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“ Les pactes d’actionnaires, l’action de concert et la stratégie des groupes, ce n’est pas un sujet, c’est un océan. S’il s’agit de l’Atlantique, le sujet ce pourrait être non pas le Cap Vert, non pas l’une des îles du Cap Vert, mais l’une des plages de l’une de ces îles... ” Charles GOYET Professeur à l’université Robert Schuman (Strasbourg III)

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“ Les pactes d’actionnaires, l’action de concert et la stratégie des groupes, ce n’est pas un sujet, c’est un océan. S’il s’agit de l’Atlantique, le sujet ce pourrait être non pas le Cap Vert, non pas l’une des îles du Cap Vert, mais l’une des plages de l’une de ces îles... ” Charles GOYET Professeur à l’université Robert Schuman

(Strasbourg III)

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SOMMAIRE Première partie: LE PACTE D’ACTIONNAIRES, UN INSTRUMENT STRUCTURANT POUR LE GROUPE. Titre 1: Pacte d’actionnaires et création d’un groupe Chapitre 1: la conclusion d’un pacte d’actionnaires suffit-elle à constituer un groupe ? Chapitre 2: cristallisation du pacte d’actionnaires dans une structure Titre 2: Pactes d’actionnaires et maintien du groupe. Chapitre 1: Gestion de l’actionnariat. Chapitre 2: Gestion du pouvoir. Seconde partie: L’ACTION DE CONCERT, UNE LIMITE A LA VISEE STRATEGIQUE DU GROUPE. Titre 1: Une nouvelle conception de l’action de concert, notion reliée à l’intérêt commun. Chapitre 1: Le concert de fait : Le pacte d'actionnaires. Chapitre 2: Le concert de droit : Les présomptions légales. Titre 2: détection et effets de l’action de concert au sein d’un groupe. Chapitre 1: Application du principe de transparence.

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Chapitre 2: Application du principe d’égalité.

PRINCIPALES ABREVIATIONS

§ paragraphe

al alinéa

art article

Bull. Bulletin mensuel Joly de droit des sociétés

CA cour d'appel

Cass. Com arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation

CBV Conseil des bourses de valeur

chr. chronique

CMF Conseil des marchés financiers

COB Commission des opération de bourse

coll° collection

D. Receuil Dalloz

D.aff. Revue Dalloz affaire

éd° édition

EFE Edition Formation Entreprise

fasc. fascicule

Gaz.Pal Gazette du Palais (revue)

in dans

in fine à la fin

JCP éd° G Jurisclasseur périodique (la semaine juridique) édition générale

JCP éd° E Jurisclasseur périodique (la semaine juridique) édition entreprise

L loi

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

n° numéro

obs observation

OPA offre publique d'achat

OPE offre publique d'échange

OPR offre publique de retrait

4

p. page

P.A. Les petites affiches (revue)

PUF Presse universitaire de France

R.D.B Revue de droit bancaire

Rev.soc Revue des sociétés

RJcom. Revue de jurisprudence commerciale

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RTDcom. Revue trimestrielle de droit commerciale

RTDeur. Revue trimestrielle de droit européen

s suivant

SA société anonyme

T.com tribunal de commerce

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INTRODUCTION ................................................................................................................................................. Les groupes de sociétés font aujourd’hui partie intégrante de notre paysage commercial. Petit ou grands, ils sont devenus un mode banal d’organisation des relations entre sociétés1. Tout a commencé avec un arrêt de la chambre des requêtes du 10 déc. 18782 qui déclare “ Aucun texte de loi, aucun principe de droit n’interdit aux sociétés...d’entrer comme associé dans d’autres sociétés du même genre ”3. Cette affirmation laisse la doctrine de l’époque perplexe4, mais un demi siècle plus tard le terme de “ société de sociétés ” devient courant5 et la pratique des groupes se développe sous le regard d’observateurs successifs6. Aujourd’hui, le capitalisme des pays les plus industrialisés s’honore de l’existence de groupes puissants. La fin du XXème siècle et le début du XXIème ont connu un contexte économique et financier porteur qui nous a permis d’observer un retour aux grandes manœuvres industrielles qui entraînent acquisition, fusions, restructurations, concentrations7. Tous les secteurs de notre économie ont observé de grands regroupements. Dans le secteur bancaire on pense au rapprochement des sociétés B.N.P., Paribas et Société Générale, au niveau pétrolier il faut rappeler le rapprochement entre Total-Fina et Elf. Mais l’audiovisuel et la grande distribution ont également connu leur lot de concentrations avec le rapprochement de Vivendi, Seagram et Canal+ ou le regroupement de Carrefour et Promodès. Mais si les groupes à taille mondiale retiennent l’attention par leur gigantisme c’est bien l’adaptation de cette structure à une échelle plus limitée qui a fait explosé le nombre de groupes en France8. Les avantages qu’offre cette structure sont importants ce qui explique qu’elle ne séduit plus aujourd’hui que les grandes sociétés cotées, mais que le groupe trouve une utilisation dans le cadre des P.M.E. Le groupe est un multiplicateur de force comme le dit J. Bussy. Il permet de mieux servir une activité en apportant une assise financière plus confortable, en permettant un partage des coûts et des risques. Il est au service d’une logique offensive de

1E. Vergeau, N. Chabanas “ Le nombre de groupes d’entreprise a explosé en 15 ans ” INSEE nov.97, n°553. Entre 1980 et fin 1995, le nombre de groupes d’entreprises est passé de 1300 à 6700. 2Beudant, DP 1879.1.5. 3D. Paul “ Droit commercial : les marchés financiers, les groupes de sociétés ” PUF 1993, p.315. 4Beudant dans sa note observe que “ la question est absolument neuve en jurisprudence: aucun auteur ne l’a prévue ”. 5Henry “ les sociétés de sociétés ” JS 1919, p.61. Demontès “ les sociétés de sociétés ” Rev. leg. et juris. 1928, p.37. 6A. Percerou “ Lois actuelles et projets récents en matière de sociétés par actions ” thèse Paris 1933. Vanhaecke “ Les groupes de sociétés ” LGDJ 1959. Champeau “ Le pouvoir de concentration de sociétés par actions ” Sirey 1962. 7J. Bussy “ Droit des affaires ” presse de scinces politique et Dalloz collection amphithéatre 1998, p.237. 8E. Vergeau, N. Chabanas “ Groupes d’entreprise en France: contour et évolution ” problèmes économiques n°2551, 14 jan. 1998. Les micro groupes de moins de 500 salariés étaient 600 en 1980, 1200 en 1989 et plus de 5000 en 1995.

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conquête de part de marchés, de développement des réseaux de vente. C’est un moyen de franchir plus facilement les frontières politiques et économiques et les obstacles de la nationalité. Le groupe permet d’atteindre la taille critique sans laquelle une entreprise ne peut pas faire face à la mondialisation, il lui donne la force commerciale et les possibilités de distribution nécessaire à son adaptation. Il est un outil de protection de l’entreprise en facilitant le développement de techniques défensives. Pour Maggy Pariente, le groupe existe et son adaptation au marché mondial n’est plus à démontrer9. Le groupe est donc un instrument d’adaptation de l’entreprise qui est devenu une réalité à part entière. Mais cette réalité, si présente soit elle au niveau économique, ne connaît aucune consécration juridique. Comme le dit C. Hannoun, le mystère qui entoure les groupes de sociétés n’est pas dissipé10. En effet le groupe conjugue l’indépendance juridique avec la dépendance économique11. Ce constat le rend indéfinissable par le droit. Les juristes n’arrivent pas à enserrer ce phénomène multiple dans une notion unique. Tout juste peuvent-ils remarquer que le groupe est un ensemble de sociétés en apparence plus ou moins indépendantes, mais en réalité soumises au contrôle d’une seule société qui en assure la cohérence économique et financière. Ainsi le droit n’intervient que de façon ponctuelle pour encadrer les groupes et sans toujours se fonder sur les même critères12. Aucun régime général n’est établi pour canaliser ces structures. Comme le remarque A. Lyon-Caen, concernant les groupes de sociétés, le paysage juridique évoque le chaos, ce qui justifie l’insatisfaction de ceux qui refuse le désordre13. Mais au delà du malaise des théoriciens qui ne savent comment aborder le groupe pour aboutir à un résultat censé, les praticiens sont à la recherchent de mécanismes pouvant structurer le groupe. Il n’est pas soumis à un régime juridique propre, et celui prévu pour les sociétés indépendantes par la loi du 24 juillet 1966 est trop rigide pour pouvoir s’adapter à une réalité si simple et si complexe à la fois. P. Bissara relève l’inadaptation du droit français aux besoins des sociétés, il énonce que si dans une certaine limite les associés veulent se fonder sur des règles strictes qui donnent une certaine sécurité à toute entreprise ils entendent aussi disposer d’une plus grande initiative et préfèrent souvent les formules contractuelles aux normes prédéfinies. Ce problème se retrouve à l’échelle du groupe. Il a besoin à la fois de sécurité et de flexibilité pour se construire. Comme pour toute entreprise l’exercice d’une activité nécessite la détermination de règles de fonctionnement et la définition d’une stratégie.

9M. Pariente “ Les groupes de sociétés: aspects juridiques, comptable, social, fiscal ” Litec 1993, p.9. 10C. Hannoun “ Le droit et les groupes de sociétés ” LGDJ 1991, introduction. 11R. Contin, H. Hovasse “ L’autonomie patrimoniale des sociétés ” D.1977, chr. p.197. 12Alors que le droit fiscal impose une prise de participation à 95% pour la mise en oeuvre du régime de l’intégration fiscale, le droit comptable lui envisage non seulement le contrôle exclusif mais aussi le contrôle conjoint et l’influence notable. 13A. Lyon-Caen, préface de l’ouvrage de C. Hannoun “ Le droit et les groupes de sociétés ” LGDJ 1991.

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La stratégie peut être envisagée comme l’art de coordonner des actions, de manœuvrer pour atteindre un but14. Or le groupe a besoin d’un instrument structurant lui permettant de coordonner ses actions pour atteindre le but fixé. Pour se faire, ne pouvant se fonder sur une norme juridique, le groupe ne peut recourir qu’à des techniques contractuelles. Les stratégies que l’on peut vouloir mettre en œuvre au niveau du groupe sont indénombrables. Elles peuvent procéder d’un simple besoin d’organisation ou de restructuration au sein du groupe, comme elle peuvent aller jusqu’à la mise en œuvre d’une politique de conquête et de croissance externe. Cela explique l’impossibilité pour le droit de pouvoir corseter la pratique des groupes, certains auteurs plaidant d’ailleurs pour que le législateur leur laisse leur liberté15, mais cela démontre également qu’il faut rechercher un outil très malléable pour servir le groupe. La pratique s’est tournée vers les pactes d'actionnaires. Instrument issu de la pratique, il ne connaît pas réellement de définition. Concept flou jusque dans son nom puisque les termes accords, protocoles, chartes, conventions, consortiums, syndicats, groupements ont été employés pour y faire référence, il recouvre une grande variété de figures contractuelles. Là encore la première expression qui intervient pour qualifier le pacte d'actionnaires est celle de mystère16. Si dans une définition aussi large qu’incomplète, le dictionnaire Capitan y voit toute convention statutaire ou extra-statutaire aux termes de laquelle les associés d’une société s’accordent licitement sur les ventes à venir de leurs titres, soit à des tiers, soit entre eux, par une clause de préemption réciproque, ou sur les modalités de leur vote dans les assemblées générales, la pratique réserve volontiers la dénomination de pacte d'actionnaires aux conventions extra-statutaires entre associés17. La seule certitude est qu’il s’agit d’un accord conclu entre des actionnaires qui veulent par cette convention matérialiser l’expression d’un intense désir d’union et de collaboration sur les thèmes couverts par l’accord. Les actionnaires usent donc du pacte pour regrouper des techniques contractuelles connues afin de réaliser une recette originale correspondant à leurs besoins particuliers. Si les théoriciens sont confrontés, comme pour l’étude du groupe de société, à une intrigue, les praticiens ne sont pas gêner par le flou de la notion. Ils s’accommodent fort bien de cette imprécision qui ne confère que plus d’utilité au pacte. En effet à défaut de pouvoir définir le pacte, il est toutefois possible de le caractériser. Souplesse, originalité, stabilité et confidentialité semble être les signes distinctifs de cette

14Définition issue du dictionnaire Larousse. 15J-J Daigre “ Transformer les sociétés ” Cahiers de droit de l’ent. 18 mai 1995, p.16. Il soutient la nécessité de ne pas défavoriser la respiration des groupes de sociétés. 16A. Viandier, préface de l’ouvrage de S. Prat “ Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Thèse paris V 1991, Litec 1992. 17J-J Daigre, M. Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” GLN Joly éditions 1995 n°3.

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convention. Conclue au gré des actionnaires, elle s’adapte à toutes leurs exigences. Ces pactes permettent aux actionnaires qui le souhaitent de s’unir dans la défense de leurs intérêts. Ils peuvent ainsi s’accorder ponctuellement ou plus durablement. Il en résulte une emprise sur la société, qu’aucun des signataires n’aurait pu obtenir seul. Dès lors pourquoi ne pas en profiter pour orienter sa politique, voire même en décider? Les pactes deviennent alors des instruments de conquête du pouvoir. Ils offrent à un groupe d’actionnaires le contrôle sur la société sans investissement supplémentaire. Il suffit qu’ils substituent un comportement collectif et organisé à leurs comportements individuels et désunis. Les pactes d'actionnaires sont nés et sont développés au gré des circonstances. Ils peuvent être le support de toutes les stratégies que des actionnaires veulent développer en commun. Pourquoi alors ne pas les employer comme instrument structurant du groupe de sociétés? L’un comme l’autre sont issus de la pratique et ne sont pas pris en compte par le doit. Ils n’ont d’existence qu’économique du fait des avantages qu’ils procurent aux actionnaires pour structurer leur entreprise. Cette identité d’absence de régime tend à les rapprocher. Le manque de règles pouvant organiser le groupe sera comblé par la conclusion de pacte d'actionnaires qui mettront en place la loi des parties dans le groupes. La forte capacité d’adaptation du pacte d'actionnaires lui permettra d’appréhender tous les besoins des actionnaires du groupe. Ainsi, le développement des pactes d'actionnaires provient essentiellement de la concentration des entreprises, de la coopération entre les sociétés, de la dilution du capital des grands groupes et de la diversification des sources de financement des entreprises. Les groupes de sociétés sont un terrain favorable au développement des pactes d'actionnaires qui deviennent le support de leur stratégie18. Les stratégies développées par un groupe peuvent être multiples et la souplesse des pactes d'actionnaires permet de les encadrer toutes. Les actionnaires de la société Réponse SA ont utilisé cette technique pour définir la stratégie envisagée pour cette société19. Ils énoncent que “ la Société Civile Holding Liagre Investissement et Alain Perrier ont entendu renforcer les synergies et complémentarités des deux sociétés par une action commune et concertée au sein du groupe concrétisée par une prise de participation...et par la rédaction d’un pacte entre actionnaires en vertu duquel les parties déclarent qu’elles “ entendent ” dans un contexte de “ volonté d’action et de politique concertée et commune ” assurer le respect et la pérennité de leur “ association ” ”. Les pactes d'actionnaires sont employés quelque soit l’objectif des actionnaires. Ils interviennent pour assurer le rapprochement entre différents actionnaires qui veulent ensemble gérer l’activité d’une société, ce qu’ils ne peuvent faire seuls. Dans ce but les actionnaires de la société Monoprix20 ont conclu un pacte “ en vue de poursuivre en commun le développement et la gestion de cette société et de ses filiales ”. 18Y. Guyon “ Traités des contrats. Les sociétés. Aménagements statutaires et conventions entre associés ” LGDJ 4ème éd° 1999. 19Décision du CMF n°199C2058, 28.12.99. 20Décision du CMF n°200C0710, 12.05.00.

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De la même façon le pacte conclu entre les actionnaires du Groupe Jean Claude Darmon21 énonce que “ J-C Darmon et la Compagnie Luxembourgeoise pour l’Audiovisuel et la finance Audiofina, considérant que leur rapprochement et leur action commune est de nature à favoriser le développement de GJCD, ont conclu un accord ”22. Mais si l’action commune est toujours sous-tendue par le pacte, il arrive que les signataires lui donne un objectif plus précis comme: - le maintien du contrôle, le pacte conclu entre les actionnaires de la Société Européenne de Casinos23 prévoit que “ l’objet du pacte est d’assurer le contrôle de C.E.C ” - la stabilité de l’actionnariat familial, les actionnaires de la société Eurofins Scientific24 concluent un pacte pour “ assurer la stabilité de l’actionnariat familial et la continuité de gestion de la société, perçue comme un élément nécessaire au développement de son potentiel ” - la recherche de gain sur le marché, les parties à l’accord concernant la société Net2S25 exposent que “ les échanges intervenus entre elles leurs ont permis de constater une identité de vues d’une part sur les perspectives et le développement de Net2S et d’autre part sur l’objectif premier de maximiser sa valeur boursière, au travers notamment de la préservation de son indépendance managériale ” - ou encore rassurer le marché, ainsi les actionnaires de la société Fleury Michon26 déclarent “ que le fait pour les signataires du présent pacte, de se présenter comme agissant de concert et de se concerter préalablement à toute cession de titres à des tiers, est susceptible d’offrir des garanties nécessaires au marché quant à la pérennité de l’entreprise, de sa gestion et d’une façon générale , comme un signe positif en matière de gouvernement d’entreprise ”. Nous venons de le voir le pacte d’actionnaires est un outil souple qui encadre les orientations générale du groupe. Il donne la possibilité aux actionnaires du groupe de déterminer un code de conduite qui va structurer au moins pour une durée limitée le développement du groupe et de ses activités. Mais si le groupe a besoin d’un instrument flexible pour s’organiser, il a également besoin d’un instrument sûr. On se pose alors la question de la validité et de l’effectivité des pactes d'actionnaires. Si leur validité ne fait guère de difficulté lorsque les pactes sont conformes aux principes généraux du droit27, la sanction de leur inexécution est largement insuffisante28, elle

21Décision du CMF n°198C0889, 24.09.98. 22Voir aussi Décision du CMF n°198C1150, 9.12.98. Pacte signé entre les actionnaires de la société Bouygues (groupe Artemis et SCDM), en vue “ d’organiser leur action commune ”.. 23Décision du CMF n°200C0677, 5.05.00. 24Décision du CMF n°198C0561, 24.06.98. 25Décision du CMF n°200C0761, 19.05.00. 26Décision du CMF n°200C0202, 7.02.00 27J-P Storck “ La validité des conventions extra-statutaires ” D. 89, chr.XLII, p.267. M. Storck “ La règlementation des convention de vote ” Rjcom.mars 1991, n°3, p97. J-J Daigre, M. Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” GLN Joly éditions 1995 n°12. S. Prat “ Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Thèse paris V 1991, Litec 1992, n°259s. D. Velardocchio-Flores “ Les accords extra-statutaires entre associés ” Presses universitaires d’Aix Marseille 1993, p.186s. 28D. Martin, L. Faugerolas “ les pactes d'actionnaires ” JCP éd° G, n°41, doctrine 3412, p.38. H. Lenabasque et G. Terrier “ L’exécution forcée des pactes d'actionnaires ” Droit des sociétés, actes pratiques 1994, n°14. C. Desjardins “ Peut-on rompre un pacte d'actionnaires? ” Option finance n°510, 27 juill. 1998, p.35. P. Petel “ Rapport de synthèse ” in “ Les pactes d’actionnaire Cahiers de droit de l’entreprise 1992 n°1, p.41.

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ne se résout souvent qu’en dommages et intérêts29. Il faut alors s’interroger sur l’opportunité d’employer cet outil. Le pacte d'actionnaires est un instrument qui se construit en dehors de tout régime juridique, il apparaît donc étrange d’étudier son effectivité par rapport aux règles de droits établies pour tout contrat et qui ne tiennent pas compte de la spécificité de cette convention. En réalité, l’effectivité des pactes est à rechercher dans la pratique de ceux-ci. Elle est correctement assurée que tant que les actionnaires trouvent leur intérêt dans l’exécution du pacte qu’ils ont signés. Comme le souligne J-P Ferret, l’efficacité tient plus à un modus vivendi, que les signataires acceptent de respecter, sans doute en raison des intérêt en jeu, ou de la parole donnée, qu’à une quelconque valeur juridique30. S. Prat comme D. Vellardocchio-Florès avancent que l’appartenance à une même communauté, la “ loi du milieu ” fait que les parties respecteront le pacte et chercheront à négocier une séparation à l’amiable si un désaccord survenait31. L’efficacité du pacte est donc à rechercher dans les relations qu’entretiennent les actionnaires. Concernant un pacte à visée stratégique, il semble que les parties aient longuement étudié leurs intérêts et comment une collaboration avec d’autres actionnaires pourrait les satisfaire. Nous pouvons donc présumer que les actionnaires satisfaits par la stratégie qu’ils ont définis exécuteront le pacte car il répond à leurs intérêts. De son exécution dépend donc la réalisation du bénéfice que les parties avaient envisagées lors de sa conclusion. Nous verrons comment le pacte est un outil qui s’adapte entièrement aux intentions des actionnaires, et ainsi répond à leurs attentes. Il ne sera donc pas traité dans cette étude ni de la validité des pactes d'actionnaires, ni de leur effectivité. Il nous faut néanmoins aborder cette question de façon rapide du point de vue de la réglementation boursière qui, dans une certaine mesure, met un frein à la volonté des parties. Les autorités boursières ne se préoccupent pas de la validité des pactes32, mais peuvent limiter leur effectivité en raison essentiellement de l’atteinte qu’ils peuvent porter à certains principes directeurs du droit boursier notamment le principe du libre jeu des offres et surenchères posé par l’article 1al.3 du règlement n°89-03 de la COB appelé principe de loyauté dans la compétition par l’article 5-1-1 du règlement général du CMF. De ce principe, la Cour d’appel de Paris tire un principe d’égalité dans la compétition énoncé

29Par application de l’article 1142 cciv. 30J-P Ferret “ Les pactes aménageant le processus décisionnel de la société ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 1992 n°1, p.32. 31S. Prat “ Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Thèse Paris V 1991, Litec 1992, n°259. D. Velardocchio-Flores “ Les accords extra-statutaires entre associés ” Presses universitaires d’Aix Marseille 1993,n°98. 32 Dans le rapport de la COB pour 1986 on peut lire “ que la Comission a considéré jusqu’à présent qu’à défaut de règle préexistante, il ne lui appartenait pas de porter un jugement sur la licéité de conventions de droit privé, dès lors que leur existence était faite conformément à la réglementation borsière ”. Dans son règlement 89-03 relatif aux offres publiques et aux acquisition de bloc de contrôle, elle précise “ que les accords susceptibles d’avoir une incidence sur l’appréciation ou sur l’issue d’une offre publique,sous réserve de l’appréciation de leur validité par les tribunaux, doivent être transmis au CMF et à la COB ”. Elle maintient cette position dans son communiqué du 4 mai 1999 dans lequel elle précise “ qu’il n’était pas sa mission de se prononcer, comme piuvait seul le faire un arbitre ou un juge, sur la validité et la portée juridiques de tels accords ”.

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dans son arrêt OCP du 27 avril 199333. Qu’en est-il de l’affaire OCP et quelle peut être sa portée au regard des pactes d’actionnaires ? L’OCP était la société-mère d’un groupe de distribution de produits pharmaceutiques dont les actions étaient négociées au marché hors-cote de la bourse de Paris. Ses activités commerciales furent apportées en 1988 et 1991 à deux filiales sous forme de commandite par actions (la société OCP répartition et Eurosanté et Cie lesquelles avaient respectivement pour associés commandités les sociétés SGP et Eurosanté SA) Une offre publique d’achat fut déposée par la société allemande Gehe qui bénéficiait, de la part des associés de la SGP et Eurosanté SA de promesses de vente de leurs titres sous la condition suspensive que l’offrant détiennent plus de 50 % des actions OCP à l’issue de l’offre. Interrogé par la COB sur les conditions dans lesquelles d’autres offrants pourraient bénéficier de la même promesse, le président de l’OCP refusa de s’engager par avance à conclure des accords similaires. Le CBV déclara l’offre recevable, décision qu’a contesté l’un des actionnaires de l’OCP. La Cour considéra que Gehe jouissait d’un avantage déterminant pour le succès de son offre ; avantage tel qu’il dissuadait toutes contre offre et empêchait dons toute possibilité d’égalité dans la compétition. En effet, après avoir rappelé qu’aux termes de l’article 3 du règlement 89-03 “ la compétition que peut impliquer une offre publique s’effectue par le libre jeu des offres et de leur surenchère ”, la Cour a examiné la situation créée par les engagements dont bénéficiait la société Gehe qui devaient lui permettre de contrôler la gestion des actifs stratégiques de la société OCP. Elle a énoncé “ que les dits accords, à la fois indispensables à l’offre publique sur les actions de la société OCP et dissuasifs de toute initiative concurrente qui n’aurait pas acquis les mêmes avantages, ont pour effet d’interdire le libre jeu des offres et des surenchères pendant le déroulement de l’offre publique initiée par la société Gehe ”. Elle a donc conclu que le CBV ne pouvait admettre un projet d’offre publique assorti de conventions empêchant par avance le libre jeu des offres et des surenchères. Comme nous l’avons vu, la validité des pactes d’actionnaires au regard du droit boursier ne peut pas être remise en cause, mais comme nous le montre cet arrêt, c’est au regard de ses conséquences que le pacte pourra être neutralisé. C’est en procédant à une analyse concrète de la situation créée par les accords litigieux au regard des principes de libre jeu des surenchères que la Cour décide, en s’attachant exclusivement aux effets des conventions, qu’un projet d’offre publique assorti de tels engagements doit être déclaré irrecevable. S’il nous fallait voir comment le droit boursier limite l’effectivité du pacte en période d’offre publique pour voir un premier obstacle dressé par la législation à son utilisation pour développer une stratégie, il faut aussi exposer que la plus importante prise en compte des pactes d'actionnaires par le droit boursier se fait par la notion d’action de concert34. Le droit boursier est établi par le législateur et les autorités boursières pour préserver le bon

33CA. Paris 1re ch., section CBV,27 avril 93. Rjcom. 93, n° 1371, p.244. 34Art. 356-1-3 L66.

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fonctionnement du marché. Comment ce droit qui cherche à appréhender les pratiques des affaires de la façon la plus réaliste et la plus juste possible aurait-il pu ne pas considérer les pactes d'actionnaires? Ils permettent soit de stabiliser le capital des sociétés membre du groupe pour assurer l’équilibre de ce dernier sans qu’un tiers ne puisse en prendre le contrôle partiellement ou totalement, soit de donner aux actionnaires signataires une influence, voire un pouvoir, qu’ils n’auraient pas eu seuls et permet de développer l’externalisation du groupe. Dans un cas comme dans l’autre, les autorités de place veillent. Comme nous l’avons déjà vu le marché doit être fluide pour bien fonctionner, et toute entrave trop importante aux changements de contrôle est proscrite. Mais ces changements de contrôle sont strictement encadrés par le droit. Ils représentent des événements majeurs dans la vie d’une société car qui dit changement de contrôle, dit changement de politique sociale. Pour protéger les actionnaires minoritaires et leurs donner confiance pour qu’ils investissent sur le marché il fallait donc favoriser leur protection en diffusant l’information nécessaire et en veillant à leurs intérêts lors de la survenance de tels événements. Le législateur met donc en œuvre toute une gamme d’obligations adaptées aux risques que la position qu’un actionnaire fait subir aux autres. Elles peuvent aller de l’obligation d’information simple, à celle de déclaration d’intention, jusqu’à l’obligation de déposer une offre publique. Or jusque 1989, date de l’introduction de la notion d’action de concert dans la loi du 24 juillet 1966, ces obligations ne trouvaient à s’appliquer qu’aux actionnaires agissant seuls. Voyant la pratique des pactes d'actionnaires se développer et considérant logiquement que tel résultat était aussi dangereux qu’on l’atteigne seul ou en groupe, le droit boursier pris en compte ce phénomène. Si les actionnaires entendent agir ensemble, c’est bien de façon globale qu’il faut considérer la situation et ensemble qu’il faut les faire répondre aux obligations boursières. Les actionnaires ne sont donc plus en mesure de développer la stratégie de leur groupe sans conséquence. Dès qu’ils agissent ensemble pour atteindre un objectif déterminé ils sont soumis à l’analyse des autorités de marchés à travers la notion d’action de concert. Le pacte d'actionnaires est un outil devenu indispensable pour les groupes. Leur étude est donc primordiale pour comprendre le phénomène des groupes aujourd’hui. Ces conventions sont les supports des principales stratégies mises en œuvre par les actionnaires. Nous allons donc tenter d’exposer quelle est de nos jours l’utilisation faite par les groupes de ces pactes. Nous devrons définir quels peuvent être les besoins des groupes pour envisager si le pacte peut y répondre. Il nous faudra voir comment les actionnaires disposent de la liberté contractuelle qu’offre la technique des pactes, pour envisager dans quelles mesure les actionnaires ont la possibilité d’y inscrire la stratégie du groupe.

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Mais à cette étude il faut ajouter les limites que le droit impose à l’utilisation des pactes et donc à la stratégie du groupe. Au delà des réglementations du droit de la concurrence qui peut à l’occasion de la conclusion d’un pacte sanctionner les situations de concentration35 ou du droit fiscal qui n’admet les rapprochements entre les sociétés d’un groupe que de façon réduite sans quoi il qualifie un acte anormal de gestion36, nous étudierons l’approche du droit boursier au travers de l’étude de la notion d’action de concert. En effet si toutes les réglementations sont susceptibles de sanctionner les effets de la conclusion d’un pacte quand elles leurs reconnaissent un caractère illicite, il semble que l’article 356-1-3 prenne en compte la particularité même des pactes d'actionnaires. C’est pourquoi la première partie de cette étude sera consacrée à l’analyse du pacte comme outil structurant pour le groupe par la prise en charge de sa stratégie. Les limites à la visée stratégique du groupe imposées par la qualification d’action de concert seront envisagées dans une seconde partie.

35M. Malaurie vignal “ Droit de la concurrence ” Armand Collin 1996, n°288s. A. Terciret “ Droit européen de la concurrence ” Gualino éditeur 2000, p.309s. D. Berlin “ Concentrations ” RTDeur. jan./mars 2000 p.139. Parléani G. “ Les pactes d'actionnaires ” Rev.soc. 1991, p.1, n°67. Les principales prises de participation qui fondent une collaboration stratégique doivent bénéficier d’un avis favorable des autorités de la concurrence. Voir par exemple Les Echos 23 AOÛT 2000 “ Rewe devient le numéro deux du tourisme allemand en entrant dans LTU ”. 36C. Bur “ L’acte anormal de gestion ” EFE 1999.

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Première partie

LE PACTE D’ACTIONNAIRES,

UN INSTRUMENT STRUCTURANT POUR LE GROUPE.

Les groupes de sociétés, comme les pactes d'actionnaires, représentent une réalité économique que les juristes n’arrivent pas à enserrer dans un cadre stricte. Ainsi ni le groupe ni le pacte ne connaît de régime juridique propre. On ne compte que quelques dispositions parcellaires qui nous montrent que le législateur malgré son manque de réaction devant ces deux phénomènes en a pris acte. L’un comme l’autre , ils sont créés par la pratique pour répondre aux besoins des affaires. Ce sont de purs produits de la liberté contractuelle. Comment après ce constat ne pas imaginer de rapprochement entre ces deux réalités ? D’une part le groupe de sociétés, structure souvent importante, regroupant parfois plusieurs activités à un niveau mondial, drainant des moyens et des capitaux colossaux a besoin d’un instrument souple pour gérer les relations entre les sociétés qui le composent. D’autres part le pacte d’actionnaires qui est appréhendé par le droit comme un simple contrat et a une faculté d’adaptation quasi illimitée. La pratique a vu là deux situations complémentaires et le groupe de sociétés est devenu le terrain privilégié d’utilisation des pactes d'actionnaires37. En effet le groupe de sociétés est une construction à géométrie variable qui bien que n’étant pas prise en compte par les règles juridiques a besoin d’un instrument structurant. Le pacte d'actionnaires s’impose donc comme le soutien du groupe, il représente la loi des parties. Et cela de façon plus appuyée encore quand elles s’engagent non pas simplement à gérer ensemble des sociétés, mais à les faire collaborer en vue de la mise en place d’une stratégie de groupe. Le pacte d'actionnaires est donc l’outil structurant du groupe. Il intervient à différents niveaux à l’intérieur de celui-ci. Tout d’abord il permet de constituer des liens entre divers actionnaires, souvent des personnes morales, et ainsi constituer le groupe. Ensuite il est utilisé par ces même actionnaires pour organiser et maintenir leurs relations au sein du groupe. Le pacte d'actionnaires est donc tant un instrument de constitution ( Titre 1 ), que de maintien ( Titre 2 ) du groupe.

37 P. Bissara “ L’inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des entreprises et aléas des solutions ” bull. Joly 90 p. 553. J-J Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” GLN Joly éditions.1995, n°4.

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TITRE 1 . Pacte d’actionnaires et création d’un groupe ................................................................................................................................................. Nous venons de l’évoquer, le pacte d'actionnaires est un outil qui s’emploie à différents niveaux dans le groupe. Il est notamment utilisé par les actionnaires qui veulent constituer une telle structure. Mais est-il un simple instrument ou peut-on dire que les relations issues du pacte sont assez fortes pour qu’il soit lui même créateur d’un groupe ? Jusque là les auteurs et le législateur se sont limités à déterminer le groupe à partir de relations en capital. Peut-on imaginer une alternative a cette conception que l’on peut considérer comme restrictive sachant que le groupe est une réalité factuelle qui se détache des schémas traditionnels ? En effet si un groupe est avant tout un ensemble de sociétés liées entre elles par des liens en capital qui leur donnent le contrôle les une sur les autres, la pratique nous montre que d’autre source de contrôle existent. Les juristes ont d’ailleurs du s’y adapter, en droit comptable notamment où ils créent les notions de contrôle conjoint et d’influence dominante38 dans un soucis de réalisme. Nous allons donc voir si la seule conclusion d’un pacte d'actionnaires suffit à produire les effets nécessaires à la constitution d’un groupe (chapitre 1) pour analyser ensuite sur un terrain plus familier comment le pacte d'actionnaires peut être à l’origine d’un groupe quand il est matérialisé dans une structure (chapitre 2).

38 Art. 357s L24.07.66.

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Chapitre 1 : la conclusion d’un pacte d’actionnaires suffit-elle à constituer un groupe ? On appelle “ groupe de sociétés ” l’ensemble constitué par plusieurs sociétés, ayant chacune leur existence juridique propre, mais unies entre elles par des liens divers en vertus desquels l’une d’elles, dite société mère, qui tient les autres sous sa dépendance, exerce un contrôle sur l’ensemble et fait prévaloir une unité de décision39. Cette définition communément admise d’un ensemble de sociétés qui obéissent à un centre de décision unique40, met donc en avant la notion de contrôle comme critère de délimitation du groupe. Ce critère est aujourd’hui admis par l’essentiel de la doctrine et repris par le législateur dans la loi de 196641. Pour répondre à la question de savoir si la conclusion d’un pacte d’actionnaires suffit à constituer un groupe, il faut donc préalablement solutionner le problème du contrôle : un pacte d’actionnaires confère-t-il le contrôle ? Section I. Un pacte d’actionnaires peut-il conférer le contrôle ? L’objet d’un pacte d'actionnaires peut être d’une infinie variété. Il peut ne vouloir régler qu’un détail de la vie sociale comme il peut organiser complètement celle-ci. Dans l’hypothèse où le pacte d'actionnaires est utilisé pour être le support d’une stratégie, il semble qu’il sera très complet et détaillé. Il doit définir un partenariat entre deux ou plusieurs actionnaires qui entendent à un moment donné ou pour un projet donné concerter leurs efforts. La question du contrôle peut alors légitimement apparaître. En effet nul ne songerait à l’évoquer s’agissant d’un simple pacte de préemption, mais en face d’une convention d’action concertée la question de ces effets et notamment de son influence sur les limites du groupe se pose avec plus d’acuité. Ce problème est d’autant plus intéressant que s’il n’a jamais été traité en tant que tel par la doctrine à notre connaissance, nombre d’auteurs cherchent à élargir la notion de contrôle prenant acte de la réalité économique des groupes de sociétés. Ainsi certains auteurs avancent que le contrôle politique devrait prévaloir pour définir si une société entre ou non dans le champ d’un groupe42. En autre C. Hannoun admet que dans une conception large du contrôle, le groupe sera constitué par l’ensemble formé par des sociétés-mères, les filiales au sens de la loi sur les sociétés commerciales, mais comprenant encore les sociétés reliées par des accords43.

39 Méménto Francis Lefebvre “ groupes de sociétés ” 98/99 n°10. 40 C. Hannoun “ le droit et les groupes de sociétés ” LGDJ 1991, n° 146. 41 Art. 355-1. 42 J. Bussy “ Droit des affaires ” Presse de sciences politique et Dalloz coll° Amphithéatre 1998, chap 10 :Les opération de groupes p.241. 43 C. Hannoun “ le droit et les groupes de sociétés ” LGDJ 1991, n° 147.

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Le pacte d'actionnaires ne pourrait-il pas être l’un de ces accords ? Ceci d’autant que certains auteurs accordent clairement au pacte d'actionnaires un pur objectif de contrôle. C’est ce que fait Y. Reinhard44 qui soutient que le pacte d’actionnaires est d’abord un mode de contrôle, de maîtrise sur la société dominante ou la société dominée. Pour lui quelque soit la rédaction de l’acte, le contrôle est toujours l’objet du pacte. Si, comme nous l’avons vu au début de ce raisonnement, tous les accords qualifiés de pacte d’actionnaires ne portent sûrement pas sur le contrôle d’une société et donc n’attribue pas le pouvoir il apparaît de façon tout aussi évidente que ceux organisant une action commune ont cette finalité. Nous pouvons nous appuyer sur les conséquences que le législateur attache à la conclusion de ces conventions quand elles interviennent dans le cadre de sociétés cotées pour asseoir cette thèse. En effet dans un soucis de protection des actionnaires le législateur a mis en place la notion d’action de concert, découlant entre autre de la conclusion d’un accord ayant pour but de définir la politique d’une société. Il y a attaché de lourdes obligations, notamment une obligation de dépôt d’une offre publique en cas de franchissement de certains seuils dans le capital de la société considérée. Comment justifier une obligation si sévère, dérogatoire au droit commun, si ce n’était par la prise de pouvoir des actionnaires au pacte sur la société ? Sans admettre que le pacte conduit les actionnaires à posséder le contrôle et donc le pouvoir de décider de la stratégie d’une société, quelle pourrait être la justification de la protection au travers de l’offre publique obligatoire ? Nous pouvons également aller plus loin et nous référer à la pensée développée par C. Hannoun qui dans sa thèse explique que la notion de contrôle n’est pas à même d’expliquer et de justifier la réalité des groupes de sociétés. Il recours à l’idée de dissociation entre propriété et pouvoir pour démonter que cette seconde voie est plus adéquate pour établir une définition réaliste du groupe. En réalité force est de constater que ces deux notions sont utilisées indistinctement par les auteurs tout en laissant transparaître la même idée. Pour D. Schmidt le contrôle d’une société exprime le pouvoir de déterminer la politique sociale ainsi que de décider de l’exploitation et de la cession des actifs45. Remarquant que le contrôle est d’abord une notion de fait qui exprime une relation de force que le juriste ne peut enserrer dans une définition précise et tranchée, il explique que cette difficulté vient de ce que les sources de pouvoir sont variées. Ne peut on pas alors avancer que le pacte d'actionnaires qui est un élément utilisé par les partenaires à une stratégie commune pour définir qui, et dans quelle mesure, bénéficiera de la faculté de décider et de gérer la politique sociale, c’est à dire en réalité qui détiendra le pouvoir, est susceptible de constituer une de ces sources ? 44 Y. Reinhard “ pactes d’actionnaires et groupes de société ” in Groupes de sociétés : contrat et responsabilité LGDJ 1994, p.3. 45 D. Schmidt “ Les définitions du contrôle d’une société” in La prise de contrôle d’une société RJcom.98 n° spécial p.9.

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Il nous semble donc possible de dire qu’en théorie le pacte d'actionnaires est l’une des voies susceptibles d’être empruntées pour créer un groupe de sociétés. Mais le législateur n’a pas entendu se détacher de la notion de contrôle pour définir les liens existants entre les sociétés46. Et bien que certains auteurs y voient l’occasion de dire qu’un pacte d'actionnaires constitue un élément d’où l’on peut déduire l’existence d’un contrôle de droit47, ils semblent démentis par la jurisprudence. En effet la Cour d’appel de Paris dans une affaire CGE-HAVAS à rendue une décision modifiant la notion de contrôle telle que l’on pouvait jusque là l’appréhender, forçant la main du législateur pour clarifier les choses. Section II. Nouveauté dans la notion de contrôle La notion de contrôle est difficile à appréhender. Elle doit rendre compte de situations variées, sa définition est donc complexe. Toutefois elle entraîne parfois de lourdes conséquences ce qui incite les juristes à tenter de la clarifier. C’est l’effort qu’ont du faire les juges saisis de l’affaire CGE Havas. Ils reviennent sur la notion de contrôle telle qu’actuellement défini par le droit. Or ce constat semble n’être plus adapté puisque le législateur a projeté de modifier l’article 355-1 L66. Voyons donc quelles réponse nous pouvons donner à notre question, le pacte d'actionnaires peut il conduire à la création d’un groupe, sous l’empire de la jurisprudence des juges de la Cour d’appel de Paris (§1) pour voir ensuite si l’avancée du droit nous permet une autre conclusion (§2). §1. La décision CGE-HAVAS L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, 1re ch. H, le 20 février 1998, suite au rejet par le CMF le 27 octobre 1997 de la demande de dépôt d’une offre publique par les actionnaires minoritaires de Havas a retenu l’intérêt des praticiens48. Considéré comme un arrêt de principe, il opère une relecture de l’article 355-1 de la loi sur les sociétés commerciales, revenant sur la notion de contrôle. L’analyse que fait cet arrêt de cette notion nous intéresse pour résoudre la question de savoir si un pacte d’actionnaires peut conduire au contrôle. Sans revenir sur les faits dans leur intégralité, nous allons rapidement exposer la situation et les enjeux.

46 Notion introduite par en 1985, dans la loi sur les sociétés commerciales, article 355-1. 47 M. Jeantin “ Les conventions de vote ” in stabilité du pouvoir et du capital dans les SA RJcom. Nov.90, p.124. 48 A. Couret “ retour sur la notion de contrôle ” RJDA 4/98 p.279.F. Bucher Rev.soc. (2) avril-juin 1998 p.346. P.Le Cannu bull Joly juin 98 §1 p.622. H.de Vauplane Banque et Droit n°58 mars- avril 1998 p.26. M. Germain, M-A Frison-Roche R.D.B.n°66 p.64. M.D. D aff. 98. I.p.541.

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Au terme de diverses opérations, la Compagnie Générale des Eaux s’est trouvé détenir 29,6% du capital de la société Havas. Le groupe UGC au travers de sa Filiale Audiopar s’est retrouvé détenteur de 1,8%. Ces deux sociétés agissant de concert nous pouvons donc considérer qu’Havas est détenue à 31,4%. Par ailleurs Havas détient 34% dans Canal + qui contrôle 100% de Canal + finance, cette dernière détenant 4,8% de Havas. La société Richemont étant un autre actionnaire de Canal + à hauteur de 19% et agissant de concert avec Havas. Les actionnaires minoritaires de Havas, devant la volonté de CGE de développer une stratégie dans le domaine de la communication qui la conduirait à prendre un contrôle plus important d’Havas, ont voulu que cette restructuration se fasse par le biais d’une OPA, leur assurant ainsi un droit de sortie confortablement rémunéré. S’appuyant sur l’article 5-1-3 du règlement général du CBV qui assimile aux actions et droits de vote possédés par une personne agissant seule ou de concert “ les actions ou les droits possédés par les sociétés qui contrôle cette personne au sens de 355-1 ”, ils ont soutenu que le concert CGE Audiopar détenait le contrôle d’Havas au sens de 355-1, que le concert Havas Richement détenait le contrôle de Canal + et donc en finalité qu’il fallait d’après l’article 355-2 (“ toute participation même inférieure à 10% détenue par une société contrôlée est considérée comme détenue indirectement par la société qui contrôle cette société ”) additionner les doits que détenait le concert CGE Audiopar aux 4,8% d’autocontrôle détenu par Havas. Mais peut on soutenir qu’un concert contrôle une société au sens de l’article 355-1 ? C’est bien là que la solution de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris est de principe. Il rappelle que le contrôle au sens de 355-1 est unitaire. Aucun concert ne peut prétendre détenir le contrôle d’une société. Il nous faut donc bien conclure au vue de cette jurisprudence qu’un pacte d'actionnaires mettant en place une action commune de partenaires, qui était la seule hypothèse retenue pour cette étude, ne peut en aucun cas conférer le contrôle. La cour énonce que le contrôle est exclusif de l’action de concert, donc un pacte qui aurait pour but d’organiser la stratégie d’une entreprise et qui par là même constituerait les actionnaires comme agissant de concert ne leur donne pas juridiquement le contrôle sur la société concernée. L’arrêt rappelle que la seule convention susceptible d’être considérée comme donnant le contrôle est la convention de vote avec transfert de voix. Il nous faut donc admettre que le pacte d'actionnaires ne confère pas le contrôle en l’état actuel du droit. Or en l’absence de cet élément il est impossible de considérer qu’un groupe est constitué. Nous devons donc en conclure qu’une des limite à la liberté contractuelle est atteinte, et que le pacte d’actionnaires n’est pas susceptible de créer une structure comme le groupe même si son existence ne se traduit en réalité que dans les faits. Entre la réalité factuelle que représente le pacte d'actionnaires et celle que représente le groupe s’intercale une notion juridique qui empêche tout lien de cause à effet.

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Selon les auteurs M-A Frison Roche et M. Germain, dans cette affaire juridiquement très délicate, il était impossible de dégager de l’état des textes une solution à la fois conforme, satisfaisante et cohérente. Mais justement cette décision a fait prendre conscience au législateur que sur ce point le droit devait évoluer. Notre raisonnement peut donc être repris à la lumière du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques qui revient sur la notion de contrôle. §2. Projet de loi sur les nouvelles régulations économiques Ce projet de loi énonce dans son article 66 que: “ L’article 355-1 est compléter par un alinéa ainsi rédigé: Pour l’application des même paragraphes de la présente section, deux ou plusieurs sociétés agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises dans les assemblées générales de cette dernières ”. Il établit donc un lien entre l’action de concert et le contrôle de la société49. Dans le but de mieux assurer la protection des actionnaires minoritaires, notamment par déclenchement d’une offre publique obligatoire , le projet prend en compte l’action de concert pour déterminer le contrôle d’une société, brisant ainsi la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris. Cet article met donc en place un contrôle horizontal en plus du traditionnel contrôle vertical. Cette modification du droit nous permettrait alors d’avancer que tout pacte d'actionnaires constitutif d’une action de concert, comme c’est souvent le cas quand ils sont conclu pour soutenir une stratégie50, donnerait le contrôle à ses signataires sur la société visée. Mais cette réalité a-t-elle d’autres intérêts que ceux théoriques de la construction factuelle d’un groupe ou ceux bien compris sur le plan du droit boursier, terrain naturel de l’action de concert, de la protection des minoritaires ? En effet l’existence du groupe n’étant pas reconnue en droit et n’entraînant donc aucune conséquence, quel peut être l’apport d’un tel résultat ? Les actionnaires n’y trouveront ni plus de sécurité, ni plus d’avantage. La seule solution pour eux s’ils veulent donner à leur association plus de poids est de l’inscrire dans un cadre juridique. Cela n’est concevable que s’ils formalisent leur accord dans une structure.

49 D. Vellardocchio-Flores “ projet de loi sur les nouvelles régulations économiques : nouvelles réformes du droit des sociétés ” Lamy société commerciales édition2000 n° 124 mai 2000. Revue fiduciaire feuillet-hebdo n° 2804 p.1, n° 18. Dalloz, 2000, dernière actualité n°13. 50 C. Maison-Blanche “ Réflexion sur la définition du contrôle et l’action de concert ” note et réflexions, Revue du CMF n°25 fév. 2000.

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On pourra là parler de constitution d’un groupe au sens capitalistique du terme ce qui lui conférera les droits attachée à toute société En effet, le groupe comme le pacte d'actionnaires est une construction au service de la pratique. Or si les actionnaires trouvent souvent intérêt à disposer de la liberté contractuelle, force est de constater que la mise en œuvre d’une stratégie si elle a besoin de flexibilité, nécessite aussi de la stabilité. C’est ces deux objectifs que les actionnaires recherchent quand ils matérialise le pacte d'actionnaires dans une structure. Chapitre 2 . Cristallisation du pacte d’actionnaires dans une structure Les actionnaires utilisent fréquemment les pactes d'actionnaires pour définir leurs relations. C’est un moyen commode et discret de mettre en œuvre une stratégie commune. Mais ils ne délaissent pas pour autant l’outil sociétaire. La plus part des auteurs conseillent d’ailleurs de combiner les deux techniques pour obtenir une situation optimale51. Ils profitent ainsi de la souplesse du contrat et de la sécurité de la société. En effet dans certains cas les actionnaires qui entendent collaborer ensemble ne veulent pas simplement se fonder sur un accord dont l’effectivité est limitée. Certains objectifs ne se contentent pas de ce support pour se développer. Les actionnaires décident alors de faire prendre corps à cette stratégie dans une structure sociale. Il est d’autant plus facile d’atteindre cet objectif que le législateur a mis à disposition des actionnaires une société qui se trouve à mi-chemin entre la société institution telle qu’on la connaît et le simple contrat. Il a en effet créé la société par action simplifiée en 94 et l’a mise à la portée de tous en 9952. Il existe aujourd’hui une transition entre la complexité protectrice et l’incertitude libérale contrairement à ce qu’énonçait J-P. Bertel53. Les actionnaires peuvent donc aisément transposer leur accord en société. Le pacte d'actionnaires se trouvera alors à la source du groupe, les actionnaires le traduisant en holding

51 B. Titz “ Témoin ” in “ Les pactes d'actionnaires ”. Cahiers de droit de l’entreprise 92 n°1 p. 21. J-J. Daigre “ Transformer les sociétés ”. Cahiers de droit de l’entreprise 95 n°2 p.16. C. Hannoun “ Le droit et les groupes de sociétés ” LGDJ 91 n° 166. 52J. Pailluseau “ La nouvelle société par action simplifiée. Le big-bag du droit des sociétés ”. C. Goyet “ Toujours plus simple... ” D. 1999, p.37. J-J.Caussin “ Du bon usage de la SAS dans l’organisation du pouvoir ” JCP éd° E, n°42, 21 oct. 1999, p.1664.J-P. Bertel “ La SAS: bilan et perspectives ” droit et patrimoine, n°74., sept 1999, p.40. 53 J-P. Bertel “ Liberté contractuelle ” RTDcom. n°49 oct.déc. 96 p.595.

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s’ils veulent concentrer différentes participations (I) ou en filiale s’ils veulent localiser une nouvelle activité (II). Section I. Création du groupe vers le haut : le holding Un holding est une société qui détient des participations dans une ou plusieurs entités en vue de les contrôler54. Il est créé pour détenir les titres de plusieurs actionnaires dans la même entreprise, ou pour regrouper les titres de différentes sociétés. Une des stratégies envisagées par des partenaires qui veulent s’allier peut passer par une gestion centralisée de leurs participations respectives. Ce projet peut être mis en forme dans un pacte qui prévoira tant l’apport des actions au holding que les modalités de leur gestion (§1). La détention de leur participation par une structure statutaire offre en effet beaucoup plus de perspectives qu’un simple accord. Les stratégies envisageables sont donc dans cette hypothèse tout à fait originales (§2). §1. Prévision de constitution d’un holding dans le pacte Des actionnaires qui veulent agir ensemble afin de gérer la société dans laquelle ils ont des participations peuvent évidemment conclurent un accord pour prévoir les modalités de leur collaboration. Ils peuvent adopter une attitude concertée et définir en commun la politique sociale à travers une convention de vote. De même, des actionnaires qui ont des participations dans deux sociétés différentes peuvent par un accord prévoir leur collaboration. Toutefois s’il s’agit de fonder durablement un groupe afin de développer une stratégie complexe et nécessitant des moyens tant juridiques que financiers importants, le pacte d’actionnaires seul n’est peut-être pas l’outil le plus adéquat. Les actionnaires qui entendent collaborer ne fondent donc plus leur rapport uniquement sur un lien contractuel, mais consacre celui-ci dans une structure support du pacte55. Un holding peut donc être créé pour gérer en leur nom les participations des actionnaires qui se sont engagés dans le sens prédéfini dans le pacte. Quand des actionnaires décident de créer un holding56 ils mettent donc en place une structure juridique qui va créer ou développer un groupe57. Par la constitution d’un holding on aboutit à un schéma comprenant une société mère (le holding) et une ou plusieurs filiales (les sociétés dont les titres sont détenus par le holding). Or un auteur a démontré que cette interdépendance de la holding de contrôle vis-à-vis de sa filiale pouvait être considérée comme une forme de transparence caractéristique de la notion

54H.Bardet, B.Gouthière, A.Charveriat, Ph.Janin “ les holding ” guide juridique et fiscal, dossier pratique Francis Lefebvre 2ème éd°. n°5. 55 D.Velardocchio-Flores “ Les accords extra-statutaires entre associés ” presse universitaire d’Aix Marseille 1993,n° 99. 56 Cf. Alain Couret et Didier Martin “ les sociétés holding ” coll°. Que sais-je ?n°2598 2ème éd°.PUF p .14 et 64. 57 Mémento Francis Lefebvre “ groupes de sociétés ” 98/99.n°800s.

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de groupe de sociétés58. Toutefois s’il y a toujours constitution d’un groupe, sa composition peut-être variable en fonction des objectifs fixés par les actionnaires. Il peut s’agir d’actionnaires d’une même société qui apportent leurs titres car ils veulent agir ensemble dans la gestion de cette société, c’est alors la mission assignée au holding. C’est ce qu’ont prévu le Groupe V. Bolloré et la SCDM quand ils décident au travers d’un pacte d'actionnaires d’apporter leurs actions de la société Bouygues à une société en participation59. Ils prévoient que la société en participation a pour objet “ la jouissance et l’exercice des droits de vote attachés à la totalité des actions détenues par chacun, la mise à disposition de cette jouissance étant effectuée en vue de faire assurer la gestion en commun de ces participations ”60. C’est aussi la volonté de Lufthansa et Deutsch Post qui ont regroupé leurs actions de DHL dans une structure commune : une société baptisée Aerlogic GmbH. Par ce rapprochement les deux sociétés montrent leur volonté de coordonner leur politique dans la messagerie rapide avec celle de DHL International61. Il peut s’agir également d’actionnaires ayant des participations dans deux ou plusieurs sociétés qu’ils entendent centraliser dans un même holding dont la mission sera alors de mettre en place une gestion coordonnée du groupe. C’est ce que prévoit l’accord conclu entre le groupe allemand Kirch et Springer qui décident de regrouper leurs actifs dans la télévision hertzienne: “ Aux termes de l’accord, SAT.1, détenue à 41% par Springer et à 59% par Kirch sera associée à 58,4% à la filiale de Kirch Media, ProSieben Media, au sein d’un holding commun baptisé ProSiebenSAT.1 Media. ” 62. La validité de ce procédé a été éprouvée dans l’affaire Lustucru-Rivoire et Carret63. Les actionnaires majoritaires des deux principales entreprises françaises de fabrique de pâtes alimentaires, décidèrent de se rapprocher afin de former une société commune. Ils avaient pris conscience des dangers courus par cette industrie du fait de sa trop grande dispersion. Ils ont donc mis en place une stratégie de gestion et de politique commune en prévoyant dans des pactes d'actionnaires la constitution d’un holding qui serait en charge de cette gestion. La Cour de cassation a reconnu dans sa décision du 2 juillet 85 la validité d’une société de portefeuille, pur holding financière, qui avait été constituée à partir de protocoles d’accords, servant à répartir les votes des actionnaires et les sièges au sein des organes de direction. Ce procédé a donc été reconnu efficace tant par la pratique que par la jurisprudence. Après avoir envisagé les différentes compositions que permet le recours à une société holding, il nous faut voir comment cette structure sociale peut être le siège de diverses stratégies,

58C. Hanoun, “ Le droit et les groupes de sociétés ”, LGDJ 1991, p.153s. 59Décision du CMF n° 197C0737. 60Décision du CMF n° 198C1041. 61 Les Echos, 18 avril 2000. 62Les Echos 29 juin 2000 “ Le groupe allemend Kirch rationalise sa branche télévision commerciale ”. Pacte entre les actionnaires du holding Rue Impériale De Lyon. Décision du CMF n° 199C1047 63 Cass.com. 2 juillet 1985, Bull. Joly 86, p.229, §53 et p.374, §100, obs. W.Le Bras.

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ajoutant des possibilités à la simple conclusion d’un pacte d’actionnaires. §2. Les stratégies permises par le holding. Selon A. Couret et D.Martin “ le holding devient un outil moderne de management dont il serait malvenu de faire l’économie ”. En effet, le holding permet une gestion précise du groupe à tous les niveaux de la vie sociale. Comme tout pacte d’actionnaires sa constitution a pour objet le contrôle des sociétés dont il détient les titres : il permet de prendre, maintenir ou développer le contrôle au sein du groupe (A). Mais c’est également un instrument d’organisation et de rationalisation du groupe. Pour F. Drummond, “ la société holding n’est pas liée seulement à l’existence d’un pouvoir, elle s’avère également l’instrument privilégié de celui-ci ”64 (B). A. Holding, instrument de constitution du groupe. Lorsque des actionnaires décident d’apporter leurs participations à une société holding, cela leur permet de bénéficier d’un fort effet de levier qui peut leur permettre d’acquérir de nouvelles participations seul ou avec d’autres investisseurs (levier financier et fiscal) sans pour autant devoir céder le contrôle (levier juridique)65. Dans une stratégie de développement le holding est un outil de premier ordre. Une structure verticale composée de plusieurs sociétés holding successives peut être constituée faisant entrer des partenaires extérieurs qui apportent les fonds nécessaires au développement du groupe. Effet de levier juridique. Pouvoir gérer une société signifie qu’il faut en détenir le contrôle. Or le contrôle s’acquière avec la possession de la moitié des actions plus une et non de la totalité de celles-ci. En effet, selon le principe de la démocratie les décisions sociales sont prises à la majorité. Ainsi la détention de 51% d’un holding qui détient lui-même 51% d’une société donne le pouvoir sur cette dernière avec simplement un pourcentage de contrôle de 26,01%. De cette réalité juridique découle une réalité économique qui fait qu’il n’est pas nécessaire pour un actionnaire ou un groupe d’actionnaires de financer l’intégralité du capital du holding et de la société pour pouvoir la diriger et dicter sa stratégie ; c’est l’effet de levier financier. Effet de levier financier. Le contrôle est acquis à partir de 51% ce qui laisse une marge importante pour recourir à des capitaux extérieurs. Ces capitaux peuvent provenir de partenaires qui ont confiance dans la politique et dans les capacités de profit des filiales gérées par le holding et qui donc voudront investir. Ils peuvent également provenir d’emprunts qui seront remboursés par la remontée des dividendes.

64F;Drummond, “ Les sociétés dites holding ”, Thèse, Paris II, 1993. 65 J-P.Dom “ Montages en droit des sociétés ” 1998 n°406.

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Le recours à un montage levrage buy out (LBO) tient également à l’avantage fiscal lié à la création d’un holding. Effet de levier fiscal. Un holding de par le régime fiscal en vigueur ne supporte pas l’impôt sur les dividendes perçus ( sous réserve de la contribution exceptionnelle de 10% sur l’IS à défaut d’option pour le régime mère-fille). Il pourra donc utiliser la totalité du produit de la distribution pour rembourser son emprunt66. Si les actionnaires avaient acquis directement les titres ils n’auraient disposé pour le remboursement de leur emprunt que des dividendes réduits de la part d’impôt sur le revenu qu’ils devaient acquitter, cela aurait limité la capacité d’achat de façon considérable. En outre les intérêts des emprunts contractés pour l’acquisition de l’entreprise seront intégralement déductibles, alors qu’ils ne l’auraient pas été si l’acquéreur avait été une personne physique. Ce régime présente beaucoup d’intérêt si le holding possède au moins 95% des titres de sa ou ses filiales. Selon le régime de l’intégration fiscale il peut être seul redevable de l’impôt pour l’ensemble des sociétés, et dans cette hypothèse la déduction des intérêts peut se faire sur les bénéfices imposables des filiales67. Force est de constater que le holding par le regroupement d’actionnaires qu’il permet ouvre beaucoup de perspectives quant à la formation ou au développement du groupe qui sont tout à fait inabordables sans le soutien d’une telle structure. Si le holding répond bien à une stratégie de développement du groupe il faut voir qu’il présente aussi de nombreux avantages dans la gestion et l’organisation de ce dernier. B. Holding, instrument d’organisation du groupe. Le holding permet de regrouper, sous une entité juridique unique, un conglomérat d’entreprises exerçant leurs activités dans différents domaines. Par le biais d’un holding les actionnaires conservent la possibilité d’intervenir dans la politique sociale de n’importe quelle filiale pour les décisions qui peuvent avoir une incidence sur le groupe dans son ensemble, tout en lui laissant le libre choix pour les actes de gestion courants. Le holding est donc une société qui apporte de la flexibilité dans la gestion du groupe. Chaque entité peut faire les meilleurs choix pour son développement, profiter des synergies que peuvent engendrer certaines alliances économiques ou capitalistique sans entraîner l’ensemble du groupe avec elle. La filiale profite donc d’une certaine autonomie tout en bénéficiant de la présence d’un groupe sur lequel elle peut s’appuyer. 66 Cf. H.Bardet, B.Gouthière, A.Charveriat, Ph.Janin “ les holding ” guide juridique et fiscal, dossier pratique Francis Lefebvre 2ème éd°. n°11. 67 Cf. Alain Couret et Didier Martin “ les sociétés holding ” coll° Que sais-je ?n°2598 2ème éd°. PUF p 47s

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En effet, le holding centralise la gestion de toutes ses filiales pour accorder leurs intérêts individuels à celui de l’ensemble du groupe. Il définit ainsi une politique unique qui sera mise en œuvre par chaque filiale pour profiter au développement général du groupe. Le holding concentre le pouvoir de direction au sein d’une seule société ce qui permet après la définition d’une stratégie de faire appliquer celle-ci de la même façon par tous. Cette finalité est beaucoup plus difficile à atteindre par le simple rapprochement d’entreprises par un accord contractuel, chacune restant seule à décider des solutions à adopter il est probable que le suivi d’une politique unique soit plus aléatoire. Le holding offre également l’avantage d’être une structure stable alors que les prises de participations peuvent varier. La définition d’une stratégie à moyen ou long terme a donc tout à gagner à être localisée dans une structure sociétaire qui offre un certain degré de pérennité ce qui est plus rarement le cas d’accords contractuels sans support sociétaire. L’adoption d’une structure holding peut être justifiée par une stratégie financière. La possibilité qu’il a de mettre en place une gestion centralisée, lui permet également de favoriser les flux financiers entre les différentes sociétés du groupe. Il peut faire circuler les capitaux d’une filiale qui réalise des profits à une autre qui a besoin de fonds sans recourir à des emprunts extérieurs. Dans cette perspective il faut toutefois éviter de mettre en place des montages qui pourraient être qualifiés d’actes anormaux de gestion. Le holding peut donc aussi servir de structure de financement du groupe. Il pourra procéder au placement des excédents de trésorerie et ainsi optimiser leur rendement. Ce rôle peut également être tenu par une des filiales du groupe pour l’ensemble de celui-ci via le holding. Le holding est donc une forme sociétaire originale qui s’adapte aux besoins des actionnaires qui le composent. Mais elle n’est pas la seule envisageable pour le développement d’une stratégie à plusieurs. Selon la finalité que les partenaires recherchent le groupe ne va pas se constituer par le haut mais par le bas. En effet outre la gestion de leurs diverses participations, une structure sociétaire leur permet d’envisager d’autres objectifs. Notamment la constitution d’une activité commune. Ils constitueront alors une filiale pour loger ce projet. Section II. Création du groupe vers le bas : la filiale La constitution de filiales est une pratique fréquente. Elle distingue dans une entité propre une activité donnée pour lui permettre de se développer de façon indépendante. Les actionnaires y trouvent un moyen de se réunir pour une collaboration unique, alors que par ailleurs ils gèrent chacun une activité propre. Mais aussi de segmenter les activités qu’ils dirigent en commun pour que chacune soit localisée dans une structure propre. La stratégie des actionnaires quand ils décident de créer une filiale peut donc avoir différentes

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conséquences sur la géographie du groupe. Ils peuvent décider de réorganiser des activités pour la gestion desquelles ils sont déjà associés (§1) ou de créer de nouveaux champs de collaboration (§2). §1. La filialisation La filialisation revient à scinder une société en plusieurs entités quelle va contrôler68. Par des apports partiels d’actifs à différentes sociétés, on crée ainsi un groupe dans lequel chaque activité est indépendamment prise en charge par une structure autonome, l’ensemble étant contrôlé par la société initiale devenue société mère, un holding. Cette décision de morcellement est prise par les associés pour répondre à un besoin de souplesse. Cette technique est employée quand une société exerce sous une même entité juridique des activités diversifiées. La situation nuit alors à la flexibilité de tous les secteurs d’activité, limitant ainsi les stratégies que chacun d’entre eux pourraient adopter69. En effet, suite à des acquisitions ou à des développements internes qui n’auraient pas été suivis d’une réorganisation de la société, cette dernière peut connaître une diversification de ses activités et une complexification qui nécessite une restructuration. La meilleure stratégie est alors de distinguer chaque spécialité dans une entité distincte. Chacune pourra alors se concentrer sur ses besoins propres. En effet, chaque domaine doit prendre en compte une réglementation propre, d’un marché déterminé, ses besoins ne sont donc pas superposables avec ceux d’un autre secteur d’activité. La filialisation permettra donc de rendre plus aisée la détermination des orientations à suivre, le choix des investissements ou encore la tenue d’une comptabilité révélant la situation juste de l’activité. Cette autonomie est d’autant plus souhaitable quelle est couplée aux avantages liés à une gestion commune du groupe assurée par le holding qui chapeaute l’ensemble des filiales. En outre ce regroupement de toutes les activités dans une seule société présente beaucoup de risques. La poursuite de chacune est subordonnée à la santé générale de toutes, si un secteur venait à être déficitaire c’est sur l’ensemble des autres que reposerait la perte. En effet dans l’hypothèse de la filialisation la personnalité juridique de chaque filiale faisant écran avec le holding et avec ses sociétés sœurs, les dangers courus par une activité risquée qui pourrait s’avérer déficitaire n’entamerait en rien la survie du groupe. Il faut aussi souligner que la division des activités avec la désignation à la tête de chaque société filiale d’une équipe dirigeante défini conduit à une responsabilisation de cette dernière ce qui est moins le cas dans une masse qui tend à la dilution des responsabilités. Les succès ou les défaillances sont d’autant mieux mis en relief que la comptabilité est maintenant également individualisée. 68 A. Couret, D. Martin “ Les sociétés holding ” coll° Que sais-je ? n°2598 2ème éd° PUF p.61. 69 Option finance n°600, 13 juin 2000 .“ Sommer Allibert attendu au tournant ”. Les Echos 3 juillet 2000 “ L’Adam s’étonne de la faible valorisation de Sommer Allibert ”.

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Les actionnaires peuvent ainsi s’assurer plus de transparence dans la connaissance de la réussite de chaque secteur. Ils peuvent également renforcer la fidélité de leurs administrateurs par la technique du prêt d’actions. Dans ce type de schéma il est également possible de faire entrer des partenaires extérieurs dans le capital de l’une ou l’autre filiale70. Cette stratégie permet de bénéficier des moyens financiers ou des synergies nécessaires à l’accroissement du groupe. La filialisation permet de sélectionner les sociétés qui ne pourront plus évoluer sans une intervention d’alliés, tout en limitant cette intervention à une activité. La direction du holding peut rester inchangée. En outre, il est plus aisé de trouver un partenaire pour une activité déterminée dont on peut évaluer les risques que de vouloir le faire participer à l’ensemble des spécialités d’une société complexe. Mais la création d’une filiale peut aussi se faire indépendamment d’une activité qui existait déjà. Elle peut être le résultat de la décision de plusieurs actionnaires de réunir leurs efforts pour développer une stratégie commune. §2. La collaboration. La collaboration est une vieille formule sur laquelle on a posé une étiquette moderne. Ces méthodes étaient déjà utilisées dans l’Antiquité par les Egyptiens, les Babyloniens les Phéniciens, qui s’organisaient pour exercer le commerce. Il semble que les commerçants petits ou plus gros aient toujours eu besoin de partenaires pour multiplier leurs forces. Aujourd’hui on ne parle plus d’activité à l’échelle d’un homme mais à celle de sociétés réunissant le travail de dizaines, de centaines ou de milliers d’individus. Mais il semble que quelle que soit la taille, les alliances restent inévitables. Bien que le rapprochement soit aujourd’hui encore d’actualité, les raisons qui le motivent (A) et les techniques qui le soutiennent (B) sont évidemment bien différentes. A. Une stratégie dont on ne peut faire l’économie Les entreprises actuelles doivent composer avec une réalité que Christophe Colomb déjà relevait : “ le monde n’est pas aussi vaste que l’imagine le commun des mortels ”. Aujourd’hui on pourrait même dire, comme Raymond H. Levy (ancien président de Renault) que le monde est petit71. La mondialisation induit de nombreuses conséquences qui obligent les sociétés à adapter leur 70Les Echos 24 août 2000 “ La BBC crée une filiale internet ”. La société BBC Worldwide a décider de localiser ses activités internet dans une filiale dans le capital de laquele elle fera entrer le fond d’investissement THLi à hauteur de 13,5%. Il apportera un financement de 32;5 milions de livres. 71 Cf. Timothy M. Collins et Thomas L. Doorley “ les alliances stratégiques ”. InterEditions.1992 Préface de Raymond H. Levy. p8.

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mode de fonctionnement, de recherche, de production. Elle conduit à une extension des marchés. Chaque entreprise qui était positionnée sur un marché régional ou national doit donc à présent compter avec une concurrence internationale. Mais si la mondialisation entraîne une homogénéisation des marchés, elle provoque également le phénomène inverse, l’hypersegmentation car le consommateur veut le choix. De ce phénomène couplé à la volatilité extrême des habitudes des consommateurs et à une évolution technologique galopante, il résulte une forte diminution de la durée de vie d’un produit et un risque important de voir à tout moment le marché s’écrouler car les acheteurs se sont détournés de ce type de marchandise ou d’être confronté à un nouveau concurrent. De plus la technologie augmente en complexité et donc en coût également, ce qui rend de moins en moins probable la réunion de toutes les compétences et ressources nécessaires dans les mains d’une seule entreprise, d’autant que la présentation d’un produit à un marché signe quasiment déjà son obsolescence. Une entreprise doit donc si elle veut s’imposer arriver à une taille qui soit en rapport avec le marché sur lequel elle veut intervenir, pour rester dans la course et ne pas se faire effacer par des concurrents puissants72. Mais une société a rarement seule les ressources nécessaires pour emmener l’entreprise à cette taille critique73. Devant ces besoins de plus en plus gigantesques en financement, en recherche scientifique et technologique, en investissements pour pouvoir suivre une évolution dont le rythme ne cesse d’accélérer, une société seule ne peut pas faire face. Des partenariats sont la seule alternative possible pour bon nombre d’entreprises qui sont à la recherche de synergies74. Elles peuvent ainsi réduire les coûts supportés par chacune d’entre elle75, mettre en commun leurs recherches et leurs matériels76, ainsi que bénéficier chacune des marchés sur laquelle est déjà implantée l’autre77. 72Dans ce but on assiste à de nombreux accords dans la grande distribution où la concentration est lancée pour atteindre une taille critique afin de pouvoir financer le développement à l’international. “ Les investisseurs font leur marché dans la grande distribution ”, Option Finance n°595, 9 mai 2000. 73Pour remporter certains contrats des entreprises sont obligées d’agir ensemble, ce fût le cas de France Télécom et de Deutsch Telekom qui ont créés Eunetcom pour atteindre la taille nécessaire. Le Monde, 11 juin 1994, P.26 “ Chiffres et mouvements ”. Les Echos 30 juin et 1 juillet 2000 “ L’alliance une troisième voie pour les PME ” 74J-P. Dom “ Les montages en droit des sociétés ” 1998 n°427s. 75Les Echos 16 août 2000 “ Hutchison s’allie à Tiscali pour les licences italiennes ”. 76C’est la voie qu’ont choisi Atochem, filiale à 100% de la société Elf Aquitaine, et la sociétéBP Chemicals, qui appartient au groupe BP France. Elles ont constitué une filiale commune qui va mettre à la disposition de ses associés ses installations industrielles et ses moyens. Cass. soc., 9 février 1994 : bull. Joly, 1994, p;399, §120, note Jeantin. 77Les Echos 24 août 2000 “ Shelle va lancer le plus grand investissement étranger en Chine ”. Pour s’implanter sur ce marché difficile à pénétrer, le géant anglo-néerlandais a choisi la voie de l’alliance avec la cie chinoise

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Reste à voir quelles sont les modalités choisies par les actionnaires dans leur stratégie de collaboration. B. Modalités de regroupement. A ce moment du développement de leur société il se pose un choix aux actionnaires. Ils peuvent envisager de chercher une complémentarité chez un partenaire dont ils prendront le contrôle ou de trouver un allié avec lequel créer une structure nouvelle, siège de leur collaboration. Quel que soit leur choix, il les conduira à créer ou à étendre un groupe préexistant78. La prise de contrôle. La réalisation d’une stratégie de collaboration peut se faire par la prise de participation d’une société dans une autre. Le choix se fera en fonction des synergies qui existent entre les deux entreprises ou les avantages que l’une pourra apporter à l’autre et qu’il est trop difficile ou trop long de vouloir acquérir seul. La collaboration doit fonctionner dans les deux sens bien que l’entreprise acheteuse ait pu prendre le contrôle de la seconde. Cette dernière n’est pas vue comme un outil mais comme un partenaire. Cette acquisition ne s’apparente en rien à un raid, qui aurait pour seul but de phagocyter l’entreprise visée. La stratégie ne peut atteindre son but que si les deux sociétés mettent en commun leur savoir-faire, bien que l’une ait le contrôle de l’autre. C’est pourquoi ces prises de participation sont basées sur des accords entre les actionnaires de la société acheteuse et de la société visée, pour trouver un terrain d’entente et s’assurer que chacune des deux entités y trouve son compte pour que l’opération soit réussie. L’exemple que nous pouvons évoquer pour illustrer ces rapprochements est le rachat de Samsung Motors par Renault. En effet après avoir pris le contrôle de Nissan, Renault continue sa stratégie de développement en Asie en prenant une participation de plus de 70% dans une société commune mise en place pour diriger Samsung Motors79. Dans cette hypothèse on voit apparaître clairement l’intérêt des deux constructeurs, Samsung Motors fortement endetté (3,8 milliards de dollars) trouve un repreneur qui lui permet d’échapper à la faillite, Renault s’ouvre une porte sur le marché asiatique très fermé et les deux constructeurs ensemble atteignent une taille qui leur permet d’être concurrentiel au niveau mondial. On peut également citer l’exemple de SAirGroup qui va prendre une participation dans la société Sabena à hauteur de 85%80. Cette prise de participation va lui permettre d’accroître ses droits de trafic, qui sont très difficile à obtenir pour une société extérieure à l’Union européenne. La prise de participation significative apparaît également dans les procédés de corporate

CNOOC. 78 J-P. Brill “ la filiale commune ” Thèse Strasbourg 1975, p.249. P. Didier droit commercial 3 : les marchés financiers, les groupes de sociétés. PUF 1993, p.331. 79 Les Echos, 25 avril 2000 “ Renault conclut aujourd’hui la reprise du constructeur coréen Samsung Motors ”. 80 Les Echos, 27 avril 2000 “ SAirGroup va monter à 85% dans le capital de Sabena ”.

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venturing81 dans lesquels une grande société peut vouloir participer au développement de nouvelles activités pour pouvoir ensuite les exploiter. Une autre stratégie, développée plus récemment, nécessite l’accord entre les actionnaires d’une société pour accepter de transférer le contrôle à un tiers. C’est le “ P to P ”82. Cette opération, dite de “ public to private ”, consiste à retirer de la cote une société structurellement sous-valorisée au profit d’un investisseur en capital, qui la rachète le plus souvent par deux offres publiques successives (OPA et OPR). Si elle est mal appréciée par le marché l’entreprise a tout intérêt à se céder à un financier car elle risque de perdre sa notoriété et de ne plus trouver les fonds nécessaires à son exploitation. Parallèlement, un investisseur a tout intérêt à acquérir une telle société si son potentiel est intact et a lui donner les moyens d’accélérer sa croissance. Cette reprise n’est envisageable qu’avec l’accord des principaux actionnaires pour que l’offre publique soit un succès. Pour que cette stratégie soit une réussite la conclusion d’un pacte d'actionnaires est donc là encore le meilleur moyen de procéder. Mais la collaboration ne passe pas toujours par la prise de pouvoir d’un partenaire sur l’autre, le plus souvent les deux alliés créent ensemble une structure dans laquelle il interviennent à part égales. La joint venture. La joint venture est une entreprise commune. Entité présentant les caractères suivants : (a) des apports en numéraire, en nature, en travail ou la réunion de compétences aux fins d’une entreprise commune ; (b) un intérêt patrimonial conjoint ; (c) une participation aux profits en proportion des apports.83 La création84 d’une organisation totalement nouvelle par des partenaires qui en partage le capital peut répondre à une stratégie de développement qui ne peut pas être atteinte seule85. Comme le développe un auteur cette structure est le résultat des travaux de la pratique en vue d’adapter les moules existant aux besoins des opérateurs86. On peut envisager l’exemple de Pechiney qui pour pénétrer le marché chinois va créer une société commune avec une filiale de China Aluminium87. Une société peut alors partager les coûts et les risques qu’elle ne peut assumer sans les diviser. C’est sans doute ce qui motive la plus part des rapprochements, notamment celui de Alcatel et Thomson multimédia pour la création d’Atlinks spécialisée dans la téléphonie résidentielle88. 81 Cf. Timothy M. Collins et Thomas L. Doorley “ les alliances stratégiques ”. InterEditions 1992. chapitre 8 p221. 82 G. Vidal “ LBO. Ces entreprise qui se retire de la cote ” Option finance n°600 13 juin 2000 p.12. 83 Définition issue du Dahl’s law dictionary. Henry Saint Dahl. Edition Dalloz 1995. 84 On peut aussi envisager de transformer en filiale commune une société qui était précedement détenue majoritairement, c’est le cas de la société Monoprix. Décision du CMF n° 200C0710. 85 Marcel Côté et collaborateurs. “ La gestion stratégique d’entreprise ”. aspects théoriques. Gaëtan Morin éditeur. 2ème éd°. 1995.p 274. 86 J-P. Brill “ la filiale commune ” Thèse Strasbourg 1975, p.14.. 87 Les Echos, 21 et 22 avril 2000 “ Pechinet veut créer une société commune en chine ”. 88 Les Echos, 19 avril 2000 “ Merrill Lynch etHSBC lancent ensemble une banque globale en ligne ”.

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Agir ensemble, cela peut aussi être pour acheter, fabriquer, distribuer et acheminer ensemble, là encore des économies d’échelle allègent substantiellement le budget des deux actionnaires89. Cette filiale commune permet aussi à chacun des actionnaires d’acquérir de nouvelles compétences ou des compétences complémentaires aux seines90, celles développées par son partenaire. Chacun bénéficie donc des capacités, de l’outil de travail, des brevets…mis à disposition par l’autre. Les synergies venant s’ajouter à des effets de masse évident, les deux partenaires seront bien plus concurrentiels ensemble que ce qu’ils l’étaient chacun individuellement. Il est évident qu’atteindre un tel degré d’intégration et de confiance nécessite des liens serrés. Comme l’explique Raymond H. Levy ( président de Renault), “ l’expérience montre qu’il sera difficile à des concurrents d’accepter, sans tout remettre en question, la nécessité de mettre en commun leurs secrets, une telle mise en commun des ambitions de pointe de chacun des acteurs économiques concernés sont plus facile “ la bague au doigt ” ”91. La création d’une entité indépendante par les partenaires répond aussi à un besoin de flexibilité et de permanence92. Un simple accord n’est pas envisageable dans ces stratégies à forts enjeux car les actionnaires veulent s’assurer la participation effective sur une durée minimale de leur partenaire ce qui n’est pas garanti par un accord dont l’inexécution n’est que mal sanctionnée. En outre la personnalité juridique de la filiale commune évitera la contagion des pertes si d’aventure l’entreprise commune devait s’avérer un mauvais placement. Nous avons donc mis en lumière que le recours à une structure pour soutenir le pacte d’actionnaires apporte de nombreux avantages. Mais cela ne doit pas faire oublier que ces transferts à un holding ou à une filiale ne suffisent pas à la réussite d’une stratégie93. Si une société se gère à la majorité, le développement d’une stratégie demande une vraie cohésion. Il faut que ces structures soient stables, c’est à dire que tous les partenaires restent associés et qu’elles soient gérer de façon organisée. Mais si la constitution d’un noyau dur d’actionnaires est important pour développer une politique sérieuse et efficace, il ne faut pas négliger les minoritaires. D’une part, les investisseurs ne mettent pas leur fond à disposition sans certaine garantie. D’autre part les majoritaires doivent s’assurer que l’entrée d’actionnaires ne se transforme pas en bataille de Troie. 89 Les Echos, 29 juin 2000 “ Vallourec s’allie au groupe japonais F-Tech ” 90 C’est le cas du journal Le Monde qui veut créer une filiale commune avec Le Midi Libre pour lancer ensemble un hebdomadaire d’informations générale sur l’agglomération toulousaine cet automne. Les Echos, 25 avril 2000 “ Le Monde et Midi Libre prépare un hebdo à Toulouse ”. Les Echos, 6 juin 2000 “ Schlumberger veut faire Internet commun avec EDF ”. Les Echos 14 et 15 avril 2000 “ Lagardère s’allie à Warner Bros. Dans la production audiovisuelle ”. 91 Cf. Timothy M. Collins et Thomas L. Doorley “ les alliances stratégiques ”. InterEditions 1992. Préface de Raymond H. Levy. p9. 92 Jean-Jacques Sarfati. “ Ingénierie juridique : intérêt d’une division des accords dans une alliance stratégique ”. Droit et patrimoine, septembre 1997, p28s. 93 J-P. Dom “ Montages en droit de sociétés ” 1998, n°411s.

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Il faut donc constater que même à l’intérieur d’une structure, n’importe quelle stratégie se dispense mal d’accords contractuels entre les actionnaires pour organiser leur collaboration. Au pacte d'actionnaires créant ces sociétés est donc souvent associé un pacte d'actionnaires prévoyant leur fonctionnement. Ces pactes sont le complément nécessaire des statuts dans un certain nombre d’opérations94. Il est important de couler les relations entre associés dans un moule juridique qui renforce l’effet de verrouillage. C’est le cas de l’accord entre Vincent Bolloré et les Frères Martin et Olivier Bouygues qui prévoit tant le transfert de leurs actions de la société Bouygues à une société en participation, que l’organisation de celle-ci95. Le pacte d'actionnaires est donc un instrument de création du groupe, mais au-delà de ça il permet aux actionnaires de l’organiser et de le maintenir.

94 J-J. Daigre “ Transformer les sociétés ”, Cahiers de droit de l’entreprise 1995, n°2, p.16. 95 Décision du CMF n° 197C0737.

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TITRE 2 Pactes d’actionnaires et maintien du groupe. ................................................................................................................................................. Les groupes de sociétés réunissent un ensemble d’entreprises juridiquement distinctes placées sous la domination d’un même centre de décision . Pourquoi donc recourent-ils tant aux pactes d'actionnaires alors que le contrôle y est normalement organisé par un ensemble de relations financières et capitalistiques qui assurent l’autorité de la société mère sur les filiales ? Il ne faut pas oublier que le groupe est avant tout une réalité économique. Et que la notion de contrôle est factuelle. Elle se révèle au travers des structures juridiques plus que ces dernières ne la modèle. C’est une tension permanente entre autonomie et dépendance qui est la caractéristique des groupes de sociétés96. C’est alors que les actionnaires recourent au pacte pour donner cohérence à cet ensemble insaisissable par d’autres voies. Bien que le groupe apparaisse comme une structure sans architecture, surtout juridique, il a nécessairement, voire impérativement, besoin d’une armature sur laquelle s’appuyer pour fonctionner. Le groupe est une construction non réglementée mais néanmoins organisée. Maintenir le groupe, c’est maintenir la cohésion entre les actionnaires afin qu’ils continuent à exercer leur contrôle ce qui dans les faits leur assurera le pouvoir sur la société mère et ses filiales. Or les liens financiers sont impuissants à maintenir cette cohésion. Elle n’apparaît que par la volonté des actionnaires d’agir ensemble ou au moins dans la même voie, volonté concrétisée dans le pacte d'actionnaires. Le pacte d'actionnaires est donc l’élément essentiel à la conservation et à l’exercice du pouvoir97, car il est impératif que les actionnaires se préoccupent de ces deux aspects s’ils veulent exercer un pouvoir effectif sur la société. C’est ce qu’ont fait les actionnaires de la société Eurofins Scientific qui donnent comme objet à leur pacte “ d’assurer la stabilité de l’actionnariat et la continuité de la gestion de la société ”98. Les actionnaires ont pris conscience de cette dualité et prévoient, notamment quand ils veulent développer une stratégie ensemble de définir les modalités de gestion de l’actionnariat (chapitre 1) et du contrôle (chapitre 2). Chapitre 1 . Gestion de l’actionnariat.

96 R. Marrau “ Un paradoxe permanent du groupe de sociétés : indépendance contre unité économique de ses sociétés ” Les Petites Affiches 5 août 1996 n°94, p.4. 97 S. Prat “ Les pactes d'actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Litec 92, n°9. 98 Décision du CMF n° 198C0561.

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Notre droit a envisagé la société anonyme comme une société de capitaux dans laquelle l’aspect financier est primordial et l’attachement à la société réduit. Toutefois certaines dispositions légales99 et les adaptations que prévoient les actionnaires au travers divers pactes démentent cette approche100. Les actionnaires cherchent à renforcer le caractère intuitu personae de leur association par l’adoption de clauses spécifiquement adaptées à leur cas personnel et responsabilisant les actionnaires par rapport à la société101. Ils conservent ainsi les avantages d’une structure propre adaptée à leur activité tout en lui donnant un caractère plus fermé, la rapprochant d’une société à responsabilité limitée102. Les actionnaires qui créent ou investissent dans une société veulent s’assurer d’une certaine stabilité et pérennité de l’actionnariat. Pour réaliser certains objectifs, la société doit éviter les changements, affectant directement la composition du capital social et le fonctionnement de l’entreprise. Les partenaires se sont engagés chacun en fonction de la personne des autres, leur participation est remise en question si un allié cède sa place à un tiers. Quant à la stratégie elle-même, elle a été définie là aussi par rapport aux compétences de chacun, la cohérence de l’ensemble est remise en cause si un actionnaire quitte la société.(I) Toutefois le fonctionnement d’une société nécessite des évolutions et le contrôle du capital mis en place par ces clauses n’a pas pour objectif de figer la situation. Souvent il ne s’agit que de prévoir le maintien de l’équilibre en capital négocié lors de la décision de développer une stratégie commune (II). Le pacte d’actionnaire doit alors assurer que les variations nécessaires du capital ne bouleverseront pas les équilibres fondamentaux à partir desquels les parties s’étaient engagées sauf si leur intérêt est là103 (II). Section I. Maintien de la répartition du capital. 99la loi de 1966 dans ses articles 274s prévoit la possibilité d’introduire une clause d’agrément dans les statuts. 100Comme le relève messieurs Martin et Faugérolas les conventions entre actionnaires ont le plus souvent pour objet de régler la transmissions des actions entre membre de ces pactes. “ Les pactes d’actionnaires ” JCP éd° G 89 .I.n°3412. 101 R.Cannard. “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ”. in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 1992 p. 4. 102J. Moury “ Des clauses restrictives de la libre négociabilité des actions ”. D89.p187. 103 J-J. Daigre. “ pacte d’actionnaires et capital-risque. Typologie te appréciation ”. Bull. Joly 93 §40 p 157. Option finance n° 257. 3 mai 1993 p 30 - n° 258. 10 mai 1993 p 30 - n° 260. 24 mai 1993 p 26.

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Il apparaît souvent que la mise en place d’une politique commune et la réalisation de celle-ci sont mieux assurées si l’actionnariat reste stable. La participation de tout actionnaire au projet social va dépendre des partenaires qui entendent s’y engager et s’y maintenir. Il est donc probable que si l’un d’entre eux quitte la société, la collaboration générale sera remise en cause. L’engagement de chacun sera conditionné par celui des autres. La stratégie ne repose donc pas uniquement, comme c’est le cas pour la direction d’une société isolée, sur la personne du majoritaire qui défini la direction de la société. Dans une association de personnes intéressées à la réalisation d’un objectif commun la participation de chacun compte. Il faut donc assurer la stabilité de la composition de l’actionnariat, car assurer cette stabilité, c’est à dire la participation de tous les actionnaires à la stratégie qu’ils ont ensemble définie, c’est aussi s’assurer la participation de chacun d’eux. Comme l’exprime J-P. Dom, “ l’intérêt des pactes de collaboration est de figer une réalité présente, dans le but de garantir la construction d’un avenir proche ”104. Un pacte d’actionnaires peut donc transcrire cette volonté d’immuabilité ( §1 ). Mais il est vain de croire que l’on peut maintenir une alliance contre le gré d’un actionnaire. Si cela était envisageable il faudrait s’interroger sur les bienfaits du procédé. Il est souvent préférable de se quitter sans heurt en contrôlant le nouvel arrivant plutôt que de chercher à contraindre un actionnaire qui ne veut plus prendre part au jeu. De nombreux pactes d’actionnaires envisagent cette hypothèse et assurent le respect de l’équilibre initial comme l’acceptation du nouvel actionnaire ( §2 ). §1. Prévision de l’immuabilité du capital :un idéal de protection de la stratégie Pour que la mise en œuvre de la stratégie s’exerce comme les actionnaires l’avaient prévue il faut tenter de maintenir les paramètres sur lesquels ils se sont fonder. La façon la plus évidente de maintenir les équilibres définis est de conserver le capital en l’état. On cherche à s’assurer la participation de tous les partenaires jusqu’à la fin du projet. On veut le conserver à l’intérieur de l’entreprise. Les actionnaires peuvent donc envisager des interdictions de vendre (A) ou d’acheter (B) des titres. A. L’interdiction de céder sa participation

104J-P. Dom “ Les montages en droit des sociétés ” éditions Joly 1998.

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Clause d’inaliénabilité. Cette clause a pour effet d’interdire purement et simplement au débiteur de la clause de céder ses actions, en totalité ou pour une part définie. Elle assure donc aux différents partenaires la participation des autres, au moins pour un certains temps. Cette clause étant contraire au principe de libre cessibilité des actions, elle doit remplir différentes conditions pour être valable : être limité dans le temps et être justifiée par un intérêt légitime105. L’inaliénabilité permet donc de maintenir la collaboration pendant le temps de réalisation de la stratégie définie106. Dans l’hypothèse d’un groupe de sociétés les actionnaires assouplissent parfois cette clause autorisant les cessions intra groupe le contrôle restant en définitif dans les même mains107. Elle peut plus particulièrement s’imposer à l’un ou à l’autre des actionnaires. Comme le proposent certains auteurs, le débiteur de la clause peut être l’actionnaire majoritaire, qui s’engage à ne pas céder sa participation108 tant que les minoritaires ne se sont pas eux même désengagés109. Dans ce sens, la clause peut bénéficier aux financiers, les capital-risqueurs, qui imposent aux actionnaires de ne pas se séparer de leur capital aussi longtemps que durera leur concours financier110. Il fait peu de doute que les juges dans ces hypothèses estimeraient légitime l’intérêt qu’ont ces différentes catégories d’actionnaires au maintien du capital. Leur participation à la société dépend en effet de la stratégie que tous les actionnaires ont définie et à laquelle ils ont chacun adhéré. Il est donc primordial pour eux que cette ligne de conduite soit suivie, ce qui n’est possible que si les actionnaires en charge de cette stratégie se maintiennent dans le capital111. Clause d’égalisation. Une variation particulière de la clause d’inaliénabilité peut aussi se rencontrer fréquemment dans les groupes de sociétés, c’est la clause d’égalisation.

105Article 900-1 du code civil, cet article est considéré comme étant de droit commun, il s’applique donc à ces clauses: CA Paris, 3e ch. A, 4 mai 1982: Gaz. Pal., 1983,1, jur. p. 152.J-J.Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” pratique des affaires GLN Joly éditions, n°16 et 48. 106Décision n°199C1108 du CMF concernant une convention conclue entre les actionnaires de la société Cryo Interactive Entertainment le 8 déc. 1998,prévoit que “ ...Markas Holding B.V. s’engage à conserver pendant la même période au moins 74,2% de sa participation initiale calculée au jour de l’introduction ce qui correspond à 11,80% du capital et 14,88% des droits de vote ”. 107 C’est l’exemple du groupe André qui prévoit la suspension de l’inaliénabilité en cas “ de reclassement au sein des groupes respectifs ”. Décision du CMF n° 199C1654. 108Décision du CMF n° 199C1092 concernant une convention conclue entre les actionnaires de la société Buffalo Grill le 30 juillet 1998 et qui prévoit “ un engagement de ne pas céder de titres Buffalo qui aurait pour objet ou pour effet de ramener les participations cumulées de la SAIP et ACLF dans le capital de la société au dessous de 60% ”. Ces sociétés détiennent au moment de la signature du pacte respectivement 54,3% et 44,5% du capital. Le pacte prévoit donc qu’elles restent majoritaires dans la société Buffalo grill. 109J-J.Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” pratique des affaires GLN Joly éditions 1995, n°48 110R.Cannard “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ”Cahiers de droit de l’entreprise 92 n°1. 111F-D. Poitrinal “ Le capital investissement ” La revue banque éditeur 1996. n°477.

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Elle permet de maintenir la participation des actionnaires dans une filiale commune, chaque groupe s’engageant à ne pas vendre à un tiers112. La stratégie longuement étudiée a fait se rencontrer deux partenaires qui ont considéré que leur complémentarité leur permettrait d’être plus efficace, elle ne peut évidement pas être mise en œuvre par ou avec d’autres personnes dans les même termes. La fidélité de chacun au projet est donc la base de toute réussite puisque la stratégie développée repose sur leur réunion. S’il n’y a plus de collaboration, il n’y a plus de stratégie. Promesse de non-apport à une OPA. On peut envisager une clause d’inaliénabilité particulière qui ne se traduirait que par l’interdiction d’apporter ses titres à un raider, qui par le biais d’une OPA envisagerait de prendre le contrôle de la société113. Ce type de clause est prévu par les actionnaires de la société Bouygues qui dans leur pacte mettent en place une clause d’inaliénabilité, précisant que “ le dépôt d’une offre publique ne remettrait pas en cause la mise en œuvre juridique de la convention ”114. On peut en effet concevoir une stratégie qui ne souffrirait pas du changement de quelques actionnaires minoritaires tant que la politique générale du groupe ne varie pas. Leur sortie est donc acceptable, souvent couplée à des clauses d’agrément ou de préemption. Mais la réussite d’une OPA sur la société signifierait la fin de la stratégie poursuivie jusque là car de toute évidence si un actionnaire cherche à prendre le contrôle d’une société c’est bien qu’il y voie un potentiel mal employé par les actionnaires en place. Dans le cas contraire, il pourrait se contenter de prendre une participation pour retirer des dividendes de l’activité. Mais si le capital peut être figé en interdisant aux actionnaires de céder leurs participations, il est également nécessaire qu’ils ne l’augmentent pas pour maintenir l’équilibre prédéfini. B. L’interdiction d’augmenter sa participation. Clause de limitation des participations. Les signataires de ces clauses s’engagent à ne pas procéder à des acquisitions au-delà d’un certain plafond de participation115. Les parties peuvent ainsi maintenir l’équilibre existant quand elles se sont engagées, elles conservent donc chacune la même influence sur la détermination de la stratégie. Par exemple, le pacte établit entre les actionnaires de la société Bouygues prévoit dans son préambule que les parties se sont rapprochées en vue d’organiser leur action commune vis-à-vis de la société et ont conclu le présent pacte...pour préciser les termes de l’équilibre voulu entre leurs participations respectives ” 116. Il apparaît donc clairement que l’assurance du maintien de la participation des actionnaires au niveau qu’elle avait lors de la décision de collaborer est fondamentale. 112Lamy sociétés commerciales n° 4217. 113SBF, Avis n° 96-3795, 20 novembre 1996. Le pacte conclu entre les actionnaires de la société CFPI prévoit que “ en cas d’offre publique initiée par la société, les autres parties s’engagent à faire connaître, dans les cinq jours suivant l’avis d’ouverture, leur intention d’apporter ou non leurs actions au CFPI et s’interdisent d’apporter leurs actions à toute offre concurrente ”. 114Décision du CMF n°197C0737. 115Lamy sociétés commerciales 1999 n° 3112. 116Décision du CMF n°198C1150 concernant le pacte conclu entre le groupe Artémis et la SCDM actionnaires de la société Bouygues.

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Elle renforce la confiance que les partenaires ont l’un en l’autre sachant qu’ils ne risquent pas de se retrouver en minorité à la merci de celui qui était l’allié d’hier. Une augmentation peut être strictement interdite ou être soumise à l’accord des autres actionnaires, c’est ce que prévoit un autre pacte conclu entre les actionnaires de l’époque de la société Bouygues117. Ce pacte prévoit que “ toute augmentation de participation de la SCDM ou du groupe Vincent Bolloré dans la société Bouygues ne pourra se faire qu’après accord préalable des associés. ”. Mais dans ce dernier exemple, nous permet également de souligner que si la participation est limitée c’est aussi pour éviter que les deux actionnaires en viennent à dépasser conjointement le seuil du tiers118. Cela serait évidement un frein à la stratégie du groupe car les actionnaires devraient alors déposer un projet d’offre publique119. En effet leur participation au pacte peut les constituer de concert ce qui conduira à considérer leur participation cumulativement pour la détermination du seuil du tiers et donc de l’obligation de déposer une offre publique. Pacte de non-agression. Si la clause d’inaliénabilité peut avoir pour but d’éviter d’être obligé de déposer une offre publique quand cela n’entre pas dans les prévisions des actionnaires, elle peut aussi les protéger contre les tentations colonialistes de l’un d’entre eux120, elle s’appelle alors clause de non-agression ( standstill agreement). Au travers de ces clauses les actionnaires s’engagent souvent réciproquement, à ne pas acquérir d’autres actions qui renforcerait leur pouvoir121. Ils figent la géographie du capital et assurent ainsi que le contrôle ne changera pas de mains122. De tels engagements négatifs sont parfaitement valables puisqu’ils ne contreviennent nullement au principe de libre négociabilité , lequel ne postule aucun droit d’acheter. Aussi le tribunal de commerce de Paris a-t-il validé la clause par laquelle deux sociétés mères d’une filiale commune s’étaient interdit d’acquérir directement ou non, les actions de l’autre123. Il est important de prévoir l’acquisition directe ou indirecte, surtout dans un groupe de

117Décision du CMF n° 197C0737 concernant le pacte conclu entre V. Bolloré au nom des sociétés de son groupe, la SCDM représentée par Mr M.Bouygue et Mr M.Bouygues et Mr O.Bouygues, actionnaire de la société Bouygues.” 118 ”Toutefois, le Groupe V.Bolloré pourra augmenter sa participation pour la porter jusqu’au pourcentage de 14% du nombre total des actions Bouygues, la SCDM s ’engagent à convertir au porteur les actions Bouygues qu’elle détient afin d’éviter que du fait de cette augmentation jusqu’à 14%, le seuil du tiers des droits de vote ne soit franchi par la SCDM et le Groupe V.Bolloré pris globalement 119Article 5-5-2 du réglement général du CMF. 120A. Perrier, R. Scacchi “ Les stratégies anti-OPA ”, édition Economica coll° gestion poche 1995, p.73. A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques” éd°. pratique Francis Lefebvre, n°600. 121Lamy sociétés commerciales 1999 n°3111. 122R.Cannard, “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 1992 n°1. I 3. 123T. com. Paris, 1 août 1974, Bull. Joly 1975, p.184, Rev.soc. 1974,p.685, note Oppetit.

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sociétés car l’acquisition peut très bien se faire non par la société déjà actionnaire mais par la société mère ou une société sœur , ce qui néanmoins procure toujours le contrôle au même groupe. S’il est important que le capital ne soit pas trop mouvant, il semble illusoire de vouloir le figer totalement. Dans de nombreux cas les actionnaires au lieu de prévoir l’impossibilité de faire varier les prises de participations cherche plutôt à les surveiller. §2. Surveillance des modifications de capital : un compromis à adopter. Les modifications dans la répartition du capital sont inévitables. Les actionnaires décident donc souvent de s’en accommoder mais de trouver des techniques permettant de pallier leurs inconvénients, comme l’arrivée dans le capital d’un tiers non désiré. Le principal objectif de ces clauses est de maintenir les équilibres initiaux, qu’ils soient trouvés avec les actionnaires de départ ou de nouveaux partenaires. Ces clauses sont donc contraignantes pour les actionnaires qui veulent quitter la société sachant que cette cession se fera sous condition, mais elle avantageuse pour les actionnaires restant majoritaires (A) ou minoritaires (B) qui voient la situation sur laquelle ils ont pariée se maintenir. A. Clause rassurant les actionnaires majoritaires Les clauses de contrôle des cessions ont pour but de maintenir la direction de la société dans les mains de ceux qui la détiennent au moment de la conclusion du pacte124.A cet effet les pactes d’actionnaires peuvent contenir des clauses permettant de contrôler les variations de capital. Clause d’agrément. Cette clause a pour objet de filtrer l’arrivée de nouveaux actionnaires en subordonnant l’accès à ce statut à certaines conditions, elle renforce ainsi le caractère intuitu personae de la société. Elle protège les actionnaires contre l’arrivée et la prise d’influence d’un tiers dont les projets ne sont pas de collaborer à la réalisation de la politique sociale telle que définie par les actionnaires initiaux. En effet si l’on veut que la stratégie mise en place puisse être assurée, il faut que tous les actionnaires y contribuent. Il faut donc s’assurer la bonne volonté de tout nouvel arrivant. Il faut aussi se prémunir contre un changement de contrôle, si l’actionnaire majoritaire cède ses titres ou si plusieurs minoritaires cèdent les leurs au même acquéreur.

124Mémento Francis Lefebvre “ groupe de sociétés ” 98/99 n°2881.

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Après avoir engagé des frais pour mettre en place un partenariat en vue de la réalisation d’une stratégie commune et fait des apports plus ou moins secrets, qui contribuent à la valeur de l’entreprise, il serait mal venu que cet effort et ces révélations servent un tiers indésirable et non désiré. Cette clause bien qu’envisagée par la loi comme pouvant être insérée dans les statuts125,est souvent contenu dans un pacte d’actionnaires car elle permet une plus grande adaptation aux besoins de la société126. Mais toute les variations de cette clauses ne sont toutefois pas possible, il semble que même conclu dans un pacte d’actionnaires, la clause d’agrément entre actionnaires soit inenvisageable. Il est en effet intéressant pour les actionnaires de conserver une influence constante sur la ou les sociétés dans lesquelles ils ont une participation. Pour cela il faut qu’ils conservent leurs titres, mais également que la participation de leurs coassociés reste inchangée. Il faudrait donc qu’ils puissent vérifier toutes les cessions. Or la jurisprudence interdit l’application des clauses d’agrément aux actionnaires127 et la doctrine est plus que réservée sur la validité de telles clauses d’agrément extra-statutaire128. Les équilibres internes peuvent donc évoluer sans que les actionnaires n’aient d’influence sur ces cessions. Il y a là un risque qui ne peut donc être limité. S’il n’apparaît pas important de contrôler les flux internes de titres quand les actionnaires se contentent d’investir dans la société, cette maîtrise pourrait être tout à fait appréciable quand le regroupement effectué est à visée stratégique. Les actionnaires, souvent des sociétés qui chacune ont une particularité, mettent en commun des moyens qui seront le support de la stratégie développée. On peut donc envisager que le capital soit partagé en part égal, pour que chaque actionnaire contribue de la même façon et surtout tire le même bénéfice de l’activité. Si un actionnaire devient majoritaire129, il pourra prendre à son compte tous les apports fait par les alliés au pacte, qui se seront en partie révélés et ne pourront plus décider de la marche de la société. Clauses de préférence ou de préemption. Ces deux clauses ont comme point commun de donner à leurs bénéficiaires le droit d’acquérir les actions que les débiteurs de la clause décideraient de céder130. Elles permettent donc de ne pas ouvrir le capital à un tiers extérieur à

125article 274 loi 1966 126Les actionnaires peuvent ainsi prévoir un droit individuel d’agrément ou une obligation d’achat en cas de refus d’agréer. Ils peuvent aussi librement prévoir quel entité ou personne se pronocera sur l’agrément. J-J.Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pacte d’actionnaires ” pratique des affaires. GLN Joly éditions 1995. 127Cass. com. 10 mars 1976, D 1977, 455 note Bousquet. 128R.Cannard “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ”Cahiers de droit de l’entreprise 1992 n°1. Y.Guyon “ Traités des contrats. Les sociétés. Aménagements statutaires et conventions entre associés ” LGDJ 4ème éd° 1999,n°219. 129Nous pouvons prendre l’exemple d’une alliance à trois, chaque actionnaire détenant un tiers du capital. Si un actionnaire vend sa participation à un autre, le troisième se retrouve en minorité et ne peut plus influencer la politique sociale. Il a été floué car les concessions qu’il avait faite en vue de la réalisation d’une stratégie bien définie sont détournées. 130F-D.Poitrinal, “ Le capital investissement ” la revue banque éditeur, 1996.

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la société et en même temps elles permettent à un groupe d’actionnaires de préserver son influence dans la société, et le cas échéant, de la conforter. Cette clause peut bénéficier à un groupe majoritaire qui préférera s’assurer la contrôle absolu plutôt que de se retrouver associé à des minoritaires nouveaux. Il peut également s’agir de minoritaires qui ne souhaite pas être dilué et perdre par exemple leur minorité de blocage ou des groupes égalitaires qui souhaitent maintenir cette égalité131. Ces clauses sont souvent prévues pour permettre de contrôler l’entrée d’un nouvel actionnaire lors de la sortie du capital-investisseur, ce dernier n’ayant pris une participation que pour un temps limité132. Elle permet de s’assurer que les dirigeants actionnaires ne fassent pas entrer dans la société un tiers souhaitant avant tout contrôler la stratégie de la société et non réaliser une plus-value133. En effet on peut distinguer entre les actionnaires qui apportent leur savoir-faire pour participer avec d’autre à une stratégie et ceux qui ne font que financer ce projet sans participer autrement à l’activité. Si les seconds parient sur la stratégie et les gains qu’elle va engendrer les premiers la définissent, il ne faut donc pas laisser entrer un tel actionnaire dans la société sans être assuré de ses intentions. La stratégie peut donc être préservée par ces contrôles des nouveaux arrivants et le rachat, le cas échéant, des titres par les actionnaires de la société, si l’entrée de l’acquéreur potentiel peut être néfaste134. Ces clauses répondent donc à un objectif de protection. Elles constituent une défense anti-OPA. Les actionnaires peuvent refuser l’entrée d’un tiers qui peut représenter une menace ou accorder un droit de préférence à des investisseurs extérieurs “ amis ”qui auront été choisis par les membres du pacte135. Ces clauses sont tout à fait valables, qu’elles soient statutairement prévues ou qu’elles soient insérées dans un pacte136. Les actionnaires préférant tout de même cette voie car elle leur permet d’insérer toutes les dispositions nécessaires137. Ils prévoient souvent d’exclure la cession d’action au sein du groupe de sociétés, le contrôle étant en finalité exercé par le ou les même actionnaires138. 131R.Cannard “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 1992 n°1 II 2. 132J-J. Daigre “ Pacte d’actionnaires et capital-risque. Typologie et appréciation ”, bull. Joly 93, p.157 §40 n°1. Option finance n°257, 3 mai 1993 p.30. 133 “ Comment protéger son capital grâce à une clause de préemption ” Option finance n°529 11 janvier 1995. 134Décision du CMF n° 199C1092 concernant un pacte conclu entre les actionnaires de la société BUFFALO GRILL et qui énonce que “ dans la perspective de l’introduction en bourse afin d’assurer la pérennité du développement de la société.....les actionnaires ont conclus un pacte qui comporte, un droit mutuel de préemption classique... ” 135A. Perrier, R. Scacchi “ Les stratégies anti-OPA ” édition Economica coll° gestion poche 1995 p.72. 136Angers, 1re Ch. A., 20 septembre 1988 Consorts Cointreau et autres. Bull Joly 88 p.850 § 271. Y.Guyon “ Les sociétés. Aménagements statutaires et conventions entre associés ” LGDJ 4ème éd° 1999,n°220. J-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” pratique des affaires GLN Joly éditions 1995 n° 57. 137Décision du CMF n° 199C0267 concernant un pacte conclu entre les actionnaires de la société CARREFOUR, qui “ a pour objet d’organiser un droit de préemption réciproque ” et qui assorti cette disposition particulière: “ Ne sont pas soumise à la préemption les cessions: entre signataires; à héritier, conjoint, ascendant ou descendant; n’excédant pas 500 titres sur 12 mois; une personne morale contrôlée à condition qu’elle adhère au pacte ” 138Le pacte d'actionnaires conclu par les actionnaires de la société BD LEASE prévoit un droit de préemption “ à l’exception des cessions effectuées intra-groupes ”. Décision du CMF n° 197C0749.

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B. Clause protégeant les actionnaires minoritaires. Clause anti-dilution. La clause anti-dilution est une stipulation par laquelle certains actionnaires s’assurent un maintien de leur pourcentage dans le capital de la société en cas d’émission réservée de titres139. Cette clause est souvent introduite au profit des investisseurs pour que ces derniers possèdent toujours la même participation et donc la même influence140. Cela est réalisable soit en leur réservant un droit de souscription lors des augmentations de capital, soit en prévoyant que les actionnaires majoritaires s’engagent à céder une part de leurs actions pour que leur participation reste inchangées141. Cette garantie peut être accordée à des capital-risqueurs afin de les inciter à investir dans la société en leur assurant toujours un pouvoir minimum, comme par exemple une minorité de blocage. Mais elle peut également être un argument prévu à l’occasion de l’entrée d’un nouvel actionnaire majoritaire qui veut conserver comme allié des associés qui participent à la vie sociale depuis longtemps142. Du point de vue de la réalisation d’une nouvelle stratégie cela peut être intéressant de conserver leur concours car ils connaissent bien la société. Section II. Modulation volontaire du capital. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, il n’est pas toujours ni possible, ni souhaitable de figer le capital du groupe. Il est indispensable de prévoir l’entrée de nouveaux actionnaires car l’évolution stratégique aura peut être besoin d’être soutenue par d’autres partenaires que ceux déjà en collaboration (§1). Mais il est également nécessaire de prévoir une possibilité de sortie volontaire ou forcée pour certains actionnaires qui n’entendent plus collaborer, soit qu’ils n’y trouvent plus d’intérêt soit que leur participation est par nature limitée comme c’est le cas pour les capital-risqueurs(§2). §1. Aménagement de l’entrée de nouveaux actionnaires 139G.Bouillet-Cordonnier “ Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires ”, EFE 1992, n°325 140F-D.Poitrinal “ Le capital investissement ” La revue banque éditeur 1996, n° 504. 141Pacte conclu entre les actionnaire de la société INGENICO qui prévoit un droit préférentiel de De La Rue France Holding SAS, et si ce droit venait à être supprimé, un rétablissement de sa participation par “ tous moyens juridiques appropriés ”. Décision du CMF n° 198C0834. 142Pacte entre les actionnaires la la société UNION EUROPEENNE DE CIC, la Banque Fédérative du Crédit Mutuel ayant été désigné comme acquéreur de l’UE-CIC lors de sa privatisation, elle devient majoritaire. Mais son entrée se fait dans le respect des participation minoritaire, cette dernière s’engageant à permettre au GAN de maintenir une participation de 20% du capital et des droits de vote de l’UE-CIC. Décision du CMF n° 198C0426.

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Comme nous l’avons envisagé précédemment la conduite de la politique sociale a tout à gagner à la stabilité de l’actionnariat. Les partenaires restent les même il n’y a donc pas de risque de variation de la stratégie de la société. Toutefois, il peut arriver que l’entrée de nouveaux actionnaires corresponde aux intérêts de la société. Les possibilités de développement que permet l’association des actionnaires anciens peuvent être limitées et il faudra alors recourir à des alliés extérieurs pour trouver des complémentarités et renouveler la stratégie sociale. Les actionnaires si tel est leur intérêts pourront donc, soit fermer leur capital, soit l’ouvrir pour accéder à de nouvelles perspectives. Les actionnaires peuvent prévoir soit l’entrée d’un nouvel associé (A), soit la progression d’un associé déjà entré dans le capital (B) pour favoriser leur activité. A. Introduction dans le groupe. Prévoir l’entrée de nouveaux actionnaires dans une société est important, voire primordial. Ils interviennent pour relancer l’activité ou en développer une nouvelle quand cela ne peut se faire sans nouvelles associations. Mais ils peuvent aussi intervenir pour fortifier le capital et éviter les attaques. Association de partenaires en vue de la réalisation d’une stratégie commune. Comme nous l’avons déjà souligné la collaboration entre deux partenaires peut se faire par la prise du contrôle de l’un sur l’autre. Le pacte d’actionnaires prévoit alors la prise de pouvoir de la société tout en organisant le maintien des particularités de la société contrôlée, particularités qui ont motivé son achat. Mais la collaboration peut aussi prendre une autre forme. Les partenaires peuvent vouloir prendre une participation tout en laissant le contrôle aux actionnaires en place. On est alors en présence d’une démarche qui s’inscrit entre le simple accord de collaboration commercial et l’appropriation des avantages que représente une autre société par annexion de celle-ci. Les actionnaires qui font le constat que l’isolation n’est pas la meilleure façon d’assurer une politique d’avenir peuvent ouvrir leur capital à un partenaire dont ils ont besoin pour développer une stratégie sans pour autant vouloir lui laisser le pouvoir. Quant à l’actionnaire allié il peut vouloir profiter des synergies que présente cette alliance sans prendre en charge la gestion de la société alliée.

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La prise de participation est alors limitée, voire symbolique143, elle est le reflet de la confiance nécessaire que doivent avoir les deux partenaires l’un dans l’autre; l’un pour ouvrir son capital, l’autre pour prendre une participation qui peut s’avérer risquée, mais cela proportionnellement à l’opération envisagée. Cette acquisition de titres représente la participation financière du nouveau partenaire à la stratégie envisagée. Ainsi les actionnaires de la société Réponse SA ont déclaré dans le pacte d'actionnaires qui les lie qu’ils “ ont entendu renforcer les synergies et complémentarités des deux sociétés par une action commune et concertée au sein du groupe concrétisée par une prise de participation par M. Alain Perrier au sein du capital de la société Réponse SA à hauteur de 4,90%. ”144. Elle peut aussi se traduire par une participation croisée145, pour renforcée la cohésion des deux groupes et pour réaliser une défense anti-OPA146. Ce type d’accord permet à chacune des sociétés de profiter de l’activité de l’autre pour élargir ses compétences. C’est le cas du groupe Accor qui a conclu un partenariat stratégique avec la société Go Voyage dans le capital de laquelle il est entré à hauteur de 38,5%147. Les partenaires expliquent que les synergies entre les deux sociétés sont importantes. La société Go voyage pourra élargir son offre (spécialiste des vols secs), à l’offre hôtelière d’Accor, qui lui-même bénéficiera de capacités aériennes renforcées. Cette alliance devrait également se traduire par des gains important pour chacune des deux entreprises148. De plus, les deux alliés prévoient le développement de leur activité conjointement dans le commerce électronique, les nouvelles technologies étant aujourd’hui souvent le creuset de tels accords149.

143Les Echos 18 et 19 août 2000 “ L’espagnol Recoletos va entrer dans le capital de RTL Group ”. Le journaliste considèreque pour modeste qu’elle soit, cette prise de participation de 1,8% n’en est pas moins symbolique car elle permet au groupe espagnol d’intégrer ses activités TV en Espagne dans dans un vaste ensemble européen. 144Décision du CMF n°199C2058. 145 Les Echos 17 avril 2000 “ Eclairage: Valeo s’allie avec le japonais Ichikoh ”. Les Echos 18 avril 2000 “ Valéo va échanger des participations avec le japonnais Ichikoh ”. 146A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques.”, éd.pratique Francis Lefebvre 1999, n°581. 147Les Echos 19 avril 2000,p.27 “ Go Voyages s’adosse au groupe Accor ”. 148 Voir aussi l’alliance entre Renault et Volvo s’agissant de la production de poids lourds. Les Echos 27 avril 2000 “ Les actionnaires de Volvo autorisent le rachat d’actions pour financer la reprise de Renault V.I. ”. Option finance n° 594 ? 2 mai 2000, “ Renault rebondit grâce à Volvo ”. Les analystes prévoient que les synergies entre ces deux groupes seront fortes, Volvo bénéficiant de l’implantation de RVI dans l’Europe du sud alors que ce dernier profitera du poids de Volvo dans l’Europe du nord. 149Voir Les Echos du 17 avril 2000 qui rendent compte de:L’alliance entre BSkyB (télévision par satélite) et KirchPayTV (télévision à péage) avec une prise de participation de 24% de la première dans la seconde. L’alliance de BSkyB avec un site suédois letbuyit.com, (prise de participation pour 16 milions d’euro). Cette alliance permettant à ce site “ de développer de nouveaux services en lignes et des programme de télévision qui seront spécialement créés à l’intention des clients de letbuyit.com et des visiteurs du site Sky.com de BSkyB ”. L’alliance de Renault-Nissan qui ont décidé de faire cause commune avec General Motors-Ford-DaimlerChrysler. Renault-Nissan à donc pris une participaton de 5% dans leur plate-forme B-toB. Cette participation à la future plus importante plate-forme d’échange en ligne entre constructeurs automobiles et équipementiers leur permettra de réaliser des gains de temps et d’argent. Les Echos du 17 avril 2000 “ Renault et Nissan rejoingnent les constructeurs américains sur leur plate-forme B-to-B ”.

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Le pacte d’actionnaire s’impose alors comme outil pour prévoir cette prise de participation et la façon dont collaboreront les partenaires. En effet pour bénéficier de synergies il faut s’allier avec un groupe qui pratique une activité complémentaire (comme c’est le cas pour Accor et Go Voyage) ou une activité identique mais avec des techniques ou sur des marchés différents. L’alliance doit alors sur un point déterminé permettre la collaboration entre entreprises concurrentes, ce qui nécessite des compromis importants et des garanties sûres de part et d’autre pour instaurer un climat de confiance. C’est le cas dans l’alliance entre Danone et le groupe japonais Yakult, qui sont concurrent notamment sur le marché des laits fermentés frais, mais qui entendent collaborer sur le marché des aliments santé150. A cette fin Danone à pris 5% du capital du groupe nippon devenant ainsi le second actionnaire. Les deux groupes sont jugés très complémentaires, ils peuvent par cette alliance, s’introduire l’un et l’autre sur des marchés qu’ils ont seuls du mal à percer. Le japonais est bien implanté en Asie et en Amérique latine, alors qu’à l’inverse Danone est très européen. Alliance permettra à ces deux groupes de gagner du temps et beaucoup d’argent, en s’ouvrant réciproquement des marché déjà conquis; ils restent donc compétitif face à des concurrents dont l’implantation mondiale est peut-être déjà plus avancée. Association de partenaires en vue d’écarter le danger de la perte du contrôle. Dans ce type d’hypothèse les clauses stipulées prennent la forme de convention d’apport. Ce sont des clauses par lesquelles des actionnaires s’engagent irrévocablement à l’égard de l’initiateur d’une offre publique d’achat ou d’échange à lui apporter les actions de la société cible qu’ils détiennent quelles que soient les contres offres qui pourront être déposées151. Cela permet d’assurer aux actionnaires majoritaires le jour où ils voudront lancer une offre publique, eux même ou par l’intermédiaires d’alliés, que les titres des minoritaires qui veulent se désengager ne passent pas dans les mains d’un tiers. C’est ce type de clause qui avait été conclu par les actionnaires de Radar152. Voulant se désengager de la société, ils s’étaient engagé à apporter leurs titres à Primistère, précipitant ainsi l’échec de la contre offre faite par Bidermann. Mais si les pactes permettent l’entrée d’un actionnaire, quand la société décide que tel est son intérêt, ils peuvent aussi prévoir la progression d’un actionnaire dans le capital. 150Les Echos 14 et 15 avril 2000 “ Danone envisage une alliance avec Yakult dans les aliments santé ”.. 151B. Peillon “ Les pactes visant à prendre et/ou conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 92 n°1, p.8. A. Perrier, R. Scacchi “ Les stratégies anti-OPA ” édition Economica coll° poche gestion 1995, p.72. 152T.com; Paris 28 juill. 1986 affaire Biderman c/ Primistère

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B. Progression dans le groupe. L’entrée d’un actionnaire dans un groupe est un préalable à la mise en place d’une stratégie dont, malgré les différentes études, on n'est pas sûr du résultat. Souvent cette participation est donc limitée et il est prévue une prise de participation supplémentaire si l’alliance atteint les résultats escomptés. Les actionnaires majoritaires peuvent donc envisager dans un pacte de conférer une promesse de vente de titres à un partenaire si celui-ci veut, au fil de la collaboration, renforcer sa participation. Ce fût la possibilité laissée par les actionnaires de la société Olivetti à AT&T (géant américain des télécommunications) quand il pris une participation de 25 % en 1983, partenariat qui sauva la société de la ruine. Il était prévu qu’AT&T pourrait porter sa participation à 40%153. Cela permet aussi à la société qui veut se lier à une autre de lui offrir un avantage qui peut la décider. En effet si la stratégie mise en place est efficace, les profits réalisés par la société devraient s’accroître, l’actionnaire partenaire pourrait alors augmenter sa participation pour réaliser un placement intéressant. Cette promesse de vente peut aussi être conclu en faveur d’un actionnaire dont la participation veut être récompensée et fidélisée. Ainsi le holding Schli a-t-il signé un pacte d'actionnaires avec M. Tournaire, actionnaire, président du directoire de Réponse SA (filiale du holding) et occupant des fonctions techniques opérationnelles au titre d’un contrat de travail, lui accordant une promesse lui permettant d’acquérir 1,53% supplémentaire154. Cette augmentation de participation peut aussi se faire par un autre biais, en cas de développement de la société ou du groupe. Dans ce cas les actionnaires minoritaires peuvent se faire consentir une clause de préférence. C’est une clause par laquelle les minoritaires se font consentir une priorité sur tout recours à des financements extérieurs155. Ils peuvent ainsi augmenter leur participation tout en apportant à la société les fonds dont elle à besoin. Les actionnaires majoritaires peuvent ainsi s’assurer la participation des minoritaires, qui peuvent s’ils le souhaitent accroître leurs investissements. Mais cette situation est transposable au niveau du groupe. Les investisseurs pourront se faire consentir un droit de suite dans les filiales156. En fonction des potentialités de développement de chaque société du groupe les actionnaires choisiront de financer une filiale ou la société mère. S’ils entrent dans le capital de la société mère ils peuvent toutefois vouloir également participer à une filiale déjà existante après avoir évalué ses capacités ou à une filiale future157, pour s’implanter plus fortement dans le groupe.

153Tiomothy M.Collins, Thomas L.Doorley “ Les alliances stratégiques ” InterEdition,1992, p.15. 154Décision du CMF n° 199C2058. 155J-J. Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” GLN Joly éditons 1995, n°74. 156G. Bouillet-Cordonnier “ Pactes d'actionnaires et privilèges statutaires ” EFE 1992, n°374s. 157Les Echos des 14 et 15 avril 2000. “ Finmeccanica unit son sort à EADS ”.BAE Systems offre à Alenia la possibilité de devenir actionnaire à 5% dans sa future société Airbus intégrée et une option pour embarquer jusqu’à hauteur de 10% sue les programme A3XX, en tant que partenaire à risque.

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Mais si les alliances permettent souvent de développer des synergies entre deux entités, accroissant ainsi leurs capacités respectives, l’entrée d’un nouvel actionnaire peut aussi répondre à une stratégie de protection. §2. Aménagement de la sortie d’actionnaires Le pacte d’actionnaires est donc comme nous venons de le voir un instrument qui permet d’optimiser la durée de la collaboration en limitant les mouvements de l’actionnariat. Mais il reste réaliste et prendre en compte le fait que les circonstances et les buts recherchés par chacun des partenaires évoluent quelque soit le pacte qu’ils avaient conclu ensemble158. Au fil du temps les chances que chaque partenaire soit totalement satisfait vont se réduire. Il est donc nécessaire de prévoir tant la collaboration que la fin de celle-ci pour que la séparation se fasse en douceur (A). En outre, il faut envisager le cas d’un actionnaire partie au pacte qui refuse d’exécuter ses obligations. Dans ce cas le pacte d'actionnaires peut prévoir une sortie forcée (B). A. Sortie volontaire: fin de la participation à la même stratégie. Ces clauses sont prévues au profit des minoritaires, afin de leur assurer qu’ils ne resteront pas dans la société contre leur gré. Ils peuvent donc envisager de s’impliquer dans la société en sachant qu’ils n’y seront pas pris au piège. Les actionnaires peuvent conclurent un pacte particulier le jour où se poseront des problèmes159, mais ils peuvent également instaurer dès le départ une possibilité de sortie si la stratégie ne répondait pas à leur attente ou si leur participation était par essence limitée. Mais également pour s’assurer de pouvoir quitter la société si les actionnaires majoritaires, qui ont décider leur participation, se désengageaient. Dans la première hypothèse on peut imaginer que le pacte d'actionnaires prévoira une promesse de rachat de titres. Les actionnaires qui souhaiteront quitter la société n’auront qu’à lever l’option pour être désengager. Ce type de clause est souvent conclu au profit des capital-risqueurs dont la participation est par essence limitée. Mais on peut aussi l’imaginer au profit de l’actionnaire qui aurait pris une participation pour collaborer à l’activité de la société dans laquelle il a pris une participation et à laquelle il demande une garantie de pouvoir sortir rapidement de son capital s’il n’y trouvait plus d’intérêt. Ces clauses sont tout à fait intéressantes pour les deux parties. D’une part elle permet une sortie rapide pour l’actionnaire qui ne trouve plus d’intérêt à la collaboration, d’autre part elle 158 Cf. Timothy M. Collins et Thomas L. Doorley “ les alliances stratégiques ”. InterEditions. Chap.9 : joint-venture et opportunités commerciales p241. 159Les Echos du 6 juin 2000. “ LVMH négocie avec PPR sa sortie de Gucci ”. Les Echos 18 avril 2000 “ Air France et la Poste sont d’accord sur le démembrement de l’Aéropostal ”.

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permet une sortie sans heurt pour les actionnaires majoritaires qui ne voit pas enter dans leur capital un tiers. Mais les actionnaires minoritaires peuvent vouloir rester dans la société tant que les majoritaires y resteront. La personnalité des majoritaires est en effet déterminante dans la décision de collaboration des minoritaires investisseurs ou non. Ils pourront alors se faire consentir une clause de sortie prioritaire ou conjointe. Dans le premier cas la clause assure aux minoritaires que les majoritaires ne céderont pas leur participation tant que les minoritaires resteront actionnaires. Dans le second cas la clause oblige le majoritaire à ne pas vendre ses actions sans faire aussi acheter par l’acquéreur les titres détenus par les minoritaires160. Les actionnaires de la société Réponse SA conclu au profit d’Alain Perrier (détenant 4,90% du capital), “ un droit de sortie conjointe en cas de perte par la holding de la qualité d’actionnaires de référence de la société Réponse SA et/ou en cas de perte par le groupe familial Liagre de la majorité au sein de la holding ”. Ils justifient leur engagement en expliquant que “ les parties souhaitent avant tout que la cohésion du Groupe soit maintenue par la préservation des liens existants entre A.Perrier et l’actionnaire de référence. ”161. Ces clauses sont donc favorables aux minoritaires qui seuls décident de s’en prévaloir le moment venu. Mais la sortie d’un actionnaire minoritaire peut aussi se faire de façon moins concertée. B. Sortie forcée: sanction de la violation de la stratégie convenue. Certaines clauses du pacte peuvent être destinées à permettre le respect des principes ayant présidés à la création de la société, dont la violation fait courir un risque grave de conflit entre les intéressés162. Les actionnaires peuvent donc valablement insérer cette faculté d’exclure un actionnaire qui ne respecterait pas les conditions considérés par eux comme essentielles dans un pacte d'actionnaires163. Ce type de clause permet de protéger la stratégie mise en place par les partenaires. Elle ne sera pas sabotée par un actionnaire qui ne veut pas exécuter ses engagements ou pire qui nuit à la réalisation de ceux des autres. Comme la réalisation d’une opération commune nécessite beaucoup de moyens, mieux vaut les protéger d’un actionnaire qui n’entend pas collaborer.

160F-D. Poitrinal “ le capital investissement ” La revue banque éditeur 1996, n°863s. G. Bouillet-Cordonnier “Pactes d'actionnaires et privilèges statutaires ” EFE 1992, n°284. J-J Daigre “ Pacte d'actionnaires et capital risque. Typologie et appréciation ” bull. Joly 93 p.157, §40. 161Décision du CMF n° 199C2058. 162J-J Daigre “ Les clauses relatives à la cession des actions ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 94 n°2 p.13. 163D. Martin “ L ’exclusion d’un actionnaire ” in “ Stabilité du pouvoir et du capital dans les SA. ”p.94. colloque de Deauville, Rjcom. nov. 90

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La plus part des clauses d’exclusion contenues dans les pacte d'actionnaires renferment une promesse de vente. Les bénéficiaires, en levant l’option, réalisent l’exclusion164. Si la personne des actionnaires qui participent à la stratégie et primordiale, et s’il faut dans la mesure du possible contrôler les mouvements de l’actionnariat pour assurer à cette stratégie la stabilité qui est nécessaire à son développement, il est également fondamental que le pacte d'actionnaires organise les rapport entre ces actionnaires. En effet la stabilité se construit sur deux niveaux, celui de l’actionnariat comme nous venons de le voir, mais également celui du pouvoir comme nous allons l’étudier. Là encore le pacte d'actionnaires est un outil irremplaçable pour modeler les relations internes à la société ou au groupe. Chapitre 2 . Gestion du pouvoir. La gestion du pouvoir est l’objectif ultime de tout pacte d'actionnaires. Si les actionnaires se regroupent c’est pour accéder ensemble au contrôle qu’ils ne peuvent atteindre seuls. C’est à cette fin qu’ils organisent leurs relations. De leur stabilité découle la pérennité de pouvoir de décision et donc la continuité de la stratégie. Précisément, quand différents partenaires décident de coopérer pour mettre en œuvre une stratégie, la mise en commun de moyens ne suffit pas. Il faut également une action commune durable qui soit le reflet de leur volonté à tous. Après avoir assuré la stabilité des partenaires il faut organiser leur collaboration concertée en tenant compte des particularités de chacun. En effet le pacte n’est pas gérer comme une micro-société dans laquelle régnerait également la loi de la majorité. Si les actionnaires entendent collaborer c’est pour donner une place et une part de pouvoir à chacun. Il faut donc encadrer le pouvoir des majoritaires (I) et réserver une place privilégiée aux minoritaires (II) Section I. Discipliner les majoritaires : maintien du contrôle. 164R. Cannard “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes non cotées ” in “ Les pactes d’cationnaire ” Cahiers de droit de l’entreprise 92 n° 1 p.8.

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L’intérêt du pacte est de créer une coalition d’actionnaires en vue de réaliser une politique commune. Il faut garantir cette unité en évitant les mésententes qui fragiliseraient le pouvoir au sein de la société, cela nuirait à la réalisation de la stratégie convenue et pourrait inciter aux attaques. Or le meilleur moyen de les faire adhérer au pacte et de maintenir la participation de tous est de prévoir leur intervention dans la gestion de la société. Dans une sociétés les décisions sont prises par le vote en assemblée et par les choix effectués par les organes de direction. Le pacte d'actionnaires devra donc définir les modalités de participations de chacun au vote, pour y associer les minoritaires et le cas échéant limiter l’influence des majoritaires (§1). Mais il devra aussi prévoir l’organisation des organes de décisions légaux ou contractuellement envisagés (§2) §1. Pouvoir de décider de la stratégie. Lorsque les actionnaires décident de mettre en commun des moyens pour réaliser ensemble une stratégie, ils élaborent aussi leur propre code de fonctionnement. Les actionnaires de la société Ingenico énoncent que le pacte qu’ils ont conclu “ vise à gérer la cohabitation des actionnaires”165. La prise de décision afférente à cette stratégie doit en effet être facile pour éviter les blocages et associer tous les partenaires. Le pacte d'actionnaires qui dans cette hypothèse est appelé convention de vote, a donc pour but essentiel d’organiser le sens des suffrages, les parties prévoyant avant chaque assemblée de se réunir et de déterminer la position à prendre166. Certains actionnaires de la société Marie Brizard, concluent un pacte en ce sens167. Ils énoncent que “ Les représentants des parties au conseil d’administration de la société s’engagent à se concerter préalablement à toute prise de décisions et à voter au sein du Conseil d’administration de la société dans le sens qui aura été arrêté en commun lors de cette concertation préalable. ”168. Mais la convention de vote peut ne prévoir la concertation que dans certains domaines touchant à la stratégie, laissant la conduite normale des affaires se décider par les organes

165 Décision du CMF n° 198C0834. 166 D. Velardocchio-Flores “ Les accords extra-statutaires entre associés ” Presse d’Aix Marseille 1993,n° 101. 167 L’exemple du pacte entre Vincent Bolloré et Martin et Olivier Bouygues associés de la société Bouygues peut aussi être cité. Ils énoncent “ qu’avant toute assemblée générale de Bouygues, les associés de la société en participation se concerteront ”. Décision du CMF n° 197C0737. 168 Décision du CMF n° 199C0652.

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compétents. Ainsi le pacte conclu entre le groupe Artémis et la SCDM actionnaires de la société Bouygues prévoit “ la concertation préalable à l’adoption de toutes décisions pouvant modifier de façon significative et durable la stratégie, la structure, les moyens du groupe ”169. La convention de vote en plus d’organiser la concertation des actionnaires peut définir les modalités de participation de chacun. Elle peut limiter les droits de vote dont chaque actionnaire dispose pour aplanir les droits des partenaires. Ainsi la collaboration se fera sur un pied d’égalité, les considérations et les intérêts de chacun devront être pris en compte. Aucun actionnaire ne pourra en fin de compte s’imposer. On peut aussi prévoir une clause de stage, qui ne permet la participation à la détermination de la stratégie qu’après une certaines durée de participation dans la société. Ce type de clause permet de n’associer à la définition de la politique sociale que des actionnaires qui semblent vraiment intéressés puisqu’ils adhèrent au pacte social depuis un certain temps. La conduite de la société semble ainsi protéger de l’ingérence d’actionnaires qui ont des intérêts divergents. Mais le pouvoir de décision doit, pour être effectif, se compléter du pouvoir de direction. §2. Pouvoir de diriger la stratégie. En cas d’apport de moyens en vue d’un rapprochement entre deux ou plusieurs actionnaires, il est fréquent que ces derniers s’entendent sur la composition des organes de direction de la société . C’est en effet dans leur main que réside le pouvoir de définir la stratégie. Les actionnaires peuvent donc prévoir que la direction restera aux majoritaires si tel est leur intérêt, ou que chacun d’entre eux sera représenté. Pour illustrer ce premier cas de figure, faisons référence au pacte conclu entre les actionnaires de la société Eurofins Scientific170, dont l’objet est “ d’assurer la stabilité de l’actionnariat familial et la continuité de gestion de la société Eurofins Scientific, perçue comme un élément nécessaire au développement de son potentiel ”. En vue de la réalisation de cet objectif les actionnaires s’engagent à conserver leurs fonctions de direction actuelles. Le plus souvent les actionnaires prévoient une représentation proportionnelle comme ce fût envisagé dans l’hypothèse de la société Aérospatiale Matra. Le pacte conclu détermine la répartition des sièges au conseil de surveillance tout en précisant que “ le nombre de représentant de l’Etat et de Lagardère SCA évoluera proportionnellement à leurs participations respectives dans le capital ”. Les pactes d'actionnaires peuvent aussi modifier la majorité nécessaire pour la prise de certaines décisions171, allant jusqu’à attribuer un droit de veto à certains actionnaires172. 169 Décision du CMF n° 198C1150. 170 Décision du CMF n° 198C0561. 171 Le pacte conclu entre les actionnaires du groupe Gérard Darmon prévoit différentes décisions qui seront prises à l’unanimité, c’est le cas de l’entrée de partenaires dans le capital de GJCD, du développement de nouvelles activités… Décision du CMF n° 198C0889.

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Mais il faut aussi souligner que les pactes d’actionnaires s’ils permettent d’organiser le fonctionnement d’organes légalement instaurés, permet également d’en créer d’autres en fonction des besoins particuliers des actionnaires. Or ces derniers, surtout quand ils s’allient en vue de gérer une stratégie commune, usent de ce procédé. Les actionnaires du groupe Jean Claude Darmon prévoient donc la création d’un organe “ chargé d’élaborer la stratégie de GJCD et de ses filiales, de préparer les décisions des conseils d’administration de la société ainsi que de réfléchir et de préparer le développement des synergies entre les deux groupes ”173. L’enjeu n’est donc plus tant de se répartir les sièges d’organes qui ne sont plus que des chambre d’enregistrement, mais de s’aménager une place dans les lieux de pouvoir. Ces organes originaux sont souvent nommés comités stratégiques174. C’est ce que prévoient les actionnaires de la Société du Louvre dans laquelle la collaboration prend la forme d’une entrée dans ce comité. Ainsi la société Foncière Financière et de Participation déclare dans le pacte d’actionnaires conclu avec la société Taittinger “ son intention d’accroître sa participation et de son souhait de participer plus étroitement aux orientations de la société en entrant dans son comité stratégique ”. Mais s’il est important d’organiser la prise de décision pour que la stratégie soit menée de façon cohérente et satisfaisante pour tous, il est aussi important de prévoir des dispositions au bénéfices des minoritaires. Leur participation est nécessaire voire vitale. Or on ne peut recourir à la force pour les retenir, il paraît donc important de les fidéliser en les sécurisant, en renforçant leurs droits. Section II. Fidéliser les minoritaires : partage des droits. L’objectif premier des actionnaires de contrôle est d’assurer la maîtrise de leur pouvoir, sa pérennité et sa stabilité. Cet objectif est comme nous venons de le voir assuré par une discipline de vote et l’organisation de la composition des organes sociaux. Mais le maintien du contrôle ne suffit pas seul à garantir une véritable stabilité. Il faut aussi faire face au départ prématuré de certains minoritaires. Ces derniers en principe ne recherchent pas le pouvoir mais veulent optimiser leur investissement ou bénéficier d’une alliance stratégique. Afin d’éviter les conflits et leur départ anticipé, il convient de les fidéliser pour conserver ainsi une source de financement et d’entre aide. Leurs droits sont alors renforcés (§1) ou accrus (§2). §1. Renforcement des droits des minoritaires.

172 Les actionnaires de la société Graine Voltz prévoient de laisser à Serge Voltz un droit de veto au conseil d’administration portant sur les décisions majeures. 173 Décision du CMF n° 198C0889. 174 Les actionnaires de la société Marie Brizard le dénomme Comité de réflexion et lui assigne comme tâche “ d’examiner toute opportunité de rapprochement dans la branche d’activité de la société ”. Décision du CMF n° 199C0652.

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Le statut d’actionnaires confère aux minoritaires comme aux majoritaires différents droits. Mais ceux-ci peuvent sembler ne protéger qu’imparfaitement les intérêts des actionnaires qui ne détiennent pas le pouvoir de direction. Les minoritaires n’investiront alors dans la sociétés qu’en échange de certaines garanties contractuellement prévues dans le pacte. Le groupe majoritaire peut alors étendre leurs droits. Ils bénéficieront du information renforcée (A) et de doits pécuniaires étendus (B). A. Information renforcée sur la stratégie menée. Dans les opérations de collaboration, force est de constater que l’information des actionnaires telle qu’elle est légalement prévue n’est pas suffisante175. Les actionnaires qu’ils soient associés à l’activité de la société ou uniquement à son financement veulent pouvoir suivre la détermination puis la réalisation de la stratégie. Ils ont entendu s’associer à tels ou tels actionnaires car ils développaient une stratégie qui pouvait être complémentaire de leur activité ou qui selon eux pouvait engendrer des gains176. Ils ne veulent donc pas que les majoritaires puissent disposer de leurs apports sans vérification. Les informations qui leurs seront fournies leur permettront de surveiller si la stratégie est mise en œuvre comme cela avait été décidé et d’évaluer au fur et à mesure de son l’exécution les risques qu’ils encourent. Cette politique de transparence donne un avantage aux minoritaires qui peut les rassurer et donc les inciter à enter ou à participer à la société. Le pacte d’actionnaire peut prévoir que les actionnaires dirigeants s’engagent à fournir à tout moment toutes les informations demandées ou automatiquement à diffuser des informations quand la politique générale de la société est modifiée177. Cette démarche est aujourd’hui largement prônée par la corporate governance qui incite les sociétés à donner un large droit de regard à ses actionnaires. Cela est d’autant plus nécessaire dans un groupe de sociétés où les relations entre les sociétés de groupe peuvent sembler suspectes si elles ne sont pas effectuées en pleine lumière et justifiée au regard de la stratégie globale. B. Prérogatives pécuniaires. 175 Art. 162, 168s.L66 et art.135, 138s, 153, 156, 159s Décr. 23 mars 1967. 176 F-d. Poitrinal “ Le capital investissement ”, La revue banque éditeur 1996, n° 506. 177 J-J. Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d’actionnaires ” GLN Joly éditions 1995 , n° 98.

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L’expérience montre que lorsque la création d’un groupe a pour but de verrouiller le contrôle d’une entreprise, de graves conflits peuvent à terme surgir entre les actionnaires qui détiennent le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas. Les premiers peuvent être tentés de ne jamais distribuer de dividendes au nom de l’autofinancement. Mais cet argument est d’autant plus mal perçu par les minoritaires qu’ils soupçonnent les majoritaires de s’attribuer directement ou indirectement des rémunérations substantielles. Pour éviter que ce climat de suspicion ne s’installe les majoritaires peuvent s’engager à distribuer tous les ans un dividende minimum178. C’est ce qu’ont prévu les actionnaires de la société Monoprix. Le pacte d’actionnaires conclu prévoit que “ les parties conviennent de maintenir une distribution au moins égale à 25% du résultat net consolidé ”179. Un autre problème peut être réglé par le biais d’un pacte d’actionnaires. Le développement d’une nouvelle stratégie, surtout si sa mise en œuvre doit préalablement digérer un rapprochement d’entreprise peut être longue à porter ses fruits. Or le seul intérêt qu’ont les investisseurs qui apportent des fonds à la société à prendre une participation est les gains qu’elle peut rapporter. Les majoritaires peuvent donc assurer au travers d’un pacte d’actionnaires une rémunération minimum des capitals-risqueurs. Mais si les pactes servent à augmenter les droit des actionnaires, la liberté contractuelle à laquelle ils permettent d’accéder ouvre aussi la possibilité de leur accorder des droits supplémentaires. §2. Accroissement des droits des minoritaires. On peut envisager que les actionnaires de référence concèdent aux minoritaires des droits auxquels ils n’auraient pas pu accéder. Le fonctionnement majoritaire de la société les écarte en effet de la gestion de cette dernière. Le pacte d’actionnaire peut donc conduire à un rééquilibrage en prévoyant une influence accrue des minoritaires dans la prise de décisions (A), voire même en les associant à la gestion dans les organes collégiaux de la société (B). A. Influence accrue sur la détermination de la stratégie. 178Les actionnaires de la société WORMS et CIE prévoient qu’ils feront “ leurs meilleurs efforts pour maintenir une politique active de distribution des dividendes ”. Décision du CMF n° 199C0476. 179 Décision du CMF n° 200C0710.

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Le pacte d’actionnaires peut organiser la consultation et provoquer la discussion entre les actionnaires sur un certain nombre de décisions importantes. Les majoritaires peuvent ainsi s’engager à solliciter l’avis préalable de ses partenaires avant de faire certains choix stratégiques, les domaines soumis à discussion seront énumérés dans l’accord. Mais on peut aussi envisager une influence plus marquée des minoritaires. Les clauses stipulées ne s’analysent plus alors comme un avis mais comme un droit de veto. Les majoritaires se portent fort de ce que les organes compétents de la société qu’ils contrôlent ne prendront pas certaines décisions sans l’accord exprès du ou des actionnaires bénéficiaires de la clause. C’est ce que prévoit l’accord entre les actionnaires de la société Aérospatiale-Matra, l’Etat, la société Sogepa (filiale à 100% de l’Etat) et la société Lagardère SA180. Le pacte d’actionnaires énumère une liste de décisions “ devant être soumises à l’accord préalable du secteur public et du partenaire stratégique privilégié (Monsieur Jean-Luc Lagardère). Sont prévues “ l’approbation du plan stratégique pluriannuel, les acquisitions et les cessions d’actifs...et les accords stratégiques d’alliance et de coopération industrielle et financière ”. On comprend fort bien que compte tenu de la nature de l’actionnariat et de l’activité exercée par cette société un droit d’ingérence important soit maintenu au profit de l’Etat. Il eut été inconcevable qu’il subsiste une participation publique dans Aérospatiale-Matra sans un tel pacte. On peut aussi trouver des clauses d’ingérence limitées qui assure que la direction agira dans le sens dicté dans certains secteurs ou activité de la société. Cette clause à l’avantage de laisser son autonomie au majoritaire tout en assurant au minoritaire qu’il existe une limite qui ne pourra pas être franchie. B. Participation à la prise de décision. Quand la participation des minoritaires est vraiment indispensable, il peut être prévu des clauses de participation renforcée à la gestion181. Les majoritaires font alors des concessions et partagent leur pouvoir avec les minoritaires en leur ouvrant les portes des assemblées. Dans le jargon franglais on parle de prise de participation hands on. Les minoritaires ne sont donc plus seulement informés de la politique suivie mais ils participent à son élaboration. Leur représentation peut être proportionnelle à leurs droits dans le capital social. C’est ce qui a été prévu dans le pacte d'actionnaires conclu entre les associés de l’Union

180 Décision du CMF n° 199C0760. 181 F-D. Poitrinal “ Le capital investissement ” La revue banque éditeur 1996, n° 513.

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Européenne de CIC. Le GAN se voit attribuer une représentation au sein des organes sociaux correspondant à sa prise de participation (20%)182. Le pacte peut aussi leur donner la majorité dans les assemblées. Cette situation qui peut paraître surprenante est celle que les actionnaires de la société Marie Brizard ont prévue183. L’actionnaire majoritaire, la société Sofia a accepté que les prêteurs mezzanines et les obligataires soient représentés au conseil d’administration par six membres sur huit, dont le président. Bien qu’elle soit majoritaire elle n’est plus représentée que par un administrateur. Il apparaît donc au vue de tous ces développements que la réalisation et le maintien d’une stratégie viable et qui satisfait les partenaires passe par la maîtrise de nombreux facteurs. Les pactes d'actionnaires qui ont cet objectif ne contiennent donc que très rarement l’une ou l’autre clause mais plutôt un ensemble de dispositions complémentaires qui assurent tant la stabilité de la répartition du capital que celle du pouvoir, tant les droits des majoritaires que ceux des minoritaires. Il serait vain de vouloir énumérer toutes les conventions qui pourraient illustrer ce propos. Nous choisirons donc un exemple parmi d’autres : celui du Groupe Jean-Claude Darmon184. Ce pacte d'actionnaires conclu entre Jean-Claude Darmon et la Finance Audiofina en vue de leur rapprochement et de leur action commune afin de favoriser le développement du groupe, regroupe nombre des clauses que nous avons précédemment exposé. Concernant la répartition du pouvoir, ce pacte détermine quels actionnaires seront en charge de la gestion et qui sera le président du conseil d’administration. Il met en place un processus de prise de décisions particulière à l’unanimité. Il gère la répartition des sièges au sein du comité stratégique. Concernant la gestion de l’actionnariat, il instaure un droit de préemption, un doit de sortie prioritaire, un droit de cession prioritaire, un engagement d’inaliénabilité. Cet exemple nous permet donc de saisir combien les alliances stratégiques nécessitent d’organiser les rapports entre les actionnaires pour mener à bien le projet commun. Le pacte d’actionnaires et la liberté qu’il procure est donc un instrument privilégié de ces rapprochements. Les parties les nomment d’ailleurs parfois convention d’action concertée ce qui souligne bien le but qu’elles cherchent à atteindre au travers du pacte. Mais cette action concertée, si elle représente le but de toute collaboration, peut également être un frein sévère à la stratégie que veulent entreprendre des partenaires. En effet le législateur à prévu cette situation d’action de concert et lui attache d’importantes conséquences. C’est d’ailleurs le cas dans l’exemple précité où le CMF considère que le pacte constitue une action de concert ce qui conduit théoriquement les parties à déposer un projet d’offre publique. Cette notion que l’on peut déterminer au travers de la conclusion d’un pacte peut donc mettre un frein à la visée stratégique du groupe. 182 Décision du CMF n° 198C0426. 183 Décision du CMF n° 199C0652. 184 Décision du CMF n° 198C0889.

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Deuxième partie

L’ACTION DE CONCERT, UNE LIMITE A LA VISEE STRATEGIQUE DU GROUPE.

Lorsque des actionnaires décident de s’allier au travers d’un pacte ils révèlent simultanément leur volonté d’agir ensemble. Si cette attitude de concertation pour définir la politique d’une société n’a pas de conséquence concernant les sociétés non cotée dans lesquelles la liberté contractuelle reste complète, elle est encadrée strictement concernant les sociétés cotées. La notion d’action de concert introduite par le législateur en 1989 dans l’article 356-1-3 de la loi sur les sociétés commerciales a donc profondément modifié l’appréhension des stratégies exercées sur les sociétés cotées. Le concert est un accord en vue d’une action commune, il révèle la fusion plus ou moins aboutie des objectifs des actionnaires qui veulent exercer une influence sur une société. Cette notion qualifiée de notion clé185 est destinée de prime abord à déjouer certaines pratiques. Le législateur entend empêcher que l’on brouille les pistes par un fractionnement artificiel des initiatives ou une démultiplication abusive des opérateurs afin de contourner la plupart des contraintes de seuils présentes dans la réglementation boursière et les obligations d’achat auxquelles elles conduisent. Mais si l’action de concert doit empêcher la fraude, elle intervient également pour assujettir à toutes ces obligations des actionnaires qui agissent au grand jour mais dont la volonté d’agir ensemble n’était pas jusque là prise en compte. Cette figure envahissante, comme la qualifie F. Laroche-Gisserot186, permet donc d’appréhender les collaborations entre actionnaires qui conduisent à prendre des positions en commun pouvant avoir une influence sur une société. Les alliances entre actionnaires laissant transparaître une connivence au fond187 peuvent donc tomber sous le coup de l’action de concert. Il faut les distinguer des agissements identiques, similaires, convergents et concomitants constituent éventuellement l’indice d’un accord mais ne caractérise pas automatiquement celle-ci188.

185A. Couret “ L’action de concert dans l’actualité de l’année 1998 ” Droit bancaire et financier, mélanges AEDBF-France II, sous la direction de J-P Mattout et H. de Vauplane, Banque éditeur, 1999, p.133. 186F. Laroche-Gisserot “ Offres publiques ” juris-classeur vol.8, fasc.1720, n°12s. 187A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques ” éd° pratique Francis Lefebvre 1999, n°1443. 188D. Schmidt, C. Baj “ Réflexion sur la notion d’action de concert ” R.D.B. mai/juin 1991, n°25, p.86.

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La notion d’action de concert est floue et semble laisser prise à de nombreux doutes. Sa fonction est majeure, alors que sa définition manque de contour. Si l’on comprend la méthode du législateur qui veut poser une définition large voire fluctuante afin que les juges gardent une grande marge d’appréciation face aux cas d’espèce et que le contournement de cette disposition ne soit pas trop aisée, il faut aussi admettre que les opérateurs cherchent une certaines sécurité. Ceci se comprend d’autant mieux quand on étudie les conséquences qui sont attachées à l’action de concert. Il est fait référence à cette notion dans de nombreux articles tant de la loi de 1966 que du règlement général du CMF. L’action de concert conduit à imposer les même obligations aux actionnaires agissant ensemble qu’aux actionnaires agissant seuls car en toute logique que la finalité soit atteinte en solitaire ou en équipe, elle conduit à un résultat identique du point de vue de la société. Il faut donc le traiter de la même façon. C’est donc face à des obligations de publications, de déclaration, d’achat, que vont se trouver les actionnaires qui mettent en œuvre une stratégie si leur union est qualifiée d’action de concert. Les auteurs ont donc tenté de dessiner le périmètre de l’action de concert. Mais c’est une notion caméléon qui s’adapte aux pratiques du moment et qui s’affine au fil du temps. C’est ce que nous a prouvé le CMF en introduisant en 1998 un mode d’appréciation nouveau de l’action de concert. Nous nous trouvons donc face à une nouvelle notion de l’action de concert pour essayer de comprendre quels sont les risques encourus par des signataires à un pacte de voir leur relation qualifiée d’action de concert. En effet le CMF a relié celle-ci à la notion d’intérêt commun. Il faut donc tenter de mettre en parallèle cette nouvelle définition de l’action de concert et la situation des actionnaires signataires d’un pacte qui organise une stratégie de groupe pour voir si les deux hypothèses se rejoignent (Titre 1). La mission de l’action de concert et du pacte semblant trouver un point de convergence il nous faudra voir comment les conséquences qui sont attachées à cette dernière quand elle est détectée peuvent mettre un frein considérable à la stratégie d’un groupe (Titre 2).

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TITRE 1 . Une nouvelle conception de l’action de concert, notion reliée à l’intérêt commun. ................................................................................................................................................. L’action de concert permet de faire masse des participations détenues par des personnes agissant à des fins précises ou qui ont entre elles des liens particuliers. Elle recouvre donc les deux réalités étudiées jusque là. Le pacte d'actionnaires qui est un outil servant aux actionnaires pour développer leur stratégie, donc la mise en œuvre d’un projet pour arriver à un résultat précis. Le groupe de société, qui naît des liens particuliers qui existent entre différentes sociétés. Mais au-delà de ce parallélisme entre les finalités de l’action de concert et le pacte à visée stratégique ou le groupe, il faut analyser la définition du concert telle qu’elle est posée par l’article 356-1-3 et enrichie par la jurisprudence. Elle repose sur l’idée de la conclusion d’un accord qui satisfait l’intérêt des actionnaires. Accord dont on doit rapporter la preuve qu’il va dans le sens des objectifs visées par la loi ou accord présumé. Dans la premier cas le législateur met en place un concert de fait, dont il nous faut examiner le périmètre pour voir s’il connaît des points de convergence avec le champ d’un pacte d'actionnaires conclu à une fin stratégique. Cela nous permettra de voir quels sont les risques encourus par les actionnaires signataires de telles conventions face aux obligations imposées par l’action de concert. Dans un second temps le législateur met en place un concert de droit, dont il nous faut également évaluer l’étendue au regard de la nouvelle définition de l’action de concert pour voir si toute stratégie de groupe est limitée par les contraintes issues de la qualification d’action de concert. Nous pourrons donc rendre compte de l’influence de la notion d’action de concert sur le groupe et sur la définition de sa stratégie, que les liens entre les actionnaires nécessitent que la preuve de celle-ci soit à rapporter (chapitre 1) ou qu’elle soit présumée (chapitre 2).

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Chapitre 1 . Le concert de fait : Le pacte d'actionnaires. Le pacte d'actionnaires est comme nous l’avons déjà expliqué un instrument très utile et très utilisé par les actionnaires quand il veulent mettre en œuvre une stratégie. Comme tout projet les possibilités, les risques et les contraintes de ce dernier doivent pouvoir être évalués avant tout engagement. Or l’éventualité que le CMF déclare les actionnaires comme agissant de concert est un risque important car de lourdes conséquences sont attachées à cette notion. Nous nous souvenons de l’affaire Galerie Layette dans laquelle la Cour d’appel de Paris avait estimé qu’il y avait action de concert entre une société et une banque d’affaire, alors que les parties n’avaient pas prévu de telles conséquences quand elles ont organisé leurs rapports au travers d’une convention189. Il est donc primordial pour les participants à un projet de savoir si leur accord peut être qualifié comme tel par les autorités de marchés, et s’il existe une identité entre la manifestation de volonté des actionnaires au travers du pacte et celle contenue dans l’accord fondement de l’action de concert. Cela d’autant que le CMF est revenu sur la notion d’action de concert dans une décision du 13 novembre 1998, ajoutant le critère de l’intérêt commun à ceux déjà posés par la loi, semblant écarter l’association automatique entre un pacte d’actionnaires et la qualification d’action de concert même si celui ci intervient dans le cadre des hypothèses visées par l’article 356-1-3. Il nous faut donc évaluer la portée de cette décision concernant les pactes mettant en œuvre une stratégie de groupe. Nous allons voir si le critère de l’intérêt commun change l’appréhension des pactes par la notion d’action de concert (I) et surtout s’il est envisageable de remplir un tel critère s’agissant de la mise en œuvre d’une stratégie de groupe. Il nous faudra voir si ce nouveau critère est vraiment pertinent au niveau du groupe (II).

189CA Paris, 1re ch., 24 juin 1991, Soc. Devanlay c/ Sté des Galeries Lafayette et CCF, RJ com.1991, p.305, note Goyet, JCP éd° E.1991, II, n°215, note Forbach, Bull. Joly 1991, p.806, RJDA 1991, n°720, p.630, Rev. soc.1992, p.70, note Carreau et Martin.

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Section I. Contracter n’est pas agir de concert. Telle est la dernière formule du CMF à propos de l’action de concert. Elle peut laisser perplexe à la lumière de la loi et de l’interprétation que les auteurs en ont fait. Alors que cette notion avait été analysée par la doctrine qui convenait d’une certaine appréciation pratique190, le CMF considère que les critères posés par l’article 356-1-3 ne sont pas suffisants à faire apparaître une action de concert. Si l’on considérait jusque là qu’un accord qui remplissait les conditions légales constituait une action de concert, le CMF impose maintenant en plus le critère de l’intérêt commun dont on connaît les conséquences sur le débat doctrinal. On s’interroge donc aujourd’hui sur la définition de l’action de concert pour voir quelle relation elle entretient avec le pacte d'actionnaires Il nous faut donc envisager comment celui-ci se place se place par rapport aux critères légaux (§1) pour envisager ensuite l’évolution née de la décision du CMF (§2). §1. Parenté entre le pacte d'actionnaires et l’action de concert. A la lecture de l’article 356-1-3 la similitude entre les deux notions apparaît. Le pacte d'actionnaires comme l’action de concert sont issus de démarches contractuelles: ils sont fondés sur un accord. Le pacte encadre la situation mise en place par les actionnaires, l’action de concert intervient comme effet à celle-ci. Comme la directive européenne du 12 décembre 1988, la loi française fait de l’existence d’un accord une condition de l’action de concert , même si , à la différence de la directive , la loi n’impose pas l’écrit. L’exigence d’un accord a pour but d’éviter la qualification d’action de concert en cas de simple parallélisme de comportements191, et non pour imposer une convention particulière. L’action de concert peut se révéler par le comportement volontairement convergent des concertistes autant que par leurs accords officiels192. Toutefois le pacte d'actionnaires est l’instrument tout désigné pour constituer un accord pouvant relever d’une action de concert. 190S. Prat “ les pacte d'actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Thèse Paris V 1991, LGDJ 1992, n° 370s. 191P. Le Cannu, “ L’action de concert ” Rev. soc. 1991/4, p;689, n°20. D. Schmidt et C. Baj “ Réflexion sur la notion d’action de concert ” R.D.B. n°25; mai-juin 1991, p.87. 192J-J. Daigre “ l’action de concert. Actualité récente ” R.D.B. nov./déc. 1999, n°76, p.209.

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L’élément matériel de l’accord les relie donc certainement. Mais le contenu de celui-ci permet également une fusion des deux. L’action de concert est prévue en cas de conclusion “ d’un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d’exercer des droits de vote pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ”. Ce texte envisage l’action concertée tendant à prendre ou à pérenniser le contrôle sur une société193. N’a-t-on pas vu que les pactes conclus pour mettre en œuvre une stratégie commune ont le même but ? On peut même avancer que ce type de pacte recouvre souvent à la fois les deux critères de l’action de concert. Comme on l’a vu, les actionnaires, pour développer et maintenir une stratégie, concluent des clauses concernant tant l’actionnariat que la gestion de la société. Et si certaines clauses prises isolément ne constituent pas une action de concert194, dans un pacte où elles apparaissent comme l’accessoire à la concertation des partenaires elles ne font que renforcer l’impression de cohésion entre les actionnaires195. Le caractère individuel des engagements de chacun paraît souvent artificiel au vue des finalités du pacte. La plus part des pactes d'actionnaires prévoyant la mise en forme d’une stratégie commune contiennent un ensemble de clauses presque standard qui forment un tout. C’est donc bien l’équilibre général du pacte d'actionnaires qui doit être analysé, et la volonté réelle des parties qui doit être recherchée tant pour caractériser une action de concert que pour l’écarter196. Mais peut-on imaginer un pacte organisant la stratégie de différents partenaires sur ou au travers une société ne pas prévoir l’exercice des droits de vote pour mettre en œuvre une politique commune ? C’est justement le but du pacte. C’est à cet effet qu’il a été conclu. Le terme de “ politique ” est indissociable de la notion de gouvernement. Il sous-entend une certaine ampleur de moyens et d’objectifs dans la quête, l’exercice ou la protection du pouvoir. Le pacte d'actionnaires intervient bien pour mettre en œuvre ces moyens en vue de la réalisations ce ces objectifs.

193F. Laroche-Gisserot “ offres publiques ” juris classeur 1993 vol.8 fasc.1720 n°12s. 194 Telle la clause de préemption. 195Décision LVMH des 15 mai et 6 juin 1990. Le CBV admet que “ le pacte de préemption constituait une action de concert compte tenu du champ d’application de ce droit et des conditions de son exercice ”. 196Décision du CMF n°198C0426 , Union Européenne de CIC , “ Les parties signataires ont indiquées au CMF que l’accord les unissant ne leur apparaissaît pas constitutif d’une action de concert, en ce que, il ne comportait aucune convention en vue d’exercer des droits de vote pour mettre en oeuvre une politique commune, d’autre part, les stipulations relatives à la liquidité de la participation minoritaires de GAN Vie et de GAN SA ne sont pas motivées par la recherche d’un intérêt commun, ne visent pas à gérer en commun une participation minoritaire et ne supposent, dans leur mise en oeuvre, aucune concertation entre les parties. Elles ont déclaré qu’une telle qualification ne correspondrait en l’espèce ni à leurs intentions, ni à l’esprit qui a présidé à la rédaction des clauses du pacte d'actionnaires transmis au Conseil. ”

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Il y a donc corrélation entre le pacte et l’action de concert. Et les parties sont consciente que leur pacte les conduira à être considéré par le CMF comme agissant de concert, puisque l’action de concert est liée à leur action commune et que c’est cette action commune qui est consacrée par le pacte. Loin de laisser leur sort entre les mains du Conseil elles inscrivent souvent dans le pacte que leur volonté d’agir ensemble les constitue de concert. Le CMF prend alors simplement acte de la déclaration des parties d’agir de concert197. Parfois tout en soulignant que les parties elles même étaient arrivées à la même qualification, il justifie sa décision de déclaration d’action de concert en relevant les dispositions significatives du pacte198. Si tout pacte d'actionnaires ne constitue pas une action de concert il nous semble peu probable que ceux qui supportent une stratégie échappent à cette qualification. Les actionnaires qui envisagent leur stratégie sur une société cotée ou à travers une société cotée doivent donc toujours prendre cet élément en compte. Mais la qualification légale de l’action de concert est aujourd’hui insuffisante. Le CMF la trouvait sans doute trop rigide. Il intègre donc un critère supplémentaire qui devrait rapprocher cette notion de la réalité. Il s’attache à rechercher au-delà du contenu du pacte la volonté des signataires. Il nous faut donc reprendre notre analyse à la lumière de cette décision. §2. Insuffisance de la définition légale de l’action de concert. Tout semblait avoir été dit sur l’action de concert mais c’était sans compter sur le CMF. Par une décision du 13 novembre 1998199 concernant la qualification des rapports entre le groupe Bouygues et le groupe Bolloré il relance le débat. Il nous faut revenir sur les faits de cette espèce pour comprendre la portée de cette décision. Comme le relève J-J. Daigre, le concert Bouygues/Bolloré s’est joué en trois actes200. La marche nuptiale, différents accords sont conclu entre les deux groupes pour organiser la gestion commune de la société Bouygues. Ces accords, car ils prévoient la concertation des actionnaires, sont qualifié par le CMF d’action de concert201. Alors se fait entendre le cliquetis des armes, peu après la conclusion de ces pactes qui devaient fonder une longue collaboration entre les deux groupes, survient un désaccord du groupe Bolloré sur les comptes de la société Bouygues ce qui l’a conduit à refuser de se prononcer en faveur des résolutions d’approbation des comptes. La rupture était consommée. 197Décision du CMF n°199C0981, Graines Voltz, “ le Conseil des Marchés Financiers a pris acte de la déclaration d’action de concert entre les signataires de l’accord entre actionnaires de la société Graines Voltz. ” 198Décision du CMF n°199C0652, Marie Brizard & Roger International, “ Ce pacte, en ce qu’il comporte un certain nombre d’engagements reciproques portant, sur la concertation s’agissant des décisions de gestion importantes, caractérise une action de concert entre les signataires au sens de l’article 356-1-3 de la loi du 24.07.66, ce qui est reconnu par les parties. ” 199Décision du CMF n°198C1041. 200J-J. Daigre “ L’action de concert. Actualité récente ” R.D.B. nov./déc. 1999 n°76, p.209. 201Décision du CMF n°197C0737.

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Suite à cet incident le groupe Bouygues a demandé au CMF de constater le changement d’avis du groupe sur sa collaboration avec V. Bolloré, c’est à dire la fin de l’action de concert. La décision n’est pas prise immédiatement par le Conseil qui veut constater une divergence entre les deux groupes d’après l’évolution de leur comportement. Mais quelques mois plus tard le CMF est contraint de jouer la symphonie funèbre en prenant acte de ce qu’il existe un profond désaccord entre les signataires du pacte. Il profite de cette occasion pour modifier sa position traditionnelle concernant l’action de concert. Le conseil y voit une notion autonome. Il distingue dans un premier temps l’action de concert du pacte d'actionnaires qui n’est qu’un indice de son existence. Le CMF nous dit que “ l’accord visé par la loi n’est pas le pacte lui-même par lequel les parties définissent leurs droits et obligations réciproques et dont la mise en œuvre est régie par les règles de droit commun applicables aux contrats. Contracter n’est pas agir de concert, c’est formaliser les dispositions convenues qui forment le cas échéant , autant d’indices constitutifs d’une action de concert entre les signataires. Il en est ainsi des clauses qui traduisent, par les contraintes que les parties s’imposent,... une cohésion et une solidarité justifiée par leur intérêt commun. ” Le conseil impose donc une distinction entre l’action de concert et le pacte qui lui sert de fondement. Cela peut sembler étrange car c’est bien le pacte qui va transcrire la volonté des parties d’acquérir, de céder des droits de vote ou d’exercer des droits de vote pour mettre en œuvre une politique commune. Mais justement, le Conseil ne limite plus son analyse aux critères légaux, il met en avant dans cette affaire qu’il n’y a plus d’action de concert entre les actionnaires car ceux-ci n’ont plus d’intérêt commun. Il ne se contente pas du contenu de l’acte, il s’attache à caractériser le comportement des actionnaires, relevant qu’un profond désaccord est totalement incompatible avec la notion d’action de concert et les obligations qu’elle met à la charge des concertistes. Il énonce que “ c’est aussi en raison de l’intérêt commun qui les lie que la loi met à la charge des concertistes une obligation de solidarité ”. Il semble au regard de cette jurisprudence que l’autonomie des actionnaires est respectée en cas de contradiction entre les termes du pacte d'actionnaires qu’ils ont signé et leur réelle volonté à un moment donné. Car si les actionnaires veulent bien accepter les contraintes de l’action de concert tant que la stratégie mise en place conforte leurs intérêts, elles sont inacceptables en cas de rupture de la collaboration. Le critère de l’intérêt commun est donc tout à fait réaliste. Comme pour les autres dispositions qui intéresse le droit boursier, on cherche à encadrer la pratique des actionnaire et non le formalisme auquel ils se soumettent. Quel est l’intérêt de déclarer des actionnaires comme agissant ensemble, de les obliger à déposer une OPA alors que de toute évidence leur collaboration à cessée? Il n’est plus réaliste d’additionner leurs parts de capital pour déterminer si le contrôle de la société change et s’il y a lieu à protéger les actionnaires minoritaires.

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L’éclairage de l’intérêt commun peut donc comme dans d’autres domaines s’avérer intéressant. Mais cette fois-ci on doit opérer une translation du niveau sociétaire au niveau du groupe. Connaissant les difficultés doctrinales que ce critère pose en droit des sociétés était-il tout à fait opportun d’y recourir en droit boursier? Comment faire la preuve de l’intérêt commun au niveau du groupe? Quelle est la notion d’intérêt commun à laquelle on se réfère? C’est autant de questions qu’il nous faudra envisager dans une seconde section. Section II. Preuve de l’intérêt commun. Le CMF semble donc imposer que soit rapporter la preuve de l’intérêt commun des parties à l’accord pour qualifier une action de concert. Mais l’intérêt commun ne fait pas référence à une réalité unique. Les auteurs sont divisés sur sa détermination. Et l’incertitude grandit quand on constate que les signataires des pactes d'actionnaires sont des sociétés membre d’un groupe. Quel est l’avantage de chacun à être partie au pacte, quel intérêt faut-il envisager? Il nous faut donc voir quelle peut être la notion de l’intérêt commun dans la définition de l’action de concert (§1) pour voir ensuite si elle est adaptée aux groupes (§2) §1. la notion d’intérêt commun. Comme le relève J-J. Daigre, l’évanescence de la notion d’intérêt commun laisse la porte grande ouverte aux manœuvres des parties et aux interprétations incontrôlables202. Comment alors l’action de concert pourra-t-elle remplir son rôle de protection des actionnaires minoritaires? Il faut donc éclaircir le sens de la décision du CMF. Tout d’abord il faut prendre position sur la nature de l’intérêt que recherchaient les parties à l’accord. Doit-on prendre en compte un intérêt subjectif, mobile propre à chaque concertiste pour s’engager? Ou doit-on faire référence à un intérêt objectif qui serait le même pour tous? La conception subjective mettrait chaque actionnaire à la merci de son cocontractant. Et le marché à la merci de tous. Comment prévoir une protection efficace des actionnaires minoritaires, car c’est la mission de

202J-J. Daigre “ Droit boursier et marché financier. De l’actiob de concert ” JCP éd° E, n°37, 16 sept. 1999 chronique 1429.

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l’action de concert, si cette notion est tributaire du motif de chacun? Il semble impossible de recourir à un intérêt subjectif comme critère de l’action de concert. Celui-ci serait trop facile à dénoncer, sans que le CMF ne puisse valablement exercer de contrôle. Les mobiles n’ont pas à entrer en ligne de compte, l’intérêt commun est le même pour tous . Il s’agit d’un intérêt commun général et abstrait qui forme le dénominateur commun entre les concertistes. Mais quel est cet intérêt commun aux signataires d’un pacte d'actionnaires? Devant l’impossibilité des auteurs à trouver un terrain d’entente pour en définir la notion, il nous semble plus juste en cette matière d’analyser les finalités qui sont assignées à l’intérêt commun pour pouvoir le circonscrire. L’intérêt commun a pour but de faire adopter ou d’écarter la qualification d’action de concert en fonction des réelles intentions des parties. Or l’action de concert permet d’appliquer la réglementation boursière protectrice des actionnaires minoritaires aux actionnaires agissant en commun comme à ceux agissant seuls. En effet l’action de concert pose une obligation d’achat aux actionnaires qui prennent le contrôle d’une société car cela leur donne le pouvoir de déterminer la politique sociale. On ouvre donc une porte de sortie aux actionnaires minoritaires pour éviter qu’ils ne se trouvent enfermer dans une société qui développe une politique avec laquelle ils ne sont plus en accord et qu’ils perdent confiance dans le marché. L’action de concert protège donc contre le changement de pouvoir. On peut donc présumer que quand le CMF a introduit un nouveau critère de définition il a voulu encadrer plus justement ce changement de pouvoir que les parties recherchent en commun à défaut de vouloir ou de pouvoir l’acquérir seules. L’intérêt commun représente donc l’intérêt qu’ont les actionnaires à conclurent un pacte; le pouvoir qu’il leur donne sur la société. Ce pouvoir leur permet de diriger la politique sociale et donc de mener à bien leur stratégie. Comme le souligne J-J. Daigre203 il n’y a donc pas de différence entre l’intérêt commun des parties et leur volonté de gérer la politique commune. Si un des actionnaire déclare qu’il ne veut plus décider de cette politique en concertation avec son partenaire, alors on considère qu’ils n’ont plus d’intérêt commun. Et il est logique à ce moment de lever les obligations qui pèsent sur les actionnaires car n’agissant plus ensemble pour définir la conduite de l’entreprise, ils ne sont plus globalement un danger pour l’entreprise. Leurs participations n’ont plus à être considérées comme un bloc. Le Conseil élargit donc l’application de la notion de mise en œuvre d’une politique commune qui constitue l’objectif commun des parties quel que soit le pacte qu’elles concluent.

203J-J. Daigre “ De l’action de concert. Après la décision du CMF du 13 novembre 1998 ” R.D.B. n°72, mars/avril 1999 p; 57.

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On retrouve formalisée dans cette décision la position d’auteurs qui considéraient déjà avant, que même si la référence à la politique commune n’est faite que pour le second type d’accord, l’existence d’une œuvre commune entre les signataires de l’accord est indispensable pour qu’il y ait action de concert204. Ainsi, si les circonstances du pacte ou la déclaration de volonté des parties d’atteindre tel ou tel objectif a toujours été pris en compte par le CMF il pose aujourd’hui expressément cette condition et impose que ce critère demeure pendant toute la durée de l’accord. Celui-ci étant détaché de l’acte juridique qui le matérialise sa cause ne doit pas simplement exister lors de la conclusion de l’acte. Il s’agit d’un fait juridique qui ne peut perdurer que si tous les éléments qui le composent sont constitués à tout moment. La condition de l’intérêt commun même si elle paraît superflue apporte à la notion d’action de concert le réalisme nécessaire pour justifier les obligations qu’elle impose. Mais dans notre hypothèse il nous reste à voir si la présence d’un intérêt commun est une obligation adéquate pour déceler une action de concert dans un groupe. §2. La nouvelle notion d’action de concert est-elle compatible à l’échelle du groupe? L’étude des pactes d'actionnaires, instrument de mise en œuvre d’une stratégie de groupe, nous conduit à vérifier si le nouveau critère de définition de l’action de concert est adapté à ce genre de pacte. Ils permettent à un groupe de prendre et/ou de conserver le pouvoir sur une société et par la même de développer une stratégie. L’action de concert devrait donc s’appliquer dans cette situation. Mais que devient le critère de l’intérêt commun? Il nous faut voir s’il existe un intérêt de groupe et ce qu’il peut représenter pour examiner ensuite s’il correspond à l’intérêt commun tel que précédemment défini. Alors que l’existence même du groupe n’est pas juridiquement admise, la reconnaissance d’un intérêt de groupe est jusque là totalement écarté. Nous pouvons pour cela avancer l’exemple du droit fiscal qui qualifie d’acte anormal de gestion tout transfert intra groupe s’il n’est pas justifié par l’intérêt propre de chaque société. Est-ce pour autant qu’il n’existe pas d’intérêt commun au groupe? Le groupe est un phénomène qui prend de l’ampleur. Leur développement est considérable. Or si les sociétés sont organisées dans cette structure c’est bien que leur intérêt y est assuré au

204B. Peillon “ Les pactes visant à prendre et/ou à conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes cotées ” in “ Les pactes d'actionnaires ” Cahiers de droit de l’entreprise 92 n°1, p.13.

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travers le respect de toutes. En effet on ne cherchera pas dans un groupe à optimiser le développement individuel de chaque société, mais de les faire contribuer au développement général du groupe et par-là même à leur propre prospérité. L’intérêt de groupe peut alors être défini comme le résultat de l’articulation entre les intérêts de tous les participants au groupe. On peut donc reprendre les travaux de Q. Urban205 sur la communauté d’intérêt pour avancer que l’intérêt de groupe est préservé s’il existe une convergence d’intérêt autour d’opération impliquant des sociétés d’un groupe. La stratégie du groupe revient à réunir tous les intérêts convergents pour les inscrire dans une sphère supérieure, créant de fait un intérêt de groupe. Ainsi quand un groupe développe une stratégie au travers d’un pacte d'actionnaires, il cherche à satisfaire comme tout autre actionnaire son intérêt. La réalisation de la stratégie, prévue qui est le but du pacte, correspond à l’intérêt du groupe et remplit la condition nouvelle posée par le CMF. il est donc possible de rapporter la preuve d’un intérêt commun quand un groupe intervient par un pacte d'actionnaires correspondant aux critère légaux de l’action de concert . La détermination de l’action de concert est donc possible, mais il faut bien le souligner, peu évidente. De plus la notion d’intérêt de groupe tend à se développer en doctrine mais ne bénéficie d’aucune consécration. Il est difficile d’admettre tant d’incertitude dans un domaine comme le droit boursier qui a besoin d’une réglementation sûre pour amener les investisseurs à confier leur argent au marché. C’est pourquoi le législateur a préféré intervenir par le biais de présomptions concernant les groupes de sociétés, au moins pour les schémas les plus évidents. Chapitre 2 . Le concert de droit : Les présomptions légales. Comme nous venons de le voir les conditions de l’action de concert sont clairement posées. Toutefois la preuve du concert demeure difficile à rapporter car cette notion est fortement liée à la volonté et au comportement des parties. C’est pourquoi l’alinéa 2 de l’article 356-1-3 crée un certain nombre de présomptions. Elles concernent très directement les groupes de sociétés, mais intéressent également les dirigeants de la société et les actionnaires d’une SAS. Nous ne traiterons pas de ces deux 205Q. Urban “ La “ communauté d’intérêts ”, un outil de régulation du fonctionnement du groupe de sociétés ” RTDcom. 53(1), janv.-mars 2000 p.1.

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derniers cas. Le groupe est le terrain privilégié pour ce type de présomption. La preuve de l’action de concert est complexe et la placer au centre d’un groupe rend les choses encore plus délicates. Le groupe est une structure multiforme qui se prête mal à l’appréhension du droit alors que l’intérêt de sa création est souvent évident. Il est donc plus confortable face aux groupes de raisonner en terme de présomptions car des relations qu’entretiennent les différentes sociétés on peut déduire certaines vérités sans trop d’approximation. Nous allons donc étudier les présomptions prévues par le législateur concernant les groupes (I), pour voir ensuite sur quel élément il se fonde pour les énoncer (II). Section I. Appartenir à un groupe c’est agir de concert. Concernant l’action de concert le législateur appréhende le groupe de façon très réaliste et très globale. il envisage non seulement les relations verticales entre la société-mère et ses filiales, mais également les relations horizontales des filiales entre elles. Son intervention concernant les groupes s’agissant de l’action de concert est donc double, il présume que l’accord nécessaire à la qualification de concert existe tant entre une société et les sociétés qu'elle contrôle (§1), qu’entre les sociétés contrôlées par la même ou les même personnes (2). §1. Concert entre une société et les sociétés qu’elle contrôle. Le législateur prévoit qu’un accord constitutif d’une action de concert est présumé exister entre une société et les sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article 355-1. Cette présomption fait la preuve du réalisme du droit boursier. Il paraît naturel de penser qu’un même actionnaire gérera ses participations de la même façon, qu’il détienne celles-ci de façon directe ou de façon indirecte. Ainsi cette présomption permet de faire masse des différents titres possédés par la sociétés mère, ses filiales, ses sous-filiales , etc.206. Les sociétés du groupe ne sont pas autonome dans la prise de décisions importantes. Et on peut considérer que la prise d’une participation et la gestion de celle-ci sera largement surveillée par la société-mère. 206Décision du CMF n° 199C1654, 29.10.99. les actionnaires de la société Groupe André SA sont dans une position qui fait présumer une action de concert. En effet la société Lille Royale SA qui détient des actions de Groupe André SA (société holding) est elle même détenue à plus de 50% par M J-L Descours et la société E.P.I. elle aussi contrôlée par M J-L Descours. Il y a donc présomption d’action de concert entre Lille Royale SA, J-L Descours et E.P.I.

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Bien que les sociétés bénéficient chacune de l’autonomie juridique, le législateur ne s’arrête pas à ce semblant d’indépendance et analyse les influences véritables qui s’exerce sur la société. On rejoint là , théorie de la transparence développée par C. Hannoun. Le législateur voit au-delà des formes. Et il prend acte de ce que dans un groupe, la politique sociale des membres est au mieux négociée, souvent imposée mais de toute évidence jamais autonome. Or à partir du constat selon lequel la gestion des participations est concertée, voire dictée par une seule entité, on peut bien considérer que le pouvoir qu’elles transfèrent est concentré. Cela justifie l’action de concert. On peut d’ailleurs remarquer que le législateur fait appel à la définition du contrôle de l’article 355-1, or ce texte à un large domaine, ce qui donne encore plus de poids à la présomption. On peut s’interroger sur l’évolution que subira cette présomption si suite à la loi sur les nouvelles régulations économiques, l’article 355-1 venait à être étendu. Rappelons que le législateur prévoit d’établir un lien entre l’action de concert et le contrôle. Ainsi des actionnaires agissant de concert pour contrôler une société, seront présumer agir également de concert avec les sociétés qu’elle contrôle. Faudra-t-il que tous les actionnaires présent au premier concert détiennent les même titres qu’une filiale pour les considérer tous comme étant de concert? Suffira-t-il que certains des actionnaires du premier concert détiennent des titres d’une société dans laquelle une filiale a également une participation? On envisage les difficultés que ce contrôle plural pourra induire dans l’appréciation de la présomption envisagée. La rédaction même de cet article devra être modifiée si le législateur décide de maintenir le tandem entre les deux notions de contrôle au sens de l’article 355-1 et l’action de concert . On ne pourra plus évoquer la présomption entre une sociétés et les sociétés qu’elle contrôle, mais entre une ou plusieurs sociétés et les sociétés qu’elles contrôlent. L’appréciation de cette présomption risque d’être malaisée ce qui est peu compatible avec la technique de la présomption qui doit refléter une réalité évidente. Mais voyons comment le contrôle partagé est géré dans la seconde présomption qui fait l’objet de notre étude, hypothèse dans laquelle il est déjà prévu. §2. Concert entre des sociétés contrôlées par la même ou les même personnes. Après le concert vertical de l’hypothèse précédente, le législateur envisage un concert horizontal, ou au moins un concert entre des sociétés placées sous la même domination. On envisage ici les filiales quel que soit leur niveau dans l’organigramme du groupe. Cette présomption se démarque de la précédente en ce qu’elle envisage l’hypothèse d’un

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contrôle conjoint. Cela est incompatible avec l’article 355-1 évoqué précédemment, logiquement, il n’y est pas fait référence ici pour définir le contrôle. Le législateur élargit de façon importante sa première présomption par cette seconde affirmation d’existence d’un accord emportant action de concert207 D’une part il considère, de façon encore une fois très conforme à la réalité, que des sociétés contrôlées qui détiennent une même participation seront influencées dans le même sens par le contrôlaire pour la gestion de celle-ci. On veut éviter que sous couvert d’une personnalité morale propre les sociétés exercent un ramassage d’actions pour le compte de leur société mère qui en centralise la gestion et donc détient le contrôle par l’addition de ces participations indirectes208. Là encore le législateur voit par transparence quels sont les motifs ou au moins les risques d’une telle prise de participation par plusieurs personnes différentes sous le contrôle d’une même entité. D’autre part le législateur ne se contente pas d’envisager le contrôle unique qui, il faut bien le souligner, est devenu difficile quand on cible de grands groupes. Il prend en compte le fait que la politique sociale est souvent défini à plusieurs. Les actionnaires principaux cherchent à s’entendre pour définir une ligne de conduite homogène pour la société. Comme nous l’avons vu précédemment, les actionnaires veulent au travers d’instrument comme le pacte d'actionnaires trouver un compromis qui leur permet d’avoir le pouvoir même s’il est concerté, pour pouvoir décider d’une stratégie qui leur sera favorable. C’est donc avec beaucoup de clairvoyance que le législateur a introduit le contrôle plural dans cette hypothèse. On voit au travers de ces deux présomptions que le risque de la qualification d’action de concert est totalement inhérent à la constitution d’un groupe. Le législateur ne laisse jamais la preuve de l’action de concert à la charge d’une partie quand il traite du groupe. Il considère que les liens entre les membres du groupe sont si étroits que leur action est forcément concertée. C’est dans cet esprit qu’il considère qu’il existe toujours un accord entre les sociétés d’un 207Décision du CMF n° 199C0983, 26.07.99. Du fait de cette présomption, la Société Industrielle de l’Artoi est présumer agir de concert avec les autres sociétés du groupe Bolloré auquel elle appartient. Le franchissement de seuil dans le capital de la société Intertechnique est donc étudié en faisant masse des titres détenus par toutes les sociétés actionnaires. 208Décision du CMF n° 199C1047, 3.08.99. Le pacte conclu entre les principaux actionnaires de la société Rue Impériale de Lyon énonce que “ La création d’organe de coordination et de concertation entre les différentes Maisons, dont le capital sera au surplus contrôlé en quasi totalité par Lazard Partners, conduit à considérer que les Maisons Lazard agissent de concert vis-à-vis des sociétés dans lesquelles elles détiennent ou détiendront des participations ”. On voit bien dans cette exemple que cette présomption repose tant sur les liens capitalistiques que sur la gestions coordonnée.

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groupe. Mais au-delà de cet accord nous allons examiner qu’elle est le fondement de ces présomptions. Section II. Présomption de l’intérêt commun. L’article 356-1-3 présume l’existence d’un accord entre les membres d’un groupe. Mais cette affirmation loin de paraître une évidence, dérangent les auteurs qui y voient un contre sens. Le groupe est une réalité que l’on a du mal à saisir, dont les tentatives de définitions aboutissent à des théories complexes alors que chaque cas d’espèce paraît simple. La diversité des formules semble un obstacle à la recherche d’un dénominateur commun entre les différents types de groupes. Il semble donc étrange de poser un critère général susceptible d’englober tous les groupes. Est-il réaliste de supposer l’existence d’un accord au niveau du groupe alors que jusque là seules les relations en capital avaient été identifiées? Il nous faut donc voir si l’affirmation de l’existence d’un accord dans cette hypothèse peut s’expliquer (§1) pour voir ensuite si ce n’est pas une autre réalité qui est contenue dans cette présomption (§2). §1. Existence d’un accord Le législateur quand il veut soumettre les groupes aux obligations de l’action de concert ne se contente pas de présumer une action concertée entre les membres du groupe. Il garde les même critères que ceux énoncés dans l’alinéa 1 et présume qu’il existe entre eux un accord en vue d’une action de concert. Ces deux présomptions interpellent car elles semblent conduire à un malaise logique. Comme le développent D. Schmidt et C. Baj209, ils semblent que les situations appréhendées par le législateur loin de faire présumer l’existence d’un accord font apparaître son inexistence. Les relations qui sont visées, entre la société qui détient le contrôle et les sociétés contrôlées ou entre les sociétés contrôlées par la même personnes, ne sont pas basées sur un accord, mais sur le contrôle des unes sur les autres. La politique des membres du groupe n’est pas concertée mais imposée. La structure du groupe n’a pas comme fondation un accord mais le pouvoir. Or le pouvoir de dicter l’action s’oppose à l’action concertée qui nécessite une certaine liberté des partenaires. Mais si cette démonstration conduit ces auteurs à énoncer que les présomptions d’existence

209D. Schmidt, C. Baj “ Réflexions sur la notion d’action de concert ” R.D.B. n°25 mai/juin 1991 p.86.

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d’un accord conduisent à une incohérence qu’il faut corriger en considérant qu’il existe deux types d’action de concert, celles qui procèdent d’un accord et celles qui procèdent d’un rapport de domination, il nous semble possible de tenir un autre raisonnement. En effet l’accord n’est pas exclu dans le groupe. Comme nous l’avons vu tout au long de cette étude, le groupe laisse une grande place à la liberté contractuelle. Mais celle-ci n’est pas employée à la place des rapports en capital qui créent les liens entre les membre du groupe mais pour les renforcer en définissant une ligne de conduite générale. L’accord envisagé par le législateur au niveau du groupe est celui qui fait que tous les membres vont agir de façon concertée dans un intérêt commun, l’intérêt de groupe. L’accord présumé dans le groupe et qui préside à la gestion de ce dernier pourrait être “ un pour tous et tous pour un ”. C’est dans cet esprit que le groupe est constitué, c’est ce que le législateur à voulu consacrer par une présomption. C’est d’ailleurs cette idée que développe le CMF dans sa décision du 13 novembre 1998. Il énonce que “ les présomptions d’action de concert énumérées dans le 2ème alinéa de l’article 356-1-3, qui n’établissent aucune distinction entre les types d’action de concert visés par le 1er alinéa, reposent sur l’idée d’intérêt commun qui se déduit...de l’appartenance à un même groupe dans le cas de présomption entre la société et les sociétés qu’elle contrôle ”. Bien que cette décision du CMF conforte notre idée sur la justification de ces présomptions par l’intérêt de groupe, nous pouvons nous interroger sur la raison pour laquelle le Conseil ne reprend que l’hypothèse de la première présomption, négligeant de citer la seconde. Cela peut laisser perplexe car il ne semble pas envisageable que deux présomptions qui concernent la même situation, en l’occurrence l’existence d’un groupe, soit justifiée de deux façons différentes. Il nous faut donc considérer que la décision du CMF a une portée générale, bien que ces termes ne recouvrent que le deuxième tiret de l’article 356-1-3 al.2. Si la preuve de l’action de concert est envisageable dans le groupe, notamment au travers de l’existence d’un intérêt de groupe, elle reste difficile à rapporter alors que l’analyse de la pratique montre de façon évidente que tout groupe fonctionne autour d’un pivot, l’intérêt commun et général de ses membres. Le législateur a donc emprunté la voie de la présomption pour éviter que les parties qui demandent la reconnaissance d’une action de concert ne se perdent en démonstration alors que la réalité est claire. L’intérêt de groupe est ici indirectement consacré. §2. Consécration de l’intérêt de groupe Il semble tout à fait logique de dire qu’on ne fait pas les choses pour rien. Plus précisément, on ne constitue pas un groupe si ce n’est pour en retirer des avantages. Cette simple affirmation nous permet de présumer qu’il existe un intérêt à la création d’un groupe. Or c’est cet intérêt que doivent rechercher toutes les sociétés du groupe.

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Il n’est donc pas étonnant que le législateur décide de présumer que toutes les sociétés d’un même groupe agissent dans le même sens. Elles apportent chacune leur contribution à la réalisation de cet objectif commun qu’est l’intérêt de groupe. Comme P. Le Cannu210, nous pouvons considérer que la technique de la présomption semble très adaptés, puisqu’il est possible, seulement par exception, que les sociétés d’un groupe soient justifiées de poursuivre des objectifs indépendants. L’enjeu de la qualification de cette présomption est important car il ne manque pas d’incidence sur le renversement de la charge de la preuve. En effet les auteurs se sont accordés pour considérer que cette présomption était une présomption simple qui supportait la preuve contraire. Pour faire tomber la présomption de concert il ne suffit donc pas de prouver l’absence d’accord, il faut montrer l’absence d’intérêt à agir de concert. Or il est évidement peu probable que les sociétés d’un groupe agissent dans un sens opposé. Il faut néanmoins rappeler l’affaire Perrier211 dans laquelle le Tribunal de commerce de Nîmes admet que la preuve de l’absence de l’action de concert a été rapportée. Le motif n’est toutefois pas l’absence d’action concertée mais la contestation de l’existence du contrôle allégué de la société Exor dans l’assemblée de la société Source Perrier. De plus, il faut limiter l’intérêt du renversement de la présomption au second cas envisagé. L’article 356-1-2, prévoit les même obligations que celles découlant de la qualification d’action de concert et fait masse des actions possédées par la personne contrôlante et par les sociétés contrôlées. On se retrouve donc dans l’hypothèse de la première présomption d’action de concert. Ces présomptions sont donc un frein important à la stratégie du groupe. Dès que deux sociétés du groupe agiront ensemble elles seront assujetties aux obligations qui découlent de l’action de concert. On peut même envisager que ce risque existe quand deux sociétés du groupe ont le même portefeuille d’actions. Les actionnaires doivent donc être très vigilants et analyser de façon approfondie les contraintes que l’action de concert peut faire peser sur eux. Il nous faut voir quels sont les effets de l’action de concert pour pouvoir envisager les limites qu’elle impose à la stratégie d’un groupe.

210P. Le Cannu “ L’action de concert ” Rev.soc. 1991 p.675s n° 17. 211T.com. Nîmes 18 février 1992, Bull.Joly 1992 p.536 note P.Le Cannu.

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TITRE 2 Détection et effets de l’action de concert au sein d’un groupe. ................................................................................................................................................. Nous venons de voir que la conclusion d’un pacte support d’une stratégie de groupe ou l’existence même d’un groupe conduisent fréquemment à ce que les actionnaires sont déclarés agir de concert. Si dans le second cas c’est une constatation structurelles qui conduit au concert, dans le premier avant de pouvoir décider si le pacte est constitutif d’une action de concert il faut avoir connaissance du pacte. Or l’une des caractéristiques du pacte est d’être secret. La détection de l’action de concert peut donc créer des difficultés quand les actionnaires n’ont pas d’eux même intérêt à divulguer leur action concerté. Le législateur a donc mis en place une certaine information obligatoire afin d’avoir connaissance des alliances que passent les actionnaires au travers de la conclusion des pactes. Mais si le soucis du législateur est de donner aux juges ou aux autorités de marchés la possibilité de détecter l’action de concert pour soumettre les actionnaires aux obligations qui en découlent, le soucis des actionnaires est de savoir qu’elles sont ces obligations. Or l’article 356-1-3 in fine n’est pas très explicite sur ce point. Il se contente d’énoncer que lorsque plusieurs actionnaires sont déclarés agir de concert, ils “ sont tenus solidairement aux obligations qui leurs sont faites par la loi et les règlements ”. Il nous faut donc voir quelles conséquences entraînent la qualification d’action de concert et pour cela l’esprit de la réglementation peut nous aider. Deux principes ont présidé à la fixation des règles dans la partie essentielle de cette réglementation qui s’applique aux prises de contrôle des sociétés cotées: la transparence et l’égalité des opérateurs. La transparence parce que la diffusion de l’information doit permettre de contrôler les opérations, d’assurer le bon fonctionnement du marché, d’assurer un traitement équitable des actionnaires, et à la société cible d’organiser sa défense. L’égalité de traitement des intervenants sur le marché, parce qu’elle est considérée comme l’une des composantes importantes de l’intégrité du marché et de la protection des petits porteurs. C’est donc pour imposer le respect de ces principes directeurs que des obligations seront imposées. Le législateur introduit donc le critère de l’action de concert dans les articles imposant des obligations d’information, pour répondre au besoin de transparence et dans ceux prévoyant des obligations d’achat, pour que tous les opérateurs, petits ou gros, soient traités sur un pied d’égalité. Nous allons donc aborder le traitement de l’information en droit boursier, qui intervient à deux niveaux, la détection de l’action de concert et comme conséquence à celle ci (chapitre 1). Mais la plus lourde obligation découlant de cette qualification répond à un soucis d’égalité, c’est l’obligation de déposer un projet d’offre publique (chapitre 2).

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Chapitre 1 . Application du principe de transparence. le droit boursier impose aux opérateurs d’effectuer un certain nombre de déclarations et de publications. Ces obligations déclaratives sont destinées à permettre de déceler tous les mouvements de capitaux qui peuvent amener au changement de contrôle. Elles permettent d’informer le public des agissements des actionnaires et de déceler les situation d’action de concert. En effet il serait vain de mettre en place une notion devant assujettir les actionnaires à des obligations précises s’ils pouvaient y échapper par la clandestinité de leur accords. Le législateur refuse que la discrétion des pactes d'actionnaires les exonère par rapport à d’autres conventions qui peuvent elles même constituer un accord de mise en concert. Même si tout indice peut révéler une action de concert à coté de la production d’un accord écrit212, il faut bien relever que sa recherche serait sérieusement entravée si la volonté des parties devait être rapportée par des témoins de leurs comportement. Seul le pacte est à même de révéler rapidement et de façon fiable l’existence d’une action de concert car les objectifs des parties y sont clairement définis213. Les opérateurs doivent donc fournir les informations aux autorités du marché : ils doivent publier les pactes d’actionnaires. Mais s’il s’avère que le pacte est constitutif d’une action de concert, les obligations des actionnaires seront accrues, ils devront alors effectuer les déclarations de franchissement de seuils, et en plus, à l’occasion du franchissement de certains seuils ils devront faire une déclaration d’intention. Ces déclarations permettent de prévoir un éventuel changement de contrôle, ce sont des procédure d’alerte. Celles-ci obligent les opérateurs à se découvrir, à jouer le jeu de la transparence, ce qui, nous le verrons, peut nuire à leur stratégie. Nous nous proposons d’aborder dans un premier temps l’obligation de la publicité des pactes d’actionnaires (I), et dans un second temps, l’obligation de déclaration de franchissement de seuils et d’intentions (II).

212A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques ” éditons pratique Francis Lefebvre 1999, n°1552. 213Décision du CMF n° 200C0677, 5.05.00. Les actionnaires de la société Compagnie Européenne de Casinos énencent dans leur pacte que celui-ci a pour objet “ d’assurerle contrôle de C.E.C. ”. Il est évident qu’une telle déclaration facilite grandement l’appréciation du CMF sur les relations des parties au pacte.

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Section I. Détection de l’action de concert: Publication des pactes d'actionnaires Pour les conventions extra-statutaires, le principe est celui de la clandestinité214 contrairement aux statuts qui doivent être publiés. C’est d’ailleurs un des avantages qui fait le succès des pactes d'actionnaires. Par leur caractère secret ils permettent de développer une stratégie sans que celle-ci ne soit divulguée. Les actionnaires par ce biais peuvent donc contracter des alliances sans laisser prise à d’éventuels concurrents. Mais ce principe souffre une exception importante concernant les sociétés cotées. L’article 356-1-4 prévoit que “ toute convention conclue entre des actionnaires d’une société dont les actions sont admises sur un marché réglementé comportant des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions doit être transmise au CMF qui en assure la publicité ”. Tous les pactes d'actionnaires ne sont pas soumis à publicité. Mais cette disposition permet tout de même de favoriser la découverte des situations devant être qualifiées d’action de concert. L’information permettra d’avoir une bonne connaissance de la répartition actuelle et potentielle du capital de la société215. Or c’est bien la possession du capital, seul ou à plusieurs, qui va donner le pouvoir de dicter la politique d’une société. De nombreux pactes d'actionnaires conclus pour mettre en œuvre une stratégie, donc visant à prendre ou pérenniser le contrôle sur une société prévoient des clauses en ce sens216. Nombres de pactes sont ainsi transmis au CMF en application de l’article 356-1-4 et laissent apparaître une action de concert. C’est le cas de l’accord des actionnaires de la société Eurofins Scientific qui prévoit notamment un droit de préemption, un droit de sortie conjointe qui les conduit à transmettre leur pacte au Conseil, celui-ci déclarant après analyse du contenu de la convention que les signataires agissent de concert217. Selon les auteurs218 les pactes devant faire l’objet d’une publicité sont ceux comprenant une clause de préemption, de préférence, de sortie et les engagement de ne pas vendre ou de ne pas acquérir. La doctrine est plus divisée concernant les pactes comprenant des promesses d’achat ou de cession d’action. Alors que certains les exclus du champ de cet article, d’autres les assujettissent à cette obligation de publication. C’est le cas notamment de P. Merle et de B. M. Laprade qui considèrent qu’une convention d’apport à une OPA doit faire l’objet d’une publicité au titre de cet article219. 214J-J Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d'actionnaires ” GLN Joly édition 1995, n°28. 215P. Merle “ Droit commercial- sociétés commerciales ” Précis Dalloz 1999. 216Décision du CMF n°198C0889, 24.09.98 concernant le pacte conclu entre les actionnaires du Groupe Jean Claude Darmon. La convention prévoit l’action commune des actionnaires signataires en vue du développemnt de GJCD et elle prévoit notamment pour la réalisation de cet objectif une clause de préemption, de sortie prioritaire, de cession prioritaire, d’inaliénabilité, ce qui conduit les actionnaires à publier leur accord. 217Décision du CMF n°198C0561, 24.06.98. 218J-J Daigre, Monique Sentilles-Dupont “ Pactes d'actionnaires ” GLN Joly édition 1995, n°29. 219P. Merle “ Droit commercial- sociétés commerciales ” précis Dalloz 1999. G. Bouillet-Cordonnier “ Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires ” B. M. Laprade, le cas particulier des sociétés cotées EFE édition Litec 1992.

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La portée de cette obligation est donc importante, mais il faut souligner que les conventions de vote ne sont pas concernées. Même si l’on peut considérer que les pactes d'actionnaires conclus dans un objectif stratégique comprennent souvent des dispositions concernant le capital de la société, et qu’ils sont donc soumis à publication, le législateur aurait facilité la détection des actions de concert s’il avait inclu les accords portant sur les droit de vote dans la lettre de l’article 356-1-4. Nous voyons donc que même sans évoquer l’action de concert en elle-même et les conséquences qui s’y attache, sa recherche peut constituer une entrave à la stratégie du groupe. Si certains objectifs se satisfont d’une certaine publicité, voire même s’ils recherchent la publicité pour annoncer un changement, d’autre ont besoin de confidentialité pour atteindre leur but. Le fait que la convention doit être communiquée au CMF dès sa signature, peut donc porter un coup à la stratégie mise en œuvre par le pacte. Les parties doivent donc être vigilantes quant au contenu des pactes qu’elles sont obligées de transmettre. Toutefois, la convention n’est pas publiée dans son intégralité, le CMF maintient le secret sur le contenu détaillé du pacte, seul un résumé est porté à la connaissance du public. En mentionnant le terme publicité et non publication, il est clair que le législateur n’a entendu déroger que partiellement et dans la seule limite où l’exige l’intérêt public au principe selon lequel les contrats ne lient que leurs signataires qui ont le droit de ne pas les divulguer sauf s’ils désirent les opposer aux tiers220. Une deuxième mesure d’obligation de publicité est prévue par l’article 4 du règlement n°89-03 de la COB, d’après lequel tout accord, susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation de l’OPA ou sur son issue, doit faire l’objet d’une notification dès l’avis du dépôt de l’offre aux autorités boursières et doit être mentionné dans la note d’information. Cet article contrairement au précédent prévoit une obligation dans une période précise mais concerne tous les types de pacte d'actionnaires. Ce ne sont pas seulement ceux qui prévoient des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition qui sont visés, les conventions de vote sont là prises en compte. Tous les pactes prévoyant l’organisation du pouvoir sont ici visés, ceux qui mettent en place une stratégie de groupe n’échapperont donc pas à cette publicité. S. Prat avance même, que le domaine de l’action de concert est le même que celui des pactes d'actionnaires devant être publiés en cours d’OPA221. Les pactes publiés à cette occasion découleront donc sur une qualification d’action de concert. Les obligations de transparence du droit boursier posent donc une limite évidente à la visée stratégique du groupe. Celle-ci ne peut plus se développer de façon occulte. Un des avantages du pacte d'actionnaires est donc supprimé. Si le marché gagne en transparence les actionnaires perdent en confidentialité. De plus les obligations mises à la charge des actionnaires déclarés comme agissant de concert les forcent encore à se dévoiler. Ils sont soumis à des obligations d’information 220D. Leblanc “ Franchissement de seuil, pactes d'actionnaires, action de concert ” Bull.Joly 1990 n°11bis, p.29. 221S. Prat “ Les pactes d'actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières ” Thèse ParisV 1991, Litec 1992, n°398.

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complémentaire afin que les tiers puissent juger de leur position dans le capital de la société visée, de l’évolution de cette participation et des projets des actionnaires concernant celle-ci. Section II. Obligation d’information. L’exigence de transparence apparaît comme un principe général qui doit régir l’ensemble du fonctionnement des marchés financiers, voire l’ensemble de la vie des affaires. C’est un principe fondamental qui permet de connaître l’actionnariat d’une société, l’influence des différents actionnaires. Le CMF lui réserve donc une place d’importance et impose aux actionnaires de dévoiler publiquement certains franchissement de seuil et de rendre public leurs intentions lors du franchissement de seuils clé. Les actionnaires qui développent une stratégie qui passe par l’augmentation de leur participation dans une société cotée ne peuvent donc pas agir dans l’ombre. Ils doivent notifier leurs acquisitions à intervalles réguliers (§1) et doivent énoncer publiquement quelle sera leur politique pour l’avenir (§2). §1. Déclaration de franchissement de seuil. L’obligation de franchissement de seuil est prévue par l’article 356-1 L66. Toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert , qui vient de posséder plus du vingtième, du dixième, du cinquième, du tiers, de la moitié ou des deux tiers du capital ou des droits de vote société ayant son siège sur le territoire de la République et dont les actions sont admises sur un marché réglementé, doit informer cette société du nombre total d’actions de celle-ci qu’elle possède. Cette information doit intervenir dans les quinze jours du franchissement de seuil. Elle informe également le Conseil des marchés financiers dans un délai de cinq jours de bourse, qui porte cette information à la connaissance du public. Le franchissement de seuil peut intervenir à la hausse222 comme à la baisse223, et donne toujours lieu à la même obligation. L’on doit être informé de la prise d’influence d’un actionnaire comme de son désengagement pour que l’information soit complète. Cette publicité doit permettre aux tiers, aux actionnaires et aux dirigeants d’avoir une vision correcte de l’actionnariat de la société. Cela leur permet d’évaluer la situation et de prendre conscience de l’évolution de la répartition du capital. Ils sont donc à même de réagir face à

222Décision du CMF n°200C0099, 20.01.00., La Companie des Alpes a déclaré le 30 déc. 1999 avoir franchi le seuil de 20% du capital et des droits de vote de la société Televerbier. 223Décision du CMF n°200C1242, 2.08.00. Les actionnaires de la société Dassault aviation, Dassault industrie (devenu groupe industriel Marcel Dassault) et Aérospatiale (devenu Aérospatail Matra), déclarent avoir mis fin au pacte, cette résiliation entraînant la fin de l’action de concert. De ce fait le groupe M. Dassault et Aérospatiale Matra ont franchi en baisse les seuil des 2/3 et de 50% du capital et des droits de vote de Dassault aviation.

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une montée dans le capital d’un actionnaire qui pourrait parvenir à prendre le contrôle. La loi dans un soucis de réalisme impose cette obligation quand le franchissement de seuil est réalisé par une collectivité d’actionnaires. Nous avons vu que le contrôle n’est plus uniquement conçu de façon unitaire. La réalité conduit à prendre en compte le contrôle plural. Pour rendre compte fidèlement de la situation il faut donc obliger les actionnaires de révéler leur progression personnelle mais aussi la progression que connaît un groupe d’actionnaires agissant ensemble. Le législateur fait masse de leurs participations car leur action concertée leur permet d’avoir le contrôle sans que chacun d’entre eux ne puisse l’atteindre seul. L’évolution du concert est donc importante pour pouvoir connaître l’influence de plusieurs actionnaires agissant ensemble. Ainsi la mise en concert par l’intermédiaire d’un pacte d'actionnaires par exemple, entraîne une obligation de déclaration par les actionnaires. Chacun bénéficiant en quelque sorte des actions des autres, leur pouvoir collectif augmente, c'est un fait dont il faut informer la société et le marché224. Par la suite l’évolution de la participation globale du concert nécessitera une déclaration même si chaque actionnaire individuellement n’a pas accrus sa participation ou s’il ne l’a fait que faiblement. Cette déclaration de franchissement de seuil s’impose à toute personne ayant agit de concert, quel que soit la participation détenue personnellement par celle-ci. En effet les personnes agissant de concert sont responsables solidairement du respect des dispositions légales et réglementaires qui leur sont faites225. Les autorités de marché préconisent toutefois l’établissement d’une seule déclaration par la société chef de file (avis de la SBF n°91-1835 du 28 juin 1991). Il semble donc que dans un groupe de sociétés, la société-mère pourrait se charger de cette formalité. Le non-respect de cette obligation est sanctionnée par une privation des droits de vote des actions qui excèdent la fraction qui aurait dû être déclarée226. On imagine mal comment cette sanction pourra être mise en œuvre concernant un concert. Les actionnaires bien que décidant de se concerter avant un vote par exemple, gardent la faculté de voter individuellement lors des assemblées. A quel actionnaire imputer le défaut de publication? et dans quelles limites? La jurisprudence semble décider que la sanction doit s’appliquer uniformément à toutes les sociétés en raison de la solidarité imposée dans l’obligation de déclaration227. Cette obligation de déclaration est à voir sous deux angles concernant le groupe de sociétés. Evidement elle oblige à dévoiler une progression dans le capital qui peut nuire à la discrétion de la réalisation d’une stratégie, mais elle permet aussi à ce dernier d’être informé de la

224Memento pratique Francis Lefebvre “ groupe de sociétés ” 98/99 n°1363.contra P. Le Cannu “ L’action de concert ” Rev.soc.91 p.675n°30.Pour cet auteur le terme “ toute personne qui vient à posséder ” employé par l’art. 356-1 suggère qu’il y a eu mutation ce qui n’est pas le cas par la mise en concert. 225Art.356-1-3 in fine. 226Art.356-4 al.1. 227Trib.com.Nîmes,18 fév.1992, Perrier; Bull. Joly 1992, p.536, note P. Le Cannu; Banque et droit, mai/juin 1992,p.98, obs. Peltier.

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progression de l’actionnariat des membres du groupe. Cette publicité a donc des avantages et des inconvénients. Mais au delà de ce que révèle une simple progression dans le capital d’une société, les actionnaires dépassant certains seuils de référence doivent adjoindre à leur déclaration de franchissement de seuil, une déclaration d’intention qui cette fois les force à expliquer expressément leur stratégie. §2. Déclaration d’intention. L’article 48 de la loi du 2 juillet 1998 portant DDOEF a introduit une obligation de déclaration d’intention dans la loi de 1966228. Il crée un septième alinéa à l’article 356-1 qui prévoit qu’en cas de franchissement du seuil du dixième ou du cinquième du capital ou des droits de vote les actionnaires devront dévoiler leur objectifs. Cette loi consacre une disposition qui n’était prévue avant que dans un règlement de la COB229, sa portée se trouve donc élargie. L’article 356-1 est donc enrichi d’une disposition imposant à la personne tenue à l’information de franchissement de seuil, une déclaration quant aux objectifs qu’elle entend poursuivre au cours des douze mois à venir. Cette déclaration doit être adressée à la société, au Conseil des marchés financiers et à la Commission des opérations de bourses. La loi prévoit le contenu de cette déclaration de façon détaillée, toute la stratégie des actionnaires doit être dévoilée. Les actionnaires doivent préciser l’existence d’une action de concert, ils doivent énoncer s’ils envisagent d’arrêter ou de poursuivre leur achats, s’ils veulent acquérir ou non le contrôle de la société, s’ils entendent demander la nomination d’un ou plusieurs membres agissant de concert comme administrateur, membre du directoire ou du conseil de surveillance. Les actionnaires développent les motifs de leur acquisition et les relations sur lesquelles sont fondées l’action de concert à laquelle ils adhèrent. C’est le cas des sociétés Alcatel Alsthom et Dassault Industrie qui forment le “ Partenaire Industriel ” et qui joignent à leur déclaration de franchissement du seuil de 20% dans le capital de Thomson CSF une déclaration d’intention230. Ils déclarent agir de concert, et énoncent que “ leur acquisition s’inscrit dans la cadre d’un accord de coopération industrielle ” organisé par un pacte d'actionnaires. Ils déclarent ne pas envisager d’effectuer d’acquisition significative dans les douze mois sauf si l’Etat décidait de

228A. Couret “ Les dispositions sde la loi n°98-546 du 2 juillet 98 portant DDOEF concernant le droit des sociétés ” Bull. Joly chr.§243 p.709. T. Bonneau “ L’adoption de la législation française et la modernisation des activités financières en vue de la troisième phase de l’union économique et monnétaire ” Droit des sociétés édition juris-classeur Août/sept. 1998 chr.n°10 p.7. 229Réglement n°88-02 concernant l’information a publier lors des franchissements de seuils de participation dans le capital d’une société cotée ”, modifié par le réglement n°97-01.V. A. Viandier “ La réforme du droit des offres publiques ” RJDA, 6/1997, p.499. 230Décision du CMF n°198C0588, 2.07.98

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diminuer sa participation dans Thomson CSF. Cette obligation dont l’omission est sanctionnée par la privation des droits de vote attachés aux titres excédant la fraction du dixième ou du cinquième pour toute assemblée qui se tiendra jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de la régularisation de la notification, met donc un frein à la stratégie mise en œuvre. Elle oblige les actionnaires à dévoiler leur projet231, ils ne bénéficient plus de la discrétion que leur assurait la conclusion du pacte d'actionnaires. Le public a par cette obligation une connaissance relativement claire des but poursuivis par les actionnaires. Cela permettra donc à la société ou à des concurrents de prendre des décision en fonctions des ambitions énoncées. En outre cette déclaration lie les actionnaires qui ne peuvent modifier leur stratégie au courant de l’année sans faire de nouvelles déclarations sans quoi ce changement d’intention pourra être sanctionné par la suspension totale ou partielle, pour une durée maximale de cinq ans, de l’ensemble des droits de vote232. Il faut d’ailleurs souligner que les actionnaires cherchent à limiter les informations qu’ils sont obligées de dévoiler. Ils se soumettent à cette obligation mais leur déclarations ne sont que peu explicites, certains s’aménageant même une certaines ambiguïté. Ainsi la Société Industrielle de l’Artoi contrôlée par le groupe Bolloré déclare vouloir devenir le premier actionnaire de la société Intertechnique sans nécessairement vouloir en prendre le contrôle233. Que signifie ici le terme nécessairement et quelle latitude donne-t-il à cet actionnaire? Cette société tout en se soumettant à l’obligation de déclaration ne donne pas réellement d’information sur ses projets234. On voit donc comment la pratique des pactes d'actionnaires est encadrée dans les sociétés cotées. L’information du marché prime le développement paisible d’une stratégie. Si celle-ci est déterminée en accord avec la société visée l’inconvénient est moindre235, il n’a pour effet que de diffuser l’information à d’éventuels concurrents. Mais si c’est une prise de contrôle inamicale qui est envisagée, cette déclaration aura sonné toutes les alarmes. La mise en œuvre d’une stratégie est donc entravée par la publication des pacte d'actionnaires, l’obligation de déclarer les franchissement de seuils et d’intention.

231Décision du CMF n°199C1654, 29.10.99. Les actionnaires du Groupe André SA déclarent vouloir poursuivre leurs achats. 232Jurisclasseur société, remise à jour 11,98 “ groupe de sociétés ” fasc. 165-2 n°55,XI. 233Décision du CMF n° 199C0983, 26.07.99. 234Décision du CMF n°200C1192, 27.07.00. De la même façon la société Life-Science Invest qui a franchi le seuil de 10% dans le capital de la sociétéArkopharma déclare “ qu’il n’est pas envisagé actuellement de continuer les achats d’actions, qu’il n’est pas actuellement décidé s’il y aura acquisition du contrôle de la société dans les douze prochains mois ”. 235Décision du CMF n°200C0190, 4.02.00, Les actionnaires de Carrefour (Groupe familial Halley, familles Badin-DEfforey-Fournier et Groupe March) ont franchi le seuil de 5, 10, 20% dans le capital de Promodès, ils déclarent vouloir procéder à la fusion absorption de Promodès par Carrefour. Cette opération est mise en oeuvre avec le consentement des actionnaires de Promodès ce qui limite l’effet néfaste de la publicité.

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Mais si le principe de transparence impose des obligations qui peuvent être des inconvénients pour les actionnaires, une autre contrainte peut peser sur les actionnaires. La prise de contrôle, présumée lors du franchissement du seuil du tiers impose l’obligation de déposer une OPA. Cette obligation est particulièrement lourde et doit avoir été prévue par les actionnaires qui veulent agir ensemble dans un but commun. Chapitre 2 . Application du principe d’égalité. Les actionnaires agissant de concert pour développer ensemble une stratégie peuvent vouloir, pour sa réalisation, acquérir le contrôle d’une société. Or cet événement dans la vie d’une société cotée est strictement réglementé, imposant diverses obligations aux actionnaires, notamment une obligation d’achat. Celui ou ceux qui ont le contrôle, ont également le pouvoir de définir la politique sociale, c’est ce que recherchent les alliés, mais c’est aussi ce contre quoi on veut protéger les actionnaires minoritaires. Le législateur veut offrir une porte de sortie aux actionnaires qui se trouvent en désaccord avec la politique annoncée du nouveau contrôlaire. Il impose dont à celui ou ceux qui prennent le contrôle de déposer une OPA afin que les porteurs qui le désirent puissent céder leurs actions dans les meilleures conditions. Ainsi la réalisation de différents événements conduit les actionnaires à proposer le rachat de leurs actions aux minoritaires. Si la réalisation de leur stratégie conduit les concertistes à posséder le pouvoir de déterminer la politique de la société ou si elle entraîne l’augmentation de l’influence des concertistes allant parfois jusqu’à la fermeture de la société, ils seront soumis à une obligation d’achat prévue par le règlement général du Conseil des marchés financiers. L’offre publique obligatoire est une procédure dérogatoire au droit commun, le principe restant l’offre volontaire. Habituellement l’OPA permet de réaliser une croissance externe par le biais de la prise de contrôle d’une société ou d’effectuer une opération de restructuration. C’est donc une décision stratégique qui s’inscrit dans la liberté de gestion de l’entreprise. Ici cette liberté est encadrée et l’offre obligatoire s’impose comme un frein à la stratégie des concertistes qui ne peuvent sans restriction arriver à leurs fins. Toutefois si cette obligation répond à un principe d’égalité, qui doit favoriser le bon fonctionnement du marché il faut là encore rester mesuré et admettre que certaines situations ne nuisent pas aux intérêts des actionnaires minoritaires: c’est la mise en œuvre du principe d’équité. Le législateur introduit donc des tempéraments et des exceptions à cette obligation d’achat. Nous allons voir que ces hypothèses peuvent concerner des actionnaires agissant de concert ou appartenant à un groupe.

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Il nous faut donc envisager les conséquences que peut avoir une mise en concert sur les obligations des actionnaires (I). Cela nous permettra de prendre la mesure de la limite qu’elles imposent à la stratégie des actionnaires pour voir ensuite de quelles latitudes bénéficient vraiment les partenaires agissant de concert ou appartenant à un groupe pour réaliser un projet sans être contraint par cette obligation d’achat (II). Section I. Mise en œuvre d’une obligation d’achat... Les actionnaires sont libres de s’allier comme bon leurs semblent ou comme leurs intérêts leurs dictent et de mettre en œuvre toutes les stratégies qui apparaissent favorables à leur développement mais le législateur et les autorités de marché assortissent parfois leur projet d’obligations complémentaires. Les actionnaires doivent alors en tenir compte car les obligations d’achat prévues sont très lourdes à assumer. Trois situations méritent d’être encadrées car elles nuisent aux droits des actionnaires minoritaires. # Dans une première situation est encadré le changement de contrôle. Le contrôle conférant le pouvoir d’organiser la gestion de la société, de décider de sa stratégie il est tout à fait probable que le nouvel acquéreur du pouvoir de décision modifie la ligne de conduite jusqu’à lors suivie. Pour certains auteurs il y a “ rupture du contrat d’investissement ”. Le minoritaire n’a pas misé sur cette politique mais sur la précédente, s’il est en désaccord avec les projets du nouvel actionnaire il doit donc pouvoir quitter la société. # Dans une deuxième hypothèse on envisage la protection des minoritaires quand un actionnaire se rapproche de la majorité absolue. Ce dernier ne modifie pas la politique sociale mais par son attitude il contribue à fermer la société donc à nuire à la liquidité des titres. Il faut donc informer les actionnaires minoritaires de ce changement pour leur permettre de prendre une décision ou si l’acquisition est trop agressive lui organiser une possibilité de se désengager facilement. # Dans une troisième hypothèse, on envisage la fermeture de la société : soit car un actionnaire majoritaire dispose de la quasi-totalité des titres 95%, soit car il envisage la transformation de la société en société en commandite par action. Cette fermeture entraîne une chute de la liquidité voire une non-liquidité des titres possédés par les minoritaires. Ils seraient bloqués à l’intérieur de la structure sociale si le législateur n’intervenait pas. Ce sont ces trois cas de figure que nous allons envisager car ils peuvent répondre à un besoin stratégique pour certains actionnaires alors qu’ils nuisent aux intérêts d’autres.

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Le législateur tente alors de rétablir l’équilibre en alourdissant substantiellement les obligations pesant sur les actionnaires qui modifient le contrôle (§1) ou qui ferment la société (§2). §1. Modification du contrôle. La situation de la société peut être modifiée si le contrôle change de mains ou si le contrôle se renforce dans les mains d’un actionnaire ou d’un groupe d’actionnaires. Nous allons voir comment la collaboration entre actionnaires qualifiée d’action de concert les assujettit à une obligation d’achat dans ces deux hypothèses. Voyons d’abord l’acquisition du contrôle par la mise en concert (A) puis le renforcement du contrôle au bénéfice du concert (B). A. Acquisition du contrôle. Le règlement général du CMF considère que l’acquisition du contrôle se fait par un actionnaire lorsqu’il possède un tiers des voix. Une société anonyme ouverte ne fonctionne effectivement pas comme une Société anonyme fermée ou tous les actionnaires se sentent concernés par l’activité sociale. L’affectio societatis est très réduit, seul le gain compte. L’abstention lors des assemblées générales est très importante, ce qui réduit la participation nécessaire pour posséder la majorité. Le règlement général institut donc une obligation de déposer une offre publique d’achat lorsque le seuil d’un tiers du capital ou des droits de vote est franchi. Il considère non seulement la détention directe de titres par un ou plusieurs actionnaires mais aussi le contrôle indirect par l’intermédiaire d’une société détentrice. franchissement de seuil direct. Ce cas d’offre publique d’achat obligatoire est prévu par l’article 5-5-2 qui énonce que : “ lorsqu’une personne physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l’article 356-1-3 de la loi du 24.07.66 vient à détenir plus du tiers des titres de capital ou plus du tiers des droits de vote d’une société, elle est tenue à son initiative d’en informer immédiatement le Conseil et de déposer un projet d’offre publique visant la totalité du capital et des titres donnant accès au capital ou aux droits de votes, et libellé à des conditions telles qu’il puisse être déclaré recevable par le Conseil ”. Le concert qui dépasse le seuil du tiers car un des actionnaires a augmenté sa participation est donc soumis à cette obligation d’achat. C’est un risque que les parties prennent en charge si leur stratégie nécessite qu’ils acquièrent le contrôle et donc qu’ils dépassent le seuil du tiers ou qu’elles cherchent absolument à écarter si leur but n’est pas de prendre le contrôle de la société visée236. 236Décision du CMF n° 200C0190, 4.02.00. Les actionnaires de Carrefour prévoient dans leur pacte que “ les parties s’interdissent d’augmenter leur participation si cette augmentation a pour effet de déposer une offre publique. Si le franchissement est réalisé par obtention de droits de vote double, ceux-ci devront être convertis au porteur. L’actionnaire qui ne respectera pas ces engagement sera exclu du pacte. ” Ces mesures strictes nous

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Le pacte signé entre Artémis et la SCDM237, actionnaires de la société Bouygues, dont le pacte n’a pour but que la gestion concertée de leur participation dans ladite société, prévoit pour éviter le franchissement du seuil du tiers que les parties s’interdissent d’accroître leurs intérêts. En cas de franchissement du seuil, l’obligation d’achat pèsera uniquement sur le responsable. Le franchissement de seuil par le concert ne pose aucun problème d’interprétation, mais concernant notre hypothèse de mise en concert du fait de la réalisation d’une stratégie commune, il nous faut voir si cette réunion d’actionnaires remplie les conditions de l’art 5-5-2. Et donc si les actionnaires ayant conclus un pacte d'actionnaires qualifié d’action de concert seront soumis à l’obligation d’achat posée par le CMF. La nouveauté de cette disposition par rapport à celle du texte de 1992 est la suppression de l’idée de franchissement de seuil à la suite d’une “ acquisition ”. Ce changement de terme “ d’acquisition ” à “ détention ” a élargi considérablement le champ du texte. Sous l’empire du texte précédent, l’interprétation extensive du terme acquisition avait conduit à s’interroger sur le point de savoir si la mise en concert de deux actionnaires ayant ensemble plus du tiers du capital ou des droits de vote réalisait une “ acquisition ”. Le Conseil avait refusé de franchir un tel pas. La solution qu’il avait retenue dans l’affaire de la Compagnie générale de navigation mixte allait en ce sens238. Les actionnaires principaux: Paribas, Crédit lyonnais, Allianz AG, Société générale, Société centrale d’investissement représentaient ensemble 61,98% du capital. Ils avaient conclu ensemble un pacte d'actionnaires qualifiée par le Conseil d’accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote, donc d’action de concert. Malgré les franchissements des seuils de 33,33% et de 50% du fait de cette mise en concert le CBV avait “ considéré que les signataires de la convention n’étaient pas tenus au dépôt d’un projet d’offre publique tant que l’équilibre actuel des participations des signataires ne serait pas remis en cause ”. Mais depuis 1992 la solution ne fait plus de doutes. La disparition des termes “ à la suite d’une acquisition ” et la seule référence à la détention invitent à considérer que le franchissement de seuil résultant d’une mise en concert déclenche la mise en œuvre de l’article 5-5-2239. Cette solution est conforme à la réalité. Si les actionnaires cherchent à s’allier c’est bien pour avoir ensemble le pouvoir qu’ils ne peuvent posséder seuls. Leur stratégie ne peut bien souvent se réaliser que par la direction de la politique de la société. L’action concertée à donc bien pour but la détention du contrôle, qui elle-même fait l’objet de l’article 5-5-2. Les actionnaire qui viennent à détenir un tiers des droits possèdent le contrôle de la société et ont donc la possibilité de faire varier la politique sociale précédemment mise en œuvre et à laquelle les autres actionnaires avaient adhérés. Ces derniers doivent donc supporter les conséquences de la prise du pouvoir dans la société et donne la mesure de la charge qui pèse sur les actionnaires lors de ce franchissement. 237Décision du CMF n° 198C1150, 9.12.98 238SBF, Avis n° 90-3437, 22 oct. 1990. 239A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques ” édition pratique Francie Lefebvre 1999, n°1575.

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doivent offrir la possibilité aux autres actionnaires de le suivre dans son entreprise ou de se désengager. La mise en place d’une stratégie qui passe par la prise de contrôle d’une société peut donc s’avérer très onéreuse. La mise en commun suffit à donner le pouvoir au collège d’actionnaires sur la société, ils ne sont donc pas obligés de procéder à des acquisition pour obtenir un tiers ou plus des voix. Mais une fois le concert révélé, les actionnaires doivent offrir d’acheter les deux tiers du capital restant. C’est une opération très coûteuse qui, on l’imagine aisément, fait réfléchir sur la création d’alliances. Franchissement de seuils indirects. Le franchissement est indirect lorsqu’il procède de la prise du contrôle d’une société détenant elle-même le contrôle sur une autre société. Ce cas est envisagé par l’article 5-5-3 qui dispose que : “ Lorsque plus du tiers du capital ou des droit de vote d’une société dont les titres de capital sont admis sur un marché réglementé est détenu par une autre société et constitue une part essentiel de ses actifs, l’obligation définie à l’article 5-5-2 s’applique quand : - une personne vient à prendre le contrôle de la société détentrice au sens de l’article 355-1 de la loi du 24.07.66 ; - un groupe de personnes agissant de concert vient à détenir plus de 50% du capital ou des droits de vote de la société détentrice sans qu’aucune d’entre elles ne continue à disposer, à elle seule, du contrôle au sens de l’article 355-1 de la loi précitée.” Il faut remarquer dans un premier temps que cette règle vient à nier la personnalité juridique de la société détentrice qui ne fait pas écran entre les actionnaires et la société contrôlée, mais en droit boursier la réalité l’emporte sur la forme. Le changement de contrôle de la société détentrice déclenche donc l’obligation de déposer un projet d’offre publique. Comme précédemment le groupe n’est pas conçu comme une addition de membre indépendants, mais comme une structure à part entière qui en transparence laisse apparaître des influences entre les différentes entités. La prise de contrôle d’une société ayant elle-même le contrôle sur une autre est considérée comme la prise directe du contrôle des actionnaires sur la filiale. Cette disposition innove concernant le contrôle conjoint. Contrairement à l’ancien article240 elle définit les changements de contrôle entraînant l’application de cette obligation, ce qui nous donne des éléments d’appréciation de la situation de concertistes dans ce cas. Elle distingue deux cas conformément à la solution de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris CGE-HAVAS du 20.02.98 qui avait considéré que la mise en concert n’emportait pas nécessairement contrôle au sens de l’article 355-1 de la loi du 24.07.66. En effet comme nous l’avons vu, dans cette décision la cour revient sur la notion de contrôle

240Art. 5-4-3 du CBV.

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telle que définie par cet article et déclare “ l’unique accord envisagé est celui de la convention de vote qui instaure un transfert des voix possédées par la société à la société cocontractante …le contrôle défini par l’article 355-1 est exclusif de la notion d’action de concert ”. Cette dernière n’est envisagée qu’à l’article 356-1-3 L66 et le règlement général y fait expressément référence quand il veut prendre en compte l’action de concert. Donc l’article 5-5-3 en plus d’un renvoi à la prise de contrôle telle que définie par l’article 355-1, prévoit expressément le cas de la prise de contrôle du fait de la mise en concert d’actionnaires. Cet article s’adapte donc à la solution de la Cour d’appel de Paris, qui tient compte de l’article 355-1 tel qu’il est actuellement rédigé, mais développe l’idée inverse. Alors que la Cour énonce que le contrôle est exclusif de l’action de concert, le CMF prévoit qu’une collectivité d’actionnaires peut détenir le contrôle sur une société. Il intervient en précurseur, alors que cette conception est aujourd’hui inscrite dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Les actionnaires qui ensemble prennent la majorité absolue du capital ou des droits de vote d’une société détentrice de parts d’une autre société sont donc soumis à une obligation d’achat. L’article 5-5-3 nuance toutefois deux hypothèses : Celle où avant le concert aucun actionnaire ne disposait du contrôle ou celle où l’actionnaire qui le possédait a changé, là il y a obligation d’achat. Et celle où l’actionnaire, majoritaire avant le concert, continu à posséder le contrôle à l’intérieur du concert ce qui exclu le dépôt obligatoire d’une offre publique d’achat. Cette exception fera l’objet de développements ultérieurs, nous verrons en quoi elle est une limite à l’obligation d’achat laissant une place à la libre stratégie des actionnaires. B. Renforcement du contrôle. A coté du franchissement du seuil du tiers, il existe un autre cas de dépôt obligatoire qui tient à un excès de vitesse d’acquisition de titres par un ou plusieurs actionnaires majoritaires qui détiennent entre 33 et 50% du capital ou des droits de vote. Il est permis à ces actionnaires de renforcer leur position au sein de la société mais cela à condition de progresser lentement en respectant une limitation de vitesse d’acquisition fixée par l’article 5-5-4 du règlement général, tout dépassement ou excès de vitesse sont sanctionnés par l’obligation de déposer un projet d’offre publique d’achat. Cet article dispose que : “ les disposition de l’article 5-5-2 s’appliquent aux personnes

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physiques ou morales, agissant seules ou de concert, qui détiennent directement ou indirectement un nombre compris entre le tiers et la moitié du nombre total des titre de capital ou des droits de votes d’une société et qui, en moins de douze mois consécutifs augmentent le nombre de titres de capital ou des droits de vote qu‘elles détiennent d’au moins 2% du nombre total des titre de capital ou des doits de vote de la société. ” Cet article assujetti donc logiquement les actionnaires qui agissent de concert et qui ensemble augmentent leur participation. Si l’un d’eux procède à une acquisition c’est l’ensemble du concert qui est soumis à l’obligation de dépôt d’une offre publique. C’est pourquoi les actionnaires lors de la rédaction du pacte qui les lie pourront prévoir une interdiction d’augmenter sa participation, afin que le concert tout entier soit préservé d’une obligation d’achat. La solution paraît moins nette concernant un dépassement de vitesse d’acquisition par la mise en concert d’actionnaires. Le terme “ augmentation de titres détenus ” peut-il recouvrir l’hypothèse de la mise en concert? Bien que les actionnaires en concert ne détiennent pas réellement les titres les uns des autres, ils profitent ensemble de l’influence que leur donne cette collaboration. La mise en concert doit donc être considérée comme répondant aux conditions du texte. En outre l’on peut relever que le règlement général du CMF prévoit un tempérament à l’article 5-5-4 dans lequel il envisage les mises en concert qui ne modifient pas le contrôle. Cela renforce l’idée que cette hypothèse est recouverte par ce texte. Une fois la majorité absolue acquise, alors que l’ancienne réglementation prévoyait encore un cas d’offre publique obligatoire, le nouveau règlement prévoit une procédure originale : la garantie de cours. Malgré un régime distinct l’article 5-4-2 impose aux majoritaires, comme lors d’une OPA, de s’engager à acquérir sur le marché tous les titres présentés à la vente au prix auquel la cession du bloc de contrôle a été réalisé. Elle fait bénéficier tous les autres actionnaires de ce prix préférentiel qui comprend la prime de contrôle, et par-là même elle alourdit la charge des majoritaires. Les actionnaires qui mettent en place une stratégie qui nécessite l’acquisition du contrôle ou le renforcement de ce dernier doivent donc compter avec la réglementation boursière. Ils devront prévoir au travers du pacte qui organise leur collaboration des dispositions leur permettant d’échapper autant que possible aux obligations d’achat qui alourdiraient considérablement leur projet. Mais d’autres stratégie se heurte à cette obligation. Les actionnaires qui ont comme but de fermer la société dans laquelle ils ont une participation doivent également offrir aux minoritaires une possibilité de sortie. §2. Fermeture de la société.

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Les actionnaires majoritaires d’une société peuvent avoir intérêt à fermer celle-ci sur elle-même et adopter une stratégie en ce sens. Il existe une certaine légitimité à vouloir refermer l’organisation sociétaire241. Cela leur permet de ne plus avoir à effectuer des compromis avec des minoritaires qui contestent la politique adoptée et qui ont les moyens d’entraver le bon fonctionnement de la société. Cela peut également être une décision face à une faible liquidité du titre trop fortement concentré dans les mains de certains actionnaires ce qui fait peser sur la société le coût de son statut de société cotée sans lui rapporter d’avantage. C’est aussi une réponse au constat que le marché n’apprécie pas la société à sa juste valeur et qu’il faut la retirer de la cote pour sauvegarder sa réputation et s’allier avec des investisseurs plutôt qu’avec des épargnants. Là encore les stratégies sont multiples, nous n’allons pas cherche à en faire un inventaires exhaustif. Ces quelques exemples suffisent à démontrer que la fermeture de la société répond souvent à une stratégie sociale. Cet événement est également pris en compte par le CMF. Il impose aux actionnaires qui entendent refermer la société à leur profit d’offrir une possibilité de sortie aux meilleures conditions aux actionnaires minoritaires de la société. Ainsi les articles 5-6-1 et 5-6-2 ouvrent la possibilité aux minoritaires de demander au CMF de requérir des actionnaires majoritaires le dépôt d’un projet d’offre publique de retrait quand ces derniers disposent d’au moins 95% des droits de vote. Et l’article 5-6-5 impose aux actionnaires de déposer automatiquement une offre publique de retrait quand ils envisagent de transformer la société en commandite par action. Encore faut-il souligner que ce changement de structure sociale n’est plus à l’ordre du jour dans les stratégies actuelles. La commandite était utilisée comme défense anti-OPA ce qui est moins le cas aujourd’hui. Force est donc de constater que les stratégies qui influent sur la conduite d’une société cotée sont fortement encadrées par le législateur et les autorités de marchés qui ont un large pouvoir d’appréciation de l’intérêt des parties en présence. Les actionnaires doivent donc être vigilants et essayer de définir une stratégie qui ne remplira pas les conditions des articles ci-dessus envisagés s’ils n’entendent pas supporter le coût d’une offre publique. Mais ils peuvent également considérer que la stratégie mise en place ne peut faire l’économie d’une prise de pouvoir par exemple et prendre en compte cette contrainte supplémentaire dans la réalisation de leur objectifs. Une autre possibilité est de définir une stratégie qui entre bien dans le champ de l’obligation mais qui est également couverte par le non lieu à dépôt prévu à l’article 5-5-5 ou par une dérogation de l’article 5-5-7. Section II. ...en fonction de la situation des actionnaires.

241M-A. Frison-Roche “ L’acculturation du squeeze out en droit français ” P.A.29 nov. 1995 n°143 p.13.

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Comme nous l’avons mis en lumière la notion centrale dans la qualification d’action de concert et dans la détermination des conséquences qu’elle implique, est celle de contrôle. Le contrôle que le concert permet d’obtenir, le contrôle qui permet de faire varier la politique sociale, le changement de contrôle qui nuit aux minoritaires. C’est toujours dans cet esprit que sont prévues les limites à l’obligation de déposer une offre. Elles permettent de ne pas faire supporter le poids d’une OPA quand le contrôle ne varie pas. Le législateur envisage donc la situation particulière des franchissements de seuil du fait de la mise en concert et identifie des cas dans lesquels il n’y a pas lieu à dépôt d’une offre publique. Mais il tient également compte de la situation particulière des groupes et élabore une dérogation spéciale. Dans ces deux hypothèses bien que le géométrie de la détention du capital varie, cela n’a pas de conséquence sur le contrôle qui reste entre les même mains. La mise en concert, comme le reclassement de participations au sein d’un groupe peuvent faire changer les apparences alors qu’en réalité c’est toujours la ou les même personnes qui dictent la politique sociale. Il appartient au CMF d’apprécier cette réalité pour valider le non-lieu à dépôt d’une offre publique (§1) ou pour accorder une dérogation (§2). §1. Prise en compte du cas particulier de la mise en concert. L’article 5-5-5 issu de la modification du règlement du CMF intervenue en 1998, s’intéresse au franchissement de seuil en cas de mise en concert, seuil du tiers prévu par l’article 5-5-2 ou seuil de 2% prévu par l’article 5-5-4. Le Conseil se donne comme règle d’apprécier les effets induits par ces évolutions sur le contrôle de la société concernée, ces effets étant examinés à la lumière des dispositions contenues dans le pacte unissant les concertistes ainsi que des circonstances de fait constatées lors de la survenance de ces mouvements. Il ne veut imposer le dépôt d’une OPA que dans les cas opportuns, ceux qui vont faire varier la conduite de la société. Il prévoit deux cas de non-lieu à dépôt: - d’une part quand celui qui franchi les seuils déclare agir de concert avec un ou plusieurs actionnaires qui détiennent déjà la majorité du capital ou des droits de vote, - d’autre part quand le franchissement de seuil se produit lors d’une mise en concert avec un ou plusieurs actionnaires qui détiennent entre le tiers et la majorité du capital, que ces derniers gardent une participation plus élevée et qu’ils ne franchissent pas l’un des seuil visés. Il nous faut envisager successivement ces deux hypothèses. Dans le premier cas bien que franchissant un seuil qui fait présumer la prise ou

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l’accroissement du contrôle, les actionnaires n’ont pas à déposer de projet d’offre publique car ils sont venus s’agréger à un bloc dominant. La géométrie du concert change, mais le cœur du pouvoir n’est pas modifié. Il y a modification du périmètre du groupe majoritaire, mais les équilibres fondamentaux ne sont pas bouleversés. Trois cas de figure généraux peuvent être envisagés pour l’application de cet article. Soit un actionnaire dépasse le seuil juste avant de se mettre en concert avec un ou plusieurs actionnaires qui possèdent la majorité absolue. La détention de la moitié du capital ou des droits de vote fait que l’actionnaire qui a augmenté sa participation est impuissant à exercer le pouvoir. Il n’y a donc pas lieu de lui imposer une OPA pour protéger les minoritaires dont les intérêts ne sont pas attaqués. Soit deux actionnaires qui décident de se mettre en concert effectuent également un transfert de titres. Le majoritaire cède une part de sa participation au nouvel arrivant ce qui entraîne un dépassement de seuil. Ainsi on peut expliquer la condition posée par l’article 5-5-5 prévoyant que le majoritaire reste prédominant, disposition superflue s’il conserve dans tous les cas 50%. Soit la mise en concert conduit à un dépassement du seuil capital alors que la majorité en droit de vote est déjà détenue. L’exemple du pacte conclu entre les actionnaires du holding Rue Impériale de Lyon nous donne un exemple d’application de cet article242. Certains actionnaires décident de se mettre en concert, opération qui a pour effet de leur faire franchir en hausse le seuil de 50% et qui traduit une augmentation supérieure à 2% du capital en un laps de temps inférieur à un an. Mais le CMF souligne que cette action de concert intervient alors que l’actionnaire principal du concert détenait déjà la majorité des droits de vote de Rue Impériale de Lyon. Il fait en conséquence le constat qu’il n’y a pas matière à offre publique du fait de la nouvelle situation créée par les actions de concert déclarées. Nous pouvons donc conclure que la mise en œuvre d’une stratégie avec un actionnaire majoritaire écarte toute obligation d’achat. Cette stratégie peut prévoir une simple alliance entre les actionnaires ou un rééquilibrage des participations, tant que l’actionnaire qui détenait la majorité absolue reste prédominant. Le second tiret de cet article met en place une hypothèse plus complexe. Le franchissement est le fait d’une ou plusieurs personnes qui viennent à déclarer agir de concert avec un ou plusieurs actionnaires: - qui détenaient déjà, seul ou de concert, entre le tiers et la moitié du capital ou des droits de vote de la société. - à condition que ceux-ci conservent une participation plus élevée. - et qu’à l’occasion de cette mise en concert, ils ne franchissent pas le seuil du tiers ou de 2%. Les deux premières conditions peuvent être considérées comme claires, alors que la troisième

242Décision du CMF n° 199C1047, 3.08.99.

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laisse pour le moins dubitatif243. Qui donc peut être ce “ ils ”? A priori “ ils ” renvoie aux anciens actionnaires, mais alors pourquoi envisager le franchissement du seuil du tiers qui par hypothèse est déjà franchi? Il semble que la vérité soit ailleurs. “ ils ” peut aussi concerner l’ensemble du concert, mais quelque soit la nouvelle collaboration envisagée elle ne pourra jamais franchir le seuil du tiers puisque les anciens concertistes disposent déjà de plus de 33,33% du capital ou des droits de vote et que toute alliance ferait dépasser le seuil de 2% sauf à ne s’allier qu’avec de petits actionnaires. Or on voit mal quel peut être la stratégie commune développée entre un actionnaire ayant 40% et un actionnaire ayant 1%. Reste une dernière hypothèse, “ ils ” fait référence aux nouveaux concertistes. On veut alors éviter que simultanément, l’actionnaire entre dans le concert et fasse de nouvelles acquisitions qui lui feraient franchir l’un des deux seuils. L’hypothèse envisagée alors semble être celle d’une cession d’action des actionnaires anciens aux actionnaires nouveaux. L’objectif est alors d’éviter que le contrôle ne passe d’un actionnaire à un autre même si le concert globalement les réunit. La mise en concert ne doit pas réaliser un glissement significatif du contrôle244. Cette explication est plus satisfaisante que les précédentes mais cette modification fondamentale des équilibres antérieurs semble déjà être prise en compte par la deuxième condition qui veut que la participation des actionnaires anciens reste plus élevée. Si cette dernière proposition apparaît comme étant la plus logique et est admise par certains auteurs, elle ne lève pas complètement le flou sur cet article. Cela peut être fâcheux pour les actionnaires qui développent une stratégie qui les constitue de concert et les place dans cette hypothèse. Au lieu de pouvoir compter sur une solution sûre, ils doivent s’en remettre à l’interprétation du CMF. Les projets de grande envergure se concilient mal avec de telles incertitudes. Ce qui est sûr en revanche, c’est que cet article n’envisage que la suppression de l’obligation d’achat lors du franchissement de seuil du fait de la mise en concert. Si le franchissement est effectué par le concert lui-même, il sera soumis à l’obligation de déposer une OPA. Il faut donc planifier la stratégie en tenant compte de cette opération. Le CMF introduit des limites tant que le concert reste titulaire du même pouvoir mais assujetti ce dernier aux même obligation qu’un actionnaire unique s’il accroît son influence. Le Conseil prend donc en compte les situations dans lesquels la société reste soumise au même pouvoir de direction. Dans cet esprit il consacre une dérogation tenant compte du statut particulier des groupes de sociétés. 243A. Couret, B. Solle “ La réforme des offres publiques obligatoires. Titre Vdu réglement du Conseil des marchés financiers, Chapitre IV à VII ” JCP éd° E n°6, 11fév. 99 p.262. 244T. Bonneau, N. Rontchevsky “ Les offres publiques obligatoires ” Bull. Joly jan./fév. 1999, §4 p.30.

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§2. La prise en compte de la spécificité du groupe de sociétés. Les dérogations prévues par l’article 5-5-7 du règlement général du CMF sont au nombre de sept. Elles reposent largement sur des considérations d’équité. Elles sont l’élément de souplesse qui permet de maintenir la cohérence d’ensemble de la réglementation. Le CMF envisage divers cas et accepte largement d’accorder une dérogation quand elle est demandée. Il prend notamment acte de la particularité que constitue le groupe de société et consacre une exception dans cette hypothèse. Le septième cas de dérogation prévoit d’écarter le dépôt d’une OPA si les actionnaires ont mis en œuvre une “ opération de reclassement, ou s’analysant comme un reclassement, entre sociétés ou personnes appartenant à un même groupe ”. La situation visée est notamment celle du changement d’attributive d’une participation à l’intérieur d’un groupe, une société se substituant à l’une de ses sœurs ou une filiale se substituant à sa société mère. Le CMF prend en compte le fait que dans un groupe tous les membres sont sous l’influence de la société-mère. Peu importe donc en principe quelle société détient réellement la participation. La gestion de cette dernière ne sera pas modifiée. Le Conseil se laisse toutefois une marge d’appréciation, il recherche si le déplacement de la participation a ou non une incidence sur le contrôle final de la société cotée. En effet on peut imaginer que si la participation passe dans l’actif d’une société dans laquelle outre la société mère, il existe d’autres actionnaires influants, la conduite de la société risque d’être modifiée. Mais si le CMF conserve cette faculté de s’assurer que le contrôle ne va pas être modifié, cette hypothèse semble peu probable à l’intérieur d’un groupe. La constatation de l’absence d’incidence le conduit donc à accorder une dérogation. Il faut relever que cette dérogation est reconduite par l’article 5-5-7, elle existait déjà dans le règlement du CBV245. Mais sa rédaction a été modifiée246. Le CBV n’admettait les opérations de reclassement que si elles n’avaient pas pour effet de modifier significativement l’équilibre des partenaires associés dans le groupe Plus aucune référence n’est faite à cette exigence, exigence qualifiée de “ mystérieuse ” par le CMF. En 245Art.5-4-6g. 246C. Maison-Blanche “ Les dérogations à l’obligation de déposer un projet d’offre publique ” Revue du CMF n°2 oct. 97 p.11. A. Couret, B. Solle “ La réforme des offres publiques obligatoires. Titre Vdu réglement du Conseil des marchés financiers, Chapitre IV à VII ” JCP éd° E n°6, 11fév. 99 p.262.

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pratique, elle n’était jamais apparue comme un motif pouvant freiner l’octroi d’une dispense. De plus ce nouvel article étend le champ de la dérogation, car il prévoit les opérations de reclassement et les opération s’analysant comme un reclassement. Cette formule large permet selon certains auteurs d’accueillir des opérations de restructuration d’un actionnariat familial par exemple247. Toute stratégie passant par la création d’un holding semble donc entrer dans les prévision de cet article248. Nous pouvons illustrer cette hypothèse par le reclassement de la société financière de l’Odet au sein du groupe contrôlé par V. Bolloré au travers de la société Sofibol. La société Sofibol informe le CMF de son projet d’échange d’actions de la financière de l’Odet détenue par sa sous filiale Bolloré contre un bloc d’action de la société Bolloré Energie249. La participation détenue par la société Bolloré est donc transférée à la société Sofibol ce qui lui fait franchir le seuil de 2%. Mais le CMF reconnaît que cette échange de titres est une opération de reclassement qui entre dans le champ de l’article 5-5-7 f), il accorde donc une dérogation à la société Sofibol. Mais des opérations de plus grande ampleur sont alors également susceptibles d’échapper à l’obligation de déposer une OPA. C’est l’exemple de la cession par l’Etat de ses intérêts dans Dassault Aviation au profit de l’Aérospatiale. Opération dont le CMF considère qu’il s’agit d’un transfert d’intérêts publics au sein du secteur de l’industrie aéronautique et de défense s’analysant en une opération de reclassement250. Bien que les stratégies mises en œuvre sur une société cotée soit largement encadrées, notamment au travers de la notion d’action de concert à laquelle les actionnaires n’échappent pas en principe, le CMF apprécie avec détail chaque situation pour ne pas entraver la réalisation d’opérations qui ne modifient pas le contrôle de la société visée. Les actionnaires bénéficient donc des divers tempéraments que nous venons d’étudier. Mais il faut aussi rappeler que la mise en œuvre d’une stratégie passe le plus souvent par la détermination des orientations que doit suivre une société pour répondre aux besoins des actionnaires. Il faut donc qu’ils acquière le pouvoir de déterminer la politique de celle-ci. C’est d’ailleurs pour cela que se créent les alliances, pour détenir à plusieurs le contrôle qu’il est impossible de posséder seul. Toutes les stratégies de conquête d’une société cotée sont donc à additionner d’une offre publique. La qualification d’action de concert est donc un frein important au développement stratégique

247A. Viandier “ OPA, OPE et autres offres publiques ” édition pratique Francis Lefebvre 1999, n°1725. Décision du CMF n°199C0651, 31.05.99. Les actionnaires de la si=ociété Guillemot Corporation, les cinq frère fondateurs, envisage le regroupement des titres qu’ils possédent au sein du société tierce également contrôlée par eux afin de restucturer le groupe familial. 248Décision du CMF n°200C1270, 10.08.00 CCF Recycling. Décision concernant le reclassement des titres détenus par un holding français dans un holding belge, ce dernier étant toujours détenu par le même actionnaire. 249Décision du CMF n° 199C0200, 19.02.99. 250Avis SBF n°98-4616, 1.12.98.

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d’un groupe. Elle alourdit beaucoup les opérations envisagées.

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CONCLUSION GENERALE Le groupe de sociétés est une création de la pratique qui n’est que peu abordée par le droit. La doctrine essaye d’en tracer les principaux contours en analysant les raisons de leur création, en esquissant des critères communs, en étudiant les relations intra-groupe, en répertoriant ses effets sur la situation des tiers...cette étude sur les pactes d'actionnaires, l’action de concert et la stratégie de groupe est une pierre à cet édifice. Pour faire une étude approfondie du groupe de sociétés, il est nécessaire de rechercher quels sont les moyens employés par tous ses membres pour “ piloter ” cette structure. A la question de savoir si le pacte d’actionnaire est un des instruments qui remplit cette fonction, il faut répondre par l’affirmative. Nous avons vu dans une première partie comment le pacte par sa souplesse répond à toutes les stratégies du groupe. Il crée des liens entre les actionnaires signataires, liens assez forts pour que l’on puisse considérer qu’ils tissent la trame du groupe. Parfois même, au-delà du rapprochement factuel des actionnaires, il sert de socle à la création d’une nouvelle entité qui prendra sa place dans le groupe. Il est également un instrument de maintien de l’ensemble. Il permet de constituer un corps de règles qui fonderont l’organisation du groupe. Le groupe puise dans le pacte la rigidité nécessaire pour faire face au marché, aux concurrents et aux attaquants. Les actionnaires décident donc d’agir ensemble pour coordonner leur action et tracer une ligne directrice nette en fonction des intérêts stratégiques du groupe. Mais cette action concertée n’est pas sans limite. Si le législateur n’intervient pas pour structurer le groupe, il édicte des règles pour encadrer les conséquences de sa gestion. Nous avons vu dans une seconde partie comment le droit boursier au travers d’une notion de droit des sociétés, celle d’action de concert, intervient pour assujettir la collectivité d’actionnaires à différentes obligations. A la lumière de cette étude, nous pouvons dire que le pacte d’actionnaire est un instrument adapté, voire indispensable pour satisfaire la stratégie du groupe. Il faut néanmoins remarquer que la pratique, si elle emploie constamment les pactes d’actionnaires, ne les distingue que rarement comme tels. Tant les hommes d’affaires, que la doctrine et les journalistes parlent d’alliances stratégiques.

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En effet, si le pacte est un phénomène qui n’a de réalité qu’économique, si la stratégie qu’il met en œuvre est totalement dépendante de ses intérêts particuliers, de la conjoncture et des perspectives d’avenir sur lesquelles parient ses dirigeants, pourquoi recourir à un critère juridique pour encadrer les relations entre associés ? Bien qu’ayant un régime très souple, le pacte d’actionnaires suppose des liens en capital, existants ou futurs. Or la stratégie du groupe peut se développer en dehors de tout rapprochement en capital. L’action commune peut n’être qu’économique. Il apparaît donc que si l’on veut embrasser complètement le champ des conventions à visée stratégique, il faut passer outre la qualification de pacte d'actionnaires et envisager tous les partenariat, y compris l’alliance commerciale, comme il a fallu passer outre l’apparence d’indépendance de sociétés économiquement liées pour atteindre le groupe.

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Les Echos 27 avril 2000 “ Les actionnaires de Volvo autorisent le rachat d’actions pour financer la reprise de Renault V.I. ”. Les Echos, 27 avril 2000 “ SAirGroup va monter à 85% dans le capital de Sabena ”. Les Echos 5 juin 2000 “ Fin du pacte de non agression entre les banques Inchauspé ”. Les Echos 6 juin 2000 “ LVMH négocie avec PPR sa sortie de Gucci ”. Les Echos 6 juin 2000 “ Schlumberger veut faire Internet commun avec EDF ”. Les Echos 6 juin 2000. “ LVMH négocie avec PPR sa sortie de Gucci ”. Les Echos 28 juin “ Raytheon et Thomson-CSF sur le point de s’allier dans les radars ”. Les Echos 29 juin 2000 “ Le groupe allemand Kirch rationalise sa branche télévision commerciale ”. Les Echos 29 juin 2000 “ Vallourec s’allie au groupe japonais F-Tech ” Les Echos 30 juin et 1 juillet “ Le joint-venture Atlinks vise un chiffre d’affaires de 6 milliards de francs cette année ”. Les Echos 30 juin et 1 juillet 2000 “ L’alliance une troisième voie pour les PME ” Les Echos 3 juillet 2000 “ L’Adam s’étonne de la faible valorisation de Sommer Allibert ”. Les Echos 3 juillet 2000 “ Le Monde mise sur Internet et la télévision ”. Les Echos 23 août 2000 “ Rewe devient le numéro deux du tourisme allemand en entrant dans LTU ”. Les Echos 23 août 2000 “ L’italien Generali et l’allemand Commerzbank négocient un resserrement de leurs liens ”. Les Echos 18 et 19 août “ L’espagnol Recoletos va entrer dans la capital de RTL Group ”. Les Echos 24 août 2000 “ La BBC crée une filiale internet ”. Les Echos 24 août 2000 “ Shell va lancer le plus grand investissement étranger en Chine ”. Les Echos 26 août 2000 “ Hutchison s’allie à Tiscali pour les licences italiennes ”. Option finance n° 594, 2 mai 2000, “ Renault rebondit grâce à Volvo ”. Option finance n°598, 29 mai 2000 “ Une alliance prometteuse pour Ada ”. Option finance n°600, 13 juin 2000 “ Sommer Alibert attendu au tournant ”.

IV.) NOTES, OBSERVATIONS et DECISIONS 1. Décisions du juge judiciaire T.com. Paris, 1 août 1974, Bull. Joly 1975, p.184, Rev.soc. 1974,p.685, note Oppetit. T.com. Nîmes 18 février 1992,Nestlé SA c/ La Source Perrier SA. Joly 1992 p.536 note P.Le Cannu. Banque et droit, mai/juin 1992,p.98, obs. Peltier. CA Angers, 1re Ch. A., 20 septembre 1988 Consorts Cointreau et autres. Bull.Joly 88 p.850 § 271. CA Paris, 1re ch., 24 juin 1991, Soc. Devanlay c/ Sté des Galeries Lafayette et CCF, Rjcom. 1991, p.305, note Goyet. JCP éd° E.1991, II, n°215, note Forbach. Bull. Joly 1991, p.806, RJDA 1991, n°720, p.630. Rev. soc.1992, p.70, note Carreau et Martin.

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107

Décision du CMF n° 199C0983 26.07.99 INTERTECHNIQUE Décision du CMF n° 199C1047 03.08.99. RUE IMPERIALE DE LYON Décision du CMF n° 199C1092 10.08.99 BUFFALO GRILL Décision du CMF n° 199C1108 12.08.99 CRYO INTERACTIVE ENTERTAINMENT Décision du CMF n° 199C1400 29.09.99 LE PETIT FORESTIER Décision du CMF n° 199C1654 29.10.99. GROUPE ANDRE SA Décision du CMF n° 199C1687 04.11.99. SUPERGROUP Décision du CMF n° 199C2058 28.12.99. REPONSE SA Décision du CMF n° 200C0099 20.01.00. TELEVERBIER Décision du CMF n° 200C0190 04.02.00. CARREFOUR Décision du CMF n° 200C0202 07.02.00 FLEURY MICHON Décision du CMF n° 200C0677 05.05.00 EUROPEENNE DE CASINOS Décision du CMF n° 200C0710 12.05.00 MONOPRIX Décision du CMF n° 200C0761 19.05.00 NET2S Décision du CMF n° 200C0990 26.06.00.CONSODATA Décision du CMF n° 200C1192 27.07.00. ARKOPHARMA Décision du CMF n° 200C1242 02.08.00. DASSAULT AVIATION Décision du CMF n° 200C1270 10.08.00. CFF RECYCLING

V.)SITES INTERNET Site du CMF : www.cmf-france.org Site de la COB : www.cob.fr Site de la SFB : www.bourse-de-paris.fr Site de l’assemblée nationale : www.assemblee-nat.com Site du Centre de recherche de droit des affaires : www.ccip.fr/creda/forum

108

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE...................................................................................................................……2

ABREVIATIONS PRINCIPALES..........................….....................................................…...3

INTRODUCTION..........................................................................................................……5

Première partie

14

LE PACTE D’ACTIONNAIRES:

UN INSTRUMENT STRUCTURANT POUR LE GROUPE

Titre 1 . Pacte d’actionnaires et création d’un groupe.....................................................…..15

Chapitre 1 . la conclusion d’un pacte d’actionnaires suffit-elle à constituer un

groupe ?..................................................…..................................................16

Section I. Un pacte d’actionnaires peut-il conférer le contrôle ?................................16

Section II. Nouveauté dans la notion de contrôle......................................................18

§1. La décision CGE-HAVAS.......................................................................18

§2. Projet de loi sur les nouvelles régulations économiques............................20

Chapitre 2 . cristallisation du pacte d’actionnaires dans une structure.................................21

Section I. Création du groupe vers le haut : le holding...............................................22

§1. Prévision de constitution d’un holding dans le pacte.................................22

§2. Les stratégies permises par le holding..................................................…24

A. Holding instrument de constitution du groupe...............................24

109

Effet de levier juridique............................................................24

Effet de levier financier............................................................24

Effet de levier fiscal.................................................................25

B. Holding, instrument d’organisation du groupe...............................25

Section II. Création du groupe vers le bas : la filiale..................................................26

§1. la filialisation...........................................................................................27

§2. La collaboration......................................................................................28

A. Une stratégie dont on ne peut faire l’économie..............................28

B. Modalités de regroupement....................................................……30

La prise de contrôle……..............................................………30

La joint venture...................................................…………….31

Titre 2 . Pactes d’actionnaires et maintien du groupe...........................................................34

Chapitre 1 . Gestion de l’actionnariat.............................................................................…35

Section I. Maintien de le répartition du capital......................................................….36

§1. Prévision de l’immuabilité du capital :

un idéal de protection de la stratégie……………………………………..36

A. L’interdiction de céder sa participation..........................................37

Clause d’inaliénabilité..............................................................37

Clause d’égalisation.............................................................…38

Promesse de non apport à une OPA.....................................…38

B. L’interdiction d’augmenter sa participation................................…38

Clause de limitation des participations......................................38

Pacte de non agression.........................................................…39

§2. Surveillance des modifications de capital : un compromis à adopter........40

A. Clause rassurant les actionnaires majoritaires.............................…40

Clause d’agrément..............................................................….40

Clauses de préférence ou de préemption..................................41

110

B. Clause protégeant les actionnaires minoritaires..............................43

Clause anti-dilution…………………………………………...43

Section II. Modulation volontaire du capital..............................................................43

§1. Aménagement de l’entrée de nouveaux actionnaires.................................44

A. Introduction dans le groupe...........................................................44

Association de partenaires en vue de la réalisation d’une

stratégie commune.................................................................44

Association de partenaires en vue d’écarter le danger du

changement de contrôle.........................................................46

B. Progression dans le groupe............................................................47

§2. Aménagement de la sortie d’actionnaires..................................…............48

A. Sortie volontaire: fin de la participation à la même stratégie..........48

B. Sortie forcée: sanction de la violation de la stratégie convenue......49

Chapitre 2 . Gestion du pouvoir........................................................................................50

Section I. Discipliner les majoritaires : maintien du contrôle.....................................51

§1. Pouvoir de décider de la stratégie......................................……………...51

§2. Pouvoir de diriger la stratégie......................................………………….52

Section II. Fidéliser les minoritaires : partage des droits.......................................….53

§1. Renforcement des droits des minoritaires.......................................……..54

A. Information renforcée sur la stratégie menée. ...............................54

B. Prérogatives pécuniaires.......................................………………..55

§2. Accroissement des droits des minoritaires.......................................…….55

A. Influence accrue sur la détermination de la stratégie................….56

B. Participation à la prise de décision. ......................................…….56

111

Deuxième partie 58

L’ACTION DE CONCERT:

UNE LIMITE A LA VISEE STRATEGIQUE DU GROUPE.

Titre 1 . Une nouvelle conception de l’action de concert, notion reliée à l’intérêt commun....60

Chapitre 1 . Le concert de fait : Le pacte d'actionnaires. ......................................….….61

Section I. Contracter n’est pas agir de concert. ....................................…………….62

§1. Parenté entre le pacte d'actionnaires et l’action de concert.......................62

§2. Insuffisance de la définition légale de l’action de concert.........................64

Section II. Preuve de l’intérêt commun. .....................................…………………...66

§1. la notion d’intérêt commun. .....................................……………………66

§2. La nouvelle notion d’action de concert est-elle compatible à l’échelle du

groupe? ............................................................................………………68

Chapitre 2 . Le concert de droit : Les présomptions légales. ......................................….69

Section I. Appartenir à un groupe c’est agir de concert. ......................................….70

§1. Concert entre une société et les sociétés qu’elle contrôle.........................70

§2. Concert entre des sociétés contrôlées par la même

ou les même personnes………………………………………………….71

Section II. Présomption de l’intérêt commun.......................................…………….73

§1. Existence d’un accord..............................................................................73

§2. Consécration de l’intérêt de groupe......................................…………...74

112

Titre 2 . détection et effets de l’action de concert au sein d’un groupe. ..............................76

Chapitre 1 . Application du principe de transparence. ......................................………...77

Section I. Détection de l’action de concert: Publication des pactes d'actionnaires..78

Section II. Obligation d’information. ......................................……………………80

§1. Déclaration de franchissement de seuil. ......................................……..80

§2. Déclaration d’intention. ......................................……………………...82

Chapitre 2 . Application du principe d’égalité. ......................................……………….84

Section I. Mise en œuvre d’une obligation d’achat... ...................................……85

§1. Modification du contrôle. ......................................…………………..86 A. Acquisition du contrôle. ......................................……………..86

franchissement de seuil direct. ......................................…..86

franchissement de seuils indirects........................................88

B. Renforcement du contrôle. ......................................…………...89

§2. Fermeture de la société. ......................................…………………….91

Section II. …en fonction de la situation des actionnaires………….…………….92

§1. Prise en compte du cas particulier de la mise en concert.....................92

§2. La prise en compte de la spécificité du groupe de sociétés..................95

CONCLUSION GENERALE..............................................................................………..97

BIBLIOGRAPHIE.............................................................................…………………….99

TABLE DES MATIERES..............................................................................…………..107