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Monsieur Azedine Beschaouch La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie In: Comptes-rendus des séances de l année - Académie des inscriptions et belles-lettres, 110e année, N. 1, 1966. pp. 134-157. Citer ce document / Cite this document : Beschaouch Azedine. La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie. In: Comptes-rendus des séances de l année - Académie des inscriptions et belles-lettres, 110e année, N. 1, 1966. pp. 134-157. doi : 10.3406/crai.1966.11955 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1966_num_110_1_11955

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Monsieur Azedine Beschaouch

La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat enTunisieIn: Comptes-rendus des séances de l année - Académie des inscriptions et belles-lettres, 110e année, N. 1, 1966.pp. 134-157.

Citer ce document / Cite this document :

Beschaouch Azedine. La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie. In: Comptes-rendus desséances de l année - Académie des inscriptions et belles-lettres, 110e année, N. 1, 1966. pp. 134-157.

doi : 10.3406/crai.1966.11955

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1966_num_110_1_11955

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LA MOSAÏQUE DE CHASSE A L'AMPHITHÉÂTRE DÉCOUVERTE A SMIRAT EN TUNISIE,

PAR M. AZEDINE BESCHAOUCH.

I. La mosaïque de magerivs. — Le document que j'ai l'honneur de soumettre à l'attention de l'Académie1 est une mosaïque2 découverte fortuitement en Tunisie, dans la région de Sousse (Hadrumète) et d'El-Jem (Thysdrus), au lieu-dit Smirat3, site romain non encore identifié. Cette mosaïque (dont le tableau central mesure 4 m. 20 sur 2 m. 20)4 nous présente un compte rendu épigraphique qui commente et explique les scènes figurées dont il constitue en quelque sorte la légende.

Dans une composition en ellipse qui suggère la forme de l'arène5 le pavement figure, sur un fond blanc, le combat même des bestiaires et des fauves. Le nom des combattants est noté ; nous avons quatre chasseurs : spittara6, bvllarivs"7, hilarinvss, et mamertinvs9,

1. C'est pour moi un agréable devoir de dire ma dette envers mes maîtres, MM. J.Guey, H. G. Pflaum, G. Ch. Picard et W. Seston, que je remercie vivement. M. Picard a suivi pas à pas cette étude, tant à Paris qu'à Tunis, où le Service des Antiquités a eu la joie de le revoir. Je lui suis redevable de nombreuses suggestions et de conseils précieux. Puisse-t-il trouver ici l'expression de ma profonde gratitude !

2. Une première étude de cette mosaïque a été présentée au IIe colloque de Sousse, en mars 1963.

3. La localité de Smirat dépend de la délégation (= sous-préfecture) de Moknine. Elle est connue des archéologues par ses nécropoles libyco-puniques (cf. P. Cintas et E. G. Gobert, Smirat, dans Revue Tunisienne, 1941, p. 86 sq.). Le site même de la découverte se nomme Oglat Béni Khira. Entouré de nombreux puits (Oglat = réunion de puits à fleur de terre), il s'étend sur un mamelon, à 5 kilomètres environ au Nord-Est du bourg agricole de Bou-Merdas. Cf. Atlas des Centuriations romaines de Tunisie, f° LXXIII (Kerker), 579 /243 et 580 /243.

Le zèle et le dévouement de M. K. Essaïdi, conducteur des travaux archéologiques dans le Sahel tunisien, ont sauvé ce site d'une destruction certaine. Je le prie de trouver ici l'expression de mes vifs sentiments de reconnaissance.

4. Le pavement dans son ensemble mesure 6 m. 80 X 5 m. 30. Bien conservé, il n'a été endommagé que dans l'angle supérieur de droite par l'installation, à l'époque arabe, d'un four à pain (« tabouna »). Le pourtour géométrique présente un motif que l'on retrouve à Hadrumète et à Thysdrus notamment : sur un fond blanc, on a disposé en quinconces des carrés ornés au centre par un nœud de Salomon. Sur chacun de leurs côtés est placée une pelte dont les pointes touchent les angles. De l'angle d'un carré à celui du carré voisin sont dessinés des fuseaux et, dans les intervalles, des cercles avec croix noire sur fond rouge entourés de quatre croisettes. Sur ce motif, cf. L. Foucher, Inventaire des mosaïques (Sousse), n° 57 086, pi. XX b ; n° 57 241, pi. LI a, etc.

5. Sur cette composition, cf. I. Lavin, The Huntings Mosaics of Antioch and their Sources, dans Dumbarton Oaks Pap., XVII 1963, p. 181-182.

6. Monté sur des sortes d'échasses, Spittara a le torse nu et n'est vêtu que d'un pagne dont le large pli retombe sur le bas-ventre. Les jambes protégées par des bandes molletières, il porte des anneaux aux pieds. Autour du cou il a une cordelette noire, nouée en cravate.

7. Bullarius est vêtu d'un « caleçon » blanc et d'une tunique blanche à deux larges elavi verticaux, de couleur rouge. Cette tunique porte, aux manches, deux galons rouges.

(Fin de la note 7 et notes 8 et 9 page suivante.)

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 135

et quatre léopards : victor, crispinvs1, romanvs et lvxvrius*. Ce dernier a été blessé à mort et nous voyons son adversaire, le bestiaire hilarinvs, aller prêter main forte à son collègue bvllarivs. Le combat se déroule en présence de deux divinités : Diane3 et Dionysos4. Ce compte rendu figuré est complété par un compte rendu épigraphique.

Le texte comprend deux parties : 1) l'une — intitulée per cvrionem dictvm — rapporte une

annonce faite par le crieur public ; 2) l'autre — intitulée adclamatvm est — nous fait connaître

les acclamations de la foule. Arrêtons-nous à l'étude de ce texte. D'abord la première partie6 :

Elle est recouverte d'une plaque de cuir (cf. infra, p. 149). Bullarius a les mêmes anneaux et les mêmes bandes molletières que Spitarra. Cependant sa jambe gauche est protégée par une genouillère, tandis que le mollet est découvert.

8. Hilarinus est figuré de « trois quarts arrière ». Il porte aussi un caleçon, une tunique blanche, des bandes molletières et des anneaux.

9. Le corps penché en avant comme Spittara, Mamertinus est vêtu d'une tunique recouverte d'une plaque de cuir (cf. infra, p. 149). Il porte aussi des bandes molletières et des anneaux.

1. Victor et Crispinus sont parés d'une guirlande de millet. 2. Romanus et Luxurius sont parés d'une guirlande de lierre. Sur ces parures, cf. Hist

oire Auguste, Gallieni duo, 8 : « Processerunt etiam altrinsecus centeni albi boves cornibus auro ingatis et dorsualibus sericis discoloribus praefulgentes ».

Voir Friedlânder, Sittengeschichte Roms, II, p. 77-91 : « Aux spectacles de l'amphithéâtre, on couvrait les bêtes de larges écharpes bariolées, de plaques de métal, de feuilles d'or ou d'autres oripeaux. On les peignait même en couleurs ». Nous retrouvons ces banderoles dorsales notamment à Carthage (cf. L. Poinssot et R. Lantier, Monuments Piot, XXVII, p. 70, fig. 1), à Thysdrus (cf. A. Merlin et L. Poinssot, ibid., XXXVI, p. 155-158), à Thuburbo Majus (cf. L. Poinssot et P. Quoniam, Karthago, IV, p. 158-159 et note 20 : « Ces parures ont pour but de sacraliser les bêtes que les jeux d'amphithéâtres vouaient à la mort ; à cet égard, il y a lieu d'en rapprocher le déguisement proposé à sainte Perpétue et à ses compagnons »). Sur la consécration à Saturne et à Cérès, cf. G. Picard, Rec. de Constantine, LXVI, 1948, p. 117-123.

3. D'allure virile et élancée, Diane est représentée vêtue d'un court peplos de couleur verte, noué à la taille par une écharpe rouge qui flotte librement. Elle porte des bracelets aux bras et aux poignets, et elle est chaussée de brodequins à tige retournée. Un bandeau retient sa chevelure coiffée en chignon haut. Le haut de son carquois reste visible. Elle s'avance en tenant une longue tige de millet.

4. Dionysos, que l'on reconnaît à sa pardalide de couleur pourpre, est figuré de face sous les traits d'un jeune homme nu, chaussé d'embades (sa taille est de 0 m. 86). Il tient de la main gauche une longue hampe (elle a 0 m. 89 de haut), surmontée d'un croissant. De la main droite, il tend un objet imprécis, patère ou couronne (?). Auprès de lui est placée une feuille de lierre de couleur noire. Par la pose et le mouvement des bras, ce Dionysos s'apparente a) à l'Apollon figuré sur la Mosaïque de l'offrande de la grue (Carthage) ; cf. P. Gauckler, Inv. Mos. Tunisie, n° 607 = Cat. Musée Alaoui, suppl., n° A 171 ; b) au Dionysos au gecko (Thysdrus) ; cf. A. Merlin et L. Poinssot, Monum. Piot, XXXIV, 1934, p. 154 sq. : scènes de venatio et au centre du tableau Dionysos tenant le thyrse et le gecko. A ses pieds, une panthère ; feuilles de lierre dans le champ.

5. Le texte est inscrit en cubes noirs sur fond blanc. La première partie se détache sur le côté gauche (hauteur : 0 m. 82). Les lettres ont une hauteur moyenne de 5 centimètres.

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136 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS

A. L' allocution du « Curio ». — [Lecture] Per curionem j dictum : « domi/ni mei, ut Telegeni(i) \, pro leopardo, / merilum haj

PROifOfcAR^^*! béant vestri / favoris, donajte eis denarios / quingentos ». BHANTV151R1™

[Traduction] Nous proposerons cette ^ lxt.. traduction :

OVik^^kv^nw-M « Annonce faite par l'entremise du raut : ' Messieurs, afin que les Telegenii,

en échange d'un léopard, obtiennent le prix de votre faveur, donnez-leur cinq cents deniers ' ».

Nous sommes ici à la fin du combat. Les léopards ont été vaincus ; nous les voyons perdre leur sang. Il ne reste plus qu'à payer les frais du spectacle.

La demande de gratification est présentée par le « curio ». Ce terme est ici l'équivalent de praeco1, Tcpaixcov.

Les « venalores » avaient donc comme les gladiateurs un héraut attaché à leur « familia »2.

Ce mot « curio » ne se trouve pas, semble-t-il, employé dans cette acception dans la langue épigraphique. Notons par ailleurs une chose intéressante : la formule « per curionem dictum » se rencontre dans un passage de V Histoire Auguste qui est justement le compte rendu d'une « venatio ». C'est dans la Vie des deux Galliens3 : « Odenath cum taurum ingentem in harenam misissel exissetque ad eum ferien- dum venator neque production decies potuisset occidere, coronam venatori misit mussantibusque cunctis, ille per curionem mcijussil : taurum totiens non ferire difficile est »4.

Notre curio s'adresse aux spectateurs : « domini mei ». (Ce terme est employé ici comme formule de politesse5). Il leur demande de payer : « meritum » équivaut en effet à « praemium », à « merces »6.

1. Cf. Thesaurus Ling. Latin., s.v. Curio. Nous rencontrons ce sens chez Martial, Epigr., II, Préface : « Epigrammala curione non egent et contenta stint, id est mala, lingua ».

2. Dessau, I.L.S., 5118 : Ti. Claudius Celer praeco ex lacinia CI. Saturnini. Cf. L. Robert, ïlvuxeveiv, dans Revue Arch., 1929, II, p. 35, et Les Gladiateurs dans l'Orient grec, p. 29 et note 3.

3. Hist. Aug., Gallieni duo, 12. 4. Cf. aussi dans le même chapitre l'emploi identique de cette formule : « Idem cum

quidam gemmas vitreas proveris vendidisset ejus uxori, at que ilia, re prodita, vindicari vellet, surripi, quasi ad leonem, venditorem jussit, deinde e cavea caponem eniitti : mirantibusque cunctis rem tam ridiculam, per curionem dici jussit : imposturam fecit et passus est ».

5. Même emploi attesté de stÛQioç. Cf. L. Robert, Les Inscriptions grecques et latines de Sardes, dans Revue Arch., 1936, I, p. 234-238.

6. Forcellini, Lexicon, s.v. « meritum », II. — - Le tour « merilum habere » f le génitif est classique (cf. Cicéron, Fam., 17 : « Itaque ille veslrum merilum habet, non vos illius »).

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138 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS

Pl. IL — Situation de Smirat en Byzacène orientale.

Il indique un prix de base, une sorte de tarif : cinq cents deniers par léopard.

Dans cette demande, il fait appel au « favor », à la <tu[xtox6i<x toG Tzkrfiouc,1. Nous songeons ici à l'atmosphère de l'amphithéâtre2, aux munera de l'Orient Grec — que M. Louis Robert a fait revivre pour nous3. Laissons de côté la question des Telegenni, nous y reviendrons...

1. Cf. L. Robert, Les gladiateurs..., p. 175 et G. Ville, Les jeux de gladiateurs dans l'Empire Chrétien, in M.E.F.R., 1960, p. 311-312.

2. Cf. Friedlânder, op. laud., II, p. 74-76. 3. L. Robert, Les gladiateurs, p. 175.

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 139

Voilà donc l'annonce faite. Elle était adressée à un groupe : « domini mei ».

En réponse, les acclamations du public vont aller à un seul homme : « exemplo tuo ».

B. Le procès -verbal des acclamations1. — [Lecture] Adclamatum est \ : « Exemplo tuo, mu /nus sic discant / fu- turi ! audiant \ praeteriti ! unde \ taie ? Quando taie \ ? Exemplo quaesto/rum munus edes, \ de re tua munus edes /, (i)sta dies ». / Magerius donat. « Hoc est habe/re, hoc est posse, / hoc est ia(m) ! nox est I ia(m) ! munere tuo \ saccis missos! I »

Nous hasarderons une traduction que le commentaire essayera de justifier :

Acclamations : « — Sur ton modèle, puissent les munéraires à venir apprendre le munus ! — dans la mesure où tu auras payé le présent munus — Puisse l'écho en parvenir aux munéraires d'autrefois ! De qui avons-nous eu un pareil munus ? Quand avons-nous eu un pareil munus ? — Sur le modèle des questeurs tu donneras un munus, à tes frais tu donneras un munus ; ce sera ton jour à toi ».

Magerius paye — « C'est cela être riche ! C'est cela être puissant, oui c'est cela enfin, une bonne fois ! il fait nuit maintenant, que les Telegenii soient renvoyés de ton munus avec des sacs ! »

Ici — pour reprendre une figure de l'écrivain chrétien Rufin — la foule est réellement juge : « vulgus judex »2. Ailleurs elle apparaît seulement : nous pensons aux mosaïques de Thelepte (en Tunisie)3 et de Cologne4 qui commémorent des munera. Sur une mosaïque du Musée de Madrid5 la foule intervient pour apporter au munéraire

1. Cette partie du texte est inscrite du côté droit, sur une hauteur de 1 m. 07. Les lettres, en cubes noirs, ont une hauteur moyenne de 4 cm. 5.

2. Cf. G. Ville, l.l., p. 311-312 : « Rufin conseillait aux riches d'abandonner les munificences où le juge est le peuple, pour celles où le juge est le Seigneur : muniflcus esse in hujuscemodi largitionibus in quibus judex residet Dominus. Par cette figure du « vulgus- juge » on ne pouvait, avec plus de pertinence, définir la situation du munéraire par rapport à la foule ».

3. G. Ch. Picard, B.A.C., 1943-1945, p. 124-126. 4. K. Parlasca, Die Rômischen Mosaiken in Deutschland, pi. 83. 5. Sur cette mosaïque, voir en dernier lieu G. Ville, l.l., p. 298-299.

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140 COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ses applaudissements et sa faveur (Symmachi homo felix l)1. Ici elle fait plus, c'est elle qui désigne le munéraire et lui force la main : elle l'acclame (mageri ! mageri) puis exerce sur lui une pression. De deux manières :

a) tu serviras de modèle, lui dit-on (Exemplo tuo), b) prends modèle sur les questeurs (Exemplo quaestorum).

Alors Magerius paye (Magerius donat) et les acclamations reprennent qui sont cette fois des cris d'admiration (hoc est habere, etc.).

Examinons le détail de ces acclamations. La foule fait preuve d'une finesse remarquable et d'une grande

habileté. Magerius est considéré déjà comme un munéraire. Ce n'est qu'au passage que le vœu est restreint par « sic » placé auprès du subjonctif « discant »2. Le vœu que l'on forme ne se réalisera que dans la mesure où Magerius aura fait ce qu'on va lui demander : c'est-à- dire donner à ses frais le munus. Une fois cette restriction exprimée, on acclame déjà Magerius comme un véritable « editor muneris ». On le déclare inégalé (en invoquant les munéraires du passé : praete- riti)3 et inégalable (en invoquant les munéraires à venir : futuri)*.

Cela nous rappelle les diverses formules d'acclamations : a) que l'on adressait au gladiateur vainqueur : sic an ocîôvoç,

le premier de tous les temps passés, l'unique, l'inégalé, le supérieur à tous ses prédécesseurs5 ;

b) que l'on adressait au vainqueur dans les grands concours : (xovoç xat 7rpwTO<; àny atâvoç, l'unique de tous les temps passés6.

Voici même une inscription d'Hippone7 (en Algérie), qui nous donne, en quelque sorte, une variante de notre « audiant praete- riti » : L. Postumius Felix Celerinus est honoré : « ob magnificentiam

1. Ibid. : « Le munéraire se fait acclamer parce qu'il a fourni aux combattants des armes de fer, c'est-à-dire des armes réelles : quibus pugnantibus Symmachius ferrum misit ».

2. Placé à côté du subjonctif de souhait sic (en prose ita) « sert à restreindre le vœu que l'on forme au cas où telle condition se trouverait remplie » (Riemann-Ernout, Syntaxe latine, 7e éd., Paris, 1927, p. 301). Cf. Virgile, Bucoliques, IX, 31-32 : « Sic cytiso pastae distendant ubera vaccae ! | Incipe si quid habes... »

3. Plutôt qu'une allusion aux morts comme dans Properce (cf. II, 10, 51), nous avons ici une invocation du passé (cf. Cicéron, Cat. Maj., 19 : « Nec praeteritum tempus umquam reoertitur » et Virgile, Aen., VII, 560 : « Praeteriti anni »).

4. Le contexte et le parallélisme imposent le sens précis de : t ceux qui dans l'avenir, après toi, organiseront des munera ».

5. L. Robert, Études épigraph. et philolog., p. 109-111. 6. On comparera avec la louange souvent adressée aux empereurs, à partir du ni* siè

cle : « supra omnes rétro principes ». Cf. aussi ce passage de Cassius Dion sur Commode gladiateur (LXXII, 20 Boissevain) : « éneêoc5|xev xâ xs àXXa 8aa èKeXevô\xe9a xal aixà tovto avvex&ç • xal xûqioç el xol ngûTo; el jtal jtàvTCOV eirfv%éaxaxoç ' vixâç, vixijiç, elç eut' attovoç, 'AfiaÇôvis, vixqiç »,

7. C.I.L., VIII, 5276 (= 17454) = IL. Alg., I, 95.

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 141

gladiatorii muneris quod civibus suis triduo edidit quo omnes priorum MEMORIAS SUPERGRESSUS EST ».

Mais nos acclamateurs vont plus loin encore : ils proclament l'unicité de l'exploit, si j'ose dire, dans l'espace et dans le temps. Le muneraire demeure le seul à pouvoir donner un munus de cette qualité : Unde (= ex quo)1 taie manus ? Quando taie munus ? Cette sorte d'acclamations nous est donnée par une mosaïque de Thys- drus-El-Djem — sur laquelle nous reviendrons. C'est la mosaïque dite d'iSAONA2. Nous savons maintenant qu'elle commémore une « venatio »3. Nous y lisons « haec vos soli » : voilà ce que vous seuls pouvez — qui rappelle la formule « unus tu »4.

Voilà notre Magerius consacré comme « muneraire » effectif. Mais c'est purement formel et ce ne sont que des vœux. Il reste à l'amener à payer. La foule le fait en employant un futur plus ou moins impératif : un souhait qui finit en invitation, en ordre adouci (edes pourrait être traduit : tu feras bien de donner le munus).

Ici se place l'invocation de l'exemple des questeurs. Permettez- moi de n'en parler que dans un instant.

Notons au passage ce fait de phonétique : l'aphérèse vocalique « sta » pour « ista »5 (qui n'est attestée pour ce démonstratif que dans les glossaires latins) était effective, au moins dans le latin d'Afrique, au me siècle.

Voici que Magerius, cédant aux acclamations de la foule, paye : « Magerius donat ». Le public témoigne enfin sa faveur au muneraire. Il est significatif de voir cette faveur n'intervenir qu'une fois l'argent donné. Ce qui importe ce n'est pas tant la richesse que les signes extérieurs de la richesse, et le meilleur signe reste, aux yeux de la foule, l'édition d'un munus. Il faut montrer que l'on est riche (habere)6 et en mesure de sacrifier son argent (posse)7 pour les

1. Nous avons là un exemple de l'extension à l'interrogatif de l'emploi classique du relatif adverbial (cf. Ernout-Thomas, Syntaxe Latine, 2e éd., 1953, p. 334 et Cic, de Or., I, 67).

2. G. Ch. Picard, Rev. Afric, 1956, p. 308. 3. J. W. Salomonson, Bull. Ant. Besch., XXXV, 1960, p. 34-35. 4. Ibid. Cf. E. Petersen, Eîç 0e6ç, 1926, p. 180 et le texte cité de Marius Mercator :

« Vulgares tu dignus audire acclamationes : Unus tu ; unus Philistion ». 5. L'aphérèse s'explique par l'existence de doublets spiritus jispiritus, statua jistatua

(cf. Dessau, ILS, 5519-6091). Ce qui a eu pour conséquence la constitution, entre autres, des formes strumentum pour instrumentum, storia pour (h)istoria, etc. Cf. L. Sommer, De Prosthesi et aphaeresi e glossariis latinis illustrandis, Iéna, 1900 et Van Vàânânen, Introduction au latin vulgaire, Paris, 1963, p. 49 (Je dois cette référence à M. le Professeur Perret que je remercie vivement.)

6. Cf. Cicéron, Fragment ap. Priscien, p. 792 : « Qui habet, ultro appetitur » et Virgile, Aen., VIII, 327 : « Amor habendi ».

7. Posse = habere potentiam (cf. Forcellini, s.v.). Sur le rapport d'échange entre muneraire et public comme fondement de la paix sociale, cf. G. Ville, I.Z., p. 310-312.

1966 10

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Pl. III. — Mosaïque de Smirat, les bestiaires : a, Mamertinus ; b, Spittara ; c, Bullarius.

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 143

« ooluptates » publiques, ad conciliandum plebis favorem (Symmaque, EpisL. ii, 77).

Nous sommes maintenant à la fin du spectacle, qui a duré toute la journée. Magerius n'a pas été prompt à payer : il a fallu l'acclamer jusqu'au soir (nox est iam)1. La nuit tombe et il faut donner congé aux bestiaires. Là encore c'est la foule qui intervient :

— « missos » (accusatif exclamatif) : que les Telegenii soient renvoyés ! Qu'ils quittent l'arène2 !

— munere (ablatif d'éloignement), — Saccis (ablatif d'accompagnement) ; avec des sacs d'argent.

Ces sacs d'argent apparaissent figurés au centre de la mosaïque. Nous voyons un jeune serviteur3 présenter sur un large plateau quatre sacs de 1.000 deniers4. Cette figure, par la place centrale qu'elle occupe, nous semble symboliser la « Magnanimitas » du munéraire, sa MeyaXo^u^ta, sa générosité qu'on exalte. Ailleurs (dans la mosaïque de Yakto à Antioche)6 cette MsyaXo^uj^06 est personnifiée, dans un médaillon central aussi, par une femme qui jette des pièces d'or6.

Notre Magerius certes ne s'est pas montré prompt à payer mais, une fois décidé, il se montre évergète somptueux : il ne s'arrête pas au prix fixé : 500 deniers par léopard (denarios quingentos pro leopardo). Il renchérit sur le devis initial, ajoutant, comme dans la pratique de la pollicitation municipale, une sorte de « pecunia adjecta ». Cette générosité supplémentaire égale ici la somme demandée : duplicata summa, pourrait-on dire. Il donne quatre sacs de 1.000 deniers.

Car nous sommes bien dans une atmosphère d'évergétisme municipal : ainsi s'explique l'invocation de l'exemple des questeurs (Exemplo quaestorum munus edes).

1. lam est prononcé ia (cf. E. Diehl, De m finali epigrafica, Leipzig, 1898). On a un exemple de cet amuissement attesté par la mosaïque du Banquet Costumé, de Thysdrus (cf. CRAI, 1954, p. 418), où on lit : « la multu loquimini » et « Silentiu dormiant tauri ».

2. Missus se dit du gladiateur blessé qu'on renvoie avec la vie sauve. C'est l'editor muneris qui donne la missio, en général sur l'avis manifesté par les cris du public (cf. Des- sau, ILS, 5134 : « Missos 1 missos ! »). Le bestiaire missus est celui à qui on a donné congé du munus.

3. Le jeune homme est vêtu d'une ample tunique blanche ornée de deux clavi verticaux de couleur rouge. Sa chevelure retombe sur ses épaules.

4. Le sigle oo transcrit le chiffre 1.000. Cf. dans le Calendrier de 354 (édit. Stern, p. 156, planche XV) la bourse placée aux pieds de Constance Galle César.

5. Doro Levi, Antioch Mosaic Pavements, I, p. 323-345. Cf. aussi en dernier lieu L. Jalabert et R. Mouterde, Inscript. Gr. et Lat. de Syrie, III, 2e partie, 1953, n° 998.

6. Sur ces notions, on consultera J. Aymard, La Megalopsuchia de Yaktô et la Magnanimitas de Marc-Aurèle, dans R.E.A., 1953, p. 301-306.

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144 COM

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 145

Mais c'est de Rome qu'il s'agit : première municipalité, modèle pour toutes les autres. La foule convie Magerius à imiter les questeurs de Rome (les questeurs municipaux ne donnent justement pas de jeux). Lui munéraire provincial, il aura payé, à ses frais, un munus, il aura agi comme un magistrat de Rome1 !

C. L'exemple des questeurs. — Arrêtons-nous un instant à ces jeux questoriens. A l'origine se place la proposition de Dolabella que nous rapporte Tacite dans les Annales2 : les questeurs sont invités à donner à leurs frais un spectacle de gladiateurs : « P. Dolabella censuit spedaculum gladiatorum per omnes annos celebrandum pecu- nia eorum qui quaesturam adipiscerentur ». En 47, l'empereur Claude exige des questeurs qu'ils ne remplacent point les munera auxquels ils sont astreints par des travaux de voirie (selon la juste interprétation d'un passage de Suétone3 par M. Piganiol4) : « Collegio quaestorum pro stratura viarum gladiatorum munus injunxit ».

En 54, Néron dispense les questeurs de l'obligation de donner des jeux : « Nero senatui potenti concessit... ne designatis quaestoribus edendi gladiatores nécessitas esset »5. Tombés en désuétude les munera quaestoriens ne reviennent à l'honneur que sous Domitien : « praeterea quaestoriis muneribus, quae olim omissa revocaverat, ita semper interfuit »6. Ces munera restent en faveur sous les Antonins : ainsi la famille impériale est présente le jour de 1' « édition ». « Medius- que inter Pium et Marcum idem (= Verus) resedit, cum quaestor populo munus daret »7.

Sous les Sévères : « filium etiam Papianiani qui ante triduum quaestor opulentum munus ediderat »8.

Enfin à une époque, que des travaux en cours essayent de fixer9, intervient une décision impériale qui, en introduisant des réformes dans la carrière sénatoriale, donne plus d'éclat aux jeux questoriens et en fait le modèle des munera. Cette décision, l'Histoire

1. M. Paul Veyne, qui m'a fait l'amitié d'agréer avec chaleur ma recherche, m'écrit : « Pour votre mosaïque, il est certain que les jeux du questeur se réfèrent, comme vous le pensez, aux questeurs de Rome. Elle signifie : tu nous donnes des jeux dignes de la Capitale ». Il m'est agréable de remercier vivement M. Veyne pour ses précieux conseils.

2. Tacite, Ann., XI, 22. 3. Suétone, Divus Claudius, 24. 4. A. Piganiol, Recherches sur les Jeux Romains, p. 131. 5. Tacite, Ann., XIII, 5. 6. Suétone, Domitianus, 4. 7. Hist. Aug., Verus, III, 2. 8. Id., Antonin. Caracallus, IV, 2. 9. Ces travaux sont menés par MM. Chastagnol et Pflaum. Cf. en attendant Momm-

sen, Staatsrecht, II, 1, p. 522 sq., et Brassloff, Pairiciat und Quaestur in der rômischen Kaiserzeit, dans Hermès, XLIX, 1904, p. 618 sq.

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146 COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

Auguste l'attribue à Sévère Alexandre : il s'agit de l'institution de deux sortes de questeurs1 :

1) Les « arcarii », questeurs de second ordre et qui ne font pas de brillante carrière : « qui ludos ederent de pecunia publica »2.

2) Les « candidati », qui suivent un cursus rapide et brillant : ils sont dispensés de l'échelon édilicio-tribunitien et deviennent directement préteurs. En sortant de la préture ils vont gouverner les provinces : « sed ita ut post quaesturam praeturas acciperent et deinde provincias regerent »3. Ces questeurs candidats donnent des jeux « ex sua pecunia » : jeux brillants où l'on redouble de faste et dont dépend, dans une certaine mesure, la carrière ultérieure. D'où l'on comprend que seuls ces jeux comptent et qu'ils puissent servir de modèle.

La formule de Y Histoire Auguste : QVAESTORES CANDIDATOS EX SUA PECVNIA MVNERA POPVLO

dare jvssit* éclaire le présent texte : exemplo qvaestorvm MVNVS EDES DE RE TVA.

Notre Magerius doit prendre modèle sur les questeurs (« candidati ? ») de Rome. Il doit donner des jeux qui seraient dignes de Rome ! — Avant de laisser là cette question des jeux questoriens, faisons une remarque sur une mosaïque de Carthage éditée par MM. Louis Poinssot et P. Quoniam5. Cette mosaïque commémore un munus, une grande venatio où participèrent « ours (70), autruches (25), addax (15), mouflons (16), panthères (6), etc. ».

Elle porte une inscription restée obscure « mel qvaestvra ». Nous pouvons maintenant proposer de lire « Melior quaestura » et comprendre : questure de Rome qui surpasse le groupe de toutes celles qui l'ont précédées (d'où l'emploi du comparatif), questure inégalée — par le faste des jeux donnés à son occasion, cette grande venatio dont la mosaïque est le compte rendu.

1. Hist. Aug., Alex. Sev., 43, 3. Sur ce texte cf. A. Jardé, Études critiques sur la vie et le règne de Sévère Alexandre, 1925, p. 44-53.

2. Cf. Mommsen, dans C.I.L., I, p. 407 : « Duo igitur gênera questorum ea aetate erant, candidatorum qui de sua pecunia ludos edebant et cursum legitimum honorum ita inchoabant, et arcariorum qui, cum ludos ederent de pecunia publica, jus honorum inde sibi parabant nullum. Unde postea distinguiter editio muneris arcae a locupletiori muneris candidae ».

3. Hist. Aug., Alex. Sev., 43, 3. 4. Ibid. 5. Bêtes d'amphithéâtre sur trois mosaïques du Bardo, dans Karthago, III, 1952,

p. 130-143, flg. 1 à 6. Le nombre des bêtes qui ont participé à la venatio est indiqué par les légendes inscrites

sur la croupe des bêtes : ainsi pour les ours, nous avons n(umero) XXX et n (umero) XL ; pour les autruches, n(umero) XXV, etc.

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MOSAÏQUE OE CHASSE A SMIRAT 147

D. Essai de datation. Revenons maintenant à la mosaïque de Magerius. Le problème difficile de la datation peut être résolu par l'iconographie, grâce à l'extraordinaire parenté de nos figures avec des œuvres sculptées dont le classement est bien établi. Le portrait le plus intéressant à ce point de vue est celui de magerivs. Il présente des traits iconographiques précis qui permettent un rapprochement avec des œuvres sculptées du 111e siècle. Les rapprochements les plus signi Pica tifs s'instituent avec un marbre du Museo del Liviano de Padoue. publié par M. Cesare Saletti1. Ces rapprochements portent :

1) Sur la forme générale de la tête, triangulaire avec amincissement marqué du bas du visage au-dessous des joues et l'inclinaisoii sur l'épaule (à droite pour Magerius. à gauche pour le portrait de Padoue). Cette inclinaison résulte de l'influence du portrait d'Alexandre, très forte au temps des derniers Sévères.

2) L'expression tendue et angoissée qui se manifeste dans le froncement des sourcils, l'expression douloureuse du regard, accentuée par les lourdes poches sous les yeux et les plis sous les joues.

3) La dissymétrie des deux moitiés du visage. 4) L'ombre de la barbe rude et rase.

Padoue. Musée. Sinirat. Ala^érius.

La tète de Padoue est datée par M. Saletti du 3e quart du me siècle (entre Maximin le Thrace et Gallien dont le règne voit naître

1. (Uuisiderazioni crilichc su alcuni rilralti di etù tjreca c roinana nel Museo del l.ioiano a Pndoua, dans Arle Antica cl Modernu, XXIV, 1963, p. 280-292 cl plîinche 117 a. Je remercie vivement mon mailre M. G. Cli. Picard, qui m'a fourni cette reference et m'a suidé dans ce dilïicile problème.

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cas

148 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

un nouveau style iconographique). Les portraits impériaux les plus proches sont ceux de Philippe l'Arabe1 et de Trajan Dèce2. Parmi les œuvres africaines les plus proches, citons la tête de Carthage, identifiée par A. Merlin et L. Poinssot comme un portrait de Gordien ier3, et l'Hercule de Massicault4.

Nous avons grâce à ce portrait une datation précise de la mosaïque de Magerius entre 235 et 250 et plutôt dans la 4e décennie du ine siècle. Parmi les autres portraits, celui du porteur de plateau s'apparente étroitement à l'image de Magerius :

a) par l'expression tendue, presque douloureuse, qui dans ce s n'a vraiment aucune justification, b) par la dissymétrie du visage.

Le portrait d'HiLARiNvs est le plus caractérisé parmi les bestiaires : il présente, avec son nez busqué d'apparence sémitique, une forte analogie avec le profil de Trebonien Galle5.

D'une façon générale, il faut souligner le remarquable talent de portraitiste du mosaïste de Smirat, qui appartient au grand courant expressionniste du me siècle. La comparaison avec les meilleures œuvres du ive siècle, par exemple celle de Piazza Armerina — fait ressortir immédiatement la plus grande aisance de l'artiste de Smirat dans le traitement de la forme et de la couleur.

D'autres critères de datation conduisent à des conclusions moins précises mais concordantes :

1) D'abord le rendu d'un dessin géométrique employé dans la maison de Magerius : une trame de carrés curvilignes dans les flancs desquels s'insèrent des ovales.

Dans le cadre général de l'évolution de ce thème (cadre tout récemment établi par M. G. Picard)6 le pavement de la maison de Magerius se situe dans le courant du me siècle : apparition de peltes aux angles du carré curviligne.

2) Ensuite le costume et l'équipement des chasseurs : Bullarius et Mamertinus portent une tunique courte, décorée (pour Bullarius : deux clavi verticaux de couleur rouge) et dont l'arrondi est évasé.

1. B. M. Feletti Maj, Iconografta Romana Impériale, 1958, pi. XXIII, n° 75. 2. Ibid., pi. XXIX, n° 95. 3. Monuments Piot, XL, 1944, p. 135 sq., pi. XI-XII. Cette identification est mise en

doute par B. M. Feletti, op. cit., p. 129, qui ne conteste pas cependant la date. 4. Cf. G. Ch. Picard, C.R.A.I., 1946, p. 453-455 et Religions de V Afrique Romaine,

p. 189 sq., pi. VII. L'Hercule de Massicault est conservé au Musée du Bardo (Inv. 3047). Sur l'art du portrait pendant l'Epoche des rô'mischen Realismus (235-253), cf. H. P. L'Orange, Studien zur Geschichte des spâtântiken Portrats, Oslo, 1933.

5. Feletti, op. laud., pi. XXXVII, n° 110. 6. Un thème du style fleuri dans la Mosaïque Africaine, dans Actes du Colloque Inter

national sur la Mosaïque gréco-romaine, Paris, 1963 (paru en 1965), p. 126-127.

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 149

Cette tunique est recouverte d'une plaque de cuir richement ornée qui protège le torse en même temps que le bras gauche et retombe en « gant » à hauteur de la main.

Ce type de costume apparaît pour la première fois aux Thermes de la chasse de Lepcis Magna1. Les peintures qui commémorent une « venatio » sont hypothétiquement datées du ine siècle2.

Nous reconnaissons par ailleurs ce costume sur une mosaïque de Thélepte3, sur la mosaïque Borghèse4 (bestiaire serpeniivs) datées probablement du ive siècle, et surtout sur les mosaïques de Piazza Armerina5 [enfants chasseurs] et de Carthage (récemment présentée à l'Académie par M. G. Picard)6. Ces deux mosaïques sont datées avec probabilité de l'époque tétrar- chique ou constantinienne. Mais à Smirat, les ornements sont différents de ceux que

Maison de Magérius. l'on rencontre au ive siècle : le fait le plus frappant est l'absence des décors circulaires (qu'on appelle « orbiculi ») qui semblent devenus à la mode vers 300.

Un autre fait exclut d'ailleurs toute datation au ive siècle : c'est la mention des deniers (denanos quingentos et sacs de 1.000 deniers). L'on sait en effet qu'au cours du me siècle le pouvoir d'achat du

1. J. B. Ward Perkins et J. M. C. Toynbee, The Hunting baths of Lepcis Magna, Oxford, 1949, p. 180-182 et pi.

2. G. Ville, Essai de datation de la mosaïque des gladiateurs de Zliten, dans La Mosaïque Gréco- Romaine, p. 148-151 et n. 21.

3. G. Ch. Picard, dans B.A.C., 1943-1945, p. 124-126. 4. R.P. G.R., p. 286, n° 3 et Miss Blake, Mem. Amer. Acad. in Rome, 1940, p. 112-113.

Cf. A. Blanco Freijeiro, Mosaicos Romanos con escenas de Circo y Anfiteatro en el Museo Arq Nac, dans Archiv. Esp. de Arq., XXIII, 1950, p. 132-136.

5. Sur la date, cf. en dernier lieu H. P. L'Orange, Nouvelle Contribution à l'étude du palais Herculien de Piazza Amerina, dans La Mosaïque Gréco-Romaine, p. 305-308. Pour la question générale de la date des mosaïques de chasse en Afrique, cf. les importants mémoires de I. Lavin, l.L, et G. Ville, La maison de la Mosaïque de la chasse à Utique, dans Karthago, XI, 1961-1962, p. 17-77.

6. C.R.A.I., 1964, p. 101-118.

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150 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

denier a subi une baisse progressive, consécutive à la crise monétaire chronique1. Après la dévaluation décidée par Gallien puis par Aurélien, les prix connaissent une hausse considérable2. La somme de 500 deniers qui en 177 (cf. texte d'Italica : Senatus consultum de sumptibus ludorum gladiatonorum minuendis3) constitue le prix maximum d'un gladiateur ordinaire, d'un « gregarius », catégorie la plus basse et la moins chère des gladiateurs, serait une somme bien dérisoire à la fin du me siècle et ne mériterait sans doute pas tant d'acclamations4 !

La convergence de tous ces critères nous permet de proposer une date vraisemblable : la 4e décennie du me siècle. Durement éprouvée par la répression de Capellien, la Byzacène, comme l'ensemble de la Proconsulaire, s'est rapidement relevée. Elle allait connaître sous Gallien une prospérité assez générale.

II. — La question des Telegenii. Venons-en maintenant à la question des telegenii, la troupe de venatores qui sont quatre et qui reçoivent quatre sacs de 1.000 deniers. Nous connaissons les Telegenii jusqu'ici par deux sortes de documents :

1) Une inscription de Carthage, découverte dans le grand amphithéâtre5 : elle nomme un certain Cn. Lurius Abascantianus qualifié de « Venator Taelegeniorum ».

2) une série de vases à décor en reliefs d'appliques : c'est la céramique africaine sigillée dite d'El Aouja qu'on date du 3e quart du ine siècle6.

Les vases décorés de scènes de « venationes » portent l'acclamation telegeni nika, parfois abrégée en tele"3. Cette acclamation

1. Sture Bolin, State and Currency in the Roman Empire to 300 A.D., en. xi : The monetary crisis of the third century.

2. C. Oman, The décline and fall of the denarius in the 3rd century, dans Numism. Chronicle, 16, 1916, p. 37 sq.

3. C.I.L., II, 6278 = Dessau, I.L.S., 5163. Sur ce texte, cf. H.-G. Pflaum, Le Marbre de Thorigny, 1948, p. 14-16. Notons par ailleurs que 500 deniers sont aussi le prix d'un esclave en 186 (Acilio Glabrione II cos.), comme l'indique l'inscription C.I.L., 23956 d'Henchir Snobbeur (Tunisie).

4. L'Ëdit du Maximum de l'année 301 (= C.I.L., III, p. 1926-1953 ; cf. Th. Mommsen et H. Blilmmer, Der Maximaltarif des Diocletian, Berlin, 1893) nous apprend que, pour une peau de léopard à l'état brut, on débourse jusqu'à 1.000 deniers « pellis leopardina infecta * mille », le tarif pour la fourrure étant de 1.250 deniers « eadem confecta * mille ducentis quinquaginta ».

5. C.R.A.I., 1903, p. 106-107 = C.I.L., VIII, 24532. 6. Sur cette céramique cf. L. Poinssot et P. Quoniam, Bêtes d'amphithéâtre, dans

Karthago, III, p. 151 ; J. W. Salomonson, The « fancy dress banquet » attempt at interpret- ing a roman mosaic from elDjem, dans Bull. Ant. Besch., XXXV, 1960, p. 48-52 ; L. Fou- cher, Découv. Arch. à Thysdrus en 1961, dans Notes et Documents de l'Institut d'Archéol. de Tunis, vol. V (n.s.), p. 52, n. 174.

7. C.I.L., VIII, 10479, 51. M. K. Essaïdi, à qui j'adresse mes vifs remerciements,

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 151

est surmontée d'un croissant sur hampe1 ou d'une couronne à lemnisques pourvue de trois barres2.

Dans une étude fondamentale — qu'il a donnée récemment — M. Salomon- son3, archéologue du Musée de Leyde, est parvenu aux conclusions suivantes : « en Afrique, les Telegenii étaient une familia uenato- rum qu'on louait à l'occasion de l'organisation des munera. Le croissant sur hampe pourrait être leur emblème ».

Nous pouvons désormais, semble-t-il, préciser davantage : — remarquons d'abord que la présente mosaïque — qui nomme les Telegenii et les représente en pleine « vena- tio » — figure un croissant sur hampe. Et avant de regrouper les documents et d'essayer de les éclairer les uns par les autres, donnons dès à présent l'inscription-clé. Il s'agit d'une épitaphe de la région de Timgad, jadis signalée par Gsell et Graillot dans les Mélanges de Rome*. Le Corpus ne l'a pas reprise et elle est restée méconnue.

MM. H. G. Pflaum et G. Picard viennent heureusement de nous la rendre. Voici l'inscription telle qu'on peut la restituer.

El Aouja. Poterie.

m'a signalé deux vases qu'il a découverts à Hr. el-Ouiba, près de la ville arabe de Raq- qada (banlieue de Kairouan). L'un porte l'acclamation tele surmontée d'un croissant sur hampe, l'autre l'acclamation telegeni nika surmontée d'une couronne à lemnisques pourvue de trois barres.

On attend sur la nécropole de Hr. el-Ouiba une importante publication de MM. Enna- bli, Mahjoubi et Salomonson.

1. Cf. A. Merlin, B.A.C., 1915, p. clxxvii (= Cat. du Musée Alaoui, suppl. II, p. 321, n° 1228).

2. Corpus Vasorum Antiquorum, fasc. 7, p. 238, pi. 300, I, a-c. 3. I.I., paragr. VI, The attributes as distinguishing badges, p. 53 : « Undoubtedly

it would prématuré to conclude... the staff surmonted bu the crescent represents the Telegenii ».

4. Ruines romaines au Nord de l'Aurès, dans M.E.F.R., 1893, p. 477.

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152 COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

» M ///.ff (Lecture) C ANT/////r

. VS Mi//// D(is) M(anibus) [s(acrum).] MjV S ////// ! C(aius) Ant[oni]us Ma[xi]mus [v(ixit) a(nnis) tôt]

* TELEC//// Teleg[eni(i)] sodali, [aère] collato, fec(erunt). SO0ALI/// COLLATO i - FEC |

Ne nous arrêtons pas aux détails de la restitution (qui ne pose pas de problème)1.

Ce qu'il y a de sûr c'est que nous avons mention ici des Telegenii. Le croissant sur hampe, qui était répété trois fois, figure sur la pierre. Enfin les Telegenii apparaissent comme une sod alitas.

Regroupons maintenant les documents : a) Sur la poterie d'El Aouja le nom des Telegenii est accompagné

soit d'un croissant sur hampe, soit d'une couronne à lemnisques pourvue de trois barres.

b) Sur une mosaïque de Kourba2 trois barres sont figurées entre les cornes d'un croissant sur hampe.

c) Sur la mosaïque d'Isaona3 le croissant sur hampe est accosté de trois barres.

d) Sur la mosaïque dite du Banquet costumé4 le personnage qui porte le croissant sur hampe dit : « nos très tenemus ».

e) Enfin sur une mosaïque de Sfax5 : les trois barres (traduisant le chiffre trois) viennent se placer au niveau de la hampe du croissant. Ce qui explique la figure la plus fréquente : le croissant sur hampe accosté de deux barres6. La hampe du croissant

1. Le gentilice ANTISTIUS est aussi possible ; mais l'onomastique de Thamugadi impose ANTONIVS. Ce nomen paraît, par exemple, à sept reprises dans l'album municipal de Timgad (cf. L. Leschi, Études d'Épigr., d'Archéol. et d'Hist. Africaines, p. 246- 266).

2. Cat. Musée Alaoui, 1897, n° A 102 ( = Inv. du Musée, n° 2799). 3. G. Ch. Picard, Isaona, dans Rev. Afr., 1956, p. 301 sq. 4. Id., C.R.A.I., 1954, p. 418 sq. ; J. W. Salomonson, U. 5. R. Massigli, Musée de Sfax, 1912, p. 12, n° 42. 6. Nous ne pouvons suivre ici M. L. Foucher qui a voulu distinguer divers types de

croissants sur hampe et établir une série de signes qui feraient allusion à des grades dans- la hiérarchie du thiase dionysiaque. Cf. Découvertes à Thysdrus en 1961, p. 58 et La Maison de la procession dionysiaque à El Jem, 1963, p. 156. Son hypothèse : « Le croissant sur hampe flanqué de deux barres géminées serait l'insigne d'un grade plus élevé ; cette image est beaucoup plus rare » (= Dec. en 1961, p. 58), semble reposer sur la confusion de deux signes que les documents distinguent parfaitement : le croissant sur hampe flanqué d'une barre de chaque côté et la feuille de lierre flanquée de deux barres de chaque-

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a) Diane.

b) Dionysos.

Pl. V. — Mosaïque de Smirat : a) Diane ; b) Dionysos.

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154 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

doit donc intervenir dans le décompte et nous avons toujours le chiffre trois.

Nous pouvons ici conclure : — Les Telegenii sont une sodalité qui a un emblème : le croissant

sur hampe, et un chiffre : le trois. Reste à déterminer la divinité tutélaire de ce collège religieux

et professionnel. Pour cela nous devons déterminer la signification de l'emblème

choisi et du chiffre : il nous semble en effet que la « Sodalitas Tele- geniorum » les a adoptés en liaison avec son patron divin.

L'hypothèse de Gsell, bien que reprise par M. Salomonson1, ne peut être retenue : le croissant sur hampe dériverait du « caducée punique ». Contentons-nous de revenir ici encore au détail des documents :

L'épitaphe de Timgad qui nomme les telegenii (qualifiés de sodalitas) et représente trois croissants sur hampe, a été trouvée au voisinage d'une dédicace à liber pater2 qui mentionne des membres du cortège dionysiaque (Pedisequarius et Pedisequaria Cistifer). Cette inscription est ponctuée d'une série de croissants sur hampe.

fPAfV '"'l • /VG SACRVM ""'|fi • I . CALPVRNiVS - FORTVNAT1TS • CISTIFER • PEDISEQ.VAR1VS b BT • IVUA • FATTAR A ■ VXOK • PliDISEQY ARIA 6 ET • CALPVRN1VS • SESTVTVS « FIL • CISTIFER ■ PBDJSgQg^ KIVS • ET • CA1 TVUKIA ■ FORTVNATA • FIL • WEDISEQVARIA • BT-CALPVRÎÎU • FGRTVMATtf }f "'. FltnriSTtFERl - PBDlSECiVAIU Y VOTVM y SOLVBRVNT Y V

Tat{ri] Aug{mlo) $acmm. £(mhu) ou 'J\i(us) Calpurnim ForttmaiM, cistifer petHst' qmrim, H Jitlia l'atteint uxor, pedhcumria, et Calpurnim It< statua fflim), eittifer pediteqtutrku, et Galjfumki Fortumla #(/«), pedise^mrit, et Catjmrnn Forttm«ti<i> fil», Hstiftri —*——-') M&vermt. *'J » ' , ' '**'■'.'■'

Timgad. Ëpitaphe.

La présence du même signe sur deux pierres voisines n'est pas le fait du hasard. D'autre part il est exclu qu'en une même localité

côté. Cette confusion amène M. Foucher à écrire : « Le signe (= croissant sur hampe) peut être remplacé par quatre barres flanquant deux à deux une tige de lierre ». (= ha Maison, p. 156).

1. St. Gsell, H.A.A.N., t. IV, 1929, p. 368, n. 1 et J. W. Salomonson, U., p. 46-49. 2. Gsell et Graillot, M.E.F.R., 1893, p. 478 = Dessau, I.L.S., 3367.

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156 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

le même signe ne puisse pas avoir la même signification. Le croissant sur hampe et le chiffre trois sont des insignes dionysiaques : en se mettant sous la protection de Dionysos, la sodalité des Telegenii a tout naturellement adopté comme insignes les emblèmes dionysiaques.

Cette affirmation trouve appui, par ailleurs, sur une série de documents :

1) Au Sud de Timgad, à 3 km. 5 du site où Gsell et Graillot avaient découvert le cippe mentionnant les Telegenii et la dédicace à Liber Pater, on a trouvé le sarcophage d'un bacchant : C. Habellius Donatus, dit « bucolista ». Sur le sarcophage est figuré le croissant sur hampe accosté de deux barres1.

2) Le médaillon central de la mosaïque de Kourba — où sont figurés le croissant sur hampe et le chiffre trois (trois barres entre les cornes du croissant) — représente un buste de Dionysos.

3) Enfin sur la mosaïque de Magerius — que nous venons de commenter — le personnage divin qui porte le croissant sur hampe est identifié par la pardalide : c'est Dionysos.

Concluons : La « familia Venatorum » nommée telegenii appartient à

une sodalité qui a pour divinité tutélaire Dionysos, pour emblème : le croissant sur hampe et pour chiffre : le trois.

Ici nous pourrions hasarder encore quelques remarques : en Afrique, les inscriptions, les mosaïques et la céramique nous font connaître d'autres sodalités qui se distinguaient aussi par des emblèmes et des chiffres. Pour ces sodalités2 nous grouperons nos conclusions dans le tableau suivant3 :

1. H. D'Escurac-Doisy, Inscriptions de Timgad, dans Libyca, IV, 1, 1956, p. 111-117. Sur la signification dionysiaque du croissant sur hampe, cf. aussi M. Leglay, B.A.C., 1954, p. 199, n. 1. Il va sans dire que la théorie de M. Foucher implique une signification dionysiaque, cf. La Maison de la procession dionysiaque, p. 155-159. Remarquons enfin qu'à Thysdrus, dans l'aile ouest (Aile des Muses) de la Maison du Calendrier Rustique (cf. L. Foucher, Découo. en 1961, p. 28, pi. XXVIII) le croissant sur hampe est figuré, à onze reprises, dans un carré curviligne quadrilobé. Ce croissant est régulièrement pourvu de rinceaux de vignes, munis chacun de trois feuilles.

2. Ces conclusions reposent sur des analyses qui sont développées dans une étude d'ensemble sur les « sodalités », à paraître dans les Monuments Piot. Qu'il me soit permis ici de remercier vivement mon ami M. Cl. Poinssot qui m'a généreusement permis la consultation de son admirable fichier africain !

Il m'est agréable de remercier aussi pour leur amical concours MUe» A. Bouderbala et M. Lemée, et M. T. Triki, dessinateur du Service des Antiquités de Tunisie.

3. Je n'aurais pu présenter cette étude à l'Académie sans la confiance qu'ont bien voulu me témoigner MM. André Piganiol et Louis Robert, auxquels j'exprime ma profonde gratitude. Je veux croire que cette confiance traduit aussi le retour de l'intérêt particulier que l'Académie a toujours ressenti pour les Antiquités de Tunisie.

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MOSAÏQUE DE CHASSE A SMIRAT 157

Nom de la sodalité

Taurisci Telegenii SlNEMATII Leontii

Decasii Egregii

Emblème

feuille de lierre croissant sur hampe

S tige de millet couronnes, à cinq

pointes ?

croissant sur hampe

Chiffre

II III III IIII mu

x XIII

Divinité tutélaire

Dionysos ? Dionysos Déméter ? Vénus Dominae

? Dionysos

**♦

M. André Piganiol intervient après cette communication. M. Jérôme Carcopino tient à s'associer aux félicitations que

M. Piganiol vient d'adresser à M. Azedine Beschaouch. Il le remercie en outre de l'allusion qu'il a bien voulu faire à

l'énigmatique inscription des decasii sous l'appellation desquels il est vraisemblable que se cache une invocation à la Tetraktys des Pythagoriciens .

Il est persuadé que M. Beschaouch est dans la bonne voie en cherchant les indices de mysticisme inclus dans les textes de ce genre.

M. Louis Robert félicite M. Beschaouch de cette importante contribution à l'étude des chasses dans l'amphithéâtre et souligne divers points. Il fait des vœux pour la collaboration scientifique franco-tunisienne.

LIVRES OFFERTS M. Daniel Schlumberger a la parole pour deux hommages : « J'ai l'honneur de faire hommage à l'Académie de deux tirés à part. Le premier, qui est extrait du Journal Asiatique (1964, p. 303-326), et qui a

pour titre Le temple de Surkh Kotal en Bactriane (IV), est destiné à servir de rapport préliminaire aux fouilles effectuées à Surkh Kotal par la Délégation Archéologique française en Afghanistan, de 1955 à 1963. Trois rapports préliminaires parus dans la même revue en 1952, 1953 et 1955, avaient rendu compte des découvertes, surtout archéologiques, faites au cours des trois premières campagnes de fouilles ; d'importantes découvertes épigraphiques, qui s'étaient produites de 1957 à 1960, avaient été publiées, toujours dans le Journal Asiatique, par le regretté André Maricq en 1958, et par M. E. Benveniste en 1961. Il restait à faire connaître les résultats archéologiques de treize campagnes

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