mise en couple et naissances dans les unions à la réunion

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ESPACE, POPULATIONS, SOCIETES, 2004-2 pp. 221-236 Didier BRETON 1 UFR de Sciences Sociales, Pratiques Sociales et Développement Département de Démographie Université Marc Bloch 27, rue René Descartes 67084 Strasbourg Cedex [email protected] Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion. Une approche longitudinale 1 Chercheur associé à l’INED 2 La mise en union d’une femme est jugée précoce si elle a lieu à un âge nettement plus jeune que celui habi- tuellement observé, par exemple chez les femmes de la même génération. INTRODUCTION L’île de la Réunion est un « bout de France » noyé dans l’océan Indien. Son peuplement est plutôt récent et s’est fait par vagues migra- toires successives en provenance principale- ment d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Inde. La population réunionnaise se caractérise par un métissage ethnique très important. Le modèle démographique réunionnais évo- lue sous la double influence des origines multiples de ses habitants et du très fort impact du cadre institutionnel métropolitain. Ce modèle est de nos jours plus proche du modèle métropolitain que de celui des pays de sa zone d’appartenance géographique : l’océan Indien. Il s’en différencie toutefois par au moins deux caractéristiques connues : une mortalité plus élevée, particulièrement pour les hommes [Catteau, 2001] et une fécondité aux jeunes âges nettement plus éle- vée [Breton, 2004]. Nous nous proposons d’étudier dans cet article les phénomènes liés aux comportements de mise en union obser- vés dans l’île de la Réunion. Étudier les his- toires d’unions qu’elles soient de fait (unions libres) ou de droit (mariages) dans ce dépar- tement d’outre-mer est essentiel pour plu- sieurs raisons : La première est que les mises en union ont historiquement tenu un rôle important dans le «boom démographique » réunionnais de la décennie 1970. La précocité des unions cou- plée à la quasi-absence de mode de régulation des naissances dans les unions expliquent la très forte fécondité observée durant cette période. Le mécanisme est assez proche de celui observé dans certains pays d’Amérique latine à la même période. Il s’agit maintenant de déterminer le rôle joué par les modes de mise en union dans les comportements féconds spécifiques de l’île. La fécondité éle- vée avant 25 ans est-elle liée à une mise en couple précoce 2 aboutissant rapidement à la constitution d’une descendance ? La seconde raison est que l’évolution des comportements de mise en union, de nuptia- lité, de rupture d’union, de divortialité ou

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Page 1: Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion

ESPACE, POPULATIONS, SOCIETES, 2004-2 pp. 221-236

Didier BRETON1 UFR de Sciences Sociales, Pratiques Sociales etDéveloppementDépartement de DémographieUniversité Marc Bloch27, rue René Descartes67084 Strasbourg [email protected]

Mise en couple et naissancesdans les unions à la Réunion.Une approche longitudinale

1 Chercheur associé à l’INED2 La mise en union d’une femme est jugée précoce sielle a lieu à un âge nettement plus jeune que celui habi-

tuellement observé, par exemple chez les femmes de lamême génération.

INTRODUCTION

L’île de la Réunion est un « bout de France »noyé dans l’océan Indien. Son peuplement estplutôt récent et s’est fait par vagues migra-toires successives en provenance principale-ment d’Europe, d’Afrique, d’Asie et d’Inde.La population réunionnaise se caractérise parun métissage ethnique très important.Le modèle démographique réunionnais évo-lue sous la double influence des originesmultiples de ses habitants et du très fortimpact du cadre institutionnel métropolitain.Ce modèle est de nos jours plus proche dumodèle métropolitain que de celui des paysde sa zone d’appartenance géographique :l’océan Indien. Il s’en différencie toutefoispar au moins deux caractéristiques connues :une mortalité plus élevée, particulièrementpour les hommes [Catteau, 2001] et unefécondité aux jeunes âges nettement plus éle-vée [Breton, 2004]. Nous nous proposonsd’étudier dans cet article les phénomènes liésaux comportements de mise en union obser-vés dans l’île de la Réunion. Étudier les his-

toires d’unions qu’elles soient de fait (unionslibres) ou de droit (mariages) dans ce dépar-tement d’outre-mer est essentiel pour plu-sieurs raisons :La première est que les mises en union onthistoriquement tenu un rôle important dans le«boom démographique » réunionnais de ladécennie 1970. La précocité des unions cou-plée à la quasi-absence de mode de régulationdes naissances dans les unions expliquent latrès forte fécondité observée durant cettepériode. Le mécanisme est assez proche decelui observé dans certains pays d’Amériquelatine à la même période. Il s’agit maintenantde déterminer le rôle joué par les modes demise en union dans les comportementsféconds spécifiques de l’île. La fécondité éle-vée avant 25 ans est-elle liée à une mise encouple précoce2 aboutissant rapidement à laconstitution d’une descendance ?La seconde raison est que l’évolution descomportements de mise en union, de nuptia-lité, de rupture d’union, de divortialité ou

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3 Cet indicateur est proche de l’indice conjoncturel deprimo-nuptialité calculé pour la période 1994-1996 à

partir des données de l’enquête famille : 0,70.

PREMIÈRES UNIONS DANS LES GÉNÉRATIONS

1.1. Les premiers mariagesIl y a 20 ans, les estimations issues duRecensement Général de la Population de1982 faisaient l’hypothèse d’un célibat défi-nitif proche de 20 à 25% dans les généra-tions 1950. La baisse de l’intensité de lanuptialité devant s’accompagner, selon cesmêmes estimations, d’un retard du calen-drier [Festy, 1983]. Les données de l’enquê-te famille de 1997 confirment ces prévi-

sions. Le célibat définitif sera légèrementsupérieur à 25% dans les générations 1950-1959 et proche de 30 à 35% dans les géné-rations 19603. Plus d’une femme sur deuxétaient mariées à 24 ans dans les générations1930-1939. Il faut attendre 29 ans dans lesgénérations 1960-1964 (figures 1-1 et 1-2).Au fil des générations l’intensité de la nup-tialité chute considérablement, de moins enmoins de femmes se marient. En revanche,

encore de remise en union illustre les chan-gements de la société réunionnaise et l’in-fluence croissante de la Métropole sur lesmodes de vie de l’île.La troisième raison est que les situations defait sont, à la Réunion plus qu’en Métropole,éloignées des situations de droit. Il est doncdifficile d’observer les histoires d’union àpartir des seules données classiques.L’exploitation de l’enquête famille montrepar exemple que la proportion de couplesséparés, sans qu’un divorce ait été prononcé,est forte à La Réunion. Les indices de divor-tialité classiques sous-estiment ainsi la pro-portion de couples séparés. Il en est demême pour l’analyse des mères isolées aumoment de la naissance qui, pour une partied’entre elles, vivent en réalité en situation decouple.La quatrième raison n’est pas la moinsimportante, il s’agit de combler un certainvide dans la description et la connaissanceapprofondie des histoires d’unions dans cedépartement d’outre-mer. Les phénomènesde mise en union, de séparation ou de remiseen union n’ont, à notre connaissance, jamaisété observés aussi précisément, notammentdans une dimension longitudinale.À l’image de la Métropole, le mariage est deplus en plus souvent précédé d’une périodede vie en union libre pouvant donner lieu àune naissance. Il intervient fréquemmentaprès la naissance d’un premier enfant[Temporal, 2002]. Il naît désormais plusd’enfants hors mariage que d’enfants légi-

times : la proportion des naissances horsmariage est depuis plus de 50 ans plus forteà la Réunion qu’en Métropole (les propor-tions de naissances hors mariage sont res-pectivement de 59,3% en 2000 contre 20%en 1950 à la Réunion contre 42,6% et 10%en Métropole). La Réunion s’approche petità petit des très forts niveaux d’illégitimitéobservés dans les autres départementsd’outre-mer français (notamment la Marti-nique et la Guadeloupe, la Guyane présentedes taux très nettement plus élevés). Auregard des niveaux atteints dans l’île, l’illé-gitimité devient une spécificité domienne.Les données utilisées pour cet article sontdans leur grande majorité issues de l’enquê-te famille Réunion réalisée en 1997(Annexe 1). Cette enquête permet dereconstituer les histoires d’unions et les his-toires fécondes des femmes. Elle est unesource privilégiée pour une approche longi-tudinale. Il faut cependant garder à l’espritles risques de sélections associés à ce typed’enquête. Seules les femmes survivantes,présentes dans l’île et âgées de 15 à 64 ans àla date de l’enquête ont répondu au ques-tionnaire. Un effet de mémoire altère égale-ment les résultats : une femme âgée de 60ans au moment de l’enquête omettra plusfacilement de déclarer une union qu’unefemme âgée de 25 ans. Ceci est d’autantplus vrai si cette union est ancienne, si ellefut de courte durée ou si elle n’a été le ber-ceau d’aucune naissance.

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Sources : Réunion - Enquête famille 1997, Métropole - EHF99

les femmes des générations 1962-1966 quise marient avant 30 ans le font à peine 1 anplus tard que celles des générations 1942-1948 (respectivement 21,5 ans à 22,4 ans).Quelle que soit la génération, c’est entre 20et 24 ans que le nombre moyen de premiersmariages est le plus élevé. Mais à partir de lagénération 1960 le profil de la nuptialité parâge s’aplatit légèrement, signe d’un débutd’allongement du calendrier (figure 1-2).Le recul de la nuptialité concerne en priori-té les femmes des générations 1950-1959.Elles avaient 20-24 ans entre 1970 et 1983,période de la deuxième phase de la transi-tion démographique dans l’île. Le comporte-ment face au mariage évolue peu dans lesgénérations suivantes et se maintient à unniveau très bas.Qu’en sera-t-il dans les générations futures ?Une analyse conjoncturelle à partir durecensement de population de 1999 soulignela relation forte entre la situation précairedes membres du couple sur le marché del’emploi et la probabilité d’être marié. Uncouple dont l’homme est au chômage auraitainsi 50% de chance en plus de vivre enunion libre [Mekkaoui, 2001]. Cette relationentre chômage et forme de l’union, égale-ment observée aux Antilles [Moriame,2002], laisse supposer que le célibat défini-tif devrait atteindre un niveau très élevé dansles générations futures. En effet, les taux dechômage de longue durée et de la forte pro-portion de la population en situation durable

de forte précarité sont parmi les plus élevésde France [Bally, 2003 ; Roinsard, 2003].La précarité économique de nombreuxRéunionnais candidats au mariage ouparents d’enfants en âge de se marier estincompatible avec une cérémonie tradition-nellement onéreuse. Les formes nouvellesde mariages qui se développent actuelle-ment en Métropole avec un effectif réduitd’invités (observées plutôt en milieu urbain)sont très rares à la Réunion et seraient diffi-cilement acceptées. Enfin, si les incitationsfiscales expliquent pour partie le maintiend’un niveau encore élevé de la nuptialité enMétropole, l’effet est beaucoup plus nuancédans un département où une forte proportionde la population est inactive et non impo-sable.

1.2 Début d’union et cohabitationUne période d’union libre n’est associée ni àune situation de droit ni à un événement pré-cis. Elle est déclarée librement par lesfemmes selon des critères aussi variablesque la durée de la période de vie en communou l’intensité de sentiments amoureux. Ladate de début de l’union déclarée ne coïnci-de pas forcément à la date de cohabitation.Elle peut également être associée à la pre-mière rencontre ou à celle du premier rap-port sexuel. Toutefois les deux dates coïnci-dent dans plus de 85% des cas quelle quesoit la cohorte d’unions (tableau 1). Un effetde mémoire explique certainement la dimi-

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Figure 1-1. Proportion de femmes encore célibatairesà l’âge x. Générations 1930-1974

Figure 1-2. Nombre de premiers mariages à l’âge x(p. 1000). Générations 1930-1969

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Sources : Réunion - Enquête famille 1997, Métropole - EHF99

1930-39

1940-49

1950-59

1960-64

1965-69

1970-74

Générations

nution de la proportion des unions débutantdirectement par une cohabitation. Lesfemmes les plus âgées omettraient plus faci-lement de déclarer les unions n’ayant pasfait l’objet d’une cohabitation mais égale-ment les périodes d’unions antérieures à lacohabitation ou au mariage.

Tableau 1 : Situation de cohabitation en début demise en union

Avez vous commencé à vivreensemble?

Cohortes Dès cette Plus tard Toujours deuxd’unions date seulement résidences

1973-1977 89,6% 8,0% 2,4%

1978-1982 88,7% 8,8% 2,5%

1983-1987 89,8% 6,1% 4,1%

1988-1992 86,4% 7,8% 5,8%

1994-1996 88,7% 4,5% 6,8%

Champ : les femmes déclarant une première miseen couple entre 1973 et 1996.Lecture : 88,7% des unions débutées entre 1978et 1982 commencent par une période de cohabi-tation.

1.3. Les premières unionsUne première union peut prendre ici laforme d’un mariage direct ou d’une unionlibre se prolongeant parfois par un mariage.La stabilité du phénomène « première miseen union » dans les générations réunion-naises est remarquable (figures 2-1 et 2-2).Contrairement à la nuptialité, le phénomèneest stable des générations 1930 à 1974.L’âge médian est constamment comprisentre 21 et 22 ans. Jusque dans les généra-tions 1960 l’intensité de la première mise enunion est supérieure à 90%.Dans les générations 1970-1974, les pre-mières mises en unions sont toujours plusprécoces à la Réunion qu’en Métropole. Untiers des Réunionnaises nées entre 1970 et1974 déclarent avoir connu une périoded’union avant 21 ans contre 23 ans enMétropole [Prioux, 2003].L’âge moyen à la première union à laRéunion recule lentement d’année en année,il était de 23,0 ans en1995 contre 21,0 ansvingt ans plus tôt. L’évolution est beaucoupplus lente que celle mesurée pour le mariage[Lardoux, 2002].La précocité de la première mise en union etde l’arrivée du premier enfant stigmatisentl’entrée rapide de nombreuses jeunesRéunionnaises dans la vie d’adulte. Ces deux

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Figure 2-1. Proportion de femmes qui n’a pas connud’union à l’âge x. Générations 1930-1974

Figure 2-2. Nombre de premières unions à l’âge x(p. 1000). Générations 1930-1969

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Tableau 2 : Durée de la période de vie en union libre avant le mariage

Promotions de mariages

Période de cohabitation prénuptiale 1973-77 1978-82 1983-87 1988-92 1994-96

Mariages directs 62,8% 60,9% 49,3% 42,7% 37,8%Moins de 1 an 11,7% 11,5% 11,2% 12,2% 6,6%De 1 à 4 ans 20,3% 18,3% 26,3% 23,1% 27,1%Plus de 5 ans 5,2% 9,3% 13,2% 22,0% 28,5%

Dont plus de 10 ans 1,5% 2,4% 4,8% 7,1% 9,1%

Total 100% 100% 100% 100% 100%

Champ : Les femmes qui se sont mariées entre 1973 et 1996, quel que soit le rang du mariage.Lecture : 22,0 % des mariages de la période 1988-1992 ont commencé par une période d’union libred’une durée supérieure à 5 ans. 7,1 % des mariages de cette même période ont commencé par unepériode d’union libre d’une durée supérieure à 10 ans.

1.5. Caractéristiques des conjoints4

Les femmes se marient toujours avec unconjoint plus âgé qu’elles. Plus elles se met-tent en union tôt plus l’écart d’âge avec leconjoint est important. L’écart varie entre

5,2 ans et 5,6 ans pour les femmes déclarantune union avant 20 ans, il est proche de 3ans pour les unions conclues entre 20 et 24ans et inférieur à 2 ans au-delà de 25 ans(tableau 3).

Tableau 3 : Écart moyen d’âge entre conjoints dans les cohortes depremières unions (âge atteint dans l’année) - Cohortes 1973 – 1996

Âge à la première union

Cohortes 15-19 20-24 25 etd’unions ans ans plus

1973-1977 -5,6 -3,0 - 1,91978-1982 -5,4 -2,8 - 1,81983-1987 -5,3 -2,8 - 0,81988-1992 -5,2 -3,4 - 1,41994-1996 -5,5 -3,8 -2,2

4 Les femmes déclaraient uniquement les caractéris-tiques de leur dernier conjoint. Nous retenons unique-ment les femmes qui ont déclaré n’avoir eu qu’uneunion (85% des femmes). Les profils sont représentatifs

de l’ensemble des premiers conjoints si la probabilitéd’une union de rompre est indépendante du profil duconjoint.

Champ : Les femmes qui ontconnu leur première union entre1973 et 1996 et qui n’ont pas eude deuxième union.Lecture : Les femmes dont la pre-mière union a eu lieu entre 15 et19 ans entre 1988 et 1992 avaient5,2 ans de moins que leurconjoint.

paramètres ont probablement des causescommunes : s’unir et avoir un premier enfantsont deux moyens d’identification et desocialisation dans un contexte économiquelocal très défavorable notamment sur le mar-ché de l’emploi. Une partie des femmesréunionnaises, les moins instruites, existentavant tout comme mère ou comme conjointe.

1.4. La cohabitation prénuptialeAu mariage précède de plus en plus souventune période de vie en union libre. Ainsi dansla promotion 1994-1996 moins de 40% sontdes mariages directs contre 62,8% vingt ans

plus tôt (tableau 2). Ces proportions doiventêtre considérées comme des maximums. Lescouples mariés feront facilement coïnciderla date de début d’union avec la date de leurmariage. Près de 10% des mariages conclusen 1994-1996 concernent une union débutéedix ans plus tôt. Ce phénomène de cohabita-tion très longue était marginal dans lesannées 1973-1977.Dans les promotions 1994-1996 la duréed’union libre prénuptiale est en moyenne de3,5 ans contre à peine 1 an dans les promo-tions 1973-1977.

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5 En effet, si parmi les couples formés en 1973-1977,ceux qui ont le plus émigré, et par conséquent sont sor-tis de la population « observable » en 1997, sont lescouples mixtes, alors mécaniquement et artificiellementla proportion des couples mixtes augmente au fil desannées. Cette hypothèse de plus forte migration des

couples mixtes, principalement ceux unissant unhomme métropolitain et une femme réunionnaise, sevérifie notamment lors de l’analyse des comportementsféconds et de l’histoire d’union des Réunionnaises àl’issue de la migration en Métropole [Breton, 2004].

Tableau 4 : Répartition des unions de rang 1 selon le lieu de naissance des deux conjointsCohortes d’unions 1973 à 1996

Lieux de naissance des conjointsCohortes d’unions

1973-77 1978-82 1983-87 1988-92 1994-96

- deux natifs de la Réunion 80,5% 76,5% 74,8% 74,4% 74,8%

- un ou une native de la Réunion avec 4,2% 6,7% 7,0% 7,3% 8,5%un ou une native de Métropole

- deux natifs de Métropole 3,8% 2,9% 3,5% 3,6% 3,7%

- un ou une native de la Réunion avec 6,5% 8,5% 9,7% 8,9% 7,9%un ou une native hors de Métropoleet hors de la Réunion

- Autres cas 5,0% 5, 4% 5,0% 5,8% 5,1%

Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%

Champ : Les femmes qui ont connu leur première union entre 1973 et 1996 et qui n’ont pas déclaré dedeuxième union.Lecture : 74,8% des premières unions formées entre 1983 et 1987 unissent deux natifs de la Réunion.

DEVENIR DES PREMIÈRES UNIONS

2.1. Devenir des mariagesL’intensité de la divortialité croît légèrementmais demeure à des niveaux très bas : 3%des mariages célébrés en 1980 étaient rom-pus avant 9 ans de mariage contre 6% dansles promotions 1983-1987. L’étude des indi-cateurs de divortialité fournit des indicateurspartiels de rupture de mariage. La propor-tion des couples séparés est en réalité supé-rieure à celle des divorcés si l’on tient comp-te des séparations de fait. La proportion decouples séparés est ainsi plus de deux foisplus forte que celle des couples divorcés à ladurée 14 ans (tableau 5).

2.2. Devenir des unions libresAu fil des générations, les unions libres sesont substituées aux mariages. Elles s’instal-lent davantage dans la durée et se prolongentde moins en moins souvent par un mariage.À l’image de la situation métropolitaine,l’union libre change de nature. Seulement10% de celles débutées entre 1970 et 1974ont “échappé” au mariage et à la séparationcontre 35% dans la cohorte 1980–1984(figure 3).Les promotions d’unions sont très hétéro-gènes face aux risques de connaître unmariage ou une rupture. Ce sont les mêmes

La répartition des couples suivant le lieu denaissance des conjoints varie très peu au fildes cohortes (tableau 4). La très forte majo-rité des couples sont formés de deux natifsde la Réunion. Seule la proportion des

couples unissant un natif de la Métropole etun natif de l’île croît lentement. Un effet desélection accentue certainement l’accroisse-ment de la proportion de couple mixte5.

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Sources : Enquête famille Réunion 1997

Tableau 5 : Séparations et divorces dans les promotions de mariages

Durée écoulée depuis le mariage

États des couples 5 ans 9 ans 14 ans

Promotion 1978-82

- Divorcés 1% 3% 5%

- Séparés (sans que le divorce ait été prononcé) 2% 5% 7%

Promotion 1983-87

- Divorcés 3% 6%

- Séparés (sans que le divorce ait été prononcé) 2% 4%

Promotion 1989-91

- Divorcés 3%

- Séparés (sans que le divorce ait été prononcé) 4%

Lecture : 3% des couples mariés entre 1983 et 1987 sont divorcés 5 années après le mariage et 2%sont séparés de fait sans qu’un divorce ait été prononcé.

Au fil des cohortes d’unions, l’effet de sub-stitution entre mise en union et mariages’accentue. Après cinq années d’union58,6% des couples de la cohorte 1978-1982ont pris la forme d’un mariage. La propor-tion n’est plus que de 46,1% dans lescohortes 1989-1991. Sur la même période laproportion d’unions toujours en union librecroit de 33,3% à 42,8%. La compensationn’est pas parfaite du fait d’un accroissementde la proportion des unions rompues avantmariage (tableau 6).

Effet de l’âge à l’unionLa substitution dans les cinq premièresannées d’union est d’autant plus forte quel’union commence à un âge élevé. Dans lacohorte 1989-1991, les femmes âgées deplus de 24 ans au moment de leur premièreunion sont aussi nombreuses à demeurer enunion libre qu’à se marier (respectivement47,1% et 45,1%). La situation était très dif-férente dix ans plus tôt (respectivement28,8% et 64,4%). Cet effet de cohorte estplus nuancé pour les femmes mises en unionentre 20 et 24 ans. Il est quasiment nul pourcelles dont la première union a lieu avant 20ans. Les femmes les plus précoces à la miseen union constituent certainement la popula-tion la plus hétérogène face aux risques dese marier et/ou de se séparer. Une première

unions qui ont à la fois une probabilité fortede rompre et faible de se marier.L’indépendance entre les deux risques estimprobable. À défaut de tables brutes depremiers mariages (en l’absence de rupture)ou de ruptures (en l’absence de mariage)nous étudierons simplement la répartitiondes couples selon leur situation cinq ansaprès leur mise en union. L’âge au momentde l’union fait nettement varier cette réparti-tion (tableau 6).

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Figure 3. Proportion de couples en union libre ni sépa-rés, ni mariés. Cohortes d’unions libres 1970-1989

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Tableau 6 : Devenir des premières unions libres à l’horizon 5 ans selon l’âge à l’unionCohortes d’unions 1978 – 1991

État de l’union libre à la durée 5 ans Répartitionpar âge

des unions libres

Âge au moment Années Mariés avant Séparation Toujours ende l’union de l’union séparation 6 avant mariage unionTous âges 1978-82 58,6% 8,2% 33,3% 100,0%

1983-87 55,3% 9,9% 34,8% 100,0%1989-91 46,1% 11,1% 42,8% 100,0%

15-19 ans 1978-82 46,2% 12,1% 41,7% 36,8%1983-87 46,0% 13,2% 40,8% 36,7%1989-91 43,2% 14,7% 42,1% 31,0%

20-24 ans 1978-82 64,4% 6,8% 28,8% 43,9%1983-87 58,9% 8,3% 32,8% 44,8%1989-91 48,7% 10,3% 41,0% 45,0%

25 ans et plus 1978-82 66,8% 2,8% 30,5% 19,2%1983-87 59,2% 6,7% 34,1% 18,4%1989-91 45,1% 7,6% 47,3% 23,7%

Lecture : 31% des femmes qui se sont mises en union entre 1989 et 1991 étaient âgées de 15 à 19 ans et14,7% d’entre elles se sont séparées dans les 5 ans qui ont suivi la mise en union, avant même de se marier.

union très jeune correspond selon les cas àun « premier flirt », union particulièrementfragile, ou à une pratique culturelle et/oureligieuse particulière, union alors plusencline à s’inscrire dans la durée.La proportion des unions se prolongeant parun mariage croît avec l’âge à la premièreunion. Cet effet de l’âge est plus faible entre

les groupes d’âges à l’union de 20-24 ans et25-29 ans qu’entre les groupes d’âges 15-19ans et 20-24 ans. La durée d’union prénup-tiale est d’autant plus longue que l’unioncommence tôt dans la vie de la femme. C’estdavantage l’âge qui détermine la probabilitéde se marier que la durée d’union avantmariage.

2.3. Séparations dans les cohortes d’unionsIl s’agit maintenant d’étudier les séparationsdans des cohortes d’unions (unions légalesou unions de fait). La durée de l’union s’ob-tient par différence entre la date de mise enunion et la date de séparation. Si l’union afait l’objet d’un mariage, nous retenons pourla séparation la date la plus tardive entrecelle du divorce et celle de la séparation. Demême, la date de début d’union est la date laplus ancienne entre celle du début d’union etcelle du mariage.L’intensité des séparations d’unions croîtlégèrement au fil des cohortes. Près d’uneunion sur six débutée entre 1989 et 1991 estrompue cinq années plus tard contre une surdix pour celles débutées dix ans plus tôt. Si la

tendance observée se poursuit plus du quartdes unions de rang 1 formées au début desannées 1990 seront rompues en 2004. Quelleque soit la cohorte, un âge jeune à la premiè-re union est un facteur de plus forte érosion.Un effet de l’âge à l’union existe. Les unionsconclues entre 1989 et 1991 sont plus fragilesque celles conclues dix ans plus tôt quel quesoit l’âge au moment de l’union. L’effet de ladate d’union est particulièrement fort pour lesâges extrêmes à la mise en union.Contrairement à la stabilité de la mise enunion constatée dans les générations, l’in-tensité des ruptures d’union croît et devraitencore croître. Les cohortes se composentd’une part d’unions a priori durables, fai-sant plus souvent l’objet d’un mariage, et

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6 Une partie de ces couples mariés divorcent certainement avant les 5 ans d’union.

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Tableau 7 : Proportion des unions libres rompues aux durées 5, 9 et 14 ans dans trois promotions d’unions

Durée écoulée depuis la mise en unionÂges au moment de l’union Cohorte d’unions 5 ans 9 ans 14 ans

Tous âges 1978-82 9,9% 14,1% 21,9%1983-87 11,6% 17,1%1989-91 12,8%

15-19 ans 1978-82 13,6% 18,4% 29,5%1983-87 14,7% 23,1%1989-91 17,3%

20-24 ans 1978-82 8,3% 13,1% 18,3%1983-87 11,3% 13,7%1989-91 12,2%

25 ans et plus 1978-82 5,0% 6,7% 13,8%1983-87 7,9% 12,6%1989-91 7,5%

Lecture : pour 100 unions débutées entre 1983 et 1987 dont la femme avait entre 20 et 24 ans, 11 sontrompues avant 5 ans d’union et 14 avant 9 ans d’union.

Le mariage consolide-t-il les unions libres ?Il est difficile de répondre à cette questionpuisque les unions a priori les plus solidessont également celles faisant le plus l’objetd’un mariage. Il est également difficile decomparer le destin des unions libres à celuides mariages à durées égales compte tenudes périodes d’unions libres prénuptiales.

2.4. Après les ruptures d’unionAprès la séparation d’avec leur conjoint, laproportion des femmes contractant une nou-velle union est stable au fil des cohortes. Unefemme sur quatre connaît une nouvelle uniondans les cinq années suivant la rupture.Ces proportions dépendent à la fois de ladurée de l’union de rang 1 et de l’âge aumoment de la rupture. Plus la durée del’union précédente est courte et plus la rup-ture intervient à un âge jeune, plus la proba-bilité de connaître une nouvelle union estforte. Dans la cohorte de séparations 1989-1991, 69% des femmes séparées avant 25ans avaient connu une nouvelle union dansles cinq ans consécutifs à la séparation. Ellessont 37% si la séparation a eu lieu entre 25et 34 ans et moins de 6% au-delà de 34 ans.Dans cette même cohorte, les proportions de

femmes à nouveau en couple cinq ans aprèsune séparation sont de 53%, 33% et 12 %pour les durées des unions de rang 1 respec-tives de moins de 4 ans, entre 4 et 10 ans etplus de 10 ans (figures 4-1 et 4-2).Une catégorie de Réunionnaises, précoce-ment mises en union, présente à la fois unepropension forte à se séparer et à se remettrerapidement en union après la séparation. Ladurée passée en union est finalement assezstable au fil des générations seules les tra-jectoires se complexifient.

2.5. Histoires d’unions dans les généra-tionsAvant 25 ans une femme peut selon les cas :n’avoir connu aucune union, avoir connu uneseule union qui dure encore à 25 ans ou avoirconnu une union rompue puis connaître ounon une nouvelle période d’union.Entre les générations 1940 et 1970, la répar-tition des femmes suivant leur histoire demise en union est assez stable (figure 5-1) :environ 65 % des femmes ont connu une pre-mière union tôt qui dure encore à 25 ans,environ 29% n’a connu aucune union avant25 ans, cette proportion croit légèrement aufil des générations,

d’autres, a priori plus fragiles. La propor-tion du second type serait, selon cette hypo-thèse, croissante au fil des années. Un effetde mémoire sous-estime très certainement

ce phénomène, les unions les plus fragilessont celles que les femmes omettent le plusde déclarer, particulièrement quand cespériodes sont anciennes.

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Sources : Enquête famille Réunion 1997

Sources : Enquête famille Réunion 1997

Histoire d’unionAucune unionUne première union non rompue

Une première union rompue

Une deuxième union

et environ 6% des autres ont des trajectoiresplus complexes avec une rupture d’union etpour certaines d’entre elles une deuxièmeunion rompue ou non avant 25 ans.La répartition des femmes suivant leur his-toire d’union avant 30 ans varie davantage.La proportion des femmes déclarant aumoins une séparation augmente au fil des

générations au détriment des trajectoiresplus stables. C’est une des conséquences del’intensification des ruptures d’unions outout au moins du raccourcissement du calen-drier de ces ruptures. Entre 25 et 30 ans ladiminution des proportions de femmes nedéclarant aucune union diminue presque demoitié (figure 5-2).

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Figure 4. Proportion de femmes séparées toujours seules à la durée x. Cohortes de séparations 1989-1991

4-1. Selon l’âge à la séparation de rang 1 4-2. Selon la durée de l’union de rang 1

Figure 5-1. Répartition des femmes suivant leur histoi-re d’union avant 25 ans. Générations 1938-1971

Figure 5-2. Répartition des femmes suivant leur histoi-re d’union avant 30 ans. Générations 1938-1971

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3. LES NAISSANCES DANS LES HISTOIRES D’UNIONS

Sources : Enquête famille Réunion 1997,

À partir de la génération 1954, la part desnaissances hors mariage croît fortement etdépasse la part des naissances légitimes dèsles générations 1960 (figure 6).

3.1. Situation maternelle au moment de lamise en unionUne proportion croissante des femmes sontdéjà mères d’au moins un enfant au momentde se marier. Depuis les promotions demariages 1983-1987, la majorité des femmessont mère d’au moins un enfant ou plus rare-ment enceintes (figures 7-1 et 7-2).Dans les générations les plus récentes, lemariage, notamment le premier, n’est plus querarement un moyen de légitimer une futurenaissance. Plus d’un mariage sur cinq célébréen 1975 l’était alors que la femme étaitenceinte. Ce n’était plus le cas que d’à peineun mariage sur dix en 1995 (figure 7-2.).

Sources : Enquête famille Réunion 1997

Enceinte Sans enfant Avec au moins un enfant

Situation maternelle

Les histoires d’unions atteintes à 25 ans et 30ans dans les générations de femmes réunion-naises 1938 à 1971 ont évolué très lentement.La principale évolution est la forte diminu-tion des femmes qui, au cours de cette trajec-

toire, se marient. Seule une nouvelle enquêtepermettrait d’observer ces évolutions dansles générations les plus récentes. Les his-toires d’unions se sont-elles complexifiées àl’image de la situation métropolitaine ?

231

Figure 6. Composante de la descendance atteinte à30 ans (Da30) selon la situation d’union de la mère

Figure 7-1. Répartition des femmes suivant leur situa-tion maternelle au moment de l’union. 1973-1997

Figure 7-2. Répartition des femmes suivant leur situa-tion maternelle au moment du mariage. 1973-1997

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Page 12: Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion

Le mariage est souvent le prolongementd’une union libre ayant, de plus en plus sou-vent, déjà donné lieu à une naissance.Les unions contractées en 1973-1977 étaienttrès souvent des mariages directs, la situa-tion maternelle des femmes en union estdonc très proche de celle des femmes semariant (figures 7-1 et 7-2). Dans lescohortes plus récentes le mariage direct estmoins fréquent et les deux situations peucomparables.Parmi les femmes qui se sont mises en unionentre 1994 et 1996, 9% étaient enceintes endébut d’union et 30% déjà mères d’au moinsun enfant. Ces proportions sont respective-ment de 15 et 18% vingt ans plus tôt (figure7-1). Ces proportions augmentent avec -d’une part l’âge au moment de l’union et -d’autre part le rang de l’union : 56,1% desfemmes qui se marient pour la première foisentre 25 et 34 ans en 1994-1996 sont déjàmères d’au moins un enfant. Si le mariageest de rang 2 la proportion dépasse les 80%.

3.2. Environnement familial des enfants àla naissanceLa grande majorité des enfants réunionnaisnaissent au sein d’un couple (marié ouvivant en union libre). Les naissances horsunion occupent une proportion légèrementcroissante depuis 1980 et représentent15,2 % des naissances déclarées entre 1990et 1996. Certaines d’entre elles s’expliquentpar des ruptures d’union en cours de gros-sesse d’autres sont des grossesses dont lamère ne déclare aucune union associée. Enrevanche, certaines femmes ont certaine-ment préféré ne pas déclarer une situationpar crainte de perdre les prestations socialestelle que l’allocation “parent isolé”. Dans lecontexte réunionnais, la proportion des nais-sances hors de toute union obtenue par voied’enquête, surestime la réalité.Les naissances hors union représentent41,6% des enfants de rang 1 nés de mèresâgées de moins de 20 ans et 23,6% desenfants de rang 1 nés de mère de plus de 30ans (figure 8).

L’âge de la mère et le rang de la naissancedéterminent fortement la situation familialede l’enfant à sa naissance. Les naissancesdes mères âgées de moins de 20 ans sontrarement légitimes. Celles des mères de plusde 25 ans se font en majorité au sein d’uncouple marié. En revanche, les naissances derang 2 avant 25 ans ou de rang 3 et plusavant 30 ans sont majoritairement des nais-sances en union libre (figure 8).

3.3. Naissances dans les cohortes d’unionsL’étude de l’arrivée du premier enfant dansles cohortes de fin d’études a montré que ladurée moyenne entre la fin des études et lanaissance du premier enfant diminuait à laRéunion. Cela est vérifié quel que soit l’âgeà la fin des études inférieur à 21 ans [Breton,2004]. La sortie du système scolaire apparaîtcomme un événement fondamental dansl’entrée dans la vie d’adulte qui influencefortement l’arrivée d’un premier enfant. Lemaintien dans les générations d’un âge jeuneà la première union est-il une autre explica-tion de la précocité des naissances à laRéunion ?Pour le vérifier nous étudions l’arrivée dupremier enfant à l’issue de la mise en union.Toutefois des ruptures d’unions empêchent,de plus en plus souvent, d’observer des nais-sances7 et il est alors difficile de comparerles fréquences de l’arrivée des enfants dansles cohortes d’unions successives (nous neserions pas dans une situation de comparabi-lité maximum).Par conséquent, nous choisissons de com-menter simplement la répartition desfemmes suivant leur état aux différentesdurées écoulées depuis la mise en union. Lesfemmes peuvent avoir donné naissance à unenfant avant la rupture, s’être séparées avantune éventuelle naissance ou n’avoir connuni naissance ni rupture d’union.Les couples formés entre 1989 et 1991 sontproportionnellement un peu moins nom-breux à avoir eu un enfant durant les cinqpremières années de vie commune que ceuxformés entre 1978 et 1982. La naissance sur-

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7 Ces ruptures d’union agissent alors comme des évé-nements perturbateurs. Il est difficile de vérifier l’hy-pothèse d’indépendance entre la rupture d’union et lanaissance d’un enfant dans l’union, les deux risques

sont très certainement corrélés : les unions les plus fra-giles sont probablement celles les moins susceptiblesde donner naissance à un enfant.

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Page 13: Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion

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Naissances hors union Naissances dans une union libre

Naissances dans un mariage Rang de l’enfant

Rang 1

Rang 2

Rang 3 et +

Lecture : 55,4% des naissances de rang 2de mères âgées de 25 à 29 ans sont desnaissances qui ont eu lieu dans un mariage

Sources : Enquête famille Réunion 1997

Tableau 8 : Événements connus par les couples

Durée écoulée depuis la formation de l’union(en années révolues)

0 1 2 3 4 5

Cohorte d’unions 1989-91- Couples séparés avant d’avoir eu un enfant 1,2% 4,1% 6,1% 6,8% 7,3% 8,6%- Couples ayant eu au moins une naissance 14,5% 44,3% 61,3% 67,9% 68,8% 73,6%- Couples n’ayant connu ni séparation ni naissance 84,2% 51,5% 32,6% 25,1% 23,8% 17,5%

Cohorte d’unions 1978-82- Couples séparés avant d’avoir eu un enfant 0,8% 2,6% 3,1% 4,0% 5,7% 5,8%- Couples ayant eu au moins une naissance 11,5% 45,0% 64,4% 74,0% 78,5% 81,7%- Couples n’ayant connu ni séparation ni naissance 87,7% 52,4% 32,5% 21,9% 15,8% 12,5%

Lecture : pour 100 unions débutées entre 1989 et 1981, 9 sont séparées avant la durée 5 ans révolus,74 ont eu au moins un enfant et 17 vivent encore en union libre sans enfant.

vient pour plus de deux couples sur troisdurant les trois premières années de viecommune. Les séparations sont proportion-

nellement plus fréquentes mais restent raresavec moins d’un couple sur 10 séparé avantd’avoir eu un enfant (tableau 8).

Figure 8. Répartition des naissances par nature de l’union suivant le rang de la naissance et l’âge de la mère à lanaissance de l’enfant. Naissances 1990-1996

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Page 14: Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion

Couple n'ayant connu ni séparationni naissance

Couple ayant euau moins un enfant

Couple séparé avant la naissanced'un enfant

Premières unions 1978-82

Premières unions 1989-91

âgées de 20-24 ans âgées de 15-19 ans

âgées de 20-24 ans âgées de 15-19 ans

Sources : Enquête famille Réunion 1997

Afin de juger de l’effet d’une mise en unionprécoce sur l’arrivée d’un premier enfantnous isolons les unions de rang 1 dont lafemme n’a pas d’enfant. Ces unions repré-sentent plus de 85% des cohortes d’unions.La durée écoulée entre la mise en union et la

venue du premier enfant augmente au fil descohortes. Cela est particulièrement vrai sil’union a lieu entre 15 et 19 ans. La variationest insignifiante pour les unions débutéesentre 20 et 24 ans (figure 9).

234

Figure 9. Répartition des couples à chaque durée d’union de rang 1 selon l’âge à la mise en union - femmesn’ayant pas d’enfant au moment de la mise en union

Premières unions 1989-91

Premières unions 1978-82

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CONCLUSION

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Cet article montre une nouvelle particularitédu modèle réunionnais : le maintien au fildes générations d’une forte intensité et d’uncalendrier précoce des mises en union :entre les générations 1930 et 1974 le calen-drier des mises en union est resté quasimentstable : la majorité des premières unionsdébutent avant 25 ans. Seules les formesprises par les unions changent : les unionsde fait (unions libres) se développent audétriment des unions de droit (mariages). Enrevanche, une fois les unions formées leurdestin se diversifie conformément à ce quel’on observe en Métropole : les unions débu-tées dans les années les plus récentes abou-tissent plus souvent à une séparation mais laprobabilité de se mettre à nouveau en unionaugmente. Les trajectoires d’union se com-plexifient au fil des générations mais, par lejeu des remises en union, le temps passé encouple durant les âges de forte fécondité(20-29 ans) ne diminue que très peu.L’enquête Famille Réunion de 1997 s’avèretrès riche pour analyser l’évolution du phé-nomène mise en union dans les générations.Une enquête semblable dans les autresdépartements d’outre-mer donnerait des élé-ments de comparaison importants. Lessociétés d’outre-mer ont en commun d’êtredes sociétés sous influence métropolitainemais qui, par leurs contextes économique,culturel et social montrent certaines résis-tances à la convergence des comportementsdémographiques avec la Métropole.

L’enquête famille est un outil privilégié pourdécrire l’évolution des comportements dansles générations. Les explications écono-miques et sociales qui gouvernent les change-ments de comportements ne prennent enrevanche que la forme d’hypothèses à véri-fier. Des variables fondamentales ne sontqu’en partie repérées et repérables par voied’enquête. C’est le cas de l’attachement à lafamille et aux valeurs familiales. Il serait inté-ressant d’intégrer dans le modèle explicatifréunionnais la variable ethnique, conformé-ment à ce qui est fait dans l’île Maurice voi-sine. À la Réunion, département français, ilest difficile et délicat d’exploiter cettevariable. Quand bien même nous en aurionsla possibilité, de nombreux Réunionnaiséprouveraient de fortes difficultés à définirleur origine ethnique compte tenu des nom-breux échanges entre les communautés,notamment par le biais des unions8.Le Recensement rénové de la populationconcerne également la population d’outre-mer. Il faudra d’ici quelques années y cou-pler une collecte spécifique proche de l’en-quête famille Réunion et cela dans l’en-semble des départements d’outre-mer. À laRéunion ce serait un moyen précieux pourvérifier si les tendances observées dans lesgénérations passées se poursuivent dans lesgénérations 1980-1985. Dans les autresdépartements d’outre-mer c’est l’occasionde recueillir des informations longitudinalesinédites.

8 Un des moyens de déterminer l’appartenance ethniquede la personne enquêtée serait d’exploiter les questionsprésentes dans l’enquête famille Réunion sur les languesparlées avec ses enfants et ses parents. Toutefois le créo-le est désormais la langue principale de l‘ensemble descommunautés réunionnaises et moins de 3% des 4500

Réunionnaises interrogées déclarent parler ou avoirparlé régulièrement avec ses parents dans une langueautre que le créole [Chevalier, Lallemant, 2000]. Leterme générique « créole » regroupe en réalité plu-sieurs types de « créoles », variant avec la géographieet les communautés ethniques.

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Page 16: Mise en couple et naissances dans les unions à la Réunion

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Il s’agit d’une enquête rétrospective conçueet réalisée par l’INSEE Réunion en collabo-ration avec l’INED. Ce sont 4500 femmesâgées de 15 à 64 ans (1/50) qui ont été inter-rogées entre novembre et décembre 1997.L’Enquête famille est un des volets de l’en-quête DEMO97, enquête la plus conséquen-te jamais réalisée à la Réunion portant sur20 000 ménages. L’Enquête DEMO97 suitun plan de sondage stratifié à deux degrés(1er degré, 1’îlot ; 2ème degré, le logement /critères de stratification : zones éparses,zones urbaines, grands immeubles, petitsimmeubles). Administré par un réseau d’en-

quêteurs, le questionnaire de l’enquêteFamille Réunion est sensiblement plusdétaillé que le questionnaire métropolitain.Il répond aux standards internationaux fixéspar le programme mondial des enquêtesDHS (Demographic and Health Surveys),tout en étant cohérent avec les enquêtesIned-Insee sur les situations familiales de1986 et 1994.

Le questionnaire de l’enquête famille 1997est disponible en ligne à l’adresse suivante :http://www-ehf.ined.fr/questionnaires/fran-çais/Quest_reunion.pdf

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ANNEXE 1 : ENQUÊTE FAMILLE RÉUNION 1997

BIBLIOGRAPHIE

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