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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’ingénieur, Lille 2004 (28 - 30 juin) 293 MODELISATION NUMERIQUE DU RECUL DE FALAISES ARGILEUSES NUMERICAL MODELING OF CLAY CLIFFS RETREAT Arnoult CUVILLIER 1 , H. MROUEH 2 et F. VAN LAETHEM 3 1 CETE NORD PICARDIE, Division Infrastructures, 59000 Lille, France 2 LML (UMR 8107), Polytech’Lille, USTL, 59650 Villeneuve d’Ascq, France 3 LRPC, Division Sciences de la Terre, 59482 Haubourdin, France RÉSUMÉ – Cette communication s’intéresse au recul des falaises argileuses du littoral Nord Pas de Calais. Le problème de stabilité de ces falaises est un phénomène difficile à appréhender car à caractère soudain et non prévisible. Ce problème engendre des enjeux économiques importants et dans ce cadre, nous présentons deux méthodes de calculs originales respectivement fondées sur une approche purement géométrique et sur une approche numérique évolutive. Une confrontation de ces deux méthodes montre tout l’intérêt de la méthode numérique pour des configurations complexes de falaises. 1. Introduction Le recul des falaises littorales est un phénomène naturel qui s’effectue essentiellement sous l’effet des agents continentaux externes (pluie, vent et gel) ou internes (nappes souterraines). La mer n’intervient que pour enlever les éboulis. Sans cette dernière, les éboulis (et matériaux glissés ou coulés) tendraient progressivement à diminuer la pente et à constituer une butée de pied et cette évolution aboutirait finalement à stabiliser la pente (Van Laethem, 2002). L’étude de ce phénomène constitue une problématique cruciale qui s’inscrit dans le cadre des politiques de prévention des risques naturels et de développement durable en raison du danger qu’il représente pour la sécurité des biens et des personnes (habitations, voiries, promeneurs…). La disposition constructive classique permettant de limiter le recul des falaises consiste à protéger leur pied par une digue en enrochements. Cependant, la difficulté réside dans l’estimation de la pente d’équilibre de la falaise puisque cette dernière dépend de nombreux paramètres comme les structures géologiques complexes et difficiles à caractériser du point de vue mécanique, le volume d’éboulis en pied, l’altération des matériaux, … En outre, cette pente d’équilibre ne peut être évaluée par un unique calcul classique de stabilité de pente, mais elle nécessite la prise en compte de l’évolution géométrique du profil de la falaise au cours du calcul. Dans cette communication, qui s’intéresse au cas particulier des falaises argileuses du littoral de la région Nord-Pas-de-Calais en France, nous présentons deux méthodes différentes pour l’estimation de la pente d’équilibre avec prise en compte des éboulements (variation du profil de la falaise et du cône d’éboulis). La première méthode, qui peut être qualifiée de « méthode géométrique d’observation», est fondée sur l’expérience locale. Elle consiste à mesurer in situ et à extrapoler les paramètres géométriques de profils stabilisés sur des sites proches où les contextes géologiques sont analogues et où le pied de la falaise est protégé. La seconde méthode est une approche numérique, basée sur la méthode des éléments finis, dans laquelle on prend en compte l’évolution du profil de la falaise et du cône d’éboulis en pied. Une confrontation de ces deux méthodes est proposée sur un exemple théorique de falaise instable.

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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’ingénieur, Lille 2004 (28 - 30 juin)

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MODELISATION NUMERIQUE DU RECUL DE FALAISES ARGILEU SES

NUMERICAL MODELING OF CLAY CLIFFS RETREAT Arnoult CUVILLIER1, H. MROUEH2 et F. VAN LAETHEM3 1 CETE NORD PICARDIE, Division Infrastructures, 59000 Lille, France 2 LML (UMR 8107), Polytech’Lille, USTL, 59650 Villeneuve d’Ascq, France 3 LRPC, Division Sciences de la Terre, 59482 Haubourdin, France

RÉSUMÉ – Cette communication s’intéresse au recul des falaises argileuses du littoral Nord Pas de Calais. Le problème de stabilité de ces falaises est un phénomène difficile à appréhender car à caractère soudain et non prévisible. Ce problème engendre des enjeux économiques importants et dans ce cadre, nous présentons deux méthodes de calculs originales respectivement fondées sur une approche purement géométrique et sur une approche numérique évolutive. Une confrontation de ces deux méthodes montre tout l’intérêt de la méthode numérique pour des configurations complexes de falaises. 1. Introduction

Le recul des falaises littorales est un phénomène naturel qui s’effectue essentiellement sous l’effet des agents continentaux externes (pluie, vent et gel) ou internes (nappes souterraines). La mer n’intervient que pour enlever les éboulis. Sans cette dernière, les éboulis (et matériaux glissés ou coulés) tendraient progressivement à diminuer la pente et à constituer une butée de pied et cette évolution aboutirait finalement à stabiliser la pente (Van Laethem, 2002).

L’étude de ce phénomène constitue une problématique cruciale qui s’inscrit dans le cadre des politiques de prévention des risques naturels et de développement durable en raison du danger qu’il représente pour la sécurité des biens et des personnes (habitations, voiries, promeneurs…).

La disposition constructive classique permettant de limiter le recul des falaises consiste à protéger leur pied par une digue en enrochements. Cependant, la difficulté réside dans l’estimation de la pente d’équilibre de la falaise puisque cette dernière dépend de nombreux paramètres comme les structures géologiques complexes et difficiles à caractériser du point de vue mécanique, le volume d’éboulis en pied, l’altération des matériaux, … En outre, cette pente d’équilibre ne peut être évaluée par un unique calcul classique de stabilité de pente, mais elle nécessite la prise en compte de l’évolution géométrique du profil de la falaise au cours du calcul.

Dans cette communication, qui s’intéresse au cas particulier des falaises argileuses du littoral de la région Nord-Pas-de-Calais en France, nous présentons deux méthodes différentes pour l’estimation de la pente d’équilibre avec prise en compte des éboulements (variation du profil de la falaise et du cône d’éboulis). La première méthode, qui peut être qualifiée de « méthode géométrique d’observation», est fondée sur l’expérience locale. Elle consiste à mesurer in situ et à extrapoler les paramètres géométriques de profils stabilisés sur des sites proches où les contextes géologiques sont analogues et où le pied de la falaise est protégé. La seconde méthode est une approche numérique, basée sur la méthode des éléments finis, dans laquelle on prend en compte l’évolution du profil de la falaise et du cône d’éboulis en pied. Une confrontation de ces deux méthodes est proposée sur un exemple théorique de falaise instable.

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2. Problématique

2.1 Contexte général

La géomorphologie des falaises et les mesures de leur recul sont confrontées en permanence aux choix et aux pratiques de gestion afin d’en discuter la validité, l’efficacité, la pertinence et les effets.

L’étude de cas concrets révèle un aveuglement défensif étonnant appuyé sur le présupposé fermement ancré d’un recul rapide et menaçant et sur les garanties offertes par les travaux de génie civil pour le stopper. Il apparaît que le recul des falaises est mal apprécié, mal connu voire inconnu et la menace qu’il est réputé engendrer, fictive le plus souvent. Pire : valeur du recul et intensité de la menace ne suscitent paradoxalement que bien peu d’intérêt. L’une et l’autre sont absents des débats et des investigations, omises, exclues par un implacable réflexe défensif. Rapidité du premier, acuité de la seconde et nécessité de contrer l’évolution naturelle sont pris pour acquis d’emblée d’une façon péremptoire et entendue. Partout. Sans se poser de question. Quelle que soit la vitesse effective du recul et l’ampleur réelle du danger encouru ! Quel que soit le contexte géomorphologique ! Le manque de discernement face au fait de la nature n’est pas seulement patent : il est systématique. C’est ce que révèle l’analyse des cas d’espèces (V.ALBINET, 2000).

Il est à l’origine de la réponse indifférenciée apportée au recul des falaises. Le recours aux travaux de génie civil pour faire face à ce dernier (digues en enrochements, murs de mer, travaux de terrassement, murs de soutènement, drainage…) est général et est admis implicitement par chacun comme solution « évidente » au point que toute recherche d’alternative est inhibée.

L’enjeu aujourd’hui en matière de gestion du recul côtier est de parvenir à aiguiller les esprits vers les questions essentielles : faut-il défendre ? Est-ce vraiment nécessaire partout ? Ne pourrait-on éviter d’être réduit à cette extrémité par un aménagement préalable adéquat du territoire littoral ? Cet ensemble de questions est éludé sans cesse par l’obstination prégnante à se demander comment stopper un recul jugé a priori préjudiciable.

Pour répondre à cet enjeu de développement durable, le législateur français a mis en place un instrument privilégié pour analyser les risques sur un territoire donné et les prendre compte dans l’aménagement et la gestion de ce dernier : « le Plan de Prévention des Risques » (P.P.R.). En outre, ce document réglementaire établit une prévision du recul futur de la falaise à 100 ans (identification de l’aléa), recense qualitativement les aménagements soumis à l’aléa (identification des enjeux : zones urbanisées, réseaux divers, …) ; délimite le risque avec hiérarchisation de classes de risques en fonction des enjeux concernés et de l’intensité du recul de la falaise et enfin propose une carte réglementaire précisant les zones concernées par le P.P.R. et les mesures s’y appliquant (règles de constructibilité, …).

2.2 Contexte du site de Wimereux La commune de Wimereux, située sur le littoral du Département du Pas-de-Calais, n’échappe pas à ce phénomène. Elle est, en effet, confrontée au recul de sa falaise, constituée d’argiles, de grès et de calcaires du Portlandien moyen, qui devient critique pour plusieurs habitations. Dans ce cadre, elle a fait l’objet d’un P.P.R. fixant un recul prévisionnel à 100 ans établi selon la démarche classique d’élaboration d’un P.P.R., à savoir en établissant une cartographie informative du recul passé (à partir de documents historiques, de comparaison cadastrale ; de photographies aériennes, …) et en extrapolant ces résultats.

Cependant, les élus et partenaires locaux contestent la valeur du recul prévisionnel à 100 ans du P.P.R., qui remet en question la faisabilité et la rentabilité socio-économique d’un projet de renforcement de la falaise en raison de son coût substantiellement supérieur à celui des enjeux menacés (habitations, biens publics, …). D’ailleurs, la commune de Wimereux a engagé une contre étude, en missionnant un bureau d’études, qui a trouvé une bande de recul à 100

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ans, se situant bien plus à l’intérieur des terres que celle du P.P.R. et justifiant dès lors la rentabilité socio-économique du projet de consolidation de la falaise.

Dans ce contexte l’analyse de la pente d’équilibre de la falaise renforcée en pied (par une digue en enrochements) est donc un enjeu majeur et justifie une étude approfondie. Dans ce cadre, nous présentons dans la suite deux méthodes de calculs originales respectivement fondées sur une approche purement géométrique et sur une approche numérique évolutive. 3. Présentation de la méthode dite « méthode géomét rique d’observation »

Les méthode de calculs classiques de stabilité des pentes (Fellenius, Bishop, Perturbations, …) permettent difficilement d’appréhender les structures complexes intégrant des niveaux de caractéristiques mécaniques contrastées (parfois plus proches de roches que de sols), la multiplication des niveaux aquifères perchés (localisés ici dans les bancs durs), ou encore l’aspect temporel de l’évolution (court moyen ou long terme). La présente méthode a donc été établie à partir d’observation et d’extrapolation de paramètres géométriques mesurés directement in situ, d’une part sur des sites proches où les caractéristiques des matériaux sont analogues et où le pied de falaise est protégé, et d’autre part sur le site sur des matériaux glissés et éboulés. 3.1 Présentation des observations in-situ Les résultats obtenus à partir de profils lissés des falaises proches (source BD topo), de mesures in-situ sur ces mêmes falaises et de profils levés aux clinomètres et au pentadécamètre sur le site de Wimereux montrent d’une manière générale, des profils type concave avec une pente lissée tendant vers 24° et u ne pente des éboulis de l’ordre de 17° (Cuvillier et Van Laethem, 2003).

En ce qui concerne le facteur temps, aucun élément ne permet de l’évaluer puisque, dans les exemples de falaises mortes dont on dispose, la période qui a aboutit au profil actuel dépasse le siècle. 3.2 Présentation de la méthode de calcul Dans la méthode envisagée et présentée en figure 1, la pente ultime est une inconnue du problème à étudier. On la trouve en écrivant que le volume susceptible de glisser, multiplié par le coefficient de foisonnement, est égal au volume d’éboulis en pied, sachant que le profil final de la falaise est identique au profil lissé des falaises proches. On détermine ensuite la largeur d’éboulis en pied et le recul du sommet de la falaise.

Pente ultime

Digue

Eboulis provenant de la zone instable

(Pente 17 °)

Pente globale 24 °

Figure 1 : Profil lissé de falaise retenu pour la définition de la méthode géométrique d’observation

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3.3. Résultats

Ce paragraphe est consacré à l’application de la méthode décrite au paragraphe précédent au cas d’un profil théorique représenté par une tranche verticale. Pour cela, nous retenons les données suivantes :

• Hauteur de la tranche verticale : 22m • Coefficient de foisonnement : 20 % (valeur usuelle). Cela signifie que le volume d’éboulis

déposé en pied de talus est 20% supérieur au volume des matériaux contenu dans la zone instable.

A l’issue des calculs, nous obtenons une pente ultime à 53,3°, un recul de la corniche par

rapport à sa position initiale (sommet de la falaise) de R = 16,4m et une largeur des éboulis en pied (sur la plate-forme) de L = 33 m.

Ces résultats mettent en évidence un recul de la falaise inférieur à la valeur du dénivelé, mais une importante largeur des éboulis en pied, nécessitant ainsi une largeur de plate-forme très importante qui n’est pas nécessairement justifié du point de vue économique (dépendance vis-à-vis des enjeux situés en sommet de falaise). Cette remarque permet d’entrevoir les limites de la méthode proposée puisqu’elle n’est plus applicable dans les cas où le volume d’éboulis se déposant « naturellement » en pied de falaise serait réduit (pour des raisons économiques ou de sécurité des personnes). En fait, elle est exclusivement applicable aux cas (très nombreux) où le volume « naturel » d’éboulis en pied n’est pas modifié.

Digue

H = 22 m

Figure 2. Géométrie du profil initial de la falaise

Pente ultime : 36,7°

L = 33 m

17°

R = 16,4 m

24°

Figure 3. Géométrie du profil final de la falaise

53.3°

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4. Approche numérique par éléments finis

4.1 Principe de la méthode numérique évolutive

L’approche numérique du problème de recul de falaise argileuse avec évolution de la géométrie de talus est basée sur la méthode des éléments finis. L’avantage de la méthode sur ce type de problème réside principalement dans le fait qu’elle permet la prise en compte de l’évolution de la géométrie et du comportement des matériaux au cours des calculs. L’étude de la stabilité des pentes est basée sur la réduction des caractéristiques mécaniques qui est une option disponible dans PLAXIS (1999), appelée ‘Phi-c reduction’ et qui permet de calculer des coefficients de sécurité. Dans l’approche ‘Phi-c reduction’, les caractéristiques angle de frottement ‘tanϕ’ et cohésion ‘c’ du sol sont réduites progressivement jusqu’à l’obtention de la rupture. Le coefficient total ‘ΣMsf’ permet de définir la valeur des caractéristiques du sol à une étape donnée de l’analyse :

réduit

don

réduit

don

tan

tan

c

cMsf

ϕϕ==Σ (1)

où les caractéristiques notées ‘don’ se réfèrent aux propriétés entrées dans les propriétés des matériaux et les caractéristiques notées 'reduit' se reportent aux valeurs réduites utilisées au cours de l’analyse. ΣMsf vaut 1.0 au début d’un calcul pour utiliser des valeurs non réduites des caractéristiques des matériaux. Les caractéristiques sont réduites progressivement jusqu’à l’apparition de la rupture, caractérisé par un coefficient Fs. Le coefficient de sécurité Fs dans les problèmes de géotechnique est basé sur le concept de la mobilisation de contraintes dans le sol :

τ = cm + σ tan φm (2) avec : cm = c / Fs et tan φm = tan φ / Fs

où cm et φm sont respectivement la cohésion mobilisée et l’angle interne de frottement du critère de Mohr-Coulomb. Fs, peut donc caractériser l’équilibre entre les efforts moteurs et les efforts résistants :

• Fs ≥ 1: le talus est stable sachant qu’on recherchera Fs = 1,5 dès que des constructions seront susceptibles d’être concernées par l’instabilité.

• Fs < 1 : il y a rupture. Ceci entraîne de grandes déformations et de ce fait la géométrie

du talus est partiellement changée (à l’endroit de zone de rupture). Il faut alors prendre des hypothèses portant sur les caractéristiques des matériaux glissés et remaniés. Ces caractéristiques seront directement données par les observations sur le site mais aussi sur la nouvelle géométrie du talus.

Dans cette méthode, le facteur de sécurité Fs représente la valeur de ΣMsf à la rupture.

Cette approche ressemble à la méthode de calcul de coefficients de sécurité adoptée conventionnellement dans les analyses de rupture circulaire. Ce mode de recherche a été étudié par JIANG et MAGNAN [1997] et donne de bonnes corrélations avec d’autres méthodes plus classiques comme le calcul par tranches de BISHOP.

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4.2. Modélisation de l’évolution de la stabilité de pentes La modélisation de l’évolution de la stabilité de pentes est réalisée selon le principe montré en figure 4. Elle consiste en une succession de calculs tenant compte de l’évolution de la géométrie au fur et à mesure avec la détermination de la zone d’instabilité :

• Phase (i) : Il consiste à déterminer à un instant (i) la zone d’instabilité pour laquelle le coefficient de sécurité noté Fs (voir définition de Fs) est inférieur à 1.

• Phase (i+1) : La zone instable est « déposée » en pied de talus. L’évolution de la

géométrie est ainsi prise en compte ; les matériaux remaniés ont un coefficient de foisonnement de 20% et une pente d’éboulis de 17° ( suivant les observations faites in situ). Le calcul doit respecter l’évolution des contraintes totales dans les sols. Pour cela, il est nécessaire de prévoir à la phase (i) les zones qui seront actives à la phase (i+1), mais encore désactivées à la phase (i).

L’itération continue tant que Fs reste inférieur à 1.

Figure 4 : Modélisation du l’évolution de la stabilité d’une pente 4.3 Application de la méthode numérique Cette méthode est basée principalement sur deux paramètres qui sont le coefficient de foisonnement et la pente des éboulis. Les paramètres retenus dans notre étude sont ceux constatés in-situ sur les sites des falaises argileuse du littoral NPC décrites dans le paragraphe 3. Pour un site donné, il est donc possible de caler ces paramètres avant d’utiliser la méthode numérique.

Zone à activer

2ème étape : définition de la nouvelle géométrie et des nouvelles zones

3ème étape : Reprise du calcul avec l’option construction par phase pour simuler le dépôt des éboulis

1ère étape : calcul de la stabilité du premier profil

Surface de rupture (calcul PLAXIS)

Profil initial

4ème étape : calcul de la stabilité de ce nouveau profil

Zone activée

Zone désactivée

Nouvelle surface de rupture

Nouvelle zone volume V2 = 1,2*V1

Zone instable de volume V1

Pente 17°

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4.3.1. Géométrie retenue On propose d’étudier la stabilité d’une falaise de 22m de hauteur, constituée par sol homogène de nature argileuse, caractérisé par un angle de frottement de 30° et une cohésion de 38 kPa (figure 5). Le modèle de Mohr-Coulomb est retenu pour décrire le comportement du terrain. On suppose que le pied de falaise est protégé par une digue, ce qui permet de stabiliser les éboulis.

Cet exemple est analogue à celui présenté dans le paragraphe 3.3, dans la mesure où la hauteur de falaise instable est identique, mais la pente initiale de la falaise n’est pas verticale (légèrement inclinée de 15° par rapport à la vertic ale) afin de pouvoir assurer la convergence du calcul de la phase de détermination des contraintes initiales dans le terrain (réalisé par construction par phases du talus).

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50.000

Figure 5 : Modèle éléments finis retenu 4.3.2. Résultats du calcul évolutif par éléments finis La première phase du calcul après génération des contraintes initiales consiste à exécuter la procédure ‘phi-c reduction’ pour étudier la stabilité de la pente. Le coefficient de sécurité obtenu vaut 0,986. La figure 6a montre les mouvements de terrain après analyse de la stabilité. On peut constater que la zone instable est décrite par une surface circulaire qui a son centre au point de coordonnées (50 ; 59) et un rayon de 31m. L’échelle des déplacements n’a pas d’intérêt, dans la mesure où la zone est en rupture. En prenant pour hypothèse que toute la zone de grand déplacement est déposée en pied de falaise, on estime donc le volume de terrain en déplacement et donc le volume des éboulis. En respectant une pente des éboulis à 17°, on arrive donc à définir la géométrie de zone déposée en pied de talus. Cette zone est redéfinie dans la phase initiale et désactivée (en pointillé figure 5), puis le calcul est repris à la phase initiale. A l’issue de la première phase, on active la zone des éboulis et on vérifie à nouveau le facteur de stabilité de la nouvelle pente (figure 6b). Le nouveau facteur de sécurité calculé est de 2,74. Nous obtenons une pente ultime à 54.0°, un recul de la corniche par rapport à sa position initiale (sommet de la falaise) de LR = 11 m et une largeur des éboulis en pied (sur la plate-forme) de 30 m. La pente globale de la falaise est quant à elle égale à 25°.

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4.3.3. Confrontation des deux méthodes de calcul La comparaison de ces résultats avec ceux de la méthode géométrique d’observation montre des résultats en très bon accord. En effet, la pente globale obtenue par éléments finis est quasi-identique avec celle de la méthode géométrique d’observation. De plus, la largeur des éboulis en pied est également quasi-identique dans les deux méthodes (33m pour la première et 30m pour la méthode numérique). Le recul de falaise par la méthode numérique, si celui-ci est mesuré à partir du pied de la falaise (configuration identique au calcul réalisé avec la méthode observationnelle), est égal à 16m, proche donc de la valeur estimée par la méthode observationnelle (16,4m).

0.000 10.000 20.000 30.000 40.000 50.000 60.000 70.000 80.000 90.000

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40.000

50.000

Figure 6 : Résultats des calculs par éléments finis – Calcul de la stabilité des pentes (a) 1ère phase Fs = 0,986 (b) 2ème phase : Fs = 2,74

(b)

(a)

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5. Conclusion Dans cet article, nous avons mis en évidence l’atout majeur de la méthode géométrique d’observation lié au fait qu’elle a été « calée » à l’aide d’observations in situ et permet de rendre compte très rapidement d’un phénomène complexe. Cependant, elle est limitée aux cas où le volume d’éboulis se déposant « naturellement » en pied de falaise n’est pas modifié. En outre, elle ne permet pas d’analyser les situations où l’on réduit volontairement la géométrie du cône d’éboulis pour des raisons économiques (limitation de la largeur de plate-forme) ou de sécurité des personnes (digue dédiée à la promenade).

A ce stade, la méthode numérique dispose d’un avantage majeur, puisqu’elle permet d’envisager des géométries et situations très variées. Cependant, la complexité du contexte géologique rend très difficile la définition des paramètres mécaniques du modèle numérique. En perspective, on pourra donc mettre au point une approche combinant les deux méthodes présentées dans cette communication. D’abord, la méthode géométrique d’observation fondée sur l’observation permettra de caler les paramètres mécaniques du modèle numérique en analysant le cas d’une plate-forme de grande largeur (permettant le dépôt du volume « naturel » d’éboulis). Ensuite, une fois construit et calé, le modèle numérique permettra de réaliser une analyse paramétrique approfondie permettant d’étudier l’influence de nombreux paramètres comme : la présence de surcharge en sommet de falaise (habitations), la largeur de plate-forme, la géométrie du cône d’éboulis, etc. 6. Références bibliographiques Albinet V. (2000) « Géomorphologie et gestion des falaises sur les côtes françaises de

l’Atlantique et de la Manche » - thèse de doctorat d’Université soutenue à Lyon. Cuvillier A. et Van Laethem F. (2003) « Wimereux nord ; plate-forme de pied de falaise ; recueil

des éboulis et recul de la corniche » - Rapport CETE de l’affaire N°02.40.10223. Jiang G.L., Magnan J.P. (1997) « Stability analysis of embankments : comparison of limit

analysis with methods of slices » - Géotechnique, Vol. 47, n° 4, 1997, p. 857-872. PLAXIS (1999) « Finite Element Code for Soil and Rock Analyses » – manuel de référence,

version 7. Van Laethem F. (2002) « Prévention des risques naturels. Cas particulier de l’évolution du

littoral, site du cap Blanc-Nez » - Géologues n°133 -134

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