’une décision publique rationnelle. C’est curieusement le doute que la science déclare elle-même sur les résultats de ses recherches qui oblige les décideurs à prendre des mesures sans attendre tous ses résultats. Cette prise de distance vis-à-vis du pouvoir de la connaissance redonne au politique une marge de manœuvre face à l’expertise.

Cette nouvelle configuration donne aux pouvoirs politiques (mais aussi économiques) de nouvelles responsabilités. Elle les invite à prévoir davantage les effets à long terme de leurs décisions, à organiser le suivi et la surveillance des risques potentiels ou déclarés. Elle les oblige surtout à décider, sans croire que l’on puisse faire une confiance aveugle aux progrès de la science. Tout ce qui est possible n’est pas souhaitable. De leur côté, les scientifiques se voient nantis eux-mêmes de nouvelles responsabilités, notamment sur la circulation des hypothèses concernant des possibilités incertaines ou sur l’exploration de risques éventuels. Ils seront mis en cause pour avoir écarté ou sous-estimé certains risques, ou bien pour avoir indûment mis en cause une substance ou un procédé. Traduite en termes juridiques, cette responsabilité exige de la prudence, car elle pourrait s’avérer illimitée et à vrai dire insupportable.

Si le risque zéro n’existe pas, la véritable question sociale consiste à décider quels risques nous sommes prêts à accepter. Or définir le risque acceptable doit en dernier lieu rester la tâche des citoyens et des responsables politiques. Le savant ou l’expert ne sont pas en ce domaine plus compétents qu’un autre. Leur avis aide à mesurer l’ampleur possible des risques, il ne dit pas quel risque doit être choisi. Dans cette relation nouvelle entre expertise et décision, la démocratie peut y gagner. La diffusion d’une meilleure information sur les risques encourus est une nécessité, non seulement pour le respect de la dignité des personnes mais pour que les citoyens deviennent coresponsables d’un risque non plus subi mais accepté et choisi. Des instances et des procédures d’évaluation et de contrôle indépendantes doivent pouvoir assurer une publicité et une transparence suffisante des décisions engageant l’avenir. La création de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et la constitution annoncée pour 2002

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d’une Autorité alimentaire européenne vont dans ce sens. Diverses procédures de participation et de consultations des citoyens sont à l’essai et devront se développer, comme les conférences de consensus, les jurys de citoyens, les ateliers de scénario, etc.

Car la question reste finalement posée de savoir quel sont les biens les plus précieux qu’il s’agit de mettre à l’abri des dangers grâce au principe de précaution ? Faut-il privilégier les équilibres écologiques et la diversité du vivant, ou bien le lien social et l’accomplissement des personnes, ou encore l’innovation technologique, la croissance économique, l’indépendance nationale ? Vivre, c’est assumer des risques. Vouloir « vivre ensemble » suppose, aujourd’hui, de choisir quels risques nous voulons assumer ensemble.

Alain Thomasset, sj (CERAS, Centre Sèvres)

Cotisations Vous trouverez sur la première page de cette lettre une étiquette indiquant votre situation à l'égard de la cotisation de l'ATEM. Le règlement doit être fait : Si vous habitez en France ou que vous avez un compte en francs français, par chèque à l'ordre de

l'ATEM. N'utilisez plus le CCP, le compte est fermé. Si vous résidez dans un autre pays, par versement en espèces lors du colloque, ou par virement

bancaire (demandez un relevé d'identité bancaire au trésorier), ou par mandat postal international. Évitez les eurochèques, sur lesquels les banques prélèvent une commission qui représente le quart de la cotisation.

Toute correspondance pour les cotisations est à adresser au trésorier de l'ATEM, Jean-Marie Gueullette, Couvent des dominicains, 3 rue Brizeux, F-35700 RENNES. Nouvelles publications Église réformée de France

La tentation de l’extrême droite, Paris, Réveil Publications/Les Bergers et les Mages, 2000, 192 pages.

Ce petit ouvrage, très pédagogique et très lisible, poursuit la réflexion entamée par le Synode de l’ERF à Nantes, en 1998, sur le thème « Étranger, étrangers », en analysant et en discutant les dérives de l’extrême droite en France et en Europe. Après une préface du pasteur Michel Bertrand, président du Conseil national de l’ERF, quatre dossiers se succèdent : approche théologique (avec des textes d’André Gounelle, de Thomas Römer, de François Vouga, ainsi que de Jean-Daniel Causse et Olivier Abel, tous deux membres de l’ATEM), approche psychologique, approche historique et sociopolitique (avec notamment une analyse historique des rapports entre extrême droite et protestantisme réformé de 1890 à 1945, par Laurent Gambarotto, et un texte de Jacques Rollet (philosophe politique, membre de l’ATEM) sur la situation de l’extrême droite en Europe et en France), paroles publiques (en France, mais aussi en Autriche). Une lecture indispensable.

Denis Müller

Xavier Thévenot, Les ailes et le souffle. Éthique et vie spirituelle. Éd. Desclée de Brouwer/Cerf, 2000, 156 p.; 96 F

Tel un oiseau, chaque être humain peut se saisir des mouvements de l'air, de l'Esprit pour se laisser porter et voler avec grande agilité... L'auteur se saisit de cette parabole de François de Sales pour évoquer les liens entre grâce et liberté, éthique et vie spirituelle. Il fait droit dans cet ouvrage tant à des questions d'éthique fondamentale que d'éthique plus sectorielle avec la maladie, le PACS, la relation d'aide...

Marie-Jo Thiel

Colloque ATEM 2001

Accompagner l’autre : quelles évolutions ? quels repères ?

Le thème Aujourd’hui, on accompagne les mourants et les créateurs d’entreprise, les étudiants et les veuves. Un même terme semble désigner des réalités diverses dans lesquels les questions anthropologiques et éthiques sont variées. Si l’emploi du terme est récent, la pratique est ancienne, et elle s’enracine dans des traditions qui lui ont donné des styles et des repères différents. Après avoir mesuré la diversité des pratiques et des enjeux durant la première journée, le colloque sera consacré à trois grandes questions éthiques : le respect de la liberté du sujet dans l’accompagnement de la décision morale ; les repères qui peuvent éclairer la question de la juste distance dans laquelle se place l’accompagnateur ; le rôle et les limites de la discrétion et du secret.

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Le cadre de référence éthique dans lequel se situe l’accompagnement est délicat à définir. Il comprend en effet peu de normes communes à tous, et il se constitue souvent par des alliages parfois surprenants entre des règles juridiques ou déontologiques, des manières de faire d’origine thérapeutique, des styles issus des traditions spirituelles ou professionnelles, et des références spirituelles variées. Si tous sont convaincus de la nécessité d’une éthique de l’accompagnement, les réponses pratiques sont loin d’être unanimes.

Dans le dialogue que l’accompagnement noue nécessairement avec l’anthropologie et avec les pratiques thérapeutiques d’aujourd’hui, le colloque pourrait faire apparaître ce que les grandes traditions chrétiennes apportent de particulier, dans la pratique comme dans l’objectif poursuivi. Il pourrait également donner des éléments de compréhension de ce développement récent de l’accompagnement, du besoin d’accompagnement et du désir d’accompagner…

Le colloque a été préparé par une équipe de moralistes de l’Ouest en lien étroit avec la faculté de théologie de l’U.C.O. à Angers.

Intervenants : Guy Le Bouëdec, Angers — Lytta Basset, Lausanne — Laurent Lemoine, Lille — Gwennola Casal, Angers — Françoise Baldé, psychanalyste, Paris — Bernard Mercier, Angers — Bernard Pitaud, Paris — Jean-Michel Moysan, Quimper — Éric Gaziaux, Louvain la neuve — Mariannick Le Gallo, Penboc’h — Père Paul, Père abbé de Timadeuc — Inge Ganzevoort, pasteure, Bordeaux — Jean-Marie Gueullette, Rennes, Angers — Jean-Paul Durand, Paris — Marie-Jo Thiel, Strasbourg.

On trouvera au dos du bulletin de préinsciption ci-joint le programme détaillé du colloque.

Le lieu Le colloque aura lieu du 4 au 6 septembre à la maison d’accueil L’abbaye, à Saint-Jacut de la mer, en Bretagne. Il sera précédé comme les années précédentes par la soirée du lundi consacrée à l’actualité théologique. Il se terminera avec le repas de midi du jeudi.

La maison d’accueil comporte 95 chambres confortables, dont 88 avec douche et toilettes. La plage la plus proche se trouve au bout du jardin, mais dix autres plages entourent la propriété. Si des participants veulent prolonger leur séjour avant ou après le colloque, ils peuvent prendre directement contact avec L’abbaye au 02 96 27 71 19.

Saint-Jacut se trouve entre Dinard et Saint-Brieuc. La gare la plus proche est Saint-Malo (25 km), mais il sera sans doute plus simple pour certains de descendre à la gare TGV de Lamballe (37 km). Des précisions seront données avec le bulletin d’inscription définitif sur les possibilités de taxi et de taxi collectif pour les participants. Il est recommandé de ne pas confondre Saint-Jacut de la mer (Côtes d’armor) avec Saint-Jacut des pins (Morbihan).

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n° 20 - Novembre 2000 Quelle réduction de la dette ? Quelles conditionnalités ?

Les droits de l’homme : une éthique minimale ? Réflexions autour du colloque annuel de l’ATEM à la Baume Cotisations Annuaire de l’ATEM Nouvelles publications

éditorial

L’universalité de la vérité et l’éthique du dialogue

L'ATEM poursuit depuis des années un dialogue exigeant et difficile à l'interface des vérités morales et des réalités pratiques.

L'effort se poursuit ; le colloque sur le dialogue interreligieux, à la Baume (voir le texte de Céline Ehrwein dans ce numéro), a fait suite à celui de Louvain sur les éthiques fondamentales (textes dans le numéro 213 de la RETM-Le Supplément) ; en 2001, à Saint-Jacut (Bretagne), nous aborderons certaines questions éthiques liés à l'accompagnement pastoral et personnel. C'est une manière de signaler aussi comment tendent à se rejoindre, dans la vie comme dans la pensée, le pratique et le fondamental, le personnel et l'universel, la spiritualité et l'intelligence de la foi.

Ce qu'on pourrait appeler une éthique du dialogue théologique, interdisciplinaire et œcuménique, inspire l'ATEM, depuis ses origines. René Simon nous le rappelle souvent, et bien d'autres avec lui.

À cet égard, la déception née de la Déclaration Dominus Jesus du 6 août 2000 est grande. Même si, de nombreux commentateurs l'ont souligné, le texte ne fait en partie que rappeler et reprendre des affirmations du Concile Vatican II, et malgré les ouvertures remarquables contenues dans Ut unum sint, les signes de durcissement sont nets et regrettables : on le ressent d'autant plus fort à lire non seulement les réactions des Églises de la Réforme, mais celles de nombreux catholiques. Parmi bien d'autres, Pierre Emonet SJ l'a exprimé avec force, dans son éditorial de la revue Choisir d'octobre 2000 : « Il doit tout de même être possible d'affirmer avec force ses propres convictions sans pour autant discréditer celles des autres ».

Je me réjouis pour ma part, comme théologien protestant, que l'ATEM, si profondément ancrée dans la foi catholique, demeure ce lieu de dialogue (interne et externe) où la recherche de la vérité, en tant que vérité universelle, se déroule dans un climat d'écoute mutuelle et de respect fraternel. Cela n'implique bien sûr en rien que chacun des membres de l'ATEM ne puisse et ne doive défendre en toute loyauté et liberté sa conception de la vérité, de l'Église et de la morale. Le relativisme dénoncé par Dominus Jesus n'est pas une fatalité ; car chercher ensemble le sens spirituel et éthique de la vérité révélée dans l'Écriture Sainte et reçue par et en l'Église de Jésus-Christ ne signifie jamais que nous devions faire l'impasse sur la dimension universelle et commune de cette vérité qui nous dépasse.

Denis Müller, président de l'Atem

Quelle réduction de la dette ? Quelles conditionnalités ?

Le 11 et 12 février 2000 les facultés de théologie de Leuven et Louvain-la-Neuve ont conjointement organisé un colloque interdisciplinaire sur la crise de la dette des pays du Tiers-Monde. Cette collaboration avec la participation active de “ Justice et paix ” et “ Entraide et fraternité ” résulte d’une demande des évêques de Belgique et se situe dans le cadre du Jubilé de l’an 2000 qui valorise particulièrement l’idée de la justice dans la vie économique. Le colloque à l’UCL a donné la parole aux spécialistes de l’éthique et de l’économie pour discuter le pour et le contre d’une proposition élaborée par les professeurs Lode Berlage (KULeuven), Danny Cassimon (Universitaire Faculteiten Sint Ignatius te Antwerpen), Jacques Drèze (UCL) et Paul Reding (Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur). Au centre de ce travail présenté sous l’acronyme “ PAIR ” (“ Prospective Aid and Indebtedness Relief ”) on trouve l’idée d’un partenariat entre 850 millions d’habitants de 49 pays endettés et appauvris et 850 millions d’habitants de 23 pays riches. Selon les quatre économistes belges, on pourrait réduire la dette dans une période de 15 ans à partir de 2001 si un remboursement “ supportable ” (inférieur à 25 % du revenu national) était versé à un fonds de développement géré par un conseil réunissant toutes les parties concernées. En même temps les pays riches augmenteraient leur contribution à l’aide au développement qui se limite actuellement à 0,35 % du revenu national en Belgique.

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La proposition “ PAIR ” a l’avantage d’être une solution intermédiaire entre le projet extrême d’une annulation totale de la dette et l’irresponsabilité d’une politique qui ne tient pas compte des effets meurtriers de l’endettement. Le colloque a seulement ouvert un débat qui mérite d’être poursuivi à plusieurs niveaux : en ce qui concerne la mise en œuvre des propositions concrètes, les échanges interdisciplinaires et une réflexion proprement théologique sur la dette en tant que notion clé de l’anthropologie et la morale chrétienne. La crédibilité d’une théologie sensible à la misère du monde dépendra largement de la façon dont elle traitera avec compétence et conviction les aspects économiques, politiques et sociaux de la mondialisation.

Depuis l’été 2000 un groupe de travail interdisciplinaire qui se réunit régulièrement à la Faculté de théologie de l’UCL prépare la suite du colloque. Cette fois-ci les recherches portent d’une manière plus générale sur les conditionnalités dans la coopération internationale – un problème bien connu dans les débats sur la dette. Il s’agit de savoir si l’aide doit normalement être inconditionnelle ou s’il est légitime de la faire dépendre de certaines conditions telles que le respect des droits de l’homme, la démocratisation, les investissements dans l’éducation et le système de santé ou la réduction du budget militaire. Spontanément la deuxième position semble être plus plausible. Mais elle peut aussi engendrer des conséquences perverses et cacher des intérêts propres des pays riches. C’est pourquoi les nouveaux instruments de la coopération internationale (“ clauses sociales ”) doivent être analysés en détail pour clarifier les compétences de tous les responsables qui agissent sur un terrain très délicat structuré par des règles économiques, juridiques, politiques et éthiques. Dans cette nouvelle démarche, qui devrait aboutir a un colloque en octobre 2001, la théologie participe dans les limites de ses possibilités au service que les universitaires sont appelés à rendre à la société. Les échos favorables au premier colloque et les contacts déjà établis pour le deuxième prouvent qu’il y a chez les ONG et les décideurs politiques réellement un besoin d’une discussion approfondie sur l’avenir des rapports entre le Nord et le Sud. Pour ne pas tomber dans le piège d’une moralisation précipitée, l’éthique doit choisir le chemin plus long d’un dialogue avec des représentants de tous les groupes impliqués.

Walter Lesch

Les droits de l’homme : une éthique minimale ?

La référence aux droits de l’homme est en permanence traversée par une faille qui en révèle à la fois la grandeur et la fragilité. S’il est juste en effet de dire que les grandes déclarations de droits de l’homme aussi bien que les revendications qui s’en réclament entendent considérer la dignité irréductible des personnes (individus et membres d’une communauté sociale), il convient également de reconnaître que cet appel à la reconnaissance de l’homme par l’homme échappe à une détermination claire et décisive. Ce déficit apparent de crédibilité - qu’on ne saurait identifier avec la question ressassée de l’universalité des droits de l’homme - tient à trois raisons principales, souvent évoquées, trop rarement argumentées.

1. La conviction fondatrice des droits de l’homme consiste à penser que toute personne humaine, dans sa singularité, est à la fois le fondement et le bénéficiaire des droits qu’elle revendique. Autrement dit, la raison des droits de l’homme est en chacun. Ainsi que l’a souligné Claude Lefort, le foyer - ou l’ancrage - du droit est devenu non-maîtrisable puisqu’il est désormais situé en tout homme. Nous avons donc à affronter un paradoxe entre le droit, entendu comme instance extérieure à tout sujet, et les droits de l’homme, entendus comme expression d’une humanité inscrite en tout sujet.

2. La philosophie des droits de l’homme consiste, en grande partie, à envisager les rapports entre ces exigences fondamentales par lesquelles nous exprimons le respect de la liberté humaine et les obligations juridiques par lesquelles nous nous redisons les conditions d’une vie sociale durable. En d’autres termes, le lien entre droits de l’homme et ordre juridique est un lien essentiel et problématique. Seule la traduction juridique des droits de l’homme et leur mise en oeuvre en termes constitutionnels et institutionnels (on pense ici aux institutions de droit international) peuvent assurer une efficience et une applicabilité à ce grand rêve d’une mutualité entre les hommes. Or cette mutualité requiert elle-même, pour prendre forme, un double fondement éthico-juridique : la convention qui donne au droit sa signification et le consentement qui lui donne sa force. En dehors de cette inscription dans le champ de la construction et de l’obligation juridiques (internes et internationales), les droits de l’homme demeurent - pour reprendre ici l’intuition de Hannah Arendt - les droits fragiles et incertains d’un homme nu…

3. La troisième approche, à propos du débat sur la crédibilité des droits de l’homme, concerne, on l’aura compris, le rapport entre le juridique et l’éthique, dans l’affirmation même des droits de l’homme, envisagés comme espérance. La question ici pourra paraître brutale mais elle nous semble inévitable : pourquoi faut-il respecter les droits de l’homme ? Le statu de l’impératif éthique vient ici nécessairement au débat (en débat ?), dès lors que la référence aux droits de l’homme est sollicitée - mais aussi dévoyée - en de multiples discours et idéologies. N’a-t-on pas vu les propagandes les plus extrêmes et les plus antisociales revendiquer le droit à la parole avant d’exclure de ce droit une catégorie d’individus, une ethnie ou un peuple ? Et il n’aura échappé à personne que certaines dictatures

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affichent avec fierté leur commission nationale de droits de l’homme ? Il y a donc à maintenir vif le travail critique en matière des droits de l’homme. C’est bien en effet l’oeuvre de distinction entre l’humain et l’inhumain… entre ce qui construit l’humanité et ce qui la détruit… qui permet de concevoir les droits de l’homme comme une éthique séculière minimale, c’est-à-dire commune et essentielle. Pouvoir encore dire ce qui est digne et ce qui est indigne de notre humanité s’avère primordial. Le pouvons-nous ? La question est un défi pour la réflexion et pour l’avenir de la vie, défi proprement éthique pour lequel les philosophies de la liberté et les théologies du salut restent plus que jamais convoquées.

Bruno-Marie Duffé

Quelques réflexions autour du colloque annuel de l'ATEM à la Baume

“Le dialogue inter-religieux : provocation à la réflexion éthique et théologique”

Disons-le d'emblée, l'ATEM s'était fixée cette année un objectif ambitieux. Tenter, en trois jours à peine, d'initier un dialogue entre représentants de diverses traditions religieuses et, qui plus est, de le faire à l'aune d'une réflexion éthique (concrétisée par le choix de la sexualité comme thème d'éthique appliquée), tenait de la gageure. Il faut reconnaître néanmoins que, grâce notamment à la qualité des contributions, et à la capacité des intervenant-e-s à présenter leur tradition religieuse, le colloque fut très fructueux. En ce sens, les nombreuses interrogations qu'il suscite pour moi témoignent de cette richesse. Je voudrais relever ici quelques-unes de ces questions.

Les journées de la Baume nous encouragent à reconsidérer de fond en comble notre conception du dialogue inter-religieux (DIR), à nous demander ce que celui-ci représente pour nous, ce que nous voulons en faire, et ce que nous pouvons effectivement en attendre.

À mon sens, il est clair que le DIR, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est, pour une bonne part, le résultat de la confrontation du christianisme avec la modernité. En effet, devant l'émergence de la rationalité moderne et sa critique des évidences traditionnelles, le christianisme s'est vu contraint de repenser le statut de la vérité dont il témoigne, ouvrant ainsi la possibilité d'un dialogue nouveau avec les autres grandes religions de ce monde. Or, le colloque de la Baume nous aura permis de le constater, les éléments qui favorisèrent alors la naissance du DIR ont aujourd'hui changé.

- La modernité, tout d'abord, dont l'ambition était de rendre possible l'émergence d'un consensus universel, capable de transcender les particularismes culturels et religieux, est mise en cause par la fragmentation croissante qui touche nos sociétés. La pluralité est devenue pour nous une réalité incontournable, sur laquelle le dialogue entre religions ne peut faire l'impasse. De fait, cette pluralité pose un nouveau défi au DIR: elle l'oblige à repenser sa capacité à accorder et à faire se rencontrer des horizons de pensée et de croyance peut-être définitivement irréconciliables, mais qui doivent néanmoins débattre et se confronter.

- Ce pluralisme, caractéristique de notre modernité tardive, touche également le christianisme. Sa prétention à l'universalité, ainsi que la prédominance dont il bénéficiait jusqu'ici dans le monde occidental sont en effet fortement contestées par l'accroissement des autres grandes traditions religieuses (que l'on pense simplement ici au rôle que joue l'Islam dans nos sociétés européennes), mais aussi par la prolifération de nouveaux mouvements religieux.

- De fait, le phénomène de segmentation atteint le cœur même des grandes traditions religieuses. Celles-ci apparaissent en effet désormais marquées par une fragmentation en une multitude de courants divergents. Or, cette pluralité interne des religions nous invite à reconsidérer la manière dont nous concevons le DIR: quel statut donner aux représentant-e-s d'une tradition religieuse, lorsque ceux-ci n'expriment pas nécessairement le point de vue du “croyant de base”? La pluralité interne des religions ne rend-elle pas le DIR plus complexe?

- Enfin, il va sans dire que nos intentions quant au DIR ne sont pas unanimes (s'agit-il de convaincre les autres de la vérité unique de sa religion, de trouver l'essence universelle du religieux, ou encore, tout simplement, d'aboutir à une meilleure compréhension de l'autre et de soi?); ces différents présupposés ne gagneraient-ils pas à être également explicités et clarifiés par les participant-e-s?

Mais, surtout, les journées de l'ATEM suggèrent que l'approche du DIR dans la perspective de l'éthique représente à la fois une chance et un risque. Le principal risque, à mes yeux, est que le point de vue

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normatif de l'éthique introduise un biais dans le DIR: certaines valeurs ou certaines orientations qui nous paraissent importantes, voire évidentes, ne sont pas partagées par d'autres traditions religieuses. Même le choix des sujets n'est pas innocent; de ce point de vue, il est significatif que le thème du colloque, la sexualité, ait été regardé par les représentants du bouddhisme comme un faux problème. Mais pour le meilleur, l'éthique peut également représenter une chance pour le DIR: celle de réfléchir à la possibilité d'une praxis commune par-delà les conflits de doctrine.

Céline Ehrwein

Cotisations Pour ceux qui n'ont pas encore réglé leur cotisation pour l'année 2000, c'est toujours possible. Votre situation vous est précisée par l'autocollant collé en première page de cette lettre. Si vous vivez en France, ou que vous avez un compte bancaire ou postal en francs français, vous pouvez envoyer un chèque à l'ordre de l'ATEM au trésorier : fr. Jean Marie Gueullette, 3 rue Brizeux, F 35700 Rennes, ou établir un virement à l'ordre de ATEM, CCP La Source 31 381 70 V. Si vous résidez en dehors de France, vous êtes invité à régler par mandat international, c'est le mode de transmission qui coûte le moins cher. Adressez le au trésorier à l'adresse ci-dessus, en précisant le nom de l'expéditeur pour que votre cotisation soit identifiable.

Annuaire de l’ATEM Vous trouverez avec cette lettre la nouvelle édition de l'annuaire de l'ATEM. Toutes modifications et compléments d'informations sont à adresser au trésorier, Jean-Marie Gueullette.

Nouvelles publications D. MÜLLER et H. POLTIER (éd.), La dignité de l'animal Quel statut pour les animaux à l'heure des technosciences ?, Genève, Labor et Fides (Le Champ éthique 36), 461 pages, Genève, Labor et Fides 2000.

Résultant d'un colloque international et interdisciplinaire tenu à Lausanne en mai 1999, cet ouvrage réunit 24 contributions émanant de scientifiques, de médecins, d'historiens, d'anthropologues, de juristes, de philosophes et de théologiens. Parmi les auteurs, signalons en particulier les contributions de Walter Lesch et d'Alberto Bondolfi.

D. MÜLLER, Les passions de l'agir juste. Fondements, figures, épreuves, Fribourg-Paris, Éd. Universitaires-Cerf, 2000 (Études d'éthique chrétienne 88), 213 pages.

Il s'agit d'un recueil de 18 articles (dont plusieurs textes inédits) couvrant la période 1992-2000. Une première partie regroupe des contributions sur les fondements de l'éthique théologique ; une deuxième partie conduit différents dialogues avec des philosophes et des théologiens (Scheiermacher, Walzer, Luc Ferry, etc.) ; la troisième partie, plus concrète, traite de questions bioéthiques, médicales et sociales.

RETM 213, Enjeux des morales fondamentales (dir. É. Gaziaux). Actes du congrès de l’Atem à Louvain-la-Neuve.

Groupe hospitalier Saint-Vincent (Strasbourg), Groupe de Recherche Éthique, Avis 1994-2000, 36 pages.

Désireux de ne pas faire de l’éthique d’abord théorique, le Groupe de Recherche Éthique souhaite le plus possible se pencher sur des questions éthiques provenant du terrain. Dans cette perspective, il propose 3 avis : Avis 1, 1994, La stérilisation féminine par ligature des trompes, Avis 2, 1997, À propos de l’euthanasie, Avis 3, 2000, S’humaniser en service de long séjour. Le fascicule se termine par le règlement intérieur du GRE et par la composition de ce groupe.

X. LACROIX , L’avenir, c’est l’autre. Dix conférences sur l’amour et la famille, 235 pages, Paris, Cerf, 2000.

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n° 19 - Mai 2000 Euthanasie :

le point de vue de J.-F. Collange - le point de vue de B. Cadoré Questions d’actualité Cotisations Colloque 2000 Colloque 2001 : informations

éditorial

Euthanasie : pour alimenter le nécessaire débat

La publication récente, le 27 janvier 2000, du rapport du Comité Consultatif National d'Éthique intitulé « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie » (Cahiers du CCNE 23, avril 2000, p 3-13) soulève les passions, à l'instar des nombreux débats sur le même sujet en Europe et aux États-Unis. L'idée d'une « exception d'euthanasie », en particulier, attire fortement l'attention. À la demande du bureau de notre association, deux membres de l'ATEM précisent ici leur point de vue à titre personnel.

Nul doute que cette question, largement débattue dans nos différents pays (des projets législatifs sont aussi discutés en Belgique et en Suisse), appelle un échange large et ouvert au sein de l'ATEM.

Le bureau de l'ATEM

Le point de vue de J.-F. Collange Face à la difficile et douloureuse question de la fin de vie et d'arrêt de vie, le CCNE affirme que la question de l'euthanasie proprement dite ne peut être isolée du contexte plus large que représente le fait de mourir aujourd'hui dans un monde fortement marqué par la technique médicale, ses qualités évidentes, mais aussi ses limites. Le véritable défi devant lequel la société se trouve placée revient à permettre à chacun de vivre au mieux (ou au moins mal) sa mort et, dans la mesure du possible, de ne pas en être dépossédé. La mise en œuvre résolue d'une politique de soins palliatifs, d'accompagnement des personnes en fin de vie et de refus de l'acharnement thérapeutique doit y conduire. Cette même détermination doit de plus permettre de réduire à des situations rares et exceptionnelles les demandes d'euthanasie proprement dite, sans toutefois réussir à éviter qu'elles ne se posent plus jamais.

Faire face à la question euthanasique dans ces cas-là conduit à affirmer des valeurs et des principes touchant tant à la liberté des individus qu'aux exigences du respect de la vie individuelle et sociale. Ces valeurs et ces principes méritent tous la plus grande considération. Mais, de fait, ils entrent en conflit les uns avec les autres et s'avèrent contradictoires, générant ainsi un dilemme qui peut se révéler paralysant. Or le dilemme est lui-même source d'éthique ; l'éthique naît et vit moins de certitudes péremptoires que de tensions et du refus de clore de façon définitive des questions dont le caractère récurrent et lancinant exprime un aspect fondamental de la condition humaine.

C'est ainsi qu'il apparaît au CCNE qu'une position fondée sur l'engagement et sur la solidarité est en mesure de faire droit aux justes convictions des uns et des autres et de lever le voile d'hypocrisie et de clandestinité qui recouvre certaines pratiques actuelles. Cette position d'engagement solidaire, mobilisée par les divers aspects de la réalité du consentement comme valeur (respect du consentement de la personne, refus de fuir l'inéluctable, nécessité du débat et d'une décision collective), invite à mettre en œuvre une solidarité qui ne saurait toutefois s'affranchir du risque que représente un geste qui ne visera jamais qu'à agir au moins mal. Elle pourrait trouver une traduction juridique dans l'instauration d'une « exception d'euthanasie ».

La mort donnée reste, quelles que soient les circonstances et les justifications, une transgression. Mais l'arrêt de réanimation et l'arrêt de vie conduisent parfois à assumer le paradoxe d'une transgression de ce qui doit être considéré comme intransgressable.

Si en situation concrète la décision d'arrêter une vie peut aux limites apparaître un acte acceptable, cet acte ne peut se prévaloir d'une évidence éthique claire. Une telle décision ne peut et ne pourra jamais devenir une pratique comme une autre.

Cette pratique, fondée sur le respect des droits imprescriptibles de la personne, ne doit tendre qu'à inscrire fermement les fins de vie et, éventuellement, les arrêts de vie, au sein de la vie elle-même et à ne pas exclure d'un monde humanisé les derniers instants d'une existence donnée.

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Le point de vue de B. Cadoré Le débat provoqué par l’Avis récent du Comité Consultatif National d’Éthique français (CCNE) sur le thème "Fin de vie. Arrêt de vie. Euthanasie" indique comme il est difficile, malgré de très rigoureux efforts conceptuels, d’éviter des malentendus lorsqu’on parle de questions posées aux limites de la vie.

La lecture de cet Avis montre que, si le CCNE a bien voulu prendre la parole à propos de l’euthanasie, c’est à la condition de situer cette question dans ce contexte infiniment plus complexe qui fait que la médecine moderne est l’un des partenaires habituels de la confrontation de l’homme occidental à la mort. C’est bien pourquoi l’Avis insiste sur la nécessité de considérer cette médecine de deux points de vue : d’une part, celui de l’impératif de développer les pratiques d’accompagnement des mourants et de soins palliatifs, comme manière pour la médecine d’assumer jusqu’au bout sa fonction soignante, même lorsqu’elle est impuissante à guérir ; d’autre part, celui de la nécessité d’une critique exigeante des tentations d’acharnement thérapeutique par lesquelles, à se mentir à elle-même, la médecine risque de quitter le champ de l’humanité. Beaucoup de textes ont déjà été écrits, de même teneur, sur ces sujets et l’on se trouve néanmoins devant un paradoxe : le CCNE a voulu mettre l’accent sur ce contexte, et pourtant ce n’est pas sur cela que, jusqu’à présent, a porté le débat suscité par son Avis. Peut-être faut-il voir là une sorte de malentendu : en parlant du contexte médicalisé de la mort, c’est de l’un des traits de la fonction symbolique de la médecine que l’on parle, alors qu’on voudrait croire qu’il s’agit simplement d’organiser rationnellement une pratique médicale.

La voie est alors ouverte vers un second malentendu, portant cette fois sur la question proprement dite de l’euthanasie. Le CCNE cherche à prendre à ce sujet des positions très claires. Il condamne avec force les pratiques euthanasiques clandestines, hypocrites, décidées hors tout dialogue avec les patients sur des critères qui, sous des arguments d’apparence rationnels, sont bien souvent une manière de dévoyer la notion de responsabilité. Il récuse aussi tout "droit à l’euthanasie", comme il insiste pour qu’on n’envisage pas de modifier la législation à ce propos. Mais voulant prendre en considération les situations les plus extrêmes où une personne réclamerait, comme ultime requête, consciente et répétée, l’euthanasie, le CCNE construit la notion d’"exception d’euthanasie" qui serait le fait d’un engagement solidaire mobilisé par un mouvement de compassion ultime. On ne peut nier l’existence de ces situations extrêmes, face auxquelles, probablement, la conscience humaine est conduite au plus radical de son engagement. Néanmoins, si la notion d’engagement solidaire a bien la force que le CCNE semble vouloir lui donner, n’aurait-il pas mieux convenu de la déployer précisément pour inviter à la vigilance à l’égard des pratiques clandestines, expéditives, dont tous les soignants font état ? N’est-ce pas sur la base d’un tel engagement solidaire, qui supposerait la mise en œuvre d’une véritable vigilance critique de la pratique courante de la médecine de fin de vie, qu’on aurait pu alors inviter à comprendre les quelques rares situations où, en conscience, la transgression peut paraître légitime ? Pour le dire autrement, toute personne en fin de vie doit pouvoir compter, en toute priorité, sur l’engagement solidaire de la médecine, des soignants et de la société, à son égard, non pas d’abord pour être certain que, le cas échéant, on entendrait sa demande d’en finir avec la vie, mais pour être assuré que la société des humains atteste, sans condition, de sa solidarité à son égard, quelles que soient les conditions de son existence.

De ces deux points de vue, on se trouve devant une réelle difficulté. Ce dont il est question évoque, d’emblée, le plus précieux de la rencontre entre la personne malade et les soignants. Pourtant, les problèmes rencontrés renvoient à des enjeux qui dépassent cette singularité de la rencontre, pour souligner plus largement la fonction sociale, et symbolique, de la médecine en fin de vie. En orientant son Avis sur une proposition de "procédure" juridique, le CCNE n’aurait-il pas pris le risque de laisser croire que cette question pourrait s’effacer pour laisser place à l’organisation rationnelle de la pratique médicale, avant même que cette dernière n’ait vraiment pris conscience des enjeux des mutations qui affectent sa fonction symbolique ?

Questions d'actualité (La Baume-les-Aix, lundi 4 septembre à 20h)

Le bureau souhaite poursuivre une tradition bien ancrée, en proposant une soirée libre autour des intérêts des membres de l'ATEM et de l'actualité éthique.

Prévoir une intervention de 15-20 minutes sur le sujet que vous aborderez (thème théologique ou éthique, actualité religieuse, fonctionnement d'une instance éthique, projet pédagogique, débat public, etc).

Celles et ceux qui voudraient intervenir dans ce cadre sont priés de s'annoncer auprès du président D. Müller d'ici au 20 août 2000 (Boissonnet 31, CH-1010 Lausanne ; tél. 021/692 27 06 (répondeur en cas d'absence), e-mail : [email protected]

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Cotisations

Sur 116 membres actifs de l'ATEM, on ne compte que 86 cotisations pour 1998, 70 pour 1999 et 31 pour 2000. Huit membres sont dispensés de la cotisation, et quelques membres ont rejoint l'association ces deux dernières années : ces chiffres montrent donc qu'un nombre significatif d'entre nous ne porte pas un regard suffisamment attentif au papillon autocollant placé sur chaque lettre de l'ATEM et qui leur précise leur situation à l'égard de l'association en matière de cotisation. Ce manque à gagner entraîne une diminution sensible des possibilités de financement des activités de l'ATEM.

Le bureau invite chacun des membres à faire preuve de responsabilité sur ce point, et rappelle que l'article 7 des statuts prévoit la possibilité de radiation pour non-paiement des cotisations. Le président examinera avec attention les situations personnelles qui pourraient lui être présentées pour justifier une dispense partielle ou totale de la cotisation.

Colloque 2000

AIX-EN-PROVENCE (Centre de La Baume-les-Aix) 5 – 7 septembre 2000

Le dialogue inter-religieux : une provocation à l’éthique et à la théologie ?

La rencontre entre les religions est devenu un phénomène majeur de la formation des opinions et des consciences contemporaines.

Même si l’influence entre les religions et les cultures qu’elles contribuent à déployer n’est pas une réalité nouvelle, la donnée actuelle est marquée par la double posture du dialogue et de la (ré)affirmation des particularités.

Cette coïncidence entre la découverte de l’autre (dans sa croyance) et l’appel à redécouvrir la différence (irréductible) de sa tradition propre, donne tout son enjeu à la mise en perspective des représentations déterminantes (de l’humain, du divin et de la liberté) qui structurent l’éthique dans son lien avec la religion.

Il y a donc grand intérêt à se dire, les uns aux autres (entre religions), à partir de l’expérience même de la rencontre :

ce que nous avons entendu (et entendons) « chez l’autre »

ce que nous avons (re)découvert (et redécouvrons) « chez nous »

ce que nous considérons comme signifiant dans l’agir contemporain, à partir de nos traditions et dans la sollicitation mutuelle de nos traditions.

Le programme complet ainsi que le bulletin d’inscription sont joints à cette lettre.

Colloque 2001 : Informations

Le colloque 2001 de l'ATEM aura lieu en Bretagne, à Saint-Jacut de la mer, près de Saint-Malo, du 3 septembre 2001 au soir au 6 septembre à midi. Le thème, en cours de préparation, sera relatif aux questions éthiques et théologiques posées par les diverses formes actuelles de l'accompagnement des personnes : accompagnement spirituel, psychologique, social... Une équipe a commencé à travailler à la réalisation de ce colloque : toutes suggestions peuvent lui être apportées, auprès de Jean-Marie Gueullette, [email protected]. De plus amples informations seront données à l'assemblée générale de La Baume-les-Aix.

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n° 18 - Février 2000 Comment devenir membre

Échos du CA du 31.01.2000 Notices bibliographiques Échos de l’AG du 07.07.1999 Règlement des cotisations Call for papers

éditorial

Le dialogue des convictions et la rencontre des personnes

L'ATEM réunit depuis plus de trente ans des moralistes et des éthiciens, des théologiens et des agents de pastorale, mais aussi des philosophes, des politologues, des formateurs d'adultes, etc. C'est un lieu de rencontre, de stimulation intellectuelle et spirituelle, d'ouverture œcuménique et interdisciplinaire.

Les plus anciens parmi nous mesurent sans doute mieux encore, avec le recul de l'expérience, combien un tel lieu est précieux et nécessaire, pour affronter les débats du temps et les questions morales dans un esprit de concertation et de liberté, nourri de Évangile de Jésus-Christ. Il n'est pas sûr que les plus jeunes ou les plus récemment arrivés saisissent au premier coup d'œil les possibilités d'innovation qui sont les nôtres.

Pour ma part, je suis arrivé à l'ATEM à la fin des années 80, au moment des débuts de mon enseignement universitaire en éthique, après dix ans d'activités dans le domaine de la formation d'adultes, où les interrogations éthiques et culturelles étaient permanentes ; j'ai été frappé par l'esprit de curiosité et de dialogue qui porte l'ATEM. J'y ai beaucoup reçu, à tout point de vue. Beaucoup de mes connaissances et de mes découvertes fondamentales en théologie morale me sont venues du dialogue avec des membres et des invités de l'ATEM, lors de colloques ou de congrès, ou par des échanges plus personnels. Je crois que beaucoup de membres sont dans une situation similaire. La reconnaissance que nous devons à ceux et celles qui nous ont accueillis m'apparaît de plus en plus comme un capital de confiance et d'audace envers l'avenir.

Comment pouvons-nous contribuer, en tant que membres de l'ATEM, à en améliorer encore l'ambiance et la qualité ? Permettez-moi de tracer deux pistes.

La première piste concerne le dialogue intellectuel et spirituel. Nous avons à imaginer bien des manières innovatrices et surprenantes de faire se rencontrer et se féconder nos convictions, la diversité de nos approches, de nos sensibilités religieuses, confessionnelles et pastorales. Nous n'avons pas à avoir peur du débat, voire de la confrontation. L'éthique théologique, comme toute théologie véritable, est science libre et responsable, une science pratique dont le seul critère de vérité, en dernière instance, réside dans l'Évangile - une conviction qui transcende la différence des confessions.

Nous pourrions nous inspirer ici de la rigueur et de la sensibilité avec lesquelles Paul Ricœur nous apprend à concilier, sans concordisme ni ostracisme, l'exigence philosophique, réflexive et critique, et nos convictions les plus personnelles, religieuses notamment, qui ne sont jamais un cri inarticulé.

La deuxième piste a davantage à faire avec les personnes, les institutions et les pays. L'enracinement catholique et français de l'ATEM est une de ses richesses incontournables, ce qui la rend différente et unique. En même temps, les expériences que nous avons pu vivre ensemble au fil des ans nous ont montré à quel point les contacts œcuméniques et internationaux sont un facteur de renouvellement, de dynamisme et de stimulation. Si nous pouvions intensifier davantage encore les liens qui nous relient au plan européen ainsi qu'avec nos collègues québécois, au niveau ecclésial comme au niveau universitaire, nous élargirions non seulement la plate-forme de l'ATEM et ses chances de renouveler ses effectifs, ce qui est déjà très important, mais nous en serions aussi les premiers bénéficiaires, à titre personnel.

Ce renouvellement passe aussi bien sûr par l'adhésion croissante de jeunes théologiens et philosophes, intéressés à l'éthique et à la théologie morale, en Belgique, en Suisse, au Québec et en France, et, parmi eux, à un nombre important de femmes, susceptibles d'équilibrer et de réformer l'approche de la réflexion éthique. Vous trouverez, dans cette Lettre de l'ATEM, des informations précises sur la manière d'adhérer à l'ATEM. Nous vous attendons d'ores et déjà au prochain colloque, à La Baume les Aix. Invitez vos collègues à devenir membres !

Une institution comme l'ATEM ne saura survivre et se développer, à l'instar d'un bel arbre à la sève féconde, que si nous, les membres qui la constituons, nous nous comprenons et nous y agissons comme des branches et des rameaux vivaces, fiers de contribuer à l'épanouissement de l'ensemble.

Denis Müller, président

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Comment devenir membre ?

Tout candidat qui désire devenir membre de l'Atem est invité à envoyer au président en exercice les documents suivants : a. une lettre de motivation ; b. un CV mentionnant ses fonctions et responsabilités actuelles ; c. la liste de ses éventuelles publications. Il doit également obtenir le parrainage de deux membres actuels de l'Atem qui enverront chacun une lettre motivée au président. Ce dernier, conformément aux statuts, communiquera ces documents au CA qui décide de l'admission. Il informera l'intéressé de la décision du Conseil, le candidat étant tenu de verser chaque année une cotisation.

Échos du CA du 31.01.00 1. Nouveaux membres

Sont acceptés à l'unanimité comme nouveaux membres : J.-D. Causse, B. Bastian, G. Droesser, J. Verstraeten.

2. Évaluation du congrès de LLN

On souligne la qualité des interventions et de l'organisation, ainsi que la qualité de l'accueil. Si les problématiques ont été bien approchées philosophiquement, certains regrettent que la piste théologique n'ait pas été aussi fouillée, même si d'autres observent qu'elle était néanmoins présente, notamment par la matinée de la deuxième journée. On pose la question d'un jalonnement pour certaines approches plus techniques, du rapport au monde et des incidences d'un tel travail fondamental. La rencontre avec des problématiques et des ouvertures "non françaises" a été déconcertante en même temps qu'intéressante. Vu la qualité du colloque, le souhait est formulé de continuer en cette voie.

3. Quelques infos sur le Colloque 2000

Le colloque 2000 aura lieu à La Baume-les-Aix (5-7 septembre 2000) sur le thème : « Le dialogue entre les religions change-t-il nos manières de vivre ? » ou « Le dialogue inter-religieux : une provocation pour l'éthique ? ». Le colloque sera scandé en trois grandes étapes. La première (mardi 05 septembre) s'attachera aux considérants fondamentaux ; la deuxième (mercredi 06 septembre) se focalisera sur un thème précis : la sexualité comme objet éthique au regard des religions dans la diversité de leurs approches ; la troisième (jeudi 07 septembre) se penchera sur la radicalité des différences religieuses et la visée éthique. Les trois après-midi seront consacrées à des tables rondes et à des travaux en groupe (pour les deux premières après-midi).

Venez nombreux et n'hésitez à photocopier les feuilles d'information et d'inscription (voir feuilles ci-jointes).

4. Colloques futurs : appel aux forces vives !

Le colloque de 2001 aura lieu à Rennes ou dans la région de Rennes sur le thème de l'accompagnement spirituel et les incidences éthiques de celui-ci. Qui serait compétent sur ce thème et qui pourrait venir renforcer l'équipe de Jean-Marie (Gueullette) ? Le CA lance un appel pour associer les forces vives de la Région Ouest pour la préparation et l'organisation de ce colloque. L'enjeu d'une telle problématique est important pour établir notamment le lien entre la formation théorique et les lieux pratiques, la réflexion théologique et le domaine pratique.

Strasbourg serait le lieu d'un colloque en commun avec la Societas Ethica en 2003.

Vraisemblablement Paris en 2002, avec la proposition d'un colloque sur un auteur (philosophe et/ou théologien) et sur les incidences de sa pensée sur le travail théologique. Toute proposition pour des thèmes et des endroits de colloque sont les bienvenues, ainsi que toute proposition d'aide et d'organisation.

5. Pour la lettre de l'Atem

Les membres de l'Association désireux d'informer de leurs dernières publications, de communiquer l'un ou l'autre ouvrage ou article intéressants, de transmettre une information susceptible d'intéresser les membres de l'Atem, sont invités à le faire auprès du secrétaire de l'Atem.

Notices bibliographiques M.-J. Thiel et X. Thévenot, Pratiquer l'analyse éthique. Étudier un cas, examiner un texte, Paris, Cerf, 1999. L'ouvrage se propose, à partir de grilles d'éthique rationnelle et théologique, de clarifier les présupposés axiologiques et normatifs de la décision éthique, dans une perspective systémique.

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Bioéthique et ch istianisme, Revue des Sciences Religieuses, Université de Strasbourg, janvier 2000, n°1. Ce numéro thématique réunit les contributions de plusieurs membres de l'Atem (H. Doucet, O. de Dinechin, H. Wattiaux, D. Müller, B. Cadoré, M.-J. Thiel) et se propose de réfléchir aux liens que la bioéthique noue ou peut nouer avec le christianisme.

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G. Avanzini et M.-J. Thiel, Éduquer à la beauté. Éduquer aux valeurs, éd. Don Bosco, 2000. L'ouvrage correspond aux actes de l'Université salésienne d'été (juillet 1999) à destination d'un public d'éducateurs et d'enseignants et réfléchit à la relation anthropologie et éducation.

Échos de l'AG du 07.07.99 à Louvain-la-Neuve 43 membres présents plus 10 procurations. Après discussion, la proposition de réduire à 15 les membres du CA est acceptée par 44 voix pour, 3 contre, 6 abstentions.

Ont été élus pour la composition du CA : F. Daull, B.-M. Duffé, D. Müller, W. Lesch.

Pour rappel, le CA est actuellement composé de :

H. Puel, R. Heyer, O. de Dinechin, É. Gaziaux (élus en 97),

G. Médevielle, M.-J. Thiel, J.-P. Durand, É. Fuchs, J.- M. Gueullette, J.-F. Collange, L. Crépy (élus en 98),

F. Daull, B.-M. Duffé, D. Müller, W. Lesch (élus en 99).

Le rapport moral du président est accepté à l'unanimité moins une abstention.

Règlement des cotisations Vous trouverez sur la première page de cette lettre un autocollant qui vous indique votre position au 15 janvier 2000. Pour le règlement de la cotisation :

Si vous vivez en France, ou que vous avez un compte bancaire ou postal en francs français, vous pouvez soit envoyer un chèque bancaire ou postal à l'ordre de l'ATEM au trésorier : fr Jean Marie Gueullette, o.p., 3 rue Brizeux, F 35700 Rennes ; soit établir un virement postal à l'ordre de l'ATEM, CCP La Source 31 381 70 V.

Si vous vivez en dehors de France, et que vous réglez en devises, vous êtes invités à régler de préférence par mandat international, car c'est le mode de transmission qui coûte le moins cher. Adressez le mandat à l'ordre de l'ATEM, à l'adresse du trésorier, ci-dessus, en précisant bien le nom de l'expéditeur, afin que l'origine de la cotisation soit identifiable. Vous pouvez également profiter de votre présence au congrès annuel de l'association pour régler en argent liquide.

Call for papers

1. Pour le colloque du European Ethics Network

Le quatrième colloque du European Ethics Network aura lieu du 25 mai au 27 mai 2000, à Leuven (Belgique) sur le thème « Modern Media and Social Dialogue ». Searching for Common Ground Within the Sound and the Fury. Cette quatrième conférence du European Network est une initiative interdisciplinaire à laquelle participent des sociologues, juristes, théologiens, et philosophes de diverses universités. Ce genre de coopération s'avère fécond en encourageant les participants à regarder au-delà des limites de leurs spécialités et en les incitant ainsi à adopter une vue globale de leurs résultats partiels et souvent isolés. Les séminaires se centreront sur la question de savoir dans quelle mesure le débat public influence l'agenda et les priorités dans les domaines variés de l'éthique appliquée. Dans quelle mesure le débat public influence le débat parmi les éthiciens ? Quelle est la relation idéale entre la recherche en éthique appliquée et un public plus large ? Ces questions entretiennent une relation dans tous les domaines de l'éthique appliquée : éthique du business, de l'environnement, éthique bio-médicale, etc. Les « papers » (d'un maximum de 10 pages) doivent être envoyés pour le 15 mars 2000 à

Bart Pattyn, European Centre for Ethics, Deberiostraat, 26 3000-Leuven

(Fax : 00 32 16 32 37 88 ; e-mail : [email protected])

2. Pour le congrès de la Societas Ethica

La Societas Ethica organise son colloque annuel à la Askov Residential Folk High School, au Danemark, du 23 au 27 août 2000. Askov est situé dans la partie sud de la péninsule de Jutland, à proximité de l'aéroport de Billund. Le thème du colloque est d'actualité : « Pardoning Past Wrongs ? On the ethical character of historical deeds and our attitude towards them ». Les questions éthiques à ce sujet sont nombreuses : Dans quelle mesure un agent humain peut-il être tenu pour responsable des actes commis par les générations précédentes ? Sur quelles bases pouvons-nous déterminer le caractère moral des actes passés ? Quel est le rôle de l'histoire et de ses « narrations sociales »

Page 71: New Lettres de l’atem · 2019. 5. 9. · Communication du bureau au sujet des élections au Conseil et au bureau (Québec, 2005) Il est rappelé à chaque membre de l'ATEM l'importance

dans la constitution de l'identité morale ? La réconciliation est-elle possible, spécialement quand une partie confesse sa culpabilité ? Dans quelle mesure l'acte de pardon est-il lié à des questions de compensation ? L'agent humain peut-il être tenu pour responsables des actes d'un groupe auquel il appartient ? La Societas Ethica, the European Society for Research in Ethics, invite les moralistes et éthiciens de toutes les disciplines à alimenter la discussion sur ces différentes questions. La discussion doit aussi bien inclure des réflexions fondamentales sur des concepts comme « histoire », « actions mauvaises », « responsabilité », « pardon », « réconciliation », « identité » que proposer des résultats ou des perspectives pour l'éthique appliquée. Les thèmes spécifiques peuvent traiter, par exemple, du commerce d'esclaves, de l'Holocauste, des droits des femmes, du droit des homosexuels, ou de groupes minoritaires. Les résumés (maximum 2 pages) doivent être envoyés pour le 31 mars 2000 au plus tard à Societas Ethica, Institut for Systematisk Teologi, Aarhus Universitet, Bygning, 443 DK - 8000 Aarhus C ; e-mail : [email protected]. Les communications doivent être écrites en anglais ou en allemand ; la présentation est limitée à 20 minutes et est suivie d'une discussion de 20 minutes. Les communications retenues seront publiées dans le volume annuel de la Societas Ethica et paraîtront donc dans le Journal of Ethical Theory and Moral Practice.