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Mini retraite du 18 Juillet 2019 Henri Le Saux (1910-193) moine chrétien et hindouiste Page 1 Mini retraite du 18 Juillet 2019 Henri Le Saux 1910-1973 Moine chrétien et hindouiste I. Sa vie, son parcours D’origine bretonne, appartenant à une famille de huit enfants, Henri Le Saux est né le 30 Août 1910 à Saint- Briac, petit village de l'Ille-et-Vilaine où ses parents tenaient une maison d'alimentation. Souhaitant devenir prêtre, il fait ses études au Petit et au Grand Séminaire de Rennes. En raison de son intelligence brillante, ses supérieurs lui proposent de l'envoyer à Rome pour y étudier la théologie. Le jeune séminariste préfère devenir moine. A dix-neuf ans, il entre à l'abbaye bénédictine de Sainte-Anne de Kergonan, fait profession en 1931 et reçoit l'ordination en 1935. Ses supérieurs lui confient la charge de « cérémoniaire 1 », ce qui lui convient tout particulièrement en raison de son amour pour la liturgie et le chant grégorien. En 1939, dom Henri Le Saux est mobilisé ; l'année suivante tout son régiment est fait prisonnier dans la Mayenne. Il s'échappe, se dissimule dans un champ de blé et parvient à gagner Fougères. Un garagiste lui donne un bleu de travail et une bicyclette. Il parvient à Saint-Briac pour rassurer sa famille sur son sort, puis regagne aussitôt son abbaye. Celle-ci étant réquisitionnée, les moines bénédictins se réfugient d'abord dans l'ancienne chartreuse d'Auray et ensuite dans un château. Après la guerre, dom Henri Le Saux est chargé, avec quelques-uns de ses confrères, de remettre en état l'abbaye de Kergonan afin de préparer le retour des moines. Très tôt, le jeune bénédictin s'intéresse à la spiritualité de l'Inde. On pourrait même dire qu'il a été capté par elle comme si, intuitivement, il percevait que la terre de l'Inde lui apporterait une incomparable révélation. Un article de revue l'ayant mis au courant de l' œuvre de l'abbé Jules Monchanin 2 , qui depuis quelques années séjournait dans le sud de l'Inde, Henri Le Saux s'adresse à lui directement pour lui demander conseil. Dans son livre Mystique de l'Inde, Mystère chrétien, Jules Monchanin, dont le message est reconnu, avait tracé les lignes fondamentales de sa tentative chrétienne en terre hindoue celle de mener « une vie consacrée à la connaissance et au service de l'Inde, orientée par un unique désir, celui de l'incarnation du christianisme dans les modes de vie, de prière, de contemplation propres à la civilisation indienne ». Un tel idéal coïncide parfaitement avec celui qu'Henri Le Saux exprime dans une lettre envoyée le 18 août 1947 à Jules Monchanin. Dans ce texte, récemment publié le moine bénédictin expose avec simplicité le sens d'une vocation particulière formée peu à peu au cours de sa vie religieuse et qui dorénavant s'impose à lui. Depuis plus de treize ans, il souhaite aller vivre en hindou et oriente sa prière en faveur de ses frère au pays tamoul. Avec l'autorisation de son supérieur communique avec des personnalités religieuses vivant en Inde, se perfectionne en anglais, apprend le tamoul et s'adonne à la lecture des Upanishads 3 . Ainsi, à niveaux différents, il se prépare à l'accomplissement de son souhait : celui de collaborer à l'établissement d'une vie monastique chrétienne en Inde. Muni de l'autorisation de son abbé, Henri Le Saux quitte l'abbaye de Kergonan et débarque sur la terre indienne le 15 août 1948. Une nouvelle phase de son existence s'amorce. Il ne retournera jamais en France. En 1960, il 1 Cérémoniaire : Personne chargée d’organiser les cérémonies liturgiques et de veiller à leur bonne exécution. Le cérémoniaire revêt l’aube ou le surplis 2 Jules Monchanin 1895-1957 Prêtre du Diocèse de Lyon (ordonné en 1922), puis de celui de Tiruchirapalli, Tamil Nadu, Inde (en 1939). - Membre de la Société des auxiliaires des missions. Installé en paroisse, il s’intéresse à ses ouailles qui sont bien minoritaires mais aussi à ceux qui pratiquent l’hindouisme. Fondateur de l'ashram "Saccidananda" à Shantivanam, Kulitalai, au Tamil Nadu 3 Les Upanishad ou Upaniad du sanskrit upa, déplacement physique, ni, mouvement vers le bas et shad, s'asseoir, soit l'idée de « venir s'asseoir respectueusement au pied du maître pour écouter son enseignement » sont un ensemble de textes philosophiques qui forment la base théorique de la religion hindoue.

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Page 1: Mini retraite du 18 Juillet 2019 Henri Le Saux 1910-1973 ... · de revue l'ayant mis au courant de l'œuvre de l'abbé Jules Monchanin2, qui depuis quelques années séjournait dans

Mini retraite du 18 Juillet 2019 – Henri Le Saux (1910-193) moine chrétien et hindouiste Page 1

Mini retraite du 18 Juillet 2019

Henri Le Saux 1910-1973

Moine chrétien et hindouiste

I. Sa vie, son parcours D’origine bretonne, appartenant à une famille de huit enfants, Henri Le Saux est né le 30 Août 1910 à Saint-

Briac, petit village de l'Ille-et-Vilaine où ses parents tenaient une maison d'alimentation. Souhaitant devenir

prêtre, il fait ses études au Petit et au Grand Séminaire de Rennes. En raison de son intelligence brillante, ses

supérieurs lui proposent de l'envoyer à Rome pour y étudier la théologie. Le jeune séminariste préfère devenir

moine. A dix-neuf ans, il entre à l'abbaye bénédictine de Sainte-Anne de Kergonan, fait profession en 1931 et

reçoit l'ordination en 1935. Ses supérieurs lui confient la charge de « cérémoniaire1 », ce qui lui convient tout

particulièrement en raison de son amour pour la liturgie et le chant grégorien. En 1939, dom Henri Le Saux est

mobilisé ; l'année suivante tout son régiment est fait prisonnier dans la Mayenne. Il s'échappe, se dissimule

dans un champ de blé et parvient à gagner Fougères. Un garagiste lui donne un bleu de travail et une

bicyclette. Il parvient à Saint-Briac pour rassurer sa famille sur son sort, puis regagne aussitôt son abbaye.

Celle-ci étant réquisitionnée, les moines bénédictins se réfugient d'abord dans l'ancienne chartreuse d'Auray et

ensuite dans un château. Après la guerre, dom Henri Le Saux est chargé, avec quelques-uns de ses confrères,

de remettre en état l'abbaye de Kergonan afin de préparer le retour des moines.

Très tôt, le jeune bénédictin s'intéresse à la spiritualité de l'Inde. On pourrait même dire qu'il a été capté par elle

comme si, intuitivement, il percevait que la terre de l'Inde lui apporterait une incomparable révélation. Un article

de revue l'ayant mis au courant de l'œuvre de l'abbé Jules Monchanin2, qui depuis quelques années séjournait

dans le sud de l'Inde, Henri Le Saux s'adresse à lui directement pour lui demander conseil. Dans son livre Mystique de l'Inde, Mystère chrétien, Jules Monchanin, dont le message est reconnu, avait tracé

les lignes fondamentales de sa tentative chrétienne en terre hindoue celle de mener « une vie consacrée à la

connaissance et au service de l'Inde, orientée par un unique désir, celui de l'incarnation du christianisme dans

les modes de vie, de prière, de contemplation propres à la civilisation indienne ». Un tel idéal coïncide

parfaitement avec celui qu'Henri Le Saux exprime dans une lettre envoyée le 18 août 1947 à Jules Monchanin.

Dans ce texte, récemment publié le moine bénédictin expose avec simplicité le sens d'une vocation particulière

formée peu à peu au cours de sa vie religieuse et qui dorénavant s'impose à lui. Depuis plus de treize ans, il

souhaite aller vivre en hindou et oriente sa prière en faveur de ses frère au pays tamoul. Avec l'autorisation de

son supérieur communique avec des personnalités religieuses vivant en Inde, se perfectionne en anglais,

apprend le tamoul et s'adonne à la lecture des Upanishads3. Ainsi, à niveaux différents, il se prépare à

l'accomplissement de son souhait : celui de collaborer à l'établissement d'une vie monastique chrétienne en

Inde.

Muni de l'autorisation de son abbé, Henri Le Saux quitte l'abbaye de Kergonan et débarque sur la terre indienne

le 15 août 1948. Une nouvelle phase de son existence s'amorce. Il ne retournera jamais en France. En 1960, il

1 Cérémoniaire : Personne chargée d’organiser les cérémonies liturgiques et de veiller à leur bonne exécution. Le cérémoniaire revêt l’aube ou

le surplis 2 Jules Monchanin 1895-1957 Prêtre du Diocèse de Lyon (ordonné en 1922), puis de celui de Tiruchirapalli, Tamil Nadu, Inde (en 1939). -

Membre de la Société des auxiliaires des missions. – Installé en paroisse, il s’intéresse à ses ouailles qui sont bien minoritaires mais aussi à ceux qui pratiquent l’hindouisme. Fondateur de l'ashram "Saccidananda" à Shantivanam, Kulitalai, au Tamil Nadu 3 Les Upanishad ou Upaniṣad du sanskrit upa, déplacement physique, ni, mouvement vers le bas et shad, s'asseoir, soit l'idée de « venir

s'asseoir respectueusement au pied du maître pour écouter son enseignement » sont un ensemble de textes philosophiques qui forment la base théorique de la religion hindoue.

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prendra la nationalité indienne. Le moine chrétien, devenu moine hindou, subira jusqu'à sa mort, en 1973, la

fascination de l'Inde révélatrice, pour lui, du mystère du dedans. Au sein de deux traditions, dont les voies sont

différentes, il s'acheminera vers la découverte du Soi, c'est-à-dire vers l'Unité. Celle qui soudain se dévoile

quand l'homme, abandonnant toutes choses, plonge dans son fond secret.

L’ashram du Shantivanam4

La lecture du journal permet de suivre pas à pas le voyage, l'arrivée, les premiers contacts, la fondation de

l'ashram du Shantivanam aux environs de Tiruchirapalli avec Jules Monchanin. L'ashram se compose tout d'abord de

deux huttes au bord d'un large fleuve, puis d'une chapelle dont la forme évoque les temples hindous du sud. En 1950, le

jour de la Saint-Benoît, une messe solennelle est célébrée par ces deux prêtres qui ont déjà revêtu la robe de sannyâsa

(moine errant) et pris des noms hindous swami Paramârûbyânanda (Jules Monchanin) et swami Abhishikteshvarânanda

(Henri Le Saux), nom qui, abrégé, deviendra plus tard Abhishiktânanda dont la traduction signifie : « Félicité de l'oint ».

Ces deux swamis vont collaborer aussi au niveau de l'écriture en composant un ouvrage qui portera le nom de : Ermites

du Saccidânanda, avec en sous-titre : « Un essai d'intégration chrétienne de la tradition monastique de l'Inde ».

Peu à peu Henri Le Saux va prendre ses distances par rapport à Jules Monchanin et partager désormais son

temps entre des séjours solitaires dans les grottes en particulier la sainte montagne d’Arunâchala et la prédication de

retraite à des religieux cherchant à faire en lui et pour les autres l’union de la mystique indienne de l’advaita (non

dualité) et la mystique chrétienne.

II. Révélation progressive

1. Priorité à l’intériorité

Henri Le Saux va approfondir progressivement son intériorité et cela sur des plans différents. Tout

d'abord, il fait une remarque des plus importantes : il éprouve la certitude qu'une partie de l'être n'est

pas concernée par la prière officielle de l'Église. Cette partie de l'être non atteinte est la plus divine,

donc la plus fondamentale. On pourrait même dire, la seule essentielle.

Cette affirmation ne lui est pas particulière. Tous ceux qui ont eu l'occasion de vivre durant quelques

mois ou quelques années en Inde, qui ont pu fréquenter des sages, ont été bouleversés par une

constatation identique. Certains ont parfois éprouvé un malaise à l'intérieur du christianisme, non à

l'égard du message évangélique, mais dans l'enseignement proposé par les clercs. Insuffisamment

préparés, ceux-ci se montrent parfois incapables de donner une formation intérieure profonde

aboutissant à l'expérience. Certes les exceptions sont nombreuses, mais d'une façon générale il est

possible de dire que, trop souvent, nombre de chrétiens clercs et laïcs réduisent le christianisme à une

morale, à une pratique extérieure, à une croyance au seul niveau intellectuel qui n'engagent pas l'être

dans sa totalité. N'étant pas concerné, le « fond » risque de ne pas être découvert. Ainsi, ceux qui ont

douloureusement conscience de cette carence se trouvent, malgré eux, situés en marge, dans la

mesure même de leur exigence spirituelle. A moins de rencontrer sur leur chemin un contemplatif,, ils

s'éprouvent comme isolés, sans famille, orphelins, privés de toute appartenance. L'aspect juridique, qui

ne se révèle pas comme on pourrait le croire uniquement dans le catholicisme, mais est amplement

partagé par les autres formes du christianisme peut justifier les lois, les interdits, freinant ainsi la

mystique de l'intériorité.

Quand Henri Le Saux fait l'expérience de la spiritualité de l'Inde, il possède déjà une autre expérience,

celle de la vie monastique chrétienne. Celle-ci sera pour lui une préparation efficace. Elle s'avère

salutaire, mais incomplète. Sinon, il n'aurait pas aussi tragiquement souffert, comme l'atteste son

journal, pour subir l'opération alchimique le débarrassant de son plomb, de ses interprétations partielles

4 Dans l'Inde ancienne, les âshram ou âshrama - un mot sanskrit - étaient des ermitages retirés dans la nature, dans la forêt ou la montagne,

où les sages vivaient dans la paix et la tranquillité, loin de l'agitation du monde.

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et limitées. A cet égard, ses rencontres avec deux Sages, Ramana Maharshi5 et Gnânânanda6, seront

décisives pour sa propre décantation. Il lui fut nécessaire de passer d'une religion de l'âme à une

religion de l'esprit, et ensuite de dépasser cette dernière. En d'autres termes, d'aller de la voie de la

bhakti (amour de Dieu, dévotion) à celle de la sagesse (jnâna) qui comporte la connaissance intuitive

«d'ordre transintellectuel ». Ensuite, il lui faudra ne plus distinguer ces deux voies l'une de l'autre, afin

de les intégrer dans l'unité.

Débat : Sommes-nous d’accord pour dire que le christianisme n’apprend pas assez à

faire l’expérience de l’intériorité ? Comment le fait-il ? Que faudrait-il de mieux ?

Méditation : Je pense à tous les moyens que je prends de développer mon

intériorité : prière, silence, méditation, oraison, adoration… Relecture de vie…

intériorisation des évènements, rumination de mon vécu… Descente au plus profond de soi…

2. Rencontres décisives !

1) Ethel Merston7

Alors qu’Henri Le Saux va rencontre un guru célèbre, Ramana Maharshi et qu’il se mêle à la

foule qui s’approche de lui, il est d’abord déçu par ce sage qui ne dégage rien d’exceptionnel.

C’est alors qu’une anglaise, Ethel Merston, qui fréquentait l’ashram et à qui il disait sa

déception, lui déclara sans ambages : « Vous arrivez beaucoup trop encombré, vous voulez

savoir, vous voulez comprendre. Il faut donc que ce qui vous est destiné passe obligatoirement

par le chemin que vous avez décidé. Faites le vide en vous. Soyez uniquement réceptif. Que

votre méditation soit pure attention. »

Méditation : Je fais le vide en moi, le vide de tout (pensées sentiments, soucis, désirs,

pars des élans intérieurs…) pour simplement être… avoir conscience d’être…

2) Ramana Maharshi : Cultiver la paix intérieure

Ainsi préparé, Henri Le Saux va découvrir la sagesse de ce sage : il va parler avec lui,

contempler le feu de son regard quand il se tenait en silence, l’écouter et surtout découvrir

« un homme immergé dans la béatitude de la paix intérieure. »

Indiens, Américains, Européens défilaient devant lui. Le sage se tenait au-delà de toutes les

différences de caste, de culture, de religion, de nationalité, de sexe. Lorsque que quelqu’un lui

avouait sa peur, son angoisse, ou son trouble, il répondait inexorablement : « Qui a peur ? »

Qui est angoissé ?... Il n’y a qu’une chose à faire, regarder au fond de vous. Si vous le faites

comme il faut, vous y trouverez la réponse à tous ces problèmes… »

Méditation : Je descends au fond de moi, plus profond que mes soucis, mes peurs,

mon ressenti négatif ou positif… pour goûter la Paix Intérieure…

5 Ramana Maharshi est un jñāna-yogin et guru indien de l'Advaita Vedānta, né le 30 décembre 1879 sous le nom de Venkataraman Aiyer et

mort le 14 avril 1950. Son enseignement, dans la tradition de la non-dualité, est essentiellement centré sur la notion du Soi et la question « Qui suis-je ? 6 Gnanananda était un gourou indien, appelé par ses adeptes Swami Sri Gnanananda Giri. On pense qu'il est né au début du 19ème siècle.

Grand maître védantin de l'Inde contemporaine, et de son disciple français, dom Henri Le Saux. Gnanananda était un adepte de l'advaïta, la doctrine qui permet à chacun de trouver en soi le chemin le conduisant à sa vérité. Sa pensée se veut universelle, au-delà des religions et conceptualisations. 7 Ethel Merston (1882 Londres –1967, Tiruvannamalai, Inde) fut l’une des premières élèves de Maharshiv à son Institut pour le développement

harmonieux de l’homme, au Prieuré de Fontainebleau-en-Avon, en France

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3) Arunâchala : la montagne de lumière : son deuxième guru

« Arunâchala est pour moi un lieu de naissance », écrira Henri Le Saux. En effet, les grottes

d'Arunâchala furent pour lui autant de berceaux. C'est là que, par grâce, il naquit à la plénitude

de la vie du dedans. Par la beauté de son silence et de son mystère, la sainte Montagne fit

éclore en lui une intériorité qui auparavant n’avait jamais connu une telle intensité de

profondeur et de lumière.

Arunâchala est dédiée à Shiva qui est feu et flamme. Située à 150 kilomètres au sud-ouest de Madras, elle domine la ville de Tiruvannamalai. Composé de roches ignées entièrement dénudées, ce cône sacré, qui se présente comme « le signe informe du Sans-Forme », sym-bolise le parfait dépouillement. De ce fait il révèle, il dénude, il initie. C'est ainsi que dom Le Saux, qui fera de nombreuses retraites silencieuses entre 1949 et 1955 dans les grottes d'Arunâchala, pourra écrire « C'est fou comme expérience, cette irruption soudaine de la colonne infinie de feu et de lumière d'Arunâchala. » Et dans un poème il évoque le Christ qui prend des apparences multiples pour être mieux cherché et trouvé.

« Ô mon Aimé, pourquoi T'es-Tu caché sous les traits de Shiva et d'Arunâchala, de Ramana le Rishi... pour me donner Ta grâce

Est-ce là Ton jeu divin ? Tu prends toutes les formes, et Tu Te joues de nous car Tu veux qu'on Te cherche au-delà de toutes formes ! Car il n'est pas de forme au monde qui ne soit Tienne, qui ne Te cache à l'ignorant et qui ne Te révèle à celui qui sait ! »

Méditation : Quelle est ma montagne de lumière, mon lieu sacré qui fait le plus éclore en

moi mon intériorité, où je vais pour méditer, pour plonger au fond de moi, pour goûter la

voix intérieure et pour contempler le « Soi en moi », l’Être absolu ?

4) Gnânâmanda : le guru qui défait les « nœuds du cœur »

Henri Le Saux va être profondément marqué par ce guru tamoul qui sera vraiment son maître

spirituel : « L’obéissance qu’il n’a jamais donnée de plein cœur à quiconque dans sa vie, voici

qu’il sent qu’elle va de soit avec Gnânânanda… Ce que dit le guru jaillit du cœur même du

disciple. Qu’importent alors les mots dont use le guru ? Toute leur puissance est dans leur

résonnance intérieure. En le voyant, en l’entendant, c’est à l’épiphanie de soi que l’on atteint,

en ce fond de soi où chacun aspire essentiellement même quand il l’ignore… Le vrai guru est

au-dedans celui qui sans bruit de mots, fait entendre à l’âme attentive le « Tu es cela ! »

Henri Le Saux va trouver en Gnânâmanda celui qui va libérer son cœur, dénouer son

cœur et l’aider à trouver ce qu’il cherchait : sa vérité profonde, son être véritable.

Méditation : Je pense à ceux qui m’ont aidé à être moi-même et à tous les nœuds de mon cœur que je dois défaire pour être toujours plus moi-même (soucis, tension, stress, pensées négatives, regrets amers, ruminations, scrupules, doutes, peurs…)

5) Le guru des gurus : le silence

Henri Le Saux va aussi prendre conscience que si il y a des gurus humains et que si la

montagne peut être un guru, le guru des gurus c’est le silence. Il va donc prendre de longs

moments de silence.

Réflexion: Quels sont nos moments de vrai silence extérieur et intérieur ?

Méditation : Silence. Je laisse résonner ce mot en moi !

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III. En chemin vers l’Éveil

1. La solitude, le silence et la pauvreté de la grotte d’Arunâchala :

Désireux de s’installer dans le décor porteur de la montagne

d’Arunâchala, l’opportunité se présente pour lui d’occuper la grotte

laissée libre par un sâdhu8 mort. Là il s’installe et fait l’expérience de

la solitude, du silence et de la pauvreté extérieure et intérieure.

Dans son journal le 4 avril 1952, il écrit : « Solitude, silence,

pauvreté. Tout cela jusqu’ici je l’ai pratiqué en dilettante. Ici je suis

confronté avec la réalité et je me rends compte de ce qui me

manque encore pour que mon expérience soit complète… »

Au monastère, il y avait la communauté, ici la solitude ; il était vêtu,

logé, nourri, soigné en cas de maladie ; on pouvait le visiter dans sa

cellule, l’encourager, là rien ! Bref à la sécurité succédait l’insécurité.

Est-ce que l’insécurité ne risque pas pour l’ermite de se transformer

en souci ? Or rien de plus taraudant que les soucis qui empêchent

de vaquer librement à la méditation et à la prière ? Henri Le Saux

essaie de vivre le renoncement à toutes ces sécurités

d’autrefois, la pauvreté totale, le dépouillement total aussi bien

extérieur qu’intérieur en vivant l’essentiel : la méditation, la prise de conscience de sa vérité

profonde dépouillée de tout ; il est… et reçoit son Être du « Soi », de l’Être Absolu, présent en

lui et infiniment plus grand que lui !

Un jour un visiteur, Hariral9, un enseignant de l’hindouisme, l’invite à un dépouillement encore plus

total : « Cessez vos lectures. Cessez vos prières. Cessez vos rites. Cessez ces contemplations sur

ceci ou cela. Réalisez que vous êtes : Tu es cela ! Il n’y a ni chrétien ni hindou, ni bouddhiste, ni

musulman. Il n’y a que « l’Atman10 », le soi permanent. L’Atman, rien ne le lie, rien ne le limite, rien ne

le détermine !... Une seule chose te manque, je te le répète. Pénètre en la grotte de ton cœur et réalise

là que tu es ! »

Se dépouiller de tout pour prendre conscience que l’on est et qu’en étant on participe à l’Existence

Absolue, voilà le seul essentiel !

Examen de conscience : De quoi dois-je me dépouiller pour être vraiment moi-même car la

leçon de l’hindouisme c’est bien cette invitation au dépouillement maximum (Cf les sādhus nus, les

moines nus du bord du Gange !) De quels biens superflus, de quels attachements, de quelles sécurités

dois-je me dépouiller ?

Naga sādhus Inde 2013

8 Un sadhu est un ascète hindou qui a renoncé à toute attache de la vie matérielle pour se consacrer uniquement à sa quête spirituelle. Il se doit de renoncer au plaisir, à la richesse et au pouvoir. Un certain nombre d'entre eux sont toujours mariés quoi qu'ils aient coupé tout lien avec leur famille. 9 Sri Harilal W. Poonja est né le 13 octobre 1910 à Gujranwala, en Inde, disciple de Ramana. 10 Ātman (sanskrit ) : ( souffle, principe de vie, âme, Soi, essence ») est un concept de la philosophie indienne āstika. Ce terme a le sens de pure conscience d'être ou de pur « je suis », et désigne traditionnellement le vrai Soi, par opposition à l'ego (ahaṃkāra)

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Méditation : Je prends conscience que « je suis » et que c’est là l’essentiel. Plus je prends

conscience d’être ce que je suis, plus je prends conscience que je participe à l’Être Absolu

(Brahman) (ou en tant que chrétien que je suis habité par l’Être Absolu, celui qui a dit : « Je

suis : je suis » à Moïse)

2. Le journal de bord :

N’ayant que peu d’interlocuteurs, Henri Le Saux se confie à son journal pour mieux prendre conscience

de son évolution intérieure, de ce qu’il est en train de devenir… C’est de ce journal qu’on retire

beaucoup de ses pensées, de sa recherche aussi bien intellectuelle que sprirituelle.

Débat entre nous : Qui a déjà écrit son journal de bord ? Quel en a été l’intérêt ?

Exercice spirituel : Écrire son journal de bord ou au moins de temps à autre faire une

relecture de vie écrite pour fixer la prise de conscience de son évolution intérieure/

3. Les contradictions nécessaires

Pour Henri Le Saux embarqué dans une recherche spirituelle très complexe, la vérité ne se tient ni

dans le oui ni dans le non mais entre l’affirmation et la négation : je suis ceci… et pas ceci, l’Être

est ceci… et pas ceci… Il faut constamment dépasser les vérités acquises en les remettant en question

et en allant toujours plus loin, plus haut, plus profond…

Exercice spirituel : Nous accepter avec nos contradictions mais avancer toujours plus

loin !

4. Les risques d’une spiritualité indianisée

Tout en demeurant chrétien, Henri Le Saux s'éveille intérieurement, grâce à ses relations avec des

Sages et par la lecture des Upanishads. Son option est telle qu'il se détache très nettement des

sources juives du christianisme et aussi de l'influence grecque véhiculée par les Pères de l'Église. Déjà

en 1952, il note dans son Journal : « Le christianisme est profondément ‘enlisé’ dans l'anthropomor-

phisme juif, lequel est si insupportable en de nombreux psaumes ». On peut dire du moine sannyâsî

qu'il a accepté par conviction et par choix de s’indianiser.

S’indianiser pour Henri Le Saux c’est refuser de penser Dieu avec des sentiments humains, des

pensées humaines, des projets humains, des images humaines comme le fait la Bible ; c’est penser

Dieu comme Dieu, comme l’Être Absolu, bien au-delà de nos sentiments, de nos pensées, de nos

projets, de nos images… La manière de parler de Dieu, c’est donc de n’en rien dire mais d’être là en sa

Présence… C’est bien mais le risque c’est de s’éloigner du Dieu de la Bible !

Méditation : Je me mets en présence de Dieu pour lui-même et non pour ce que je pense

de lui, ressent de lui, imagine de lui…

5. La nuit mystique

Plongé dans l’indianisation de sa spiritualité chrétienne, Henri Le Saux finit par tomber dans le piège

inévitable : la crise de sa foi chrétienne, la nuit mystique que d’autres mystiques ont connue ! D’abord

ce constat :

« Seul avec le Seul. Plutôt seul en le Seul. Solitude divine. Libéré des images et de la sentimentalité

religieuse si reposante. »

Puis bientôt c’est le passage à vide, l’épreuve crucifiante, la souffrance purificatrice mais cruelle : Henri

Le Saux se demande s’il est encore chrétien, s’il doit rester chrétien : « L’âme alors crie

douloureusement vers le Dieu absent. Oui, qui fera comprendre que cette soi-disant absence est

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une entrée plus profonde, plus réelle en la présence, la présence de soi à soi, qui est l’être même de

Dieu, qui l’être de l’être ? »

« Accepter en toute simplicité et sérénité la possibilité, pour le moins, d’avoir à sacrifier un jour à sa

conscience mon appartenance matérielle à l’Église avec tout ce qu’elle comporte de stabilité

psychologique et matérielle… »

« Si le christianisme est vrai, je risque de m’engager à contre-voie pour l’éternité ! »

« L’Église se glorifie de posséder l’Esprit. Sans doute, mais en cage. Ou bien dans des armoiries, à

moins que ce ne soit dans des armoires !... »

Finalement, Henri Le Saux arrivera à unifier en lui christianisme et hindouisme en voyant en eux deux

chemins complémentaires pour aller à la rencontre de la Présence ou plutôt pour accueillir la

Présence qui vient à notre rencontre : « Au-delà du christianisme de secte, de l’hindouisme de secte,

partout affleure la Présence, où rayonne la Présence, où éclate la Présence, s’arrêter, adorer et

là s’asseoir et se recueillir dans un prosternement de l’esprit plus profond encore que le

prosternement du corps dans le rite. »

Méditation : Je pense à toutes mes nuits de foi où Dieu me semblait absent, où j’étais dans le doute, l’incompréhension, la révolte ou l’acédie, le vide du cœur …

Puis je laisse la Présence venir à moi, je me recueille, j’accueille, j’adore… je goûte… je me remplis de cette Présence !

IV. La synthèse missionnaire

Peu à peu Henri Le Saux arrivera à cette synthèse missionnaire qui propose une communion entre hindouisme

et christianisme pour mieux rencontrer Dieu et laisser sa Présence nous envahir et nous conduire :

31 mars 1952 : « Je considère l'hindouisme non pas comme une religion fausse, mais comme un christianisme

inachevé... « Le Christ a été naturellement une personne particulière, né sémite, juif, dans l'ambiance romano-

hellénique. La race sémite et le monde méditerranéen ont certainement été l'objet d'une prédestination divine,

berceau du christianisme... Cependant, erreur est de demeurer enfermé dans la perspective du sein (juif et du

berceau (gréco-romain) …

« Il s'agit d'incorporer à mon christianisme toutes les valeurs positives de l'hindouisme, pensée, culte, dévotion,

en ne rejetant que ce qui est nettement et sûrement incompatible, et interpréter en valeur chrétienne ce qui ne

peut entrer tel quel... « Je m'en tiens au point de vue des vieux rishis des Upanishads... Il faut nier de Dieu le un

humain et le deux humain... « Le point crucial, naturellement, c'est l'entrée du Christ dans l'histoire, le passage

d'une religion cosmique à une religion historique. »

Exercice spirituel : Pour être moi-même missionnaire, je dois incorporer à mon

christianisme les valeurs, pensées, cultes, dévotions des autres croyants ou non croyants. Avoir

ce regard positif sur les autres !

Page 8: Mini retraite du 18 Juillet 2019 Henri Le Saux 1910-1973 ... · de revue l'ayant mis au courant de l'œuvre de l'abbé Jules Monchanin2, qui depuis quelques années séjournait dans

Mini retraite du 18 Juillet 2019 – Henri Le Saux (1910-193) moine chrétien et hindouiste Page 8

V. La spiritualité hindouiste-chrétienne d’Henri le Saux

À méditer attentivement ces deux textes d’Henri Le Saux :

5 juin 1954 : « Le Dieu vivant ne se rencontre réellement qu’au fond de soi, dans le recueillement du fond de

soi, au fond de sa propre vie, au fond de ce par quoi nous –non chacun des je – sommes vivants. Là seulement

où nous avons l’expérience intérieure de la vie, la communion directe avec la vie, par identité, et non plus une

simple constatation extérieure par inférence… »

« De même Jésus n’est pas à chercher ni à Bethléem ni à Nazareth ni à Capharnaüm ni au Calvaire, ni

même à la sortie du tombeau au matin de Pâques… Le chercher où il est réellement, Dieu vivant, absconditus

in sinu Patris. Et le sein du Père est au fond de moi. »

Ainsi, le mystère de Jésus, c’est le mystère du Soi, la présence de Jésus, c’est la présence du Soi,

c’est la présence à Soi. »

« L’œuvre essentielle de l’homme est de retrouver son fond. »

« Pourquoi retrouver son fond ? Parce que le fond est d’origine divine. L’homme vient de Dieu et il y

retourne. Entre sa création et son retour à Dieu, il vit une condition d’exilé.

Tout est là. Tel est le sens de la démarche de l’homme. Celui-ci n’a pas à chercher Dieu car c’est Dieu

qui le cherche. Il lui suffit d’aller au-devant de lui. De même que, selon l’apôtre Jean, Dieu aime l’homme avant

d’être aimé par lui ; de même Dieu est présent à l’homme antérieurement à la présence de l’homme à Dieu. Le

secret de la rencontre réside dans l’entrée dans le fond qui est le lieu de Dieu dans l’homme.

En réalité ce n’est pas moi qui atteins le Fond. C’est le Fond lui-même qui se révèle dans

l’évanouissement de ce moi.

Cette vie dans le Fond, où seul avec Dieu, je suis. Cette vie dans le Fond, où seul, en Dieu, je suis.

Cette vie dans le Fond, où seul, de Dieu, je suis. Cette vie dans le Fond, où seul… je Suis… aham, aham

Tout pour moi, toute prière, toute adoration, tout acte… consiste maintenant à rentrer dans le fond… en

remontant du dehors vers ce dedans, je le fais passer à la vie, le je ‘ressuscite’, je le passe en Dieu…

14 Juin 1956 : « Cherche Dieu jusqu’à ce que tu le trouves au-delà de toute pensée de lui et de tout sentiment

de lui, au-delà de la pensée que tu as de son impensabilité, au-delà du sentiment que tu as de son

‘inexpérimentabilité’.

Et pour chercher Dieu, cherche toi aussi toi-même, au-delà du sujet dont tu as conscience qu’il perçoit,

qu’il sent, qu’il pense, au-delà du sujet qui a conscience qu’il se perçoit, qu’il se sent, qu’il se pense soi-même.

Tant que tu auras encore conscience de toi, tu ne te seras pas atteint toi-même.

Tu es aussi loin de toi que Dieu est loin de toi, Dieu est aussi proche de toi que tu es proche de toi-

même, Dieu est aussi loin de toi au-dedans de toi qu’il en est loin au-dehors de toi.

Parcours le champ des étoiles, dépasse les galaxies, et tu n’auras pas encore atteint Dieu. Le ciel de

Dieu est au-delà de tous les cieux que peut atteindre l’homme par ses sens ou sa raison.

Le mystère que tu portes en toi est lui aussi au-delà de toutes les galaxies, que peut parcourir ton

esprit.

Dieu est aussi transcendant à toi quand tu le regardes au-dedans que lorsque tu le regardes au-dehors

Et tout autant inaccessible. »

Le 14 Juillet 1973 Henri Le Saux fait un infarctus qui est pour lui l’occasion du « grand éveil », de l’illumination,

de l’entrée dans la pleine existence qu’il fera définitivement en décédant le 7 décembre.