mihai eminescu - fat frumos din lacrima

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Editie bilingva, Romano-Franceza

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Page 1: Mihai Eminescu - Fat Frumos din lacrima

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Page 2: Mihai Eminescu - Fat Frumos din lacrima

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Mihai Eminescu

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BEL-ENFANT DE LA LARME

Traduit par Jules Brun et Leo Bachelin

Le texte roumain de ce conte, recueilli en Moldavie par

Eminesco, et publié d’abord dans les Convorbiri, a été réuni après la mort du poète, à ses œuvres en prose.

*

ux anciens jours – quand les hommes n’étaient pas

tels qu’ils sont aujourd’hui et que le Seigneur foulait encore de ses pieds sacrés les solitudes muettes de

ce monde – aux anciens jours vivait un vieil empereur,

sombre comme la nuit d’hiver, avec une épouse aimable et jeune comme la lumière de l’aube.

Depuis cinquante ans, il guerroyait contre son voisin. Ce

voisin venait de mourir, léguant à son fils un héritage de haine et de vengeance. Et l’empereur à la barbe de neige, las

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d’un demi-siècle de luttes, semblait un vieux lion aux dents

émoussées, aux griffes usées à la curée. Il n’avait jamais déridé son front soucieux, ni répondu, fût-ce par un sourire, aux chansonnettes naïves d’un enfant, aux doux propos de

sa jeune épouse, ou aux gaillards récits de ses compagnons de tente, de ceux-là même qui avaient blanchi sous ses

ordres. Or il sentait déjà, le vieil empereur, son sang se glacer

dans ses veines, et toujours il ne voyait personne autour de

lui à qui remettre sa masse de commandement. Aussi sortait-il triste de sa couche, que le ciel avait dorée mais point bénie, et triste encore il enfourchait son cheval de guerre pour

charger à la tête de ses braves.

L’impératrice, cependant, seule dans le grand palais vide, se consumait de long ennui. Ses cheveux, blonds comme l’or pur, tombaient en désordre sur l’inféconde

blancheur de son sein; des larmes muettes s’égrenaient sur ses joues pâlies; et ses fins sourcils tendaient un arc de douleur sur l’azur de ses yeux noyés de tristesse.

Quittant son chevet désert, elle franchit un jour le seuil de la salle voûtée où trônait, au-dessous d’une lampe

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perpétuelle, l’image vêtue d’argent de la Mère des Douleurs,

et se laissa choir sur les degrés de pierre qui montaient vers l’icone sacré.

Tout à coup, par l’effet de l’imploration de l’impératrice

abîmée, les paupières de la froide image se mouillèrent et une larme perla au bord de l’œil noir de la Mère de Dieu.

L’orante se releva, approcha sa lèvre pieuse et but cette larme de miracle.

Et, de ce moment, elle fut grosse.

*

n mois, deux mois, neuf mois s’écoulèrent, et

l’impératrice mit au monde un enfant blanc comme l’écume du lait, aux cheveux blonds comme un

rayon de lune. Pour la première fois, l’empereur sourit; des fontaines de

vin coulèrent sur les places publiques; des rumeurs de fête

ébranlèrent les dômes du ciel, et le soleil s’attarda trois jours à son midi pour regarder les danses et les cavalcades.

La mère baptisa son fils Făt-Frumos din Lacrimă (Bel-

Enfant de la Larme). Il grandit comme le sapin des bois, gagnant par chaque lunaison autant que d’autres en une

année. Bientôt il demanda une masse de fer, qu’il lança jusqu’aux étoiles et qui se vint briser comme verre sur son petit doigt tendu. Alors il réclama la grande masse d’armes

de son père: il l’envoya tournoyer jusqu’aux palais de la lune et la reçut de nouveau sur son petit doigt: cette fois la masse

résista. Le lendemain, Făt-Frumos prit congé de ses parents

pour passer sur les terres du jeune empereur voisin, l’ennemi

de sa race. Il se vêtit en berger, d’une chemise de soie écrue, tramée des pleurs de sa mère; il se coiffa d’un chapeau fleuri,

bordé de cordons rouges et de perles ravies au cou des princesses; il glissa dans sa ceinture un galoubet pour les rondes et une flûte pour les chansons d’amour; et quand le

soleil dépassa les toits de la hauteur de deux lances, il se mit en voyage sur le grand chemin du monde.

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Il allait, jouant de ses pipeaux, et, pour marquer les

étapes, il jetait sa masse, celle que son petit doigt n’avait pu briser, si haut qu’elle dépassait les nuées, si loin qu’elle

retombait devant lui à une journée de marche. Les pics et les vallées épiaient sa chanson, les sources

émues se troublaient, les ruisseaux dressaient leurs

ondelettes pour mieux ouïr, et les aigles, juchés sur les mornes glacés, demandaient à l’écho de la montagne le ressouvenir du dolent refrain.

Tandis que fascinée, la nature entière contemplait l’impérial berger, les yeux noirs des jeunes filles se voilaient

d’amoureuse rosée; les pastours qui le voyaient passer, appuyés sur leur houlette noueuse, se sentaient au cœur un frisson de bravoure et de ravissement.

Mais laissant derrière lui gars et pucelettes, Făt-Frumos marchait toujours; il marchait, chantant ses joies et ses

espoirs, tandis que dans l’air, comme une étoile vagabonde ou comme un faucon d’acier, sa masse d’armes décrivait son arc éblouissant.

A la troisième vesprée, la masse, en retombant, s’en vint heurter une porte de bronze, qui résonna avec un long grondement sourd.

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L’huis fut brisé; le téméraire entra.

Entre deux crêts dentelés comme une mâchoire de

louve, la lune montait, argentant le cristal d’un lac au fond sablé d’or. Sur une lie d’émeraudes enchâssée de myrthes touffus, se dressait un haut château de marbre, blanc

comme l’aile d’un cygne, et dont les murailles, plus polies qu’un miroir, réfléchissaient la forêt et la plaine, le lac et ses rivages.

Une barque dorée attendait près de la porte d’airain, sur les eaux endormies, et les fenêtres du palais versaient de

mélodieux accords dans la grande nuit sereine. Făt-Frumos saisit les avirons et silla comme un martin-

pêcheur jusqu’aux degrés d’albâtre du château.

Il y pénétra.

*

es candélabres de vingt coudées tordaient leurs milles branches sous les portiques et dans les

escaliers. La grand’salle était supportée par des

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colonnes d’or; une table de santal occupait le centre,

couverte d’une nappe de borandjick 1 et d’assiettes taillées dans une seule perle. Des boyards, revêtus de pelisses de zibeline, siégeaient sur des divans de Perse, tous joyeux

comme les jours de jeunesse, beaux comme les soirs de fiançailles. Un d’entre eux avait le front diadèmé

d’escarboucles, celui-là beau comme la pleine lune d’une nuit d’été; – mais Făt-Frumos était le plus beau de tous.

— Gracieux accueil te soit fait, gentil seigneur! dit

l’empereur. J’ai entendu louer la vaillance de Făt-Frumos, mais oncques ne le vis.

Alors Făt-Frumos: — Tu me sembles riche de pouvoir et de vœux

accomplis; mais peut-être ne le seras-tu pas longtemps, car

je suis venu te défier en combat singulier et venger mon père de tes outrages.

— Je n’ai jamais outragé ton père; j’ai guerroyé contre lui en loyal ennemi. Mais toi, je ne te combattrai pas; je

1 Etoffe de soie crêpée imitée des tissus de Brousse. En Roumanie,

on en fait surtout dea voiles et des foulards.

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préfère appeler les laoutars1 et dire aux échansons de remplir

les coupes. Jurons-nous plutôt éternelle alliance, soyons Frères de Croix!

Alors les deux princes s’embrassèrent aux acclamations

des boyards; ils burent et s’adressèrent des questions. — Que crains-tu le plus au monde? dit le grand

empereur à Făt-Frumos. — Je ne crains que le Seigneur Dieu. Et toi? — Moi je crains le Seigneur Dieu et la Mère des Forêts,

une vieille femme d’une laideur monstrueuse, qui parcourt mes domaines sur l’aile de la tempête. Partout où elle passe,

l’herbe ne verdit plus, les villages sont brûlés, les bourgs rasés. J’ai, pour la vaincre, levé dix armées hérissées de fer; seul j’ai survécu à dix défaites. Lors, pour que mon empire ne

soit mué en un vaste cimetière, j’ai composé avec elle, et lui ai concédé la dîme de tous les nouveau-nés de mes peuples. C’est ce soir, qu’elle viendra réclamer ce tribut.

1 Ménétriers roumains, dont les instruments caractéristiques, outre

le violon et la contrebasse, sont la flûte de Pan et la cobza sorte de grosse

mandoline.

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Au premier coup de minuit, les visages des convives

s’assombrirent, car, à la dernière vibrée, la Mère des Forêts, goule insatiable aux noires ailes d’orage, avec ses cheveux de joncs pourris, sa face cave comme une falaise, allait

apparaître1. — Ahô-hô-hô-hô-hô!

Déjà grondait son hululement rauque; déjà flambaient ses yeux, tels que des brûlots, sur l’entrebaillement de sa bouche d’ogresse.

Făt-Frumos marcha à sa rencontre. Dès qu’elle fut proche, il la saisit de toute sa force et la

jeta dans un énorme mortier de pierre, dont il ferma

l’ouverture d’une meule géante, scellée de sept chaînes de fer. Dedans, la vieille sifflait et écumait de rage, mais en vain.

1 La Mère des Forêts est assimilable aux dragonnes, qui, dans bien

des contes, jouent le même rôle, et la description extérieure du

personnage concorde: « Et cette dragonne avait la face toute labourée de rides, la bouche béante, la chevelure sauvage et les youx caves. Ses lèvres sèches exhalaient une odeur infecte ». (Stan Bolovan, conte roumain

publié par Slavici)

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Puis Făt-Frumos reprit son siège au haut bout de la

table. Tout à coup, à la clarté de la lune, on vit les eaux du lac

se fendre et se dresser en deux hautes parois. Quel était ce

prodige? La Mère des Forêts, ne pouvant rompre son cachot, escampait avec le mortier et creusait ainsi la nappe fluide.

Elle allait toujours, roulant à travers les futaies et laissant après elle, parmi les arbres broyés une ornière béante. Bientôt elle disparut dans les cavernes de l’ombre1.

Quittant alors le festin, Făt-Frumos prit sa masse sur l’épaule et suivit, par monts et par vaux, la ravine frayée par

le mortier jusqu’à ce qu’il arriva, au point du jour, devant un palais de jaspe, perdu au milieu d’un jardin de fleurs

inconnues, aux parfums étranges. Et ces fleurs se paraient de tout l’arc-en-ciel, bleues, rouges et blancbes. Des

1 « A minuit juste, quand le jour et la nuit font trêve pour un

moment, las de la lutte, Stan pressentît qu’il allait se trouver en face

d’une chose inouïe, d’une aventure qui ne se peut raconter. Ce fut terrible comme l’approche d’un dragon et c’était comme si le monstre se frayait à coups de pierres un chemin à travers la haute futaie » (Stan Bolovan,

conte roumain publié par Slavici)

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mouches d’or y voltigeaient, comme une pluie d’étincelles,

dans la lumière radieuse du matin.

*

ntre deux grandes cuves, devant la porte, filait une belle jeune fille, au vêtement blanc comme le givre ensoleillé. Ses lourdes tresses d’un blond de miel

caressaient son pied nu; une couronne de muguets ceignait son front lisse, d’où semblait jaillir une source de rayons. Ses

doigts délicats tournaient un fuseau d’or, et de sa quenouille d’argent naissait un fil si délié qu’on l’eût prit plutôt pour un rayon de lune.

Aux pas légers du jeune homme, la fileuse leva ses yeux, bleus comme l’eau des lacs.

— Sois le bienvenu, Făt-Frumos, gazouilla-t-elle avec un

tendre sourire. Il y a si longtemps que tu passes dans mes songes! Tandis que mes doigts tordaient la laine, mes

pensées te suivaient. Je veux te faire un vêtement de la toison de mes ouailles, le tisser de charmes et de sortilèges, afin qu’en le portant, tu penses à moi et m’aimes d’amour.

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Laisse-moi de mon fil te tisser une tunique; de mes jours,

une vie de bonheur! Comme elle regardait Făt-Frumos, le fuseau glissa de sa

main et la quenouille tomba par terre. Elle se leva, confuse

de son aveu, les bras abandonnés, les paupières basses. Făt-Frumos approcha, et, dans une douce étreinte, il lui

murmura à l’oreille: — Chère, ô chère, tu es belle! Qui donc es-tu? — Qui je suis?… Je suis Iliane, la fille de la Mère des

Forêts, répondit-elle en soupirant. M’aimeras-tu, maintenant que tu sais qui je suis?

Elle lui prit la tête entre les deux mains, et d’un long

regard, anxieuse, plongea dans son âme.

— Que m’importe ta mère, puisque je t’aime! dit Bel-

Enfant de la Larme. — Alors, fuyons! s’écria-t-elle en se nouant étroitement à

son bien-aimé; car si ma mère te trouvait là, elle te tuerait; et, toi mort, je mourrais aussi.

— Sois sans crainte, répliqua le jeune homme, en se

dégageant de ses bras. Mais où donc est ta mère?

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— Depuis ta venue, elle se débat dans le mortier où tu

l’as enfermée, et ses dents rongent les chaînes de fer. — Je veux la voir! déclara Făt-Frumos, en faisant un pas

du côté où se trouvait la vieille.

— Făt-Frumos, attends encore un peu. Je veux te dire ce qu’il faut faire pour vaincre ma mère. Tu vois ces deux

grandes cuves. L’une contient de l’eau de puits, l’autre de l’eau de force. Quand ma mère combat un ennemi et se sent faiblir: « Trêve! lui dit-elle, buvons un coup! » Mais elle boit de

l’eau de force, tandis que son adversaire ne boit que de l’eau de puits- Change les cuves de place; alors, pendant la lutte, c’est toi qui boiras de l’eau de force, et elle, de l’eau de puits1.

Sans tarder, Fèt-Frumos transporta les cuves, puis il courut derrière la maison.

— Hé! la vieille, que fais-tu? A ces mots, la Mère des Forêts, d’un suprême effort, fit

voler en éclats sa geôle de roc et de fer, et se dressa hors du

mortier avec un élan si furieux, que son corps long et maigre atteignit les nuages.

— Heureuse rencontre! grinça-t-elle, en se rapetissant peu à peu. Maintenant, à la lutte!

Nous verrons bien, cette fois, qui de nous deux réduira

l’autre! — Soit! répondit Făt-Frumos. Aussitôt, la vieille l’empoigne par la ceinture, l’élève au-

dessus des nuées et le précipite sur le sol, où il enfonce jusqu’aux chevilles.

A son tour, Făt-Frumos se rue contre son ennemie, la brandit au plus haut des airs et l’enterre jusqu’aux genoux.

Elle se dégage, harassée.

1 Cette « eau de force » ou eau de vie est bien connue des

traditionnistes. Elle est, dans le folklore aryen, un souvenir encore vivace de la boisson des dieux, du sôma des Hindous, de l’ambroisie des Grecs et

du meth des Germains. La pluie ou la rosée bienfaisante, telle est l’eau de

force qui, issue des nuages, a été localisée ensuite sur terre, et c’est dans

les sources où elle coule que les héros solaires, qu’ils s’appellent Achille, Siegfried ou Fêt-Frumos, puisent, en se baignant ou en se désaltérant, la

vigueur qui les rend invulnérables et vainqueurs.

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— Trêve! dit-elle. Buvons un coup! Ils suspendirent le combat pour reprendre haleine. La

Mère des Forêts, leurrée, but de l’eau de puits, et Făt-Frumos, de l’eau de force; sur-le-champ, un flot de vie coula dans ses veines épuisées.

Et, d’un bras raffermi, il saisit la vieille, la plante comme un pieu dans le sol, l’y ensevelit jusqu’à la gorge, et, levant sa

masse, d’un coup asséné sur le crâne, il le fait voler en éclats.

Aussitôt le ciel se charge de vapeurs; un vent glacé hurle

dans l’étendue morne, déracinant les chênes centenaires. Des serpents de feu déchirent la robe noire des nuages, les

eaux semblent aboyer, et le tonnerre gronde au loin, comme un tocsin d’épouvante…

Soudain, au milieu des épaisses ténèbres, Făt-Frumos

voit surgir une ombre argentée; c’est Iliane, pâle, les cheveux défaits, qui lui tend les bras. Il court à elle et la presse sur sa poitrine. A demi-morte de terreur, elle se laisse aller et cache

ses mains glacées au sein du jeune homme. Pour la ranimer, il lui baise doucement les paupières. A travers les abîmes des

nuées, la lune glisse un rayon couleur de rouille, et Făt-

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Frumos aperçoit deux étoiles bleues qui brillent d’un éclat

limpide, les yeux de sa bien-aimée. Puis il se prend à fuir à travers la tempête, avec son

fardeau d’amour entre les bras – la blonde fiancée avait

penché le front et semblait dormir.

Quand il est arrivé près du jardin de l’empereur, son Frère de Croix, il la dépose dans la barque, comme en un

berceau, et traverse le lac. Sur l’autre bord, il arrache giroflée, serpolet et marjolaine, et lui façonne, près de la grève, une molle couche, où elle s’endort comme l’oiseau des

nids.

*

e soleil, à son lever, leur sourit avec amour. Humide de rosée, la robe d’Iliane modelait les

chastes contours de son sein; mais son visage d’une pâleur de cierge, ses petites mains jointes sur sa poitrine, ses cheveux épars emmêlés d’herbes, ses paupières

closes cernées d’ombre, la faisaient semblable à une morte. Făt-Frumos para de fleurs de mai ce front charmant et

pur; puis, après un vague prélude sur son galoubet le plus

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doux, il chanta, assis aux pieds d’Iliane, des aubades et des

cantiques d’épousailles. Aux champs d’azur du ciel, le soleil marchait, semeur de

rayons; et les fleurs aux parfums ravivés, enveloppaient

toujours d’invincible sommeil les yeux de la jeune fille, tandis que les accents langoureux de la flûte berçaient ses rêves de

fiancée. Quand le soleil eut fait la moitié de sa course, Făt-

Frumos écouta le souffle de la dormeuse, pur et calme. Il se

pencha doucement sur son front, qu’il effleura de ses lèvres, légères comme le vol d’une abeille. Alors elle ouvrit ses yeux éblouis, où flottaient les songes du matin; encore

ensommeillée, elle tendit vers son amant ses bras blancs comme du lait et lui dit avec un bienheureux sourire:

— C’est toi! — Comment ne serait-ce pas moi! Ils pleuraient de bonheur.

Et tandis que la vierge rêveuse le caressait ingénument: — Ame de ma mère1, lève-toi! dit Făt-Frumos.

Elle tressa sa chevelure, et tous deux, enlacés, suivirent à pas lents les allées de myrthes, vers les blanches demeures de l’île enchantée.

Alors Făt-Frumos, menant Iliane à son Frère de Croix: — Voici ma fiancée. L’empereur sourit. Puis, comme oppressé par un intime

chagrin , il entraîna son compagnon dans l’embrasure d’une fenêtre ouverte sur le lac. Là, il soupira, et ses yeux, penchés

sur l’eau limpide, y laissèrent tomber des larmes muettes. A cet instant, un cygne solitaire voguait, son aile d’argent gonflée, et plongeait dans l’onde frémissante son col becqué

de corail. — Frère, tu pleures, dit Făt-Frumos. Et pourquoi?

— Tu m’as délivré de mon ennemie, la Mère des Forêts, et je ne payerais pas de tous mes trésors l’étendue de ton bienfait; et pourtant j’ai encore un bon office à te demander.

1 Locution roumaine pour exprimer la chose qui vous est la plus

chère au monde.

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Jeune comme tu me vois, je devrais aimer la vie, comme ce

cygne amoureux de l’onde où il s’ébat. Hélas! il n’en est rien. Une gentille princesse, aux yeux pleins de ciel, blanche comme l’écume du torrent, m’a pris le cœur. C’est la fille de

Génar, le fort des forts, le noir chasseur qui sonne du cor dans les halliers impénétrés. Aussi belle est la fille, aussi

farouche est le père. Vains furent mes efforts pour la ravir de son château. Le tenterais-tu pour moi?

Malgré le désir qu’avait Făt-Frumos de se délecter en

amour, la Fraternité de Croix qu’il avait consentie lui était plus chère encore que sa fiancée.

— Empereur, puisque tel est ton vouloir et que je suis

ton Frère de Croix, je partirai.

Au moment des adieux, Iliane lui chuchota à l’oreille: — N’oublie pas un instant, Făt-Frumos, que mes yeux

pleureront comme des fontaines, tant que durera ton

absence. Il la regarda avec mignardise, tâcha de la consoler; puis

se déliant de son étreinte, il sauta en selle et partit.

*

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l traversa des bois déserts, gravit des monts aux

cimes neigeuses; et le soir, la lune, pâle comme la face d’une morte, lui montra des sommets

déchiquetés, où les volcans allumaient leurs fanaux, tels que

des lanternes fumeuses pendues à la voûte du ciel. Au point du jour, Făt-Frumos avisa que la chaîne de

montagnes où il s’était engagé allait se perdre au sein d’une mer d’émeraude, dont les vagues pressées verdissaient plus loin que le regard, jusqu’aux barrières de l’azur.

Dominant le flot, se haussait un roc abrupt, au chef couronné par une forteresse dont les blanches parois semblaient recouvertes de boucliers d’argent.

A l’une des fenêtres, à travers un réseau de verdure, Făt-Frumos aperçut la tète d’une jeune fille, au visage rêveur

comme une nuit d’automne. C’était la fille de Génar. Elle courut ouvrir les portes du château, qu’elle habitait

seule, comme la fée de cette solitude. — Salut à ta Seigneurie! dit-elle à son hôte. Cette nuit, il

m’a semblé que je conversais avec une étoile, et l’étoile me

disait que tu viendrais à moi, envoyé par un puissant empereur qui m’aime.

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Dans la salle basse, un mâtin à sept têtes gardait le foyer. Quand une seule tête aboyait, on l’entendait à une journée de marche; mais quand les sept tètes aboyaient à la

fois, on les entendait à sept journées de marche. Or Génar, s’oubliant aux sauvages curées, battait la

campagne, loin du château. Făt-Frumos prit la jeune fille dans ses bras, piqua des

deux et l’emporta au galop vers la grève déserte.

Génar, homme de haute et robuste taille, était donc monté sur sa bêle favorite, un cheval sans pareil, qui avait deux âmes1. Ils poursuivaient un daim, à une journée de

marche, quand brusquement le cheval s’arrêta, ayant ouï le mâtin du château qui donnait de la voix, aboyant d’une seule

tête; et le coursier, les oreilles droites, les naseaux frémissants, répondit à ce cri d’alarme par un hennissement qui sonna dans les bois profonds comme l’appel du cor.

— Quelle mouche te pique? N’es-tu pas content? demanda le chasseur au cheval ensorcelé.

1 D’après la croyance populaire, certains animaux auraient

plusieurs âmes; le chat, qui a « la vie dure », en aurait sept.

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— Hum! C’est pour toi, maître, que je ne suis pas

content. Făt-Frumos a ravi ta fille. — Tout beau! Faut-il se presser pour les joindre? — Bah! nous les rattraperons,

Génar s’affermit sur les étriers et vola comme l’effroi à la poursuite des fugitifs. Il les atteignit bientôt. Mais Făt-

Frumos, gêné par son fardeau, ne pouvait opposer grande résistance; car Génar lui aussi, était baptisé et tenait sa force de Dieu, et non des esprits de l’enfer.

— Făt-Frumos, dit le noir chasseur, tu es un beau jeune homme; c’est pourquoi j’ai pitié de toi. Pour cette fois-ci je te fais grâce, mais n’y reviens plus!

Puis il emporta sa fille et disparut soudain, comme s’il eut cessé d’exister.

Mais Făt-Frumos pensait à son Frère de Croix, qu’il avait vu pleurant d’amoureux ennui. Sans peur, il revint sur ses pas, et, pendant que Génar forçait un sanglier à deux

journées de marche, il trouva derechef la jeune fille seule, mais cette fois pâle et désolée, – plus belle encore dans sa

tristesse.

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Făt-Frumos déroba nuitamment deux chevaux à l’écurie

du château et ils s’évadèrent sans bruit. Ils chevauchaient, comme les rayons de lune sur les vagues bondissantes; ils fuyaient sous la froide étoile, comme s’envolent deux songes

heureux, tandis que, dans le lointain, hurlaient sans trêve les sept gueules du mâtin vigilant.

Tout à coup, malgré leurs efforts pour avancer, ils se sentirent, comme dans les cauchemars, cloués sur place, rivés au sol. Un nuage de poussière les enveloppa: c’était

Génar, monté sur son cheval dont le sabot broyait des étincelles, les crins au vent, la bouche écumante.

Roulant des yeux furieux, sans proférer un mot, il saisit

Făt-Frumos de ses poings noueux, le lança aux confins du ciel, dans les nues orageuses, puis disparut avec sa fille

comme naguère. Făt-Frumos, consumé par la foudre, retomba en une

poignée de cendres dans le sable aride du désert. De ce peu

de poussière naquit une source d’eau vive qui coulait sur un lit de diamants. Des arbres aux épais feuillages l’enverdirent

d’une ombre délicieuse et fraîche.

*

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i quelqu’un avait pu deviner le langage plaintif de

cette source, ce passant eut compris que le flot mélancolique murmurait, comme une étemelle

complainte, le ressouvenir d’Iliane, le désir de la blonde

fiancée de Făt-Frumos.

Mais qui pourra jamais surprendre le secret d’une

source qui pleure aux solitudes? En ce temps- là, le Seigneur était encore sur la terre.

Un jour, on vit deux hommes qui marchaient dans le désert. La face de l’un et sa vêture resplendissaient comme la lumière du soleil; l’autre, plus humble, ne paraissait que

l’ombre du premier: c’étaient le Seigneur et saint Pierre. Arrivés au bord du ruisseau, ils y rafraîchirent leurs

pieds brûlés par les sables sans fin; et Jésus se penchant sur la source limpide, but de l’eau; il baigna sa face sainte et glorieuse et lava ses mains qui accomplirent tant de miracles.

Puis tous deux s’assirent à l’ombre. Le Seigneur pensait à son Père qui est aux cieux; saint Pierre prêtait l’oreille à la source plaintive.

Quand ils se levèrent pour continuer leur route, l’apôtre dit au maître:

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— Maître, fais que cette source redevienne ce qu’elle a

été. — Amen, dit le Seigneur, en élevant sa droite

bénissante.

Après quoi ils s’éloignèrent, sans plus regarder derrière eux.

Comme par enchantement, source, ruisseau, arbres,

tout s’évanouit. Făt-Frumos, réveillé de son long sommeil, jeta, surpris, les yeux autour de lui. Dans le lointain, il

aperçut, marchant sur les vagues de la mer qui s’inclinaient sur son passage, l’image charnelle du Messie né de la vierge Marie; et derrière le Sauveur, saint Pierre qui, poussé par sa

nature mortelle, se prit à regarder du côté de Făt-Frumos. Celui-ci resta, les yeux fixés sur eux, jusqu’à ce que

l’apôtre eut complètement disparu. Seule la face éblouissante

du Seigneur restait encore visible à l’horizon, projetant sur la mer un sillage de lumière, comme si le soleil se couchait dans

les eaux vespérales. Făt-Frumos comprit le miracle de sa résurrection et

tomba à genoux pour adorer.

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Ensuite il songea qu’il avait promis d’enlever la fille de

Génar; or, la promesse d’un brave ne ment pas. Vers le soir; pour la troisième fois, il reprit la route du château-fort, dont la tour gigantesque se profilait au septentrion.

Il passa le fossé. La fille de Génar pleurait; mais dès qu’elle vit Făt-Frumos et qu’elle sut le miracle de sa

résurrection, son visage se rasséréna. — Pour m’enlever, dit-elle, il te faudrait un cheval

semblable à celui de mon père, un cheval à deux âmes.

— Oui, mais où le prendre? — Dès ce soir je m’informerai, afin que tu puisses en

avoir un. En attendant, pour te cacher à tous les regards, je

m’en vais te changer en fleur. La jeune fille récita à voix basse une formule magique, et

au moment où elle le baisait au front Fét-Frumos se trouva mué en une fleur rouge, rouge comme une cerise mûre. Elle plaça cette fleur sur la fenêtre, parmi des pots de verveine et

de basilic, et éveilla de ses chansons joyeuses les échos endormis du château paternel.

A cet instant, Génar entra. — Pourquoi si gaie, fillette? demanda-t-il. — Parce que Făt-Frumos n’est plus là pour m’ennuyer,

répondit-elle avec une moue espiègle. Ils soupèrent. — Dis, papa, interrogea la fille, d’où as-tu donc ce grand

cheval que tu montes à la chasse? — Que t’importe? fit-il en fronçant le sourcil.

— Mon Dieu, pure curiosité, puisqu’il n’y a plus de Făt-Frumos.

— Oh! si ça t’amuse, voici. – Et tout en parlant, il jetait

des os aux sept têtes du mâtin, qui se les disputaient. – Loin d’ici, près de la mer, habite une vieille femme qui a sept

juments. Elle ne garde qu’une année, une année de trois jours, ceux qui sont chargés de les panser; si elle est satisfaite du service, elle les rémunère en leur laissant choisir

un poulain de son écurie; sinon, elle les tue et plante leur tête au bout d’un pieu. Mais la rusée a soin, quand elle règle ses comptes, de retirer les âmes de tous les poulains de

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Técurie, pour les loger en bloc dans le corps d’un vieux

cheval qu’elle tient en réserve; de telle sorte, le choix fait, le serviteur fidèle se trouve nanti d’une bête sans âme, pire que la dernière rosse. La grande affaire, tu l’as compris, bichette,

c’est de…

A ce moment, le matin grogna de mécontentement.

Génar se mordit la langue, craignant d’avoir trop parlé. Il prononça trois mots mystérieux, et la jeune fille

regarda longuement son père dans les yeux, – comme, au réveil, on cherche à ressaisir les lambeaux d’un rêve fugace. Elle avait tout oublié. Mais, sur la fenêtre, la fleur veillait à

travers ses branchettes feuillues, comme une rouge étoile à travers les déchirures des nuages.

Le lendemain, à l’aube, Génar repartit pour la chasse. La jeune fille baisa la fleur de pourpre, en murmurant

une formule magique et Făt-Frumos réapparut tout à coup

devant elle. — Sais-tu quelque chose? demanda-t-il.

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— Non, dit-elle, portant la main à son front, j’ai tout

oublié. — Eh bien, moi, j’ai tout entendu et tout retenu. Je

pars; nous nous reverrons bientôt. Dieu te garde, ma fille!

Il sauta en selle et se perdit dans le désert.

*

l’heure où le soleil tue l’ombre dans les champs, le jeune homme avisa un moucheron qui se

débattait dans le sable torride1. — Făt-Frumos, dit le moustique, porte-moi à l’orée de la

forêt prochaine! Je te revaudrai cela. Je suis l’empereur des

moucherons.

Făt-Frumos le porta à la lisière du bois qu’il devait franchir.

En s’éloignant du couvert, il déboucha près de la mer, sur une plage désolée, et vit une écrevisse tellement brûlée

par le soleil, qu’elle n’avait plus la force de remuer.

1 Le trait des trois objets, bêtes ou plantes qui se font secourables,

après que le héros leur a rendu service, est très fréquent dans tous les

contes

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— Făt-Frumos, dit-elle, jette-moi dans la mer! Je te

revaudrai cela. Je suis l’impératrice des écrevisses.

Făt-Frumos la jeta dans la mer, et poursuivit sa route. A l’heure où l’ombre monte des vallées, il se trouva

devant une hutte1 au toit formé de crottin desséché. Autour, sept longs pieux aigus étaient fichés en terre. Six de ces pieux étaient coiffés d’une tête humaine; le septième,

attendant la sienne, s’inclinait sans cesse au souffle du soir, criant:

— Ma tête! ma tête! Au seuil de la hutte, une affreuse sorcière, toute ridée,

prenait le frais, étendue sur un cojoc 2 en guenille. Une

servante, jeune et belle, peignait la tignasse grise de la vieille. — Bonsoir, la mère! dit Făt-Frumos. Je suis heureux de

te trouver en bonne santé.

1 Littéralement un bordei, chaumière creusée en terre,

habituellenent recouverte de roseaux. Habitation des Tziganes. 2 Sorte de veste de peau d’agneau.

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— Qu’est-ce qui t’amène? Que me veux-tu? répondit la sorcière en se levant. Viens-tu paître mes juments?

— Oui. — Elles ne vont au pré que la nuit. Voilà, tu peux sur

l’heure les y conduire. Toi, la fille, donne à manger à ce

garçon de ce ragoût que j’ai cuisiné, et expédie-le. A côté de la hutte, il y avait une cave. Făt-Frumos

l’ouvrit. Il y trouva sept juments, noires comme un vol de corbeaux et qui ne connaissaient pas la lumière du soleil. Elles hennissaient et piaffaient d’impatience.

A jeun depuis le matin, Făt-Frumos dévora d’abord le souper de la vieille; puis, montant l’une des juments, il les

mena au vert, dans la nuit obscure et fraîche. Mais peu à peu, il sentit qu’un sonmieil de plomb engourdissait tous ses membres; ses yeux se fermèrent et il tomba comme un

cadavre sur l’herbe de la prairie. Il se réveilla à la pointe du jour, mais de juments, nulle

trace. Il voyait déjà sa tête au bout du septième pieu, quand

il aperçut tout à coup, détalant de la forêt voisine, les juments pourchassées par un essaim de moustiques.

Puis une petite voix viut lui bourdonner à l’oreille: — Tu m’as rendu service. Nous sommes quittes.

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C’était l’empereur des moucherons.

Quand il revint à la chaumière, la vieille entra en fureur; elle se mit à casser tout ce qui lui tombait sous la main et à battre sa pauvre esclave.

— Voyons, voyons; qu’as-tu donc, la mère? demanda Făt-Frumos.

— Rien, bougonna-t-elle, je n’ai rien contre toi; au contraire, je suis très satisfaite de ton travail.

Puis descendant dans le souterrain qui servait d’écurie,

elle commença à rosser ses cavales, en leur criant: — Tas de carcans! Puisse la Mère de Dieu vous frapper!

Puisse la croix vous blesser, la mort vous engloutir, afin que

je ne vous revoie plus! Que ne vous êtes-vous mieux cachées! Le même soir, le beau valet repartit avec les juments.

Derechef, accablé d’une insurmontable lassitude, il se laissa choir par terre et dormit jusqu’au jour.

De juments, pas plus que la veille. Désespéré, il allait

abandonner la partie, quand il les vit, toutes les sept, s’élever du sein de la mer, poursuivies par une armée d’écrevisses.

— Tu m’as sauvé la vie, murmura une voix grêle. Nous sommes quittes.

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C’était l’impératrice des écrevisses. Făt-Frumos reconduisit ses bêtes à l’écurie, et comme la

veille, son retour provoqua une scène de fureur. Mais, pendant le jour, la gentille servante vint le trouver

et lui dit en cachette, en lui prenant la main:

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— Je sais que tu es Făt-Frumos. Ne touche pas au

souper de la vieille, car elle y mêle de l’herbe de sommeil. C’est moi qui te ferai à manger.

La fille donc lui prépara son repas, et, le soir, en allant

au pré, loin de s’engourdir, il se sentit la tête plus légère. A minuit, il ramena les juments et rentra dans la hutte.

Quelques charbons couvaient sous la cendre de l’âtre. A leur lueur, il aperçut la sorcière qui gisait inerte sur son grabat… Il la crut morte et se mit à la secouer. Peine inutile.

Alors il réveilla la jeune esclave qui dormait sur le four, — Viens voir, s’exclama-t-il, la vieille est morte! — Celle-là, morte, dit-elle en hochant la tête; plût à

Dieu! Elle a bien l’air d’un cadavre car il est minuit, l’heure où un sommeil de pierre pèse sur son corps roidi; mais,

pendant ce temps, qui sait ce que perpètre son âme, par quelles voies maléficieuses elle rôde! Jusqu’au chant du coq, elle s’en va boire le sang des agonisants, ou dessécher le

cœur des malheureux. — Au fait, peu importe; je pars demain.

— Hé oui, mon frère; ton épreuve est accomplie. Mais, quand tu partiras, prends-moi avec toi; je promets de t’ètre utile. Je te préserverai de bien des dangers; je t’aiderai à

éviter les pièges que ne manquera pas de te tendre la vieille. Ce disant, elle tira d’un coffre vermoulu une brosse de

chiendent, une pierre à aiguiser et un mouchoir bleu.

*

u matin, l’année de trois jours étant écoulée, la sorcière devait rendre la liberté à Făt-Frumos et lui donner le cheval promis. Pendant le déjeûner,

elle se faufila à l’écurie, pour retirer leur âme aux sept juments noires. Elle plaça les sept âmes dans le corps d’une haridelle fourbue, qui n’avait que la peau et les os; après

quoi, sur l’invitation de la vieille, Făt-Frumos put se lever de table et aller choisir sa monture.

Les juments sans âme étaient donc d’un noir étincelant; tandis que la maigre haridelle, couchée dans un coin, sur un tas de fumier, ne payait pas autrement de mine.

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— Mon choix est fait, dit Făt-Frumos en la désignant. — Comment! fit la sorcière, c’est donc pour cette vilaine

rosse que tu m’aurais servie! Va, ne te gêne pas, mon garçon; prends plutôt une de mes belles juments. Elle sera bien à toi.

— Non, répliqua Fèt-Frumos, je préfère ce cheval-là.

La vieille claqua des dents, les membres secoués comme si elle allait tomber du haut-mal; puis, reprenant son sang-

froid, elle se mordit les lèvres, pour retenir le venin qui bouillonnait dans sa gorge.

— Eh bien, prends-le! grinça-t-elle enfin.

Făt-Frumos sauta sur le cheval, sa masse fidèle sur l’épaule. En un clin d’œil, il eut le désert derrière lui; il volait

comme la pensée, soulevant des trombes de sable.

*

La servante fugitive l’attendait à la lisière d’un bois. Il la prit en croupe et poursuivit sa course échevelée. Dans l’azur, une froide clarté tombait des étoiles, cousues comme des

paillettes d’or au voile de la nuit.

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— Aïe; je sens quelque chose qui me brûle! dit tout à coup la jeune fille.

Făt-Frumos tourna la tête.

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Dans un tourbillon accouru du ponant, il vit, immobiles,

terribles, deux yeux de braise dont les rayons perçaient les molles épaules de la servante.

— Jette la brosse de chiendent! fit-elle.

Făt-Frumos jeta la brosse. A l’instant même, une forêt ténébreuse, où sifflait la bise, où erraient les loups, se dressa

derrière eux, arrêtant le tourbillon.

— Hop! hop! dit Făt-Frumos à son cheval, qui fendit l’air comme un démon fouetté par un exorcisme.

La face blanche et tranquille de la lune traversait les nuages gris: telle une conscience sereine traverse les rêves troublés et arides de la vie.

Făt-Frumos galopait, galopait toujours, dévorant l’espace.

— Aïe! aïe! mes épaules brûlent encore! dit la jeune fille

avec un râle d’angoisse, comme si elle avait longtemps étouffé sa plainte.

Făt-Frumos regarda derrière lui. Il vit un hibou monstrueux et funèbre, dont les yeux

rouges fulguraient comme deux éclairs au front d’un nuage.

— Jette la pierre à aiguiser! dit la pauvre servante.

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Dès que le cavalier eut jeté la pierre, une muraille à pic, massive, dont le faîte escaladait la nue, se dressa tout à coup

entre eux et le hibou, comme un géant pétrifié. Si rapide était la fuite, qu’il leur semblait être précipités

des esplanades du ciel dans un abîme sans fond.

— Aïe! aïe! aïe! mes épaules brûlent toujours! La vieille s’était frayé un passage. Transformée en une

vapeur dévorante, elle avait percé le mur d’outre en outre; et deux jets de cette vapeur ardaient de leur cuisante morsure la tendre chair de la fugitive.

— Jette le mouchoir bleu! dit-elle. Făt-Frumos jeta le mouchoir, et soudain, derrière eux,

s’épandit une nappe d’eau, limpide et profonde, qui réfléchissait, comme dans un miroir, les étoiles d’or et la lune d’argent. La vapeur s’y était fondue en gouttelettes.

Dans l’espace nocturne retentit une suprême malédiction. C’était la sorcière qui planait maintenant avec des ailes de cuivre, au plus haut de l’azur.

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Quand la vieille fut au-dessus du lac, Făt-Frumos lança

sa masse, qui lui brisa les ailes: elle tomba comme un lingot de plomb, poussant dans sa chute douze cris, qui sonnèrent l’heure de minuit. La lune se voila la face derrière un nuage,

et la damnée, prise de l’invincible torpeur qui l’alourdissait alors, sombra à pic dans le gouffre.

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— Sauvée! dit la jeune fille.

— Sauvé! dit le cheval aux sept âmes… Maître, ajouta-t-il, je sens remuer le sable sous mes

pieds. Les squelettes ensevelis par les tourbillons du désert

vont se lever bientôt, pour aller, dans la lune, à leur banquet de spectres. Il est dangereux de voyager maintenant; l’air

glacé et empoisonné qu’exhalent tant de corps morts pourrait te tuer. Couchez-vous plutôt ici, l’un,et l’autre. En attendant, j’irai trouver ma mère, et, pour redevenir jeune et brillant, je

m’abreuverai encore à sa mamelle de feu. Le beau cavalier ôta le frein et la selle; puis il étendit son

caftan sur la terre nue. Mais, chose étrange, les yeux de la

jeune fille s’enfoncèrent tout à coup, son visage maigrit, les violettes de la mort ombrèrent l’incarnat de ses joues, sa

main pendit inerte et froide. — Qu’as-tu donc? interrogea Făt-Frumos. — Je n’ai rien, répondit-elle d’une voix éteinte.

A peine assoupi, Făt-Frumos, couché non loin de l’esclave, perçut une soudaine clarté à travers ses paupières

dormantes. Il crut voir la lune, dont l’orbe grandissait, grandissait toujours, se rapprocher de lui, jusqu’à ce qu’elle parut comme une Jérusalem céleste suspendue dans le ciel,

couronnée de tours d’ivoire, peuplée de palais aux façades de marbre, dont les mille fenêtres s’allumaient de roses lueurs. Une voie magnifique, pavée d’argent, sablée de poudre de

soleil, la reliait à la terre. Des quatre vents du désert surgissaient de longues files

de fantômes, aux chefs desséchés, drapés d’amples manteaux tissés de fil d’argent, au travers desquels perçaient leurs ossements blanchis. Leurs fronts étaient ceints de

rayons et de pointes dorées. On les voyait avancer processionnellement, dans la plaine dénudée, en caravanes

sans fin, puis suivre la voie magnifique qui allait se perdre dans les palais de marbre de la cité lunaire, au bruit d’une harmonie étrange comme celle qui chante dans les songes.

Alors il sembla à Fèt-Frumos que la jeune esclave qui reposait à ses côtés, se levait aussi, lentement; que son enveloppe charnelle se dissipait comme un brouillard aérien,

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et qu’il ne restait plus d’elle qu’un squelette couvert d’une

mante d’argent. Elle se mêla enfin au chimérique cortège, pour retourner dans le monde des spectres, d’où elle était venue, évoquée par les enchantements de la magicienne.

Puis, les yeux de Făt-Frumos se troublèrent; le mirage disparut.

*

uand il s’éveilla le lendemain, au milieu du jour,

après un long sommeil, sa douce compagne n’était plus là. Mais, près de lui, son cheval, devenu tel

qu’un alérion, hennissait de joie, ivre de soleil et de ciel bleu. Făt-Frumos bondit sur la croupe de jais et partit comme

l’aquilon vers les créneaux de Génar. Quand il toucha leur

ombre dentelée, sa course n’avait pas duré le peu que dure un songe heureux.

Cette fois-ci, le noir chasseur poursuivait un ours à sept

journées de marche. Făt-Frumos enleva sur le pommeau de la selle la fille de

Génar, la radieuse fiancée de son Frère de Croix, qui l’entoura de ses bras de neige et mit la tête dans son vaillant giron. Pendant leur galop effréné, le sable de la plaine fuyait

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derrière eux comme l’écume d’un torrent. Et là-bas, là -bas,

dans le cbàteau abandonné, les sept têtes du mâtin vigilant les poursuivaient de leur appel furieux.

Or il advint ceci.

Perdu au fond des forêts, Génar entendit hennir son cbeval.

— Qu’est-ce donc? demanda-t-il. — Oh! rien, sinon que Făt-Frumos ravit ta fille, répondit

le cheval ensorcelé.

— Pourrons-nous l’atteindre? dit le chasseur, stupéfait d’apprendre que Făt-Frumos était encore de ce monde.

— Heu! Il n’y a pas grand espoir; car il monte un de mes

frères qui a sept âmes, tandis que moi, je n’en ai que deux. Génar mit l’éperon aux flancs de l’animal, qui partit

comme l’éclair.

Bientôt, apercevant Făt-Frumos dans le lointain, le

chasseur dit à son coursier: — Conseille donc à ton frère de désarçonner son cavalier

et de venir ici. Je lui promets de le nourrir de gingembre et de

petit-lait.

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Le cheval de Génar hennit fortement et rapporta ces

paroles à son frère. Mais celui-ci, indigné, les redit à son maître. Alors Făt-Frumos:

— Attends un peu! Engage plutôt le cheval de Génar à le jeter d’une ruade dans les nuages, et moi, je lui promets de le

nourrir de braises et d’étincelles. Ayant entendu cette invite, le coursier, d’ailleurs fatigué

de chasser sans répit daims, sangliers et ours, lança son

maître dans les nuages, qui se transformèrent en un palais magnifique. Au centre luisaient deux prunelles, telles que deux diamants noirs: c’était les yeux de Génar exilé au séjour

de la foudre.

Făt-Frumos plaça la jeune fille sur la monture de feu

son père, et, après une journée de marche, ils virent fumer les toits de la grande cité impériale.

Tout le monde croyait Făt-Frumos mort; son Frère de Croix était triste. Aussi, dès que se répandit le bruit de son retour, ce fut une liesse universelle: hommes, femmes,

enfants se portèrent au devant de lui, en habits de fête, avec des cris de joie.

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*

endant ce temps, qu’était devenue Iliane? Cloîtrée,

dès le départ de son amant, dans un jardin entouré de murs élevés, elle s’était couchée, avec

une pierre pour chevet, sur un lit de cailloux. Tout éplorée,

elle avait à sa portée une ampoule d’or, pour recueillir ses larmes.

Dans ce jardin aux parterres nombreux, que personne n’arrosait, poussa, entre les cailloux brûlés par le soleil, une

moisson de fleurs aux pétales jaunes, d’un éclat éteint comme l’oeil trouble des morts. C’étaient des fleurs de souci.

Iliane, les yeux toujours noyés, devint aveugle;

néanmoins, il lui semblait encore voir, au fond de l’urne qu’elle avait remplie de larmes, l’image du bien-aimé. Puis ses yeux, sources taries, cessèrent de pleurer. A la voir telle,

avec sa face blême scellée par une muette douleur, avec ses blonds cheveux épandus sur son corps rigide, comme les

franges d’un manteau impérial, on l’eut prise pour une statue de marbre sur un tombeau.

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Mais dès que la recluse sut le retour de Făt-Frumos, une

joie sans nom se peignit sur son visage. Elle prit son urne, versa dans le creux de sa main quelques gouttes de la rosée d’amertume, et en aspergea les plantes. Et les feuilles flétries

reverdirent, et les fleurs jaunes de souci se muèrent en clochettes blanches au doux parfum. Depuis ce baptême de

larmes, elles prirent le nom de lacrymaires1.

L’aveugle parcourut à tâtons les allées du jardin et

cueillit une poignée de ces muguets. A ce moment Făt-Frumos entrait. Iliane se jeta à son cou:

— C’est toi! — Comment ne serait-ce pas moi!

Mais ivre de bonheur, elle ne put que diriger vers lui ses prunelles éteintes, avec lesquelles elle aurait voulu boire son âme. Puis, le prenant par la main; elle lui montra le

reliquaire de ses longues douleurs. Comme un lis candide, la lune s’épanouissait aux

champs profonds du ciel. Făt-Frumos baigna sa face dans les

1 En roumain lacrimioare, petites larmes-, c’est le nom du muguet.

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larmes de sa fiancée; puis, se jetant sur les épaules le

manteau qu’elle lui avait tissé de charmes et de sortilèges, il se coucha sur le lit de muguets. La vierge ingénue se mit à ses côtés.

Elle eut un songe dans lequel il lui sembla que Marie, Reine des vierges, détachait de l’azur deux étoiles et les lui

fixait au front.

Le lendemain, à son réveil, elle y voyait. Le troisième jour, on célébra les noces de l’empereur

avec la fille de Génar. Celles de Făt-Frumos étaient préparées pour le quatrième.

Une gerbe de rayons vint enseigner aux laoutars

comment chantent les anges dans le ciel, à la consécration d’un saint; un flot de vapeurs exhalées des cavernes vint leur dire comment chantent les éternelles filandières, quand elles

trament une vie de bonheur. Aussi cobzas, violons, chalumeaux firent-ils une musique comme jamais ou n’en

ouït au monde. Le lis vert, la rose noire, la violette rouge, le lilas orangé,

l'œillet bleu, toutes les fleurs les plus rares s assemblèrent et

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tinrent conseil, – ayant leur parfum pour langage, – afin de

décider quelle robe elles offriraient à la fiancée. La résolution prise, on confia le secret à certain papillon bleu tout semé de poussière dorée.

Le papillon décrivit mille cercles capricieux autour du visage d'Iliane endormie, et lui montra, dans un rêve limpide

et net comme un miroir, sa toilette d'épousée. Iliane sourit, se voyant si belle. Le fiancé revêtit sa tunique tissée de rayons de lune,

avec un manteau couleur du temps; il ceintura ses reins de perles et de diamants d'un éclat fabuleux.

La noce fut sans pareille, avec grandes réjouissances. On y courut de cent lieues à la ronde. Le père et la mère de

Făt-Frumos y étaient aussi, couronne en tête et sceptre en main.

Et les deux époux vécurent heureux et eurent beaucoup

d'enfants. Enfin, s'il est vrai que pour Făt-Frumos le temps n’existe

pas, Bel-Enfant de la Larme, le héros de tant d'aventures,

doit être encore de ce monde.

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FĂT-FRUMOS DIN LACRIMĂ

Mihai Eminescu - Literatură populară, Bucureşti, 1965.

*

n vremea veche, pe când oamenii, cum sunt ei azi, nu erau decât în germenii viitorului, pe când Dumnezeu călca încă cu picioarele sale sfinte

pietroasele pustii ale pământului, – în vremea veche trăia un împărat

întunecat şi gânditor ca miază-noaptea şi avea o împărăteasă tânără şi zâmbitoare ca miezul luminos al zilei.

Cincizeci de ani de când împăratul purta război c-un vecin al lui. Murise vecinul şi lăsase de moştenire fiilor şi

nepoţilor ura şi vrajba de sânge. Cincizeci de ani, şi numai împăratul

trăia singur, ca un leu îmbătrânit, slăbit de lupte şi suferinţe – împărat, ce-n viaţa lui nu râsese niciodată, care

nu zâmbea nici la cântecul nevinovat al copilului, nici la surâsul plin de amor al soţiei lui tinere, nici la poveştile

bătrâne şi glumeţe a ostaşilor înălbiţi în bătălie şi nevoi. Se simţea slab, se

simţea murind şi n-avea cui să lese moştenirea urii lui. Trist se scula din patul împărătesc, de lângă împărăteasa

tânără – pat aurit, însă pustiu şi nebinecuvântat, – trist mergea la

război cu inima neîmblânzită, – şi împărăteasa sa, rămasă singură, plângea cu lacrimi de văduvie

singurătatea ei. Părul ei cel galben ca aurul cel mai frumos cădea pe sânii ei

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albi şi rotunzi, – şi din ochii ei albaştri şi mari curgeau

şiroaie de mărgăritare apoase pe o faţă mai albă ca argintul crinului. Lungi cearcăne vinete se trăgeau împrejurul ochilor, şi vine albastre se trăgeau pe faţa ei albă ca o marmură vie.

Sculată din patul ei, ea se aruncă pe treptele de piatră a unei bolte în zid, în care veghea, deasupra unei candele

fumegânde, icoana îmbrăcată în argint a Maicii durerilor. Înduplecată de rugăciunile împărătesei îngenuncheate, pleoapele icoanei reci se umeziră şi o lacrimă curse din

ochiul cel negru al mamei lui Dumnezeu. Împărăteasa se ridică în toată măreaţa ei statură, atinse cu buza ei seacă lacrima cea rece şi o supse în adâncul sufletului său. Din

momentul acela ea purcese îngreunată.

*

recu o lună, trecură două, trecură nouă, şi împărăteasa făcu un fecior alb ca spuma laptelui,

cu părul bălai ca razele lunii. Împăratul surâse, soarele surâse şi el în înfocata lui

împărăţie, chiar stătu pe loc, încât trei zile n-a fost noapte, ci

numai senin şi veselie, – vinul curgea din butii sparte şi chiotele despicau bolta cerului.

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Şi-i puse mama numele: Făt-Frumos din lacrimă. Şi

crescu şi se făcu mare ca brazii codrilor. Creştea într-o lună cât alţii într-un an.

Când era destul de mare, puse să-i facă un buzdugan de

fier, îl aruncă în sus de despică bolta cerului, îl prinse pe degetul cel mic şi buzduganul se rupse-n două. Atunci puse

să-i facă altul mai greu -îl aruncă în sus aproape de palatul de nori al lunii; căzând din nori, nu se rupse de degetul voinicului.

Atunci Făt-Frumos îşi luă ziua bună de la părinţi, ca să se ducă, să se bată el singur cu oştile împăratului ce-l

duşmănea pe tată-său. Puse pe trupul său împărătesc haine de păstor, cămeşă de borangic, ţesută în lacrimile mamei

sale, mândră pălărie cu flori, cu cordele şi cu mărgele rupte de la gâturile fetelor de-mpăraţi, îşi puse-n brâul verde un fluier de doine şi altul de hore, şi, când era soarele de două

suliţe pe cer, a plecat în lumea largă şi-n toiul lui de voinic. Pe drum horea şi doinea, iar buzduganul şi-l arunca să

spintece nourii, de cădea departe tot cale de-o zi. Văile şi

munţii se uimeau auzindu-i cântecele, apele-şi ridicau

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valurile mai sus ca să-l asculte, izvoarele îşi turburau

adâncul, ca să-şi azvârle afară undele lor, pentru ca fiecare din unde să-l audă, fiecare din ele să poată cânta ca dânsul când vor şopti văilor şi florilor.

Râurile se ciorăiau mai în jos de brâiele melancolicelor stânce, învăţau de la păstorul împărat doina iubirilor, iar vulturii ce stau amuţiţi pe creştetele seci şi sure a stâncelor

nalte, învăţau de la el ţipătul cel plâns al jelei. Stăteau toate uimite pe când trecea păstoraşul împărat,

doinind şi horind; ochii cei negri ai fetelor se umpleau de

lacrimi de dor; şi-n piepturile păstorilor tineri, răzimaţi c-un cot de-o stâncă şi c-o mână pe bâtă, încolţea un dor mai

adânc, mai întunecos, mai mare – dorul voiniciei. Toate stăteau în loc, numai Făt-Frumos mergea mereu,

urmărind cu cântecul dorul inimii lui, şi cu ochii

buzduganul, ce sclipea prin nori şi prin aer ca un vultur de oţel, ca o stea năzdrăvană.

Când era-nspre sara zilei a treia, buzduganul, căzând, se izbi de o poartă de aramă, şi făcu un vuiet puternic şi lung. Poarta era sfărâmată şi voinicul intră. Luna răsărise

dintre munţi şi se oglindea într-un lac mare şi limpede, ca seninul cerului.

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În fundul lui se vedea sclipind, de limpede ce era, un

nisip de aur; iar în mijlocul lui, pe o insulă de smarand, încunjurat de un crâng de arbori verzi şi stufoşi, se ridica un mândru palat de o marmură ca laptele, lucie şi albă – atât de

lucie, încât în ziduri răsfrângea ca-ntr-o oglindă de argint: dumbravă şi luncă, lac şi ţărmuri. O luntre aurită veghea pe

undele limpezi ale lacului lângă poartă; şi-n aerul cel curat al serii tremurau din palat cântece mândre şi senine. Făt-Frumos se sui-n luntre şi, vâslind, ajunse până la scările de

marmură ale palatului. Pătruns acolo, el văzu în boltele scărilor candelabre cu sute de braţe, şi-n fiecare braţ ardea câte o stea de foc. Pătrunse în sală.

*

ala era înaltă, susţinută de stâlpi şi de arcuri, toate de aur, iar în mijlocul ei stătea o mândră masă, acoperită cu alb, talgerele toate săpate din

câte-un singur mărgăritar mare; iar boierii ce şedeau la masă în haine aurite, pe scaune de catifea roşie, erau frumoşi ca zilele tinereţii şi voioşi ca horele. Dar mai ales unul din ei, cu

fruntea-ntr-un cerc de aur, bătut cu diamante, şi cu hainele strălucite, era frumos ca luna unei nopţi de vară. Dar mai

mândru era Făt-Frumos. — Bine-ai venit, Făt-Frumos! zise împăratul; am auzit

de tine, da' de văzut nu te-am văzut.

— Bine te-am găsit, împărate, deşi mă tem că nu te-oi lăsa cu bine, pentru că am venit să ne luptăm greu, că destul

ai viclenit asupra tatălui meu. — Ba n-am viclenit asupra tatălui tău, ci totdeauna m-

am luptat în luptă dreaptă. Dar cu tine nu m-oi bate. Ci mai

bine-oi spune lăutarilor să zică şi cuparilor să umple cupele cu vin şi-om lega frăţie de cruce pe cât om fi şi-om trăi.

Şi se sărutară feciorii de-mpăraţi în urările boierilor, şi

băură şi se sfătuiră. Zise împăratul lui Făt-Frumos:

— De cine-n lume te temi tu mai mult? — De nime-n lumea asta, afară de Dumnezeu. Dar tu?

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— Eu iar de nime, afară de Dumnezeu şi de Mama-

pădurilor. O babă bătrână şi urâtă, care umblă prin împărăţia mea de mână cu furtuna. Pe unde trece ea, faţa pământului se usucă, satele se risipesc, târgurile cad

năruite. Mers-am eu asupra ei cu bătălie, dar n-am isprăvit nimica. Ca să nu-mi prăpădească toată împărăţia, am fost

silit să stau la-nvoială cu ea şi să-i dau ca bir tot al zecelea din copiii supuşilor mei. Şi azi vine ca să-şi ieie birul.

Când sună miazănoaptea, feţele mesenilor se

posomorâră; căci pe miazănoapte călare, cu aripi vântoase, cu faţa zbârcită ca o stâncă buhavă şi scobită de păraie, c-o pădure-n loc de păr, urla prin aerul cernit Mama-pădurilor

cea nebună. Ochii ei – două nopţi turburi, gura ei – un hău căscat, dinţii ei – şiruri de pietre de mori.

Cum venea vuind, Făt-Frumos o apucă de mijloc şi o trânti cu toată puterea într-o piuă mare de piatră; peste piuă prăvăli o bucată de stâncă, pe care-o legă din toate părţile cu

şapte lanţuri de fier. Înăuntru baba şuiera şi se smulgea ca vântul închis, dar nu-i folosea nimica.

Veni iar la ospăţ; când prin bolţile ferestelor, la lumina lunii, văzură două dealuri lungi de apă. Ce era? Mama-

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pădurilor, neputând să iasă, trecea peste ape cu piuă cu tot

şi-i brăzda faţa în două dealuri. Şi fugea mereu, o stâncă de piatră îndrăcită, rupându-şi cale prin păduri, brăzdând pământul cu dâră lungă, până ce se făcu nevăzută în

depărtarea nopţii. Făt-Frumos ospătă ce ospătă, dar apoi, luându-şi

buzduganul de-a umăr, merse mereu pe dâra trasă de piuă, până ce ajunse lâng-o casă frumoasă, albă, care sticlea la lumina lunii în mijlocul unei grădini de flori. Florile erau în

straturi verzi şi luminau albastre, roşie-închise şi albe, iar printre ele roiau fluturi uşori, ca sclipitoare stele de aur. Miros, lumină şi un cântec nesfârşit, încet, dulce, ieşind din

roirea fluturilor şi a albinelor, îmbătau grădina şi casa.

*

ângă prispă stăteau două butii cu apă, iar pe prispă torcea o fată frumoasă. Haina ei albă şi

lungă părea un nor de raze şi umbre, iar părul ei de aur era împletit în cozi lăsate pe spate, pe când o cunună de mărgăritărele era aşezată pe fruntea ei netedă. Luminată

de razele lunii, ea părea muiată într-un aer de aur.

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Degetele ei ca din ceară albă torceau dintr-o furcă de

aur şi dintr-un fuior de o lână ca argintul torcea un fir de o mătase albă, subţire, strălucită, ce semăna mai mult a o vie rază de lună, ce cutreiera aerul, decât a fir de tort.

La zgomotul uşor al paşilor lui Făt-Frumos, fata-şi ridică ochii albaştri ca undele lacului.

— Bine-ai venit, Făt-Frumos, zise ea cu ochii limpezi şi pe jumătate închişi, cât e de mult de când te-am visat. Pe când degetele mele torceau un fir, gândurile mele torceau un

vis, un vis frumos, în care eu mă iubeam cu tine; Făt-Frumos, din fuior de argint torceam şi eram să-ţi ţes o haină urzită în descântece, bătută-n fericire; s-o porţi… să te

iubeşti cu mine. Din tortul meu ţi-aş face o haină, din zilele mele, o viaţă plină de desmierdări.

Astfel, cum privea umilită la el, fusul îi scăpă din mână şi furca căzu alături de ea. Ea se sculă şi, ca ruşinată de cele ce zisese, mâinile ei spânzurau în jos ca la un copil vinovat şi

ochii ei cei mari se plecară. El se apropie de ea, c-o mână îi cuprinse mijlocul, iar cu cealaltă îi desmierdă încet fruntea şi

părul şi-i şopti: — Ce frumoasă eşti tu, ce dragă-mi eşti! A cui eşti tu,

fata mea?

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— A Mamei-pădurilor, răspunse ea suspinând; mă vei

iubi tu acu— ma, când ştii a cui sunt? Ea încunjură cu amândouă braţele ei goale grumazul lui şi se uită lung la el, în ochii lui.

— Ce-mi pasă a cui eşti, zise el, destul că te iubesc. — Dacă mă iubeşti, să fugim atuncea, zise ea lipindu-se

mai tare de pieptul lui; dacă te-ar găsi mama, ea te-ar omorî, şi dac-ai muri tu, eu aş nebuni ori aş muri şi eu.

— N-aibi frică, zise el zâmbind şi desfăcându-se din

braţele ei. Unde-i mumă-ta? — De când a venit se zbuciumă în piua în care-ai

încuiat-o tu şi roade cu colţii la lanţurile ce-o închid.

— Ce-mi pasă! zise el repezindu-se să vadă unde-i. — Făt-Frumos, zise fata, şi două lacrimi mari străluciră

în ochii ei, nu te duce încă! Să te-nvăţ eu ce să facem ca să învingi tu pe mama. Vezi tu buţile aste două? Una-i cu apă, alta cu putere. Să le mutăm una în locul alteia. Mama, când

se luptă cu vrăjmaşii ei, strigă când oboseşte: „Stăi, să mai bem câte-oleacă de apă!” Apoi ea bea putere, în vreme ce

duşmanul ei numai apă. De aceea noi le mutăm din loc: ea nu va şti şi va bea numai apă în vremea luptei cu tine.

Precum au zis, aşa au şi făcut. El se repezi după casă.

— Ce faci, babă? strigă el. Baba, de venin, se smulse odată din piuă-n sus şi rupse lanţurile, lungindu-se slabă şi

mare până-n nori. — A, bine că mi-ai venit, Făt-Frumos! zise ea, făcându-

se iar scurtă, ia acum hai la luptă, acu om vedea cine-i mai

tare! — Hai! zise Făt-Frumos. Baba-l apucă de mijloc, se

lungi repezindu-se cu el până-n nori, apoi îl izbi de pământ şi-l băgă în ţărână până-n glezne.

Făt-Frumos o izbi pe ea şi o băgă-n pământ până în

genunchi. — Stăi, să mai bem apă, zise Mama-pădurilor ostenită.

Stătură şi se răsuflară. Baba bău apă, Făt-Frumos bău

putere, ş-un fel de foc nestins îi cutreieră cu fiori de răcoare toţi muşchii şi toate vinele lui cele slăbite.

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C-o putere îndoită, cu braţe de fier, o smunci pe babă de mijloc şi-o băgă-n pământ până-n gât. Apoi o izbi cu buzduganul în cap şi-i risipi creierii. Cerul încărunţi de

nouri, vântul începu a geme rece şi a scutura casa cea mică în toate încheieturile căpriorilor ei. Şerpi roşii rupeau trăsnind poala neagră a norilor, apele păreau că latră, numai

tunetul cânta adânc ca un proroc al pierzării. Prin acel întuneric des şi nepătruns, Făt-Frumos vedea albind o

umbră de argint, cu păr de aur despletit, rătăcind, cu mâinile ridicate şi palidă. El se apropie de ea şi-o cuprinse cu braţele lui. Ea căzu ca moartă de groază pe pieptul lui, şi mâinile ei

reci s-ascunseră-n sânul lui. Ca să se trezească, el îi sărută ochii. Norii se rupeau bucăţi pe cer, luna roşie ca focul se ivea prin spărturile lor risipite; iar pe sânul lui, Făt-Frumos

vedea cum înfloreau două stele albastre, limpezi, şi uimite – ochii miresei lui. El o luă pe braţe şi începu să fugă cu ea

prin furtună. Ea-şi culcase capul în sânul lui şi părea că adormise. Ajuns lângă grădina împăratului, el o puse-n luntre, ducând-o ca-ntr-un leagăn peste lac, smulse iarbă,

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fân cu miros şi flori din grădină şi-i clădi un pat, în care-o

aşeză ca-ntr-un cuib.

*

oarele ieşind din răsărit privea la ei cu drag. Hainele ei umede de ploaie se lipise de membrele dulci şi rotunde, faţa ei de-o paloare umedă ca

ceara cea albă, mâinile mici şi unite pe piept, părul despletit şi răsfirat pe fân, ochii mari, închişi şi adânciţi în frunte,

astfel ea era frumoasă, dar părea moartă. Pe acea frunte netedă şi albă, Făt-Frumos presură câteva flori albastre, apoi şezu alături cu ea şi-ncepu a doini încet. Cerul limpede – o

mare, soarele – o faţă de foc, ierburile împrospătate, mirosul cel umed al florilor învioşate o făceau să doarmă mult şi lin,

însoţită în calea visurilor ei de glasul cel plâns al fluierului. Când era soarele-n amiazi, firea tăcea şi Făt-Frumos asculta fericita ei răsuflare, caldă şi umedă. Încet se plecă la obrazul

ei şi-o sărută. Atunci ea deschise ochii încă plini de visuri, şi-ntinzându-se somnoroasă, zise încet şi zâmbind:

— Tu aici eşti?

— Ba nu sunt aici, nu vezi că nu sunt aici? zise el mai lăcrămând de fericire.

Cum şedea el lângă ea, ea-şi întinse un braţ şi-i cuprinse mijlocul.

— Hai, scoală, zise el desmierdând-o, e ziua-n amiaza-

mare. Ea se sculă, îşi netezi părul de pe frunte şi-l dete pe spate, el îi cuprinse mijlocul, ea-i înconjură grumazul – şi

astfel trecură printre straturile de flori şi intrară în palatul de marmură al împăratului.

El o duse la împăratul şi i-o arătă, spuindu-i că-i

mireasa lui. Împăratul zâmbi, apoi îl luă de mână pe Făt-Frumos, ca şi când ar fi vrut să-i spuie ceva în taină, şi-l trase la o fereastră mare, pe care vedea lacul cel întins. Ci el

nu-i spuse nimica, ci numai se uită uimit pe luciul lacului şi ochii i se umplură de lacrimi. O lebădă îşi înălţase aripile ca

pe nişte pânze de argint şi cu capul cufundat în apă sfâşia faţa senină a lacului.

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— Plângi împărate? zise Făt-Frumos. De ce?

— Făt-Frumos, zise împăratul, binele ce mi l-ai făcut mie nu ţi-l pot plăti nici cu lumina ochilor, oricât de scumpă

mi-ar fi, şi cu toate astea vin să-ţi cer şi mai mult. — Ce, împărate? — Vezi tu lebăda ceea îndrăgită de unde? Tânăr fiind, aş

trebui să fiu îndrăgit de viaţă, şi cu toate astea de câte ori am vrut să-mi fac samă. Iubesc o fată frumoasă, cu ochii gânditori, dulce ca visele mării – fata Genarului, om mândru

şi sălbatic ce îşi petrece viaţa vânând prin păduri bătrâne. O, cât e de aspru el, cât e de frumoasă fata lui! Orice încercare

de a o răpi a fost deşartă. Încearcă-te tu! Ar fi stat Făt-Frumos locului, dar scumpă-i era frăţia de

cruce, ca oricărui voinic, mai scumpă decât zilele, mai

scumpă decât mireasa. — Împărate prea luminate, din câte noroace-ai avut,

unul a fost mai mare decât toate: acela că Făt-Frumos ţi-i frate de cruce. Hai, că mă duc eu să răpesc pe fata Genarului.

Şi-şi luă cai ageri, cai cu suflet de vânt, Făt-Frumos, şi era să plece. Atunci mireasa lui – Ileana o chema – îi zise încet la ureche, sărutându-l cu dulce:

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— Nu uita, Făt-Frumos, că pe cât vei fi tu departe, eu oi

tot plânge. El se uită cu milă la ea, o mângâie, dar apoi, desfăcându-se de îmbrăţoşările ei, se avântă pe şeaua calului şi plecă în lume.

*

recea prin codri pustii, prin munţi cu fruntea

ninsă, şi când răsărea dintre stânci bătrâne luna cam palidă, ca faţa unei fete moarte, atunci vedea

din când în când câte-o streanţă uriaşă atârnată de cer, ce încunjura cu poalele ei vârful vreunui munte – o noapte sfârtecată, un trecut în ruină, un castel numai pietre şi

ziduri sparte. Când se lumină de ziuă, Făt-Frumos vede că şirul

munţilor dă într-o mare verde şi întinsă, ce trăieşte în mii de valuri senine, strălucite, care treieră aria mării încet şi melodios, până unde ochiul se pierde în albastrul cerului şi

în verdele mării. În capătul şirului de munţi, drept asupra mării, se oglindea în fundul ei o măreaţă stâncă de granit, din care răsărea ca un cuib alb o cetate frumoasă, care, de

albă ce era, părea poleită cu argint.

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Din zidurile arcate răsăreau ferestre strălucite, iar dintr-

o fereastră deschisă se zărea, printre oale de flori, un cap de fată, oacheş şi visător, ca o noapte de vară. Era fata Genarului.

— Bine-ai venit, Făt-Frumos, zise ea, sărind de la fereastră şi deschizând porţile măreţului castel, unde ea

locuia singură ca un geniu într-un pustiu, astă-noapte mi se părea că vorbesc c-o stea, şi steaua mi-a spus că vii din partea împăratului ce mă iubeşte.

În sala cea mare a castelului, în cenuşa vetrei, veghea un motan cu şapte capete, care când urla dintr-un cap s-auzea cale de-o zi, iar când urla din câte şapte, s-auzea cale

de şapte zile. Genarul, pierdut în sălbatecele sale vânători, se

depărtase cale de-o zi. Făt-Frumos luă fata în braţe şi punând-o pe cal, zburau

amândoi prin pustiul lungului mării ca două abia văzute

închegări ale văzduhului. Dar Genarul, om nalt şi puternic, avea un cal năzdrăvan

cu două inimi. Motanul din castel mieună dintr-un cap, iar calul Genarului necheză cu vocea lui de bronz.

— Ce e? îl întrebă Genarul pe calul năzdrăvan. Ţi s-a

urât cu binele? — Nu mi s-a urât mie cu binele, ci de tine-i rău. Făt-

Frumos ţi-a furat fata.

— Trebuie să ne grăbim mult ca să-i ajungem? — Să ne grăbim şi nu prea, pentru că-i putem ajunge.

Genarul încălecă şi zbură ca spaima cea bătrână în urma fugiţilor. În curând îi şi ajunse. Să se bată cu el Făt-Frumos nu putea, pentru că Genarul era creştin şi puterea lui nu era

în duhurile întunericului, ci în Dumnezeu. — Făt-Frumos, zise Genarul, mult eşti frumos şi mi-e

milă de tine. De astă dată nu-ţi fac nimica, dar de altă dată… ţine minte!

Şi luându-şi fata alături cu el, pieri în vânt, ca şi când

nu mai fusese.

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Dar Făt-Frumos era voinic şi ştia drumul înapoi. El se

reîntoarse şi găsi pe fată iar singură, însă mai palidă şi mai plânsă ea părea şi mai frumoasă. Genarul era dus iar la vânătoare cale de două zile. FătFrumos luă alţi cai din chiar

grajdul Genarului. Astă dată plecară noaptea. Ei fugeau cum fug razele

lunii peste adâncile valuri ale mării, fugeau prin noaptea pustie şi rece ca două visuri dragi; ci prin fuga lor auzeau miautele lungi şi îndoite ale motanului din vatra castelului.

Apoi li se păru că nu mai pot merge, asemene celor ce vor să fugă în vis şi cu toate aceste nu pot. Apoi un nor de colb îi cuprinse, căci Genarul venea în fuga calului, de rupea

pământul. Faţa lui era înfricoşată, privirea cruntă. Fără de-a zice o

vorbă, el apucă pe Făt-Frumos şi-l azvârli în nourii cei negri şi plini de furtună ai cerului. Apoi dispăru cu fată cu tot.

Făt-Frumos, ars de fulgere, nu căzu din el decât o mână

de cenuşă în nisipul cel fierbinte şi sec al pustiului. Dar din cenuşa lui se făcu un izvor limpede ce curgea pe

un nisip de diamant, pe lângă el arbori nalţi, verzi, stufoşi răspândeau o umbră răcorită şi mirositoare. Dacă cineva ar fi priceput glasul izvorului, ar fi înţeles că jelea într-o lungă

doină pe Ileana, împărăteasa cea bălaie a lui Făt-Frumos. Dar cine să înţeleagă glasul izvorului într-un pustiu, unde până-atunci nu călcase picior de om?

*

ar pe vremea aceea Domnul umbla încă pe pământ. Într-o zi se vedeau doi oameni călătorind prin pustiu. Hainele şi faţa unuia strălucea ca alba

lumină a soarelui; celălalt, mai umilit, nu părea decât umbra celui luminat. Era Domnul şi sf. Petrea. Picioarele lor înfierbântate de nisipul pustiului călcară atuncea în

răcoarele şi limpedele pârău ce curgea din izvor. Prin cursul apei cu gleznele lor sfâşiau valurile până la umbritul lor

izvor. Acolo Domnul bău din apă şi-şi spălă faţa sa cea sfântă şi luminată şi mâinile sale făcătoare de minuni. Apoi şezură amândoi în umbră, Domnul cugetând la tatăl său din cer, şi

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sfântul Petrea ascultând pe cugete doina izvorului plângător.

Când se sculară spre a merge mai departe, zise sf. Petrea: „Doamne, fă ca acest izvor să fie ce-a fost mai înainte”. „Amin!” zise Domnul ridicând mâna sa cea sfântă, după care

apoi se depărtară înspre mare, fără a mai privi înapoi. Ca prin farmec pieri izvorul şi copacii, şi Făt-Frumos,

trezit ca dintr-un somn lung, se uită împrejur. Atunci văzu chipul cel luminat al Domnului, ce mergea pe valurile mării, care se plecau înaintea lui, întocmai ca pe uscat; şi pe sf.

Petrea, care, mergând în urma lui şi învins de firea lui cea omenească, se uita înapoia sa şi-i făcea lui FătFrumos din cap. Făt-Frumos îi urmări cu ochii până ce chipul sf. Petrea

se risipi în depărtare, şi nu se vedea decât chipul strălucit al Domnului aruncând o dungă de lumină pe luciul apei, astfel

încât dacă soarele n-ar fi fost în amiazi, ai fi crezut că soarele apune! El înţelesese minunea învierii sale şi îngenunche înspre apusul acelui soare dumnezeiesc.

Dar apoi îşi aduse aminte că făgăduise a răpi pe fata Genarului, şi ceea ce făgăduieşte voinicul anevoie o lasă

nefăcută. Deci se porni şi înspre sară ajunse la castelul Genarului,

ce strălucea în întunericul serii ca o uriaşă umbră. El intră

în casă… fata Genarului plângea. Dar când îl văzu, faţa ei se-nsenină cum se-nsenină o undă de o rază. El îi povesti cum înviese; atunci ea-i zise:

— De răpit nu mă poţi răpi până ce nu-i avea un cal asemene cu acela ce-l are tatăl meu, pentru c-acela are două

inimi; dar eu am să-l întreb în astă sară de unde-şi are calul, ca să poţi şi tu să capeţi unul ca acela. Până atunci însă, pentru ca să nu te afle tată-meu, eu te voi preface într-o

floare. El şezu pe un scaun, iar ea şopti o vrajă dulce, şi, cum îl

sărută pe frunte, el se prefăcu într-o floare roşie închisă ca vişina coaptă. Ea-l puse între florile din fereastă şi cânta de veselie, de răsuna castelul tatălui ei.

Atunci intră şi Genarul. — Veselă fata mea? şi de ce eşti veselă? întrebă el.

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— Pentru că nu mai este Făt-Frumos ca să mă

răpească, răspunse ea râzând. Se puseră la cină.

— Tată, întrebă fata, de unde ai calul d-tale, cu care

umbli la vânat? — La ce-ţi trebuie s-o ştii? zise el încruntând

sprâncenele.

— Ştii prea bine, răspunse fata, că nu vreau ca s-o ştiu decât numai ia-aşa ca s-o ştiu, pentru c-acu nu mai e Făt-

Frumos să mă răpească. — Ştii tu că nu mă împotrivesc ţie niciodată, zise

Genarul. Departe de-aicea, lângă mare, şede o babă care are

şapte iepe. Ea ţine oameni care să i le păzească un an (cu toate că anul ei nu e decât de trei zile), şi dacă cineva i le păzeşte bine, ea-l pune să-şi aleagă drept răsplată un mânz,

iar de nu, îl omoară şi-i pune capul într-un par. Chiar însă dacă păzeşte cineva bine iepele, totuşi ea-l vicleneşte pe om,

căci scoate inimile din caii toţi şi le pune într-unul singur, încât cel ce-a păzit alege mai întotdeauna un cal fără inimă, care-i mai rău decât unul de rând… Eşti mulţumită, fata

mea?

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— Mulţumită, răspunse ea zâmbind. Totodată însă

Genarul îi aruncă în faţă o batistă roşie, uşoară, mirositoare. Fata se uită mult în ochii tatălui său, ca un om care se deşteaptă dintr-un vis, de care nu-şi poate aduce aminte. Ea

uitase tot ce-i spusese tată-său. Însă floarea din fereastă veghea printre frunzele ei, ca o stea roşie prin încreţiturile

unui nor. A doua zi Genarul plecă iarăşi des-dimineaţă la

vânătoare. Fata sărută murmurând floarea roşie şi Făt-

Frumos născu ca din nimica înaintea ei. — Ei, ştii ceva? o întrebă el. — Nu ştiu nimica, zise ea tristă şi punând dosul mânii

pe fruntea ei, am uitat tot. — Însă eu am auzit tot, zise el. Rămâi cu bine, fata mea;

în curând ne vom vedea iar.

*

l încălecă pe un cal şi dispăru în pustiuri. În arşiţa cea dogoritoare a zilei… văzu aproape de pădure un ţânţar zvârcolindu-se în nisipul cel fierbinte.

— Făt-Frumos, zise ţânţarul, ia-mă de mă du până-n pădure, că ţi-oi prinde şi eu bine. Sunt împăratul ţânţarilor.

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Făt-Frumos îl duse până în pădurea prin care era să

treacă. Ieşind din pădure, trecu iar prin pustiu de-a lungul

mării şi văzu un rac atât de ars de soare, încât nu mai avea

nici putere să se mai întoarcă-napoi… — Făt-Frumos, zise el, aruncă-mă-n mare, că ţi-oi

prinde şi eu bine. Sunt împăratul racilor. Făt-Frumos îl aruncă în mare şi-şi urmă calea. Când

înspre sară ajunse la un bordei urât şi acoperit cu gunoi de

cal. Împrejur gard nu era, ci numai nişte lungi ţăruşe ascuţite, din care şase aveau fiecare-n vârf câte un cap, iar al şaptelea fără, se clătina mereu în vânt şi zicea: cap! cap! cap!

cap! Pe prispă o babă bătrână şi zbârcită, culcată pe un cojoc

vechi, sta cu capul ei sur ca cenuşa în poalele unei roabe tinere şi frumoase, care-i căuta în cap.

— Bine v-am găsit, zise Făt-Frumos.

— Bine-ai venit, flăcăule, zise baba sculându-se. Ce-ai venit? ce cauţi? Vrei să-mi paşti iepele poate?

— Da. — Iepele mele pasc numai noaptea… Uite, chiar de-acu

poţi să porneşti cu ele la păscut… Fată hăi! ia dă tu flăcăului

demâncatul ce i-am făcut eu şi porneşte-l. Alături cu bordeiul era sub pământ o pivniţă. El intră în

ea şi acolo văzu şapte iepe negre strălucite – şapte nopţi, care

de când erau nu zărise încă lumina soarelui. Ele nechezau şi băteau din picioare.

Nemâncat toată ziua, el cină ce-i dăduse baba ş-apoi, încălecând pe una din iepe, mână pe celelalte în aerul întunecos şi răcoare al nopţii. Dar, încet, încet simţi cum se

strecoară un somn de plumb prin toate vinele lui, ochii i se painjiniră şi el căzu ca mort în iarba pajiştei. El se trezi pe

când mijea de ziuă. Când colo, iepele nicăieri. El îşi credea capul pus în ţeapă, când vede ieşind dintr-o pădure-n depărtare cele şapte iepe alungate de un roi nemărginit de

ţânţari şi un glas subţire-i zise:

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— Mi-ai făcut un bine, ţi l-am făcut şi eu. Când se

întoarse cu caii, baba începu să turbe, să răstoarne casa cu susu-n jos şi să bată fata, care nu era de vină.

— Ce ai, mamă? întrebă Făt-Frumos.

— Nimica, zise ea, mi-a venit şi mie toane. Asupra ta n-am nimica… sunt foarte mulţumită. Apoi intrând în grajd,

începu să bată caii, ţipând: Ascundeţi-vă mai bine, bată-v-ar mama lui Dumnezeu, ca să nu vă mai găsească, ucigă-l crucea şi mănânce-l moartea!

A doua zi porni cu caii, dar iar căzu jos şi dormi până ce mijea de ziuă. Desperat, era să ieie lumea-n cap, când

deodată vede răsărind din fundul mării cei şapte cai, muşcaţi de-o mulţime de raci.

— Mi-ai făcut un bine, zise un glas, ţi l-am făcut şi eu. Era împăratul racilor. El mână caii-nspre casă şi vede iar o privelişte ca-n ziua trecută. Însă în cursul zilei roaba babii s-

apropie de el şi-i zise încet strângându-l de mână: — Eu ştiu că tu eşti Făt-Frumos. Să nu mai mănânci

din bucatele ce-ţi fierbe baba, pentru că-s făcute

cu somnoroasă… Ţi-oi face eu altfel de bucate.

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Fata într-ascuns îi făcu merinde, şi-nspre sară, când era

să plece cu caii, îşi simţi ca prin minune capul treaz. Spre miezul nopţii se-ntoarse acasă, mână caii în grajd,

îi încuie şi intră în odaie. Pe vatra cuptorului, în cenuşă mai

licureau câţiva cărbuni. Baba sta întinsă pe laiţă şi înţepenită ca moartă. El gândi c-a murit ş-o scutură. Ea era

ca trunchiul şi nu se mişca deloc. El trezi fata, ce dormea pe cuptor.

— Uite, zise el, ţi-a murit baba.

— Aş! asta să moară!? răspunse ea suspinând. Adevărat că acu e ca şi moartă. Acu-i miazănoaptea… un somn amorţit îi cuprinde trupul… dar sufletul ei cine ştie pe la câte

răspinteni stă, cine ştie pe câte căi a vrăjilor umblă. Până ce cântă cucoşul, ea suge inimile celor ce mor, ori pustieşte

sufletele celor nenorociţi. Da, bădică, mâine ţi se-mplineşte anul, ia-mă şi pe mine cu d-ta, că ţi-oi fi de mare folos. Eu te voi scăpa din multe primejdii pe care ţi le găteşte baba.

Ea scoase din fundul unei lăzi hârbuite şi vechi o cute, o perie şi o năframă.

*

doua zi de dimineaţă i se împlinise lui Făt-

Frumos anul. Baba trebuia să-i dea unul din cai ş-apoi să-l lase să plece cu Dumnezeu. Pe când

prânzeau, baba ieşi până în grajd, scoase inimile din

câteşişapte cai, spre a le pune pe toate într-un tretin slab, căruia-i priveai prin coaste. Făt-Frumos se sculă de la masă

şi după îndemnarea babei se duse să-şi aleagă calul ce trebuia să şi-l ieie. Caii cei fără inimi erau de un negru strălucit, tretinul cel cu inimile sta culcat într-un colţ pe-o

movilă de gunoi. — Pe acesta-l aleg eu, zise Făt-Frumos, arătând la calul

cel slab.

— Da' cum Doamne iartă-mă, să slujeşti tu degeaba!? zise baba cea vicleană. Cum să nu-ţi iei tu dreptul tău?

Alege-ţi unul din caii işti frumoşi… oricare-ar fi, ţi-l dau. — Nu, pe acesta-l voi, zise Făt-Frumos, ţinând la vorba

lui. Baba scrâşni din dinţi ca apucată, dar apoi îşi strânse

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moara cea hârbuită de gură, ca să nu iasă prin ea veninul ce-

i răscolea inima pestriţă. — Hai, ia-ţi-l! zise-n sfârşit. El se urcă pe cal cu

buzduganul de-a umere. Părea că faţa pustiu— lui se ia după

urmele lui, şi zbura ca un gând, ca o vijelie printre volburele de nisip ce se ridicau în urmă-i.

Într-o pădure îl aştepta fata fugită. El o urcă pe cal după dânsul şi fugea mereu.

Noaptea inundase pământul cu aerul ei cel negru şi răcoare.

— Mă arde-n spate! zise fata. Făt-Frumos se uită înapoi.

Dintr-o volbură naltă, verde, se vedeau nemişcaţi doi ochi de jăratic, a căror raze roşii ca focul ars pătrundeau în rărunchii

fetei. — Aruncă peria, zise fata. Făt-Frumos o ascultă. Şi

deodată-n urmă-le văzură că se ridică o pădure neagră,

deasă, mare, înfiorată de un lung freamăt de frunze şi de un urlet flămând de lupi.

— Înainte! strigă Făt-Frumos calului, care zbura

asemenea unui demon urmărit de un blestem prin negura

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nopţii. Luna palidă trecea prin nouri suri ca o faţă limpede

prin mijlocul unor vise turburi şi seci. Făt-Frumos zbura… zbura necontenit. — Mă arde-n spate! zise fata c-un geamăt apăsat, ca şi

când s-ar fi silit mult ca să nu spuie încă. Făt-Frumos se uită şi văzu o bufniţă mare şi sură, din

care nu străluceau decât ochii roşii, ca două fulgere lănţuite de un nor.

— Aruncă cutea, zise fata. Făt-Frumos o aruncă. Şi deodată se ridică din pământ un colţ sur, drept, neclintit, un uriaş împietrit ca spaima, cu capul atingând de nori.

Făt-Frumos vâjâia prin aer aşa de iute, încât i se părea că nu fuge, ci cade din înaltul cerului într-un adânc nevăzut.

— Mă arde, zise fata. Baba găurise stânca într-un loc şi trecea prin ea prefăcută într-o funie de fum, a cărei capăt dinainte ardea ca un cărbune.

— Aruncă năframa, zise fata. Făt-Frumos o ascultă. Şi deodată văzură în urmă-le un luciu întins, limpede, adânc, în a cărui oglindă bălaie se scălda în fund luna de argint şi

stelele de foc.

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Făt-Frumos auzi o vrajă lungă prin aer şi se uită prin

nori. Cale de două ceasuri – pierdută în naltul cerului – plutea încet, încet prin albastrul tăriei Miazănoaptea bătrână cu aripile de aramă.

Când baba înota smintită pe la jumătatea lacului alb, Făt-Frumos aruncă buzduganu-n nori şi lovi Miazănoaptea

în aripi. Ea căzu ca plumbul la pământ şi croncăni jalnic de douăsprezece ori.

Luna s-ascunse într-un nor şi baba, cuprinsă de somnul

ei de fier, se afundă în adâncul cel vrăjit şi necunoscut al lacului. Iar în mijlocul lui se ridică o iarbă lungă şi neagră. Era sufletul cel osândit al babei.

— Am scăpat, zise fata. — Am scăpat, zise calul cel cu şapte inimi. Stăpâne,

adăogi calul, tu ai izbit Miazănoaptea, de a căzut la pământ cu două ceasuri înainte de vreme, şi eu simt sub picioarele mele răscolindu-se nisipul. Scheletele înmormântate de

volburele nisipului arzător al pustiilor au să se scoale spre a se sui în lună la benchetele lor. E primejdios ca să umbli

acuma. Aerul cel înveninat şi rece al sufletelor lor moarte v-ar putea omorî. Ci mai bine voi culcaţi-vă, şi eu pân-atuncea m-oi întoarce la mama, ca să mai sug înc-o dată laptele cel

de văpaie albă a ţâţelor ei, pentru ca să mă fac iar frumos şi strălucit.

Făt-Frumos îl ascultă. Se dete jos de pe cal şi-şi aşternu

mantaua pe nisipul încă fierbinte. Dar ciudat… ochii fetei se-nfundase în cap, oasele şi

încheieturile feţei îi ieşise afară, pieliţa din oacheşă se făcuse vânătă, mâna grea ca plumbul şi rece ca un sloi de gheaţă.

— Ce ţi-i? o întrebă Făt-Frumos.

— Nimica, nu mi-i nimica, zise ea cu glasul stins: şi se culcă în nisip, tremurând ca apucată.

Făt-Frumos dădu drumul calului, apoi se culcă pe mantaua ce şi-o aşternuse. El adormi; cu toate acestea-i părea că nu adormise. Peliţele de pe lumina ochiului i se

roşise ca focul şi prin el părea că vede cum luna se cobora încet, mărindu-se spre pământ, până ce părea ca o cetate sfântă şi argintie, spânzurată din cer, ce tremura strălucită…

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cu palate nalte, albe… cu mii de ferestre trandafirii; şi din

lună se scobora la pământ un drum împărătesc acoperit cu prund de argint şi bătut cu pulbere de raze.

Iară din întinsele pustii se răscoleau din nisip schelete

nalte… cu capete seci de oase… învelite în lungi mantale albe, ţesute rar din fire de argint, încât prin mantale se

zăreau oasele albite de secăciune. Pe frunţile lor purtau coroane făcute din fire de raze şi din spini auriţi şi lungi… şi încălicaţi pe schelete de cai, mergeau încet-încet… în lungi

şiruri… dungi mişcătoare de umbre argintii… şi urcau drumul lunii, şi se pierdeau în palatele înmărmurite ale cetăţii din lună, prin a cărora fereşti se auzea o muzică

lunatecă… o muzică de vis.

Atunci i se păru că şi fata de lângă el se ridica încet…, că trupul ei se risipea în aer, de nu rămâneau decât oasele,

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că, inundată de o manta argintie, apuca şi ea calea

luminoasă ce ducea în lună. Se ducea în turburea împărăţie a umbrelor, de unde venise pe pământ, momită de vrăjile babei.

Apoi peliţa ochilor lui se înverzi… se înnegri – şi nu mai văzu nimica.

*

ând deschise ochii, soarele era sus de tot. Fata

lipsea şi aievea. Dar în pustiul arid nechezea calul frumos, strălucit, îmbătat de lumina aurită a

soarelui, pe care el acu o vedea pentru-ntâia oară.

Făt-Frumos se avântă pe el şi-n răstimpul câtorva gânduri fericite ajunse la castelul încolţit al Genarului.

De astă dată Genarul vâna departe cale de şapte zile. El o luă pe fată pe cal dinaintea lui. Ea-i cuprinse gâtul cu braţele ei şi-şi ascunsese capul în sânul lui, pe când poalele

lungi ale hainei ei albe atingeau din zbor nisipul pustiei. Mergeau aşa de iute, încât i se părea că pustiul şi valurile mării fug, iar ei stau pe loc. Şi numai încet se auzea motanul

mieunând din câte şapte capetele. Pierdut în păduri, Genarul îşi aude calul nechezând.

— Ce e? îl întrebă. — Făt-Frumos îţi fură fata, răspunse calul năzdrăvan. — Putea-l-om ajunge? întrebă Genarul mirat, pentru că

ştia că-l omorâse pe Făt-Frumos. — Nu, zău, răspunse calul, pentru c-a încălecat pe un

frate al meu, care are şapte inimi, pe când eu n-am decât două.

Genarul îşi înfipse pintenii adânc în coastele calului,

care fugea scuturându-se… ca o vijelie. Când îl văzu pe Făt-Frumos în pustiu, zise calului său:

— Spune frăţâne-tău să-şi arunce stăpânul în nori şi să

vină la mine, că l-oi hrăni cu miez de nucă şi l-oi adăpa cu lapte dulce.

Calul Genarului îi necheză frăţâne-său ceea ce-i spusese, iar frate-său i-o spuse lui Făt-Frumos.

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— Zi frăţâne-tău, zise Făt-Frumos calului său, să-şi

arunce stăpânu-n nori, şi l-oi hrăni cu jăratic şi l-oi adăpa cu pară de foc.

Calul lui Făt-Frumos o necheză asta frăţâne-său, şi

acesta azvârli pe Genarul până în nori. Norii cerului înmărmuriră şi se făcură palat sur şi frumos, iar din două

gene de nouri se vedeau doi ochi albaştri ca cerul, ce repezeau fulgere lungi. Erau ochii Genarului, exilat în împărăţia aerului.

Făt-Frumos domoli pasul calului şi aşeză pe fată pe acela al tătâne-său. O zi încă, şi ajunseră în mândra cetate a împăratului.

Lumea-l crezuse mort pe Făt-Frumos, şi de aceea, când se împrăştie faima venirii lui, ziua-şi muie aerul în lumină de

sărbătoare şi oamenii aşteptau murmurând la faima venirii lui, cum vuieşte un lan de grâu la suflarea unui vânt.

*

ar ce făcuse oare în vremea aceea Ileana împărăteasa? Ea, cum plecase Făt-Frumos, s-a

închis într-o grădină cu nalte ziduri de fier, şi acolo, culcându-se pe pietre reci, cu capul pe un bolovan de

cremene, plânse într-o scaldă de aur, aşezată lângă ea, lacrimi curate ca diamantul.

În grădina cu multe straturi, neudată şi necăutată de

nimeni, născură din pietriş sterp, din arşiţa zilei şi din secăciunea nopţii flori cu frunze galbene şi c-o culoare stinsă

şi turbure ca turburii ochi ai morţilor – florile durerii. Ochii împărătesei Ilenei, orbiţi de plâns, nu mai vedeau

nimica, decât i se părea numai că-n luciul băii, plină de

lacrimile ei, vedea ca-n vis chipul mirelui ei iubit. Ci ochii ei, două izvoare secate, încetase de a mai vărsa lacrimi. Cine-o vedea cu părul ei galben şi lung, despletit şi împrăştiat ca

creţii unei mantii de aur pe sânul ei rece, cine-ar fi văzut faţa ei de-o durere mută, săpată parcă cu dalta în trăsăturile ei,

ar fi gândit că-i o înmărmurită zână a undelor, culcată pe un mormânt de prund.

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Dar cum auzi vuietul venirii lui, faţa ei se-nsenină; ea

luă o mână de lacrimi din baie şi stropi grădina. Ca prin farmec, foile galbene ale aleilor de arbori şi ale straturilor se-nverziră ca smarandul. Florile triste şi turburi se-nălbiră ca

mărgăritarul cel strălucit, şi din botezul de lacrimi luară numele lăcrămioare.

Împărăteasa cea oarbă şi albă umblă încet prin straturi şi culese în poale o mulţime de lăcrimioare, pe care apoi, aşternându-le lângă baia de aur, făcu un pat de flori.

Atunci intră Făt-Frumos. Ea s-aruncă la gâtul lui, însă, amuţită de bucurie, ea nu putu decât să îndrepte asupră-i ochii săi stinşi şi orbi, cu care ar fi vrut să-l soarbă în

sufletul ei. Apoi ea îl luă de mână şi-i arătă baia de lacrimi. Luna limpede înflorea ca o faţă de aur pe seninul cel

adânc al cerului. În aerul nopţii, Făt-Frumos îşi spălă faţa în baia de lacrimi, apoi, învălindu-se în mantaua ce i-o ţesuse din raze de lună, se culcă să doarmă în patul de flori.

Împărăteasa se culcă şi ea lângă el şi visă în vis că Maica Domnului desprinsese din cer două vinete stele ale dimineţii

şi i le aşezase pe frunte.

A doua zi, deşteptată, ea vedea… A treia zi se cunună împăratul cu fata Genarului. A patra zi era să fie nunta lui

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Făt-Frumos. Un roi de raze venind din cer a spus lăutarilor

cum horesc îngerii când se sfinţeşte un sfânt, şi roiuri de unde răsărind din inima pământului le-a spus cum cântă ursitorile când urzesc binele oamenilor. Astfel lăutarii

măiestriră hore nalte şi urări adânci. Trandafirul cel înfocat, crinii de argint, lăcrimioarele

sure ca mărgăritarul, mironosiţele viorele şi florile toate s-adunară, vorbind fiecare în mirosul ei, şi ţinură sfat lung cum să fie luminile hainei de mireasă; apoi încredinţară taina

lor unui curtenitor flutur albastru stropit cu aur. Acesta se duse şi flutură în cercuri multe asupra feţei miresii când ea dormea ş-o făcu să vadă într-un vis luciu ca oglinda cum

trebuia să fie-mbrăcată. Ea zâmbi când se visă atât de frumoasă.

Mirele-şi puse cămaşă de tort de raze de lună, brâu de mărgăritare, manta albă ca ninsoarea.

Şi se făcu nuntă mândră şi frumoasă, cum n-a fost alta

pe faţa pământului. Ş-au trăit apoi în pace şi în linişte ani mulţi şi fericiţi,

iar dac-a fi adevărat ce zice lumea, că pentru feţii-frumoşi vremea nu vremuieşte, apoi poate c-or fi trăind şi astăzi.

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CUPRINS

BEL-ENFANT DE LA LARME .................................... - 1 -

FĂT-FRUMOS DIN LACRIMĂ .................................. - 47 -

CUPRINS ............................................................... - 79 -

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