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Document analytique SC/AN/TDP/EPA/9 Original : anglais NEGOCIATIONS D’APE EN AFRIQUE CENTRALE : THEMES DE REFLEXION Juin 2007 Genève, Suisse Ce document analytique est produit par le Centre Sud pour aider les pays en développement à mieux participer aux négociations sur le commerce et le développement. Les lecteurs sont encouragés à citer ou à reproduire le contenu de ce document pour leur usage personnel. Cependant, nous leur demandons de bien mentionner le Centre Sud comme source et d'envoyer au Centre Sud une copie de la publication dans laquelle apparaît la reproduction ou la citation. Ce document analytique du Centre Sud a été préparé par le Programme sur le commerce pour le développement. Une version électronique de ce document et d’autres publications du Centre Sud peuvent être téléchargées gratuitement de l’adresse suivante http://www.southcentre.org RESUMÉ : Ce Document analytique explore certains des principaux défis que rencontrent les pays de la région de l’Afrique centrale dans le processus de négociation d’APE, en particulier par rapport à ses relations avec les négociations de l’OMC. Après avoir étudié certaines des principales tendances de la région en matière de production et de commerce, il met en lumière les préoccupations de la région dans les négociations commerciales dans une tentative de permettre aux négociateurs de mieux comprendre les conséquences de l’APE en matière de développement.

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Page 1: NEGOCIATIONS D’APE EN A THEMES DE REFLEXION · Les objectifs de la CEEAC sont larges, couvrant la paix, la coopération politique et la prévention des conflits. La CEMAC, à l’inverse,

Document analytique SC/AN/TDP/EPA/9

Original : anglais

NEGOCIATIONS D’APE EN AFRIQUE CENTRALE : THEMES DE REFLEXION

Juin 2007 Genève, Suisse

Ce document analytique est produit par le Centre Sud pour aider les pays en

développement à mieux participer aux négociations sur le commerce et le développement. Les lecteurs sont encouragés à citer ou à reproduire le contenu de ce

document pour leur usage personnel. Cependant, nous leur demandons de bien mentionner le Centre Sud comme source et d'envoyer au Centre Sud une copie de la

publication dans laquelle apparaît la reproduction ou la citation.

Ce document analytique du Centre Sud a été préparé par le Programme sur le commerce pour le développement.

Une version électronique de ce document et d’autres publications du Centre Sud

peuvent être téléchargées gratuitement de l’adresse suivante http://www.southcentre.org

RESUMÉ : Ce Document analytique explore certains des principaux défis que rencontrent les pays de la région de l’Afrique centrale dans le processus de négociation d’APE, en particulier par rapport à ses relations avec les négociations de l’OMC. Après avoir étudié certaines des principales tendances de la région en matière de production et de commerce, il met en lumière les préoccupations de la région dans les négociations commerciales dans une tentative de permettre aux négociateurs de mieux comprendre les conséquences de l’APE en matière de développement.

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NEGOCIATIONS D’APE EN AFRIQUE CENTRALE : THEMES DE REFLEXION

TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION...........................................................................................................1 II. IDENTITE DE LA REGION DE L’AFRIQUE CENTRALE DANS LES NEGOCIATIONS D’APE ............................................................................................................................1

A. Aperçu général : appartenance à plusieurs CER...........................................2 B. Cadre institutionnel et décisionnel de l’Afrique centrale .............................3 C. Profil de l’Afrique centrale du point de vue de l’économie, de la production et des exportations .............................................................................5

III. DEFIS ET PERSPECTIVES ISSUS DES NEGOCIATIONS D’APE....................................10 A. Développement et intégration régionale ......................................................10 B. Accès aux marchés............................................................................................11 C. Agriculture ........................................................................................................13

C.1 Accès aux marchés, érosion des préférences et mesures d’accompagnement 13 C.2 Produits sensibles : justifier la protection des droits et les sauvegardes pour certains produits agricoles ...................................................................................15 C.3. Subventions et réforme de la PAC de l’UE ..................................................18

D. Commerce des services ...................................................................................18 D.1 Négocier ou non le commerce des services dans un APE .............................19 D.2 Traitement national et nation la plus favorisée : conséquences pour l’intégration régionale..........................................................................................20 D.3 Modes d’approvisionnement.........................................................................22

IV. CONCLUSION .........................................................................................................25

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NEGOCIATIONS D’APE EN AFRIQUE CENTRALE : THEMES DE REFLEXION

I. INTRODUCTION 1. La région de l’Afrique centrale qui négocie un Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne (UE) rassemble tous les membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) – le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad – ainsi que Sao Tomé-et-Principe et, depuis 2005, la République démocratique du Congo. Ce groupe de pays est souvent appelé CEMAC+. L’Afrique centrale était la première région, avec l’Afrique de l’Ouest, à entamer des négociations d’APE en octobre 2003. 2. La pauvreté est omniprésente dans la région de l’Afrique de l’Ouest, dont la population est estimée à 93,6 millions d’habitants1, et dont le PIB annuel s’élève à 47 milliards de dollars et croît à un taux d’environ 4,7%2. La région est en outre caractérisée par des économies instables et un climat politique en équilibre très fragile. Parmi les pays de la région, seuls le Cameroun et le Gabon ne font pas partie des pays les moins avancés (PMA). Malgré un PIB moyen par habitant relativement élevé (1899 dollars en 2005) dû principalement aux exportations de pétrole, la Guinée équatoriale est classée 120e, le Cameroun est 144e et la République centrafricaine est 172e (sur 177 pays) selon l’indicateur du développement humain3. En fait, environ la moitié de la population de la région vit en dessous du seuil de pauvreté. 3. Ce document décrit les principales tendances commerciales et institutionnelles qui caractérisent la région et explore certains des principaux défis que rencontrent les pays de la région, en particulier dans leurs négociations d’APE. Il met en évidence les intérêts de la région dans le contexte des APE et tire des enseignements du cycle de négociations de Doha à l’OMC afin de définir des points communs et des synergies potentielles. Son but est de permettre aux négociateurs de mieux comprendre les implications de certains des points communs des deux processus en matière de développement. II. IDENTITE DE LA REGION DE L’AFRIQUE CENTRALE DANS LES NEGOCIATIONS D’APE 4. Bien que les pays d’Afrique centrale unis pour négocier des APE couvrent un territoire très vaste, ils sont caractérisés par plusieurs tendances économiques et commerciales communes. Par exemple, dans tous les pays de la région, les exportations dépendent fortement des ressources naturelles, en particulier le pétrole brut, le bois et les diamants. Cependant, par ailleurs, de nombreuses différences distinguent les pays de la région, comme leur appartenance à diverses Communautés économiques régionales (CER). Cette section analyse les aspects économiques, commerciaux et institutionnels les plus fondamentaux de la région.

1 Calculs du Centre Sud sur la base de données de la Banque mondiale, 2005, prenant en compte la population de la République démocratique du Congo. 2 Taux de croissance du PIB dans la région de la CEMAC (2003), tiré de la Banque mondiale, 2005. 3 PNUD, 2006.

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A. Aperçu général : appartenance à plusieurs CER 5. Le groupement de l’Afrique centrale qui négocie un APE couvre deux grandes CER : la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), plus importante. Les objectifs de la CEEAC sont larges, couvrant la paix, la coopération politique et la prévention des conflits. La CEMAC, à l’inverse, a des objectifs plus restreints visant à établir un marché commun, la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux, une devise commune, et la convergence des politiques macroéconomiques. En ce sens, dans le cadre des négociations d’APE, l’appartenance des pays de la région de l’Afrique centrale aux CER est plus homogène que celle d’autres régions africaines.4 6. Cependant, en 2005, dans le cadre des APE, la République démocratique du Congo (RDC) a quitté la région de l’Afrique orientale et australe pour rejoindre l’Afrique centrale, rendant ainsi la structure de la région considérablement plus complexe. En fait, comme le montre la Figure 1, la RDC est également membre de la CDAA et du COMESA, qui négocient chacun un APE distinct.

* Le Rwanda a annoncé son retrait de la CEEAC dans une tentative de rationaliser son appartenance à différentes CER. Il devrait rester membre de la Communauté de

4 Les régions de l’Afrique orientale et australe et de l’Afrique de l’Ouest qui négocient des APE sont connues pour être composées de pays appartenant de manière contradictoire à diverses CER. Voir par exemple, « Négociations commerciales en Afrique orientale et australe : les questions à prendre en considération » et « Négociations commerciales en Afrique de l’Ouest : Thèmes de réflexion », Centre Sud (2006), disponibles sur www.southcentre.org.

CEEAC

Angola

Cameroun

République centrafricaine

Congo

RD du Congo

Gabon

Guinée équatoriale

Sao Tomé-et-Principe

Tchad

CEMAC

Région APE Afrique centrale

Burundi

Rwanda* COMESA

10 autres pays

17 autres pays

CDAA

Figure 1 : Communautés économiques régionales

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l’Afrique de l’Est (CAE), du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL, avec le Burundi et la RDC).5 7. Il convient également de remarquer dans la Figure 1 que la CEMAC+, telle qu’elle est définie dans le contexte des APE, comprend, en plus, Sao Tomé-et-Principe. Le Burundi et le Rwanda, les deux autres membres de la CEEAC, négocient leur APE dans le cadre de la région de l’Afrique orientale et australe, et l’Angola avec la CDAA. 8. Le renforcement et l’accélération du processus d’intégration régionale en Afrique centrale est l’un des objectifs les plus importants de l’APE de l’Afrique centrale, comme le définit la feuille de route de l’APE adoptée conjointement par les pays de l’Afrique centrale. 6 Il faudra donc que l’APE tienne compte des politiques existantes et des efforts d’intégration en cours dans le cadre de la CEMAC. Les domaines d’activité les plus importants au niveau de la CEMAC comprennent :

a. L’établissement d’un marché commun et d’un TEC (qui est actuellement révisé pour être adapté au TEC appliqué par l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest – UEMAO7) ;

b. Un programme régional permettant d’assurer une bonne sécurité ; c. Des politiques sectorielles communes permettant de promouvoir des

secteurs économiques prioritaires comme, par exemple, le tourisme. 9. Il convient cependant de noter que le degré d’intégration économique régionale au sein de la CEMAC est encore très faible, ce qui se reflète dans le commerce régional, qui est inférieur à 2%8. En fait, le processus d’intégration est lent, et plusieurs décisions ne sont que partiellement mises en œuvre ou ne sont pas appliquées. La faiblesse du processus d’intégration régionale souligne la nécessité d’introduire les réformes prévues par l’APE de façon successive et progressive afin de renforcer, et non de compromettre, ce processus. B. Cadre institutionnel et décisionnel de l’Afrique centrale

5 « Southern Africa : Country Pulls Out of ECCAS », Musoni, Edwin (8 juin ), disponible en anglais sur : http://allafrica.com/stories/200706080011.html 6 « Feuille de route des négociations des Accords de partenariat économique (APE) entre l'Afrique centrale et l'Union européenne », (2004). Disponible sur : trade-info.cec.eu.int/doclib/docs/2004/july/tradoc_118214.pdf 7 Sur le TEC, voir : http://www.izf.net/izf/TEC/Default.htm. 8 « Évaluation de l’impact de l’Accord de partenariat économique entre les pays de la CEMAC et l’Union européenne », CEA-CAPC (décembre 2004).

Tableau 1 : Tarif extérieur commun (TEC) de la CEMAC

Produit Catégorie Taux de droit Articles de première nécessité I 5 % Matières premières et équipement II 10 % Biens d’équipement et autres III 20 % Biens de consommation IV 30 %

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10. Conformément à la feuille de route adoptée qui a guidé le lancement des négociations d’APE entre les pays de l’Afrique centrale et la Commission européenne (CE), les négociations sont conduites selon une structure à plusieurs niveaux, illustrée par la Figure 2. La structure conduit les négociations pour tous les pays de la région et chapeaute les divers comités nationaux de négociation d’APE. 11. Au niveau ministériel, le Comité ministériel commercial conjoint fournit une orientation générale et valide chaque étape des négociations. Un Comité de négociation, divisé en groupes thématiques, détermine le programme général et le calendrier des tâches, ainsi que les activités et les recommandations techniques. Enfin, des groupes d’experts contribuent aux négociations par des recherches spécifiques. 12. De plus, comme dans d’autres régions négociant des APE, une « task force de préparation régionale » (RPTF) a été créée pour débattre de questions liées aux besoins en aide et en assistance financière générés par la négociation et la mise en œuvre d’un APE. La RPTF n’est pas une institution officielle de la structure de négociation d’APE, mais plutôt un organe parallèle, chargé d’améliorer la coordination et la cohérence entre les aspects humanitaires et les aspects commerciaux de la relation entre l’UE et l’Afrique centrale. Néanmoins, l’influence que peut avoir la RPTF sur le processus de négociation a parfois été mise en doute.

13. En plus des structures de négociation officielles, des organisations de la société civile et des représentants du secteur (privé) de la production sont également supposés participer au processus de négociation, en exprimant leurs préoccupations

Comité ministeriel commercial conjoint

Commissaire au commerce

Responsable de la DG du commerce

pour l’Afrique centrale

Repr. de la DG du commerce, du

développement, etc.

Ministres du Commerce

Président : pays occupant la présidence

tournante provisoire de la région

Président : CEMAC

Secrétaire exécutif Vice-président :

Secrétaire général de la CEEAC

Directeurs du commerce de la CEMAC et de la

CEEAC

UE CRN Afrique Centrale

Comité de négociation

Groupe d’experts techniques

RPTF

Figure 2 : Structure des groupes de négociation d’APE

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et en communiquant des informations pertinentes. Cependant, ce sont les comités nationaux, et non la structure régionale de négociation d’APE, qui sont chargés de garantir la participation de ces acteurs non étatiques, ce qui empêche parfois ces derniers de prendre efficacement part aux discussions. 14. En ce qui concerne l’état d’avancement des négociations, la région est arrivée à la troisième et dernière phase des négociations, même si les négociateurs ne sont toujours pas parvenus à un accord au sujet de certains aspects de la phase 2.9 En fait, les négociations de la phase 2 étaient bloquées depuis juillet 2006, à cause de fortes dissensions entre les négociateurs de l’Afrique centrale et de l’Union européenne au sujet du format, de la définition et du contenu des mesures d’accompagnement de l’APE visant à permettre à l’Afrique centrale d’élever le niveau de sa capacité de production pour qu’elle atteigne celui de l’UE. La particularité de l’accord ministériel conclu en février 2007 est que les négociations de la phase 3 seront conduites parallèlement à celles de la phase 2. Dans la phase 3, trois domaines seront abordés10 :

(i) la rédaction d’un texte de négociation d’APE ; (ii) la préparation et la soumission de la proposition de l’Afrique

centrale au sujet de l’accès aux marchés ; et (iii) l’élaboration et la mise en œuvre de mesures d’accompagnement

permettant de renforcer et d’améliorer la capacité de production. 15. Ainsi, les négociations d’APE de l’Afrique centrale sont très semblables, en termes de structure et de progression, aux négociations d’APE d’autres régions ACP (en particulier l’Afrique de l’Ouest). 16. Enfin, il est important de noter que, au plus haut niveau politique, les ministres de l’Afrique centrale ont réaffirmé leur désir de mener à bien les négociations d’APE avant le délai initialement fixé, à savoir le 31 décembre 2007. Cette décision devrait être le signe d’un engagement à déployer tous les efforts possible dans la région pour y parvenir. Pourtant, plusieurs des négociateurs ont un sentiment fort différent et pensent que vu la quantité de questions en suspens à négocier, il sera très difficile, sinon impossible, de terminer les négociations à temps.11 C. Profil de l’Afrique centrale du point de vue de l’économie, de la production et des exportations 17. Le marché de la région de l’Afrique centrale représente plus de 97,7 millions de personnes, et a généré un PIB réel d’environ 47,4 milliards de dollars en 2005. Cependant, une fois décomposés, ces chiffres révèlent des différences considérables

9 Éclairage sur les négociations : de Doha à Cotonou, « Le point sur les négociations d’APE », (20 mars 2007). Disponible sur : http://www.acp-eu-trade.org. 10 « Communiqué Final du Comité Ministériel Commercial Conjoint élargi » (6 février 2007). Disponible sur : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2007/february/tradoc_133268.pdf. 11 « EPA Negotiations: African Countries Continental Review », CEA-CAPC (décembre 2006). Disponible sur : www.uneca.org/eca_resources/news/ecaupdate/number1/ReviewEPA%20Negociations.pdf.

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entre les huit pays de la région. D’après des estimations pour 2005, le Cameroun et le Gabon – les seuls pays de la région à ne pas faire partie des PMA – ont contribué ensemble à plus de la moitié du PIB réel total de la région. 18. La RDC, qui possède 58 millions d’habitants et couvre 45% du territoire total de la région, est le plus grand pays à négocier les APE dans le cadre de la CEMAC. Sao Tomé-et-Principe est le pays le moins important de la région en termes de PIB, de population et de territoire, sa part dans ces trois indicateurs s’élevant à moins de 0,5%. 19. Les pays de l’Afrique centrale figurent parmi les économies en développement les plus endettées, avec une dette s’élevant à 110% de leur PIB en 2004. Tous les pays de la région sont parmi les principaux bénéficiaires des fonds des donateurs, tant multilatéraux que bilatéraux, dont le plus important est la France. À Sao Tomé-et-Principe, la part du budget financée par l’extérieur s’élève à 70%. Tous les pays membres qui négocient les APE dans le cadre de la CEMAC, mis à part le Gabon et la Guinée équatoriale, participent à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) de la Banque mondiale. En Afrique centrale, aucun des pays participant à l’Initiative PPTE n’a rempli les conditions pour bénéficier de l’IADM12. Cependant, la part du service de la dette par rapport au PIB reste importante pour la plupart des pays – 5,6% pour le Cameroun et 13,3% au Congo. 20. L’Afrique centrale, pour ce qui est de sa structure en matière de production et de commerce, est dominée par des pays dépendant des ressources naturelles et des produits de base. En fait, plus de la moitié des exportations de la région est due aux matières premières énergétiques et aux huiles d’origine minérale (pour la plupart sans valeur ajoutée, pétrole brut). Les exportations d’huile représentent plus de 90% des exportations au Congo, en Guinée équatoriale et au Tchad. Seuls la République centrafricaine et Sao Tomé-et-Principe ne suivent pas cette tendance, mais leurs économies dépendent respectivement fortement des diamants et du bois (Tableau 2).

12 Dans le cadre de l’Initiative PPTE, l’achèvement des accords par paliers permet aux pays de bénéficier d’un allégement supplémentaire de la dette selon l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), un résultat du Sommet du G8 de 2005 à Gleneagles, Écosse. Le Cameroun, qui est actuellement au point d’achèvement de l’Initiative PPTE, a fait passer le montant total de sa dette de 79,5% (2000) à 46,6% (2005) de son PIB.

Tableau 2 : Prédominance des exportations de pétrole

Pays Part des exportations de pétrole par rapport à l’ensemble des

exportations Cameroun 49,60% Congo 90,26%

Congo, République démocratique du

17,16% (45% des exportations sont dues

aux diamants) Gabon 76,24% Guinée équatoriale 94,20% République centrafricaine

0,38% (50,83% des exportations sont

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21. Après le pétrole, les ressources agricoles ou naturelles occupent la deuxième position en termes de génération de recettes d’exportation pour la région. Les recettes d’exportation

du Cameroun dépendent de l’agriculture et du bois d’œuvre. La production de cacao et de caoutchouc sont les principaux sous-secteurs de son économie. Le bois d’œuvre figure au deuxième rang des exportations du Gabon ; l’agriculture a été restreinte, et plus de 50% des besoins alimentaires du pays sont couverts par des importations. 22. Le Tableau 3 indique la valeur totale des exportations de marchandises des pays de l’Afrique centrale et les principaux produits d’exportation. Le total des exportations de marchandises de la région s’élève à environ 23 milliards en 2005. Les États-Unis, la CE et la Chine sont les principaux marchés importateurs de la région, qui y envoie plus de 95% de ses exportations. Les États-Unis et la Chine sont des marchés particulièrement importants pour les produits pétroliers, et représentent, par exemple, 64% de toutes les exportations de marchandises du Congo, 45% de celles de Guinée équatoriale, 69% de celles du Gabon et plus de 80% de celles du Tchad. La part de l’UE dans l’ensemble des exportations de marchandises croît en importance dans les marchés relativement fondés sur l’agriculture et diversifiés, au Cameroun (63%), en RDC (60%) et à Sao Tomé-et-Principe (60%).

Tableau 3 : Principaux produits exportés par les pays membres de la CEMAC+ en 2005

Pays Principaux produits exportés (Système harmonisé de classification)

Cameroun Pétrole et huiles ; fèves de cacao, entières ou concassées, brutes

ou torréfiées ; coton, ni cardé ni peigné ; bois d’œuvre, non coniférien ; caoutchoucs techniquement spécifiés

Congo Lubrifiants pétroliers ; billes de bois de feuillus tropicaux ; minerai de cobalt et concentrés ; bois d’œuvre de feuillus

tropicaux Congo, République démocratique du

Diamants non industriels, non travaillés ou simplement taillés, collés ou ébrutés ; minerai de cobalt et concentrés ; billes de bois

de feuillus tropicaux

Gabon Lubrifiants pétroliers ; billes de bois de feuillus tropicaux ; minerai de manganèse et concentrés, etc. ; placage, bois tropical

Guinée équatoriale

Lubrifiants pétroliers ; méthanol ; billes de bois de feuillus tropicaux ; butane liquéfié

dues aux diamants)

Sao Tomé-et-Principe

0,00% (49,89% des exportations sont

dues au cacao et aux préparations à base de cacao)

Tchad 93,31% Source : Banque mondiale (2005) et données sur les flux commerciaux de TradeMap, CCI (2005)

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République centrafricaine

Diamants non industriels, ni montés ni sertis ; billes de bois non coniférien ; bois d’œuvre, bois de feuillus tropicaux ; diamants

industriels, ni montés, ni sertis

Sao Tomé-et-Principe

Fèves de cacao, entières ou concassées, brutes ou torréfiées ; navires et autres structures flottantes à démanteler ; instruments,

appareils ou machines de mesure ou de contrôle

Tchad Lubrifiants pétroliers ; lubrifiants pétroliers et huiles tirées de minéraux bitumineux autres que le pétrole, etc ; coton, ni cardé, ni peigné ; gomme arabique

Source : Trademap, CCI 23. Une tendance importante du commerce entre l’Afrique centrale et l’UE est qu’il se concentre fortement sur des produits sans valeur ajoutée ou à faible valeur ajoutée (Tableau 4). En général, les exportations de l’Afrique centrale vers l’UE sont essentiellement composées d’un maximum de 20 produits. Cependant, le gros des exportations de la région entre en UE en franchise de droit, du fait des préférences commerciales établies par l’Accord de partenariat de Cotonou et du programme « Tout sauf les armes » en faveur des PMA. Tandis que la concentration des exportations est réelle pour ce qui est du commerce de l’Afrique centrale avec le reste du monde, les exportations vers l’UE tendent à être légèrement plus diversifiées. Tableau 4 : Commerce entre l’Afrique centrale et la CE

Pays

Nombre de lignes tarifaires représentant

95% du commerce bilatéral

Part des lignes tarifaires admises

en franchise de droit

Part en valeur des produits admis en franchise de droit

Cameroun 17 93% 90,6% Congo 21 90,9% 100% Congo, République démocratique

14 95,9% 99,0%

Gabon 14 98,3% 100% République centrafricaine 7 98,1% 99,7%

Tchad 4 100% 100% Source : Profils tarifaires dans le monde, CCI, CNUCED, OMC (2007) 24. En ce qui concerne les importations, la région dépend fortement de l’UE en tant que partenaire commercial et importe principalement des produits agricoles et alimentaires, ainsi que des biens d’équipement et de consommation (Tableau 5). Les principaux produits agricoles importés d’Europe par la région comprennent : le blé, les poulets, les produits laitiers, la farine de blé, le malt, le vin, l’huile de soya, les tomates en conserve (boîtes) et les préparations à base de farine et de semoule.

Tableau 5 : Profil des importations de l’Afrique centrale

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Pays Produits importés (part) Principal marché de fourniture (part)

CEMAC

Produits pétroliers (13%), machines de forage pétrolier (8,6%), produits

alimentaires (7,6%), médicaments (2,2%)

UE (45%), USA (9%), Nigéria (9%), Chine

(5%)

Cameroun

Produits pétroliers (25%), machines de forage pétrolier (4,4%), produits alimentaires (14%), médicaments

(1,7%), vêtements d’occasion (1,5%)

UE (35%), Nigéria (22%), Chine (5%),

USA (5%)

Congo

Produits pétroliers (5,6%), machines de forage pétrolier (6,7%), produits

alimentaires (9,1%), médicaments (2,4%), vêtements d’occasion (2,4%)

UE (46%), Chine (16%), Inde (8%),

USA (7%)

Congo, République démocratique

Produits pétroliers (10,7%), produits alimentaires (12,3%), autres machines

(12,1%)

UE (40%), Afrique du Sud (20%),

Zambie (7%), USA (5%)

Gabon Machines de forage pétrolier (9,8%), produits alimentaires (15,2%), autres

machines (9,3%)

UE (66%), USA (7%), Chine (3%)

Guinée équatoriale

Produits pétroliers (10,1%), machines de forage pétrolier (39,5%), produits

alcoolisés (2,8%)

UE (54%), USA (26%), Côte d’Ivoire

(9%), Chine (2%)

République centrafricaine

Produits pétroliers (16,7%), produits alimentaires (9,5%), bois de

construction (24,8)

CEMAC (41%), Cameroun (16%), UE

(20%) Sao Tomé-et-Principe

Aéronefs (8,8%), produits pétroliers (6,7%), produits alimentaires (15,4%)

UE (64%), USA (18%), Malaisie (6%)

Tchad

Produits pétroliers (4,2%), machines de forage pétrolier (24,4%), produits alimentaires (4,9%), médicaments

(4,3%)

UE (60%), USA (15%), Cameroun (7%), Chine (4%)

Source : Trademap, CCI (2005). Remarque : Seules les principales importations alimentaires sont prises en compte dans les « produits alimentaires ». Par conséquent, le chiffre indiqué n’est pas global.

25. Malgré la dépendance marquée de l’Afrique centrale à l’égard des exportations pétrolières, l’agriculture est d’une importance fondamentale dans la région, que ce soit pour produire des revenus pour la population rurale, pour générer des emplois, ou pour sa contribution à la sécurité alimentaire de la région. Plusieurs pays de la région sont des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Sao Tomé-et-Principe, la République centrafricaine, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad dépendent des importations pour plus de 50% de leurs besoins alimentaires. Cette situation a un impact majeur sur les budgets des pays de la CEMAC.

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26. De plus, les exportations agricoles vers l’UE sont également très importantes. Le Cameroun est le principal fournisseur de produits agricoles de la région. Le marché européen est très important pour le Cameroun (29,9% de l’ensemble des exportations), Sao Tomé-et-Principe (83,1%) et le Tchad (91%). En général, les produits exportés comprennent les bananes, le cacao et les produits de cacao, les ananas et le café. 27. Enfin, pour ce qui est de la contribution du commerce des services à la région, les chiffres des contributions respectives sont incomplets et isolés. La part des exportations de services par rapport à l’ensemble des exportations de la région s’élève à 8%. La part des importations de services par rapport à l’ensemble des importations s’élève en moyenne à 45%. 13 De plus, les secteurs de services prédominants seraient les services de distribution, les services publics, les transports et d’autres services aux ménages. Ces quatre secteurs représentent en moyenne 65% de la production de services de la sous-région.14 28. Selon une évaluation de l’impact sur le développement durable conduite pour la région15, les secteurs d’une importance cruciale du point de vue des importations sont les services financiers, les transports, les voyages, l’informatique et les services connexes. Pour tous les pays de la région, les services de transport sont l’importation la plus importante, même si le Congo semble s’être tourné vers les services financiers entre 1990 et 2004, ce qui a, au moins partiellement, affecté les services de transport, dont les parts ont baissé durant cette période. En termes d’exportations, en 1990, c’est le Cameroun qui a exporté la plus grande quantité de services commerciaux, suivi par le Gabon. Les exportations de services de la région concernaient principalement les services de transports dans tous les pays, sauf au Tchad et au Gabon, où l’information et d’autres services étaient prédominants. L’exportation de services financiers était marginal pour tous les pays de la région, à l’exception de la République centrafricaine, où elle constituait une part importante des exportations, mais où les exportations de services commerciaux en général sont extrêmement faibles. III. DEFIS ET PERSPECTIVES ISSUS DES NEGOCIATIONS D’APE 29. Cette section examine certains domaines importants pour les négociations d’APE, et les compare spécifiquement avec des domaines semblables en discussion dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC, pour repérer des synergies et des enseignements potentiels. A. Développement et intégration régionale 30. La définition et le contenu de l’aspect « développement » de l’APE négocié par l’Afrique centrale restent un des aspects les plus controversés des

13 Rapport de l’atelier de JEICP intitulé « Commerce des services, négociations et facilitation des échanges dans la CEMAC » 14 Ibid. 15 Sustainability Impact Assessments of the EU-ACP Economic Partnership Agreements, Phase III, « Financial Services in Central Africa », Rapport final, septembre 2006.

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négociations. Cependant, ce n’est pas propre à la région. Cette tendance se retrouve également dans les négociations d’APE d’autres régions ACP. L’Afrique centrale s’est concentrée sur les mesures de renforcement des capacités et l’assistance financière qui permettraient de soutenir l’évolution structurelle de la région vers une économie productive concurrentielle et diversifiée, notamment en soutenant les secteurs privé et productif, en améliorant le climat général des investissements et en réduisant les coûts de production (par exemple, en renforçant les infrastructures). 31. Cependant, tout en admettant qu’il est nécessaire d’incorporer des mesures de soutien dans un APE, la CE refuse d’en inclure dans le texte d’un APE. Elle propose plutôt de traiter de ce thème dans des instruments externes distincts de l’APE, comme l’Initiative d’aide au commerce de l’OMC et les programmes du Fonds européen de développement (FED). La CE a déjà accepté, du moins en principe, de soutenir des programmes visant à améliorer la compétitivité des secteurs touchés par les APE, d’aider les gouvernements de l’Afrique centrale à se passer progressivement des tarifs douaniers en tant que source de recettes fiscales, et de participer à la mise en œuvre des réformes entraînées par les APE. 32. Les modalités de ces intentions restent à définir, mais un instrument qui est de plus en plus évoqué est un Fonds régional APE. Ce ne serait pas un fonds en soi, mais il faciliterait probablement l’accès aux instruments d’aide existants, en particulier ceux prévus dans le cadre du 10e FED. Le Fonds régional aura une fonction de coordination, pour garantir que l’aide de la Commission européenne, des États membres de l’UE, et éventuellement d’autres donateurs, est distribuée de la façon la plus efficace et opportune possible et permet ainsi d’appuyer la mise en œuvre des APE. 33. La CE maintient en outre que la mise en œuvre de règles liées au commerce et la création d’institutions commerciales contribueront également au développement. Cette vision transparaît clairement du texte de négociation proposé par la CE à l’Afrique centrale. La mise en œuvre, l’utilisation appropriée et la mise en application de règles commerciales très variées sont effectivement les éléments les plus fondamentaux de ce texte. 34. Un aspect important de l’aspect « développement » de l’APE de l’Afrique centrale est qu’il devra nécessairement soutenir et renforcer l’intégration économique de la région. En fait, l’intégration régionale est, avec la mise à niveau de la compétitivité de la région en matière de production, un des principaux objectifs de l’APE, comme défini dans la feuille de route de 2004. Pour y parvenir, il faudra, en plus des éventuelles mesures d’accompagnement, que les règles et les concessions commerciales convenues dans le cadre de l’APE soient introduites successivement de façon à soutenir l’établissement de marchés locaux plus forts. B. Accès aux marchés 35. Dans le contexte des APE, l’accès aux marchés couvre les produits agricoles et

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non agricoles. Il couvre également les négociations relatives à la réduction ou à la suppression des mesures tarifaires et non tarifaires (par exemple, les restrictions quantitatives). La portée des négociations est effectivement plutôt large et la mise en œuvre de concessions pourrait s’avérer relativement difficile. L’exemple le plus souvent cité en ce qui concerne les problèmes provoqués par les APE est la baisse des recettes fiscales entraînée par la suppression des tarifs douaniers pour les produits en provenance de l’UE. 36. La phase actuelle des négociations devrait inclure l’échange d’offres relatives à l’accès aux marchés. La CE a déjà annoncé qu’elle accorderait un accès aux marchés en franchise de droit et sans contingent à tous les produits des pays ACP (y compris ceux qui ne font pas partie des PMA). Du côté de l’Afrique centrale, la préparation d’une offre, cependant, dépend de la définition préalable des produits sensibles – tant agricoles qu’industriels – de la région. De plus, l’offre de la CEMAC+ tiendra compte des flexibilités offertes par le GATT de l’OMC permettant une ouverture asymétrique et progressive des marchés. C’est un élément important dans une région où les activités en matière de transformation sont encore naissantes (Tableau 6). Vu que la région a urgemment besoin de diversifier ses économies et de ne plus se contenter des exportations d’huiles et de ressources naturelles à faible valeur ajoutée, les détails relatifs à la façon dont les tarifs et d’autres instruments de politique générale seront supprimés permettront de juger de la compatibilité des APE avec certains des objectifs régionaux. Tableau 7 : Profil des tarifs des pays de l’Afrique centrale (%)

Taux de droit moyen appliqué Pays (année de

référence)

Portée des consolidations à

l’OMC AG Non AG

Taux de droit maximum appliqué

Cameroun (2005) 13,3% 22,1% 17,4% 30% Congo, République (2006) 16,1% 22,6% 17,7% 30%

Congo, République 100% 12,8% 11,9% 30%

Tableau 6 : Structure économique de certains pays de la CEMAC 1. Cameroun 1985 1995 2004 2005 Industrie 36 23,9 14,6 14 Secteur de la transformation

11,5 10,2 7,4 7,1

2. République centrafricaine Industrie 15,9 21,1 21,8 21,4 Secteur de la transformation

9,8 10,2 .. ..

3. Tchad Industrie 13,1 13,6 45,5 51,2 Secteur de la transformation

10,4 11,2 5,2 4,7

4. Gabon Industrie 66,5 52,4 60,7 57,6 Secteur de la transformation

7,2 5 4,8 4,5

Source : Indicateurs du développement de la Banque mondiale

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démocratique (2006) Gabon (2005) 100% 22,1% 17,4% 30% République centrafricaine (2005) 62,5% 22,1% 18% 30%

Tchad (2005) 13,5% 22,1% 17,4% 30% Source : CCI, CNUCED, OMC : Profils tarifaires dans le monde (2006) C. Agriculture C.1 Accès aux marchés, érosion des préférences et mesures d’accompagnement 37. Étant donné l’importance socio-économique de l’agriculture et l’insécurité alimentaire qui règne dans la région, une stratégie agricole régionale a été adoptée en 1999. Cette stratégie implique la coordination des politiques agricoles, dans le contexte d’un objectif plus général visant à améliorer l’intégration du marché régional. Elle définit les défis clés que la région rencontre en termes de commerce et de production agricoles et vise à : améliorer les moyens de subsistance des producteurs et accroître leur revenu ; accroître la productivité de l’agriculture dans la région. Selon des estimations de

la FAO, pour satisfaire les besoins de la région d’ici 2010, il faudrait accroître la production agricole de 290% ;

développer les infrastructures afin de réduire les coûts de transport élevés au sein de la région et d’améliorer sa compétitivité ;

garantir la coordination politique des positions dans les négociations et les accords commerciaux, notamment dans le cadre des APE et de l’OMC ;

accroître la somme allouée au financement de l’agriculture dans les budgets nationaux ;

promouvoir la diversification et le développement rural du secteur, en particulier dans les pays exportateurs de pétrole de la CEMAC touchés par le syndrome hollandais.

38. Le renforcement des capacités et l’assistance à la mise à niveau de la capacité de production agricole de l’Afrique centrale sont des éléments essentiels pour atteindre ces objectifs. De plus, malgré les préférences commerciales dont bénéficie actuellement l’Afrique centrale sur le marché européen, les conditions d’accès aux marchés continuent d’entraver les exportations vers l’UE. Par exemple, depuis le 1er janvier 2006, les contrôles à la frontière européenne ont été renforcés pour vérifier le respect des règlements de l’UE sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Les normes de l’UE sont plus restrictives que le codex alimentarius, qui est internationalement reconnu (pour ce qui est de la teneur en résidus et du nombre de substances autorisées). Le respect des mesures sanitaires et phytosanitaires de l’Union européenne est un sujet de préoccupation pour les pays de la CEMAC, à cause des coûts qui en découlent et du fait qu’ils manquent des capacités techniques nécessaires pour mener les procédures requises. Ce problème concerne actuellement les exportations de bananes et d’ananas, mais pourrait aussi toucher d’autres produits que les pays de la CEMAC pourraient envisager d’exporter, y compris des fruits et des légumes et des huiles végétales. La réduction des entraves au commerce

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créées par les mesures non tarifaires est certainement un domaine où le processus de négociation d’APE pourrait jouer un rôle. 39. Il est d’autant plus important d’améliorer la compétitivité des exportations agricoles de la région, que les préférences commerciales établies par l’Accord de partenariat de Cotonou s’érodent rapidement. Les préférences comprenaient : (a) un accès garanti aux marchés de l’UE (par des contingents et des droits faibles ou

nuls) ; (b) des prix stables garantis (pour les bananes, le sucre, le bœuf et le veau), parfois

plus élevés que les prix mondiaux ; et, (c) l’accès à des secteurs qui sont fortement protégés par la Politique agricole

commune (PAC) de l’UE. 40. Ces avantages, cependant, seront supprimés par la réforme de la PAC (et des Protocoles relatifs aux produits de base) de l’UE, par les règlements de différends à l’OMC (bananes et sucre) et par la réduction des tarifs consolidés de l’UE à l’OMC. 41. La modification des protocoles relatifs au sucre et aux bananes n’est pas directement liée aux négociations d’APE, mais influera sur les conditions d’accès au marché européen, ce qui est particulièrement important pour : le Cameroun, vu le volume de ses exportations et la tendance à la hausse des

exportations (de bananes) depuis 1998. En général, le Cameroun atteint ses contingents et, profitant de l’assouplissement des dispositions liées à l’administration des contingents par l’UE, il utilise également ceux d’autres pays membres de la CEMAC. Cependant, depuis le 1er janvier 2006, le système de contingents a été remplacé par un régime exclusivement tarifaire. Les conséquences de ce changement pour les exportations du Cameroun sont incertaines et dépendront du taux tarifaire qui sera appliqué. En ce sens, même si les efforts visant à améliorer la compétitivité ont donné des résultats positifs, les infrastructures et les services de transport accroissent encore les frais de transaction.16

Congo. Des études montrent que la diversion du commerce issue des changements touchant le protocole relatif au sucre bénéficiera au Brésil, aux Îles Fidji, au Mozambique et au Malawi, au détriment des exportations du Congo.

42. Afin de résoudre le problème de l’érosion des préférences, les pays ACP de l’OMC ont demandé une solution commerciale comprenant, entre autres options, le maintien des marges préférentielles et le report de la libéralisation afin de disposer suffisamment de temps pour s’adapter, car certains secteurs ne pourraient pas résister dans des conditions libéralisées. Cette option s’est révélée controversée, en particulier par les pays d’Amérique latine qui demandent à avoir accès au marché de l’UE pour des produits semblables. Quoi qu’il en soit, tout délai supplémentaire accordé pour échelonner l’érosion des préférences devra nécessairement s’accompagner de mesures ciblées permettant d’accroître la compétitivité de

16 « Nouveaux chapitres dans le différend européen de la banane avec l’accélération des négociations sur les APE », in Éclairage sur les négociations, vol.6, n° 3, mai-juin 2007.

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l’agriculture de l’Afrique centrale et de préparer les producteurs aux nouvelles conditions de concurrence qui apparaîtront quand les préférences seront supprimées. Pour ce faire, ce qui est actuellement proposé par l’UE dans le contexte des négociations d’APE ne suffira pas.17 43. D’un point de vue défensif, l’APE proposé par la CE représente un plus grand défi que l’OMC pour les pays de la CEMAC, car la plupart des pays de la région ne seraient pas obligés de procéder à des baisses des tarifs douaniers dans le cadre du cycle de Doha, soit parce qu’ils ne sont pas encore membres de l’OMC (Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Principe), soit en vertu de leur statut de PMA. Les autres pays devraient baisser leurs tarifs selon une formule d’harmonisation structurée par fourchettes, entraînant une réduction plus importante des droits les plus élevés. Ces réductions seraient fondées sur les droits nationaux consolidés de l’OMC. Un traitement spécial et différencié sera appliqué, par exemple en demandant que la contribution des pays en développement en matière de réduction des droits ne s’élève qu’aux deux tiers de la contribution des pays développés. 44. Par comparaison, dans le cadre d’un APE, toute la région de la CEMAC+ devrait réduire et supprimer les droits appliqués aux produits agricoles (non consolidés comme à l’OMC). Seul un nombre limité de lignes tarifaires serait traité séparément en raison de leur sensibilité (certains ont suggéré jusqu’à 20% des lignes tarifaires). Vu que l’UE a déjà ouvert ses marchés aux producteurs des pays ACP, le gros ou tout le poids de la réduction des droits reviendrait aux pays de la CEMAC+, ce qui soulève la question de l’équité et de la commodité de l’APE. C.2 Produits sensibles : justifier la protection des droits et les sauvegardes pour certains produits agricoles 45. Malgré son importance économique relative, le secteur de l’agriculture est d’une grande importance du point de vue social en termes de population urbaine et de part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté dans les zones rurales. Tableau 8 : Indicateurs socioéconomiques liés à l’agriculture de la CEMAC+

Part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté

Part de la population rurale par rapport à l’ensemble de la

population Urbaine Rurale Cameroun 49% 41,4% 59,6% Congo 46% .. .. Gabon 16% .. .. Guinée équatoriale 52% .. ..

République 67% .. .. 17 Le texte d’APE proposé à la région CEMAC+ par la CE reconnaît les problèmes potentiels que pose la libéralisation imposée par l’APE en termes de sécurité alimentaire et souligne la nécessité de coopérer pour améliorer la productivité. Cependant, il limite la coopération à un engagement global sur l’aide financière, hors du cadre de l’APE, dans le contexte du Fonds européen de développement (FED). Dans le cas précis de l’agriculture, le texte ne prévoit que l’échange d’informations sur des questions de politiques (comme les normes).

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centrafricaine Sao Tomé-et-Principe 62% .. ..

Tchad 75% 67% 63% Source : Douya, et al. Impact sur l’agriculture de la CEMAC et Sao Tomé-et-Principe d’un Accord de partenariat économique avec l’Union européenne. GRET/CIRAD. Mars 2006. 46. En fait, des simulations conduites par le CIRAD et le GRET18 sur l’impact de la libéralisation prévue par l’APE pour le Cameroun laissent à penser que même si un APE peut accroître les ouvertures de marché pour les produits biologiques et non traditionnels, il est probable que, par ailleurs, il accroisse les importations, réduise la production des produits agricoles transformés, réduise le revenu par ménage et accroisse la pauvreté dans les zones rurales. 47. Même si le texte d’APE proposé par l’UE reconnaît l’importance sociale et économique de l’agriculture et les besoins de la région en matière de sécurité alimentaire et de sécurité des moyens de subsistance, il nie l’importance des droits en tant qu’instruments de promotion de ce secteur. Cela contraste avec l’approche adoptée dans les négociations sur les produits agricoles de l’OMC, où de nombreux pays en développement considèrent que la protection des droits est justifiée à cause de l’importance économique et sociale de l’agriculture et parce que c’est le seul moyen qu’ont les pays en développement de protéger leurs fermiers (tous les pays en développement ne peuvent pas utiliser des contingents tarifaires, des sauvegardes agricoles ou des subventions). C’est pourquoi il y a un lien direct entre les droits et les préoccupations liées à la sécurité des moyens de subsistance et à la sécurité alimentaire. 48. Dans le cadre du cycle de Doha de l’OMC, deux instruments sont en cours de négociation afin de gérer les sensibilités dans le secteur agricole : les produits spéciaux et les produits sensibles (Tableau 9). Dans le cadre des APE, cependant, seuls des critères économiques (comme la quantité échangée et l’importance économique) ont été pris en compte pour définir les produits sensibles. Vu le nombre restreint de produits susceptibles de bénéficier du statut de « sensible », les gouvernements de l’Afrique centrale auront du mal à décider quels produits protéger. Tableau 9 : Produits agricoles spéciaux et sensibles au cycle de Doha de l’OMC Produits spéciaux

Disponibles uniquement pour les pays en développement La désignation devrait répondre à des critères liés à la

sécurité alimentaire, à la sécurité des moyens de subsistance et au développement rural

Établit des exemptions de réduction des droits ou permet des réductions de droits moindres que celles qui seraient exigées pour d’autres produits (Proposition du G-33 sur les modalités relatives à la désignation et au traitement des produits spéciaux – Modalities for the designation and treatment of […] special products)

18 Douya, Emmanuel, Hermelin, Bénédicte et Ribier Vincent. Op. cit.

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Produits sensibles

Sera disponible tant aux pays développés qu’aux pays en développement

Destiné à gérer le problème des sensibilités commerciales. 49. Les options permettant d’améliorer les synergies entre les négociations de l’OMC et d’APE pourraient comprendre l’utilisation des propositions suivantes pour définir les produits sensibles : Envisager de protéger des produits locaux qui seraient placés en concurrence

directe avec les produits qui reçoivent des subventions de l’UE19 ; Disposer d’une méthodologie homogène dans les régions ACP afin de comparer

les données. Envisager de dresser une liste de critères au niveau de l’APE qui soit plus

complète qu’à l’OMC (par exemple, qui protège les produits importants pour le développement de complémentarités régionales et pour la protection de l’agriculture de subsistance) ;

50. En ce qui concerne l’importance régionale des produits, les produits agricoles qui sont actuellement commercialisés dans la région comprennent : l’huile de palme, le sucre, le tabac, la bière et la poudre de cacao. Plusieurs études fondées sur les indicateurs de complémentarité suggèrent qu’il est possible d’accroître le commerce régional de bœuf, de riz paddy, de cacao et de sucre, à condition que certains critères soient respectés (comme des améliorations des infrastructures de transport, des échanges d’informations sur les perspectives commerciales et financières et une protection efficace contre les poussées d’importations). 51. Pour ce qui est des mesures de sauvegarde spécifiquement conçues pour l’agriculture, l’accord de l’OMC sur l’agriculture a permis de disposer d’un mécanisme de protection en cas de poussées des importations, mais la pratique a montré que seuls les pays développés et quelques pays en développement pouvaient l’utiliser. La plupart des pays en développement rencontrent des difficultés techniques pour le mettre en œuvre. En résultat, les pays en développement ont proposé, dans le cadre des négociations du cycle de Doha de l’OMC, de créer un nouveau « mécanisme spécial de sauvegarde » pour lutter contre les chutes des prix et les poussées d’importations. Ce mécanisme serait automatique et facile à obtenir et à mettre en œuvre, mais sa création et ses particularités sont encore sujettes à controverse parmi les membres de l’OMC. 52. Dans la région de la CEMAC20, le Congo, la République démocratique du Congo, le Gabon et la République centrafricaine sont parmi les pays qui ont le plus souffert des poussées d’importations entre 1982 et 2003. Les études de la FAO n’ont pas déterminé si des moyens utilisés pour améliorer le commerce étaient nécessaires dans tous les cas pour rétablir la situation, mais les effets de ces poussées d’importations sont indéniables.

19 Selon Douya, Emmanuel, Hermelin, Bénédicte et Ribier, Vincent (2006), ces produits seraient la farine de froment, le poulet, l’huile de soya et le sucre. 20 FAO (octobre 2006). Poussées des importations: quelle est leur fréquence et quels sont les pays et les produits de base les plus touches ? Dossier de la FAO sur les poussées des importations, thème n°2.

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53. Dans le cadre des APE, une clause de sauvegarde est prévue, au cas où la mise en œuvre de l’accord causerait des problèmes en matière de disponibilité ou d’accessibilité des produits alimentaires ou d’autres produits essentiels à la sécurité alimentaire, si une telle situation pouvait entraîner des difficultés majeures pour une partie. Même si aucune discipline ou procédure spécifique n’a été rédigée, ce type d’instrument ne semble pas protéger pleinement contre les importations subventionnées bon marché en provenance de l’UE, ni contre les poussées d’importations ou les chutes de prix. C.3. Subventions et réforme de la PAC de l’UE 54. Les effets des subventions ont été bien documentés : elles provoquent la concurrence déloyale et le dumping, faussent les marchés et détournent les avantages de la libéralisation du commerce en faveur des producteurs les plus efficaces, qui déclassent les producteurs locaux avec des importations bon marché. Les subventions sont devenues un symbole des iniquités des règles commerciales multilatérales actuelles. En effet, les pays en développement, dans lesquels 70% de la population dépendent de l’agriculture, ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour soutenir leurs fermiers et sont insuffisamment équipés pour gérer le type de volatilité et d’instabilité des marchés agricoles provoqué par les subventions. 55. L’OMC est le seul forum de négociation où les subventions sont attaquées. En fait, le texte d’APE avec la CEMAC+ proposé par la CE rejette tout engagement de l’UE à réduire ou à supprimer les subventions agricoles internes. Seules les subventions à l’exportation sont mentionnées, reproduisant ce qui est déjà proposé à l’OMC. Il convient de noter qu’un des membres de la CEMAC (le Tchad) s’est attaché activement à mettre en question les subventions qui touchent le secteur du coton, dénonçant les conséquences de ces versements en matière de pauvreté. 56. Du fait de l’APE, les fermiers d’Europe et d’Afrique centrale seront en concurrence directe, y compris sur les marchés de consommation de la région. À cause des subventions, les fermiers de la CEMAC+ risquent fortement de souffrir de la concurrence déloyale et les producteurs de la région pourraient être poussés à la faillite. Les risques concernent des produits comme les produits laitiers, le sucre, le poulet, les huiles végétales et la farine de froment 21 . Au vu du niveau de productivité et de soutien public dont bénéficie l’UE, l’agriculture de l’Afrique centrale ne pourrait pas résister, ce qui devrait constituer un sujet de préoccupation majeur. D. Commerce des services 57. L’Union européenne a plusieurs fois déclaré qu’elle considère que les secteurs connexes, qui n’entrent pas dans le cadre du commerce des marchandises, comme la concurrence, les investissements, les acquisitions publiques et le commerce des services, sont des sujets clés des APE. Il semblerait effectivement, sur la base de la feuille de route adoptée en 2004 de l’APE de l’Afrique centrale, que les règles 21 Douya, Emmanuel, Hermelin, Bénédicte et Ribier Vincent. Op. cit.

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commerciales et le commerce des services seront inclus, d’une manière ou d’une autre, dans l’APE de la région. Cependant, le point de départ d’une analyse des conséquences de l’intégration du commerce des services dans un APE est que l’Afrique centrale n’est pas obligée d’inclure les services dans son APE. D.1 Négocier ou non le commerce des services dans un APE 58. La dérogation de l’OMC pour l’Accord de Cotonou ne concerne que le commerce des biens. Par conséquent elle ne couvre pas le commerce des services. Actuellement, les pays ACP ne bénéficient pas de préférences commerciales pour les services sur le marché de l’UE. Si la conformité aux règles de l’OMC, n’entre pas en compte pour l’inclusion du commerce des services dans l’APE de la CEMAC, les pays de la région devraient prendre en compte d’autres éléments lorsqu’ils décident de négocier, ou non, le commerce des services avec la CE, et de la façon de le faire. 59. Les problèmes qu’un APE sur les services engendrerait pour les pays de la CEMAC devraient être évalués en fonction de la contribution de l’APE à la création de courants d’échanges, à l’accroissement des perspectives pour les entreprises de la CEMAC sur les marchés des services de l’UE, et de la compensation éventuelle des frais y afférents (c’est-à-dire, les problèmes réglementaires, notamment les limitations du traitement national) par un résultat d’ensemble positif. Si les services étaient inclus dans un APE, les pays de l’Afrique centrale bénéficieraient de flexibilités inclues dans les règles de l’OMC relatives aux services22. 60. Par exemple, pour qu’une économie bénéficie de façon optimale de la libéralisation du commerce des services (c’est-à-dire, que les intérêts relatifs à l’accès aux marchés compensent l’obligation de l’État à fournir des services à ses citoyens), ou simplement qu’elle tire des perspectives économiques accrues de ces ouvertures de marchés, on sait que des institutions réglementaires fortes, opérant sur la base d’un cadre réglementaire sain et solide, sont nécessaires. Les questions clés pour les pays de la CEMAC sont de savoir s’ils ont la capacité de maîtriser les effets de la libéralisation par la réglementation, ou si la libéralisation des marchés avec l’UE, en l’absence de cette capacité réglementaire, donnera des résultats positifs. 61. De plus, à en juger par le texte cadre que la CE a proposé à d’autres régions ACP23, il est probable que l’APE impose de démanteler les obstacles réglementaires

22 Pour être compatibles avec l’OMC, les APE devraient respecter les dispositions de l’article V :3 de l’AGCS, qui permet aux pays en développement engagés dans un APE de prendre moins d’engagements en matière d’accès au marché et de traitement national. Il faudrait en outre respecter le principe de la libéralisation progressive, qui est un des principes fondamentaux de l’AGCS. Ce principe permet aux pays de maîtriser le degré, la portée et le moment de la libéralisation de leurs secteurs de services. Par ailleurs, les pays en développement sont protégés à l’article XIX : 2, qui prévoit la possibilité d’ouvrir moins de secteurs, de libéraliser moins de types de transactions, d’étendre progressivement l’accès au marché en fonction de leur développement et, lorsqu’ils ouvrent leurs marchés aux fournisseurs de services étrangers, d’y attacher des conditions visant à leur permettre de participer davantage au commerce international. 23 Au sujet du texte cadre de l’UE relatif aux services, voir par exemple l’analyse de la situation de la région de l’Afrique orientale et australe dans « Development at Crossroads: The Economic Partnership Agreement Negotiations with Eastern and Southern African Countries on Trade in Services », Document de recherche du Centre Sud n° 11. Disponible sur : www.southcentre.org.

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au commerce qui restreignent l’accès aux services dans la CEMAC. À ce stade, l’accès au marché des services financiers de la CEMAC, par exemple, est libre. Il n’y a aucune limitation du traitement national au sein de la région. On pourrait donc en déduire que l’effet négatif des APE sera restreint. Cependant, tout en n’imposant pas de limitations du traitement national au sein de la CEMAC, la région réglemente l’accès par d’autres moyens, comme par des exigences en matière d’approbation, des pratiques de gestion des risques et l’harmonisation des services bancaires et d’assurance. Des raisons de principe expliquent sans doute pourquoi la CEMAC a choisi ces outils, malgré son ouverture en matière de traitement national. L’une d’elles pourrait être le désir de conserver, sans discrimination interne, un certain degré de prudence qui permette aux pays membres de réglementer pour l’intérêt public, ou de garder une certaine liberté pour favoriser des entreprises nationales. 62. Il convient de noter que les propositions faites par l’UE à d’autres régions contiennent également de nombreuses dispositions réglementaires précises. La proposition de l’UE consacre toute une section aux questions de cadre réglementaire concernant le degré de réglementation qu’elle désirerait en matière de reconnaissance mutuelle, de transparence et de divulgation d’informations confidentielles. De plus, elle détaille la façon dont l’UE souhaite que les services informatiques et financiers, les télécommunications et d’autres services soient réglementés. Le but de l’UE, ici, est de démanteler les obstacles, afin de faciliter le commerce des services. 63. En conséquence, les pays de la CEMAC devraient accepter les régimes réglementaires élaborés selon les termes, les conditions et le contexte de l’UE, et abolir les règlements de la CEMAC s’ils ne correspondent pas aux nouveaux régimes proposés. Le problème est que les pays de la région devraient conserver une autonomie réglementaire, afin de pouvoir produire, au niveau national, des règlements adaptés à leur situation. Les pays de la CEMAC devraient, selon le raisonnement qui sous-tend leurs processus réglementaires, y compris pour les services, accroître l’accessibilité aux soins de santé, par exemple. L’UE, de son côté, aborderait la réglementation du point de vue de l’efficacité et de la rentabilité. Les deux approches sont donc diamétralement opposées. Dans les négociations de l’OMC sur la réglementation intérieure, le droit des pays à réglementer a été considéré sacré, les pays en développement luttant bec et ongles dans ce but. D.2 Traitement national et nation la plus favorisée : conséquences pour l’intégration régionale 64. Si elle acceptait d’échanger des services avec l’UE dans un processus semblable à un accord de libre-échange, la CEMAC devrait accorder un traitement national aux fournisseurs de services de l’UE. En bref, le traitement national est un principe fondamental des règles de l’OMC qui proscrit la discrimination à l’égard des fournisseurs de services étrangers à l’intérieur des frontières. Ce principe, de par sa nature, pourrait entraîner une augmentation des importations de services en provenance de l’UE dans la CEMAC, ce qui provoquerait très certainement la disparition des petites et moyennes entreprises. De plus, en acceptant d’accorder le traitement national à l’UE, la CEMAC abandonnerait effectivement son droit à réglementer de façon à favoriser les citoyens de la région par rapport aux

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fournisseurs de services étrangers, alors qu’il serait clairement nécessaire, dans une telle situation, d’accroître la participation des citoyens de la CEMAC au commerce des services. Les pays en développement peuvent désirer que le recrutement d’un certain nombre de leurs citoyens soit une condition préalable à la libéralisation de certains secteurs et ce, pour plusieurs raisons, dont la circulation des compétences, les perspectives d’emploi, le transfert de technologies, l’augmentation des capacités en matière d’exportation et l’amélioration générale du bien-être. 65. De plus, l’expérience a montré que les entreprises multinationales aiment s’établir dans des zones urbaines, et laissent les zones rurales s’en sortir toutes seules parce qu’elles ne pensent pas que les zones rurales soient lucratives en termes commerciaux. En tant que tel, le problème de l’accessibilité aux services, notamment aux services essentiels, persisterait très probablement. En termes de services financiers, par exemple, l’évaluation de l’impact sur le développement durable de Price Water House Coopers pour la CEMAC révèle en outre que les résultats pourraient être inégaux. Elle montre que les entreprises de l’Afrique centrale paient des primes d’assurance fret plus élevées aux compagnies d’assurance étrangères qu’aux compagnies d’Afrique centrale. Les compagnies d’assurance et les banques de l’Afrique centrale ont un accès restreint au marché de l’UE à cause d’obstacles réglementaires. L’étude montre aussi que dans le cadre d’échanges réciproques avec l’UE, les perspectives de développement des services financiers resteront restreintes, à l’exception éventuelle des compagnies d’assurance et des banques, qui pourraient éventuellement conquérir des parts de marché dans le domaine des transferts financiers de clients originaires d’Afrique centrale vivant en UE. Cet argument n’est pas assez solide pour que la CEMAC l’utilise pour fonder sa décision de prendre des engagements relatifs aux services financiers avec l’UE dans le processus d’APE, car de toute façon, les clients originaires de la CEMAC feront naturellement des affaires avec des banques de la CEMAC, quelles que soient les dispositions de l’APE. 66. L’UE désirait bénéficier du traitement de la nation la plus favorisée (NPF) pour ses établissements et ses investisseurs se trouvant dans les pays engagés dans des négociations d’APE. Si la CEMAC accordait le traitement NPF à l’UE, les fournisseurs de services de l’UE bénéficierait d’un accès immédiat et inconditionnel, égal à celui accordé dans le cadre du processus d’intégration des pays de la CEMAC. Pour certaines raisons, il pourrait être dans l’intérêt des pays de la CEMAC de n’accorder le traitement NPF qu’aux membres de la CEMAC, par exemple, la nécessité de renforcer la compétitivité dans certains secteurs pour permettre aux pays d’acquérir une certaine compétitivité dans un créneau spécifique au sein de la région. Il serait étrange qu’il soit sage, à ce stade du processus d’intégration des pays de la CEMAC, de s’ouvrir en accordant le traitement NPF à l’UE. Même si l’on soutient que l’UE accorderait le traitement NPF aux pays de la CEMAC en échange, ces derniers ne pourraient pas accéder au marché de l’UE car leurs capacités sont loin d’être comparables à celles de l’UE, à cause de contraintes liées aux fonds propres.24 67. Un autre problème est celui de l’appartenance à plusieurs ACR, et ses

24 L’harmonisation des questions réglementaires au sein de la CEMAC, ainsi que son développement, seraient perturbés si le droit à bénéficier sans entrave du traitement NPF était accordé aux fournisseurs de services de l’UE.

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conséquences pour les pays concernés au moment de la mise en œuvre. Rien ne prouve que tous les groupements régionaux conviendront des mêmes conditions avec l’UE en matière de services. Dans le cas des services, par exemple, que se passerait-il si le COMESA refusait d’accorder le traitement national et que la CEMAC l’acceptait ? Comment la République démocratique du Congo gérerait-elle, du point de vue concret de la mise en œuvre, les fournisseurs de services de l’UE dans le COMESA ? Des problèmes pareils seraient très difficiles à résoudre. Les problèmes juridiques, institutionnels et administratifs qui les accompagnent sont immenses. 68. L’UE propose en outre que les pays abandonnent leur droit à maintenir des restrictions quantitatives en appliquant des contingents, à imposer des restrictions sur la valeur totale des transactions, à conduire des tests des besoins économiques, à restreindre un certain nombre d’opérations et à la limiter la part de capital étranger, voire à imposer des restrictions sur les types d’établissements. Dans le contexte de l’AGCS, les pays sont libres de maintenir des restrictions, par l’inscription dans les listes. Il est dans l’intérêt des pays de la CEMAC d’être plus fermes vis-à-vis du type de fournisseurs de services qui pénètrent dans leur pays, du degré de leur contribution en terme d’emplois et de création de richesses, et de la mesure dans laquelle ces entreprises contribuent à la réalisation des objectifs nationaux en matière de développement. Il n’est pas dans leur intérêt de perdre ce pouvoir. D.3 Modes de fourniture 69. Du point de vue des modes, la lecture des textes sur les services que l’UE a présentés à d’autres groupes comme l’Afrique orientale et australe, révèle la grande ambition de l’UE, en particulier en matière de fourniture transfrontières (mode 1), et de présence commerciale (mode 3). Tableau 10 : Les modes de fourniture de l’AGCS L’AGCS de l’OMC définit la fourniture des services en fonction de la façon dont un service est fourni, c’est-à-dire selon quatre modes de fourniture. Mode 1 Fourniture transfrontières

Inclut la fourniture de services d’un pays à l’autre sans mouvement physique de personnes, par exemple, par l’utilisation de technologies comme les technologies de la communication et de l’information. Par exemple, pour les services financiers, cela comprendrait des transferts de fonds des banques de la CEMAC vers l’Europe et vice-versa.

Mode 2 Consommation à l’étranger

Comprend la fourniture de services consommés à l’étranger. Dans ce cas, un consommateur de services européen, par exemple, se rendrait en Guinée équatoriale, pour y obtenir des services relatifs au tourisme.

Mode 3 Présence commerciale

Comprend la fourniture de services sur des marchés étrangers en établissant des branches locales (comme des banques, des compagnies d’assurances, des hôpitaux, des chantiers, des cabinets juridiques) par des investissements étrangers directs (IED), par exemple en établissant des banques affiliées au Gabon pour y fournir des services bancaires.

Mode 4 Les travailleurs fournissent des services en se rendant sur le lieu

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Présence de personnes physiques

de fourniture de ces services. Par exemple, un enseignement originaire du Tchad se rendrait en Europe pour y fournir des services éducatifs.

70. La région de la CEMAC a un intérêt relatif au mode 1, comme le montre le haut niveau des transactions des banques et des assurances dans la région. Il est également vrai que le processus d’harmonisation de ces services au niveau régional témoigne d’un intérêt pour ce mode à l’échelon régional. Cependant, pour que les fournisseurs de la CEMAC soient concurrentiels par rapport à ceux de l’UE, il faudrait que leurs infrastructures de télécommunications, leurs services financiers, leurs services énergétiques et leur main-d’œuvre qualifiée soient bien développés, pour ne mentionner que quelques points. De plus, il est essentiel que les pays ayant l’intention d’utiliser le mode 1 aient acquis des capacités réglementaires pour assurer un suivi de la façon dont ces processus contribuent à d’autres priorités nationales en matière de développement. Les pays de la CEMAC devraient encore renforcer ces capacités et d’autres infrastructures de services avant la libéralisation prévue par les APE. 71. Le mode 3 est un mode particulièrement intéressant pour l’UE, lié aux investissements et au droit d’établissement. Alors que les IED sont un élément important pour des secteurs clés comme la construction, les services financiers et les télécommunications, et que la libéralisation du mode 3 avec l’UE pourrait avoir une influence sur d’autres secteurs économiques et encourager les investissements, il convient par ailleurs de noter que de nombreuses autres mesures commerciales ont un effet sur les décisions relatives aux investissements. Il vaut en outre la peine d’analyser le type d’investissement que l’UE offrirait à la CEMAC. Il serait important, pour que la CEMAC puisse prendre des décisions en connaissance de cause, de faire une distinction claire entre, d’une part les investissements concrets à long terme, qui bénéficieraient beaucoup à la CEMAC (et de déterminer ce qu’il faudrait vraiment faire pour les attirer), et d’autre part, les placements de portefeuille, qui entraînent une participation accrue des actionnaires au contrôle du capital des entreprises. 72. Les autorités nationales des pays de l’Afrique centrale ont tenté d’attirer les IED en offrant des incitations aux entreprises, comme des traitements fiscaux favorables. Cependant, les incitations fiscales comprises dans les codes d’investissement n’ont pas joué un rôle important. En général, les faibles taux de développement économique de la région sont une contrainte pour les IED, sauf dans les secteurs des matières premières. Les IED liés aux stratégies de recherche de marché sont rares et ceux qui visent à réduire les coûts par l’externalisation le sont encore davantage. Les principaux facteurs de la difficulté qu’a la région de la CEMAC à attirer les IED comprennent l’instabilité politique potentielle ; un faible environnement commercial ; le manque d’infrastructures physiques ; les faibles capacités du capital humain ; les frais financiers intermédiaires élevés ; la faiblesse du tissu industriel ; la mauvaise gestion des perspectives et la faible atténuation des chocs externes ; et les niveaux de risque élevés. De plus, des « goulets d’étranglement », en termes de capacités et de gouvernance, limitent le processus d’intégration et la pleine application des décisions régionales à l’échelon national.

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73. Pourtant la région est globalement ouverte et, comme le montre le tableau sur les engagements de l’OMC (Tableau 11), ces pays sont relativement ouverts dans certains secteurs stratégiques, ce qui montre que les engagements à la libéralisation en soi ne sont pas la panacée pour attirer les IED. Effectivement, le lien entre les engagements relatifs au mode 3 de l’AGCS et les flux d’IED doit être étudié plus en profondeur. Dans ses réflexions sur la mise en question des idées conventionnelles, Luis Abugattas déclare clairement que davantage de facteurs influent sur les investissements, comme, entre autres, les politiques intérieures, l’infrastructure de soutien, les capacités réglementaires et la sécurité politique.25 Tableau 11 : Secteurs de services pour lesquels des concessions ont été prévues à l’OMC

Pays Secteurs de services Cameroun Autres services fournis aux entreprises, services de maintenance

pour l’équipement industriel utilisé dans la fabrication des pièces détachées et dans les activités conduites par les petites et moyennes entreprises, dans les sous-secteurs suivants : production agricole et agro-industrielle ; pêche industrielle et à petite échelle ; sylviculture : transformation du bois d’œuvre. Services relatifs au tourisme et aux voyages : services d’hôtellerie et de restauration, services d’hôtellerie, services de restauration, services d’agences de voyages et d’organisateurs touristiques. Les exonérations dues au traitement NPF sont maintenues pour les transports maritimes. Le Cameroun n’a pas pris part aux négociations de l’OMC sur les services de télécommunications de base, ni sur les services financiers.

Congo Services relatifs au tourisme et aux voyages, dont les services d’hôtellerie et de traiteur.

Guinée équatoriale

Services professionnels, services financiers, services bancaires, services de traiteur ; services d’hôtellerie, services de transports maritimes, services relatifs au tourisme, services de transports.

République centrafricaine

Services fournis aux entreprises : autres services fournis aux entreprises, comme les services annexes à l’agriculture, à la chasse et à la sylviculture, les services annexes à la pêche, les services de communication comme les services audiovisuels, les services concernant l’environnement, les autres services concernant l’environnement, les services relatifs au tourisme et aux voyages, les services d’hôtellerie et de restauration (y compris les services de traiteur), les services d’agences de voyages et d’organisateurs touristiques, les autres services relatifs au tourisme et aux voyages, les services récréatifs, culturels et sportifs, les services de spectacles, les services sportifs et autres services récréatifs, les services d’agences de presse, les services des bibliothèques, archives, musées et autres services culturels.

Tchad Services relatifs au tourisme et aux voyages : services d’hôtellerie et

25 Luis Abugattas Majluf et Simonetta Zarrilli, « Challenging conventional wisdom: development implications of trade in services liberalisation », study series no. 2, Trade, Poverty and Cross cutting development issues, mars 2007.

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de restauration (y compris les services de traiteur), les services d’agences de voyage et d’organisateurs touristiques.

74. Une analyse du texte cadre de la CE sur le mode 4 révèle que l’UE n’est pas disposée à aller au-delà de ses engagements pris à l’OMC au sujet de ce mode. Les cibles dont parle la CE en tant que bénéficiaires sont les professionnels qualifiés (directeurs, spécialistes), les stagiaires diplômés, les visiteurs commerciaux, les fournisseurs de services contractuels et les professionnels indépendants. Malgré l’intérêt de la CEMAC pour ce mode de fourniture, il est très improbable, vu sa capacité actuelle de fourniture, que les engagements relatifs au mode 4 proposés par l’UE, en particulier dans les secteurs choisis, aient une importance commerciale pour les pays de la CEMAC à ce stade. 75. La région de la CEMAC pourrait sérieusement envisager de se concentrer sur le renforcement de ses propres capacités dans une perspective régionale. Il est important que les pays de la CEMAC trouvent des moyens d’accroître leurs capacités en matière de services, et un moyen d’y parvenir serait de rationaliser les articles relatifs à la coopération au développement de l’Accord de partenariat de Cotonou. Certains des réels défis auxquels font face les pays de la CEMAC dans le domaine des services concernent notamment le renforcement de la capacité à fournir un accès universel aux services essentiels pour leur population au niveau interne. Des secteurs cruciaux comme la santé ou l’éducation, et d’autres services essentiels comme l’eau et sa disponibilité pour tous restent une gageure. IV. CONCLUSION 76. Plusieurs points de convergence entre les APE et le cycle de négociations de Doha de l’OMC pourraient être négligés, voire contrariés, si les négociations commerciales sont trop compartimentées. Il semblerait effectivement que certaines flexibilités négociées minutieusement au niveau multilatéral ne soient pas reproduites dans le cadre de l’APE de l’Afrique centrale. De plus, dans les domaines où l’APE pourrait ajouter en valeur en allant plus loin que l’OMC, comme la coopération sectorielle, l’assistance technique et financière, et l’amélioration de l’accès aux marchés pour les produits prioritaires, rien ne s’est encore concrétisé. En améliorant l’échange d’informations et la coordination des actions entre les deux négociations, il serait éventuellement possible non seulement de garantir que les résultats des deux processus sont mutuellement compatibles, mais de permettre de définir des synergies positives dans les deux négociations. 77. Du fait de leur portée et de leur ambition, les négociations commerciales dans le cadre des APE, sont cruciales pour la région de l’Afrique centrale. Cependant, les capacités techniques, humaines et financières des pays de la région à négocier efficacement et à influencer les résultats des deux processus sont restreintes. La faible capacité de la région à négocier est accentuée par la nécessité de faire progresser les négociations d’APE et les négociations à l’OMC en parallèle. De plus, peu d’études d’impact ciblées ont été conduites, voire aucune, et, lorsqu’il en existe, leur influence sur les négociations est incertaine.

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78. Enfin, il semblerait qu’il faudrait davantage de temps pour obtenir un résultat qui favorise réellement le développement dans le cadre de l’APE, ce qui est difficile vu la pression énorme que subit la région pour conclure les négociations avant la fin de l’année. En ce sens, il pourrait être stratégiquement intéressant pour la région de l’Afrique centrale de continuer de négocier son APE avec l’Europe, mais de commencer simultanément à envisager une alternative au cas où les délais fixés ne pourraient pas être respectés sans compromettre les perspectives des APE en matière de développement.