mémo pour l'histoire des arts
TRANSCRIPT
Mémo pour l'Histoire des Arts
AC
Le point de vue historique sur septoeuvres au programme.
LA LIBERTĖ GUIDANT LE PEUPLE
D'Eugène Delacroix (1831)
Le contexte historique du sujet.Depuis l'exil de Napoléon 1er en 1815, la monarchie est rétablie en France. On parle de
Restauration. Le régime est une monarchie constitutionnelle qui s'appuie sur une charte
accordée par Louis XVIII aux Français. Charles X a succédé à son frère en 1824 mais il remet
en cause les acquis de la Révolution et souhaite un rétablissement de la monarchie absolue.
Après une longue période d’agitation ministérielle puis parlementaire, et alors que les idées
libérales progressent en France, le roi Charles X tente un coup de force constitutionnel par ses
ordonnances de Saint-Cloud du 25 juillet 1830 tendant à supprimer la liberté de la presse et à
modifier la loi électorale. Le peuple parisien se soulève à travers une révolution plutôt marquée
par des convictions républicaines et dresse des barricades dans les rues où il affronte les
forces armées commandées par le maréchal Marmont. C’est la révolution. En trois jours appelés
“ Trois Glorieuses ” – les 27, 28 et 29 juillet –, Charles X est renversé, abdique et doit fuir
Paris. Les députés libéraux qui demeurent attachés à la monarchie récupèrent la révolution
populaire et au terme d'une certaine hésitation face au vide du pouvoir, conservent une
monarchie constitutionnelle. Toutefois, la dynastie des Bourbon s'efface face à une branche
cadette celle des Orléans. Louis-Philippe Ier est proclamé « roi des Français ».
Le point de vue historique.
Musée du Louvre, Paris.
A propos de l'oeuvre.Eugène Delacroix (1798-1863) est un peintre du courant romantique qui a remis en cause
le modèle néo-classique. Le tableau La liberté guidant le peuple a été réalisé en 1831.
Le personnage central est une allégorie de la liberté. Elle est aujourd’hui faussement assimilée à
Marianne. Cette fusion entre allégorie et réalité en fait un tableau romantique et s'inscrit donc
dans le grand courant artistique du moment, le romantisme.
Delacroix voulait peindre un tableau qui mélangeait à la fois le peuple en tant que héros tout en
associant une figure allégorique jouant le rôle de guide. Le tableau acheté par le roi Louis-
Philippe, a été accueilli avec de nombreuses critiques négatives car il bouleversait les codes de
la peinture de l’époque et ne correspondait pas à la vision de l’histoire de France selon Louis-
Philippe: pour lui, le peuple devait toujours être mené par une figure providentielle souvent
royale. L'oeuvre a alors été cachée pendant 25 ans.
Ce tableau demeure ambigu puisqu’il fait à la fois l’éloge de la révolution et du peuple en marche
tout en montrant des détails qui ne sont pas très honorables pour la démocratie qui se bat.
Il est donc une vision sans complaisance de ce régime. Mais c’est une peinture démocratique qui
fait que le spectateur s’interroge sur sa place dans la démocratie à la fois en tant qu’acteur et
que spectateur.
LA GUERRE (Der Krieg)
d'Otto Dix (1929-1932)
Le contexte historique du sujet.La Première Guerre mondiale éclate en août 1914 après l'assassinat de l'archiduc d'Autriche-
Hongrie le 28 juin. Le jeu des alliances applique alors de manière implacable un engrenage que
personne ne parvient à stopper. Après une première phase appelée "guerre de mouvement", qui dure
d'août à décembre 1914 durant laquelle les états-majors lancent des offensives très meurtrières,
aucun camp ne parvient à faire la différence. Les différents fronts se stabilisent et les armées
s'enterrent dans un vaste réseau de tranchées complexes de plusieurs centaines de kilomètres. La
guerre de position commence. Toutes les tentatives pour percer les lignes ennemies échouent, elles
se soldent souvent par des centaines de milliers de morts de part et d'autre sans que le front n'ait
bougé. Paradoxalement, les moyens et les armes utilisés se modernisent terriblement et provoquent
des violences de masse sans précédent dans l'histoire de la guerre. Les corps sont déchiquetés,
pulvérisés par l'artillerie, les gaz, la mitraille. Les batailles de Verdun ou encore de la Somme en
1916 en témoignent. Parallèlement, les Poilus vivent dans des conditions d'hygiène et de
ravitaillement déplorables et de promiscuité totale avec les poux, les rats, la boue et les cadavres.
Cette situation les conduit d'ailleurs à se mutiner en 1917.
Malgré la sortie de la Russie du conflit, les Alliés finissent par remporter la guerre grâce à l'arrivée
des Etats-Unis en 1917, à de nouvelles armes (chars, aviation) et à un commandement unique (Foch).
L'armistice est signé le 11 novembre 1918 et le traité de paix avec l'Allemagne, traité de Versailles,
le 18 juin 1919. La guerre a fait près de dix millions de morts.
Le point de vue historique.
Collections Nationales de Dresde, Allemagne
A propos de l'oeuvre.Otto Dix (1891-1969) est un peintre allemand engagé volontaire dans la guerre. Ses œuvres
(dessins, peintures, gravures) témoignent de l’état d’esprit des Européens après-guerre. Il
appartient au mouvement expressionniste qui se développe au début du XXe. Dans cette tempera sur
bois intitulée La Guerre, Otto Dix souhaite montrer les ravages de la Grande Guerre ainsi que ses
horreurs et sa violence de masse. Il traduit la rudesse des combats et l’impact de l’industrie et des
technologies nouvelles mises au service d’une guerre qui s’est voulue totale sans pour autant montrer
le déroulement des combats. Lorsqu'il peint son oeuvre, il s'inscrit dans un mouvement résolument
pacifiste et antimilitariste alors que montent en Allemagne et en Europe les fascismes et que le
monde entier connaît une terrible crise économique qui frappe tout particulièrement l'Allemagne
Après l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933, ses œuvres sont jugées dégénérées, décadentes et
une partie d’entre-elles sont brûlées.
Le polyptyque, de grandes dimensions (panneau central: 204x204 cm, panneaux latéraux: 204
x102 cm) représente des cadavres pourrissants, un squelette et un paysage urbain dévasté, des
soldats qui montent au front. Tout contribue à donner une impression d’instabilité et de chaos. La
chronologie suggérée implique également un cycle infernal : à gauche les soldats partent au front, au
milieu, ils subissent l'horreur, à droite, blessés, ils retournent à l’arrière. La prédelle (panneau situé
tout en bas) peut indiquer le repos dans la cagna et/ou la mort avec des cadavres enterrés dans une
fosse. Mais dans tous les cas, l’oeuvre dénonce l'éternel retour au front des soldats. Une sorte de
cycle interminable et infernal.
Otto Dix déclarait avoir peint pour « me débarrasser de tout ça ! (… ) Car pendant de longues
années, pendant au moins dix ans, j’ai rêvé sans cesse que j’étais obligé de ramper pour traverser
des maisons détruites et des couloirs où je pouvais à peine avancer. Les ruines étaient toujours
présentes dans les rêves.». A travers La Guerre, Dix illustre sa propre expérience traumatisante du
conflit et devient bel et bien le témoin d'une civilisation européenne traumatisée par la guerre.
Otto Dix
LE CHANT DES PARTISANS (1943)
Ami, entends-tu le vol noir des corbeauxSur nos plaines ?Ami, entends-tu ces cris sourds du paysQu'on enchaîne ?Ohé ! partisans, ouvriers et paysans,C'est l'alarme.Ce soir, l'ennemi connaîtra le prix du sangEt des larmes.
Montez dans la mineDescendez des collines, Camarades....Sortez de la pailleLes fusils, la mitraille,Les grenades.Ohé ! les tueurs,A la balle et au couteau,Tuez vite.Ohé ! saboteur,Attention à ton fardeauDynamite...
C'est nous qui brisonsLes barreaux des prisonsPour nos frères.La haine à nos troussesEt la faim qui nous pousse.La misère.Il y a des paysOù les gens au creux des litsFont des rêves.Ici, nous, vois-tu,Nous on marche et nous on tueNous on crève...
Ici, chacun saitCe qu'il veut, ce qu'il faitQuand il passe.Ami, si tu tombes,Un ami sort de l'ombreA ta place.Demain du sang noirSéchera au grand soleilSur les routes.Chantez, compagnons,Dans la nuit la libertéNous écoute...
Ami, entends-tu ces cris sourds du paysQu'on enchaîne ?Ami, entends-tu le vol noir des corbeauxSur nos plaines ?Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh...
Le contexte historique du sujet.En juin 1940, la France est battue. L’armistice du 22 juin prévoit qu’elle sera coupée en deux
par une ligne de démarcation. La moitié nord passe ainsi sous administration allemande directe
tandis que la moitié sud est confiée à un gouvernement national qui s’installe à Vichy le 2 juillet sous
l’autorité du maréchal Pétain. Celui-ci, entre très vite dans la voie de la collaboration politique,
militaire, économique, idéologique, culturelle avec l’Allemagne nazie. Le régime de Vichy est un
totalitarisme, marqué par le culte de la personnalité autour du maréchal qui bafoue tous les droits
naturels de l’homme et met fin à la République et à la démocratie. En réaction à l’occupation et à
Vichy, des hommes et des femmes entrent dans la clandestinité pour résister. L’appel du 18 juin
1940 lancé par le général de Gaulle, réfugié à Londres, a d’ailleurs marqué symboliquement l’acte de
naissance de cette résistance animée par des groupes aux origines politiques diverses
(communistes, socialistes, mouvements de Droite… ). Des Français exilés forment alors les Forces
Françaises Libres (FFL) qui combattent aux côtés des Alliés
Après une occupation partielle, toute la France métropolitaine est occupée le 11 novembre 1942, par
l’armée allemande. La résistance intérieure se développe pour défendre la liberté, la paix, pour
l’honneur du pays, par patriotisme, pour échapper au STO, rétablir les valeurs de démocratie, de
respect des droits de l’homme et par amour pour la République et pour beaucoup de communistes
après l’attaque de l’URSS par l'Allemagne nazie en juin 1941. Mais il s'agit d'une véritable mosaïque
que le préfet Jean Moulin parvient néanmoins à unifier grâce à la mise sur pied du Conseil National
de la Résistance (CNR) dont le lien avec Londres est capital. Tous ces groupes formeront les
Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) le 1er février 1944.
Le point de vue historique.
A propos de l'oeuvre.Né pendant la Seconde Guerre mondiale, Le Chant Des Partisans est une mélodie mise en
parole dans le but de soutenir la lutte et l'espoir du peuple français occupé, avant même de
devenir l'hymne de la Résistance et du Gouvernement de la France libre.
C’est à Londres en 1943 que Maurice Druon et son oncle l’écrivain Joseph Kessel qui ont
rejoint la France libre du général, font la connaissance d’Anna Marly, une artiste d'origine
russe, elle aussi engagée dans la lutte antinazie. Les deux hommes voient dans ses oeuvres
(Courage, Paris est à nous, France,...) l'occasion de soutenir le combat des résistants français.
Particulièrement intéressés par un air intitulé la Marche des Partisans, ils en réécrivent les
paroles le 30 mai 1943. La chanson est enregistrée pour le programme « Honneur et Patrie » de
la BBC. Mais il faut savoir que l'air était tout d’abord sifflé.
Le chant est publié dans le numéro 1 des Cahiers de Libération, le 25 septembre 1943,
sous le titre original Les Partisans et les paroles sont largement lâchées par avion au dessus de
toute la France. Il est adopté par les Résistants et après l'armistice, le Gouvernement de la
France libre en fait son hymne officieux aux côtés de La Marseillaise.
Le Chant des Partisans est très vite devenu l’hymne de la résistance française. Ces
paroles traduisent un rejet de la haine et de la tyrannie. C’est aussi une invitation. Invitation
atemporelle à la fraternité : « Ami entends-tu… », « Chantez, compagnons… », à combattre les
forces de la nuit qui oppriment, torturent, tuent, c’est aussi une invitation en dehors du temps à
résister. Il est composé pour être chanté à voix basse, voire sifflé sourdement. Il suggère ainsi
la chape de plomb qui s'est abattue sur la France occupée, la censure, les murmures et les actes
furtifs des combattants de l’ombre, de ces hommes et ces femmes qui risquent leur vie à chaque
instant. D’autre part, la dureté des paroles révèle la détermination des résistants et de leur
lutte implacable pour la liberté, lutte qui ne doit pas être considérée comme vaine : «C'est nous
qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères. [… ] Ami si tu tombes, un ami sort de
l'ombre". Elles légitiment enfin l’utilisation par des civils de la violence et de la lutte armée.
Et si la fin du chant semble absorbée par la nuit et se perdre comme le suggèrent les murmures
des paroles, c'est sans doute parce que la nuit tous les rêves sont permis notamment celui de la
liberté.
De nombreuses versions existent, de nombreux interprètes (A.Marly, Y.Montand,
J.Hallyday, M.Mathieu, Zebda) ont chanté Le Chant Des Partisans.
Anna Marly Maurice Druon Joseph Kessel
STROPHES POUR SE SOUVENIR
de Louis Aragon (1955)
Le point de vue historique.
L'affiche de propagande nazie dite "afficherouge", févier 1944.
Strophes pour se souvenirVous n'avez réclamé la gloire ni les larmesNi l'orgue ni la prière aux agonisantsOnze ans déjà que cela passe vite onze ansVous vous étiez servi simplement de vos armesLa mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villesNoirs de barbe et de nuit hirsutes menaçantsL'affiche qui semblait une tache de sangParce qu'à prononcer vos noms sont difficilesY cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférenceLes gens allaient sans yeux pour vous le jour durantMais à l'heure du couvre-feu des doigts errantsAvaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCEEt les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givreÀ la fin février pour vos derniers momentsEt c'est alors que l'un de vous dit calmementBonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivreJe meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les rosesAdieu la vie adieu la lumière et le ventMarie-toi sois heureuse et pense à moi souventToi qui vas demeurer dans la beauté des chosesQuand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la collineQue la nature est belle et que le coeur me fendLa justice viendra sur nos pas triomphantsMa Mélinée ô mon amour mon orphelineEt je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirentVingt et trois qui donnaient leur coeur avant le tempsVingt et trois étrangers et nos frères pourtantVingt et trois amoureux de vivre à en mourirVingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Extrait de la lettre de M.Manouchian écriteà sa femme, 21 février 1944.
[… ] Dans quelques heures, je ne serai plus de cemonde. Nous allons être fusillés cet après-midi à15 heures. [… ]. Je m'étais engagé dans l'Arméede Libération en soldat volontaire et je meurs àdeux doigts de la Victoire et du but. Bonheur àceux qui vont nous survivre et goûter la douceurde la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûrque le peuple français et tous les combattants dela Liberté sauront honorer notre mémoiredignement. Au moment de mourir, je proclameque je n'ai aucune haine contre le peupleallemand et contre qui que ce soit, chacun aurace qu'il méritera comme châtiment et commerécompense. [… ] Après la guerre tu pourras fairevaloir ton droit de pension de guerre en tant quema femme, car je meurs en soldat régulier del'armée française de la libération.[… ] Je mourrai avec mes 23 camarades tout àl'heure avec le courage et la sérénité d'un hommequi a la conscience bien tranquille, carpersonnellement, je n'ai fait de mal à personne etsi je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. [… ]
Le contexte historique du sujet.En juin 1940, la France est battue. L’armistice du 22 juin prévoit qu’elle sera coupée en
deux par une ligne de démarcation. La moitié nord passe ainsi sous administration allemande
directe tandis que la moitié sud est confiée à un gouvernement national qui s’installe à Vichy le 2
juillet sous l’autorité du maréchal Pétain. Celui-ci, entre très vite dans la voie de la collaboration
politique, militaire, économique, idéologique, culturelle avec l’Allemagne nazie. Le régime de
Vichy est un totalitarisme, marqué par le culte de la personnalité autour du maréchal qui bafoue
tous les droits naturels de l’homme et met fin à la République et à la démocratie. En réaction à
l’occupation et à Vichy, des hommes et des femmes entrent dans la clandestinité pour résister.
L’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle, réfugié à Londres, a d’ailleurs marqué
symboliquement l’acte de naissance de cette résistance animée par des groupes aux origines
politiques diverses (communistes, socialistes, mouvements de Droite… ). Des Français exilés
forment alors les Forces Françaises Libres (FFL) qui combattent aux côtés des Alliés
Après une occupation partielle, toute la France métropolitaine est occupée le 11 novembre 1942,
par l’armée allemande. La résistance intérieure se développe pour défendre la liberté, la paix,
pour l’honneur du pays, par patriotisme, pour échapper au STO, rétablir les valeurs de
démocratie, de respect des droits de l’homme et par amour pour la République et pour beaucoup
de communistes après l’attaque de l’URSS par l'Allemagne nazie en juin 1941. Mais il s'agit d'une
véritable mosaïque que le préfet Jean Moulin parvient néanmoins à unifier grâce à la mise sur
pied du Conseil National de la Résistance (CNR) dont le lien avec Londres est capital. Tous ces
groupes formeront les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) le 1er février 1944.
Parmi ces réseaux se trouvent les hommes du FTP-MOI (Francs-Tireurs-Partisans-Main
d'Oeuvre Immigrée). Il s'agit à l'origine d'une organisation syndicale créée en 1924 qui
regroupe les travailleurs immigrés de la CGTU liée au Parti Communiste.
Le réseau Manouchian est dirigé par Missak Manouchian. Il organise des attentats contre les
Allemands et le gouvernement de Vichy ainsi que des actes de sabotage. Suite à l'assassinat du
colonel SS Julius Ritter à Paris, il est totalement démantelé à la mi-novembre 1943. Ses
membres sont torturés et fusillés au Mont-Valérien. L'annonce de leur exécution le 21 févier
1944 est communiquée par le biais de l'"affiche rouge" réalisée à la demande des Allemands. Elle
cherche à démontrer que les hommes du groupe ne sont que des criminels, des assassins
communistes juifs étrangers qui n'ont rien de libérateurs. Avant de mourir, Missak Manoukian
rédige une dernière lettre à son épouse Mélinée.
A propos de l'oeuvre.Louis Aragon (1897-1982) est un poète engagé proche du Parti communiste. « Strophes
pour se souvenir », est un poème extrait du Roman Inachevé. En 1956, à l'occasion de
l'inauguration de la rue du Groupe Manouchian, située dans le 20e arrondissement de Paris,
Aragon écrit le poème (1955) librement inspiré de la dernière lettre que Missak Manouchian
adressa à son épouse Mélinée. Le poète tente ici de raviver le souvenir de ces résistants qui ont
donné leur vie pour la liberté, afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli tout en évoquant la lettre
de Manouchian. Il s'agit presque d'une sorte de poème dans le poème.
Il fut mis en musique par Léo Ferré en 1959 sous le titre L'Affiche rouge et enregistré sur
l'album Léo Ferré chante Aragon en 1961.
PHOTO DU DEBARQUEMENT, Slightly out of focus
(1944) de Robert Capa
Le contexte historique du sujet.
Avec l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939 par le IIIe Reich, commence une
nouvelle guerre européenne qui ne tarde pas à devenir mondiale. Deux camps s'affrontent dans
ce conflit qui est une véritable guerre totale et d'anéantissement: les forces de l'Axe
(Allemagne nazie, Italie fasciste, Japon impérial et leurs alliés) et les Alliés (Royaume-Uni,
Etats-Unis, Forces Françaises Libres, Canadiens, Australiens, Néo-zélandais et leurs empires
coloniaux). L'Axe enchaîne les victoires jusqu'en 1942. Mais le tournant de la guerre est amorcé
après les victoires soviétique à Stalingrad (fév. 1943), américaines à Midway (juin 1942) et
Guadalcanal (fév. 1943) dans le Pacifique, et franco-britannique à El-Alamein (oct-nov. 1942).
Américains et britanniques ont réussi à débarquer en Afrique du Nord en novembre 1942 puis en
Italie en juillet 1943, mais Staline réclame à Churchill et Roosevelt l'ouverture d'un nouveau
front en Europe occidentale. Les Alliés mettent alors sur pieds, l'opération Overlord. Il s'agit
de la plus importante mobilisation logistique de tous les temps combinant forces navales,
aériennes et aéroportées. Le général américain Dwight D. Eisenhower en est le commandant en
chef. Le débarquement, repoussé pour des raisons météorologiques, a lieu le 6 juin 1944 sur les
plages de Normandie défendues par le célèbre Mur de l'Atlantique. Des noms de code leurs sont
donnés: Sword Beach, Juno Beach, Gold Beach, Omaha Beach, Utah Beach. Près de
5 000 bateaux (cargos, péniches de débarquement, navires de guerre) 12 000 avions, 20 000
véhicules et près de 160 000 hommes sont impliqués. A la fin de cette journée, 156 000 hommes
Le point de vue historique.
avaient débarqué et les pertes alliés s'élevaient à près de 10 000, pour beaucoup sur le secteur
américain d'Omaha Beach.
Avec le débarquement, commence la bataille de Normandie qui va accélérer la fin de la guerre et
la capitulation des forces nazies le 8 mai 1945.
A propos de l'oeuvre.
Robert Capa, de son vrai nom Endre Ernő Friedmann, est né le 22 octobre 1913 à Budapest
et mort le 25 mai 1954 en Indochine durant la guerre d'indépendance. Américain d'origine
hongroise, il est l'un des plus célèbres photographes de guerre. Il a couvert les plus grands
conflits de son époque (guerre d'Espagne, guerre Sino-japonaise, Deuxième Guerre, guerre
d'Indochine). En 1947, il fonde avec David Seymour, Henri Cartier-Bresson, William Vandivert
et George Rodger, la coopérative photographique Magnum qui rassemblait les plus célèbres
photographes et photojournalistes de l'époque. Le 6 juin 1944, Robert CAPA est le seul
photographe présent lors du débarquement allié en Normandie, sur la plage d’Omaha Beach.
Pendant plus de 6 heures, il photographie au beau milieu des combats, la guerre d'au plus près. Il
prend 119 photos mais 11 seulement sont exploitables, souvent floues à la suite d'une maladresse
lors du développement. L’une des photos les plus marquantes prises par Capa, le Jour J, est celle
d’un soldat américain, un GI, qui, sorti de sa barge de débarquement, peine à rester hors de l’eau
alourdi par le poids de son équipement. La photo, floue mais bien cadrée, est titrée Slightly out
of focus, (« Un peu floue »). Capa utilisera ce titre pour son autobiographie en 1947.
Frank Capa
LE DESERTEUR
de Boris Vian (1954)
Le contexte historique du sujet.
Boris Vian écrit le poème Le Déserteur le 15 février 1954, au moment même où la France
est engagée depuis 1946 dans une très difficile guerre d'indépendance en Indochine et alors
même que l'Algérie est sur le point de s'enflammer. L'armée française est alors largement
composée des appelés du contingent qui répondent ainsi à la conscription obligatoire depuis la
Révolution. Dans les années 50, des jeunes hommes de 20 ans sont ainsi affectés dans un corps
d'armée durant 18 mois (maintien jusqu'à 30 mois durant la guerre d'Algérie) et effectuent
leur Service militaire (il prendra le nom de Service national en 1971). Souvent critiquée par la
communauté internationale pour ces guerres coloniales meurtrières (env. 59 000 Français sont
morts durant la seule guerre d'Indochine), la France tente de les relier au contexte politique
international de l'époque: la guerre froide. Ainsi, avec la guerre d'Indochine, elle cherche à
justifier son engagement militaire par la nécessité de lutter contre un Viêt Minh qui ne cherche
qu'à propager l'idéologie communiste avec le soutien de l'URSS.
Le point de vue historique.
Monsieur le Président je vous fais unelettreQue vous lirez peut-êtreSi vous avez le tempsJe viens de recevoirMes papiers militairesPour partir à la guerreAvant mercredi soirMonsieur le Présidentje ne veux pas la faireje ne suis pas sur terrePour tuer des pauvres gensC’est pas pour vous fâcherIl faut que je vous diseMa décision est priseje m’en vais déserterDepuis que je suis néJ’ai vu mourir mon pèreJ’ai vu partir mes frèresEt pleurer mes enfantsMa mère a tant souffertQu’elle est dedans sa tombeEt se moque des bombesEt se moque des versQuand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femmeOn m’a volé mon âmeEt tout mon cher passéDemain de bon matinJe fermerai ma porteAu nez des années mortesJ’irai sur les cheminsJe mendierai ma vieSur les routes de FranceDe Bretagne en ProvenceEt je dirai aux gensRefusez d’obéirRefusez de la faireN’allez pas à la guerreRefusez de partirS’il faut donner son sangAllez donner le vôtreVous êtes bon apôtreMonsieur le PrésidentSi vous me poursuivezPrévenez vos gendarmesQue je n’aurai pas d’armesEt qu’ils pourront tirer.
A propos de l'oeuvre.La chanson déclenche un véritable scandale. D'ailleurs, le poème qui est devenu chanson,
est interdit lors de la première interprétation en public par Marcel Mouloudji, le 7 mai 1954,
jour de la défaite française à Diên Biên Phu (Indochine). Ce texte aux allures de lettre adressée
au Président de la République René Coty, est alors censuré et la chanson est interdite de
diffusion. Boris Vian la chantera malgré tout en 1955. La chanson n'est finalement autorisée
qu’après la fin de la guerre d’Algérie en 1962 mais Boris Vian ne le saura jamais puisqu'il meurt
d’une crise cardiaque le 23 juin 1959.
Vian était un touche-à-tout génial: écrivain, chanteur, musicien (trompette) et critique musical,
acteur, scénariste, peintre. Il est un représentant du foisonnement intellectuel et culturel
d'une période où de nombreux artistes et intellectuels animaient le quartier de Saint-Germain-
des-Prés à Paris. S'il aimait l'absurde, l’humour et les calembours, son œuvre est néanmoins
pleine de poésie, marquée par l'indépendance et la pensée libre comme l'illustre d'ailleurs, Le
Déserteur qui bouscule l'ordre d'une société plutôt conservatrice. Vian ne conteste-t-il pas les
politiques militaristes, ne proteste-t-il pas contre les guerres colonialistes en dénonçant la
souffrance pour le soldat et ses proches ? N'utilise-t-il pas un ton proche presque
irrévérencieux ? Les guerres de décolonisation sont en effet très meurtrières et Boris Vian,
résolument pacifiste, en dénonce la violence, la bêtise tout en rappelant son amour pour la paix.
Il propose une oeuvre qui fait véritablement l’apologie de la désertion (non de la lâcheté) sur
fond de non-violence.
Le Déserteur est devenu un véritable hymne des pacifistes et a profondément inspiré
des chanteurs comme Renaud et son Déserteur extrait de l’album «Morgane de toi» en 1991
Boris Vian
LE MUSĒE JUIF À BERLIN (1993-1998)
de Daniel Libeskind
Le contexte historique du sujet.La présence de la communauté juive est ancienne en Allemagne, ses membres y sont
parfaitement intégrés. Dans les années 30, on compte environ 525 000 personnes.
Dès leur arrivée au pouvoir en Allemagne en janvier 1933, les nazis mettent en application de
manière progressive leur politique raciste et tout particulièrement antisémite conformément
aux théories développées par Adolf Hitler dans son livre Mein Kampf.
Les juifs voient tout d'abord leurs magasins boycotter puis ils sont littéralement exclus de la
société allemande par la loi "pour la protection du sang et de l'honneur allemands" appelée loi de
Nuremberg (1935). Elle est complétée et durcie par l'Ordonnance pour l'élimination des juifs de
l'économie (1938). Une étape est franchie lorsque dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, un
vaste pogrom est organisé dans tout le pays, connu sous le nom de "nuit de cristal". Prétextant
de l'assassinat à Paris d'un diplomate allemand par un jeune juif polonais, les nazis déclenchent
une explosion de violence contre les bâtiments de la communauté juive qui sont incendiés, les
vitrines des magasins volent en éclat. On dénombre une centaine de morts et déjà 30000
personnes enfermées dans les camps de concentration. Le départ des juifs hors du Reich
débute alors mais beaucoup demeurent.
Avec la guerre, les persécutions prennent un autre tournant. L'invasion de la Pologne puis
de l'URSS donnent l'occasion aux nazis de commencer ce que l'on appelle le génocide par balles.
Les Einsatzgruppen, qui sont des unités mobiles d’extermination, progressent en même temps
que les militaires et ont pour mission de "nettoyer" les territoires conquis. Elles rassemblent les
communautés juives plus nombreuses dans cette partie de l'Europe, leur font creuser des
Le point de vue historique.
Vue aérienne oblique du musée juif, l'ancien bâtiment et l'oeuvre de Libeskind.
fossés et les tuent par balles. Parallèlement, les nazis enferment dans des ghettos de Pologne
des milliers de juifs voués à mourir lentement de faim et de maladies.
Mais le 20 janvier 1942 à Wannsee, près de Berlin, de hauts dignitaires nazis décident de la
solution finale, c’est-à-dire la déportation par trains de tous les Juifs d’Europe en Pologne pour
les y faire travailler jusqu’à épuisement et pour les mettre à mort dans des camps prévus à cet
effet. C'est ainsi que se multiplient les camps d'extermination comme Auschwitz-Birkenau où
sont envoyés par trains entiers des juifs raflés de toute l'Europe destinés à être gazés et
brûlés peu après leur arrivée.
On estime que le génocide juif, appelé depuis une trentaine d'années "shoah", a fait environ six
millions de victimes.
A propos de l'oeuvre.Daniel Libeskind est né en 1946 dans une famille juive de Lódz en Pologne qui a survécu au
génocide. Emigré en Israël, il étudie la musique puis part aux États-Unis où il étudie
l'architecture. En 1965, il prend la nationalité américaine. Libeskind appartient à un courant
d'architectes appelés déconstructivistes. De juin 1989 date à laquelle le projet est retenu à son
inauguration en 2001, Libeskind s'occupe donc de la réalisation du Musée juif de Berlin. Parmi
les multiples réalisations mondiales de l'architecte, on retient la reconstruction du World Trade
Center à New York
Dans son oeuvre baptisée Between the Lines (Entre les lignes), Libeskind est parti du
tracé de ce qu'il appelle la ligne du vide, composée de six vides (voids) traversant le musée sur
toute sa hauteur, afin de symboliser l'absence dans l'histoire allemande des juifs victimes de la
shoah. Le bâtiment, en forme d'éclair, est constitué de béton brut (structure) et de métal
(enveloppe en zinc) qui change de couleur avec le temps. Il a appelé son projet Between the lines
pour montrer l'histoire chaotique de la communauté juive en Allemagne. Le musée comprend un
ancien bâtiment (la Cour suprême de Prusse) et le bâtiment moderne auquel on accède par un
escalier plongeant. Au sous-sol, le visiteur est très vite confronté aux trois axes qui symbolisent
le destin des Juifs au XXe siècle: l'exil, la continuité, l'holocauste. Au dehors se trouvent deux
édifices : la Tour de l'Holocauste et le Jardin de l'Exil. C'est dans l'aile de la continuité que l'on
peut découvrir les collections permanentes.
Daniel Libeskind