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Chemins d’ombre I l y a d’abord une émotion ou une image. Je sais qu’une histoire pointe. Je la guette, je la sens qui respire, je la cajole, je me laisse bercer, je m’aban- donne à elle. Surtout, je n’en dis rien à personne sinon l’histoire disparaîtrait avant même d’avoir tout dit. Je le sais parce que c’est arrivé plusieurs fois. Nous vivons donc ensemble, secrè- tement. Un certain temps. Une étrange gestation. Agréable et désagréable. Et un jour, l’histoire est si présente, si intense, si débordante que j’ai mal. C’est le moment ! Je dois l’écrire, elle doit s’écrire. Le paradoxe, c’est qu’elle est là, cette his- toire. Et cependant, je n’en sais pas grand-chose. Je sens une atmosphère. J’ai une image ou deux, très nettes. Je connais les personnages principaux. Mais, je ne connais pas la route qu’ils vont suivre. Je n’ai aucune idée des ren- contres qu’ils vont faire. Je ne sais pas ce qui va avoir lieu. Ensuite, tout vient en écrivant. Et j’en écris des chapitres et des chapitres que j’effacerai un jour parce que je compren- drai que ce chemin-là n’était pas le bon. J’en explore des impasses ! C’est drôle, j’avais écrit « implore ». Ah ! l’inconscient ! Donc, j’en implore des impasses… Sans elles, pas de chemin à rebrousser, pas de routes à chercher, pas d’angoisse de l’inconnu, pas de surprises, pas de désordres, pas de peurs, pas de joies ni de chagrins, pas d’enchantements… Pas de création ? Pas de vie ? Il en est ainsi, et il m’en a fallu du temps pour accep- ter ça. Pour m’autoriser ça. Le désir est un chemin d’ombres… …Il y a juste un petit souci. Mes histoires ne savent pas venir jusqu’à moi, ni s’écrire si je fais un autre métier comme certains nous le conseillent. C’est bête, hein ? Il faut que je fasse « rien » pour écrire… Par chance, j’aime bien les nouilles et les pommes de terre ! Françoise Jay n°249 - février 2010 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ Résidences croisées Rhône-Alpes/Québec… Le mot est juste puisque Joël Bastard est revenu de Montréal à la fin du mois de décembre et qu’Alain Fisette, poète québé- cois, est arrivé à Lyon à la mi-janvier. L’auteur de Lee & Sophia et de Tous mes lecteurs sont morts est en résidence d’écriture jusqu’en avril. Pour l’inviter, le rencontrer…, prenez contact avec l’ARALD. > www.arald.org les écrivains à leur place zoom/p.6 Local, mondial, urbain Gros plan sur Local. Contemporain, revue grenobloise qui voit loin et grand. romans/p.7-8 Lectures d’hiver et diverses Michel Arrivé, Clément Bulle, Emmanuelle Pagano, mais aussi de la science-fiction au menu de vos lectures de février… !!!!!!!!!!!! Des livres à la loupe Le Musée de l’impri- merie de Lyon pré- sente une centaine de livres de petite taille. Des trésors de minutie aux sujets variés (religion, poésie, jeux, dictionnaire) qui, depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, éveillent la créativité d’édi- teurs et d’artistes, la curiosité des lecteurs et le désir des collectionneurs. C’est notamment le défi technique de la reliure de ces ouvrages qui constitue le fil rouge de cette exposition, complétée par de nombreux ateliers. “Minuscules”, jusqu’au 27 juin Musée de l’imprimerie - Lyon 2 e Hong Yuan. Une photographie d’Éric Dessert extraite de son livre, Une autre Chine, paru aux Éditions Lieux Dits (lire p.2). Vite, des sciences humaines… Du 12 au 14 février, c’est « Le rendez-vous des sciences humaines » à Paris. Nouvelle formule, cette année, avec une thématique sous forme de ques- tion, « L’humanisme, valeur du pré- sent ? », plusieurs tables rondes et des invités d’honneur chinois, auteurs ou éditeurs. Mais ces ren- contres à l’Espace des Blancs- Manteaux sont aussi l’occasion de découvrir une centaine d’éditeurs spécialisés. Parmi eux, venus de Rhône-Alpes avec le soutien de la Région : À plus d’un titre, Champ Vallon, Chronique sociale, Créaphis, ELLUG, ENS Éditions, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Presses de l’ENSSIB, Presses uni- versitaires de Lyon, Publications de l’université de Saint-Étienne, Publications de l’université de Savoie, Sens public. Du sérieux. www.salonshs.msh-paris.fr rendez-vous © Éric Dessert jeunesse/p.9 Il était une fois… Hänsel, Gretel et le petit bossu en textes et en images. À lire et à redécouvrir. Illustration de Sébastien Mourrain pour Le Petit Bossu (Le Sorbier). © Sébastien Mourrain Le plus petit livre du monde : Le Paster Noster en sept langues, 1966 (5 X 5 mm). © P. H. Hervouët / Collection Musée de l'imprimerie

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Page 1: Mise en page 1 - Auvergne Rhône-Alpes - Livre et lecture · illustrée de Premier de cordée, roman fondateur de Frison-Roche, c’est une sorte de retour aux sources que se sont

Cheminsd’ombreIl y a d’abord une émotion ou uneimage. Je sais qu’une histoire pointe.Je la guette, je la sens qui respire, je lacajole, je me laisse bercer, je m’aban-donne à elle. Surtout, je n’en dis rienà personne sinon l’histoire disparaîtraitavant même d’avoir tout dit. Je le saisparce que c’est arrivé plusieurs fois.Nous vivons donc ensemble, secrè-

tement. Un certain temps. Une étrangegestation. Agréable et désagréable. Et unjour, l’histoire est si présente, si intense,si débordante que j’ai mal. C’est lemoment ! Je dois l’écrire, elle doit s’écrire. Le paradoxe, c’est qu’elle est là, cette his-toire. Et cependant, je n’en sais pasgrand-chose. Je sens une atmosphère.J’ai une image ou deux, très nettes. Jeconnais les personnages principaux.Mais, je ne connais pas la route qu’ilsvont suivre. Je n’ai aucune idée des ren-contres qu’ils vont faire. Je ne sais pas cequi va avoir lieu.Ensuite, tout vient en écrivant. Et j’enécris des chapitres et des chapitres quej’effacerai un jour parce que je compren-drai que ce chemin-là n’était pas le bon.J’en explore des impasses ! C’est drôle,j’avais écrit « implore ». Ah ! l’inconscient !Donc, j’en implore des impasses… Sans elles, pas de chemin à rebrousser,pas de routes à chercher, pas d’angoissede l’inconnu, pas de surprises, pas dedésordres, pas de peurs, pas de joies nide chagrins, pas d’enchantements… Pasde création ? Pas de vie ? Il en est ainsi,et il m’en a fallu du temps pour accep-ter ça. Pour m’autoriser ça. Le désir estun chemin d’ombres……Il y a juste un petit souci. Mes histoiresne savent pas venir jusqu’à moi, ni s’écriresi je fais un autre métier comme certainsnous le conseillent. C’est bête, hein ? Il fautque je fasse « rien » pour écrire… Parchance, j’aime bien les nouilles et lespommes de terre ! Françoise Jay

n°249 - février 2010le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +Résidences croisées Rhône-Alpes/Québec…Le mot est juste puisque Joël Bastard estrevenu de Montréal à la fin du mois dedécembre et qu’Alain Fisette, poète québé-cois, est arrivé à Lyon à la mi-janvier. L’auteurde Lee & Sophia et de Tous mes lecteurs sontmorts est en résidence d’écriture jusqu’enavril. Pour l’inviter, le rencontrer…, prenezcontact avec l’ARALD.

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zoom/p.6Local, mondial, urbainGros plan sur Local.Contemporain, revuegrenobloise qui voit loin et grand.

romans/p.7-8Lectures d’hiver et diversesMichel Arrivé, Clément Bulle,Emmanuelle Pagano, mais ausside la science-fiction au menu de vos lectures de février…

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Des livres à la loupe

Le Musée de l’impri-merie de Lyon pré-sente une centainede livres de petitetaille. Des trésors de

minutie aux sujets variés (religion, poésie,jeux, dictionnaire) qui, depuis le Moyen Âgejusqu’à nos jours, éveillent la créativité d’édi-teurs et d’artistes, la curiosité des lecteurs etle désir des collectionneurs. C’est notammentle défi technique de la reliure de ces ouvragesqui constitue le fil rouge de cette exposition,complétée par de nombreux ateliers. “Minuscules”, jusqu’au 27 juinMusée de l’imprimerie - Lyon 2e

Hong Yuan. Une photographie d’Éric Dessert extraite de son livre, Une autre Chine,paru aux Éditions Lieux Dits (lire p.2).

Vite, des scienceshumaines…Du 12 au 14 février, c’est « Lerendez-vous des scienceshumaines » à Paris. Nouvelleformule, cette année, avec une

thématique sous forme de ques-tion, « L’humanisme, valeur du pré-sent ? », plusieurs tables rondes etdes invités d’honneur chinois,auteurs ou éditeurs. Mais ces ren-contres à l’Espace des Blancs-Manteaux sont aussi l’occasion de

découvrir une centaine d’éditeursspécialisés. Parmi eux, venus deRhône-Alpes avec le soutien de laRégion : À plus d’un titre, ChampVallon, Chronique sociale, Créaphis,ELLUG, ENS Éditions, Maison del’Orient et de la Méditerranée,Presses de l’ENSSIB, Presses uni-versitaires de Lyon, Publicationsde l’université de Saint-Étienne,Publications de l’université deSavoie, Sens public. Du sérieux.

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jeunesse/p.9Il était une fois…Hänsel, Gretel et le petit bossu en textes et en images. À lire et à redécouvrir.

Illustration de SébastienMourrain pour Le Petit Bossu(Le Sorbier).© SébastienMourrain

Le plus petit livre du monde : Le Paster Noster en septlangues, 1966 (5 X 5 mm).© P. H. Hervouët / CollectionMusée de l'imprimerie

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garder que la seule ressemblance dumalheur. Non, le choix est résolu-ment autre, le choix est l’autre : celuide l’altérité qui va avec l’altération.

Voyage dans l’immémorial

On ne peut imaginer Éric Dessertautrement qu’en photographecontemplatif, appareillage lourdcomme la peine, ne prenant pas des clichés maisles demandant, ne les extorquant pas, les échan-geant. Contre quoi au juste ? Un petit bout deconscience, ou de morale, la sienne bien entendu.On pense à ce moment à Walker Evans qui tra-versa l’Amérique de la Grande Dépression et quis’en revint avec des images muettes de perfec-tion. Elles ne cessent, encore aujourd’hui, de nousparler. C’est peu dire.Et voilà d’ailleurs le résultat : des femmes et deshommes qui tiennent par la grâce des lieux, despaysans qui se confondent avec leurs paysages,des visages que l’homme d’image vise au plusprofond de leur superficialité : perfection deslignes, dignité des signes. Et maintenant, l’onsonge à ce visage d’un jeune Japonais et à sonregard d’encre que reproduisit Roland Barthes

Une traversée contemplative de la Chinerurale d’aujourd’hui et de toujours. Un trèsgrand et très beau livre de photographiesd’Éric Dessert proposé par Lieux dits dansune édition exceptionnelle.

Il y eut en son temps L’Autre Chine (celle de 1949),sorte de journal photographique de Henri Cartier-Bresson, qui vit et vécut la révolution en train defracturer l’histoire d’un pays, et qui rapporta desimages aussi fortes que des sensations. Il y auradésormais une autre Chine, avec ce que l’indéfinisuppose de discrétion dans le point de vue et dedistance mesurée dans l’approche. Parce que cettehistoire-géographie des provinces reculées d’unpays grand comme le monde est aussi difficile àapprendre qu’à écrire, à retenir qu’à saisir. Un« monde rude et précaire », comme le relève d’em-blée Lucien Bianco dans la préface qui éclaire,avec à-propos, les photographies d’Éric Dessert.Qu’on ne s’y trompe pas, nous sommes bien en pré-sence d’un très grand livre d’images. Non pas sim-plement parce que celles-ci sont belles (ce ne seraitalors que de l’esthétisme), mais surtout et peut-êtreavant tout parce qu’elles sont « pures » : débarras-sées de cette humanitaire tendance qui voudraitqu’on fasse fi des identités multiples pour ne

Le 100e livre des Éditions Guérin

Roman despaysagesAvec cette magnifique éditionillustrée de Premier de cordée,roman fondateur de Frison-Roche,c’est une sorte de retour auxsources que se sont offert lesÉditions Guérin. Un projet touten fidélité suggéré par l’icono-graphe Catherine Cuenot et unnouveau succès pour la collection« Texte et images ».

À quoi tient le destin d’un hommede la montagne ? À la ligne d’horizonque de là-haut, pour quelquesmoments, il domine ? À cette cordéeque pour cinq ou six heures il est seulà assurer ? À la singularité de cemonde de granit et de cristal dont ilrespecte la cruelle indifférence ?Premier de cordée, le grand roman demontagne de Roger Frison-Roche,rappelle tout cela et surtout que la

montagne est affaire de passion etde persévérance.Pour beaucoup – et notammentl’écrivain Philippe Claudel qui signela préface de cette nouvelle éditionillustrée –, Premier de cordée estavant tout un très bon roman. « Unouvrage fondamental dans la cultureet les mythologies alpines », commele rappelle Vincent Desjuzeur desÉditions Guérin, « un roman d’initia-tion et d’évasion sans doute à l’originede nombreuses vocations ».Centième ouvrage de lamaison chamoniarde,cette nouvelle éditionest le fruit d’une véri-table enquête icono-graphique menée parCatherine Cuenot dansles archives mais sur-tout dans les albums defamilles, à la recherchedes sources d’inspira-tion de l’écrivain-jour-naliste-guide de mon-tagne. Courant dans lesmarges ou s’affichant

en pleine page, on retrouve ainsiquelque trois cents photographiesdes hommes et des paysages, deslieux et des ascensions qui ontconstitué la matière et les décors deFrison-Roche. Accompagnant l’his-toire, elles suggèrent aussi unmonde disparu et font revivre lequotidien et les coups d’éclat de cesgens de montagne. « Frison-Roche,c’est une alchimie parfaite entre levécu et l’invention, entre l’histoireet les histoires, et c’est aussi un roman

relativement prémonitoire sur la viede la vallée », estime CatherineCuenot, iconographe passionnée spé-cialiste de la montagne.Avec plus de 7 000 exemplairesvendus, ce nouveau volume de lacollection « Texte et images » estun succès qui vient confirmer ledestin hors normes de cet uniquebest-seller du roman de montagne,écrit à Alger en 1941 et paru toutd’abord en feuilleton dans LaDépêche algérienne. Bien plus qu’un

roman de montagne,un roman des pay-sages, physiques ethumains. L. B.

Roger Frison-RochePremier de cordéeÉditions Guérin340 p., 55 €ISBN 978-2-35221-037-5

premier plandans L’Empire dessignes. C’est trop voir ?Peut-être. Mais sait-onjamais ce que l’on voit ?Justement. Il n’est peut-être qu’une questionqu’il faut se poser à lafin de ces visions, unefois le joyau rendu àson écrin : mais oùsommes-nous allés ? EnChine, certes, la Chinerurale donc ; on peut

toujours ajouter : dans les provinces du Sichuan,du Guizhou, du Xinjiang et du Gansu. Mais celane nous apprend en fin de compte pas grand-chose. C’est que nous venons peut-être de faireun voyage entre le nulle part et l’ailleurs, dansce temps que l’on appelle l’immémorial :quelque part dans l’ombre encore grandeouverte du passé. Roger-Yves Roche

Une autre ChinePhotographies Éric DessertTexte Lucien Bianco.Éditions Lieux Dits239 p., 45 €ISBN 978-2-914528-62-7

Après plusieurs années de travaux, lesÉditions Lieux Dits viennent de s’installerdans un bel immeuble du XVIIe siècle sur les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon,au numéro 17 de la rue René Leynaud.

Éditions Lieux Dits : Une autre Chine

Dans l’ombre du passé

L'aiguille du Géant vuede l'aiguille du Requin.

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cette « mission » éditoriale au servicede la création musicale contemporaine.Symétrie a relevé le défi en faisant deson niveau d’exigence et de la maîtrisecomplète du processus éditorial desarguments précieux pour ce monde despécialistes et de passionnés.Pourtant les partitions ne représententplus aujourd’hui que la moitié despublications de la maison lyonnaise. Àraison d’une dizaine de titres par an,les livres ont peu à peu pris le dessus,avec notamment une collectionrécente consacrée à la recherche musi-cale. Mais outre ces ouvrages scienti-fiques et pointus, Symétrie, c’est aussides livres sur l’histoire de la musiqueet les techniques vocales, des portraits

Ils sont trois musiciens, trois associés.Jean-Christophe Michel, chef dechœur, spécialiste de musique chorale,est le directeur de cette singulière mai-son d’édition discrètement implantéedans le quartier lyonnais de la Croix-Rousse ; Hjördis Thébault et Pierre-Yves Pruvost sont des chanteursprofessionnels et s’investissent dansSymétrie grâce au temps que leur offreleur métier. À eux trois, ils gèrent unemaison d’édition qui a grossi à mesureque le souci de qualité imposaitl’internalisation des tâches. Undéveloppement à contrario des ten-dances managériales de l’éditionversion XXIe siècle. Il est vrai que ledomaine musical a ses exigences…Car Symétrie a démarré par l’éditionde partitions, avec un savoir-faire

spécifique dans le domaine de lagravure musicale qui s’est transforméavec l’informatique, mais nécessitetoujours autant de compétence et deminutie. Le temps est donc un facteurdéterminant, non seulement pourfaire passer l’œuvre d’un compositeurde l’état de manuscrit à celui de par-tition, mais aussi pour espérer unretour sur investissement grâce auxdroits d’exploitation et de représenta-tion. Pour que la musique vive, il fautqu’elle soit jouée. Il en est de mêmepour l’éditeur, qui travaille à la consti-tution d’un fonds de qualité, en priseavec la musique en train de se créer.Pas étonnant donc que les grands édi-teurs français du secteur aient disparuou aient été rachetés par des majorsqui ne souhaitent plus investir dans

musique

Structure associative,Mômeludies Éditionsproposent un cataloguede partitions, d’enregis-trements et d’ouvrages sur lamusique et les pratiques musicales,notamment celles des jeunes.

Adossées au Centre de formation desmusiciens intervenant à l’école (CFMI),installé à Bron, Mômeludies Éditionssont au cœur de la création et des pra-tiques musicales. Fondées il y a 25 ans,elles l’ont d’abord été pour répondreà un besoin concret : éditer des parti-tions d’œuvres musicales comman-dées par le CFMI à des compositeurset destinées à être interprétées pardes jeunes, le plus souvent dans lecadre de l’enseignement général.Aujourd’hui – et notamment depuis2000 –, les choses ont bien changé…Avec la volonté d’élargir leur public etd’aller plus loin dans l’accompagne-ment à la mise en œuvre des piècesmusicales, Mômeludies Éditions sontpassées des partitions (200 titres au

catalogue, dans tous les champsesthétiques, 15 à 20 nouveautés paran) à l’édition phonographique et autéléchargement d’œuvres musicaleset audiovisuelles, jusqu’à la publi-cation de livres, depuis 2008. Unedizaine de titres, réflexions outémoignages d’expériences, consti-tuent aujourd’hui leur catalogue,qui devrait s’enrichir d’un certainnombre d’outils à vocation péda-gogique autour du répertoire.En effet, pour les responsables – Anne-Marie Bastien, BertilleGoyard et Laure-Anne Tulier –, il s’agit d’«  accompagner la vie des documents musicaux ». Unedémarche militante qui va de lacommande au compositeur jusqu’àl’organisation de concerts, concernela musique savante, mais aussi leschansons dans plusieurs langues, ettouche tous les enfants, y compris

ceux qui ne vont pas à l’école.Mômeludies Éditions incarnentcette persistance militante demanière professionnelle. L. B.

Mômeludies Éditions95, boulevard Pinel69677 Bron cedex

tél. 04 78 29 07 21www.momeludies.comMél. [email protected]

Symétrie : dix ans d’édition musicale

Un trio mode majeurL’édition musicale, c’est une affaire de spécialistes… et de sérieux. La preuveavec Symétrie, qui vient de fêter ses dix ans, mise sur le long terme et consti-tue désormais l’une des plus importantes maison d’édition de la région.

de compositeurs, des revues (dontL’Orgue, qui existe depuis 1929), descorrespondances et même une collec-tion de fiction en lien avec la musique.Pour Jean-Christophe Michel, il s’agitd’« investir dans des publications à vielongue et de bâtir un fonds. Pour cela,sachant que nous nous adressons àun lectorat de connaisseurs, il fautque les livres soient irréprochables ».Une aventure humaine menée tam-bour battant par ce trio qui inventeune nouvelle façon de faire des livresde musique. L. B.

Symétrie30, rue Jean-Baptiste Say - 69001 Lyon

tél. 04 78 29 52 14www.symetrie.comMél. [email protected]

Musique etnumérique

Jean-Claude Thévenon, organiste deformation, est un perfectionniste.L’aventure éditoriale qu’il a lancée en2003 à Sampzon, un village du sud del’Ardèche, il l’a minutieusement prépa-rée en mettant sur pied un atelier defabrication numérique qui lui permetaujourd’hui de produire 95 % des livreset partitions qu’il publie. Les ÉditionsDelatour comptent ainsi 1 800 réfé-rences dans le domaine des partitionset 80 titres à leur catalogue d’ouvrages :une collection « Musique / Sciences »,coéditée avec l’IRCAM, mais aussi« Musique / Pédagogie », « Musique/ Patrimoine », la revue Filigrane… Et une ouverture plus récente vers lesarts plastiques et la littérature, quifait des Éditions Delatour un éditeurgénéraliste en devenir avec une fortebase musicale.Éclectisme des choix éditoriaux, petitstirages ajustés à la demande, forte pré-sence du catalogue numérique proposéen téléchargement, développementd’une chaîne de reprographie, lesÉditions Delatour s’affirment dansleurs choix stratégiques et dans leursingularité éditoriale. L. B.

Éditions DelatourLe Vallier - 07120 Sampzon

tél. 04 75 93 48 13www.editions-delatour.com

“Musique etcinéma”Conférence de Michel Chion

Puis présentation des ouvragesde Michel Chion (La Musique

concrète, art des sons fixés) et de LionelMarchetti (Haut-parleur, voix & miroir),parus dans la collection « Entre-deux »,en présence des deux auteurs.

Mardi 23 mars, à 18hGrand Amphi de l’université Lumière-Lyon 218, quai Claude-Bernard - 69007 Lyon

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Mômeludies Éditions : éditer la musique de son temps

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Jean-Christophe Michel, Hjördis Thébault etPierre-Yves Pruvost.

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Culture etHôpitalPublié par l’Agence régionale del’hospitalisation Rhône-Alpes, la

Région Rhône-Alpes et la Direction régio-nale des affaires culturelles, Aventures enterres hospitalières – Culture, hôpital etterritoire 2000–2010 retrace dix annéesde cheminement du programme régional«  Culture et Hôpital  », une initiativenationale qui remonte à 1999. Un petitlivre-cahier édité par Lieux Dits, pour unehistoire faite de diversité – des projets,des partenaires, des populations – et desensibilité. Inciter acteurs culturels etresponsables d’établissements de santéà construire ensemble une politiqueculturelle inscrite dans le projet d’éta-blissement de chaque hôpital, telle estl’ambition de ce programme.

Mais au-delà des questions d’objectifs etd’institutionnalisation du travail souventmilitant accompli par certains acteursculturels, ces Aventures en terres hospita-lières retracent avant tout des rencontres.Entre enfants et jeunes polyhandicapés,entre musiciens et psychomotriciens,entre chanteurs et patients, entre dan-seurs « classiques » et danseurs en fau-teuils roulants d’un établissement deréadaptation fonctionnelle… D’après cestémoignages et ces confrontations, onperçoit comment l’action culturelle etartistique en milieu hospitalier estcapable de bousculer quelques frontières,de créer le trouble, permettant aussi defaire évoluer les relations entre soignantset soignés tout autant que les créateursdans leur propre travail.En Rhône-Alpes, où les trois partenairesviennent de signer une nouvelle conven-tion régionale « Culture et Hôpital »2010-2012, qui poursuit les efforts depérennisation des dispositifs dans les

établissements etd’élargissement à denouvelles initiativesà travers un appel àprojets annuel, cesont chaque annéeprès de 50 établisse-ments hospitaliersqui nouent des par-tenariats privilégiésavec des structuresculturelles. L. B.

www.hi-culture.fr

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actualités /bibliothèque

À Bourg-en-Bresse, quatre postesproposent chacun 4 à 5 minutesd’écoute. Le premier a été conçupour les enfants avec trois petitscontes de Georges Sioui (Huron),Anne-Marie Saint Onge André(Innu) et Mimi Barthélémy (Haïti) ;le deuxième a pour thème les« paysages » : on y visitera par lesoreilles des espaces francophonesnon-européens ; le troisième ras-semble des textes d’auteurs de larégion Rhône-Alpes, récemmentenregistrés : Ananda Devi, JoëlBastard, Charles Juliet et Jean-Pierre Spilmont ; le quatrième posted’écoute souligne les échanges

La médiathèque Élisabeth et RogerVailland, à Bourg-en-Bresse, accueillejusqu’au 20 février une expositionsonore,« Voix d’écrivains », conçuepar Annie Toussaint de l’associa-tion Accents graves. Ce projet ori-ginal d’enregistrements de texteslus par leur auteur est né à l’occasionde « Montréal, capitale mondialedu livre 2005-2006 ». Depuis lors, Annie Toussaint voyagedans la francophonie et compose unegalerie de voix et de textes (plus de 180à ce jour). Le dispositif d’exposition estsimple : des bornes composées d’unlecteur, d’un casque et d’un panneauindiquant les noms des auteurs.

entre Rhône-Alpes et le Québec enprésentant des écrivains québécois.Étrange moment ainsi offert : une lec-ture à voix haute par un auteur absent,une écoute solitaire et pourtant offerteau partage, puisque le dispositif estinstallé dans un lieu public. Une belleexpérience que la médiathèque a euenvie de proposer à son public.Une façon aussi d’inviter à poursuivrele dialogue avec les écrivains… dansleurs livres. Marion Blangenois

Voix d’écrivainsMédiathèque Élisabeth et Roger Vailland1, rue du Moulin de Brou01000 Bourg-en-Bressetél. 04 74 24 82 93www.bourgendoc.fr/agenda

coin change et cuisine) et on n’at-tendra que très peu pour assister àl’un des nombreux « racontages »ou ateliers (un départ d’histoire oud’activité tous les ¼ d’heure). Auchoix : raconte-chaussettes, raconte-nounous, lectures à la demande,kamishibaï, ateliers photos de dou-dou avec Cécile Gabriel, expositionde l’imagier « Tout un monde », soi-rée pyjama et spectacles (sur réser-vation) sur le thème de cette année :« La nuit et ses mystères ». Autantd’occasions de montrer que la lecturepeut être vivante et attractive, mêmequand on ne sait pas encore lire. M. B.

Mon p’tit doigt m’a ditdu 3 au 7 févrierSalle Les Pervenches197, rue Curé Jacquier 73290 La Motte-Servolex

Bibliothèque des Deux-Mondes tél. 04 79 25 60 93Mél. biliothè[email protected]

Le salon du livre « Mon p’tit doigtm’a dit » se tiendra du 3 au 7février à La Motte-Servolex (73).Une toute jeune manifestationà double titre, puisqu’elles’adresse aux enfants de 0 à 6ans et fête sa deuxième éditionseulement. L’idée est pourtantnée il y a longtemps, dans leterreau fertile du salon itiné-rant du livre jeunesse organisépar l’Association pour la promotion del’écriture et de la lecture dans les quar-tiers de Chambéry. Mais ce n’est qu’en2008 que ce salon petite enfance voitle jour chez les Motterains.La première édition accueille 3 000visiteurs. Un succès qui encouragela Ville à poursuivre l’aventure maisen « prenant le temps ». L’un desmaîtres mots de cet événement, quis’imagine assez bien en biennaleet se construit à partir de projetsmenés toute l’année par les diffé-rents partenaires : la bibliothèquedes Deux-Mondes, la librairieJean-Jacques Rousseau, le relaisassistante-maternelle, les écolesmaternelles, une kyrielle d’asso-ciations et des artistes.Inutile également de se presserlorsqu’on vient visiter le salon :on profitera tranquillement desaménagements (local à poussette,

Des voix dans la ville

/manifestationLire avec les tout petits

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actualités / librairie

écrits par Roland Tixier. Il dévoileun regard vif sur des chosessimples et fugaces captées aucours des flâneries urbaines del’auteur dans Villeurbanne ouVaulx-en-Velin. En attente, pour cedébut 2010, un recueil de chro-niques humoristiques sur les écri-vains de Christian Cottet-Emard.Enfin, il faudra un peu de patiencepour découvrir le grand projetauquel travaillent actuellementJean-Jacques Nuel et RolandThévenet : une anthologie de lapoésie lyonnaise depuis le XVIe siècle.Émilie Pellissier

Roland TixierSimples ChosesÉditions Le Pont du Change80 p., 13 €, ISBN 978-2-953425-90-1

http://lepontduchange.hautetfort.com

En 2009, Jean-Jacques Nuel a créé àLyon, sa ville natale, les éditions Le Pontdu Change – un clin d’œil au premierpont bâti sur la Saône, aujourd’huidisparu, qui partait de la place duChange, au cœur du Vieux Lyon.Auteur de poèmes, d’aphorismes, denouvelles et de récits depuis une tren-taine d’années, Jean-Jacques Nuel sou-haite se consacrer à la littératurecontemporaine, avec une forte orien-tation « poésie », mais aussi rééditerdes œuvres du domaine public, aurythme de trois à cinq ouvrages par an.Le premier de ces livres, qui seronttous de petits formats, est paru enaoût et regroupe une suite de haïkus

Tatulu, c’est unenouvelle librairiespécialisée pour lajeunesse, mais c’estaussi une belle his-toire. Récit.

L’histoire de Tatuludébute comme un

conte de fées. Nathalie Gerbault,globe-trotteuse et ex-bibliothécaire,rêve depuis longtemps d’ouvrir unelibrairie jeunesse. Une étude de mar-ché lui confirme que son projet peuttrouver sa place à Annemasse.Lorsqu’elle visite une boutique defleuriste en vente (50 m2 avec uneréserve de 20 m2), un local en par-fait état dans une zone piétonneface à l’Hôtel de Ville, elle n’est pasen mesure de faire une offre etexplique à la commerçante qu’elledoit d’abord vendre son propreappartement. Cette dernière devientalors sa bonne fée en le lui achetant…Un emprunt (30 % du coût total), uneaide à l’informatisation de la DRAC

Une nouvellemaison à Lyon

Rhône-Alpes, et leprojet devient réa-lité. Ouverte depuisle 17 octobre 2009,la librairie Tatulu(formule québécoisepour L’as-tu lu ?) aatteint ses premiers

objectifs, en partie « grâce à lapromotion dont je bénéficie de lapart de mes anciens collègues »,explique la libraire. Mais un autreaspect du projet est en phase dedéveloppement. La constitutiond’un fonds dédié aux handicapsviendra s’ajouter aux 5 300 réfé-rences de départ avec, dès cedébut d’année, des livres des édi-tions Pirouette, spécialisées dansles ouvrages didactiques et les jeuxéducatifs. Par ailleurs, la librairieorganisera bientôt ses premièresanimations à destination des élèvesde l’Institut médico-éducatif de laville ; le magasin, conçu pour leshandicapés, bénéficie d’une ramped’accès. Nathalie Gerbault soulignequ’elle aimerait vraiment expéri-menter un concept de librairie pourtous les enfants… Fabienne Hyvert

Librairie Tatulu6, passage Jean-Moulin74100 Annemassetél. 04 50 84 72 42

Service juridique,j’écoute…Depuis le début de l’année, le servicejuridique mis en place par l’ARALDavec le soutien financier du Conseilrégional, à destination des profes-sionnels du livre qui ont leur siègesocial ou administratif, leur lieu de

travail ou leur domicile en Rhône-Alpes,a franchi une nouvelle étape. En effet,outre la possibilité de consulter un avo-cat gratuitement et sans se déplacer, afind’obtenir une information sur le droitapplicable à un sujet lié à leur activité,les professionnels peuvent désormaisinterroger en ligne une base d’informa-tions juridiques. Celle-ci rassemble desquestions-réponses relatives au droit dulivre et rédigées par deux avocats. Cettebase de données, qui est mutualiséepar l’intermédiaire de la Fédérationinterrégionale du livre (FILL), comporteégalement les questions-réponses del’Agence régionale pour le livre deProvence-Alpes-Côte d’azur.

En tout, ce sont près d’une centaine defiches qui sont en ligne, et qui concer-nent le droit du livre et de l’écrit, la pro-priété littéraire et artistique, l’économiedu livre, les contrats, Internet…« Comment distinguer la diffamationde l’injure ? », « Quelle protection pourles personnages d’œuvres littéraires ? »,« Qu’est-ce qu’une société de gestion col-lective ? », « Puis-je utiliser un extrait detexte sans autorisation ? », « Un auteurpeut-il être privé du droit d’agir en contre-façon pour protéger ses créations ? »,« À partir de quand un ouvrage est-il consi-déré comme épuisé ? », « Peut-on répondrecollectivement à un appel d’offres ? »,« Dois-je faire un contrat pour céder mesdroits sur un texte ? », « Peut-on avoirun droit de réponse sur Internet ? »…L’ampleur des sujets abordés est à lamesure du champ d’activités couvert parla chaîne du livre dans son ensemble. Depuis son ouverture, le service juridiquea déjà permis de répondre à plus dequarante questions. L. B.

www.arald.org/sjuridique.php

En 2010, les Éditions Mosquito fêtentleurs 20 ans et, à cette occasion,Michel Jans, leur responsable, fait lechoix d’élargir son champ de publica-tion en démarrant une collection jeu-nesse intitulée « Lily Mosquito ».Le premier titre, Les Pixels : Chasseursde monstres, nous fait découvrir denouveaux personnagescréés par le célèbre auteurbelge Marc Wasterlain.Pour débuter leurs aven-tures, les Pixels, c’est lenom de ces trois jeunesgens, partent chasser desmonstres en Afrique.Dans cette collection,

afin de ne pas surcharger le rythmeannuel des parutions de Mosquito,chaque auteur est tenu de ne propo-ser qu’un seul livre par an. Le prochainWasterlain ne paraîtra donc qu’enjanvier 2011. Mais le travail est déjàen cours pour les deux prochainstitres de cette année, avec deux

jeunes auteurs-illustrateurstalentueux, Capucine Mazilleet Félix Sintes. É. P.

Marc WasterlainLes Pixels : Chasseurs de monstresÉditions MosquitoCollection « Lily Mosquito »48 p., 13 €ISBN 978-2-352830-36-8

Première BD jeunesse chez Mosquito

/édition

Naissance de Tatulu à Annemasse

Une librairiepour tous lesenfants

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zoom /revues

imaginaires » rassemble les visions etles interprétations de 150 artistes dumonde entier à partir d’un relevé desfaçades de la cathédrale de Grenoble.Les 150 œuvres produites sont pho-tographiées et projetées sur les 600 m2

de la façade, renouvelant totalementson caractère et le regard sur cetédifice du centre-ville. Une façond’ouvrir les yeux sur le caractère deplus en plus hybride de l’identité d’unlieu, d’une ville, d’une mémoire, et deconstituer un réseau mondial d’artistesallant bien au-delà de l’occident.Un projet qui, se rappelle PhilippeMouillon, « a suscité relativementpeu de curiosité de la part des villesfrançaises, mais au contraire unimmense intérêt d’un certainnombre de mégalopoles du mondeentier ». Résultat, les projets semultiplient pendant vingt ans àVancouver, São Paulo, Johannesburg,Rio de Janeiro, Sarajevo…Toujours, il s’agit de scruter lesidentités locales à l’aide de regardscroisés, lointains et proches, deréinventer des projets artistiquesà partir des caractéristiques et desréalités historiques et sociales desvilles, d’inviter des artistes, desécrivains (Chamoiseau, Kourouma,

La revue s’intitule Local.Contemporain. Créée en 2004à Grenoble par le plasticienPhilippe Mouillon et la photo-graphe Maryvonne Arnaud, ellepoursuit une réflexion surl’identité urbaine, proposant unregard sur le local porté à partirdu monde entier. « Foules » est lethème du dernier numéro.

Avant Local.Contemporain, il y a leLaboratoire… Un lieu de ren-contre et d’expérimentation créépar le plasticien Philippe Mouillonet la photographe MaryvonneArnaud en association avec deschercheurs préoccupés par l’espaceurbain et désireux de travailler sur cematériau en constante mutation.Nous sommes en 1985 et l’ondécouvre alors les « quartiers sen-sibles », les questions de mixité,toujours d’actualité. Pour PhilippeMouillon, les prémices d’une révolu-tion sociétale qui font qu’à l’identitélocale se substituent de plus en plusdes identités planétaires. Un regardvisionnaire qui déclenche la premièreœuvre autour de ce carambolageentre les imaginaires du monde etl’identité locale. En 1989, « Façades

Kadaré…), des scientifiques, à réfléchir,dans des projets souvent monumen-taux, à « des identités qui ne se résu-ment plus à l’ancrage atavique, mais aumouvement, à l’échange, au partage. »

Laboratoire de revue

Local.Contemporain, c’est un peucette même démarche, mais à l’envers… « Il s’agit de participer à laréflexion et à l’innovation urbaines ense concentrant sur un territoire hyper-local et sur le quotidien le plus banal,à travers des regards d’une grandediversité », explique Philippe Mouillon.La revue, centrée sur l’agglomérationgrenobloise, se situe donc à mi-che-min entre le champ artistique et lechamp de la recherche, s’essayant àconfronter l’artiste contemporain avecdes chercheurs fondamentaux. Elleest publiée en partenariat avec laConservation du patrimoine de l’Isère.« Notre volonté est de forcer de nou-veaux regards et de nouvelles représen-tations, de fabriquer de l’intranquillitédans la compréhension », poursuit leresponsable de Local.Contemporain.Après « Le précaire, questions contem-poraines », le dernier numéro de larevue s’intéresse aux « Foules », un

BBF : le retour !Depuis septembre 2009, l’équipedu Bulletin des bibliothèques de France est rassemblée àVilleurbanne, au sein du service deséditions de l’École nationale supé-rieure des sciences de l’information

et des bibliothèques (ENSSIB).Publication bimestrielle créée en 1956,le Bulletin des bibliothèques de France,revue professionnelle qui rassembledossiers thématiques, études théo-riques, débats, points de vue, cahiercritique, a regroupé son administra-tion et sa rédaction à l’ENSSIB. Avecun nouveau rédacteur en chef, YvesDesrichard, également responsable duservice des éditions de l’École qui sonten train de faire peau neuve, le BBFpoursuit sa réflexion sur le monde desbibliothèques et leur environnementculturel, social, éducatif et politique.Forte de ses 1 500 abonnés (pour 2 200exemplaires), la revue est intégrale-ment disponible en ligne (depuis 2004),accompagnée d’un e-dossier avec unesélection de sites et de ressources enligne traitant du thème du dossier. Enoutre, depuis 2009, la collection numé-risée du BBF est intégrée à la biblio-thèque numérique de l’ENSSIB.Les thèmes de l’année 2010 du BBFsont les suivants : «  Religions enbibliothèques », qui vient de paraître,« Urgences territoriales », « Le conceptde collection  », «  Évaluations  »,« Pratiques socioculturelles », « La biblio-thèque vue par ses usagers, même ».

http://bbf.enssib.fr

certain mode d’« exister ensemble »,moment de collectif et d’échangeentre corps et lieu. Avec des contribu-tions de Daniel Bougnoux, Jean-PierreChambon, Luc Gwiazdzinski, BernardMallet, Henry Torgue…, ce numéro 5reste relativement grenoblois, mêmesi les photographies de MaryvonneArnaud proposent un étonnantvoyage à travers les foules (les com-portements, les rapports sociaux) ras-semblées dans de nombreuses villes.Cherchant à prolonger la réflexion surcette thématique engagée dans cenuméro, le Laboratoire proposeraprobablement un événement artis-tique en 2010. Un nouvel élémentpour aller un peu plus loin dans cettecourse contemporaine et salutaire àla représentation du monde. L. B.

Local.Contemporain - « Foules »82 p., 10 € 1 500 exemplairesDiffusion : Harmonia Mundi

www.lelaboratoire.netwww.local-contemporain.net

Artistes + chercheurs = le Laboratoire

Identités locales, identité planétaire

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livres & lectures /romans

l’un des personnages). Michel Arrivésait aussi trouver sa singularité. Làoù Perec visait à décrire quasiexhaustivement la vie d’unimmeuble, Arrivé se concentre surquelques occupants dont il mêlesavamment les trajectoires.Il y a d’abord le bien nommé JoëlEscrivant, que l’on peut considérercomme le narrateur du livre. Unretraité qui s’est mis en tête d’écriresur les qualités et les turpitudes de sesvoisins. Las, il est perturbé par uneobsession maladive et n’a de cesse decompter les lettres de son manuscrit.Jusqu’au moment où il se rendcompte qu’une partie de ces signesdisparaissent…Mais il n’est pas le seul à écrire danscette bâtisse… Un jeune hommefaussement benêt, élevé par ses deux

Un bel Immeuble, dernier romande Michel Arrivé, nous trans-forme en concierge de haut-vol,n’ignorant rien de la vie des habi-tants d’un immeuble parisien.Jubilatoire.

Évidemment, la référence à La Viemode d’emploi de Georges Perec estinévitable pour qui veut parler dudernier ouvrage de Michel Arrivé.Son Bel Immeuble suit la trace ini-tiée par l’illustre écrivain. Il nousplonge en effet dans la vie des habi-tants d’un bâtiment de la banlieueparisienne, à Montrouge, décortiqueleurs habitudes aussi bien que leurspensées secrètes. Mais il n’a pas àrougir de ce rapprochement ouli-pien (d’ailleurs revendiqué dans leroman puisque Perec est cité par

vieilles tantes infirmes, adécidé de raconter sa vie.Projet partagé bientôt parun autre locataire, le docteurMénétrier, un homme rendudangereux par les incartadesamoureuses de sa ravissanteépouse. À ce joli petitmonde s’ajoutent une suc-cession de concierges, unvieil aristocrate désargenté,de jeunes tourtereaux etd’autres personnages faus-sement ordinaires. MichelArrivé les décrit avec unhumour malicieux et pers-picace en passant habile-ment de l’un à l’autre. Letout jusqu’à un final haletantqui vient couronner la réussitede ce roman. Nicolas Blondeau

avec crudité et poésie les élans ducorps, les dommages collatéraux dudésir et la transcendance par le sexe,dans des lettres d’une grandebeauté qui savent éviter les clichéspour se placer du côté de la sensa-tion, du charnel, et, simplement, del’amour. Entamée comme un jeu lit-téraire entre deux écrivains, cettecorrespondance prend petit à petitpied dans la réalité, avec les enjeux

Dans L’Absence d’oiseaux d’eau,Emmanuelle Pagano repousse unpeu plus les limites de l’autofictionavec un roman épistolaire amou-reux (et érotique) à sens unique.Dérangeant et magnifique.

Les détracteurs de l’autofiction et dela littérature française dite nombrilisteauront du grain à moudre avec le nou-veau roman d’Emmanuelle Pagano,qui donne un livre d’une grande inti-mité où s’entremêlent de manièreinextricable l’écriture et la vie :« Tout est vrai dans mes livres. La fic-tion n’est que dans l’assemblage. Ellecolle ensemble des morceaux de réelhétéroclites que je trouve autour demoi », dit-elle pour justifier l’incur-sion dans sa vie privée et l’absencenécessaire d’autocensure. Un romanépistolaire, dans lequel l’auteurdonne à lire les missives qu’elleenvoie à un mystérieux amant, dis-paru en emportant avec lui sespropres lettres de réponse. De cettecorrespondance à sens unique naîtla chronique d’une relation passion-née, faite d’abord de fantasmes etde mots, puis de chair et de peau.L’écriture d’Emmanuelle Pagano dit

inhérents aux relations adultérineset secrètes : le rapport aux enfants,la culpabilité, l’impossible réserve…On comprend le titre énigmatiquedonné à ces liaisons dangereusesdans le dernier chapitre, magni-fique, de ce livre, où l’on retrouve laradicalité, la singularité et la forcedu style d’Emmanuelle Pagano,lorsque l’auteur de ces lettres com-prend l’absence de l’amant à l’auned’une balade en forêt marquée parle silence des bêtes : « L’absence d’oi-seaux d’eau, leur silence, m’a aidée

à comprendre. Tu n’es pas là, tun’as jamais été là, et si je mepromène, même avec mon petitgarçon, le paysage n’existe pas,il est faux. Un lac, deux lacsmême, une étendue d’eau sansbruits d’oiseaux, sans canards,sans clac-clac-clac, sans frotte-ments d’ailes, sans ébroue-

ments de plumes,ça n’existe pas.C’est juste unecarte postale, justeun décor de livre. »Yann Nicol

Emmanuelle PaganoL’Absenced’oiseaux d’eauP.O.L296 p., 18 €ISBN 978-2-84682-447-7

FantaisienipponeMieux vaut ne pas chercher dansRococo Tokyoïte une narration bienordonnée et une description du Japonfaçon carte postale. Rien de cela dansce court roman de Clément Bulle. C’estplutôt une sorte de conte cruel, où secroisent des personnages improbablesanimant une histoire à dormir debout,menée à deux cents à l’heure. Ony rencontre un ex-amateur français deconcrétions métalliques enlevé dès sonarrivée au Japon pour être transforméen espion modèle ; une courtisanefriande de membres humains qu’elles’autogreffe après avoir mis à mort sesvictimes ; ou encore quelques Yakusasexperts en tortures. Tout ce petitmonde évolue dans un Japon inhospi-talier et gris. Un univers surprenant quimérite d’être découvert. D’autant qu’ilest porté, emporté même, par l’écriturede Clément Bulle. Avec sa phrase soi-gneusement chamboulée, multipliantles jeux de mots, elle se met au dia-pason de cette ambiance étrange,comique et poétique. N. B.

Clément BulleRococo TokyoïteÉditions À plus d’un titre108 p., 12 €ISBN 978-2-91748-612-2

Emmanuelle Pagano : un roman d’amour épistolaire

Liaisons dangereuses

Michel ArrivéUn bel immeubleChamp Vallon224 p., 17 €ISBN 978-2-87673-522-4

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Michel Arrivé : écriture à tous les étages

Le bel immeuble, mode d’emploi

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livres & lectures /science-fiction

Dans Très loin de la Terre, ce n’est pasmoins de trois romans d’Andrevon quisont réédités, des space operas datantdu début des années 70 où l’écrivainfait ses games… pardon, ses gammes.Celui qui se définit comme « un enfantde la guerre chaude (1939-1945) », « unenfant de la politique, la vraie, celle quivous broie », reste fasciné par le thèmedu voyage dans le temps (s’il ne l’a pasinventé, il n’a cessé de l’aborder soustous les angles). On ne s’étonnera pasdu soin apporté au portrait deH.G. Wells qu’il dresse dans sonessai le plus récent, une attentionqui confine à l’empathie.« Je ne cherche pas à faire passer arti-ficiellement un message, le messagese trouve dans l’acte d’écrire, dès lapremière ligne. ». Dont acte. Resteque construire des anticipationshumanistes ne conduit pas forcé-ment à l’élaboration de romans opti-mistes. Jean-Pierre Andrevon est lepremier conscient de ce paradoxe, lepremier concerné. Frédérick Houdaer

Il y a toujours une actualitéAndrevon… Chaque mois, ou presque,voit la publication d’un inédit de cetauteur, ou la réédition de textes plusanciens. On ne s’en plaindra pas. Qu’ils’agisse d’une anthologie de nouvellesécrites sur quarante ans comme C’estun peu la paix, c’est un peu la guerre,sortie fin 2009, de Nouvelle Aurore, unroman de science-fiction pour la jeu-nesse, ou d’un formidable essai auxMoutons électriques sur les invasionsmartiennes baptisé Guerre desmondes !, Jean-Pierre Andrevon multi-plie les excursions dans l’imaginaire.Pourtant, il reste aisé de reconnaîtreses thématiques les plus personnelles,celles qui le structurent : les rêves(puisque les rêves structurent), la guerre(celle d’Algérie l’a marqué), l’écologie(bien avant que cela soit à la mode, ilse qualifiait lui-même de « Khmervert »). Et étonnamment, l’auteur deGandahar affirme, dans la postface del’un de ses ouvrages, que sa vocationpremière était le dessin* !

* En 2008, Jean-Pierre Andrevon a notammentfait paraître un recueil de dessins d’humourintitulé Au pied de la lettre aux ÉditionsLangage-Tangage, maison créée par DanielleHelme à Grenoble.

Jean-Pierre Andrevon, Guerre des mondes !(Les Moutons électriques Éditeurs, coll.« Bibliothèque des miroirs », 198 p., 19 €) ;C’est un peu la paix, c’est un peu la guerre(Éditions La Clef d’argent, coll. « KholekTh »,166 p., 12 €) ; Très loin de la Terre (Bragelonne,coll. « Les trésors de la SF », 650 p., 25 €),Nouvelle Aurore (Mango, coll. « Autres mondes »,180 p., 9 €).

un ersatz de famille, avec un souvenirsuffisamment précis du monded’avant pour savoir que la lecture etla culture peuvent leur rendre un peud’humanité. Quelques adultes mili-tent clandestinement et organisent lalutte. La grève générale se déclenche.Le monde est prêt à rebasculer.À travers une intrigue prenante etparfois violente, prodigue en émo-tions, Les Enfants-rats cherche àéveiller la conscience politique deslecteurs adolescents. Résolumentoptimiste malgré son arrière-plan

catastrophiste, ceroman citoyen célèbrel’engagement et lasolidarité. Et surtout,l’écrivain appelle à lavigilance, pour qu’en2025 notre mondene ressemble pas à lafiction. Myriam Gallot

Françoise JayLes Enfants-ratsPlon jeunesse. À partir de 12 ans218 p., 13 €ISBN 978-2-259-21096-6

Défaites vos jeuxAu menu de ce volume de YellowSubmarine (livre-revue de réfé-

rence en matière d’étude sur lascience-fiction), l’examen de cedomaine culturel à part entière qu’estle jeu. Ils ne sont pas trop d’unedizaine pour explorer cet universincroyablement riche, pour désamor-cer les malentendus nombreux quil’accompagnent (surtout en France).Les contributions sont signées desmeilleures plumes des Moutons Élec-triques (Colin, Calvo, Jaworski). Des cher-cheurs et des spécialistes des jeux se joi-gnent aux romanciers pour remettrequelques pendules à l’heure, citer Worldof Warcraft au côté de Roger Caillois,détricoter l’historique du wargame,rappeler que ceux qui dénoncent ladangerosité du jeu de rôle sont lesmêmes qui mettaient à l’index leroman il y a quelques générations decela. Et si Yellow submarine était lameilleure revue politique de France ?F. H.

YellowSubmarine « Jeu est unautre »MoutonsélectriquesÉditeurs188 p., 20 €ISBN 978-2-915793-75-8

Vraoum !Catalogue d’une exposition orga-nisée à La Maison rouge, de maià septembre 2009,Vraoum ! mettait enprésence deux centsplanches originalesparmi les plus célèbresdu 9e art et une cin-

quantaine d’œuvres d’artcontemporain, pour unface-à-face détonnant. Lecatalogue, plein d’invention,constitue une magnifiquetrace de ces rencontres, quibrouillent allègrement les

hiérarchies et confèrent à la planchede bande dessinée le statut d’œuvre.Emprunts des artistes à la bande des-sinée, correspondances, explorationsthématiques des œuvres et des styles,

Vraoum ! balaie les fron-tières et inscrit la bandedessinée dans sa dimen-sion artistique. L. B.

Vraoum !Trésors de la bandedessinée et artcontemporainFage Éditions224 p., 35 €ISBN 978-2-84975-168-8

La loi des égoutsFrançoise Jay n’y va pas par quatrechemins quand elle se lance dans l’an-ticipation. Voici ce que pourrait deve-nir notre société en 2025, si l’on n’yprend garde : certes, les moyens detransport polluants ont enfin été sup-primés au profit d’« aérosolos » utili-sant les énergies propres, mais parailleurs, c’est le désastre. La précaritésociale est presque devenue unenorme, tant se multiplient les chô-meurs, exclus de toute protectionsociale. Nombre d’enfants, abandon-nés, vivent dans les égouts, rassem-blés en hordes et livrés à la brutalitéet à l’ignorance, à tel point qu’on lesappelle les « enfants-rats ». Une régres-sion sociale spec-taculaire dans unmonde cauchemar-desque, où l’État nesait intervenir quepar la répression, auservice des nantis.Au milieu de cechaos surnage unefragile bulle dedouceur. Quelquesenfants échappentaux hordes et créent

Jean-Pierre Andrevon, pas si loin de la Terre

Témoin du futurAvis d’excursion dans l’imaginaire… Retour sur quelques livresrécents de Jean-Pierre Andrevon, omniprésent sur la scène de lascience-fiction française.

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CRITÈRES ÉDITIONS

Petites Déesses etpetits dieuxd’Isabelle SimonUn album composé parl’illustratrice et plasticienneIsabelle Simon avec septenfants. Chacun a piochédes éléments dans la nature pour fabriquerdeux statuettesanthropomorphes. Entretrophées et fétiches, cespetits dieux imaginairespeuplent nos forêts, plageset champs, et portent desnoms mystérieux tels queKaliéri ou Youyouyou. À recopier !

collection Matin bleu64 p., 20 €ISBN 978-2-917829-13-4

ELLUG (ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET LINGUISTIQUES DE L’UNIVERSITÉDE GRENOBLE)

Roger Martin du Gardet le biographiquede Jean-François Massol et Hélène Baty-DelalandeDans ses multiples rapports à la question du biographique, l’œuvre

ENS ÉDITION(ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURELETTRES ET SCIENCES HUMAINES)

Elizabeth CadyStanton : Naissance duféminisme américain à Seneca Fallsde Claudette Fillard, trad. et prés.Cet ouvrage présente pourla première fois en françaisdes textes qui relatent lanaissance du féminismeaméricain et, avec lui, leparcours d’Elizabeth CadyStanton pour l’affirmation et la conquête des droits de la femme aux États-Unis.

217 p., 23 €ISBN 978-2-847881-79-0

Un cadavreà la pageLe Petit Bossu, conte des Mille et UneNuits peu connu si on le compare àAladin ou Sinbad, avait fait l’objet,en 1980, d’une édition séparée, dansla traduction de Galland, chezGallimard Jeunesse – on était alorsau début de l’ambitieuse collectionFolio Junior lancée par PierreMarchand. Les Éditions du Sorbieren proposent aujourd’hui une adap-tation éclair qui, par sa concision,rend la mécanique des péripétiesassez drôle. Un bossu, accueilli àdîner par un tailleur, s’étrangle enavalant une arête. Par peur d’êtrependu, le tailleur se débarrasse du

mort chez son voisin, le médecin juif,qui, persuadé à son tour de l’avoirtué, fait de même avec son voisin, lemarchand musulman, qui l’aban-donne à un marchand chrétien,jusqu’à ce que la police du Sultanintervienne… Sébastien Mourrain,illustrateur lyonnais, joue très bienl’exercice de style pour un sujet quel’on a rarement l’occasion de voirdans les albums jeunesse : représen-ter un soi-disant cadavre à chaquepage, et un bourreau frustré de nepouvoir trouver le bon candidat à lapendaison… A.-L. C.

Sabine du FaÿIllustrations de Sébastien MourrainLe Petit BossuLe Sorbier

28 p., 13,50 €

ISBN 978-2-7320-39-51-0

Dans l’encre de la forêt

Grimm faisant autorité – il a d’ailleursfallu attendre l’édition José Corti,publiée à l’automne dernier, pouravoir enfin l’intégralité des Kinder undHausmärchen en français. Oublié desrecueils, celui-ci a connu une plusgrande fortune en édition séparée,mais comme adaptation. On est doncd’autant plus sensible au rythme, à laprécision et au geste d’épure de la tra-duction de Jean-Claude Mourlevatqu’elle semble répondre à deux défis :rendre hommage à la langue desfrères Grimm pour un auteur pétri decontes ; et se couler dans le mouled’une mise en page contraignante quialterne, de manière draconienne, unedouble page d’illustration avec unedouble page de texte.En rendant la ponctuation du textepar l’image si pointue, en jouant ducontraste entre le blanc du texte (sic)et le noir de l’image, le sentiment depeur et son effet cathartique en sor-tent renforcés : un vrai cheminementde conte, au plus proche du plaisir delecture. Anne-Laure Cognet

Jacob et Wilhelm GrimmHänsel et GretelIllustrations de Lorenzo MattottiTraduit de l’allemand par Jean-Claude MourlevatGallimard Jeunesse52 p., 17 €ISBN 978-2-07-062562-8

Après Anthony Brown, LisbethZwerger, Kveta Pacosvkà ou SusanneJanssen, l’artiste Lorenzo Mattottinous livre sa vision du conte Hänselet Gretel des frères Grimm. Surprise :il n’y emploie nulle couleur, nul décorsurréaliste, nul personnage fantas-tique, pourtant marques de son style.Dans des entrelacs d’encre de chine,noire, très noire, uniquement noire,représentant taillis, troncs et fourrés,on devine deux enfants perdus, livrésà la peur et à la solitude, se détachantà peine d’un contre-jour timide ou fai-blement éclairés par les flammes d’unfeu. Ces magnifiques tableaux sontnés d’une commande du New Yorkerà plusieurs illustrateurs, à l’occasiond’une exposition sur Hänsel et Gretel ;ils faisaient suite, pour Mattotti, à untravail sur la forêt, en noir et blanc, quiexplique certainement la fulgurancede son interprétation radicale.Jean-Claude Mourlevat signe une tra-duction aussi claire et lisse que lesillustrations de Lorenzo Mattotti peu-vent être sombres et mystérieuses.Et ce n’est pas rien, dans un pay-sage éditorial où une traductionintégrale de Hänsel et Gretel est plusrare qu’il n’y paraît. En effet, ce conten’a pas été choisi pour figurer dansles principaux recueils des contes de

livres & lectures / jeunesse

nouveautés des éditeurs

Hänsel et Gretel, le conte des enfants perdus revisité par LorenzoMattotti, avec une traduction de Jean-Claude Mourlevat

monumentale de Martin du Gard est un cas exemplaire.Entre éthique du retrait etrequalification de l’intime en document pour la postérité,les textes rassemblés icitémoignent d’une volonté de l’écrivain de jouer desstructures biographiques.

163 p., 16 €ISBN 978-2-82-843101-52-6

FAGE ÉDITIONS

BornéoLa Mémoire des grottesde Luc-Henri Fage ; Jean-Michel ChazineCe beau livre, richementillustré, plonge le lecteur

dans une aventurescientifique et humainehors du commun, sur lestraces des populationsanciennes de Bornéo,troisième île du monde ensuperficie, partagée entrel’Indonésie et la Malaisie.

176 p., 35 €ISBN 978-2-849751-47-3

Page 10: Mise en page 1 - Auvergne Rhône-Alpes - Livre et lecture · illustrée de Premier de cordée, roman fondateur de Frison-Roche, c’est une sorte de retour aux sources que se sont

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

Sexe ! Le Trouble du hérosd’Alexandre MareQuel rapport entretiennentnos héros, humains ou non, à la sexualité ?L’analyse d’exemples aussi divers que celui desSchtroumpfs, de King-Kongou des Marx Brothers, laisse entrevoir des réalitéscocasses et parfoiséclairantes.

collection Bibliothèque des Miroirs230 p., 19 €ISBN 978-2-915793-91-8

PUBLICATIONS DE L’UNIVERSITÉ DE SAINT-ÉTIENNE

Jaime Siles. Une poésiede la pensée et unepensée poétiqued’Idoli CastroSpécialiste de poésieespagnole contemporaine,Idoli Castro place laphilosophie au centre de sestravaux. L’auteur analyse leprocessus créatif de JaimeSiles, entre abstraction etsensualité, mais toujoursancré dans le corps du texte.Les concepts de temps etd’espace s’y articulent etdévoilent une réflexionontologique sur l’homme.collection Les Scripturales220 p., 24 €ISBN 978-2-86272-530-7

PUG (Presses universitairesde Grenoble)

Les Écrits à Lyon au XVIIe siècle : Espaces,échanges, identitésd’Anne BéroujonCette enquête très biendocumentée présente unintérêt évident de par ses

lettres qui témoignentdes bouleversementspsychologiques quiaffectent leur auteur aufil de ses changementsde statut et notammenten tant que prisonnierde guerre.

328 p., 25 €ISBN 978-2-354110-20-8

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regard

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image, pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailLe pape et sa filleFin septembre 1985 : je rentre à l’école des Beaux-arts de Chalon-sur-Saône. Pour la première fois, je suisseule dans une ville que je ne connais pas. Je vaisdormir pendant un an dans un foyer catholique,avenue Nicéphore Niepce, avec comme seulcolocataire Aldi (mon hamster). J’ai seize ans.Ce matin de rentrée, il fait gris et j’ai froid. Noussommes une vingtaine à regarder nos piedslorsque le directeur nous présente l’école. Aprèsavoir visité les salles – de sculpture, gravure, pein-ture et dessin –, nous voici dans une toute petitepièce : la bibliothèque. Enfin, la véritable biblio-thèque, c’est une armoire avec une trentaine delivres à l’intérieur, tous un peu défraichis.Le directeur nous propose d’emprunter un livre.J’en choisis un avec des images, un gros. J’aime lapeinture en couverture, mais je ne connais pas cetartiste (il s’appelle René Magritte). Le titre de l’ouvrage :Le Surréalisme. Le directeur me demande si je connaisce mouvement artistique et je lui réponds que, non, jen’en ai jamais entendu parler. Il me prend le livre desmains, l’ouvre et me montre la photographie d’un visageen noir et banc, en me disant : « Cet homme, c’est AndréBreton, le pape du surréalisme. » En dix minutes, je viensd’apprendre que dans le monde des arts, il y a des mouve-ments et un pape ! Et le pape n’a pas l’air commode.

Retour en arrière : en juillet 1951, Aude B. a 16 ans, elle aussi. Les notes deson dernier bulletin sont très loin de celles que son père attendait. Il estvrai qu’elle est la première en anglais et en dessin, mais 7e en français, 9e

en mathématiques et 15e en histoire sur 16 élèves. Dans lalettre que lui envoie son père, le 5 juillet de Saint-Cirq,

il trouve cela tout à fait déplo-rable. Il lui parle plus attenti-vement, plus sérieusementqu’il ne lui a peut-être jamaisparlé : « Si tu ne prends pasimmédiatement, seule avectoi-même, des mesurespour orienter différem-ment le cours de tes pen-

sées, si tu ne choisispas la difficulté de

préférence à la faci-lité en toute choses,

tu t’apercevras dansun ou deux ans que

c’est là un cours qui nese remonte plus… » Il finit

tout de même sa lettrepar le rituel : « Je t’embrasse

mon chéri. André. »Jusqu’à sa mort, en 1966, cepère inquiet et attentif signeraainsi toutes les lettres et cartespostales envoyées à sa fille.André.Le prénom du pape.

André BretonLettres à AubeGallimard

chronique Géraldine Kosiak 11 /

MUSNIER-GILBERTÉDITIONS

Lettres à Maryse -1939-1945d’Yves GondranReprésentant en modesavant la guerre, puismobilisé, Eugène Gondranécrit, dès qu’il le peut, à safemme Maryse. Son filsregroupe ici plus de 200

PRÉ # CARRÉ

Goutte d’encre sous la languede Michaël Glück« Tu prends », « tudonnes », « tu ne prendsrien », « tu tiens entre tesmains » ce qui « pourraitêtre », car le douteparsème ces paroles,mais ce qui est bien,finalement, un petit écrinde poésie murmurée.

16 p., 5 €ISBN 978-2-915773-33-0

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Lamiel revisitéIl n’est pas toujours aisé de parler d’un romaninachevé, de lui donner un sens, à plus forte rai-son lorsque celui-ci a pour auteur Stendhal etvient après les chefs-d’œuvre que l’on sait(Le Rouge et le noir, La Chartreuse de Parme,Lucien Leuwen). C’est pourtant ce queréussit à faire Yves Ansel, avec sa façonpointilliste, mais jamais pointilleuse, delire Lamiel – sans «  textrapolation »aucune, nous annonce-t-il joliment etd’entrée de jeu, comme pour mieux seconcentrer sur son sujet.En se penchant sur les résonances et disso-nances du texte même, en allant contrôler,vérifier, soupeser ressemblances et diffé-rences avec les romans antérieurs, en allantregarder plutôt deux fois qu’une derrièrele masque des personnages (le chapitre sur

le doctor Sansfin est un modèle du genre…),l’auteur finit par donner un corps – et une âme –à un roman qui n’était pourtant pas réputépour en posséder un(e). Et l’héroïne éponyme(« la fille du diable ») se trouve du même couppresque réhabilitée, sorte de figure moderne

avant la lettre, « irrécu-pérable », « non domes-ticable », qui annoncela Bovary de Flaubert.Une perspective très…séduisante. R.-Y. R.

Yves AnselStendhal littéral LamielEllug214 p., 22 €ISBN 978-2-84310-142-7

Les méditations studieuses de Maître Eckhart

Penser la foiUne traduction remarquable des Sermons pari-siens de Maître Eckhart par Éric Mangin vient deparaître aux Éditions du Seuil. Elle complètel’œuvre du mystique rhénan : au croisement dela théologie et de la philosophie.

Il n’est pas si courant d’entrer dans le laboratoirede pensée d’un homme de foi. C’est aujourd’huichose faite avec ce fort volume des Sermons parisiensde Maître Eckhart, traduit du latin aussi scrupuleu-sement que respectueusement par Éric Mangin, spé-cialiste reconnu de celui qui tint magistère à laFaculté de théologie de l’Université de Paris de 1311à 1313, et qui nous laisse par là un témoignage élo-quent (le mot s’impose) de ce que fut l’enseignementuniversitaire au début du XIVe siècle.

livres & lectures /essais

Sélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pellissier

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Le lecteur découvre au fil des cinquante-sixsermons un esprit doué d’une intelligencesouple et subtile, soucieux et capable d’éclai-rer les grands thèmes de la doctrine mystique(la Nature Divine, l’Incarnation du verbe, le rap-port entre Dieu et l’âme, etc.) d’une lumièreà la fois directe et oblique. On ne s’étonneradonc pas de croiser sur le chemin d’Eckharttant Augustin qu’Aristote, Thomas d’Aquin queSénèque, Plotin et Platon. C’est que tous ali-mentent une réflexion autour du détachementet de l’amour qui ne se veut pas observationsentencieuse mais plutôt méditation stu-dieuse, exégèse sans fin et qui ne constituepeut-être, au dire d’Éric Mangin dans sa pré-face, que « d’infinies variations sur ce qui nepeut être dit ».La figure de Maître Eckhart, dont l’aura philo-sophique n’a cessé de croître au cours dessiècles, au point d’intéresser le courant idéa-liste allemand et d’annoncer, dit-on, la dialec-

tique hégélienne, gagne encore enépaisseur intellectuelle avec l’édi-tion de ces sermons. Ce n’est peut-être que justice pour celui que l’ona pu parfois, ou voulu, mal lire etque l’on appela, non sans raison,« l’esprit central de la spéculationreligieuse du Moyen Âge ». R.-Y. R.

MaîtreEckhartLa Mesure de l’amour.SermonsparisiensTraductioninédite d’ÉricManginÉditions du Seuil466 p., 24 €ISBN 978-2020-993227

nombreuses sources, lestravaux de quelques-unsdes meilleurs historiens dulivre et de l’imprimé, et lalarge définition qu’elle faitde la notion d’écrit. Ellepermet aussi de mieuxcomprendre le rapport àl’écrit des différents publicslyonnais (doctes, marchandset population peu ou nonalphabétisée) à une époquecharnière, celle del’enregistrement, ducontrôle et de l’inflationpaperassière.

collection La Pierre et l’Écrit495 p., 39 €ISBN 978-2-7061-1549-3

ÉDITIONS DESTRABOULES

La Garrigue brûlede Pierre MolaineCe premier roman inéditposthume de Pierre Molaine(1906-2000) livre, comme lesprécédents, des sentimentsviolents. En 1968, unchirurgien en vacancesrédige un journal où semêlent souvenirs de tousordres, rancunes etdérision ; une vie de succèset de désillusions.

collection Romans330 p., 19,50 €ISBN 978-2-915681-90-1

On lira aussi avec intérêtl’analyse d’Éric Mangin surl’intime et l’indicible chezMaître Eckhart paru dansla revue Étvdes et qui vientprolonger fort à proposl’édition des Sermonsparisiens : « MaîtreEckhart et l’expérience du détachement », Études n°4111-2, Juillet-Août 2009.

Florimontane :histoire d’unesociété savante

L’Académie florimontane, société savante annecienne,fut fondée durant l’hiver 1606-1607 ; son activité,vite arrêtée, fut reprise à la fin du XIXe siècle parquatre jeunes érudits : Louis Bouvier, médecin etbotaniste renommé ; Étienne Machard, premier direc-teur de l’usine à gaz d’Annecy ; Jules Philippe, jour-naliste et écrivain, préfet de la Haute-Savoie en 1870,puis député ; Éloi Serrand, épicier puis conservateurdu musée, archiviste-adjoint. Cette équipe voulait serassembler « pour le progrès et l’encouragement dessciences, des arts et des métiers ». C’est avec ferveuret force précision que Bernard Premat, professeurhonoraire de philosophie et secrétaire adjoint del’Académie, décrit les hauts et les bas que traversa cettesociété savante qui regroupe encore aujourd’hui lespassionnés du patrimoine historique de la Savoie. É.P.

Bernard PrematDe l’Associationflorimontane à l’Académieflorimontane. Histoired’une renaissance 1851-2007Mémoires et documentspubliés par l’Académieflorimontane, T.5735 p., 40 €ISBN 978-2-953526-30-1

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sur place

CélébrerChaque année, avec les vœux, onse réjouit de recevoir le calen-drier « officiel » des célébrationsnationales. Un ouvrage sérieuxet de belle facture qui permet dese mettre au goût du jour, par-don, de l’année, question anni-versaires. De naissance ou demort, de ce point de vue là au

moins, il n’y a pas de jaloux. Car leministre de la Culture lui aussi « ima-gine les scrupules et les hésitations duHaut comité des célébrations nationales

quand il procède à la mise au point dela liste officielle des anniversairesque l’État jugera bon de célébrer aunom de tous les citoyens. » Oui, vousaussi… Parmi les inattendus que vouscélèbrerez donc en 2010, la mort deLouis II de Bourbon (1410) tout autantque celle plus violente d’Henry IV(1610), la fondation du PSU (1960) etcelle des URSSAF (1960), mais aussi,plus sportives, l’inondation de Paris(1910) et la découverte de la vallée deChamonix par Horace Bénédict deSaussure (1760), ou plus nostalgique,la fondation du franc (1360)…

Littérairement, on tâchera des’enflammer pour la naissance deMaurice Scève (1510), « presque unmythe poétique » lyonnais, cellesd’Alfred de Musset (1810), JeanAnouilh & Genet + Julien Gracq(1910), et pour la mort de JulesRenard (toujours 1910), celles deCamus et de Saint-John Perse(1960)… Et puis, pleins d’espoir,on attendra 2011 et la prochaineliste de ceux, rarement celles, quiseront à célébrer. L. B.

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

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Tartaras àla récré !Le prix des lycéens et des apprentis rhônalpinsa ceci de bon qu’il conduit à d’improbablesrencontres. Ainsi Alexandre Clérisse, auteur debande dessinée vivant à Angoulême, pensait-ildécouvrir le village de Tartaras, dans la Loire,et faire connaissance avec des jeunes de laMaison familiale et rurale ? Sans doute pas.Nous non plus.

Oui, mais voilà. Sélectionné dans la catégorie bandedessinée du prix 2010, créé l’an passé par le Conseilrégional, Alexandre Clérisse est venu passerquelques jours en Rhône-Alpes pour une série derencontres autour de son deuxième album, Trompela mort. Dernière étape du périple, qui l’aura menédans plusieurs lycées, Tartaras, canton de Rive-de-Gier, Maison familiale et rurale. Un établissement privésous contrat avec le ministère de l’Agriculture, où l’onforme les jeunes aux travaux paysagers et à l’horticulture.La chance est avec nous puisqu’en ce mois de janviercapricieux, la neige a décidé de disparaître en quelquesheures, libérant les routes, laissant le paysage et leshabitants se débrouiller avec toute cette eau. Dans lacour de l’établissement, situé dans un bourg au milieudes champs, des élèves se lancent quelques souve-nirs de boules de neige.L’auteur est chaleureusement accueilli par NathalieKlein et Fabienne Perbet, deux professeurs de françaisqui enseignent ici beaucoup d’autres choses. On prendun café dans la cantine. À midi, ce sera poulet-frites.Les élèves, une vingtaine, patientent dans les chais decette ancienne exploitation vinicole. Première année debac pro « jardins et espaces verts », ils ont entre 17 et20 ans. Des garçons. Ils ont lu les livres en compétition.Les quatre bandes dessinées plus facilement que lesquatre romans. Certains pensent qu’ils ne méritaientpas un tel acharnement de la part de leurs profs…

interventions. On est très loin dudessin technique, que les élèves pra-tiquent et pratiqueront de plus enplus s’ils poursuivent dans leur voie,mais on en est aussi tout près.L’échange s’intensifie. La curiositéest grande autour de ces questions– techniques mais pas seulement.On est aussi dans le cœur du sujet.Ceux qui dessinent se découvrentun peu. En fait ce sont les autres quiles y encouragent. Deux élèves ontobtenu il y a peu un 1er prix auconcours du festival BD’Art de Rive-de-Gier. Poussés par leurs profes-seurs, ils iront chercher leurs dessinsun peu plus tard. Clérisse appréciera.Les discussions s’achèvent demanière informelle autour desplanches du dessinateur. On a touscompris à quel point c’est du travailde dessiner – à l’ordinateur ou à lamain –, que l’usage des techniquessignifie quelque chose et qu’il nesuffit pas de crayonner le nez en l’airpendant les cours. Deux heures sontpassées, il y a des remerciements etun peu de bousculade. On file à lacantine où la directrice nous rejoint.Il faut nourrir l’auteur. Le prochain,Iegor Gran, viendra dans deuxsemaines. Une cuisinière et unedame de service, grandes lectrices,participeront à la rencontre avec lesélèves. On va repartir. Le poulet-fritesétait excellent. Laurent Bonzon

Alexandre ClérisseTrompe la mort Dargaud

http://alexclerisse.over-blog.comwww.mfrtartaras.com

Mais jeune comment ?

La première chose qu’ilsont voulu savoir avant lavenue de l’auteur et alorsque Nathalie Klein leurdemandait comment ilscomptaient l’accueillir, c’estson âge. Pourquoi, a-t-elledemandé ? « Parce que s’ilest jeune, ça ira », ont-ilsrépondu.Alexandre Clérisse estjeune. Enfin bientôt trenteans tout de même. Mais onest rassuré car il ne les faitpas. Il évoque son parcoursen zigzag, sa passion dudessin et son lent chemine-ment vers son métier dedessinateur après un BTS

de communication visuelle : « Le dessin, c’était vraimentmon truc… » Les questions ne se font pas attendre. Ellessont directes, précises. On sent les arrière-pensées, dugenre moi aussi j’aime dessiner et ça pourrait m’arriverde faire du zigzag… « Comment vous faites pour l’écri-ture des textes ? Vous avez suivi des cours ou appris sur letas ? » ; « Est-ce que Kubrick et Ptitluc font partie de vosréférences ? » (sous-entendu parce que moi, oui…). Ledialogue se noue. Hésitant, fragile. On a du mal à parlerdu livre. Les enseignantes avaient prévenu. Leurs élèvessont plutôt en difficulté sur les matières générales. Ilsont joué le jeu de la lecture plaisir mais ont du mal àanalyser, à prendre du recul, à creuser. Clérisse n’insistepas. Il a raison. On creusera ailleurs.

Au cœur du sujet

Séquence vidéo-projection. L’auteur a prévu de montrercomment il travaille avec l’ordinateur. Car il dessineavec Illustrator – un logiciel ou un super-héros ? – etPhotoshop. Clérisse explique, compare, suscite les

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Nicolas Blondeau, BrigitteChartreux, Anne-Laure Cognet,Myriam Gallot, FrédérickHoudaer, Fabienne Hyvert,Françoise Jay, Géraldine Kosiak,Yann Nicol, Alban Pauppie,Émilie Pellissier et Roger-YvesRoche.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

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