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MONNAIE, CRÉDIT ET INFLATION : L’ANALYSE DE LE BOURVA REVISITÉE Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series Jean-Luc Gaffard GREDEG WP No. 2018-03 https://ideas.repec.org/s/gre/wpaper.html Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs. The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s).

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Monnaie, crédit et inflation : l’analyse de le Bourva revisitée

Documents de travail GREDEG GREDEG Working Papers Series

Jean-Luc Gaffard

GREDEG WP No. 2018-03https://ideas.repec.org/s/gre/wpaper.html

Les opinions exprimées dans la série des Documents de travail GREDEG sont celles des auteurs et ne reflèlent pas nécessairement celles de l’institution. Les documents n’ont pas été soumis à un rapport formel et sont donc inclus dans cette série pour obtenir des commentaires et encourager la discussion. Les droits sur les documents appartiennent aux auteurs.

The views expressed in the GREDEG Working Paper Series are those of the author(s) and do not necessarily reflect those of the institution. The Working Papers have not undergone formal review and approval. Such papers are included in this series to elicit feedback and to encourage debate. Copyright belongs to the author(s).

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Monnaie,créditetinflation:l’analysedeLeBourvarevisitée1

Jean‐LucGaffard2

GREDEGWorkingPaperNo.2018‐03

Résumé

Au cours des années 1970 un changement majeur est apparu dans le domaine de l’analysemacroéconomique:lesthèsesmonétaristessouslaconduitedeMiltonFriedmanontprislepassur les thèses keynésiennes issuesde la synthèsenéo‐classiquepour affirmer à la fois le rôlemajeurdelapolitiquemonétairedanslagenèseetledéveloppementdestensionsinflationnisteset,decefaitmême,lanécessitédelaneutraliserenimposantl’applicationd’unerèglevisantàfixer la quantité de monnaie en circulation. Ces thèses reposent sur l’idée que l’inflation estavanttoutlaconséquencedel’émissionexcessivedemonnaieparunebanquecentralesoumiseauxdesideratadegouvernementsimpécunieuxet,conjointement,quelaquantitédemonnaieencirculation est déterminée demanière exogène via lemécanisme dumultiplicateur de crédit.Ellesparticipentd’unretour,pastoujoursexplicite,àunedichotomieentrevariablesréellesetmonétairesquivamarquerprofondémentlathéorieéconomiquedevenuedominanteàpartirdecettepériodeetdontlesconséquencesvonts’avérerdommageablespourlacompréhensiondesévénementsetdesmoyensdepolitiqueéconomiquesusceptiblesd’yfaireface.Or,dèsledébutdesannées1960,unéconomistefrançais,JacquesLeBourva,développait,dansdeuxarticlesdelaRevueEconomique,uneapprocheradicalementopposée.Ilyfaitétatducaractèreendogènedelacréationdemonnaie,signifiantquecesontlescréditsquifontlesdépôtsetnonl’inverse.Ilénonceunethéoriedel’inflationquienfaitlefruitdedérivesducréditbancaireauxentreprisesrendant les déséquilibres de marché récurrents sinon cumulatifs. Cette approche est d’uneétonnanteactualitésil’onentendrépondreauxinterrogationsdumomentetrefonderl’analysemonétaireens’inscrivantdanslafiliationdeWicksell.

CodesJEL:B22,E5

Mots‐clés:Crédit,Inflation,Monnaie

1ContributionauxJournéesdel’AssociationCharlesGide2017«LascienceéconomiqueauXXèmesiècle:lasingularitéd’unépisodefrançais»,Nice,7‐9décembre2017.JeremercieJacquesLeBourvad’avoirprisle tempsde lireunepremièreversiondecettecontributionetdes’enêtreentretenuavecmoi. Jereste,évidemment,seulresponsabledel’interprétationproposéedesestravauxetdesvoiesderecherchequ’ilsouvrent.JeremercieégalementpourleurscommentairesRichardArenaetPierreDockès.2OFCESciencesPo,UniversitéCôted’AzuretInstitutUniversitairedeFrance

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1.Introduction

Le propos de ce qui suit n’est pas de simplement rappeler l’existence de travaux en

théorie monétaire d’un auteur français, en l’occurrence Jacques Le Bourva, dans un

contexte national particulier celui de la France des années 1950 à 1980, mais de les

situer dans une histoire de la pensée économique qui a vocation à identifier des

filiations intellectuelles et à éclairer des controverses et des réflexions sans cesse

remises sur le métier au regard des difficultés, tant théoriques que pratiques,

rencontrées.

Lesannées1960et1970constituent,àn’enpasdouter,unerupturedansledomainede

larechercheetde l’enseignementde l’économieenFrance.Dudébutdecettepériode,

date la création d’un cursus autonome de licence d’économie au sein des Facultés de

droitavantqueneseconstituent,après1968,desFacultésdescienceséconomiquesde

plein exercicedans la plupart desnouvelles universités. Cette rupture institutionnelle

s’est accompagnée d’une ouverture internationale de plus en plusmanifeste qui s’est

traduite par un véritable ancrage disciplinaire en même temps que par la quasi‐

disparitiond’unetraditionuniversitairefrançaisequientendaitrejeterapprochesaussi

biendéductivesqu’inductivesaubénéficed’unréalismesociologiquemanifestantainsi

unehostilitéàl’égarddelathéorie.3

Les jeunes économistes universitaires ont, alors, embrassé les querelles scientifiques

agitantlacommunautéinternationale,onpenseiciévidemmentàlacontroversesurla

théoriedecapital,àcellequiopposekeynésiensetmonétaristesou,encore,auxdébats

autourdecequ’ilétait,unmoment,convenud’appelerlathéoriedesdéséquilibres.Ilsse

sont surtout attachés à acquérir une culture scientifique puisée dans les apports des

économistes étrangers, principalement anglo‐saxons, non d’ailleurs sans redécouvrir,

par ce biais, les apports de grands économistes français du passé au premier rang

desquels Cournot et Walras. Certains d’entre eux ont nourri, par leurs travaux, les

théories du déséquilibre, les théories de la régulation, les théories de l’équilibre

temporaire qui ont, de ce fait, conservéune connotationnationale. La plupart d’entre

3Arena (2000) évoque cette attitude de principe qu’il fait remonter au début du 19ème siècle et quiexplique les refus d’accueillir les révolutions scientifiques successives (classique, néo‐classique,keynésienne) dont la conséquence est «un décalage désormais sensible entre la pensée économiquefrançaiseetlapenséeinternationalecontemporainedelangueanglaise»(p.999).

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euxsesont,toutefois,moulésprogressivementdanslescourantsd’analysedominantsà

l’échelleinternationale,rompantdéfinitivementavecunespécificitéhexagonale.

Ce profond renouveau fait, parfois, oublier l’existence de travaux académiques

antérieurs à cette période de rupture, qui s’inscrivaient pourtant dans la même

perspectivedeconstruireunepenséeanalytiquerigoureuseinscritedanslesdébatsde

la communauté scientifique internationale. Il en est ainsi des travaux de Jacques Le

Bourva.4Licencié èsLettres,AgrégédesFacultésdedroit, Professeurà l’Universitéde

Rennes,LeBourvaavaitrédigéàlafindesannées1940etaudébutdesannées1950une

thèse de doctorat d’Etat traitant du phénomène de l’inflation de l’après‐guerre dans

laquelleils’appuiesurdenombreuxtravauxenlangueanglaise,ceuxdeBoulding,Hicks,

Keynes, Lundberg, Patinkin, Pigou, Robertson, ou encoreWicksell pour n’en citer que

quelques‐uns(LeBourva1953).C’estdanscemêmeespritqu’ilpropose,audébutdes

années1960,uneanalysedel’inflationetdelacréationdemonnaiequ’ilinscritdansle

courantdelaBankingSchool.Cetteorientation,fondéesuruneconvictionanalytique,le

conduit,sansdoute,ànepasparticiperà lacontroversenaissanteentrekeynésienset

monétaristesquivatourneraubénéficedessecondsdanslesannées1970,carilrange

lesunsetlesautresdanslecampdestenantsd’unethéoriequantitativedelamonnaie

qu’iljugedépassée.Cetteattitudeluivaudrad’êtretrèslargementignoré.D’autantque

les monétaristes et plus tard les nouveaux classiques, dont les thèses contredisent

radicalementlessiennes,vontl’emportersurleterrainacadémiquecommesurceluidu

conseildepolitiqueéconomique.

Iln’endemeurepasmoinsque l’analyseproposéeparLeBourvaaétéreconnue,dans

lesannées1980,commeunauthentiqueapportà lamacroéconomie5etqu’ellepermet

d’éclairerlacrisequetraverse,aujourd’hui,cettemêmemacroéconomie,offrantlesclés

d’unevéritablealternativeàlathéorie,issuedumonétarisme,encoredominante.

4OnnouspermettradementionnericilesnomsdePaulChamleyetdePaulCoulboisdontlesrechercheset l’enseignement dans les années 1950 et 1960, également en rupture avec la tradition universitairefrançaise, ont fortement influencé leurs élèves de l’époque à l’Université de Strasbourg devenus à leurtourprofesseurs,notammentR.DosSantosFerreiraetJ‐PFitoussi.5LesanalysesdeLeBourvasontapparuescommel’unedesprincipalescontributionsàlamacroéconomiedeséconomistesfrançaisdecettepériode(D’Autume1989,Pollin1989).Cejugementrésisteàl’épreuvedu temps sansdouteplusque lamême appréciation concernant la théorie desdéséquilibres, en fait lathéoriedeséquilibresàprixfixes.Sansdouteparcequecettedernières’avèreinapteàtraitersolidementdelaquestionmonétaireetdel’inflation.

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La pertinence conservée des analyses de Le Bourva tient bien sûr à leur ancrage

théorique,mais aussi au soucide répondreauplusprès àdesquestions concrètesde

politique économique loin d’un jeu intellectuel purement abstrait et surtout sans

préjugé doctrinal.6 Elles préfigurent les travaux réalisés ultérieurement par des

économistesquel’onrangedansuncourantqualifiédepostkeynésien,aupremierrang

desquelsKaldor(1982)7.Plusintéressant,ellesrelèvent,commenousauronsl’occasion

delesouligner,d’unedémarchevoisinedecelleadoptée,aucoursdelamêmepériode,

parTobin(1972)ouHicks(1974)dansleurtentatived’analyser,euxaussi,lescausesde

l’inflation.

Les analyses de Le Bourva peuvent être synthétisées en deux propositions contenues

dansdeuxarticlesde laRevueEconomique (LeBourva1959,1962): l’inflationestune

inflation de crédit ne se réduisant pas au seigneuriage et le montant de crédits

distribués est essentiellement déterminé par la demande de crédit. Ces propositions

prennent le contrepied exact de la thèsemonétariste suivant laquelle l’inflation est le

résultat de la monétisation de la dette publique et la quantité de monnaie est

déterminéeparl’offre.Ellesnesontpasmoinséloignéesdelavulgatekeynésiennedont

lemodèle de référence est unmodèle à prix fixes et offre demonnaie exogène. Elles

s’inscriventdansunefiliationdeWicksellquiétablitunlienentrelecomportementdes

banques, les déséquilibres sur le marché des biens et l’inflation dans le cadre d’une

économie de crédit. Elles donnent les clés d’une alternative à la macroéconomie

dominantedontlesprincipesetlesrèglesdepolitiqueéconomiquequiensontdéduites

nepermettentd’expliquerlestenantsetaboutissantsdelacrisequiasurgien2007‐08

ets’esttraduitedanscequecertainsontappeléunegranderécession.

6«Malgréladiversitédesécolesetdeschapelles,jepersisteàcroireenl’élaborationd’uneconnaissanceéconomiqueobjective.Biensûr,àlapointeavancéedesréflexions,desdivergencesexistent,commedanstous les autres domaines. Bien sûr aussi le rôle des passions ou des idéologies s’observent dans laproductiondesanalyseséconomiques.Maisjecroisqu’iln’yapasquecela.Lemarginalismen’apasétéinventé pour contrer le marxisme. Si les analyses d’équilibre général, à la Patinkin par exemple, nem’avançaient pas beaucoup pour étudier l’inflation, elles posaient tout de même des questionsimportantesàd’autreségards.»(LeBourva2000p.379).

7C’estcequesouligneLavoiepourquilestravauxdeLeBourvapréfigurentceuxdeKaldoretducourantqualifiédepostkeynésien(Lavoie1992).Cequi leconduitàpublieruneversionsynthétiséeen langueanglaisedesdeuxarticlesdelaRevueEconomiqueécritsparLeBourva(LeBourva1992).

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2.Surlessourcesdel’inflation

LeBourvaélaboreunethéoriedel’inflationenprenantprétextedurapportdesexperts

ayant guidé l’opération monétaire de 1958 dont l’objectif était un assainissement

monétaireet financierdansun contextede libéralisationdes échanges internationaux

(Le Bourva 1959). Le propos est d’éviter que le succès de l’opération, qui s’est

effectivementtraduiteparlerétablissementdescomptesextérieursetlareconstitution

desréservesdechange,n’induiseenerreurquantàlavraienaturedel’inflation.

Il s’agit, d’abord, de rappeler clairement la conception qualifiée d’officielle du

phénomène«Pourceuxquiréduisent inflationaudéficitbudgétaireouà l’impassede

Trésorerie,ladépréciationmonétairec’est‐à‐direlahaussedesprixapparaîtcommela

conséquence exclusive d’une mauvaise politique financière c’est‐à‐dire comme un

phénomène dont la cause est relativement exogène par rapport au système

économique»(LeBourva1959p.715).Ils’agit,ensuite,dereconnaîtrelacomplexitédu

phénomène. «Le processus cumulatif de hausse de prix qui constitue le phénomène

inflationnisteàexpliqueretcombattrenepeutpasêtrerattachéàuneseulecause:nile

déficitdesfinancespubliques,nil’accroissementdelamassemonétaire,nimêmel’excès

delademandeglobalesuroffreglobaleauniveaudesprixanciensnedonnentlacléqui

résoudrait le problème: le monisme est toujours une indigence» (ibid. p.716).

L’oppositionestradicaleaveclemonétarismebientôttriomphant.

Cette conviction conduit Le Bourva à suivre la démarche deWicksell et à choisir de

décrire une économie de crédit dont les performances dépendent de lamanière dont

sontarticuléslecomportementdeprêtdesbanquesetlesdéséquilibresperçussurles

marchésdebiensetdeservices.Cenesontpas,pourlui,lesvariationsdelaquantitéde

monnaiequisontlacausedesvariationsduniveaugénéraldesprix,maislesmontants

decréditsdistribuésparlesbanquesà leursclients.«Deuxattitudess’opposentquant

auxconditionsdanslesquelless’ajustentl’offreetlademandedemonnaie.Pourlesuns

(quantitativisteset Keynes)laquantitédemonnaieestfixéeparlesystèmebancairede

façon indépendante Si le besoin de monnaie ressenti dans l’économie augmente la

conséquenceestuneélévationdutauxdel’intérêtàmoinsquelesbanquierssedécident

àaccroîtrelaquantitédemonnaie(…)Pourlesautres(BankingschooletWicksell)les

banquiersnefixentpasunequantitémaisunprix.Lesystèmebancaireadopteuntaux

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(ou un ensemble de taux) sur lemarchémonétaire et il prête ensuite tout ce que les

emprunteurs demandent à la condition qu’ils offrent des garanties suffisantes. Cette

politiquecorrespondàcequeD.HRobertsonanomméleprincipeducréditproductif»

(ibid.p.719).C’estcettedernièreconceptionqueretientLeBourvapourqui«c’est la

demande de monnaie, au taux fixé par les banquiers, qui détermine la quantité de

monnaie»(ibid.p.720).

Suivantcetteconception,lecréditprivéestsusceptibled’alimenterl’inflationycompris

en l’absencededéficitpublicdès lorsque lemontantdesprêtsnouveauxexcèdecelui

desdettesvenuesàéchéance.«Autotal,dansunrégimedemonnaieélastique,leniveau

généraldesprixn’estplusaccrochéàrien,cen’estpasluiquidépenddelaquantitéde

monnaie, c’est la quantité demonnaie qui dépend du niveau des prix» (ibid. p. 722).

L’ancragenominal–lastabilitédesprix–quel’onnepeutplusattribueraucontrôlede

l’offredemonnaieparuneBanquecentralenepeutdésormaisvenirquedesrelationsde

crédit,singulièremententrebanquesetentreprises,etdeleureffetsurlaformationde

déséquilibressurlesmarchésdebiensetdutravail.

L’autre conséquence de l’analyse proposée est qu’il n’y a plus de raison pour qu’une

création monétaire au bénéfice de l’Etat se traduise nécessairement par une

augmentationdelaquantitédemonnaieencirculation,uneinjectiondepouvoird’achat

et des tensions inflationnistes. «En effet si nous supposons d’abord que la demande

totaledemonnaiedansl’économienechangepasetquelesbesoinsdefondsdusecteur

privé restent les mêmes, l’afflux de la monnaie créée pour Etat va permettre aux

entrepreneurs de rembourser leurs dettes envers les banques sans demander de

nouveaux prêts. L’excédent de monnaie se résorbe automatiquement, l’Etat n’a pas

réussiàinjecterdemonnaiedansl’économie»(ibid.p.723).End’autrestermes,aulieu

de s’en tenir à incriminer le déficit des finances publiques, il importe de considérer

commentévoluent,respectivement,dettesprivéesetdettespubliquesavantdeformuler

undiagnosticsurl’originedetensionsinflationnistes.

Endénonçantlaconceptiondel’inflationquilarapporteauseuldéficitpublic,LeBourva

ouvre ledébat sur le rapportqu’entretiennent le secteurpublicet le secteurprivé.Le

monde qu’il décrit est un monde où les dettes privées progressent plus vite que les

crédits demandés par l’Etat et sont les véritables responsables de la hausse des prix.

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Rienn’interditquel’inverseseproduise.Maisrienn’interditnonplusdeconsidérerles

unes et des autres évoluent au cours du temps en relation avec le cycle économique.

C’estcedontLeBourva faitétatquand ilaffirmeque«l’affluxdemonnaiecrééepour

l’Etat vapermettre aux entrepreneursde rembourser leursdettes envers les banques

sans demander de nouveaux prêts (et donc que) l’excédent de monnaie se résorbe

automatiquement»(ibid.p.723),pourajouterplusloinque«c’estsouventlacrisedes

trésoreriesprivéesquiprovoquelacrisedelatrésoreriepublique»(ibid.p.724).Cette

dernière affirmation fait écho aux événements de la fin des années 2000 et au débat

théorique qui s’est développé quand il a été question de savoir s’il était pertinent de

réduireladettepubliqueaumomentoùlesagentsprivéssedésendettent.8

Reste,alors,pourLeBourvaàrecherchercequ’ilappelle«desélémentspositifsde la

théoriedel’inflation».Etd’évoquerlessourcesd’uneinitiationduphénomènequesont

l’excèsdelademandeglobalesurl’offreglobale, l’excèsdelademandesurl’offredans

certainssecteursouencorelahaussedescoûts,qu’ils’agissed’unehaussedessalaires

plusélevéequecelledelaproductivitéoud’unehausseduprixdematièresimportées.

Maiscesont làdessources immédiatesdont laseuleévocation,préciseLeBourva,ne

permetpasdejugerdeladuréeduprocessusinflationniste,desapropagationetdesa

dérive éventuelle, autrement dit de l’expliquer. Encore faut‐il, en effet, comprendre

comment des situations de déséquilibres se perpétuent. «L’inflation n’est pas un

changement uniquemais un processus cumulatif aumoins durant un certain temps»

(ibid.p.727).Delàl’importancesoulignéeparLeBourvadecomprendrel’enchaînement

desdéséquilibresetlerôlequ’yjouententrepreneursetsalariés.«Lacompréhensionde

l’inflationexigededécelerceseffetsd’induction,elleexiged’aborddecomprendreque

touscesaccroissementsn’étaientpasprésentsaudébutde lapériode inflationnisteet

que leur ampleur ne résulte pas directement du déséquilibre initial; entre lui et la

haussedesprixiln’existepasderapportsimple»(ibid.).Enbref,«l’inflationn’apparaît

pas comme la perturbation d’un état stationnairemais comme l’issue d’un processus

d’expansion»(ibid.p.728).

Ils’agitdoncdesuivre,étapeparétape,lecheminementdesvariablesdeprixenrelation

aveclesfluxdemoyendepaiement,autrementdituncycleducréditàlafaçondontil

8Ledangerestaujourd’huidénoncédevouloirsimultanémentréduiredettespubliquesetdettesprivéesalors que l’augmentation des premières doit faire pièce à la diminution nécessaire des secondes(EggertssonetKrugman2012)

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estenvisagéparWicksellàquiLeBourvaseréfèreexplicitement,maisaussiparKeynes,

RobertsonouencoreHicks.9Ilimporte,alors,demesurerleseffetsd’uneplusoumoins

grandeflexibilitédesprix,sachantqu’uneflexibilitéinstantanéeetgénéraliséeviderait

de son sens l’analyse proposée.10«C’est la géographie des prix flexibles et des prix

rigides qui permet de déterminer les secteurs où l’écart entre offre et la demande

aspireralesprixetlessecteursoùlesprixserontpoussésparlesprofitsetcoûts»(ibid.

p. 728).Deux typesdemarchés, lesuns àprix flexibles et les autres àprix rigidesou

visqueux sont ainsi considérés, qui structurent l’ensemble de l’économie. Les

mécanismesdenaissanceetdepropagationdel‘inflationensontlereflet.

S’agissant des prix industriels, ils sont fixés par les vendeurs sur des marchés

naturellement imparfaits.«Leseuilde l’inflationestalorsunseuilpsychologique liéà

l’apparition des marchés de vendeurs comme les nomment les professionnels. Il est

atteintlorsquedansunebranchelaplupartdesentreprisesapprochentlalimitedeleur

capacité de production installée et lorsqu’elles n’ont pas l’espoir ou la possibilité

d’accroître rapidement cette capacité et d’étendre leurs ventes. Il n’est pasnécessaire

quelademandeactuelledépassedebeaucoupcettecapacitépourqu’unglissementvers

lahausseseproduiseàpartirdumomentoùchaquevendeursaitquelesautressuivront

lemouvement.Uneraisonsupplémentairedereleverlesprixestailleursfournieparle

soucidedévelopperplustard lacapacitédeproductionetdemajorerenconséquence

les marges d’autofinancement Ce ne sont sans doute pas les branches les plus

concentréesquicherchent leplusàrelever lesprixcar lesgrandesentreprisesontun

horizon plus vaste et une possibilité plus grande de développer leur capacité de

production.»(ibid.p.730).

LeBourvasouligneainsilanécessitédes’interrogersurlesconditionsdeformationdes

prix sur des marchés qui différent en raison de la nature des déséquilibres qui

caractérisent inévitablementcesderniersetdu typederéactionquecesdéséquilibres

engendrent,impliquantdeconsidérerl’influencedescapacitésdeproduction,dutemps

9Wicksell(1898)estlepremieràdéveloppercetyped’analyseavantqu’ellenesoitrepriseparRobertson(1926)etKeynes(1930).Wicksell (1934)etKeynes(1936) l’abandonnerontauprofitd’uneanalyseentermes d’équilibre (Lundberg 1937). Hicks la reprendra ultérieurement dans un ouvrage associantexplicitementthéoriedesmarchésdebiensetdutravailetthéoriemonétaire(Hicks1989).10Dans ce dernier cas qui n’est autre que lemonde de l’équilibre général deWalras, lesmarchés sontsystématiquement et immédiatement soldés, les prix reflètent les fondamentaux (technologies etpréférences) et l’inflation ne peut résulter que d’une hausse de la quantité demonnaie en circulation,laquelleaffectelesprixabsolusetnonlesprixrelatifs.

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éventuellementrequispourlesconstituer,dupouvoireffectifdemarché.

L’accent ainsi mis sur les processus de marché et le rôle directeur qu’y jouent les

entreprisesse trouveêtre,également,aucœurdesanalysesde l’inflationconduitesau

cours des années 1970par Tobin etHicks: des contributions aujourd’hui tout autant

ignoréesquecelledeLeBourva,maisquilajustifientetl’enrichissent.

PourTobin(1972),l’hétérogénéitédesmarchés,quitientàladiversitédesréactionsdes

entreprises aux déséquilibres, est à l’origine de l’inflation et de la relation de cette

dernièreauxautresvariablesmacroéconomiquesdontlechômage.Sil’onadmetqueles

prix sontplus flexiblesà lahaussequ’à labaisseet, corrélativementque lesquantités

sontplusflexiblesàlabaissequ’àlahausse,alorsunedispersionaccruedesdemandes

excédentaires sur les marchés de biens entraîne une aggravation simultanée de

l’inflationetduchômage.11.Iln’estpasanodind’observerquecesprixdévientdeleur

positiond’équilibre (que lesmarchésne sontpas soldés)pourdespériodesde temps

significatives,uneduréed’ajustementquinereflèteniirrationalitédescomportements,

ni imperfection ou asymétrie de l’information, mais est le propre d’une économie

monétairetellequelaconçoitKeynes(Tobin1995).

PourHicks(1974),lesasymétriesobservéestiennentàlanaturedesbienséchangés.Les

marchésàprixflexiblessontceuxsurlesquelslesprixréagissentviteetfortementaux

écartsentreoffreetdemande.Cesontlesmarchésdematièrespremièresetlesmarchés

decertainsproduitsalimentaires.Lesmarchésditsàprixfixessontcesmarchésoùles

prix sont fixés par les vendeurs qui réagissent plus ou moins vite et plus ou moins

fortement aux variations de leurs coûts et aux écarts entre offre et demande. Tout

dépend,alors,del’importancedespénuriesdematièrespremièresoudemaind’œuvre

ou,plusgénéralement,deslimitesdecapacitéquiaffectentl’offre,maisaussidulapsde

tempsnécessairepourque cespénurieset limites soient surmontées. Lesprix sur les

marchésàprixfixesneréagissentpasnécessairementauxpénuriessil’ons’attendàce

qu’elles soient temporaires, cesprixétant censésdépendredes coûtsnormauxetnon

descoûtsdumoment.Cepourraitnepasêtrelecasnotammentquandunehaussedes

11Cette explicationde la ‘stagflation’ faisant explicitement étatdemarchésnon soldés etdes réponsesasymétriquesauxdéséquilibresestégalementretenue,danslamêmepériode,parFitoussi(1973).

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prixdesbiensdeconsommationdéclencheuneinflationsalariale.12

Dèslors, leshaussesdesalaires,qu’ellessoientconsécutivesàdeshaussesdeprixdes

biens de consommation ou aux tensions sur le marché du travail, sont au cœur du

processus inflationniste, de son caractère cumulatif. La question est ainsi posée de

l’existence d’un seuil – la barrière inflationniste – au‐delà duquel le taux d’inflation

explose.13

Ces différentes considérations posent la question de l’ancrage nominal. Suivant la

théoriemonétaristedel’inflation,celui‐ciestassuréparlecontrôlesupposédel’offrede

monnaie. Dans l’économie de crédit décrite par Le Bourva et reprise de Wicksell, il

devrait être assuré grâce au maniement approprié du taux d’intérêt, ce qu’implique

l’instaurationderèglesdetauxcontingentesparlesquellesl’onentendaujourd’huiune

fonctiond’ajustementdutauxdirecteurdelaBanquecentraleenréponseàl’évolution

del’écartdeproductionetdel’inflation.14Iln’estpascertainquecepuisseêtretoujours

lecas.Ils’agitbiendefaireensortequeladistributiondecréditsnepermettepasquese

forment de manière pérenne et cumulative des déséquilibres de marché. Mais la

dimension institutionnelle des relations entre offreurs et demandeurs de crédit, leur

inscriptiondansuntempsplusoumoinslongpourraients’avérerêtreplusimportantes

que le seul coût ponctuel du crédit. Car ce sont elles qui affectent la séquence des

déséquilibres de marché. En des termes généraux, il apparaît, plus ou moins

explicitement, que lamaîtrise des prix et l’évitement de processus cumulatifs ne sont

réductiblesniaucontrôledel’offredemonnaie,niàcelledutauxd’intérêt.15

12Hicks avait, dans le passé, développé le même type d’analyse afin de comprendre les problèmeséconomiquesnésdelareconstructionaprèslaDeuxièmeGuerremondialeetnotammentleproblèmedel’inflation.Lareconstructionexigeaitdesinvestissementsdontlamiseenœuvreprenaitnécessairementdutempsdutemps.Lessalairesversésdevaientalimenterunedemandedebiensdeconsommationvis‐à‐vis de laquelle l’offre restait insuffisante. Il en est résulté des tensions inflationnistesqu’il aurait étédangereuxdecombattresystématiquementcarcelaauraitpénalisél’investissement(Hicks1947).13Lanotionestprésentedansl’analysemonétairedeHicks(1977)pourquicettebarrièresedéplaceaucoursdutemps.Elleestégalementprésentedansl’analysedeJoanRobinson(1971).14VoiràcesujetPollin(2005)15Cettediscussionpourraitéclairerlacontroverseayantopposé,aumomentdelalibérationdelaFranceen1944,Mendès‐FranceetPlevensurlaquestiondel’opérationd’assainissementmonétaire,lepremierproposantaucontrairedusecondl’échangedebillets,leblocagedesprixetceluidescomptesbancaires.Le laxisme l’a emporté sur la rigueur. Toutefois, si tel n’avait pas été le cas, l’inflation, certes due à laquantité excessive de monnaie en circulation, se serait de toute façon poursuivie en raison de lapersistance des pénuries, bien sûr de biens agricoles mais aussi de biens d’équipement industriel.

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L’intérêt que Le Bourva porte à la question de l’inflation tient à ce qu’il la considère

comme «le drame des économies contemporaines» bien avant que le phénomène ne

prenne véritablement de l’ampleur dans l’ensemble des pays occidentaux. Quand ce

moment va survenir, dans les années 1970, par une sorte d’ironie dans l’histoire des

idées, la thèse combattue par Le Bourva va prendre le dessus, lemonisme causal va

l’emporter. La vieille critique d’un keynésianisme avant tout axé sur le soutien

conjoncturelaumoyendeladépensepublique,quel’onaccused’engendrerunedérive

inflationnistevia l’endettementpublic,va l’emportersansvéritablements’attardersur

lacomplexitéduphénomène.16

3.Surlacréationetlapolitiquemonétaires

Lathéoriedel’inflationétablieparLeBourva,loindeproposeruneexplicationréelledu

phénomène,bâtiesurl’étatetl’évolutiondesmarchésdebiensetdutravail,reposesur

ce que l’on pourrait appeler, en se référant à Keynes, la théorie d’une économie

monétairedeproduction. Iln’estpas, eneffet,questionde ressusciterunedichotomie

entre secteur réel et secteur monétaire de l’économie comme allaient le faire les

monétaristes et les nouveaux classiques, mais bien d’énoncer une théorie monétaire

alternative à la théorie quantitative. Cette alternative repose sur le renversement du

rapportentretenuentrel’offreetlademandedemonnaie(LeBourva1962).

La thèse défendue reprend de Wicksell la proposition suivant laquelle les banques

commercialesserventintégralementlesdemandesdecréditformuléesautauxd’intérêt

qu’elles fixent. «Il paraît (…) nécessaire d'abandonner l'idée d'un multiplicateur de

crédit qui est un fossile de la théorie quantitative et de donner une autre explication

techniqueaudéveloppementducréditbancaire.Afind'êtrecohérenteavec l'ensemble

des idéesmonétaires, cette analysedoitmontrerque les banquierspeuvent répondre

sanslimite,s'ilsledésirent,auxdemandesdecrédit.Ilfautdoncqu'ilsnesoientpasliés,

audépart,parunmontantdeliquiditéspréexistantes;ilfautqueleursprêts,enmême

temps qu'ils alimentent les dépôts demandés, sécrètent les liquidités dont ils ontMendès‐Francesoulignera,d’ailleurs,plustardque l’inflationnepeutêtrecombattuequ’enaugmentantl’offreouendiminuantlademande.16Sil’endettementpubliccroissantestuneréalitéincontestableauxEtats‐Unisaucoursdecettepériodeet porte la responsabilité de la dérive inflationniste, il est difficile de l’attribuer à des politiquesbudgétairessimplementconjoncturellesalorsledéficitcroissantestmanifestementlerésultat,nond’unepolitiqueconjoncturelleditedefinetuning,maisderupturesstructurellesassociéesàlanouvellepolitiqued’aidesocialeetauxdécisionsd’interventionmilitaireextérieure.

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besoin.»(LeBourva1962p.30).

L’économiedécriteestuneéconomiedeproductionetnonuneéconomied’échangeréel.

Leprincipalrôlereconnuaucréditestd’assurerlepréfinancementdelaproduction.Il

n’est certespasquestion ici d’investissementmaisbiende rémunérerdes facteursde

production.17«Silesentrepreneursnepossèdentaucuneencaisseaudépartetdoivent

rémunérer les facteurs de production avant d'écouler leurs produits, ils n'ont d'autre

solutionqued'emprunterauxbanques la totalitéde lamonnaiequ'ils versent comme

revenus aux facteurs de production, en particulier aux salariés. A mesure que cette

monnaie est dépensée pour l'achat des biens de consommation, elle revient aux

entreprises,quipeuventainsirembourserleursfournisseursdematièrespremièrespar

exemple,ouplussimplementdésintéresserlabanquedevenuetitulaire,aprèsescompte,

descréancesnéesdanslesrapportsentrelesentreprises.Lamonnaieserésorbeainsi,

jusqu'à laprochainecréationquivapermettreunenouvelledistributionderevenus.»

(ibid. p. 38).Cette analysen’ade sensqu’endehorsd’un régime régulieroud’unétat

stationnaire.L’économiedécriteesthorsdel’équilibre.

Est‐ceàdirequelaquantitédemonnaieestsimplementendogène?Laréponseestque

le banquier dispose d’un pouvoir de rationner le crédit et de prendre ainsi en

considération le degré de risque encouru, mais que l’emprunteur reste à même

d’anticiper cette situation. «L'offre de crédit du banquier à l'égard d'un seul client,

touteschoseségalesparailleurs,n'estcertainementpas infinimentélastique, lerisque

croissantdubanquier,commel'avaitdéjàsoulignéKalecki,fixeunelimiteauprêtquele

banquier serait disposé à consentir. Comme le risque joue également du côté de

l'emprunteur, ilestd'ailleurs fortpossiblequecelui‐cicessed'emprunteravantque la

limitequesefixelebanquiersoitatteinte.»(ibid.p.43).LeBourvareprendicicequ’il

écrivaitdéjàdanssathèsededoctorat.«Ilexisteunefranged’emprunteursinsatisfaits,

quiseraientdisposésàsolliciterducréditauprèsdesbanquesautauxd’intérêt fixéet

qui ne peuvent l’obtenir, par suite du contrôle quantitatif exercé, en dehors de toute

actiongouvernementale,parlesbanquierssoucieuxdenepasaccroîtreleursrisques»

(LeBourva1953p.218).IldevraitêtreclairquelathéoriedéfendueparLeBourvanese

17Il n’est pas absurde, cependant, de mentionner ici Schumpeter (1934) pour qui le crédit est lecomplémentnécessairedel’innovation,autrementditlecomplémentdel’acted’entreprendreconsistantàdétournerlesressourcesdeleursemploisactuels.

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réduitpasàunethéoriedelamonnaieendogèneetretientlapossibilité,ensituationde

concurrence imparfaite, d’un rationnement du crédit par les banques.18Sans doute

faudrait‐ilretenirqu’ilexisteuneasymétrieentrelestentativesderestreindrelevolume

descréditsdistribuésetcellesdel’accroître.Lespremièressontpossiblesquoiquepeu

vraisemblablesquandlessecondessontvouéesàl’échec.

«Au total, en l'absence de restrictions de crédit, le système bancaire nous paraît

fonctionner dans les conditions suivantes : les prêts sont le point de départ de la

créationmonétaire, lesbanquessontpratiquementassurées,nonseulementdans leur

ensemble, mais aussi pour chacune d'elles, de retrouver en dépôts l'équivalent des

sommesavancées.Cesdépôtssonttransformésenbilletsdanslamesurenécessairepar

laBanquecentrale,cesontdonc lesprêtset lesdépôtsquiengendrent lesbillets,non

l'inverse.» (ibid. p. 52). Finalement, «les périodes exceptionnelles exceptées, la

politiquemonétairen'empêchepaslestendancesdefondquipoussentàlacréationde

lamonnaiedesemanifester.Lesbanquiersn'ontpasunpouvoirabsolu,ilssubissentle

marché bien plus qu'ils ne le contrôlent. La conduite de la monnaie ressemble à la

pratiqueduvolàvoile.»(ibid.p.56).

Qu’enest‐il,alors,vraimentde lanatureduprocessus inflationniste?Dansdesétudes

ultérieures, Le Bourva poursuit la réflexion en introduisant explicitement une

distinctionentre inflationdemonnaieet inflationdecrédit (LeBourva1972,1978). Il

exprimel’idéequelavisiondel’inflationn’estpaslamêmesuivantquel’ons’intéresse

auxvariationsde laquantitédemonnaie, autrementdit auxvariationsdespassifs, ou

aux sources de la création monétaire, autrement dit aux actifs. Dans le premier cas,

l’intérêtportesurlesménagesquidétiennentlaplusgrandepartdesavoirsmonétaires.

La théorie de la demande de monnaie est une théorie de la demande des ménages.

L’inflationapparaîtquandlesménagesdétiennentplusdemonnaiequ’ilsneledésirent.

Dansledeuxièmecas,ils’agit,nonseulement,de«respecterl’ordredeschoses,lesprêts

font les dépôts» (Le Bourva 1978 p. 20), mais surtout de considérer les besoins de

financement qui sont d’abord ceux des entreprises. Il y a là un renversement de

perspective essentiel puisqu’il s’agit rien de moins que de substituer l’entreprise au

18CetteanalyseseradéveloppéeparStiglitzetWeiss(1981).

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ménagedansl’ordredepréséancedesagentséconomiques.19

Ces entreprises ont, nous rappelle LeBourva, deux sortes de besoins de financement.

Elles ont besoin de financer les dépenses qui interviennent, durant le cycle de

production, avant l’achèvement et la vente des produits, en d’autres termes des

dépensesencapitalcirculant,principalementdespaiementsdesalaires.20Descréditsde

trésorerie sont octroyés, une monnaie nouvelle est créée sans quoi les entreprises

seraientcondamnéesàlafaillite.Toutefois,entrelesrevenus,lavaleurdelaproduction

etlamassedescréditslaconcordanceestassurée.Lefinancementbancaireestsain(Le

Bourva1972p.14).Siinflationilya,c’estuneinflationparlescoûtsencesensqu’elle

dépenddenégociationsquifixent,parailleurs,lestauxdesalaireouleprixdesmatières

premières.

Les entreprises doivent également financerdes investissements en capital fixe, «ceux

dontlarécupérationfinancièren’apaslieudanslecadredel’annéemêmeoùlesfonds

ontétédépensés,maiss’étaleaucontrairesurtouteslesannéesd’amortissement»(Le

Bourva1978p.21).Descréditsbancairessontoctroyésquipermettentàl’entreprisede

dépenserplusqu’ellenegagne.Unpouvoird’achatestainsimisàdispositiondesagents

économiques, «puis utilisé par eux pour acquérir des biens faisant partie du produit

final disponible sur lesmarchés» (Le Bourva 1972 p. 7). Si inflation il y a, c’est une

inflationparlademandedèslorsquel’excèsdedemandepèsesurlesprixdufaitqueles

capacités de production sont saturées. Il reste possible d’opérer ce type de

transformationbancairetoutenayantuntauxd’inflationmodeste.End’autrestermes,

lecréditestàlasourcedel’inflation,maisl’inflationdecréditpeutrestermodérée.21

Danscesconditions,LeBourvaémetdesréservesquantauxréellespossibilitéspourla

BanqueCentraled’effectivementrestreindrelecréditvialapolitiquemonétaire.«Cette

modération dans l'usage de la politique monétaire s'explique aisément. La monnaie

19Iln’estpasindifférentdenotericiquecetteposition,opposéeàlapositionmonétaristecommeensuitedesnouveauxclassiques,estaussicelledeKeynes20LeBourvaretientici l’argumentairedeHicksqu’ilcite.«Si l’onimitelapratiquenormaledesaffairesconsistant à ne pas prélever un profit jusqu’à ce que les biens soient effectivement vendus et, si l’onnégligelacomplicationdueàladésintégrationverticaled’unmêmeprocessusentredifférentesfirmes,lavaleur du capital circulant se ramène (approximativement) à celle du travail incorporé. Il n’y a pas deproportionnalité stricte entre cette valeur, àun instantparticulier, et la valeurdu fluxutilisé…mais ilexisteunebonneproportionnalitéapprochée»(Hicks1969p.151).21Cette analyse est à rapprocher de celle, déjà mentionnée et formulée par Hicks, des tensionsinflationnistescaractéristiquesd’unepériodedereconstruction(Hicks1947).

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prendnaissanced'aborddans l'ensembledesrelationsquise formentà l'occasiondes

transactionsentre lesentreprises.Lecréditprivéprécède lecréditbancaire.Maisune

foisquelespremièresbasesdelacréationmonétaireontétéaccomplies,iln'estguère

possible d'enrayer le déroulement des étapes ultérieures sans désarticuler

complètement le fonctionnement de l'économie.» (ibid. p. 55). Et d’ajouter que«contrairementàuneopinionrépandue,lapolitiquemonétairenedoitpassebornerà

modifier les rapports entre les banques et la Banque centrale, elle doit aussi se

répercuterauniveaudesrapportsentre lesclientset lesbanquesordinaires,voireau

niveaudesrelationsentrelesclientseux‐mêmes»(ibid.).Orlamaîtrisedecesrapports

n’est réductible ni à la fixation d’un objectif de croissance désirée d’un agrégat

monétaire,nimêmeàcelledutauxd’intérêt.

Lesentreprises,sontconfrontéesaudilemmesuivant.«Oubienleshaussesnominales

de salaires et de prix sont importantes et l’essentiel des crédits nouveaux autorisés

financerontlesbesoinscorrespondantsencapitalcirculant,maissansquelesquantités

deproduitsetd’emploisaugmentent.Oubienleshaussesnominalessontlimitées,alors

le même montant de crédits nouveaux peut servir pour partie au capital circulant

nécessaireàl’embauchedetravailleursetàl’augmentationdesstocks,pourpartieaux

investissements en capital fixe, à la croissance, pour partie même aux équipements

collectifs réalisés par l’Etat» (Le Bourva 1978 p. 29). Dès lors, contenir l’inflation

devientpossibleàconditiondecombinerlapolitiquemonétaireavecunepolitiquedes

revenus nominaux. Implicitement, Le Bourva écarte la possibilité pour la Banque

centrale d’éradiquer l’inflation, en fait les anticipations inflationnistes, en augmentant

brutalement et fortement le taux d’intérêt devenu ainsi, dans une perspective

wicksellienne,trèssupérieurautauxnaturel.22.

4.Unevoietoujoursàexplorer

Lapériodeactuelleest,certes,biendifférentedecellequeLeBourvaavaitsouslesyeux.

Lepériln’estplusl’inflationmais l’absenced’inflationoupireladéflation.Quiplusest

cetteabsenced’inflationvadepairdanscertainspaysavecunesituationdepleinemploi

censée favoriserdeshaussesde salairesqui, pourtant, ne semanifestentpas. Lepéril

22LeBourvam’ad’ailleursconfirméqu’àl’époque,conseillerduCréditLyonnais,ilavaitjugéimprobableune telle augmentation du taux d’intérêt. Ce que l’expérience, notamment américaine, va démentir audébutdesannées1980.

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évoquéestceluid’unestagnationséculaireou,àtoutlemoinsd’unerepriseralentiede

l’activité économique après la crise de 2008. La théorie économique dominante est

défaillante à en donner une explication convaincante. C’est qu’elle reste aveugle à la

réalité d’une économie monétaire telle que Le Bourva l’envisageait en rapport avec

l’analyse de Wicksell: une économie de crédit, une économie de production et une

économied’entrepreneurs.

LesanalysesdeLeBourva, les intuitionsqu’ellescontiennent,sontautantdepistesde

réflexion qui nous éclairent sur les difficultés de lamacroéconomie contemporaine à

rendre comptedesproblèmesdumoment.L’erreur théoriquequ’ildénonçaitdans les

années1960persisteencoreaujourd’hui.Elleconsiste,nonseulement,àfairedel’offre

demonnaiecentrale laseulecausedesvariationsdeprix,maisaussià ignorerque les

marchés sont généralement en déséquilibre. L’alternative réside dans une analyse

monétaire effectivement d’inspirationwicksellienne qui reconnaît dans l’inflation une

inflationdecréditetrendcomptedel’articulationentreladistributiondecréditsetune

plusoumoinsgrandeflexibilitédesprixetdessalairesenréactionauxdéséquilibresde

marché.

L’impassedanslaquellesetrouvelapolitiquemonétaireeuropéenneillustrelajustesse

de cette démarche analytique. Si les mesures monétaires de facilité quantitative

(quantitative easing) ont été indubitablement efficaces pour enrayer le mécanisme

cumulatif de crise de la dette, elles se sont avérées inopérantes par elles‐mêmes à

permettreunereprisedurabledel’activité.Lapremièreraisonestqu’iln’existepasune

demande de biens et services qui justifierait une demande de crédit et rendrait

opportune l’offre de crédit. Une seconde raison, sans doute plus importante, est que

nombred’entreprises sontdans l’incapacitéd’effectuerdes anticipations fiables sur la

demande future, et doncde s’engager dansdes projets d’investissement à long terme

exigeant de disposer d’un capital patient via les banques ou les marchés financiers.

L’économiefaitfaceàdesdéfaillancesinter‐temporellesdedemandeeffectivesignifiant

que les entreprises ne peuvent ou ne veulent pas échanger les revenus attendus du

produitfuturcontrelesservicesdesfacteursrequispourl’obtenir,plussimplementne

peuvent ou ne veulent pas emprunter pour financer l’investissement. Ce à quoi une

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politique monétaire de bas taux d’intérêt ne peut, à elle seule, répondre au risque

d’ailleursd’êtreàl’originedelaformationd’unenouvellebullefinancière.23

Si les conditions étaient effectivement réunies pour que les acteurs économiques

partagent une vision à long terme, c’est‐à‐dire si banques et actionnaires étaient en

positiond’offriruncapitalpatient, les investissementsengagésdonneraient lieuàune

distributiondepouvoird’achat(auversementdesalaires)etdoncàuneaugmentation

delademandecourante.Iln'yauraitpasdecontrepartieimmédiateducôtédel’offrede

biensdeconsommationpour lasimpleraisonqu’ilexisteun tempsdegestationavant

que ces investissements ne deviennent opérationnels. Plutôt que de l'abondance de

liquidités,c'estdecetexcèsde lademandesur l’offredebiensqueviendrait lahausse

desprixtantrecherchéeaujourd'huiparlaBanqueCentraleEuropéenneaprèsavoirété

tantcombattue.

Cette inflation, alimentée par le crédit, ne serait pas nécessairement cumulative et de

longuedurée.D’abordparceque lesprixpourraient s’avérer relativement rigides: les

entreprises faisant le choix d’éviter une volatilité préjudiciable à leur propre calcul

économiqueainsiqu’àceluideleursclients,aveccommeeffetderaccourcirleurhorizon

temporel.Enoutre,cetteinflationdevraitêtretemporaireenétant laconditiondeson

extinction future, dans la mesure où elle accompagne la construction d’une offre de

biensetservicesquiviendraitultérieurementéquilibrerlademande.Ilyauraitpeude

chances,alors,d’observerunedérivedesanticipations inflationnistes.Lebutques’est

donnéelaBanqueCentraleEuropéenneseraitainsiatteint,maispard’autresvoiesque

celleenlesquellesellecroitouqu’ellepréconise.

Sil’onpeutconsidérerquelesentrepreneursobtiennentlesfondsqu’ilsdemandentau

taux d’intérêt fixé, il n’en demeure pas moins que les conditions d’engagement des

détenteursdecapitaux,oriententletyped’investissementretenuet,parsuite,lanature

etl’ampleurdesdéséquilibresdemarchéàvenir.

Ainsi, des taux d’intérêt bas et/ou un engagement financier long favorisent des

investissementslongs,c’est‐à‐direexigeantdelongsdétoursdeproductionsusceptibles

d’engendrer une distribution de pouvoir d’achat sans contrepartie immédiate en

23C’estlediagnosticquipeutêtreformuléàproposdelasituationduJaponaucoursdesdeuxdécenniesquisesontécouléesaprès1990(Leijonhufvud2008).

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production de biens de consommation, des excédents de demande, des tensions

inflationnistes dont la durée fait courir le risque qu’elles deviennent cumulatives en

raisond’unespiraleprix‐salaires.Destauxd’intérêtélevésetunengagementfinancier

court favorisent des investissements courts auxquels sont associées des tensions

inflationnistesmodéréespeususceptiblesd’êtrecumulatives.

Enfait, leschosespeuventêtrepluscompliquées.Ilpeutarriverquedestauxd’intérêt

basaillentdepairavecunengagement financiercourtetvice‐versa.Celasignifiequ’il

faut dissocier les effets de variations des taux d’intérêt de ceux produits par des

variations des moyens de financement disponibles. Cela ne signifie pas qu’il faille

privilégier l’existence d’une contrainte d’encaisses nominales au demeurant

improbable24, mais qu’il convient de prendre en considération les conditions de

l’allocation inter‐temporelledesmoyensde financementou, plus exactement, la façon

dontjouelacontraintedefinancementaucoursdutemps.25

Sans doute, suivant cette perspective, il n’y a pas deplace pour la préférencepour la

liquiditéentenduecommeétantlechoixdedétenirdelamonnaieplutôtquedestitres,

autrementditcommeunethésaurisation.Letauxd’intérêtn’estpaslesimplefruitdecet

arbitrage,maisrenvoieauxconditionsdefinancement.Enfait,ilimportedereconnaître

que la préférence pour la liquidité procède, non d’un choix ponctuel entre actifs

substituables, mais d’un choix séquentiel consistant, dans un contexte d’information

incomplète, à préserver la gammede choix futurs la plus large possible alors que les

décisionsd’investissementenactifsréelssontirréversibles(Hicks1974).Cetteliquidité

est la propriété d’actifs financiers qui ne sont ni des actifs circulants ni des actifs

spéculatifs, mais sont des actifs de réserve mobilisables pour réaliser les

investissements en actifs réels au moment opportun et dans le montant voulu, qu’il

s’agisse d’actifs liquides ou d’une capacité assurée d’emprunt. Une entreprise sera

d’autantplusliquidequ’elledétientunecapacitéd’empruntetlabanquepourraaffecter

l’investissement bien plus par ce canal qu’en faisant varier son taux d’intérêt. Il n’y a

guère, en l’occurrence, de différence entre une économie de crédit (ou économie à

découverts) et une économie demarchés financiers (ou économie de fonds propres)

24Cequefont,malencontreusement,certainsmodèlestelsqueceluideClower(1967)conduisantàfairedel’échangemonétairelacausededéfautsdecoordination,lesquelsn’existentpas,parhypothèse,encasdetrocparfait.25VoirsurcepointAmendola(1991),AmendolaetGaffard(1998).Pollin(2000,2005)

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puisque ce qui est déterminant endernier ressort c’est la capacité des entreprises de

drainerdesfondspourrépondreaubesoind’investir,quecesoitparémissiond’actions

ouparempruntauprèsdesbanques.26

L’interactionainsianalyséeentrephénomènesréelsetmonétaires,entreactifsréelset

financiers ne peut que conduire à remettre en cause l’un des piliers de l’analyse de

Wicksellàsavoirl’existenced’untauxd’intérêtnaturel,autrementditd’untauxdeprofit

qui serait indépendantdes comportementsmonétaires et financiers, existencedont le

corollaireest,évidemment,l’existenced’unéquilibrestrictementréeldelonguepériode.

C’est ce qu’a fait Keynes si l’on en croit Hicks. «Ce qui doit être comparé au taux

d’intérêt du marché ce n’est pas le taux d’intérêt réel de Wicksell, mais l’Efficacité

MarginaleduCapital,influencéenonseulementparlesfacteursréelsdeWicksell,mais

aussipar les anticipationsdeprix et,même,plus généralement, par l’étatd’espritdes

entrepreneurs» (Hicks 1977 p. 66). Hicks retrace, pour sa part, ce que peut être le

fonctionnementd’uneéconomieendéséquilibrecaractériséepardesvariationsdesprix

desbienscapitauxetdesbiensdeconsommation,desvariationsdessalairesnominaux

et l’interaction entre le taux d’intérêtmonétaire et ce qu’il dénommeun pseudo taux

naturelquiestlui‐mêmeunevariablemonétaireetdépenddesanticipations(ibid.).27

Laquestiondesmouvementsdeprix et de salaires, absentede l’analyse keynésienne,

revientainsisurledevantdelascène.Mais,alorsquedanslaperspectivemonétariste

repriseparlesnouveauxclassiques,prixetsalairesdoiventêtreflexibles,l’opportunité

deleurrelativerigiditéliéeaumodedefonctionnementdesmarchésretrouveunsens.

«Cette ‘rigidité’ n’est pas une question d’illusion monétaire, c’est une question de

continuité»(Hicks1974p.108).Desprixetsalairesexcessivementflexiblesnepeuvent

qu’entamer la crédibilité du calcul économique, réduire l’horizon temporel des

entreprisesetengendrerunprocessuscumulatif.

26IlrevientàGoodhart(1984)etàMoore(1988)citésparLavoie(1992)demontrerquelesdeuxtypesd’économieintroduitsparHicks(1974)nesecomportentpasdifféremmentsignifiantquelesanalysesdeLe Bourva ont une portée théorique générale et ne sont pas cantonnés à une situation institutionnelleparticulière.27LeBourvas’estsouventouvertdelanécessitéd’abandonnerl’idéed’untauxdeprofitquiseraituntauxintrinsèque de rentabilité du capital, en fait le taux d’intérêt naturel de Wicksell, distinct du tauxmonétaire,impliquantderenouvelerlathéoriedelarépartitionensuivantlespasdeJoanRobinsonetdeproposeruneexplicationdutauxdeprofitqui le feraitdépendreenpartiedutauxd’intérêtfixépar lesbanques,autrementditd’unevariablemonétaire.

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Pourquel’inflationsoitmodéréeetnoncumulative,lesagentsprivésdoiventavoirdes

anticipations inélastiques qui proviennent de leur capacité cognitive à déterminer les

véritablescausesdel’inflationetdelacapacitédesautoritésmonétairesàêtreenphase

avec les besoins de l’économie. Bien que réagissant aux déséquilibres demarché, les

entreprisesdéterminentlesprixenseprojetantdanslefutur.Unerelativerigiditédans

la formation des prix est susceptible de permettre que les anticipations soient

inélastiques au lieu de constituer la source d’un biais inflationniste. Porteuse de

modération des tensions inflationnistes, elle est garante d’une capacité de croissance

relativement équilibrée de l’économie dans le futur. La justification rationnelle en est

quelesdéséquilibrescourantsdemarchénecommuniquentpaslesbonssignauxetqu’il

est de ce fait préférabled’attendrededisposerdeplusd'information avantd'engager

des changements de prix qui auront des effets sur l'investissement et les coûts. Les

rigiditésnominales,loindeconstituerl’originedesdéséquilibres,constituentunmoyen

de prévenir que ces déséquilibres soient cumulatifs. En effet, le signe des demandes

excédentaires effectives peut différer de celui des demandes notionnelles

(walrasiennes) (Leijonhufvud1992/2000p. 46). Les variations de prix ou de salaires

qui en résultentn’irontpasnécessairementdans lebonsenset leseffets serontalors

d’autantplusdommageablesquecesvariationsserontplusfortes.Ilyabeletbien,dans

cecontexte,uncoûtdechangementdeprix.C’est lecoûtencourudufaitdevariations

inappropriéesdesprixquienjustifierationnellementlarigidité.28

Il revient aux autorités financières de permettre aux entreprises de contenir les

déséquilibresauxquelsilauraitétéerronéderépondrepardesvariationsexcessivesdes

prix. Ne pas réagir brutalement à des tensions finalement modérées sur les prix qui

résulteraientdedépensesd’investissementdestinéesàpallierl’insuffisancedecapacité

fait partie de la solution. De même qu’en font partie les mesures qui favorisent le

28Aceproposundébatquipeutsemblerirréalisteaprisplacequiopposentceuxquifontdesprixfixeslacause des tendances inflationnistes et ceux qui, au contraire, dénoncent les effets d’une trop grandeflexibilité.Suivant lespremiers,desprixparfaitement flexiblessontassociésàuntauxd’inflationstablelui‐même déterminé par la quantité demonnaie en circulation. Ces prix parfaitement flexibles ne sontjamaisexcessivementvolatilespourlaraisonqu’ilexisteunespéculationnécessairementstabilisante(onachète bas et vend haut) et parce que les données fondamentales changent lentement. Ils évoluent aumêmerythmequel’indicepuisqu’iln’yaaucunefriction.Lavariabilitédutauxd’inflation,préjudiciableàl’allocation des ressources, est alors le fruit de rigidités ou de viscosités qui sont responsablesd’ajustements intermittentsetspasmodiques.(Woodford2003).Suivant lesseconds,desprix visqueuxconstituent un ancrage qui aide à stabiliser l’économie alors que des prix excessivement flexibles eterratiques font que la stabilité inter‐temporelle est détruite, créant possiblement les conditions d’uneforteinflationquivadepairavecdesdestructionsinappropriéesdecapacité,ladisparitiondesmarchésinter‐temporelsetleraccourcissementdel’horizontemporeldesagents(HeymannetLeijonhufvud1996)

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déploiement d’un capital patient, qu’il s’agisse de l’organisation des relations entre

banques et entreprises non financières ou des conditions de gouvernance de ces

entreprises.

Quandlesconditionsd’uneadaptationréussieàunenouvelledonneprévalent,enpartie

enraisondel’actiondesautoritésfinancières,l’inflationnesedéveloppepascommeune

promenade aléatoire et les changements courants ne sont pas extrapolés. Les

anticipationsdeprixsonteffectivementinélastiques.L’inflationdoitcréerlesconditions

desaproprelimitation.Encontribuantàéviterdesfluctuationsinappropriéesdesprix

etde l’investissement, lapolitiquedes autorités financièresest, alors, temporellement

cohérente.

5.Conclusion

L’analyse,dontlestravauxdeLeBourvafournissentlalignedirectrice,vérifiel’intuition

selonlaquelle«iln’estpassagedecontinueràlamanièredessuccesseursdeWicksell

(Lindahl et Myrdal) de convertir le modèle de Wicksell en un modèle sophistiqué

d’équilibre dans le temps, l’investissement courant dépendant des anticipations et

l’équilibre étant la condition dans laquelle les anticipations ne sont pas désavouées»

(Hicks 1977 p. 66). Le contraste est total avec l’analyse moderne qui se réclame de

Wicksellmais pour conclure que la politiquemonétaire doit amener le taux d’intérêt

monétaireauniveaudutauxnaturel,maisaussisegarderd’agirsurlesfluxdecréditet

d’affecter ainsi l’allocation des ressources, laquelle doit relever des variations de prix

aussiflexiblesquepossible(Woodford2002,2003).

Aussi est‐il question ici rien moins que de reprendre un filiation interrompue et de

proposerunrenversementpointparpointd’unethéoriemonétaireetd’unethéoriede

l’inflation issues du monétarisme non sans conseiller à ceux qui s’engageraient dans

cettevoied’éviter toutenfermementdansunechapelleetdeméditercettecitationde

SpinozarepriseàsoncompteparLeBourva(2000):«nepasrailler,nepaspleurer,ne

pasdétester,maiscomprendre».

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Documents De travail GreDeG parus en 2018GREDEG Working Papers Released in 2018

2018-01 Lionel Nesta, Elena Verdolini & Francesco Vona Threshold Policy Effects and Directed Technical Change in Energy Innovation 2018-02 Michela Chessa & Patrick Loiseau Incentivizing Efficiency in Local Public Good Games and Applications to the Quantification of Personal Data in Networks2018-03 Jean-Luc Gaffard Monnaie, crédit et inflation : l’analyse de Le Bourva revisitée