mobilité interrégionale de la main d’œuvre et … mobilité interrégionale de la main...
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Mobilité interrégionale de la main d’œuvre et flexibilité salariale dans l’UEMOA :
une réponse à l’adaptation aux fluctuations macroéconomiques ?
Résumé
La présente étude analyse l’efficacité de deux modes d’ajustement par le marché
aux chocs macroéconomiques dans l’union économique et monétaire ouest africaine
(UEMOA). Les études qui se focalisent sur le critère d’asymétrie des chocs prennent
comme référence le cadre théorique des zones monétaires optimales sans toutefois aller
au-delà du réel problème d’ajustement que pose cette théorie. Cette étude analyse la portée
des mécanismes naturels d’ajustement par le marché que sont la mobilité interrégionale et
la flexibilité salariale. Elle montre l’existence de rigidités nominale et réelle dans les pays
membres de l’union limitant ainsi l’efficacité de l’ajustement à travers ces mécanismes de
marché. En dehors de certaines barrières, notamment linguistiques et socioculturelles, la
mobilité interrégionale dans l’union n’obéit pas totalement à une logique d’ajustement.
Elle témoigne plus en faveur d’une décision contrainte comme par exemple les guerres ou
les études. En outre, l’efficacité limitée de l’ajustement par le marché du travail est
davantage le fait des rigidités réelles que nominales dans certains pays de l’union. Dans
d’autres pays par contre, les deux types de rigidités coexistent. En majorité, 28 % de
l’écart entre le salaire réel et son niveau d’équilibre est résorbée chaque année.
Classification JEL : F2, E24, J6
Mots clés : Union monétaire, mobilité, flexibilité salariale
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1. Introduction
La nomenclature des régimes de change depuis le système de Bretton Woods, a
connu un véritable changement. Malgré leurs avantages relatifs, de nombreux faits
témoignent que la plupart des régimes de change ont échoué parce qu’ils n’ont pas permis
d’éviter des crises économiques et financières (Frankel, 2001). L’expérience de nombreux
pays montre en réalité de manière convaincante qu’il n’y a pas de régime de change à
priori universellement adapté. Ce n’est pas tant le régime de change mais donc
l’adaptation aux chocs économiques qui constitue la préoccupation essentielle. C’est ce
que semble bien montrer l’intérêt actuellement affiché de la recherche de mécanismes
appropriés d’ajustement aux chocs dans les unions monétaires existantes (Muet,
1995; Mazier et Saglio, 2003).
Dans sa version traditionnelle, la théorie des zones monétaires optimales s’est
intéressée essentiellement au coût lié à la perte du taux de change nominal comme
instrument d’ajustement indispensable. Mundell (1961) mettait déjà l’accent sur la nature
des chocs subis et sur les notions keynésiennes de rigidité de salaires et des prix. Si la
mobilité des facteurs entre régions est suffisamment restreinte pour que des ajustements de
prix relatifs s’opèrent rapidement, il est probable, selon Mundell, que dans une union
monétaire, l’ajustement ne se réalise qu’au prix d’importants déséquilibres sur les marchés
de la production et de l’emploi. La présente étude analyse l’ajustement par les mécanismes
naturels de marché dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
Depuis sa création, l’environnement économique de l’union monétaire est en effet
caractérisé par des chocs, notamment l’instabilité des termes de l’échange (Asante et
Masson, 2001). Les travaux récents dans l’UEMOA ont montré la diversité des analyses
sur l’optimalité et partant le choix du régime de change. Ces études révèlent en réalité le
caractère asymétrique des chocs macroéconomiques mais à des degrés divers (Coleman,
2004 ; Ogunkola, 2005; Houssa, 2008).
Très peu de travaux se sont intéressés cependant à l’étude de la capacité
d’ajustement aux chocs asymétriques dans l’UEMOA. Certains travaux ont examiné le
partage de risque dans l’UEMOA (Yehoue, 2005 ; Tapsoba, 2009) dans le cadre
analytique initié par Asdrubali, Sørensen et al. (1996). Il reste que d’autres mécanismes
3
d’ajustement par le marché ont néanmoins trouvé peu d’échos dans la littérature en raison
peut-être du manque d’informations y afférentes et souvent difficile à collecter1.
Cette étude évalue l’efficacité relative de deux de ces principaux modes naturel
d’ajustement par le marché dans l’UEMOA. Elle met l’accent sur la mobilité
interrégionale de la main d’œuvre. Elle propose en outre une tentative d’analyse empirique
de la flexibilité des prix ainsi que le rôle des rigidités nominales et réelles des salaires dans
la zone monétaire.
Le reste de l’étude est structuré comme suit. La section suivante expose le rôle
théorique de stabilisation de la mobilité de la main d’œuvre et analyse de manière
descriptive la réalité dans l’UEMOA. La section 3 montre le rôle des rigidités nominales et
réelles des salaires et des prix. La section 4 propose une analyse empirique de la flexibilité
salariale dans l’UEMOA. La dernière section conclut.
2. La mobilité interrégionale de la main d’œuvre : rôle de stabilisation et réalité dans
l’UEMOA
2.1. Un aperçu théorique du rôle de stabilisation de la main d’œuvre
Plusieurs travaux empiriques ont mis en évidence la présence de chocs
asymétriques au sein de l’UEMOA. En générale, dans un cas de figure semblable, la
littérature économique y a souvent trouvé une menace notamment en raison de la situation
relative de déséquilibre occasionnée. En se référant à l’exemple du glissement de la
demande2, deux pays peuvent se trouver confrontés à un double problème d’ajustement :
chômage et déficit de la balance courante pour l’un, excédent extérieur et inflation pour
l’autre. De tels déséquilibres macroéconomiques nécessitent la variation du taux de change
en tant que canal d’ajustement ; la dépréciation de la devise de l’un des pays par rapport à
l’autre étant vue comme un remède.
Cependant, en absence d’une flexibilité du taux de change nominal, il reste
probable que l’un des pays au moins supporte l’essentiel du poids de l’ajustement à travers
1 La non disponibilité des données sur la migration et le chômage limite quelque peu l’examen de ces
mécanismes d’ajustement.
2 Chocs de demande asymétriques entre deux pays. Voir le cas de figure en annexe.
4
les variations de l’emploi et de la production. La mobilité interrégionale de la main
d’œuvre constitue une alternative avancée par la littérature pour résoudre le double
problème de déséquilibre. L’idée développée par Mundell (1961) est la suivante. Les
mouvements de main-d’œuvre des pays connaissant le chômage et le déficit (CD) vers les
pays inflationnistes et excédentaires (IE) peuvent avoir une double implication. La
première est que le flux sortie-entrée réduit la concurrence sur le marché du travail des
pays (CD) et par suite le taux de chômage. Parallèlement, il freine l’expansion des
économies (IE) grâce à un surplus de concurrence sur le marché du travail, c’est-à-dire une
diminution des tensions salariales. La seconde conséquence se traduit par une baisse de la
demande interne des premiers qui entraîne une réduction des importations. Au contraire, la
demande agrégée augmente chez les seconds ; ce qui implique une croissance des
importations3.
2.2. Réalité dans l’UEMOA
En se basant sur le développement précédent, il est utile d’examiner la place
qu’occupe réellement ce mécanisme dans l’UEMOA. A défaut de la disponibilité
suffisante des données chronologiques relatives à l’emploi et aux flux migratoires, la
réponse analytique que l’on peut avancer est liée elle aussi à la question de l’existence ou
non de flux migratoires entre les pays membres de la zone monétaire ouest africaine. S’il
n’y a pas véritablement un déplacement de la main d’œuvre entre les pays, il reste alors à
douter de la portée de ce mécanisme dans l’UEMOA. Mais si l’on admet l’existence de
mouvements d’entrée et sortie entre les pays, il faut bien se demander alors si ce flux obéit
plus à une logique d’ajustement qu’à un simple mouvement migratoire. Il faut bien se
demander aussi si ce flux migratoire si tant est qu’il existe, n’est pas réellement limité par
des obstacles aussi bien à l’entrée qu’à la sortie rendant ainsi difficile l’ajustement.
A travers les arguments théoriques développés dans la littérature économique, cette
section montre que la thèse de mobilité interrégionale de Mundell (1961) en tant que
mécanisme d’ajustement serait très optimiste dans le cas de l’UEMOA. Il semble que le
mécanisme de mobilité est difficilement accepté par des auteurs qui ont analysé ce critère
dans le cadre de l’optimalité de la zone monétaire ouest africaine (Bécart, 1997 ; Eboué,
1998) corroborant ainsi le pessimisme de Ishiyama (1975). Essayons de reprendre les
différents arguments théoriques de la littérature économique et confrontons-les à la réalité
3 Le retour à l’équilibre des comptes courants peut être également favorisé par les transferts de fonds des
migrants à leur famille. C’est le cas de la mobilité du capital.
5
dans l’UEMOA. Ces arguments se résument en deux catégories. Les critiques à l’encontre
de la mobilité du travail comme mécanisme d’ajustement d’une part et les conditions
d’efficacité de la mobilité du travail d’autre part.
Concernant la première catégorie d’arguments, l’existence de politiques
migratoires restrictives constitue l’un des obstacles les plus importants à la mobilité du
travail. Nous en avons un exemple dans l’espace CEDEAO (dont fait partie l’UEMOA) en
matière des passeports. Certes, la CEDEAO a facilité la mobilité de la main-d’œuvre en
supprimant les visas, mais l’établissement des ressortissants d’un pays de la CEDEAO
dans un autre semble toutefois se heurter encore à certaines difficultés administratives
(Masson et Pattillo, 2001). La mobilité du travail est moins libre comparativement au cas
de l’Union européenne au sein de laquelle existe la liberté totale de circulation. Même
lorsque celle-ci est libre, les mouvements internationaux de main-d’œuvre demeurent
relativement limités. En reprenant à notre compte l’inquiétude de Corden, rapportée par
Khoudour-Castéras (2005), nous pouvons trouver impensable l’idée que des béninois ou
des sénégalais ou même des maliens qui sont plus proches, par exemple, puissent se
déplacer en masse vers d’autres pays de la zone alors même que la mobilité intra nationale
est elle-même relativement limitée.
Sachant que les travailleurs de ces pays sont rarement enclins à se déplacer
simplement d’une ville à l’autre de leurs pays respectifs4 où les barrières linguistiques sont
presque inexistences, il serait difficile de concevoir que la mobilité puisse résoudre le
problème d’ajustement ailleurs. Le Nigérien ou le Togolais serait-il disposé à migrer avec
tout ce que cela implique pour eux en termes d’adaptation à un nouvel environnement, à
une nouvelle culture, voire à une nouvelle langue5 ? Ceci peut être beaucoup plus probable
comme par exemple dans le cas des études ou des guerres. Mais dans ce cas, la migration
n’obéirait pas trop à une logique d’ajustement et serait a priori le simple fait d’une
décision subjective ou contrainte.
4 Du nord au sud ou inversement par exemple. Les gens préfèrent rester ou préfèrent chercher du travail plus
dans la capitale où coexistent plus d’infrastructures administratives, commerciales ou autres. Un exemple
patent est l’exode rural. Il existerait (Semedo et Villieu, 1997) un déséquilibre régional d’allocation de
travail, non résorbé par les mouvements migratoires. En réalité, pour ces auteurs, certaines zones urbaines
sont surpeuplées, alors que d’autres régions susceptibles de productions agricoles exploitables manquent de
main d’œuvre.
5 Le facteur du logement a été souligné comme limitant les migrations tant intra régionales qu’interétatiques
(Gros, 1996). Le Sénégal par rapport à ses homologues constitue un exemple réel dans l’UEMOA.
6
Les principaux résultats de la phase 1 de l’enquête 1-2-3 de 2001-2002, portant sur
l’emploi, le chômage et les conditions d’activité dans les principales agglomérations de
sept Etats membres de l’UEMOA nous donnent une réalité concordante. Selon Brilleau,
Roubaud et al. (2004), pour l’ensemble des agglomérations, la migration est
essentiellement un phénomène national (79 % des migrants proviennent de l’intérieur du
pays), avec une majorité d’urbains puisque 74 % d’entre eux étaient citadins avant de
s’installer dans la capitale économique (c’est le cas pour 85 % des migrants nationaux à
Abidjan).
Le degré d’incertitude dans lequel se trouve le candidat à l’émigration constitue un
autre argument à l’encontre de la mobilité du travail comme mécanisme d’ajustement. Le
fait de savoir ce qui se passe une fois que les conditions économiques changent dans le
pays d’accueil constitue un exemple. Tous les travailleurs qui ont émigré doivent-ils
retourner dans leur pays ou décider d’aller dans une région qui montre des signes de
prospérité ? En d’autres termes, l’hypothèse selon laquelle, à chaque retournement de
conjoncture, les travailleurs affectés par les chocs économiques se voient dans l’obligation
de migrer semble peu probable.
A ce propos, Buiter (1995) ajoute que le type de mobilité réversible entre pays qui
pourrait servir de stabilisateur économique temporaire n'existe nulle part dans le monde.
Selon ce dernier, la mobilité ne doit être envisagée comme solution que lorsque le choc est
de longue durée. En effet, en cas de choc temporaire, une mobilité accrue de la main
d’œuvre causerait inévitablement des effets non désirés (Mélitz et Weber, 1996).
C’est ce que semble soulevée la critique de la « théorie du désajustement »
(Jerome, 1926) qui remet en question l’action contra cyclique de la mobilité du travail.
Quand les nouveaux immigrants, attirés par l’expansion de l’activité agricole ou
industrielle, arrivent dans leur pays d’accueil, un retournement de conjoncture peut s’être
produit et ne fait qu’augmenter le chômage. Selon Erkel-Rousse (1997), un accroissement
de l’émigration s’accompagne d’une diminution de la consommation domestique et donc
de la demande de travail dans la région d’émigration. De même, dans le pays d’accueil, les
immigrants contribuent à accroître, d’une part, la demande de biens et de services6 et,
d’autre part, la demande de travail de la part des entreprises soumises à cette demande
6 Nous avons toujours l’exemple de logement au Sénégal où le loyer demeure chaque année une question
plus préoccupante.
7
supplémentaire. La conclusion est immédiate : Les migrations internationales, loin de
résoudre les problèmes d’ajustement, risquent d’avoir des effets pro cycliques.
Certes, les conditions d’efficacité de la mobilité du travail opposent à cette critique
la proximité géographique, l’existence de canaux d’information efficaces7, les progrès en
matière de transport, ainsi que la réduction des coûts qui leur sont associés. Ces facteurs
contribuent à favoriser la mobilité du travail et à diminuer d’autant les éventuels effets pro
cycliques des migrations internationales.
Lorsque l’on confronte les conditions d’efficacité à la réalité ouest africaine, la
proximité géographique ne semble pas constituer un déterminant important de la réussite
de l’ajustement. La trop grande distance par exemple entre le Bénin et le Sénégal, risque
en effet d’accroître les délais entre le début du retournement des cycles et l’arrivée des
migrants sur les marchés du travail étrangers. Ce facteur peut être applicable pour des pays
limitrophes. Mais ces derniers peuvent connaître les mêmes difficultés8 limitant ainsi la
mobilité ou bien son rôle en tant que mécanisme d’ajustement. Il en est de même de
l’existence de canaux d’information. Ces dernières, bien qu’efficaces rendent compte plus
des difficultés existantes9. Ceci dit, ces facteurs sont beaucoup plus applicables pour les
pays développés comme ceux de l’union européenne. En conclusion, compte tenu des
arguments développés ci-dessus, la mobilité interrégionale même si elle existe, reste un
mécanisme limité en matière d’ajustement dans les pays de l’UEMOA. Peut-on en dire
autant des prix relatifs ? Sont-ils plus flexibles pour avoir une portée plus significative
dans l’UEMOA en cette matière ?
3. La flexibilité des salaires et des prix : considérations théoriques
La mesure de la portée du mécanisme d’ajustement par le marché du travail fait
état de notions de rigidités nominales et réelles des salaires. La littérature économique
relie la flexibilité des salaires à la rigidité du marché du travail. Il est une habitude de
mesurer la rigidité du marché du travail par la sensibilité des salaires aux tensions sur ce
marché. Boeri et al. (1998) et Blanchflower (2001), par exemple, présentent la flexibilité
7 Le fait d’avoir des membres de la famille ou des amis à l’étranger favorise la mobilité internationale,
puisque ceux-ci peuvent rendre compte de la situation sur place et informer les candidats potentiels.
8 Comme il en est d’ailleurs le cas dans l’UEMOA.
9 En réalité, la préférence va à l’endroit de la mobilité extra ouest africaine comme en témoigne l’ampleur
actuelle de l’immigration clandestine en Afrique subsaharienne.
8
du salaire comme un déterminant clé de la flexibilité du marché du travail. Toutefois, au-
delà de cette conviction, la flexibilité salariale semble être une notion très large et très
ambiguë et dont la mesure n’est pas unique (Klau et Mittelstadt, 1985 ; Meulders et
Wilkin, 1991). Entendue ici comme la capacité ou l’adaptation aux fluctuations cycliques
et aux chocs extérieurs, la flexibilité ou la rigidité salariale peut revêtir aussi bien une
dimension temporelle, réelle, nominale, microéconomique que macroéconomique.
Etant donné que ses différents aspects reflètent les tensions sur le marché du
travail, il reste que la flexibilité salariale dépend en général des mécanismes de formation
des salaires et des prix. La détermination des paramètres de rigidité à travers la formation
des salaires et des prix repose sur les indicateurs qui reflètent le mieux les tensions qui
peuvent exister sur le marché du travail. De ce fait, deux approches théoriques se
distinguent. La première, d’inspiration macroéconomique, traduit la traditionnelle courbe
de Phillips10
ou sa version dite « augmentée » établie sur la base d’une anticipation en ce
qui concerne l’évolution des prix. Suivant des considérations institutionnelles et autres
caractéristiques structurelles, la courbe de Phillips peut également intégrer d’autres
variables, notamment les gains de productivité11
, les variations de la durée du travail, les
hausses du salaire minimum ou la fiscalité (Sterdyniak, Le Bihan et al., 1997). Quel que
soit la spécification de la courbe de Phillips, il semble que l’hypothèse selon laquelle les
salariés poursuivent un objectif en taux de croissance nominal et non en niveau pour le
salaire réel est peu rationnel. Une autre critique de la courbe de Phillips cible les
fondements microéconomiques qui ne semblent pas ou peu explicités.
La seconde approche, à travers les nouvelles théories du chômage d’équilibre,
s’appuie sur des comportements d’optimisation complètement spécifiés des travailleurs et
des entreprises, avec un fonctionnement non concurrentiel des marchés du travail et des
biens. Elles aboutissent au modèle structurel de type WS/PS ; c’est-à-dire à des équations
de prix « Price Setting » et de salaire « Wage Setting » en niveau à long terme. En matière
de référence, les études citent le plus souvent les travaux originaux de Layard, Nickell et
al. (1991). Artus et Muet (1995), Cahuc et Zylberberg (1999) en proposent une synthèse.
10
Traduisant la relation négative entre le niveau du chômage et le taux de croissance du salaire nominal.
11 Ou toute autre variable représentant de façon explicite le partage de la valeur ajoutée entre salariés et
entreprises si celui-ci est pris en compte dans les négociations salariales.
9
L’objet de la controverse entre les deux approches réside avant tout dans
l’explication et la détermination du chômage d’équilibre. La principale différence avec
une relation entre le niveau des salaires et le niveau du chômage (modèle WS) concerne le
chômage de moyen terme. A court terme, les deux formulations peuvent rendre compte
d’un chômage de déséquilibre (de nature keynésienne ou classique). À moyen terme, ce
type de chômage disparaît avec la formulation en niveau, alors qu’elle peut persister avec
la formulation en taux de croissance (Cadiou, Genet et al., 2002). Dans ce dernier cas, les
salaires dépendent en effet de l’histoire économique du pays considéré.
Mais au-delà de l’objectif de détermination d’un chômage d’équilibre, cette
controverse permet néanmoins d’expliquer les rigidités salariales implicites. En référence
à la courbe de Phillips, le degré de rigidité des salaires par rapport aux évolutions
cycliques présente deux volets (Barbone et Poret, 1989). Le premier est la rapidité avec
laquelle les variations de prix se répercutent dans l'évolution des salaires. Le second est la
sensibilité des salaires au chômage (ou tensions sur le marché du travail). L'évolution à
court terme des prix et de la production est affectée par la longueur des délais d'indexation,
lesquels reflètent le degré d’illusion monétaire et les termes des contrats de travail
implicites ou explicites.
Aussi, si les anticipations inflationnistes sont supposées n'être entachées d'aucun
biais systématique et correspondre à la longue à l'évolution effective des prix, la rigidité à
long terme des salaires est fonction uniquement du second élément. L'évolution à court
terme des prix et de la production est affectée par la longueur des délais d'indexation
(Barbone et Poret, 1989). La conclusion est toute simple : à court terme, coexistent des
rigidités nominales et réelles. Mais à long terme, la rigidité nominale est absente du fait de
la parfaite flexibilité des prix. Ainsi la courbe de Phillips, qui reflète assez le court terme,
introduit à la fois les rigidités réelles et nominales alors que les modèles WS/PS, de long
terme, privilégient les rigidités réelles. Sous cet aspect, il semble donc que la différence
entre les deux approches soit d’ordre temporel.
En général, l’ajustement aux chocs économiques n’est pas tout à fait instantané
quel que soit le type de rigidité existant sur le marché du travail. Cependant, la conclusion
la plus importante (Blanchard, 2006) est que les rigidités réelles limitent la vitesse
d’ajustement du salaire aux tensions sur le marché du travail. Les rigidités nominales
10
ralentissent et peuvent même arrêter l’ajustement12
; d’où leur importance théorique. Dans
la section suivante, nous essayons de montrer l’étendue de l’ajustement par les prix relatifs
dans l’UEMOA à travers ces rigidités.
4. Ajustement et rigidité dans l’UEMOA : Une tentative d’évaluation empirique de la
flexibilité salariale
Dans la littérature économique, plusieurs auteurs ont examiné la flexibilité des
salaires. Les estimations peuvent différer d’une forme d’équation de salaire à une autre, ou
bien d’une méthodologie à une autre. En général, les études utilisent la courbe de Phillips
(Sinclair et Horsewood, 1997) ou sa version augmentée (Mc Morrow, 1996) ou bien une
équation de salaire du type WS (Roeger et In’t Veld, 1997). Le consensus quant à la forme
exacte à utiliser n’étant pas établi, une combinaison des deux types d’équation sous forme
de modèle à correction d’erreur est souvent exploitée (Mazier et Saglio, 2003).
4.1. La démarche d’estimation adoptée
La difficulté d’étudier empiriquement les rigidités salariales dans l’UEMOA ne
relève pas a priori des types de spécification de salaire, ni des méthodes d’estimation. Il
faut avouer que l’inexistence de séries temporelles macroéconomiques sur le chômage ou
l’emploi décourage toute initiative allant dans ce sens. Des estimations empiriques
d’équations de salaire à l’aide de données microéconomiques sur le chômage ou l’emploi
sont possibles et moins malaisées. Mais ceci ne concerne que certaines entreprises et ne
saurait être généralisé sur le plan macroéconomique13
. Cependant, il est possible de tenir
compte de cette limite et donner une estimation empirique de la rigidité nominale dans
l’UEMOA à l’aide d’une équation de salaire « incomplète ».
En effet, on se rappelle qu’une mesure de la rigidité réelle du marché du travail
correspond à la sensibilité des salaires aux tensions sur ce marché ; tensions caractérisées
entre autres par le taux de chômage ou d’emploi. Les rigidités nominales, quant à elles,
correspondent approximativement à l’ajustement du salaire nominal aux prix. De ce fait,
en spécifiant une équation de salaire sans la variable chômage ou emploi mais avec la
12
Le salaire réel peut s’ajuster à travers des changements dans le niveau des prix ou à travers des
changements du salaire nominal.
13 Voir à ce sujet Hoddinott (1996), dans le cas du marché de travail urbain de la Côte d’Ivoire.
11
variable prix à la consommation, l’estimation négligerait les rigidités réelles et accorderait
plus de poids aux rigidités nominales, lesquelles d’ailleurs, tel que souligné (supra) sont
non négligeables.
Cependant, pour atténuer l’absence du taux de chômage ou d’emploi dans
l’estimation, nous introduisons la variable « taux de participation », laquelle est
disponible. Certaines études qui ont inclus indifféremment dans leurs estimations le taux
de chômage ou d’emploi ne trouvent pas de résultats divergents. C’est le cas de Cadiou,
Guichard et al. (1999) pour les pays européens. Les mesures de la rigidité salariale relative
entre les pays étudiés ne sont guère modifiées. Les deux variables n’ont par ailleurs aucun
impact significatif pour certains pays14
.
Aussi, bien que l’ensemble des études sur le sujet retient le taux de chômage
comme indicateur de tensions sur le marché du travail, nous approximons cet indicateur
dans l’UEMOA par le taux de participation15
. Cette dernière variable, par définition,
contient en effet des informations relatives au taux de chômage et d’emploi ; lesquels ne
sont pas disponibles16
. Finalement, puisque le taux de participation est notre variable
proxy des tensions sur le marché du travail dans l’UEMOA, nous pouvons dire, par
précaution, que l’estimation accorde plus de poids aux rigidités nominales qu’aux rigidités
réelles dans le cas où nous voulons bien tenir compte aussi de ces dernières.
Suivant la littérature sur la formation des salaires, nous retenons trois types de
spécification. Les deux premières équations sont estimées sous la forme d’un modèle à
correction d’erreur qui permet de prendre en compte à la fois la dynamique de court terme
et la cible de long terme. Ces deux équations se distinguent cependant, par l’hypothèse
suivant laquelle l’ajustement des salaires nominaux (W) sur les prix (IPC) est complet à
long terme ou non. Conformément à cette hypothèse, la première équation se définit
comme suit :
14
Il semble que le chômage est un indicateur imparfait qui sous-estime le sous-emploi. Le taux d’emploi
possède le défaut inverse.
15 L'analyse de Broersma et Van Dijk Som (2001) sur les régions Hollandaises montre que le marché du
travail s'ajuste aux chocs de demande de travail principalement à travers des variations dans les taux de
participation.
16 En plus de sa disponibilité, le taux de participation possède l’avantage de tenir plus compte des erreurs qui
peuvent provenir des mesures de chômage ou d’emploi, erreurs dues par exemple à l’informel ; une
caractéristique des pays de l’UEMOA.
12
(4.1)
143
210
)/(log)/(log
)/(log)/(log
PRaPAPIBIPCWa
PRaPAPIBaaIPCW.
D’une certaine manière, nous estimons une équation de salaire réel à l’image de
celle de Dupuch, Mazier et al. (2002), reflétant la position des partisans des modèles WS.
En levant l’hypothèse d’ajustement complet des salaires nominaux sur les prix à long
terme, mais en la testant cette fois-ci, nous estimons une équation de salaire réel, tout en
acceptant une forme d’ajustement dynamique des salaires nominaux aux prix à court
terme, à l’image de celle de Cadiou, Guichard et al. (1999) et de Mazier, Oudinet et al.
(2002) ; soit :
(4.2)
17654
3210
)/(log)(log)(log
)/(log)(log)(log
PRbPAPIBbIPCbWb
PRbPAPIBbIPCbbW.
Cette dernière équation semble une conciliation entre le modèle WS et la courbe de
Phillips. Cette dernière représente la troisième spécification ci-dessous.
(4.3) PRcPAPIBcIPCcIPCccW 431210 )/(log)(log)(log)(log .
4.2. Description des variables et méthode d’estimation
L’indice des prix à la consommation (IPC) représente le niveau des prix. PIB est le
produit intérieur brut en termes réel. Il est à souligner que les salaires nominaux (W)
disponibles sont ceux du gouvernement central. La variable (PIB/PA) représente la
productivité du travail calculée en référence à la population active en lieu et place de
l’emploi généralement utilisé dans les études sus citées.
Le taux de participation (PR) est définit comme étant le rapport entre la force de
travail ou population active (PA) et la population adulte (de 15 à 64 ans). Cependant, en
utilisant les données disponibles de la Banque Mondiale sur ces deux dernières
statistiques, le calcul du taux de participation révèle des résultats surprenants, c’est-à-dire
13
d’un ordre supérieur à 100 % pour certains pays. Aussi, nous choisissons de calculer le
taux de participation par référence à la population totale. L’argument le plus motivant
reste néanmoins celui de prendre en compte la spécificité des pays de l’UEMOA,
notamment en ce qui concerne l’informel. En effet, dans ces pays, il n’est pas rare de
trouver des personnes âgées de moins de 15 ans et plus de 66 ans qui travaillent encore et
qui sont également dans l’informel. Selon l’enquête sur l’emploi dans les capitales des
pays de l’UEMOA (Brilleau, Roubaud et al., 2004), l’entrée précoce des enfants sur le
marché du travail reste un phénomène préoccupant : 13 % des enfants de 10 à 14 ans sont
actifs. Et 76,2 % des actifs occupés sont employés dans le secteur informel.
Pour chaque équation donnée, les estimations sont effectuées en système incluant
le panel de sept pays de l’UEMOA17
. Ce choix résulte du fait que cette technique permet
de tester simultanément les différences structurelles ouest africaines existantes, à l’image
de Guichard et Laffargue (2001) et Mazier, Oudinet et al. (2002) pour le cas européen.
Ainsi, la spécification de chaque équation est générale et commune à tous les pays mais
les valeurs des coefficients peuvent être différentes à l’issue des tests de nullité, d’identité
ou de différence de certains paramètres entre pays.
La stratégie de tests consiste à partir d’un modèle général et aboutir à un modèle
particulier où certains paramètres sont identiques entre les pays. Dans le modèle général,
tous les paramètres prennent des valeurs différentes par pays. Nous testons ensuite par un
test de Wald, pour chaque paramètre, l’égalité de sa valeur pour les deux pays situés le
plus près de la valeur moyenne et ainsi de suite (Voir Turner et Seghezza, 1999). Par
exemple, dans le cas où le test ne rejette pas l’hypothèse d’égalité des deux coefficients,
on contraint les modèles des deux pays à prendre la même valeur pour ce paramètre et on
estime à nouveau l’équation en système et ainsi de suite jusqu’à ce que le test rejette
l’hypothèse d’égalité de ce paramètre pour le dernier pays. Finalement, dans le modèle
particulier retenu pour chaque pays, nous testons par le test de Wald l’égalité unitaire des
cœfficients de court terme relatif aux prix (b1 et c1)18
dans les deux derniers modèles, et du
même coefficient de long terme dans le second modèle (4.2)19
.
17
La Guinée Bissau est exclue du fait de la non disponibilité des données sur la période d’étude.
18 Une certaine manière de tester les rigidités nominales, conformément à l’équation (3.3) du modèle
macroéconomique présenté ci-dessus.
19 Une certaine manière de vérifier l’indexation unitaire des salaires sur les prix à long terme telle que nous
l’avions supposée dans la première équation (4.1).
14
Plusieurs méthodes d’estimation d’équations en système existent. Cependant, nous
choisissons la méthode d’estimation SUR20
qui tient compte de l’hétéroscédasticité et de la
corrélation contemporaine des résidus entre les équations. La méthode SUR prend
usuellement en compte la corrélation individuelle à une période donnée, tout en supposant
nulle la corrélation entre deux aléas dès que les périodes sont différentes. Les estimations
sont également effectuées à l’aide de la méthode des moindres carrés ordinaires mais les
estimations SUR donnent des résultats beaucoup plus probants. Suivant la disponibilité
des données, les estimations sont effectuées sur la période 1981 à 2003. Les observations
annuelles des agrégats macroéconomiques entrant dans l’analyse sont issues de la base de
données «World Development Indicators » de la Banque Mondiale.
4.3. Présentation des résultats
Les résultats des estimations sont résumés dans les Tableaux 4.1, 4.2 et 4.3. Les
résultats du tableau 4.1 indiquent que les équations estimées sont globalement
significatives à l’exception de celles du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali et du
Sénégal. En effet, pour ces pays, le R² n’atteint pas 50 %. Cependant, les coefficients
d’ajustement de long terme sont tous significatifs et admettent le signe négatif. A ce
niveau, le test d’identité des coefficients révèle deux groupes de pays ayant le même
coefficient d’ajustement.
Tableau 4.1 : Résultats des estimations de l’équation de salaire réel sur la période
1981-2003
143
210
)/(log)/(log
)/(log)/(log
PRaPAPIBIPCWa
PRaPAPIBaaIPCW (Equation 4.1)
Pays a0 a1 a2 a3 a4 R²
Bénin -3,02
ns
2,53
1,62**
-0,003
ns
-0,28
-4,49
0,40
1,77* 0,70
Burkina Faso 3,33
3,79
-0,30
ns
0,22
ns
-0,28
-4,49
-0,06
-1,75* 0,12
Côte d’Ivoire 2,73
3,05
-13,45
ns
0,79
ns
-0,28
-4,49
0,06
-1,75* 0,23
Mali 3,23
3,76
0,81
2,49
-0,19
ns
-0,28
-4,49
0,06
-1,75* 0,30
Niger 22,02
5,17
-1,17
-2,60
6,51
4,51
-0,77
-6,73
-0,42
-8,00 0,71
Sénégal 3,17
3,96
-0,59
-2,29
-0,11
ns
-0,28
-4,49
-0,06
-1,75* 0,28
20
Seemingly Unrelated Regression.
15
Togo 10,56
3,28
-0,09
ns
-0,39
-2,51
-0,28
-4,49
-0,70
-3,44 0,51
Note : ns : non significatif ; * significatif au seuil de 10 % ; ** significatif au seuil de 15 %. Les valeurs en
italiques correspondent au t de Student.
En réalité, seul le Niger indique un coefficient d’ajustement différent du reste de
l’union. Le coefficient représentant la tension sur le marché du travail est significatif à
long terme pour tous les pays au moins à un seuil de 10 %. Ce même coefficient à court
terme reste seulement significatif pour le Niger et le Togo.
Contrairement aux résultats du tableau précédent, le nombre de pays dont les
équations ne sont pas globalement significatives est réduit dans le tableau 4.2. En effet, les
résultats de ce tableau montrent que les estimations du mali deviennent globalement
significatives avec une spécification de salaire nominal. Tous les termes d’ajustement sont
significatifs et admettent le signe négatif. Le test d’identité effectué à ce niveau révèle cinq
groupes de pays. D’une part, nous avons le groupe formé par le Benin, la Côte d’Ivoire et
le Sénégal, de par l’identité de ce coefficient et d’autre part le groupe formé
individuellement par les autres pays membres dont les coefficients différent entre eux.
Tableau 4.2 : Résultats des estimations de l’équation de salaire nominal sur la
période 1981-2003
17654
3210
)/(log)(log)(log
)/(log)(log)(log
PRbPAPIBbIPCbWb
PRbPAPIBbIPCbbW(Equation 4.2)
Pays b0 b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 R²
Bénin -3,89
-2,68
0,57
9,08
3,80
4,84
-0,48
-3,59
-0,40
-6,11
Contraint
à 1
Contraint
à 1
0,38
4,60 0,96
Burkina Faso 2,59
2,41
0,16
ns
-0,22
ns
0,23
ns
-0,25
-2,43
Contraint
à 1
Contraint
à 1
-0,03
ns 0,27
Côte d’Ivoire 237,92
2,58
1
0,63#
-
18,57
ns
-5,93
-
1,48**
-0,40
-6,11
Contraint
à 1
-39,17
-2,64
-0,60
-6,85 0,35
Mali -5,88
Ns
0,62
4,45
2,43
4,88
-0,86
-4,11
-1,75
-4,37
0,35
4,49
2,22
17,77
-
0,006
ns
0,84
Niger 33,87
3,18
1
0,38#
-0,46
ns
4,74
1,87*
-0,84
-3,59
0,24
ns
Contraint
à 1
-0,60
-6,85 0,73
Sénégal 3,14
2,03
0,49
3,34
-0,46
-
1,79*
-0,23
ns
-0,40
-6,11
Contraint
à 1
Contraint
à 1
0,009
ns 0,20
Togo 15,51 1 -0,28 -0,37 -0,46 Contraint Contraint -0,60 0,65
16
2,76 0,44# ns -2,05 -2,78 à 1 à 1 -6,85
Note : ns : non significatif ; * significatif au seuil de 10 % ; ** significatif au seuil de 15 %. Les valeurs en italiques
correspondent au t de Student. # indique la probabilité du chi2 associée au test de restriction unitaire de Wald.
Le coefficient de la variable indiquant les tensions sur le marché du travail (b7)
n’est pas significatif au Sénégal et au Burkina Faso, aussi bien à court qu’à long terme. Ce
coefficient n’est pas significatif à long terme au Mali. Le test de restriction de Wald sur le
coefficient des prix à long terme rejette l’hypothèse d’unicité pour le Mali. Le coefficient
du Niger n’est pas significatif. A court terme, cette même hypothèse est rejetée pour le
Bénin, le Mali et le Sénégal. Le coefficient de court terme relatif aux prix n’est pas
significatif.
Les résultats des estimations de l’équation 4.3 sont décevants. Le tableau 4.3
montre qu’en dehors du Bénin, aucun autre pays n’admet une estimation globalement
satisfaisante. Seul le Togo se rapproche un peu du seuil de 50 % comme en témoigne le
R². La variable indiquant la tension sur le marché du travail (c4) n’est d’ailleurs significatif
que pour ces deux pays. Le coefficient de court terme de l’indice des prix (c1) n’est pas
significatif au Mali et au Niger. En dehors du Bénin, ce coefficient reste unitaire pour les
autres pays à l’issue du test de Wald.
Tableau 4.3 : Résultats des estimations de l’équation de Phillips sur la période 1981-
2003
PRcPAPIBcIPCcIPCccW 431210 )/(log)(log)(log)(log (Equation
4.3)
Pays c0 c1 c2 c3 c4 R²
Bénin -0,08
-2,65
0,77
12,44
0,23
Contraint
3,53
2,47
0,40
2,81 0,79
Burkina Faso -0,01
ns
1
0,085#
so
-0,12
ns
-0,27
ns 0,008
Côte d’Ivoire -0,53
Ns
1
0,70#
so
-39,55
-1,96*
-0,27
ns 0,11
Mali 0,01
ns
0,11
ns
0,14
ns
-0,12
ns
-0,27
ns 0,017
Niger 0,02
Ns
0,21
ns
-0,25
ns
--0,12
ns
-0,27
ns 0,021
Sénégal 0,01
ns
1
0,10#
so -0,12
ns
-0,27
ns 0,20
Togo -0,003 1 so -0,12 -0,52 0,42
17
ns 0,29# ns -2,78
Note : so : sans objet ; ns : non significatif ; * significatif au seuil de 10 % ; ** significatif au seuil de 15 %. Les
valeurs en italiques correspondent au t de Student. # indique la probabilité du chi2 associée au test de restriction
unitaire de Wald.
4.4. Les paramètres d’ajustement
Le paragraphe précédent a montré que les deux premières équations donnent des
résultats beaucoup plus intéressants que l’équation de Phillips, en termes de significativité
des paramètres et des coefficients de détermination. Pour cette raison, nous choisissons
d’analyser les rigidités salariales dans l’UEMOA à partir des résultats issus de ces deux
équations. Une synthèse des ajustements salariaux peut être faite à partir de trois
paramètres représentatifs issus des équations (tableau 4.4).
Tableau 4.4 : Paramètres représentatifs de l’ajustement salarial
Le premier paramètre est le délai moyen d’ajustement du salaire réel à l’équilibre
de long terme, obtenu à partir de la force de rappel de la première équation (4.1). Plus, ce
terme est élevé et moins le salaire réel tarde à rejoindre son niveau d’équilibre de long
terme. Le deuxième paramètre qui peut caractériser la rigidité nominale, est la sensibilité à
court terme du salaire nominal aux prix à la consommation dans l’équation (4.2)21
. Enfin
le troisième paramètre est la sensibilité à moyen terme du salaire réel aux tensions sur le
21
Suivant les tests de restriction, l’indexation du salaire sur les prix est unitaire à long terme sauf au Mali et
au Niger.
Pays Vitesse d’ajustement
du salaire réel
sensibilité du salaire
nominal aux prix
sensibilité du salaire
réel aux tensions
Bénin -0.28 0.57 0.4
Burkina Faso -0.28 0.16 -0.06
Côte d’Ivoire -0.28 1 -0.06
Mali -0.28 0.62 -0.06
Niger -0.77 1 -0.42
Sénégal -0.28 0.49 -0.06
Togo -0.28 1 -0.7
Source : Données issus des tableaux 4.1, 4.2.
18
marché du travail ; tensions approximées par le taux de participation dans l’équation (4.1).
Ce paramètre peut traduire également la rigidité réelle22
. Le tableau 4.4 présente une
synthèse de ces paramètres.
Les pays de l’UEMOA présentent en général une certaine homogénéité quant au
délai d’ajustement du salaire réel à l’équilibre de long terme. A l’exception du Niger dont
la force de rappel à l’équilibre est élevée (-0,77), le reste de l’UEMOA admet un terme de
rappel équivalent à -0,28. Ceci étant, pour ces derniers, si 28 % de l’écart entre le salaire
réel et son niveau d’équilibre est résorbé chaque année, il faudrait au minimum trois ans et
demi pour que cet écart se réduise complètement. Au Niger, l’ajustement est observé après
une année.
On note une absence de rigidité nominale en Côte d’Ivoire, au Niger et au Togo. La
sensibilité du salaire nominal aux prix est en effet égale à un dans ces pays. Le degré de
rigidité nominale varie suivant les autres pays. Le Burkina Faso et le Mali sont caractérisés
respectivement par une plus faible (0,16) et plus forte (0,62) rigidité nominale. Le Bénin et
le Sénégal constituent des cas intermédiaires (0,57 et 0,49 respectivement). La
configuration des pays change lorsqu’on s’intéresse aux rigidités réelles. La sensibilité à
moyen terme du salaire réel aux tensions sur le marché du travail est uniforme et très
moins marquée au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Sénégal. Les autres pays
de l’UEMOA montrent relativement une plus faible rigidité réelle des salaires, le Togo
plus que le Bénin et le Niger.
Lorsqu’on considère simultanément les trois paramètres du tableau 4.4, on peut
conclure que l’efficacité des ajustements par le salaire est réduite dans l’UEMOA du fait
de la relative existence de rigidités nominale et réelle. Dans certains pays, cette portée
limitée de l’ajustement salarial serait plus le fait des rigidités réelles que nominales. Dans
d’autres pays par contre, les deux rigidités expliquent bien la relative portée de
l’ajustement. Cependant, compte tenu des limites inhérentes aux données utilisées, cette
conclusion doit être relativisée23
.
22
Cependant, lorsqu’on utilise la deuxième équation, l’indicateur de rigidité est le rapport entre le deuxième
et le troisième paramètre de court terme, selon la définition de Grubb et al. (1983) et Coe (1985).
23 Nous n’ignorons pas en effet le risque encouru, en estimant une équation macroéconomique de salaire
dans des pays où les données sur le taux de chômage ne sont pas disponibles.
19
Somme toute, l’insensibilité des salaires nominaux aux chocs conjugués à la
lenteur d’ajustement des prix traduit bien ici aussi l’existence de rigidité nominale dans les
pays membres de l’UEMOA. Semedo et Villieu (1997) en donnent une illustration lors de
l’écroulement du prix du café de 1984 à 1987. Par exemple, les producteurs du Bénin ont
reçu jusqu’à deux ou trois fois le prix mondial, par le jeu de l’inertie à la baisse des
revenus nominaux associée au régime de changes fixes. Par ailleurs, les salaires urbains,
dont l’inertie a provoqué une perte de compétitivité, ont entraîné des plans de réductions
des salaires de 40 % en Côte d’Ivoire. Ces plans se sont heurtés en 1990 à une forte
résistance sociale.
Les résultats rapportés par Brilleau, Roubaud et al. (2004) sur les caractéristiques
et la durée du chômage dans les capitales des pays de l’UEMOA laissent aussi envisager
une certaine flexibilité limitée du marché du travail. En effet, la durée du chômage est
longue, puisqu’elle atteint en moyenne près de trois ans et demi (41 mois). En réalité, 67,4
% des chômeurs sont au chômage depuis plus d'un an. Le chômage de longue durée
prédomine dans les sept agglomérations. Si à Cotonou et à Lomé, plus d’un chômeur sur
deux est dans l’attente d’un emploi depuis plus d’un an, la situation est plus dramatique
encore pour leurs homologues nigériens.
5. Conclusion
La présente étude a tenté de monter dans quelle mesure les mécanismes de marché
sont de nature à atténuer les chocs macroéconomique dans l’union monétaire ouest
africaine (UEMOA). Les résultats montrent ont montré qu’ils ne sont pas d’une portée
considérable pour atténuer les fluctuations économiques. En réalité, la mobilité de la main
d’œuvre, en dehors des barrières à l’entrée, même si elle existe, n’obéit pas pleinement à
une logique d’ajustement. Nous avons aussi montré que l’efficacité limitée de l’ajustement
par le marché du travail est davantage le fait des rigidités réelles que nominales dans
certains pays. Dans d’autres pays par contre, les deux types de rigidités coexistent. En
majorité, 28 % de l’écart entre le salaire réel et son niveau d’équilibre est résorbée chaque
année. Bien que la vitesse d’ajustement du salaire réel soit presque homogène dans
l’UEMOA, il faut un délai minimum de trois ans et demi pour que cet écart se réduise
complètement.
20
La non disponibilité des données complète sur la migration et le chômage limite
quelque peu l’examen de ces mécanismes d’ajustement par le marché. Le secteur informel
constitue une des caractéristiques des pays membres de l’UEMOA. L’examen d’autres
mécanismes d’ajustement par le marché mériterait d’être approfondi plus encore en
relation avec des données provenant de ce secteur qui n’est pas négligeable. Par ailleurs,
l’introduction dans un modèle macroéconomique multi pays des paramètres de rigidité
réelle et nominale que nous avons estimés, permettrait à l’aide de simulations appropriées,
d’analyser plus en détail la contribution du marché du travail et de la production à
l’ajustement aux chocs asymétriques. Néanmoins, nos résultats permettent déjà de porter
aussi le regard plus sur l’ajustement hors marché. Les résultats de Houssa (2008) et
Dedehouanou (2009) montrent bien la nécessite de s’y intéresser.
21
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22
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23
Annexe
La définition d’un choc asymétrique est assimilée le plus souvent à un choc
provenant de la demande ou de l’offre, qui affecte de manière différente deux ou plusieurs
régions. L’exemple de deux pays produisant chacun un bien est plus illustratif (voir
Figure).
Figure : Exemple de chocs de demande asymétriques
Déplacement de la demande (D) dû à un changement de préférence des biens
produits dans A au profit des biens produits dans B (choc asymétrique). La
baisse de la demande dans A se traduit par une compression de la quantité (Q)
et des prix (P) et par une hausse du chômage. L’effet produit est inverse dans
B.