mieux connaître sa maladie aptes le guide du tremblement

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Aptes le guide du tremblement essentiel Mieux connaître sa maladie Et si c’était une maladie neurologique ? Le tremblement essentiel touche 1 personne sur 200 LE GUIDE DU TREMBLEMENT ESSENTIEL Mieux connaître sa maladie Mieux vivre son parcours de soins

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie

Et si c’était une

maladie neurologique ?

Le tremblement essentiel

touche 1 personne sur 200

le guide du TremblemenT essenTiel

Mieux connaître sa maladieMieux vivre son parcours de soins

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie Aptes le Guide du Tremblement essentielMieux vivre le parcours de soin

www.aptes.org

Éditeur : Association des personnes concernées par le tremblement essentiel

Aptes100 rue Boileau

69006 Lyon

Coordination éditoriale : Vanessa Alvarez de Las Asturias

Conception graphique : Trait de marque Paris

Illustrations : Alixe Deleuze

© Aptes, 2014 ISBN : 978-2-9542646-1-5

Ce guide est édité grâce au soutien de

Aptes, le guide du tremblement essentiel

Mieux connaitre sa maladieMieux vivre son parcours de soins

première édition

un ouvrage coordonné par le professeur Emmanuelle Apartis-Bourdieu, présidente du conseil scientifique de Aptes,

le professeur Emmanuel Broussolle,vice-président du conseil scientifique de Aptes

et Fabrice Barcq, président de Aptes

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Vous tremblez ? Vous êtes concerné(e) par le tremblement essentiel ? Vous venez d’être diagnostiqué(e) ? Vous

vivez avec le tremblement essentiel depuis des années ? Vous vous posez mille et une questions.

Depuis dix ans, Aptes s’engage pour vous orienter dans le système de soins, vous informer, vous aider dans votre parcours de soins, vous accompagner dans la compensation des situations de handicap et vous représenter. Les bénévoles de

Aptes info service 0 970 407 536 vous écoutent et répertorient depuis des années vos questions récurrentes, vos préoccupations, vos inquiétudes. Les délégués régionaux de Aptes et les modérateurs de communautés sur le web organisent des partages d’expérience des personnes malades et en situation de handicap.

En collaboration avec le conseil scientifique de Aptes présidé par les professeurs Emmanuelle Apartis-Bourdieu

et Emmanuel Broussolle, nous avons élaboré Aptes, le guide du tremblement essentiel afin de vous apporter des réponses aux questions que vous nous posez régulièrement : quelles sont les caractéristiques du tremblement essentiel? son évolution ? ses causes ? quels sont les traitements ? quelles sont les possibilités neurochirurgicales pour les tremblements sévères ? quels espoirs nous apporte la recherche scientifique ? Nous avons aussi souhaité apporter des éléments de réponse à vos préoccupations sur le parcours de soins : comment se déroule la consultation en neurologie ? pourquoi le neurologue utilise-t-il de nombreux tests cliniques ? puis-je lui parler de mes difficultés motrices au quotidien ? puis-je lui parler de mes difficultés sociales ?

Vous n’êtes pas seul(e) à vivre avec le tremblement essentiel. Le tremblement essentiel touche 1 personne sur 200, en France, ce sont plus de 300 000 personnes qui ont les mêmes préoccupations, les mêmes difficultés et les mêmes espoirs que vous.

Aptes, le guide du tremblement essentiel est le fruit de la collaboration précieuse entre le conseil scientifique de Aptes et les bénévoles de l’association, les articles sont rédigés par des neurologues spécialistes des mouvements anormaux, par un kinésithérapeute spécialisé dans les mouvements anormaux et par un psychiatre dans un dialogue avec des adhérents de Aptes. Ces informations sont destinées à améliorer la connaissance des personnes sur la problématique générale du tremblement essentiel et à fournir des éléments d’orientation en matière de prise en charge médicale. En aucun cas,

les informations fournies ne sont destinées à remplacer la relation qui existe entre la personne malade et son neurologue référent.

Aptes, le guide du tremblement essentiel est diffusé à plus de 3.000 neurologues et aux 1.500 adhérents de Aptes. Cette opération bénéficie du soutien essentiel de la fondation Julienne Dumeste et de la fondation Adréa, elle bénéficie aussi du soutien du groupe Ircem, du groupe Lourmel et de la fondation Groupama pour la santé. Aptes vit de la seule générosité de ses adhérents, de ses donateurs et de ses partenaires, elle finance chaque année plusieurs programmes de recherche sur le tremblement essentiel.

Nous espérons que ce guide répondra à vos interrogations, tous les bénévoles de Aptes restent à votre disposition.

Fabrice Barcq, président de Aptes

IntroductIon

SOMMAIRE

1ère partie : Mieux connaitre sa maladie

Le tremblement essentiel p. 8

Les signes moteurs p. 9

Le handicap p. 11

La physiopathologie p. 13

La génétique p. 14

Syndromes secondaires p. 17

L’anxiété sociale p. 18

La phobie sociale p. 20

Les syndromes dépressifs p. 22

2ème partie : Mieux vivre son parcours de soins

Parcours de soins p. 24

Neurologie p. 25

Neuropédiatrie p. 32

Médicaments p. 34

Toxine botulique p. 36

Stimulation cérébrale p. 38

Gammaknife p. 42

Traitements pédiatriques p. 43

Kinésithérapie p. 45

Prise en charge p. 47

Aide psychologique p. 49

Introduction p. 4

Préambule des professeurs Emmanuelle Apartis-Bourdieu et Emmanuel Broussolle p. 6

Présentation de l’association Aptes p. 56

Aptes le guide du tremblement essentielAptes le guide du tremblement essentiel

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie

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PréaMbule

Le tremblement essentiel est une maladie neurologique et génétique. C’est la cause la plus fréquente de tremblements. Il faut bien

comprendre que le tremblement est un symptôme neurologique lié à un dysfonctionnement au niveau cérébral. Nous connaissons les difficultés que les personnes malades peuvent rencontrer dans la reconnaissance de ce caractère neurologique. En raison de la méconnaissance de la maladie en dehors de la communauté neurologique, le tremblement essentiel est souvent associé à un manque de contrôle, à un état anxieux voire un trouble psychiatrique. Les personnes souffrant d’un tremblement essentiel ne sont pas toujours orientées vers la consultation d’un neurologue spécialiste des mouvements anormaux. Selon Aptes info service, le service d’écoute de Aptes, une moyenne de 10 années d’errance diagnostique est observée pour les formes précoces et une

moyenne de 2 années d’errance diagnostique pour les formes tardives. Souvent, les

personnes malades sont orientées à tort vers un psychiatre ou un psychologue,

cette psychiatrisation abusive de la maladie peut entraîner une culpabilisation de la personne malade. Nous savons que les personnes malades peuvent vivre un parcours du combattant avant de bénéficier d’une consultation spécialisée. Nous suivons des milliers de personnes souffrant

d’un tremblement essentiel en France, nous connaissons

bien ces problématiques et nous souhaitons vous rassurer :

il n’y a pas de honte à vivre avec un tremblement essentiel et il n’y a pas

de honte à rencontrer des difficultés pour surmonter les situations de handicap générées par le tremblement essentiel.

La fréquence du tremblement essentiel dans la vie entière est évaluée entre 0,4 et 0,7 % dans les études les plus récentes, le tremblement essentiel touche 1 personne sur 200. En France, ce sont plus de 300 000 personnes qui vivent avec le tremblement essentiel. Le tremblement essentiel concerne les femmes comme les hommes. Il peut apparaître dès l’enfance et il s’aggrave avec le temps. Ce ne sont pas seulement les personnes âgées mais aussi les enfants, les adolescents et les personnes jeunes qui sont touchés par le tremblement essentiel, il y a deux pics d’incidence pour le diagnostic du tremblement essentiel : le premier autour de l’âge de 20 ans et le second vers l’âge de 60 ans.

Le symptôme majeur du tremblement essentiel est un tremblement qui apparaît lors de la contraction musculaire volontaire, ce tremblement touche surtout les membres supérieurs, les mains mais également les bras et les épaules et il peut progresser pour s’étendre au cou, à la tête et au visage. Il peut aussi toucher les cordes vocales et entraver la parole. Dans les formes évoluées, il peut aussi toucher les membres inférieurs et les personnes malades peuvent de ce fait présenter des troubles de l’équilibre et de la marche.

Seul un neurologue pour les adultes et un neuropédiatre pour les enfants peut établir le diagnostic de tremblement essentiel ; en collaboration avec le médecin traitant de la personne malade, le neurologue est le référent pour toute la prise en charge de la maladie.

Actuellement, on ne sait pas guérir le tremblement essentiel ni enrayer son évolution mais des traitements permettent de soulager partiellement les symptômes et ainsi d’améliorer la qualité de vie de la personne malade. Il n’existe pas de traitement spécifique du tremblement essentiel mais des médicaments à visée symptomatique, les

ß-bloquants et certains épileptiques. Le traitement s’établit dans un dialogue entre la personne malade et son neurologue afin de trouver un équilibre entre une efficacité modérée et des effets indésirables les moins contraignants possibles. Néanmoins, il n’est actuellement pas possible de supprimer le tremblement et la grande gageure du tremblement essentiel consiste à apprendre à vivre avec la maladie dans les situations de handicap au quotidien.

En effet, le tremblement essentiel interfère avec le mouvement volontaire avec une augmentation de son amplitude dans les gestes précis. Aussi, se raser, se laver les dents, se maquiller, boutonner une chemise, lacer ses chaussures, mettre une clé dans une serrure, se nourrir, utiliser une carte bleue, écrire, utiliser une souris d’ordinateur, bricoler, coudre… Lorsque l’on est atteint d’un tremblement essentiel, tous les gestes de la vie quotidienne deviennent difficiles voire impossibles.

Il existe néanmoins des outils de compensation des situations de handicap du tremblement essentiel, Aptes a référencé une partie de ces aides techniques dans Aptes, le guide pratique du quotidien et sur Aptes.org dans la rubrique Au quotidien.

La visibilité sociale du tremblement essentiel peut aussi entraîner des syndromes secondaires à la maladie  ; dans le tremblement essentiel, les syndromes secondaires les plus fréquents sont l’anxiété sociale, la phobie sociale et les syndromes dépressifs. Nous connaissons bien ces difficultés d’adaptation au handicap du tremblement essentiel et nous sommes à votre écoute pour vous aider à mieux vivre avec le tremblement essentiel. Ces difficultés peuvent être surmontées par un travail personnel de la personne malade : certaines personnes concernées par le tremblement essentiel pourront faire ce travail seules, certaines pourront avoir besoin d’être aidées en rencontrant d’autres

personnes touchées par la maladie qui ont réussi à surmonter ces obstacles, certaines pourront avoir besoin d’une aide psychothérapique. Ces difficultés sont fréquentes, il ne faut pas hésiter à nous en parler afin que nous puissions vous aider.

L’espoir pour toutes les personnes concernées par le tremblement essentiel réside dans les progrès de la recherche scientifique pour comprendre les mécanismes de la maladie et développer de nouveaux traitements. En France, le tremblement essentiel reste une maladie orpheline du point de vue de la recherche scientifique mais nous travaillons afin de mobiliser les chercheurs en neurosciences. Deux axes de recherche sont en cours :>> Identifier les gènes responsables du tremblement essentiel, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives de développement d’outils de diagnostic et de traitements spécifiques pour guérir la maladie. >> Identifier les mécanismes cérébraux à l’origine du tremblement essentiel afin de mettre au point des traitements plus efficaces des symptômes de la maladie.

La majorité des projets de recherche scientifique sur le tremblement essentiel en France est financée par Aptes. Un de ces récents projets a permis d’identifier un dysfonctionnement du cervelet dans le tremblement essentiel, ce qui ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. Nous sommes mobilisés avec vous pour améliorer la prise en charge du tremblement essentiel et développer la recherche scientifique.

Professeur Emmanuelle Apartis-Bourdieu,

présidente du conseil scientifique de Aptes,

Professeur Emmanuel Broussolle,

vice-président du conseil scientifique de Aptes.

Aptes le guide du tremblement essentiel Aptes le guide du tremblement essentiel

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le treMbleMent eSSentIelLe tremblement essentiel est une maladie neurologique et génétique. C’est la cause la plus fréquente de tremblements. Elle touche 1 personne sur 200. Elle concerne les femmes comme les hommes. Elle peut apparaître dès l’enfance et elle s’aggrave avec le temps.

« Mes mains tremblent dès que j’effectue des gestes de la vie quotidienne. Ce n’est pas dû à mon âge, je ne suis pas alcoolique, je ne suis pas hyper-émotif, je ne suis pas drogué… je souffre de tremblement essentiel ».Un adhérent de Aptes« Cette maladie reste encore mal connue du grand public mais aussi de la communauté médicale en dehors des neurologues. Le diagnostic est hélas trop souvent tardif. » Dr David Grabli, neurologue à la Pitié-Salpêtrière

Le tremblement essentiel est une pathologie du mouvement ; au sein des mouvements anormaux, le tremblement essentiel est la pathologie la plus fréquente. Elle touche au moins 300 000 personnes en France – à titre indicatif, la maladie de Parkinson touche autour de 120 000 personnes. C’est la prévalence. Celle-ci augmente progressivement avec l’âge et peut atteindre jusqu’à 14 % chez les plus de 65 ans.

L’incidence du tremblement essentiel, c’est à dire le nombre de nouveaux cas pendant une période déterminée est estimée à environ 600 nouveaux cas pour 100 000 personnes par an.

leS chIffreS cléS du treMbleMent eSSentIel

1 personne sur 200 touchée par le tremblement

essentiel.

300 000 personnes en France atteintes par le

tremblement essentiel.

30 000 personnes sont atteintes par

une forme sévère à invalidante.

2,5 millions d’Européens touchés par le tremblement

essentiel.

50 % de femmes, 50 % d’hommes.

moyenne de 10 années d’errance diagnostique

pour les formes précoces.

1 personne sur 3 a souffert ou souffre de

phobie sociale.

85 % des personnes

malades souffrent aussi d’un handicap

social.

25 % des personnes malades ont dû changer d’orientation

professionnelle ou cesser leur activité en raison du handicap moteur

de la maladie.

Le tremblement essentiel est à la fois un tremblement postural car il intervient dans le maintien de la posture mais il est aussi et avant tout un tremblement d’action. Il apparaît dès lors que la personne effectue une contraction musculaire volontaire. Celle-ci intervient certes pour maintenir une posture mais avant tout

pour effectuer des gestes dirigés.Le tremblement essentiel touche surtout les membres supérieurs – mains et bras –, le cou, la voix, la face et les membres inférieurs.Il s’agit d’une maladie évolutive et son évolution est marquée par quatre caractéristiques :

leS SIGneS MoteurS

une extension topographique : le tremblement s’étend peu à peu à des régions du corps qui n’étaient pas touchées (cette extension n’est pas systématique),

une progression de l’extrémité distale aux régions proximales : le tremblement, lorsqu’il a commencé à l’extrémité des membres notamment supérieurs – doigts, mains – va avoir tendance à progresser vers l’extrémité proximale, en l’occurrence vers l’épaule,

une augmentation de l’amplitude corrélée à une diminution de la fréquence du tremblement : le tremblement essentiel génère des situations de handicap de plus en plus difficiles car l’amplitude du tremblement (l’importance des oscillations) augmente tandis que la fréquence diminue. Cette fréquence basse est corrélée au caractère invalidant des formes les plus développées de tremblement essentiel.

une majoration de la composante volitionnelle : le tremblement est accentué dans l’exécution des gestes dirigés vers un but. Cette composante a tendance à s’accentuer avec le temps et à générer elle aussi des situations de handicap de plus en plus sévères. Néanmoins, ces données peuvent être extrêmement variables et certaines personnes vont développer des formes volitionnelles et proximales tandis que d’autres conserveront longtemps des formes posturales et rapides qui seront moins handicapantes.

David Grabli (Paris)

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Critères diagnostiquesLes critères diagnostiques du tremblement essentiel d’après la conférence de consensus de la société Movement Disorders (1998) sont les suivants :

Critères principaux- tremblement d’action bilatéral des mains et

avant-bras (sans tremblement de repos),- absence d’autres signes neurologiques

(« essentiel »), en dehors d’une roue dentée,- tremblement isolé de la tête possible, en

l’absence de posture dystonique.

Critères secondaires.• Longue durée (> 3 ans),• Histoire familiale,• Réponse à l’alcool.La prévalence du tremblement essentiel est de l’ordre de 4 % au-delà de 40 ans. Une histoire familiale compatible avec une hérédité autosomique dominante est observée dans plus de 50 % des cas. La concordance chez de vrais jumeaux âgés peut monter jusqu’à 93 %. Trois loci correspondant à des gènes de susceptibilité ont récemment été identifiés. La maladie peut débuter dans l’enfance pour s’aggraver progressivement au fil des années. Typiquement le tremblement s’étend des mains vers le cou. Une évolution en sens inverse, commençant par un tremblement isolé du chef est plus rare.Le tremblement peut toucher la parole, la langue, les muscles de la face, le tronc et les

membres inférieurs. L’évolution du tremblement essentiel se fait vers une aggravation progressive combinant une extension topographique du tremblement vers les segments de membres proximaux, une augmentation de l’amplitude parallèlement à une diminution de la fréquence et l’installation d’une composante intentionnelle. Le tremblement essentiel entraîne non seulement une gêne sociale qui peut être importante mais aussi un handicap fonctionnel, pour boire, écrire, et pour tous les gestes demandant une certaine dextérité. Au bout de plusieurs décennies d’évolution, le tremblement peut devenir très invalidant au point d’entraîner une perte de l’autonomie pour les gestes de la vie quotidienne (prise de boisson, alimentation, habillage, hygiène, écriture). Une excellente réponse à l’alcool est typique, mais peu spécifique.

Paul Krack (Grenoble)

Il reste une notion complexe pour le neurologue car la correspondance entre la sévérité objective mesurée du tremblement et la perception de cette sévérité par la personne en situation de handicap reste difficile à établir. En effet, le neurologue mesure l’amplitude, la sévérité et l’atteinte du tremblement mais il constate aussi des fluctuations importantes de l’amplitude du tremblement et de son intensité en fonction de l’état de fatigue, de l’état émotionnel de la personne et du contexte d’observation du tremblement. Même sur un geste donné et sur une base de tremblement stable, les résultats peuvent fluctuer en fonction des conditions de réalisation du geste. Ce point est fondamental car le neurologue utilise souvent des échelles de mesure de tremblement qui ne prennent pas en compte ces paramètres. Le neurologue peut être amené à les constater dans les échelles de qualité de vie mais les résultats sont obtenus de manière indirecte. La question que le neurologue pose pour discuter des thérapeutiques du tremblement essentiel, reste : « Êtes-vous gêné par le tremblement et comment ce tremblement vous gêne-t-il ? ». Cette évaluation reste subjective et le neurologue dispose de peu d’outils d’évaluation permettant de mesurer objectivement la sévérité réelle du tremblement essentiel pour une personne donnée.

Cette difficulté est parfaitement illustrée par le paradigme du verre d’eau. Lorsque le neurologue propose un geste aussi simple que celui de porter un verre d’eau à la bouche, il y a trois conditions différentes dans lesquelles le geste est exactement le même :

• porter le verre d’eau à la bouche quand il est vide,

• porter le verre d’eau à la bouche quand il est plein et que la personne est seule, tranquille dans une pièce,• porter le verre d’eau à la bouche quand il est plein et que la personne est dans une pièce en réunion avec d’autres personnes qui la regardent.

Pour le même geste, la difficulté sera extrêmement variable. Si le neurologue observe la base de tremblement dans ces trois conditions, elle reste à peu près similaire. En revanche, la manière dont le tremblement s’exprime durant la réalisation du geste est mesurée avec une amplitude croissante au fur et à mesure de la réalisation du geste dans les trois conditions. Cet aspect est souvent mal évalué alors même qu’il influe de manière capitale dans les situations de handicap.

le handIcaP

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Les mécanismes sont peu étudiés mais il est possible d’observer, chez les personnes touchées depuis longtemps par un tremblement essentiel, un phénomène de « rhéostat », une mesure par le tremblement du niveau direct d’anxiété ou de stress. Il semble que les personnes développent une espèce de boucle dans laquelle le tremblement s’emballe dans certaines situations qui augmentent l’anticipation. Il y a ce réflexe : « je tremble donc j’ai peur de trembler ; comme j’ai peur de trembler, je tremble davantage ; comme je

tremble davantage, j’ai davantage peur de trembler etc. ». Pour interrompre cette

spirale, le neurologue propose des traitements médicamenteux

mais les personnes elles-mêmes font souvent appel à d’autres stratégies pour améliorer le niveau de contrôle du stress et de l’anxiété avec des techniques de relaxation. Ces techniques sont

souvent précieuses pour

les personnes qui les mettent en oeuvre. Les neurologues ne sont pas nécessairement prescripteurs de ces méthodes car elles ne correspondent pas à leurs pratiques mais il y aurait probablement un intérêt à mieux les évaluer.Si le contrôle de l’anxiété et du stress peut être un élément important dans le contrôle du tremblement, l’éducation de l’entourage à la maladie et aux situations de handicap qu’elle génère peut aussi influer sur le contrôle du tremblement ; il s’agit alors de contribuer à modifier l’image négative que la personne en situation de handicap croit percevoir dans le regard porté par son entourage immédiat. Une meilleure information est essentielle pour mieux vivre avec le tremblement essentiel.

David Grabli (Paris)

la PhYSIoPatholoGIe

Les mécanismes du tremblement essentiel restent peu connus mais des recherches récentes permettent de penser que le cervelet, impliqué dans le contrôle de la motricité et le contrôle de la précision des gestes, joue un rôle dans la physiopathologie du tremblement essentiel. Tout d’abord, l’examen clinique des personnes touchées par le tremblement essentiel montre que celles-ci ont des troubles de l’équilibre identiques à ceux observés chez les personnes ayant une atteinte cérébelleuse. Elles ont également des difficultés de calibration du geste (dissymétrie) : elles apprécient mal la portée d’un geste. Quand le neurologue leur demande un geste de pointage, elles exécutent soit un geste trop ou pas assez ample et ne parviennent pas à toucher de manière précise une cible. à l’examen clinique, le tremblement empêche d’effectuer correctement les tests de calibrage. La personne tremble et est de ce fait peu précise, le neurologue n’est donc pas certain qu’il s’agit bien d’un problème de calibrage du geste au départ.

Récemment, une équipe scientifique a effectivement constaté une diminution du nombre de certaines cellules, les cellules de Purkinje dans le cervelet et des anomalies morphologiques de ces cellules. Il semble qu’il y ait une dégénérescence de certaines cellules dans le cervelet dans le tremblement essentiel.

Cette découverte est récente.Elle vient étayer une autre constatation : la stimulation cérébrale profonde dans le tremblement essentiel implique un noyau particulier du thalamus, le noyau VIM et ce noyau est justement celui qui reçoit des informations du cervelet. Il est possible dès lors de penser que la stimulation cérébrale profonde modifie des informations provenant du cervelet. De plus, les effets indésirables de la stimulation cérébrale profonde sont des troubles de la marche et de l’équilibre, symptômes pouvant être liés à un dysfonctionnement du cervelet.

David Grabli (Paris)

© E

lan

D. L

ouis

, MD

Arch

neu

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vol

65

(no.

1),

jan

2008

Torpedoe ou gonflement fusiforme des dendrites in Reduced Purkinje Cell Number in Essential Tremor, Elan D. Louis, MD Arch neurol / vol 65 (no. 1), jan 2008

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie

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la GénétIQue

Certains facteurs de risque, c’est-à-dire des éléments favorisant la survenue du tremblement essentiel, sont identifiés :• tout d’abord l’âge : plus la personne vieillit et plus elle risque de développer un tremblement essentiel,• ensuite des caractéristiques d’origine ethnique  : les Caucasiens développent plus souvent le tremblement essentiel que les Africains par exemple,• enfin l’histoire familiale du tremblement essentiel, c’est-à-dire la transmission familiale  : s’il existe une histoire familiale de tremblement essentiel, il y a une augmentation du risque de développer un tremblement essentiel. Dans 50 à 70 % des cas de tremblement essentiel, on retrouve à l’interrogatoire une histoire familiale, le tremblement est alors qualifié de « tremblement essentiel familial ».

Comment se transmet le plus souvent le tremblement essentiel dans la famille quand il y a effectivement un caractère familial du tremblement essentiel ? Il semble se transmettre habituellement sur un mode autosomique dominant, c’est-à-dire avec une transmission verticale d’une génération à celle du dessous (plus jeune). Il suffit d’être porteur d’une seule mutation pour pouvoir développer la maladie. Ce mode de transmission se caractérise aussi par une atteinte des individus des deux sexes, les hommes comme les femmes. Enfin le risque d’un individu porteur de la mutation responsable de la maladie, en l’occurrence du tremblement essentiel, de transmettre la mutation à son enfant,

est de a priori 50 % pour chaque enfant. Il s’agit du risque de transmettre la mutation, cela ne signifie pas nécessairement que l’enfant sera affecté par la maladie. A noter que l’existence d’une histoire familiale de tremblement essentiel dans la famille de l’individu atteint est un critère pour le diagnostic de tremblement essentiel.

Voici un petit exemple sur ce graphique : le papa est porteur de la mutation (ici en rouge) et il a développé le tremblement essentiel ; la maman n’est pas porteuse et elle n’est pas malade. Tous les individus ont 46 chromosomes qui s’assemblent par paires. Pour chaque paire, l’enfant hérite d’un chromosome du papa et d’un autre de la maman. Le papa donne, au hasard, un chromosome bleu à l’aîné, l’enfant n’est pas porteur et il n’est pas malade ; le papa donne, au hasard, un chromosome rouge au cadet, l’enfant est porteur et il développe le tremblement essentiel.

Quand le neurogénéticien dresse un arbre généalogique d’une famille avec une maladie qui se transmet sur le mode autosomique dominant, il constate la transmission verticale des grands-parents aux parents, et des parents aux enfants. L’étude génétique vise à identifier une mutation dans un gène, à caractériser ce nouveau gène responsable de la maladie. Cette découverte permet alors d’identifier les personnes atteintes par cette pathologie, de caractériser l’évolution de la maladie, de tester des traitements spécifiques.

Le génome est l’ensemble des informations génétiques de l’individu, c’est un livre. Cette information est contenue dans les 23 paires de chromosomes, ce sont autant de chapitres du livre. Chaque chromosome est composé d’un long filament d’ADN sur lequel se trouvent les gènes, ce sont les phrases de chaque chapitre.Une mutation, c’est une anomalie, une faute de frappe, une aberration dans une des phrases de ce livre, qui va être à l’origine de la perturbation du sens de la phrase avec des conséquences dans sa compréhension. Par exemple, dans la phrase « l’enfant mange le chocolat », si le « m » se transforme en « r » à l’occasion d’une faute de frappe, le sens change complètement, cela donne « l’enfant range le chocolat ». Mais si le « m » se transforme en « l », « l’enfant lange le chocolat », la phrase n’a plus aucun sens. Le travail du neurogénéticien consiste à repérer ces fautes de frappe, ces anomalies.

Quelles sont les données connues sur les bases

génétiques du tremblement essentiel  ? La génétique s’intéresse beaucoup aux jumeaux car ceux-ci ont une identité génétique similaire et ont souvent grandi dans le même environnement, avec la même éducation de leurs parents, le même environnement alimentaire, aérien etc. Dans l’étude des jumeaux monozygotes, c’est-à-dire de vrais jumeaux issus d’un seul oeuf à la base, si l’un a un tremblement essentiel, le deuxième l’a aussi dans 60 % des cas ; dans l’étude des jumeaux dizygotes, c’est-à-dire des faux jumeaux, si l’un a le tremblement essentiel, l’autre l’a aussi dans un peu moins de 30 % des cas. La dimension génétique du tremblement essentiel est essentielle mais a priori non suffisante et l’environnement intervient probablement aussi.Le risque relatif pour un apparenté de premier degré (frère, fils d’un individu donné) de développer le tremblement essentiel est de 4,7 pour une personne ayant un apparenté ayant un tremblement essentiel. Cette phrase un peu compliquée signifie que le risque que je développe le tremblement essentiel est multiplié par 4,7 par rapport à la population générale si ma sœur a un tremblement essentiel ou si mon père a un tremblement essentiel.

L’étude génétique du tremblement essentiel se complique lorsqu’elle porte sur le mode de transmission. A priori, le risque de transmission de la maladie est de 50 % dans un mode

autosomique dominant, or il apparaît que le tremblement essentiel se

transmettrait préférentiellement lorsqu’il existe une mutation

du tremblement essentiel, il semblerait que cette mutation soit transmise plus souvent que ne le voudrait le

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie

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hasard, pour une raison encore indéterminée.

Enfin, il semble qu’il y ait une hétérogénéité génétique des formes familiales. Pour le tremblement essentiel, il y aurait plusieurs causes génétiques et il importe d’identifier plusieurs gènes responsables dont les mutations vont donner le même tableau. Actuellement, il est impossible d’identifier les personnes qui ont un tremblement essentiel avec telle mutation et celles qui ont un autre tremblement essentiel avec telle autre mutation.

Malgré toutes ces difficultés, trois régions du génome, ou loci, ont été décrites aujourd’hui. Le premier gène mis en évidence, DRD3, fait partie des récepteurs dopaminergiques et ce récepteur est intéressant car il est exprimé dans les ganglions de la base, dans les cellules de Purkinje dont la dégénérescence est évoquée dans la physiopathologie du tremblement essentiel. Une variation dans la séquence du gène, Ser9Gly (un acide aminé appelé glycine remplace une sérine en position 9 de la protéine) a été mise en évidence chez certains patients atteints de tremblement essentiel. Cependant, la responsabilité de cette anomalie dans l’apparition du tremblement essentiel reste toujours controversée.

L’équipe de J.J. Higgins a identifié en 2005 une variation génétique au sein d’un deuxième locus, dans le gène HSI-BP3 dont la responsabilité dans la genèse du tremblement essentiel est également controversée. Une autre publication d’une grande équipe islandaise a rapporté un lien entre une variation à un endroit particulier du génome et le risque d’avoir le tremblement essentiel. Il ne s’agit pas

d’une mutation mais d’une légère variation appelée polymorphisme. Si nous reprenons l’illustration de la phrase dont les lettres seraient modifiées, une variation est « clef » ou « clé », la signification reste la même mais il y a une variation. Ce polymorphisme, dans le gène LINGO1 augmente de 1,55 fois le risque d’avoir le tremblement essentiel.

L’ensemble de ces résultats laisse penser qu’il existe clairement une base génétique à certaines formes de tremblement essentiel mais les causes du tremblement essentiel sont sûrement multifactorielles : plusieurs facteurs, notamment génétiques, pourraient être nécessaires pour développer la maladie.

Il est tout à fait probable que ces facteurs génétiques interagissent avec des facteurs environnementaux, encore inconnus, pour favoriser le développement de la maladie.

Mathieu Anheim (Strasbourg)

SYndroMeS SecondaIreS

Le tremblement essentiel peut également induire des syndromes secondaires liés au handicap social que représente cette maladie : repli sur soi, anxiété, syndromes dépressifs voire phobie sociale.Certaines personnes malades sont désespérées et ne supportent plus la maladie, elles se cachent et ne veulent plus voir personne car elles ont honte de leur état.

Dans certaines études scientifiques, le tremblement essentiel est associé à des symptômes non moteurs comme l’anxiété, la phobie sociale et la dépression. L’équipe d’Elan Louis émettait même en 2005 l’idée que l’anxiété, la phobie sociale et la dépression seraient des traits propres à la maladie. Elle envisageait que le tremblement essentiel ne soit pas seulement une maladie motrice mais une maladie plus complexe, comme l’est la maladie de Parkinson. Il est aussi possible de considérer que ces troubles sont des phénomènes adaptatifs secondaires au tremblement. Ces troubles secondaires sont néanmoins rarement abordés alors qu’ils impactent souvent de manière importante la maladie elle-même.

David Grabli (Paris)

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Tous les humains peuvent à tout moment ressentir du trac ou de l’embarras. Ce sont des émotions universelles et normales. L’anxiété sociale, c’est l’appréhension liée au regard et au jugement éventuel d’autrui, c’est la conscience que je suis sous le regard d’autrui. Il s’agit d’un signal d’alarme : je fais attention car je pense que quelqu’un me regarde, m’observe. Cependant, il y a tout un monde entre l’anxiété sociale bénigne, normale – quelqu’un qui a un peu le trac parce qu’il doit lire un texte au mariage d’un copain, quelqu’un qui est un peu gêné parce qu’il a fait tomber un objet dans un magasin et que tout monde le regarde – et les phénomènes maladifs que sont par exemple les phobies sociales. Là, les personnes sont persuadées d’être toujours ridicules, d’être toujours jugées, et jugées négativement. Elles

vont tout faire pour vivre cachées, pour ne pas prendre la parole, pour ne pas s’exposer aux regards.La question du seuil est liée principalement à l’intensité de la peur et de la honte. Ce ne sont pas seulement des phénomènes d’anxiété qui définissent ce type de pathologies mais aussi le sentiment de honte, le sentiment que je suis inférieur, que je ne suis pas à la hauteur, que j’ai moins de valeur socialement que les autres. Cette question du seuil est liée également à l’importance des évitements. Si j’ai l’impression d’être anxieux mais que j’accomplis toutes mes tâches quotidiennes, ce n’est pas un stade maladif, je me bagarre. Mais dès que j’obéis à ma peur et à ma honte, que je commence à me cacher, à ne plus faire certaines choses, je suis dans un état qui nécessite une aide.Le tremblement est lié à l’idée de déficit, de manque de contrôle de soi, de courage ou à l’idée d’une maladie. Beaucoup des personnes qui tremblent disent effectivement qu’elles ont peur de passer pour alcooliques, toxicomanes, parkinsoniens, malades en général. C’est une peur certainement ancrée dans certains jugements. En effet, les personnes qui ne connaissent pas le tremblement essentiel vont rattacher les symptômes de celui-ci à quelque chose qu’elles connaissent : ceux qui ont vu des alcooliques trembler vont avoir tendance à associer le tremblement essentiel à l’alcoolisme. Il est vrai qu’il s’agit d’un obstacle pour affronter le regard des autres sans trop d’inquiétude. à mon avis, cet obstacle nécessite un travail personnel. Certaines fois, les personnes concernées par le tremblement essentiel pourront faire ce travail seules. D’autres fois, elles auront

l’anxIété SocIale besoin d’être aidées, pas forcément par des thérapeutes, mais aussi par l’association Aptes, grâce aux conseils d’adhérents qui ont réussi à dépasser cet obstacle. Enfin, celles qui ont le plus de difficultés auront besoin d’une aide psychothérapique.L’idée du travail psychothérapique n’est pas d’intervenir en amont de l’apparition de la peur, de la gêne ou de la honte, mais en aval. Si je vois quelqu’un regarder mes mains qui tremblent, la gêne arrive mais je peux me dire : « Bah oui, il l’a remarqué, c’est ennuyeux mais tant pis, je

continue, je ne peux pas passer ma vie à vivre reclus ». En revanche, si je me dis : « Cache tes mains, écourte la conversation et ne réapparais plus jamais devant cette personne dorénavant ! Ne te mets plus jamais dans ce genre de situation ! », je suis victime de ma peur et de ma honte, j’y ai cédé et je vais dorénavant la subir. Il ne faut pas empêcher l’apparition de la gêne mais se débrouiller pour qu’elle ne me dicte pas ma vie. Que je n’en devienne pas l’esclave ! Que je ne lui obéisse pas !

Christophe André (Paris)

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De nombreuses personnes malades organisent leur vie en fonction de la perception sociale de ce handicap fonctionnel. Elles peuvent essayer de cacher leur tremblement mais elles peuvent parfois éviter peu à peu de sortir et s’enfermer graduellement dans un isolement dramatique. Même aller acheter du pain peut être un calvaire.Ce sont des comportements aggravants symptomatiques dans tous les cas d’émotions pathologiques. Plus j’obéis à une émotion, plus celle-ci pilote mon existence. Si la peur me dit : « Ne sors pas de chez toi ! », si je lui obéis, si je ne sors pas de chez moi, j’aide cette peur à s’installer. Plus je me soumets à ma peur, plus effectivement je la nourris, je la renforce et plus elle va prendre de place, plus elle va limiter et dicter mon existence.

Ce qui doit alerter une personne souffrant d’un tremblement essentiel, ce sont les évitements. Je dois surveiller si je commence à renoncer à ce que j’aime bien faire. Si chaque fois que je vais acheter du pain, je me dis : « Qui c’est aujourd’hui ? la femme du boulanger ? le boulanger ? ou la vendeuse ? », ou alors : « A quelle heure je vais y aller pour qu’il n’y ait personne ? », si je commence à avoir des obsessions comme : « Ont-ils vu que je tremble ou pas ? Qu’est-ce qu’ils en pensent ? Qu’est-ce qu’ils vont en dire ? », je commence à avoir perdu le contrôle, je n’arrive plus à faire régner la tranquillité dans mes états d’âme.De manière générale, les doutes, l’inquiétude augmentent tout ce qui est vulnérable en moi. Je vais avoir peur de perdre le contrôle, peur de commencer à stresser et les symptômes vont apparaître encore davantage. Je vais avoir peur de ne plus les maîtriser et seule, la fuite pourra m’apaiser.à un moment donné, toute mon attention, toute ma vigilance se focalisent sur mon problème, le tremblement essentiel. Je ne vois plus de moi qu’une « machine à trembler » et je ne vois plus dans le regard des autres que des regards de juges et de scrutateurs. J’oublie totalement que je suis là pour autre chose, que les gens peuvent soit ne pas remarquer mon tremblement, soit le remarquer mais considérer que je suis suffisamment intéressant pour continuer à parler avec moi. Ce tremblement peut aussi parfois susciter des rejets mais c’est la vie ! Il y a des gens à qui je peux apparaître antipathique, même sans tremblement essentiel. Il y a toujours un gâchis et une déperdition dans les rapports sociaux.

la PhobIe SocIale Concernant l’anxiété sociale, il y a avant, pendant et après. Avant, j’anticipe, je me fais des scénarios catastrophes qui me fragilisent en augmentant le stress : « Et si je me mettais à trembler ? », « Et s’ils pensaient ça ? ». J’arrive dans la situation vulnérabilisé. Pendant, je commets l’énorme erreur de ne plus voir, de moi, de l’autre et de la situation, que tout ce qui gravite autour du tremblement essentiel. Après, je rumine, je me repasse le film en insistant sur les points négatifs. Ces ruminations post-événements aggravent considérablement mon état car je stocke mes souvenirs dans un contexte seulement douloureux et négatif. Au lieu de nettoyer mon esprit, de me dire : « Ce n’est pas grave », j’enfonce le clou ! Et le problème ressortira encore plus fortement, ou au moins aussi fortement la fois suivante. Ces ruminations sont difficiles à contrôler mais l’anxiété est considérablement aggravée par ces « autoflagellations ».L’évitement comme style de vie et comme solution au problème chronique est très aggravant. Il faut se confronter.Je dois me dire : « Va acheter ton pain ! », « Tends la main ! », « Prends la tasse ! » mais je dois avoir préalablement réfléchi à l’acceptation de mon symptôme. Je dois me dire : « Voilà, tu as un tremblement, tu n’as pas choisi de l’avoir, et c’est comme ça : tant que tu ne t’accepteras pas trembleur, eh bien, tu ne pourras pas imaginer que les autres t’acceptent. Accepte que ça puisse se voir. Accepte que les gens puissent juger. Accepte qu’ils puissent penser ce qu’ils veulent. Il ne faut pas que ça te détourne de ta propre vie. »Il s’agit d’une confrontation avec une acceptation du handicap. Tant que je suis dans la confrontation, dans les passages en force, je vais être tendu et je risque de déraper. La

confrontation sans acceptation sauve du handicap social et du repli sur soi, mais elle représente un coût émotionnel important.La phobie sociale se caractérise par la peur et la honte. J’ai peur qu’on me fasse une remarque, qu’on me rejette, qu’on se moque de moi. J’ai honte bien qu’on ne me dise rien. La boulangère ne dit rien ? Elle est polie mais elle me juge, j’en suis persuadé. Je n’ai pas besoin qu’elle me le dise pour savoir que j’ai été ridicule. Ça, c’est la honte.La honte n’a pas besoin d’actes ou de gestes. Il s’agit d’une intime conviction que je me suis dévalorisé, que j’ai perdu mon image et le respect des autres. Il faut travailler sur ce sentiment de honte car les personnes malades sont alors engagées dans un cercle vicieux qui entraînent des dérèglements émotionnels. Leurs sensations de peur et de honte se déclenchent là où il n’y a pas de raison d’avoir peur ou honte.Il n’y a pas de honte en théorie à avoir un tremblement essentiel, nous sommes tous d’accord, et pourtant j’ai honte, même pour des bêtises. Là, un travail de « recalibrage » émotionnel est nécessaire à condition que je me confronte dans une ambiance d’acceptation de moi. Il ne faut pas se faire violence.En effet, il y a l’agressivité envers soi : je m’en veux, je me dévalorise, j’en veux à mes parents d’avoir transmis la maladie. Il y a aussi l’« hétéro-agressivité » : j’en veux aux gens parce qu’ils me regardent, ils regardent mes mains qui tremblent. à un moment donné, je peux devenir un peu paranoïaque. Je vais avoir tendance à sentir derrière un regard, de l’ironie, de la pitié,

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de la condescendance. Je me sens alors rejeté car je perds toute capacité à relativiser tant je suis focalisé sur mon tremblement essentiel. En vouloir à soi, en vouloir aux autres sont des facteurs aggravants qui me maintiennent dans un mauvais rapport à mon handicap.Le fait d’avoir un tremblement essentiel me surexpose un peu plus au fait que les gens s’expriment à mon propos, mais ce n’est même pas sûr ! Un travail de distanciation et de relativisation est primordial mais il s’agit toujours d’une acceptation. Il ne faut pas se

couper de la bonne partie de l’humanité, de la bonne partie de nous-mêmes, parce que nous sommes tourmentés par un handicap.Ce discours est fondamental. C’est un combat, un combat régulier. C’est une hygiène psychologique à maintenir au quotidien parce que ce tremblement est gênant tous les jours de notre existence et, de temps en temps, je vais tomber sur de vrais rejets mais je ne dois pas généraliser à partir de ces quelques rejets.

Christophe André (Paris)

leS SYndroMeS déPreSSIfS

Il y a tout d’abord un tempérament, une vulnérabilité émotionnelle. Il y a ensuite une éducation par des parents trop soucieux du regard et du jugement des autres par exemple. Il y a enfin des événements de vie qui ont entraîné des rejets ou de la mise à l’écart. Les personnes touchées par un tremblement

essentiel sont plus lourdement servies que les autres.Chaque expérience de rejet – moquerie à l’école, réflexion de professeur – est un facteur aggravant. Quand on suscite de la compassion ou du mépris, il faudrait pouvoir se dire : « Moi, je n’ai pas de problème, je suis comme ça, je tremble, c’est tout ! ». C’est probablement facile à dire mais il est important de garder en tête quelques idées simples, fortes et justes. Sinon, au bout d’un moment, je ne sais plus si je ne suis pas tout de même un peu minable, si je ne suis pas moins intéressant que les autres. Je doute et commence à ne plus raisonner juste.Le tremblement essentiel est une maladie neurologique et génétique, l’apprentissage social par imitation des modèles parentaux peut être un facteur aggravant du handicap si mes parents n’acceptaient pas eux-mêmes le handicap de la maladie. Si mes parents avaient honte de leur tremblement, cette honte est un facteur aggravant de ma capacité à supporter mon tremblement, mais elle n’a pas créé celui-ci. Elle a juste créé une mauvaise

gestion du symptôme. C’est fondamental. Il y a certainement de nouveaux parents qui vont maintenant fonctionner différemment. Ils vont assumer leur tremblement. Ils vont dire à leur enfant : « Dans toutes les familles, il y a des maladies comme ça. Dans la nôtre, nous avons tendance à trembler, c’est un peu casse-pieds mais voilà. » Je pense que le meilleur service que les parents peuvent rendre aux enfants est d’assumer socialement le tremblement. Il faut aussi apprendre à l’enfant qu’il pourra y avoir des moqueries en cour de récréation. La période la plus dure pour les trembleurs, c’est l’enfance et l’adolescence, c’est là où les rapports sociaux sont les moins régulés. Il y a alors un vrai travail de reconstruction de sa dignité à entreprendre.Souvent les proches de la personne malade peuvent avoir tendance à lui demander de « moins s’écouter », de « se reprendre en main ». Ces conseils, souvent bien intentionnés, entraînent un sentiment de culpabilité. Sur le fond, les proches ont raison quand ils me disent : « Ne te prends pas la tête avec ça ! ». Sur le fond seulement car cela ne m’aide pas beaucoup, je me sens alors encore un peu plus incompris. Tout dépend donc de la façon dont je parle du tremblement. Si je dis : « Voilà, c’est une maladie qui entraîne un handicap, c’est une maladie neurologique hors de mon contrôle. Parfois, ça me prend un peu la tête. Désolé ! Je risque de vous embêter un peu avec ça mais bon, mettez-vous à ma place, c’est un truc casse-pieds ! ».Il faut rappeler que les troubles émotionnels sont au-delà du contrôle des personnes. Il ne sert à rien de dire à un déprimé : « Secoue-toi ! », à un anxieux : « Sois courageux ! », à un trembleur : « Ne te focalise pas là-dessus, tu trembleras moins ! ». Au contraire. Le risque est

de le désespérer.Il faut rassurer : « Ton tremblement est pour toi une préoccupation majeure mais il ne l’est pas forcément pour les autres. Ceux-ci sont capables de voir de toi autre chose que ton tremblement. C’est peut-être un truc qu’on remarque au début, mais au bout d’un moment, quand on te connaît, on ne le voit plus ! ».Il ne faut pas limiter son aide à des conseils de se ressaisir, mais rappeler doucement la réalité en élargissant la perspective. Il faut aussi faire preuve d’un minimum d’empathie, en disant  : « Oui, c’est vrai, je comprends, ça doit être casse-pieds pour toi car il peut y avoir des gens peu délicats autour de toi. Mais qu’est-ce qu’on fait ? On se cache ? On les tue ? Ou alors, on assure ? ».Il faut aider la personne à ne pas se noyer dans son symptôme en lui rappelant sans cesse qu’elle ne se résume pas à celui-ci.

Christophe André (Paris)

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ParcourS de SoInS

Actuellement, on ne sait pas guérir le tremblement essentiel ni enrayer son évolution mais des traitements permettent de soulager partiellement les symptômes et ainsi d’améliorer la qualité de vie de la personne malade.

Seul un neurologue pour les adultes et un neuropédiatre pour les enfants peut établir le diagnostic de tremblement essentiel, il est le référent pour toute la prise en charge de la maladie.

En raison de la méconnaissance de la maladie en dehors de la communauté neurologique, le tremblement essentiel est souvent associé à un manque de contrôle, à un état anxieux voire un trouble psychiatrique. Les personnes souffrant d’un tremblement essentiel ne sont malheureusement pas immédiatement orientées vers la consultation d’un neurologue spécialiste des mouvements anormaux. Selon Aptes info service, une moyenne de 10 années d’errance diagnostique est observée pour les formes précoces et une moyenne de 2 années d’errance diagnostique pour les formes tardives. Souvent, les personnes malades sont orientées à tort vers un psychiatre ou un psychologue, cette psychiatrisation abusive de la maladie entraîne une culpabilisation de la personne malade.

« Le tremblement véhicule à tort une idée de faiblesse, de fragilité émotionnelle et physique. Il faut comprendre que ni la force, ni le courage, ni la volonté ne se mesurent à l’existence d’un tremblement » souligne le docteur Charles-Pierre Jedynak, neurologue, spécialiste des mouvements anormaux à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).

Le déroulement de la consultation neurologique pour le tremblement essentiel se fait en plusieurs étapes.

Étape 1 : S’ASSurEr qu’IL S’AGIT BIEN D’uN TrEMBLEMENTRappel de la définition d’un tremblement faite par Jules Dejerine en 1914, « Les tremblements sont caractérisés par des oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du corps autour de sa position d’équilibre ».

Étape 2 : PréCISEr LES CArACTérISTIquES Du TrEMBLEMENT PAr L’INTErroGAToIrE• Date de début et âge de début, • Mode d’installation, brutale ou progressive, • Partie du corps impliquée initialement (une main, une jambe, le cou, le visage, un seul côté ou les deux côtés ; dans ce dernier cas, faire préciser le côté où le tremblement est le plus important), • Si le tremblement implique les mains, déterminer si le sujet est droitier ou gaucher, • Conditions de présence du tremblement :>> au repos,>> bras tendus ou jambes tendues,>> station assise,>> station debout (rechercher des signes pouvant évoquer un tremblement orthostatique : sensation d’instabilité, plus rarement de tremblement des membres inférieurs à la station debout immobile, disparaissant à la marche et en position assise ou couchée),>> lors du mouvement et de l’utilisation d’objets (stylo à écrire, verre à boire, couverts de table, rasoir, outils de bricolage etc.),• Recherche de facteurs aggravant le tremblement : horaire du matin au lever, stress, surmenage, émotions, consommation de caféine, thé, nicotine etc., • Recherche de facteurs améliorant le tremblement, notamment l’amélioration temporaire sous l’effet de l’alcool, • Présence de cas familiaux de tremblement (parents, grands-parents, oncles et tantes, frères et sœurs, enfants), • Antécédents personnels :>> traumatisme crânien,>> intoxication aux produits chimiques : métaux lourds, en particulier le mercure, produits de chimie organique etc.,

neuroloGIe

Tests cliniques du tremblement d’action

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>> maladie de la glande thyroïde,>> hypercorticisme,>> prise de médicaments pouvant exagérer le tremblement physiologique ou induire un tremblement parkinsonien : neuroleptiques, antidépresseurs tricycliques, bronchodilatateurs, sympathicomimétiques, corticoïdes, hormones thyroïdiennes, valproate, amiodarone, lithium, cytostatiques, cyclosporine.

Étape 3 : LES TESTS Du NEuroLoGuE ou CoMMENT SE DérouLE L’ExAMEN CLINIquE Du TrEMBLEMENT

Mise en évidence d’un tremblement d’attitude

• Pour les membres supérieurs, il sera mis en évidence chez un sujet assis, les mains sur les cuisses, en demandant de mettre les bras tendus en avant à l’horizontale (position du serment) pour bien étudier le tremblement des mains, ou de placer en opposition les deux mains, plates, horizontales, ou en opposition les deux index (posture du bretteur de Raymond Garcin) pour mieux évaluer les tremblements proximaux ; rechercher lors de l’épreuve doigt-nez la présence d’un tremblement, « crochetage », en fin de course,• Pour les membres inférieurs, le tremblement d’attitude sera détecté chez un sujet assis comme indiqué plus haut, en faisant réaliser des mouvements lents de flexion et extension de la jambe sur la cuisse, et en demandant de maintenir la jambe en extension à l’horizontale ; étudier séparément chaque côté ; chez le sujet couché, rechercher un tremblement d’attitude contre pesanteur, en faisant fléchir les deux cuisses à 90° tout en disposant les deux jambes à l’horizontale,• Pour la région du cou, rechercher un tremblement de la tête (« tremblement du chef »), d’abord en position assise, et préciser son caractère (mouvement de négation ou d’affirmation), et s’il disparaît lorsque la tête se met en appui en arrière contre le dossier d’un fauteuil ou contre un mur, ou si le sujet s’installe en position allongée,

• Au niveau de la tête, rechercher un tremblement du menton, du larynx (voix chevrotante),• Dans tous les cas, évaluer l’amplitude maximale approximativement, en cm du tremblement d’attitude,

recherche d’un tremblement d’action cérébelleuxCelle-ci se fait lors d’un certain nombre d’épreuves cliniques, notamment l’épreuve doigt-nez et l’épreuve talon-genou, et d’autres signes permettant de retenir un syndrome cérébelleux.

recherche d’un tremblement de repos (pour exclure un tremblement parkinsonien):• sujet assis, sur une chaise sans accoudoir, les mains sur les cuisses, sur le bord cubital de la main et de l’avant-bras, en relâchement

musculaire, avec épreuve de calcul mental pouvant favoriser ou accentuer un tremblement de repos des mains mais aussi des pieds,• sujet allongé, les bras décontractés le long du corps, recherche d’un tremblement de repos des mains et des pieds,• à la station debout immobile, rechercher la présence d’un tremblement d’un ou des deux membres inférieurs (notamment pour les cas, rares, de tremblement « de repos » proximal des membres inférieurs),• à la marche, regarder chaque main afin de visualiser un tremblement de repos,• au niveau du visage, rechercher un tremblement de repos des lèvres, de la mâchoire, de la langue, du menton,• dans tous les cas, évaluer l’amplitude maximale approximativement, en cm du tremblement de repos.

reste de l’examen neurologiqueIl a pour but de rechercher des signes pouvant faire évoquer un syndrome parkinsonien (présence d’une akinésie et d’une rigidité plastique) ou une dystonie (notamment cervicale pour différencier un tremblement d’attitude du chef d’une dystonie cervicale tremblante) ou d’autres maladies neurologiques.

épreuves particulières

Positions du serment

Posture du bretteur

Epreuve doigt-nez

Test de la spirale

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• Test d’écriture :>> dessin d’une spirale, d’une ligne droite ou en zigzag,>> écriture d’une phrase de texte,>> le test de la spirale permet notamment de mesurer aussi l’amplitude du tremblement d’action, il s’effectue poignet levé.• Test du verre d’eau : >> avec un seul verre, tester la prise du verre et le mouvement consistant à le porter vers les lèvres, chaque main séparément puis à deux mains (noter le côté où la gêne est la plus importante et le degré d’amélioration lors de l’épreuve à deux mains) ; >> avec deux verres, il est demandé de verser le contenu d’un verre dans l’autre alternativement plusieurs fois de suite (noter le côté le plus atteint et le degré d’impact du tremblement dans ce test, notamment s’il y a de l’eau qui s’échappe du verre et dans ce cas en quelle quantité),• Recherche d’un tremblement en orthostatisme : il s’agit d’une situation rare, qui peut être évoquée à l’interrogatoire (cf ci-dessus). A l’examen à la station debout immobile, rechercher une raideur musculaire du tronc et des membres inférieurs,

ainsi que des vibrations à la palpation et à l’auscultation des muscles des cuisses.

Étape 4 : EffECTuEr uNE SyNThèSE DE LA CoNSuLTATIoN, INforMEr LE PATIENT ET ProPoSEr uNE CoNDuITE à TENIr

Annonce du diagnosticExpliquer au patient que l’hypothèse retenue comme la plus probable à l’issue de la consultation est celle d’un tremblement essentiel et que les autres causes de tremblement ont pu être écartées (notamment la maladie de Parkinson), de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire pratiquer des examens complémentaires.

Explication du diagnosticSi le patient le souhaite, il est possible de lui fournir les critères de diagnostic du tremblement essentiel :• critères principaux :>> tremblement d’attitude et d’action bilatéral des mains et avant-bras (sans tremblement de repos),>> absence d’autres signes neurologiques, en dehors d’une roue dentée mais sans réelle rigidité,>> tremblement isolé de la tête possible, en l’absence de posture dystonique,• critères secondaires :>> longue durée (> 3 ans),>> histoire familiale,>> réponse à l’alcool,• indiquer que dans les cas de diagnostic difficile (rarement), des examens complémentaires peuvent être demandés, dont nous citerons les principaux ci-dessous :>> bilan thyroïdien et TSH,>> enregistrement du tremblement par un

spécialiste en neurophysiologie et en mouvements anormaux, surtout par électroneuromyographie avec des électrodes de surface, plus rarement par accélérométrie,>> IRM (imagerie par résonance magnétique) du cerveau,>> scintigraphie cérébrale au DATscan

Donner des informations sur la maladie et les traitements• Le tremblement essentiel est une maladie permanente, où tout se résume au tremblement (d’où le nom de tremblement essentiel),• Il n’y a pas de lésion cérébrale mais un dysfonctionnement des circuits moteurs contrôlant la régularité du tonus des muscles,• Le tremblement essentiel est une fois sur deux à caractère familial (et dans ce cas il n’y a pas pour l’instant d’examens de diagnostic de routine en génétique moléculaire),• Pour les formes à début précoce avant 40 ans et surtout avant 20 ans, il peut être utile de prendre l’avis du centre de référence des maladies neurogénétiques où des recherches médicales sur les causes génétiques sont possibles,• Au début, les symptômes intéressent essentiellement les membres supérieurs et le côté droit du corps ; la maladie évolue sur plusieurs dizaines d’années, avec une augmentation de l’amplitude du tremblement et une extension possible à de nouveaux territoires, comme la tête ; néanmoins, des modes de début ou des combinaisons différentes sont possibles,• Dans la grande majorité des cas, le tremblement essentiel reste pur, à l’exclusion de tout autre signe, même après des décennies  ; toutefois, rarement, chez les patients âgés, des troubles discrets de l’équilibre et des troubles cognitifs ou l’apparition tardive d’une maladie de Parkinson sont rapportés,

Test du verre d’eau

Position des marionnettes

Test d’une ligne en zigzag

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• Le tremblement essentiel n’est pas grave en soi mais il peut gêner la réalisation d’actes de la vie quotidienne et conduire à une phobie sociale qu’il faut savoir rechercher et prendre en charge,• Si la prise d’alcool contribue à réduire le tremblement, notamment pour la prise des boissons, des repas et pour l’écriture, l’usage d’alcool doit rester très modéré et ne peut en aucun cas être considéré comme moyen thérapeutique, eu égard aux risques d’éthylisme,• Il n’existe pas pour l’instant de traitement susceptible de guérir ce tremblement, mais uniquement des traitements symptomatiques médicamenteux (qui atténuent le tremblement lorsqu’ils sont administrés), avec trois grandes familles de médicaments, les bêta-bloquants (propranolol surtout, avec électrocardiogramme préalable), certains antiépileptiques ou tranquillisants (en premier lieu la primidone, les benzodiazépines comme le clonazépam etc.),• Dans le cas où les traitements médicamenteux ont été essayés et sont inefficaces ou trop mal tolérés et où le tremblement est invalidant, certains patients peuvent être traités par injections de toxine botulinique (qui paralyse les muscles) ou par neurochirurgie avec un résultat appréciable dans des grands centres spécialisés (stimulation cérébrale profonde bilatérale du noyau VIM du thalamus, dans plus de 20 centres en France et très rarement radiochirurgie unilatérale au CHU de Marseille),• Le retentissement social des formes les plus handicapantes de tremblement essentiel peut conduire à la demande d’une prise en charge par la Sécurité sociale dans le cadre des Affections longue durée (ALD30) et l’attribution d’aides techniques et technologiques notamment informatiques, tout particulièrement pour le suivi des cours d’enseignement dans les formes débutant chez l’enfant et l’adolescent.

Autres formes de tremblementsEn dehors du tremblement essentiel et des principaux autres types de tremblements déjà évoqués, il existe des tremblements de diagnostic difficile, affaire de l’ultraspécialiste :• formes apparentées beaucoup plus rares, comme le tremblement orthostatique primaire ou d’autres tremblements en orthostatisme, le tremblement primaire de l’écriture et des tremblements restants très limités à une partie du corps (tremblement pur du chef, tremblement pur du menton, de la langue),• formes frontières avec certaines dystonies tremblantes notamment cervicales,• les tremblements psychogènes.

Pour une bonne prise en charge, il est recommandé au patient de s’inscrire à l’association Aptes pour avoir des informations complémentaires, des aides et pour soutenir la recherche scientifique sur le tremblement essentiel.

Emmanuel Broussolle (Lyon)

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neuroPédIatrIe

Si le tremblement essentiel est une pathologie fréquente chez l’adulte, il touche en revanche seulement 5 % de cette population dès l’enfance. En France, il y aurait environ 15 000 personnes dont le tremblement essentiel aurait débuté dès l’enfance. Le tremblement essentiel chez l’enfant concerne le plus souvent les mains ; le tremblement du chef ou de la voix reste exceptionnel en neuropédiatrie, il peut néanmoins apparaître au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Le tremblement est en général bilatéral et il peut être asymétrique au début de la maladie, souvent plus ample au niveau de la main non dominante. Les parents ont soit constaté eux-mêmes une gêne soit ils ont été alertés par le corps enseignant par des difficultés de l’enfant à l’écriture. Le tremblement essentiel impacte en effet l’écriture et le retentissement scolaire est souvent la première alerte.L’examen clinique vise en pédiatrie, comme pour les consultations adultes, à évaluer le tremblement de posture et le tremblement

d’action. Le neuropédiatre demande les mêmes manœuvres que le neurologue, il

observe l’enfant les bras tendus ou les mains l’une en face de l’autre avec les deux index l’un en face de l’autre, c’est la manœuvre du bretteur car les doigts se battent alors en duel. Il observe le tremblement d’action avec le test des verres, il demande à l’enfant de verser un liquide

d’un verre dans un autre, il lui demande d’écrire, de réaliser le

test de la spirale ou celui des échelles qui permettent d’évaluer le tremblement.

Chez l’enfant, les situations de handicap portent en effet tout d’abord sur l’écriture et sur la prise des repas. Les parents se plaignent que les enfants sont maladroits et effectivement l’enfant peut avoir des difficultés à porter un verre à la bouche, à utiliser des couverts etc.Le neuropédiatre réalise un examen clinique neurologique complet. Il s’assure qu’il n’y a pas d’autre signe, notamment à la marche, pour exclure tout syndrome cérébelleux ou tout déficit moteur. Il vérifie qu’il n’y a pas de prise de médicaments ; certains médicaments, comme le valproate de sodium, couramment prescrits en pédiatrie, induisent en effet des tremblements comme effets secondaires. Il contrôle aussi les courbes de croissance et d’autres signes en faveur d’une hyperthyroïdie quand bien même cette maladie est peu fréquente chez l’enfant.Il sollicite les parents pour dresser un arbre généalogique précis afin de savoir si un tremblement touche d’autres membres de la famille. En effet, si le tremblement

est isolé, si un ou des ascendants ont un tremblement, cette caractéristique signe un tremblement essentiel familial. Si l’examen clinique est normal, d’autre investigations ne sont a priori pas nécessaires. Un examen par imagerie par résonance magnétique (IRM) ou un électroencéphalogramme (EEG) peuvent parfois être prescrits. Cependant, lorsque le tremblement est isolé, l’examen clinique normal, la maladie caractérisée par un tremblement d’action et de posture, il est préférable de suivre régulièrement l’enfant pour constater l’évolutivité de la maladie et s’assurer qu’il n’y a pas d’autres signes cliniques.Chez l’enfant, les situations de handicap sont liées à l’amplitude du tremblement. à l’examen clinique, elles apparaissent quand l’enfant dessine et écrit. L’écriture est lente, un peu grossière, l’enfant essaie de se contrôler mais il n’y parvient pas. Ce handicap moteur crée une gêne psychique et sociale plus ou moins importante. Chez l’enfant, le tremblement est le plus souvent intermittent et il apparaît et s’aggrave dans les moments de stress et d’émotion.

Quand l’enfant a un contrôle à l’école, quand il doit aller au tableau en classe, quand il doit saisir un verre ou des couverts à la cantine, il a peur du regard des autres.De ce fait, il peut apparaître timide et il peut être orienté initialement vers des consultations psychologiques. Les enseignants, faute d’information, pensent que le problème est d’ordre psychologique et le tremblement est perçu comme un tremblement psychogène. Ce manque d’information et d’orientation dans le système de soins explique probablement le retard du diagnostic de tremblement essentiel chez l’enfant.

Diane Doummar (Paris)

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MédIcaMentS

L’utilisation des médicaments pour réduire l’amplitude des tremblements reste limitée car ces traitements par bêtabloquants ou anti-épileptiques n’ont pas été développés spécifiquement pour le tremblement essentiel. L’efficacité moyenne des traitements médicamenteux est d’environ 50 % avec une réponse variable suivant les personnes malades et des effets indésirables souvent gênants.Les traitements restent symptomatiques et peuvent être proposés suivant quatre paliers :• le tremblement est intermittent : il est possible de proposer en première intention du propranolol à la demande mais également possible de ne prendre aucun traitement et apprendre à vivre avec ce handicap.• le tremblement est permanent et de faible amplitude : il est possible de proposer soit du

propranolol soit de la primidone ou les associer. La gabapentine peut également être testée.• le tremblement est permanent avec une amplitude modérée à sévère : il est possible de proposer le topiramate.• le tremblement est de grande amplitude : il est possible de discuter la stimulation cérébrale profonde. Globalement, une amélioration de 50 % maximum peut être obtenue dans le cas de tremblements posturaux rapides mais au fur et à mesure de l’évolution de la maladie, l’efficacité des médicaments est extrêmement marginale au regard des effets indésirables éventuels sur les tremblements volitionnels et proximaux. Dans ce cas, le neurologue peut aborder la question de la neurochirurgie.

David Grabli (Paris)

les traitements de seconde intention. Enfin, il existe une troisième classe de molécules dont l’efficacité est possible pouvant constituer une alternative thérapeutique dans des situations particulières. Seules deux médications sont de première ligne et en 40 ans, la pharmacopée ne s’est guère enrichie  ! C’est le questionnement de Elan D Louis dans son étude de 2011 : «Treatment of essential tremor : are there issues we are overlooking ?».

traitements de première intention Le propranolol reste le traitement le mieux évalué, par plus de 12 études de classe 1. Il s’agit d’un ß-bloquant non sélectif avec lequel il a été noté une réduction de l’amplitude du tremblement de l’ordre de 50 % sans effet sur la fréquence. Les posologies dans ces essais étaient comprises entre 60 et 300 mg/jour. Les formes à libération prolongée ont une efficacité tout à fait comparable aux formes à libération standard. Il a été également noté qu’une prise unique permet une amélioration rapide du tremblement, autorisant une utilisation ponctuelle. Parmi les autres ß-bloquants évalués, ce sont ceux qui ont un profil d’action non sélectif (agissant à la fois sur les récepteurs 1 et 2) qui ont la meilleure efficacité. Les contre-indications et les effets indésirables des ß-bloquants, relativement fréquents, constituent autant de limites à leur utilisation. La primidone a montré une efficacité comparable au propranolol dans quatre études de classe 1 avec une posologie moyenne dans ces essais d’environ 500 mg/j. Une autre étude n’a toutefois pas retrouvé de différence significative entre deux échantillons traités par 250 mg/j de primidone versus 750 mg/j. L’instauration du traitement devra être très

progressive en raison des effets indésirables (ataxies, confusions, nausées, vomissements) très fréquents lors de cette phase. On propose de débuter le traitement par une dose de 30 à 40 mg le soir. La posologie sera augmentée à 30 à 40 mg tous les 3 à 4 jours. De cette façon, en plus ou moins 8 à 10 semaines, on peut arriver à la dose maximale de 4 x 250 mg/jour. Le mécanisme d’action est inconnu. Propranolol et primidone peuvent être associés. traitements de seconde intention Parmi les benzodiazépines, seul l’alprazolam a montré une efficacité significative dans deux études de classe 2 concordantes à des posologies comprises entre 0,75 et 1 mg/j. Cette molécule peut être prescrite de façon ponctuelle et son action anxiolytique s’avère parfois utile. De nombreux antiépileptiques récemment mis sur le marché ont fait l’objet d’essais thérapeutiques pour la prise en charge du tremblement essentiel. Le topiramate est sans aucun doute celui qui a été le mieux évalué. S’il permet une amélioration clinique de l’ordre de 30 %, la fréquence des effets indésirables a conduit à l’abandon du traitement chez un tiers des patients dans certains essais. C’est une molécule qui agit sur de nombreux canaux et récepteurs. Son mécanisme d’action dans le tremblement essentiel pourrait être lié à une modulation de la transmission gabaergique. La gabapentine est également proposée en seconde intention, cependant les résultats des études ayant évalué son efficacité sont contradictoires.

Michel Gonce (Liège)

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traitements médicamenteuxLe traitement médical du tremblement essentiel a fait l’objet d’une revue de la littérature publiée en 2005 par un comité d’experts de l’Académie Américaine de Neurologie. Selon cette revue, seuls le propranolol (Avlocardyl®) et la primidone (Mysoline®) ont montré une efficacité dans au moins deux études de classe 1 concordantes et restent les traitements à utiliser en première intention. Plusieurs autres molécules parmi lesquelles l’alprazolam (Xanax®), la gabapentine (Neurontin®) et le topiramate (Epitomax®) ont une efficacité probable évaluée par une étude de classe 1 ou deux études de classe 2 concordantes. Ce sont

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toxIne botulIQue

Des injections de toxine botulique peuvent aussi être testées ; les neurologues utilisent cette technique pour d’autres pathologies du mouvement. En effet, dans une activité musculaire anormale, la toxine botulique permet de diminuer la force et la puissance du muscle impliqué dans ces mouvements et de diminuer par conséquent l’amplitude de ces mêmes mouvements. Cette technique reste difficile à mettre en oeuvre pour les extrémités distales des membres supérieurs en raison des effets indésirables (pertes de force sur les muscles fins). En revanche, elle peut donner des résultats intéressants dès lors qu’il s’agit de traiter les muscles proximaux et notamment les muscles de l’épaule. Il manque d’un point de vue scientifique une évaluation rigoureuse de cette technique mais l’expérience peut permettre

de constater des résultats intéressants sur les tremblements dans leurs formes proximales. Cette technique peut alors être proposée sans risque car la puissance des muscles de l’épaule limite le risque de déficit moteur gênant.

David Grabli (Paris )

usage thérapeutiqueIl ne s’agit pas ici d’un traitement curatif mais d’un traitement symptomatique, c’est à dire qui agit sur les conséquences et non sur la maladie causale. La toxine botulique empêche la libération de l’acétylcholine à l’extrémité du nerf, ne permettant plus à ce neuromédiateur d’agir sur le muscle pour déclencher la contraction musculaire. L’injection de toxine botulique au niveau des muscles pourvoyeurs de tremblement, permet de diminuer la force de ces muscles et ainsi de diminuer l’amplitude des secousses musculaires de ces muscles lorsqu’ils participent et déclenchent un tremblement. L’action de la toxine botulique ne dure que quelque temps, aussi les injections doivent-elles être répétées tous les trois ou quatre mois.Les injections de toxine botulique doivent

être pratiquées par un neurologue habitué au repérage électromyographique, qui permet de détecter les muscles réellement responsables du déclenchement des tremblements et permettre une injection parfaitement ciblée. Les effets secondaires possibles sont à prendre en compte et variables suivant le lieu des injections. Leur plus ou moins grande importance peut être un facteur limitant les injections et leurs résultats, et par là son utilité ou non en tant que traitement.Le propre de la toxine botulique est d’agir sur le symptôme du tremblement quelle que soit son origine. Le tremblement de la tête qui est le plus approprié pour utiliser les injections de toxine botulique, est le tremblement de négation de la tête ne répondant pas aux traitements médicamenteux. L’injection concerne le plus souvent les muscles latéraux et/ou postérieurs du

cou. Les effets secondaires sont représentés par une faiblesse de la tête qui tend à aller de l’avant donnant l’impression d’une tête lourde ou de gêne pour avaler. Ces effets secondaires ne sont pas obligatoires, de faible intensité et réversibles en peu de semaines.

Tremblement des membres supérieursEn fait, c’est au niveau des membres supérieurs que l’invalidité du tremblement est le plus ressentie, et c’est à ce niveau que les injections de toxine botulique peuvent éventuellement être proposées. Tout dépend de la diffusion du tremblement au niveau du membre supérieur et du nombre de muscles impliqués. Un tremblement localisé avec peu de muscles en cause est plus propice aux injections de toxine botulique. Le risque des effets secondaires au niveau du membre supérieur peut parfois dépasser le handicap propre au tremblement, des injections multiples de nombreux muscles peuvent entraîner alors une faiblesse musculaire source d’un handicap fonctionnel rédhibitoire. Aussi le traitement par toxine botulique du tremblement des mains doit être discuté au cas par cas en fonction des conséquences du tremblement ou des effets secondaires des injections sur la qualité fonctionnelle ; dans certains cas, la faiblesse musculaire déclenchée par les injections de toxine botulique peut être plus problématique que les conséquences du tremblement des mains.Cependant, deux études en double aveugle (Jankovic, 1996) (Brin, 2001) dans le tremblement essentiel des mains, montrent que l’injection de toxine botulique dans les muscles fléchisseurs et les muscles extenseurs du poignet apporte un résultat positif. 75 % des patients recevant de la toxine botulique, contre 27 % recevant le placebo, montrent une amélioration légère à modérée. L’étude par accélérométrie confirme

qu’il existe une diminution de 30 % de l’amplitude du tremblement.Les effets secondaires sont représentés par une faiblesse musculaire, en particulier des doigts, pouvant parfois être gênante. Certains tremblements des membres supérieurs, parfois de grande amplitude, impliquent les muscles de l’épaule et des régions avoisinantes, l’injection de ces muscles peut diminuer l’amplitude du tremblement avec une gêne peu importante inhérente aux effets secondaires.

Tremblement de la voixIl s’agit également d’une entité hétérogène. Là encore la distinction entre tremblement essentiel et tremblement dystonique est parfois difficile. Parfois le tremblement de la voix est isolé. Sa présence est signalée dans 11 % des cas de tremblement essentiel (Findley, 1988). Les traitements pharmacologiques habituellement efficaces sur le tremblement essentiel ne donnent pas toujours suffisamment d’effet bénéfique sur le tremblement de la voix. De nombreuses études (Ludlow, 1989) (Warrick, 2000) (Hertegard, 2000) (Adler, 2004) montrent que l’injection de toxine botulique dans les cordes vocales permet une réduction significative du tremblement de la voix.L’injection des cordes vocales est assurée par un médecin ORL en association avec le neurologue. L’injection des cordes vocales est pratiquée sous anesthésie locale, en piquant à travers la peau du cou au niveau du larynx. Seulement les effets secondaires doivent être pris en considération, surtout si la personne poursuit une activité professionnelle.En effet, une dysphonie rendant la voix sourde peut exister sur parfois peu de semaines avant l’installation de l’effet bénéfique. Là aussi une gêne passagère de la déglutition peut se présenter.

Michel Borg (Nice)

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StIMulatIon cérébrale Profonde

La neurochirurgie consiste à implanter des électrodes de stimulation cérébrale profonde reliées elles-mêmes à des stimulateurs électriques. Dans le tremblement essentiel, la stimulation est portée sur un noyau du thalamus, une structure profonde du cerveau. Ce noyau du thalamus est une région qui reçoit des informations provenant du cervelet. Les résultats de la stimulation cérébrale profonde sont remarquables.

En effet, la personne stimulée connaît une amélioration de 80 % de son tremblement à un an après l’opération. Néanmoins, entre une à six années après l’opération, il y a une tendance à la réaggravation du tremblement et notamment de la composante d’action volitionnelle du tremblement. Or cette composante d’action dans les gestes dirigés vers un but est justement celle qui crée des situations de handicap majeures pour la prise de boisson, de nourriture, pour la toilette et l’habillement. Le contrôle de la stimulation cérébrale profonde sur le tremblement postural est un peu meilleur à un an après l’opération et il ne connaît pas la même tendance à la réaggravation ; cette composante n’est cependant pas la plus gênante dans la vie quotidienne.Il existe néanmoins des situations dans lesquelles la stimulation cérébrale profonde est impossible du fait du risque opératoire. Dans ces cas-là, il est possible d’envisager une autre forme de neurochirurgie qui consiste à créer une lésion au niveau du thalamus notamment grâce à la radiochirurgie GammaKnife®.

David Grabli (Paris)

PrésentationIl est essentiel de vérifier quatre éléments avant d’envisager un traitement chirurgical ayant pour objectif de diminuer la sévérité du tremblement essentiel.Premièrement, le diagnostic doit être porté avec certitude dans une affection pour laquelle nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’examen complémentaire fiable. Ainsi toute autre

affection neurologique s’accompagnant d’un tremblement doit être écartée.Deuxièmement, une évaluation clinique du tremblement essentiel suivie du retentissement sur la vie courante, sociale et professionnelle doit être réalisée régulièrement au cours du temps, car le tremblement essentiel est une affection évolutive. Ainsi c’est ce retentissement, dépendant d’une part de la

sévérité du tremblement et d’autre part des activités personnelles et professionnelles de la personne malade qui va déterminer la prise en charge thérapeutique chirurgicale.Troisièmement, le traitement du tremblement essentiel est avant tout un traitement médical pharmacologique reposant essentiellement sur la prescription de molécules de type bêtabloquants prises par voie orale. Ce traitement est souvent bien toléré et est efficace dans beaucoup de cas permettant ainsi de diminuer de façon significative le tremblement ainsi que le handicap qui en résulte. Malheureusement, au fil du temps, une personne malade sur deux devient très handicapée malgré l’adaptation du traitement médical. à ce stade, le traitement chirurgical peut être envisagé.Quatrièmement, comme pour tout traitement neurochirurgical « fonctionnel », la motivation de la personne malade est le dernier élément fondamental à considérer.

l’opération neurochirurgicaleCette intervention consiste à implanter une électrode de stimulation dans une partie du noyau thalamique, le VIM. La procédure d’implantation de l’électrode de stimulation est habituellement effectuée sous anesthésie locale et se déroule selon plusieurs temps opératoires.Le premier temps consiste à mettre en place un cadre de stéréotaxie puis à effectuer une imagerie IRM cérébrale pour repérer la structure cérébrale à stimuler.La seconde phase de l’intervention consiste à tester avec l’aide d’une micro-électrode l’efficacité de la stimulation sur le tremblement et la survenue éventuelle d’effets indésirables. Cette étape opératoire demande la collaboration du patient.

Lorsque la mise en marche de l’électrode test montre un contrôle satisfaisant du tremblement controlatéral à la stimulation sans effet indésirable, il est procédé à l’implantation d’une électrode définitive selon les coordonnées préétablies avec l’électrode test.La dernière phase de cette intervention est réalisée sous anesthésie générale. Il s’agit de connecter l’électrode de stimulation intracérébrale à un fil conducteur placé sous la peau, lui-même relié à un générateur d’impulsion programmable par télémétrie.Les caractéristiques du tremblement sont bien étudiées pour chaque personne, notamment la position au cours de laquelle le tremblement est le plus intense. C’est en effet dans ces positions et au cours de ces mouvements que l’on doit tester l’effet de la stimulation. Le réglage des paramètres de stimulation porte sur l’amplitude de l’onde de stimulation, sa fréquence, sa largeur d’impulsion. Il est également important de déterminer les plots actifs parmi les quatre

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Atlas des ganglions de la base de Jérôme Yelnik et d’Eric Bardine

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plots à l’extrémité de l’électrode au contact du noyau thalamique.Lors de la mise en marche du stimulateur, une attention particulière est portée aux effets indésirables potentiels. Les plus fréquents sont les paresthésies (sensation de « fourmillements ») par diffusion du courant électrique à un autre noyau thalamique adjacent, le VPL. Ces paresthésies ne constituent pas un problème si elles ne sont pas gênantes et transitoires. S’il est nécessaire d’augmenter l’intensité de stimulation pour mieux corriger le tremblement, les paresthésies peuvent diffuser et devenir gênantes. Dans ce cas, il est conseillé de diminuer l’intensité ou de changer de plots actifs. Il faut également signaler que certains symptômes dits « cérébelleux » peuvent être induits par la stimulation : troubles de la

marche avec instabilité posturale, troubles de l’articulation du langage. Ils surviennent plus volontiers lors des stimulations thalamiques bilatérales et sont également réversibles après ajustement des paramètres. Le traitement médicamenteux peut souvent être réduit mais il arrive que des personnes aient besoin de la stimulation et des médicaments pour un meilleur contrôle du tremblement. Les tentatives de réduction de posologie sont toujours faites de façon très progressive.

résultatsLa stimulation haute fréquence du VIM permet d’obtenir une diminution significative des scores globaux du tremblement de 70 à 80 % avec une meilleure réponse à la stimulation thalamique sur le tremblement postural par rapport au tremblement d’action. La réduction de l’intensité du tremblement permet

d’améliorer significativement la qualité de vie des patients en facilitant les tâches

manuelles telles que l’écriture, l’alimentation, la boisson… Il

faut signaler que la stimulation bilatérale du thalamus permet

généralement d’améliorer non seulement les scores cliniques d’évaluation du tremblement essentiel des membres mais également de réduire l’intensité du tremblement axial tel que le tremblement de la tête et de la voix.

Les effets à long terme de la stimulation thalamique

sur le tremblement essentiel ont montré que le bénéfice

clinique est le plus souvent

stable dans le temps. Les patients peuvent montrer des signes de progression de la maladie (lorsque le score de tremblement en OFF stimulation s’aggrave par rapport au score de base pré-implantation), ou des signes de tolérance de la stimulation avec la nécessité d’ajuster les paramètres. Une augmentation de l’intensité de stimulation est généralement nécessaire la première année en raison de modifications locales dans le thalamus.Les effets indésirables de la stimulation thalamique sont le plus souvent mineurs et transitoires lorsqu’ils sont induits par la stimulation puisque celle-ci peut être facilement modulée. Il s’agit de sensations de fourmillements sur les membres controlatéraux à la stimulation, de difficultés pour articuler les mots et de sensations de déséquilibre lorsque la stimulation est bilatérale. Tous ces symptômes peuvent disparaître avec la

diminution de l’intensité de stimulation ou bien lors des changements de contact de stimulation dans le VIM.Des effets indésirables liés au matériel d’implantation sont plus rares, il s’agit d’infections et d’érosions cutanées en regard des connecteurs ou bien de la pile de stimulation. Ils nécessitent la prescription d’un traitement antibiotique associée dans certains cas à la nécessité de remplacer le matériel de stimulation.La stimulation du thalamus est une procédure chirurgicale destinée aux formes sévères et rebelles du tremblement essentiel. Le bénéfice sur la qualité de vie de ces personnes bien sélectionnées est important et permet de retrouver une vie sociale satisfaisante.

Stéphane Palfi, Créteil

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autreS technIQueS neurochIrurGIcaleS

GammaKnife®

La stimulation cérébrale profonde du thalamus reste le traitement chirurgical de référence. Mais les tremblements, résistants aux médicaments dans plus de 50 % des cas, sont parfois très invalidants, notamment chez des personnes âgées pour qui la stimulation est bien souvent contre-indiquée. La radiochirurgie par GammaKnife® est une alternative intéressante. La technique GammaKnife® consiste à faire converger plus de 200 faisceaux de rayons gamma issus de multiples sources de cobalt radioactif, qui délivrent, avec une précision stéréotaxique, une dose unique de photons dans une cible intracrânienne, sans endommager le crâne et en épargnant les structures cérébrales adjacentes. Par rapport à la chirurgie classique, cette technique permet une diminution de la morbi-mortalité (pas de craniotomie, pas de risque hémorragique ou infectieux), et une réduction majeure des coûts directs et indirects (faible durée d’hospitalisation, absence d’anesthésie générale).La première étape consiste à poser un cadre de stéréotaxie sous anesthésie locale puis réaliser une IRM cérébrale qui permettra aux neurochirurgiens de déterminer très précisément la zone à traiter. Ensuite, le traitement radiochirurgical sera appliqué pendant une durée de 60 à 90 minutes, le patient ne ressentant aucune manifestation douloureuse ou gênante. Le cadre de stéréotaxie est ensuite retiré et le patient sort le lendemain de l’hospitalisation. Il est nécessaire de faire une surveillance clinique et radiologique pour évaluer la lésion radio-induite.L’apparition de l’effet bénéfique sur le

tremblement varie d’un patient à l’autre. Il survient en moyenne entre 4 à 6 mois. La lésion dans le thalamus réalisée par la radiochirurgie GammaKnife® est unilatérale, elle améliore le tremblement de la main mais n’a pas d’effet sur le tremblement de la tête ou de la voix. Le score de tremblement est amélioré de 60 à 80 % entraînant une nette diminution dans les gestes de la vie quotidienne (75 % d’amélioration). Les effets secondaires sont rares et généralement transitoires. Il est rapporté des déficits moteurs du bras, parfois du membre inférieur (hémiparésie), des fourmillements (paresthésies) ou troubles de la voix (dysarthrie) régressifs le plus souvent sans séquelle. Certains patients (15 à 20 %) n’auront aucune amélioration de leur tremblement.Le traitement des tremblements sévères par thalamotomie par radiochirurgie GammaKnife® existe depuis les années 90 avec près de mille patients traités dans le monde. En France, le service de radiochirurgie de la Timone à Marseille a traité, depuis 2004, 200 patients souffrant de tremblements sévères.

ultrasons focalisés de haute intensité Les ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU High Intensity Focused Ultrasound) constituent une technique chirurgicale permettant de faire une lésion par procédure thermique (destruction par la chaleur) d’un tissu biologique. Cette technique est utilisée depuis peu pour réaliser des lésions du thalamus pour traiter les tremblements sévères. Les HIFU, guidées par une IRM cérébrale, permet de faire une lésion immédiate unilatérale du noyau VIM du thalamus sans craniotomie. La procédure dure en moyenne 6 à 8 heures. Elle permet ainsi d’améliorer instantanément le tremblement d’une main. Il s’agit d’une procédure encore « pilote » en cours d’évaluation sur la tolérance et l’efficacité à moyen et à long terme. Les résultats sur 19 patients ayant bénéficié de ce traitement ont été publiés très récemment. L’amélioration du score de tremblement était de 60 à 80 %. Les effets indésirables persistants étaient des paresthésies (fourmillement de la main).

Tatiana Witjas (Marseille)

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répertorie également les bonnes pratiques de compensation du handicap pour faire émerger un consensus sur la prise en charge scolaire des situations de handicap.Il reste difficile pour les enseignants d’accepter l’ordinateur à l’école, l’enfant est souvent stigmatisé. La mise en place de ces outils doit être assurée par des professionnels, à la fois par les neuropédiatres et les personnels des MDPH en collaboration avec des référents du monde associatif, afin que l’inclusion de ces outils à l’école soit réussie.Elle doit aussi recevoir l’accord de l’enfant or l’enfant est souvent celui qui a le plus de difficultés à accepter ces compensations. Les enseignants ont alors un rôle essentiel à jouer pour encourager l’enfant à utiliser l’ordinateur car l’enfant redoute une seule chose, la stigmatisation.

En neuropédiatrie, la consultation est multidisciplinaire et un psychologue peut intervenir pour discuter de l’acceptabilité du handicap et aider par des exercices de relaxation. Il faut parler longtemps avec l’enfant. C’est essentiel.Concernant l’orientation professionnelle, il convient, notamment en raison du caractère évolutif de la maladie, de déconseiller les métiers manuels de précision. Néanmoins les aides techniques évoluent et de nombreux métiers avec les progrès de l’informatique et des techniques deviennent de plus en plus accessibles aux personnes en situation de handicap. Par ailleurs, une aide précoce à l’acceptation du handicap favorise une meilleure orientation professionnelle et une insertion sociale plus sereine.

Diane Doummar (Paris)

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traIteMentS PédIatrIQueS

Chez l’enfant, il est rare de proposer un traitement médicamenteux, il peut arriver de proposer du propranolol au coup par coup dans les moments de stress afin de trouver un meilleur équilibre du tremblement. L’essentiel est la prise en charge scolaire. C’est un véritable traitement. Le neuropédiatre donne le diagnostic, explique la maladie car les parents, même touchés par le même tremblement, ne connaissent pas la maladie. Il faut répéter que c’est un tremblement essentiel, que c’est neurologique, que ce n’est pas psychologique mais que certains facteurs comme l’émotion et le stress peuvent accentuer le tremblement. C’est important de mettre un nom. Il faut expliquer le caractère génétique même si les facteurs génétiques ne sont pas précisément connus pour le moment. La maladie est rendue objective.à l’école, le tremblement, la différence peut être un sujet de moquerie. C’est une période difficile pour l’enfant. Il faut l’expliquer en classe. Il faut expliquer aux enseignants qu’il s’agit d’une maladie neurologique et qu’il ne faut surtout pas pénaliser l’enfant sur l’écriture. Les carnets de notes scolaires des enfants atteints d’un tremblement essentiel en consultation neuropédiatrique sont remplis de « écrit mal », « écris mieux ! », « fais un effort à l’écriture ! ». Il faut expliquer que l’enfant écrit avec un tremblement essentiel. Il ne faut pas pénaliser l’enfant sur l’écriture et il faut si besoin mettre en place une compensation du handicap.Si le tremblement induit des situations de handicap majeures, les parents avec le neuropédiatre

saisissent alors la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour mettre en place les compensations spécifiques du handicap du tremblement essentiel en collaboration avec un ergothérapeute : utilisation d’un ordinateur à l’école et à la maison, photocopies des cours par les enseignants, duplicata des cours par les élèves de la classe, mise en place d’une Auxiliaire de vie scolaire pour la prise de notes, remise des contrôles sur clé USB, tiers-temps supplémentaires pour les contrôles et les examens…Il faut aussi expliquer à l’enfant qu’il n’est pas le seul à souffrir de tremblement essentiel et Aptes favorise des rencontres entre enfants et adolescents en situation de handicap. Aptes

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pour « diluer » le tremblement sur tout le segment du bras, ce qui réduira sa force et son amplitude. Inversement, la crispation sur le stylo pour contrôler le geste renforce les tremblements. Pour l’écriture, il est souhaitable de corriger la posture en se redressant, de ne pas appuyer l’avant bras sur la table, de tenir le stylo avec une moindre tension. Il est également préférable de commencer par l’écriture sur tableau au mur ou sur table avec des graphiques simples et larges. Au fur et à mesure des progrès, des formats plus réduits et plus complexes seront recherchés incluant par exemple le sens horaire et antihoraire alterné. Une progression similaire sera réalisée sur papier. L’engagement vers l’écriture cursive sera précédé de succession de lettres liées ou non sans rechercher à recréer des mots porteurs de sens pour ne pas ajouter une charge attentionnelle.• parfois dans l’écriture, la mise en décharge d’un doigt, comme l’index, réduit les effets du tremblement. Le doigt restant en suspension au dessus du stylo, sans le toucher.• La clinique illustre aisément que le tremblement essentiel est augmenté lors d’une tâche centrée sur une cible, comme se servir un verre d’eau ou écrire. De la même façon, les personnes malades écrivent mieux si elles sont seules, détendues et si elles écrivent « machinalement » un court texte qui ne demande pas une forte concentration. à l’inverse, une forte concentration avec le souci de retrouver l’écriture « d’avant », devant un tiers, comme par exemple remplir un chèque au supermarché avec une longue file d’attente à la caisse, renforce considérablement les tremblements. Une étude a démontré que le feedback visuel augmentait le tremblement essentiel dans la posture du bretteur.

L’amplitude des tremblements était plus faible en l’absence de rétroaction visuelle chez 14 personnes incluses sur 19 avec une réduction de 7 à 78 %.• Cette étude fait écho à d’autres études scientifiques qui montrent que l’attention visuelle est un facteur péjoratif pour le contrôle du tremblement. Le transfert de cette observation est simple, il suffirait de… ne pas regarder ce que l’on écrit ! Certaines personnes malades voient leurs tremblements diminuer simplement en visualisant leur écrit dans une vision périphérique, la vision fovéale étant réservée à une cible distante de quelques centimètres au dessus de la ligne d’écriture. Ainsi la personne malade peut suivre sa ligne et mieux contrôler le tremblement en n’y pensant pas.• Plus classiquement, les techniques de relaxation, de mobilisation passive, peuvent aider la personne malade à prendre conscience et agir sur une hypertonie compensatoire ou sur un état anxieux.

La rééducation des tremblements, et du tremblement essentiel en particulier, a été jusque là peu étudiée même si depuis toujours les personnes malades utilisent des stratégies d’adaptations. Au rééducateur d’aider la personne malade à opérer les choix judicieux et à les évaluer. L’analyse du bon geste au moindre coût pour contenir le tremblement doit être accompagnée d’un comportement adapté constitué de relâchement et d’une « concentration particulière ». Enfin, le renforcement musculaire semble une piste prometteuse et facile à réaliser. Des études cliniques à plus grande échelle seront les bienvenues pour conforter ces hypothèses de travail.

Thierry Péron-Magnan (Paris)

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KInéSIthéraPIe

La rééducation a sa place par son approche raisonnée et centrée autour d’une difficulté fonctionnelle singulière. La rééducation, en particulier, de la préhension et plus généralement aux gestes fins comme l’écriture peut être proposée à certaines personnes concernées par le tremblement essentiel. Une intervention précoce (stades 1 et 2) aide la personne à mieux gérer ses difficultés et à les dédramatiser. Aux stades 3 et 4, ce sont bien souvent des adaptations du milieu de vie avec l’aide de l’ergothérapeute qui compléteront l’action de réadaptation du kinésithérapeute.Le kinésithérapeute cherche à intervenir sur les différentes variables du tremblement essentiel, en particulier sur l’amplitude, par exemple lors de l’écriture. Il s’agit d’apprendre à réaliser la tâche « autrement », en modifiant des habitudes ou en corrigeant des stratégies contre-productives, comme serrer très fort le stylo pour contenir le tremblement. Il n’est

pas non plus exceptionnel qu’une dystonie soit associée au tremblement, avec une hypertonie excessive d’un muscle ou groupe musculaire entraînant une posture anormale du segment concerné lors de la fonction.Le kinésithérapeute peut associer deux principales pistes stratégiques complémentaires pour contrôler les tremblements :• la recherche d’un contrôle mécanique en développant les compétences sensorimotrices de la personne malade,• la recherche d’un contrôle comportemental, les deux utilisant les ressources attentionnelles de la personne malade.

Stratégies sensorimotrices et comportementalesLe kinésithérapeute dispose :• de moyens mécaniques, comme le lestage du membre dans l’écriture en utilisant par exemple un bracelet, un stylo lesté (existant dans le commerce). Il peut rechercher à augmenter la stabilité d’un segment trembleur par un renforcement musculaire. Une étude récente reprend ce concept évoqué plus haut (Bilodeau et al, 2000) en l’étendant aux muscles du poignet et de l’avant bras : un renforcement de la main, du poignet et du coude a eu un effet significativement positif sur une série de six personnes incluses. Le programme comportait six semaines de renforcement musculaire avec des charges progressives impliquant flexion du coude et de flexion / extension du poignet deux fois par semaine (deux fois 40 minutes). L’évaluation de la préhension était nettement améliorée après et en particulier sur le membre le plus déficitaire.• de stratégies, comme « écrire avec l’épaule »

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demande de remboursement. Le médecin doit mentionner sur la prescription de transport en vue d’un remboursement, les éléments d’ordre médical destinés au service du contrôle médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit (article L.162-4-1 du code de sécurité sociale). Ainsi, le prescripteur doit motiver médicalement le déplacement et indiquer le moyen de transport le moins onéreux compatible avec l’état du malade : l’ambulance, le transport assis professionnalisé en [véhicule sanitaire léger] VSL ou taxi, le véhicule personnel, les transports en commun ». « Sont également pris en charge les frais de transport en commun exposés par une personne accompagnant un assuré ou un ayant droit, lorsque l’état de ce dernier nécessite l’assistance d’un tiers, ou qu’il est

âgé de moins de 16 ans ». « Le prescripteur doit indiquer sur la partie de l’imprimé destinée au médecin conseil, le motif du transport» et le cas échéant le centre de référence maladie rare et indiquer la consultation d’expertise pour un tremblement rare au centre de référence des maladies neurogénétiques de l’adulte et de l’enfant coordonné par le professeur Alexis Brice à Paris. En raison du caractère exceptionnel de cette prise en charge, il faut impérativement joindre à la demande du professionnel de santé à l’Assurance maladie, la Lettre-réseau de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) LR-DDGOS-99/2006 sur « les conditions de prise en charge des frais de transport et dispositions à prendre pour les assurés sociaux atteints de maladie rare ».

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PrISe en charGe

affection longue duréeLe tremblement essentiel dans sa forme évoluée peut être pris en charge au titre de l’Affection longue durée (ALD) 30 pour une prise en charge à 100 % des consultations, des soins et des traitements liés à la maladie par la Caisse primaire d’Assurance maladie. La demande de prise en charge à 100 % au titre de l’ALD doit être remplie par le médecin traitant et un courrier du neurologue spécialiste des mouvements anormaux au médecin traitant joint à la demande, est utile afin d’expliquer le tremblement essentiel, pathologie peu connue et peu reconnue. La prise en charge en ALD permet un remboursement à 100 % sur la base du tarif de la Sécurité sociale des consultations, des médicaments et des examens liés à la maladie (analyses de sang, imagerie etc.) et des autres soins médicaux notamment la kinésithérapie.

centre de référenceEn cas de doute sur le diagnostic de

tremblement essentiel, en cas de suspicion d’un tremblement rare, le médecin

traitant, le pédiatre ou le neuropédiatre quand l’enfant a moins de 18 ans, le médecin traitant ou le neurologue quand l’enfant a plus de 18 ans, peuvent solliciter une consultation d’expertise auprès du Centre de référence des maladies neurogénétiques de l’adulte et de

l’enfant coordonné par le professeur Alexis Brice. Il s’agit uniquement

d’une consultation d’expertise, le centre de référence n’ayant pas vocation

à suivre toutes les personnes concernées par

un tremblement essentiel ou un tremblement rare.La demande de consultation est adressée conjointement par le professionnel de santé et la famille par courrier. Il ne faut pas oublier d’indiquer toutes les coordonnées de la famille et le courrier du professionnel de santé, retraçant l’histoire de la maladie de l’enfant ou de l’adolescent, est indispensable au traitement de la demande.• pour les enfants jusqu’à 18 ans :Docteur Diane Doummar, Centre de référence des maladies neurogénétiques Hôpital Armand-Trousseau Service de neuropédiatrie et de pathologie du développement 26 avenue du Docteur Arnold Netter 75012 Paris• pour les jeunes adultes à partir de 18 ansDocteur David Grabli, Centre de référence des maladies neurogénétiques Hôpital de la Pitié-Salpêtrière Fédération de neurologie 47 boulevard de l’Hôpital 75013 ParisUne réponse vous sera adressée suivant l’urgence de la situation. Lorsque le rendez-vous de consultation vous est communiqué, votre professionnel de santé doit impérativement demander à votre caisse d’Assurance maladie un accord préalable pour le transport de votre enfant, accompagné d’un parent, de votre domicile au centre de référence pour un « transport en un lieu distant de plus de 150 kilomètres aller ». « La prescription médicale doit obligatoirement être jointe à la

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que parfois, il y a des symptômes anxieux secondaires à des maladies somatiques. Il n’y a pas forcément de cause précise à l’origine de l’anxiété sociale mais il y a des facteurs aggravants. Les comportementalistes savent que dans la plupart des troubles, il y a une vulnérabilité biologique. Ce qui transforme cette vulnérabilité biologique en maladie psychosociale, c’est un management inadéquat de la vulnérabilité.Le thérapeute rappelle – mais le neurologue l’a déjà dit – que le tremblement essentiel ne peut pas disparaître : je dois prendre conscience que ce tremblement est une pathologie neurologique au-delà de mon contrôle, mais je peux me débrouiller pour ne plus être anxieux ou honteux de ce handicap. Je ne peux pas contrôler le tremblement, mais je peux pacifier le contexte émotionnel dans lequel je le vis. Si je ne suis pas habité par des sentiments excessifs, si je ne vis pas dans la peur permanente de trembler en public, alors, ma vie est plus confortable. Le thérapeute cible bien cet objectif.Lors de la première consultation, le thérapeute doit être informé des caractéristiques de la maladie et notamment de l’errance diagnostique

si caractéristique des maladies orphelines, avec cette suspicion d’une maladie psychosomatique que peuvent avoir vécue certaines personnes.

Là aussi, il est nécessaire de rappeler que le tremblement n’est pas psychologique,

c’est une maladie neurologique mais elle entraîne souvent de l’anxiété sociale. En effet, le tremblement est repérable par les autres, la visibilité de ses manifestations plus grande

que dans d’autres pathologies, ce qui donne un relief particulier à la façon de

maîtriser ses émotions.

la peur du jugement socialLe thérapeute est là aussi pour rappeler que ces peurs ne sont pas anormales. Ressentir de la peur, cela ne signifie pas que je suis fou ou sujet à des délires. L’anxiété sociale est simplement une exacerbation, une dérégulation d’une anxiété normale. En effet, nous sommes tous préoccupés de l’impression que nous donnons aux autres mais parfois, nous le sommes trop  : l’anxiété sociale, c’est ça, un souci excessif de l’autre, de son jugement sur notre handicap physique.Ce souci est souvent lié à une histoire familiale marquée elle aussi par le tremblement essentiel. Et, malgré des années de mauvaises habitudes à cacher ou dissimuler le tremblement, je ne me résous jamais complètement à mes dérobades constantes, à cette humiliation que représente l’obéissance à mes peurs. Le plus dur, ce n’est pas seulement d’avoir peur, mais c’est aussi d’avoir honte de moi. Le but du travail n’est donc pas de faire disparaître le tremblement, mais de pacifier le contexte émotionnel dans lequel ce tremblement apparaîtra. Le rôle du thérapeute est de dédramatiser, déstigmatiser, informer, et expliquer.

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aIde PSYcholoGIQue

Le tremblement essentiel peut également induire des syndromes secondaires liés au handicap social que représente cette maladie : repli sur soi, anxiété, syndromes dépressifs voire phobie sociale.Certaines personnes malades sont désespérées et ne supportent plus la maladie, elles se cachent et ne veulent plus voir personne car elles ont honte de leur état.Affronter le regard des autres sans trop d’inquiétude nécessite un travail personnel. Parfois, les personnes concernées par le tremblement essentiel pourront faire ce travail seules. Parfois, elles auront besoin d’être aidées par l’association Aptes en participant aux réunions d’adhérents et en rencontrant des adhérents qui ont réussi à dépasser cet obstacle. Enfin, celles qui ont le plus de difficultés auront besoin d’une aide psychothérapique.

IntroductionIl est important de rappeler avant tout que le tremblement est une maladie neurologique mais comme tout handicap physique, il peut entraîner une peur sociale. Parmi les personnes atteintes d’un tremblement essentiel, environ 30 % développent des symptômes de phobie sociale (F.T. Schneier Characteristics of social phobia among persons with essential tremor, Journal of clinical psychiatry, 2001, 62 : 367-372).Le choix des thérapies comportementales et cognitives (TCC) dans le traitement de l’anxiété sociale liée au tremblement essentiel s’appuie sur le rapport de l’Inserm intitulé Les psychothérapies, trois approches évaluées, publié en 2004. Ce travail de synthèse des études disponibles montre que les

psychothérapies à recommander en première intention pour le traitement des phobies sont les TCC. Cela ne signifie pas que les autres formes de thérapies sont inefficaces mais que, sous leur forme actuelle, elles le sont moins nettement ou moins souvent.Les TCC reposent sur des données issues de la psychologie scientifique expérimentale, et adaptent elles-mêmes cette démarche en évaluant systématiquement leurs résultats. Elles accordent une priorité au travail sur les symptômes et sur l’adaptation au monde environnant. Le thérapeute adopte un style relationnel directif, donne des informations et des conseils au patient, lui fait pratiquer des exercices en séance et entre les séances. Le but de la thérapie est que le patient puisse à nouveau affronter ce qui lui fait peur.Il faut rappeler qu’il y a encore des thérapeutes qui sont persuadés que tout est « psy ». Ceux-là, il faut s’en écarter car ils vont poser problème pour les personnes qui ont un tremblement essentiel. Les facteurs psychologiques jouent certainement un rôle mais ils ne créent pas une maladie comme le tremblement essentiel. Si le problème de la personne est juste le tremblement, il n’y a pas d’obligation de faire une psychanalyse, il suffit d’aller voir un psychothérapeute comportementaliste qui va travailler avec elle sur la gestion de l’émotivité et sur la gestion des pensées automatiques. C’est un travail plutôt bref, entre six mois et deux ans.

Première consultationIl faut au préalable un courrier du neurologue et la documentation de l’association. Les comportementalistes sont bien au fait

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peu j’ai de moins en moins peur, c’est que mon cerveau émotionnel a compris qu’il n’y avait pas de danger. Et il ne reste plus qu’à continuer de le désensibiliser à la peur excessive. Si, à l’inverse, plus je me confronte, plus j’ai peur, c’est que l’exposition s’est passée en force, sans acceptation ; et mon cerveau émotionnel reste persuadé que le danger est toujours là, même si mon intelligence et ma logique lui répètent et me répètent qu’il n’y a pas de danger. Le cerveau émotionnel ne change que dans l’action harmonieuse associée à l’acceptation.

ExpositionsCet aspect comportemental consiste à se mettre en situation mais il ne faut pas non plus brûler les étapes. Si je ne vais plus dans un café par exemple depuis longtemps parce que j’ai peur que mon tremblement se voie, je ne vais pas immédiatement être capable d’affronter cette situation parce que je fais la démarche d’aller voir un thérapeute. Quand l’angoisse est trop forte pour que je puisse me confronter directement, le thérapeute propose une désensibilisation en imagination. Elle consiste à affronter progressivement, en imagination et sous relaxation, la situation qui me fait peur.Ensuite, le thérapeute va chercher à déclencher les sensations physiques, signes avant-coureurs d’une montée de panique, en séance pour apprendre aux patients à les supporter sans angoisses, et à les maîtriser. Il va engager des exercices : je vais prendre un verre en consultation, le remplir, le saisir, renverser un peu ou beaucoup d’eau. J’apprends ainsi tout d’abord à me donner le droit, le droit de boire en présence d’un autre, d’en renverser.La situation est évidemment inconfortable mais je dois apprendre à ne plus me crisper, à ne

plus aggraver mon état émotionnel qui de facto exacerbe mon tremblement.Ensuite, je le ferai à l’extérieur toujours en compagnie du thérapeute, je suis invité à me confronter à ce que je redoute, « dans l’arène de la peur ». Le thérapeute est là pour m’aider à endiguer toutes mes émotions de tristesse, de honte ou de colère, et à repérer mes cognitions.

CognitionsUne cognition, c’est tout simplement une pensée, une pensée automatique qui s’impose à moi, en rapport avec ce que je suis en train de vivre. C’est en quelque sorte mon discours intérieur, la manière dont je me parle à moi-même. Par exemple, au café, je vais me dire : « je n’arriverai jamais à prendre cette tasse », « les clients sont en train de remarquer mes mains qui tremblent », « le serveur doit me trouver bizarre », « on va me prendre pour un alcoolique », « on va me prendre pour un toxicomane », « je suis ridicule »…Les cognitions correspondent à une sorte de monologue intérieur rapide, quasi-réflexe, en réponse à certaines situations faisant partie de celles que je redoute. Elles s’imposent à la conscience comme plausibles, comme des quasi-certitudes, et non comme les évaluations hypothétiques qu’elles sont. Elles sont involontaires, automatiques et ne nécessitent pas d’effort d’appréciation. Elles sont récurrentes, c’est-à-dire qu’elles tendent à se réinstaller à la conscience à chaque fois, même si les faits les ont démenties. Elles finissent alors par caractériser un style habituel de pensée en réaction à certaines situations. Elles nécessitent, pour être modifiées, des efforts importants. Dans le cadre de l’anxiété sociale, ces cognitions jouent un rôle de première importance. En effet, le tumulte des pensées est

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Le thérapeute doit prendre du temps pour expliquer à ses patients les mécanismes de leurs peurs excessives, cela a pour effet de les faire sortir du cercle vicieux de la culpabilité et des questions inutiles (« suis-je responsable de ce qui m’arrive ? ») pour les emmener vers de l’opérationnel (« que puis-je faire au quotidien ? »).

le deuil de l’autonomieL’autre problématique peut être le deuil d’une partie de mon autonomie – peu à peu, je ne peux plus écrire, je ne peux plus saisir correctement un verre ou une tasse avec une seule main, je ne peux plus me raser, je ne peux plus me maquiller –, c’est-à-dire une problématique dépressive. Je dois faire face, que je sois jeune ou que je sois plus âgé, à une perte de mes capacités et je dois accepter de renoncer à cette partie de mon autonomie. Il faut alors apprendre à anticiper, car je sais que je ne pourrai pas ou plus faire certains gestes. Le thérapeute mettra en place des techniques cognitives, des techniques de recul sur les pensées négatives. Ces pensées négatives ne doivent pas prendre toute la place  : le quotidien n’est pas une catastrophe, la vie n’est pas inutile lorsque l’on est handicapé par un tremblement essentiel. Le travail d’acceptation de mes propres limites qui me sont imposées est alors important mais nécessite aussi une approche comportementale.

la thérapie comportementale et cognitiveLes TCC ne sont pas un discours mais une pratique : il faut encourager le patient à faire des expériences de vie, à avoir des

comportements qu’il n’osait pas avoir. Pour le tremblement essentiel, j’ose par exemple aller boire un verre dans un bistrot alors que j’ai peur de trembler, j’ose signer, même mal, un chèque dans un magasin même si je tremble – quand je peux encore écrire –. Je me confronte aux situations qui me font peur. Dans ce travail, il est fréquent que le thérapeute accompagne le patient pour tester ce qui se passe vraiment. Il y a des tas de situations que j’évite quand j’ai un tremblement essentiel parce que je pense que ce serait catastrophique. Or, lorsque je les affronte, je m’aperçois souvent que les choses sont moins compliquées que prévu. La réalité est la plupart du temps moins compliquée que mon imagination. Certes, parfois, la réalité va être compliquée mais là, au moins, je le sais vraiment et je ne le fantasme plus. Mon imagination dramatise beaucoup et souvent. Je m’en aperçois lorsque je fais face à des réalités vécues plutôt que des réalités imaginées. C’est pourquoi il faut apprendre à se confronter, à s’exposer.Cependant, la solution n’est pas de se confronter en force, elle est dans la réussite émotionnelle de ces confrontations : si peu à

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que je tremble. J’ai une maladie neurologique, ça s’appelle le tremblement essentiel, je ne veux pas t’ennuyer avec ça sauf si ça te passionne ! mais bon, ça fait que si tu pouvais servir le café dans une grande tasse à moitié remplie, ce serait plus pratique pour moi ».Ainsi, je donne l’information. Je ne suis plus dans le secret inavouable qui me fait souffrir. Je ne suis pas non plus dans la victimisation lorsque j’en parle tout le temps et résume ma personne à mon seul tremblement.En effet, les deux extrêmes sont pathologiques : le cacher totalement ou en parler tout le temps. Il faut savoir être entre ces deux opposés pour pouvoir vivre sereinement avec un tremblement essentiel : je ne suis pas asservi à mon tremblement en le dissimulant mais dans le même temps, je ne suis pas qu’un trembleur, je suis juste une personne qui a un problème de tremblement essentiel et infiniment d’autres raisons pour que les autres s’intéressent à elle.Je peux effectivement avoir des difficultés à préparer seul mon discours car je ne peux jamais totalement préjuger de la réaction des autres, leurs sensibilités sont différentes : il y a des gens qui sont assez respectueux, assez compréhensifs et d’autres moins ouverts

avec qui ce sera plus difficile, et il y a enfin toutes les personnes que je croise tous les jours et à qui il n’est pas forcément nécessaire d’en parler. Avec le thérapeute, je fais souvent cet exercice de dresser la liste des différentes catégories de personnes, les personnes proches à qui je fais confiance et à qui je peux le dire, à l’inverse celles pour lesquelles je doute de leur bienveillance. Ensuite, le thérapeute m’incite à faire des jeux de rôle : « voilà, je suis untel, comment me parleriez-vous du tremblement

essentiel ? », je joue la scène et le thérapeute observe si je ne me dévalorise pas, il me donne des conseils pour que je ne donne pas l’image d’une personne misérable qui inspire de la pitié mais pour que je donne simplement l’image d’une personne qui a une pathologie neurologique, qui peut en souffrir certes mais qui inspire de la compassion. Ces travaux pratiques sont essentiels pour que j’apprenne à bien parler de mon handicap. Si je le dis de façon trop autodévalorisante, trop plaintive, le thérapeute m’aidera à trouver de nouvelles formulations.Si la thérapie se passe bien effectivement, je m’aperçois progressivement du recul que je prends, de la diminution des pensées négatives – elles ne disparaissent jamais totalement – et je m’aperçois que je me mets moins la pression. Peu à peu, je ne me bloque plus dans mes comportements. Dans les cas d’anxiété sociale, je suis mon premier ennemi car je suis trop sévère avec moi-même, je me flanque trop la trouille, je me focalise sur moi-même : je suis mon propre bourreau. Cette prise de

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parfois impressionnant lorsque je suis confronté aux situations sociales que j’appréhende.Les TCC permettent dans un premier temps d’apprendre à les identifier. Après cette étape d’identification, le thérapeute entraîne le patient à réfléchir sur ses cognitions, et à en analyser la pertinence : il ne s’agit pas ici de rappeler que ces peurs ne sont pas raisonnables car l’entourage de la personne s’en est déjà chargé, mais d’aider à observer ces peurs en face. De quoi ai-je peur précisément ? Que va-t-il se passer selon moi si j’affronte les situations ? Quelles seront mes réactions ? Quelles pourraient être les conséquences à long terme ? Est-ce que toutes ces prédictions sont réalistes ? Comment en vérifier la pertinence ?Enfin le thérapeute va inciter à procéder à des épreuves de réalité destinées à vérifier si ces prédictions phobiques sont fiables. Je ne suis pas dans la pensée positive : « tout va bien, tout le monde m’aime et mon tremblement n’est pas un problème », non ! je suis dans la pensée réaliste, je considère toutes les hypothèses : le serveur ne l’a peut-être pas remarqué ; le serveur l’a peut-être remarqué et le juge avec bienveillance – et il faut déjà envisager ces

deux possibilités – ; il l’a peut-être remarqué et jugé négativement pour de multiples raisons  : peut-être connaît-il une personne alcoolique qui a des tremblements, et il fait le parallèle ? Il faut envisager toutes les hypothèses et en être conscient, plutôt que de croire uniquement ses pensées les plus inquiétantes, les plus dévalorisantes et les plus négatives.Les séances de TCC permettent ainsi de modifier mes systèmes de pensée. En effet, je me trompe bien souvent dans mes lectures de pensée (je devine ce que doivent être en train de penser les autres et qu’ils ne pensent pas forcément), dans mes jugements émotionnels (je confonds mes émotions ressenties et la réalité : « si je me sens ridicule, c’est que je suis ridicule »), dans mes schémas de catastrophisation (je transforme un problème mineur en drame absolu et définitif).Ce travail s’effectue sous forme de dialogues entre le thérapeute et le patient pour aboutir à la notion essentielle d’acceptation de soi. L’erreur que commettent souvent les personnes concernées par le tremblement essentiel est de vouloir résoudre leurs problèmes par un hypercontrôle : pour lutter contre mon tremblement, je bloque mon bras contre mon corps et je contracte mes muscles ; pour lutter contre mon émotivité, je fais semblant d’être à l’aise ou d’être distant etc. C’est un combat sans fin : je dois toujours continuer de contrôler, de feindre, de contraindre. La seule solution consiste à accepter mon tremblement.

AcceptationAvec l’aide du thérapeute, je peux apprendre à devenir conscient et à agir autrement. Ainsi, chez des amis, je vais parler de mon handicap : « oui, je prendrais volontiers un café mais ne me remplis pas la tasse parce

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Présentation de l’association aptes

Aptes le guide du tremblement essentielMieux vivre son parcours de soins

L’Association des personnes concernées par le tremblement essentiel (Aptes) rassemble, informe, aide, défend et représente les personnes touchées par cette maladie neurologique fréquente, le tremblement essentiel touche en effet 1 personne sur 200 soit plus de 300 000 personnes en France.En quelques années, Aptes rassemble plus de 1 500 adhérents. Elle informe les personnes concernées par le tremblement essentiel, les personnes malades et en situation de handicap, leur famille, leurs proches, leurs aidants et les professionnels de santé grâce à son site Internet, Aptes.org. Aptes.org reçoit chaque mois plus de 7 000 visites et ce sont 20 000 pages vues pour comprendre le tremblement essentiel, le parcours de soins avec cette maladie, le quotidien avec ce handicap.Aptes info service au 0 970 407 536 est le service d’écoute de Aptes ; il oriente dans le système de soins plus de 1 000 personnes chaque année et il les accompagne dans leurs démarches notamment auprès de l’Assurance maladie et des Maisons départementales des personnes handicapées ou des Conseils généraux.Aptes organise en région des réunions pour les personnes concernées par le tremblement essentiel, elle est aussi présente sur les réseaux sociaux, sur Facebook® et sur Twitter®.Aptes travaille en collaboration avec les organisations professionnelles des neurologues spécialistes des mouvements anormaux notamment le Club des mouvements anormaux et l’Association des neurologues libéraux de langue française.

Aujourd’hui, il n’y a pas de traitement pour le tremblement essentiel, Aptes se mobilise pour sa mission « guérir » qui vise à soutenir la recherche scientifique sur le tremblement essentiel. Le tremblement essentiel reste une maladie orpheline du point de vue de la recherche scientifique. Deux axes de recherche sont en cours grâce à Aptes :• Identifier les gènes responsables du

tremblement essentiel, ce qui permettra de développer des traitements spécifiques pour guérir la maladie,

• Identifier les mécanismes cérébraux à l’origine du tremblement essentiel afin de mettre au point des traitements plus efficaces des symptômes de la maladie.

La majorité des projets de recherche scientifique sur le tremblement essentiel en France est financée par Aptes. Un de ces récents projets a permis d’identifier un dysfonctionnement du cervelet dans le tremblement essentiel, ce qui ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques. Aptes bénéficie de l’appui de son conseil scientifique présidé par les professeurs Emmanuelle Apartis-Bourdieu et Emmanuel Broussolle ; en cinq années, ce sont plus de 200 000 € investis dans la recherche scientifique sur le tremblement essentiel.Aptes est une association entièrement gérée par des personnes concernées par le tremblement essentiel et bénévoles, ainsi l’intégralité de vos dons est versée dans les programmes de recherche scientifique. Donner à Aptes, c’est donner pour la recherche scientifique sur le tremblement essentiel de manière efficace.

conscience est probablement le résultat le plus frappant après une thérapie.à propos de cette focalisation, il est clair que je me sens en danger à cause des manifestations de mon tremblement. Je pense souvent que ces manifestations me rendent vulnérable. Je me critique souvent et avec une grande férocité : nul autour de moi n’aurait idée d’aller aussi loin dans les reproches. Je rumine fréquemment des pensées très négatives à mon égard, qui entretiennent et aggravent bien sûr mes peurs sociales. Ces ruminations jouent un rôle très toxique dans l’aggravation de mon sentiment de honte : elles représentent en quelque sorte le ciment qui vient imprimer durablement dans ma mémoire des émotions négatives associées aux situations affrontées. Attention donc à ces périodes de repli sur soi qui suivent les efforts de confrontation ! Elles ne jouent aucun rôle réparateur, mais au contraire destructeur. Là encore, la psychothérapie exerce un effet

favorable sur ce mécanisme insidieusement toxique.Je dirais que je dois d’autant plus m’accepter que je vis avec un tremblement essentiel. Lorsque j’ai une maladie, l’acceptation de soi est d’autant plus importante qu’elle me permet de vivre le mieux possible avec cette maladie. Si je ne l’accepte pas, je vais la subir ; en revanche, si je l’accepte, je peux alors devenir acteur, je peux agir !

Christophe André (Paris)

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Achevé d’imprimeren mars 2014

par l’imprimerie JCE CONSULTANT39 allée des Troubadours

77600 Bussy-Saint-Georgespour le compte de l’Association des personnes concernées par le tremblement essentiel

Aptes100 rue Boileau

69006 Lyon

Dépôt légal1ère édition : mars 2014

(imprimé en France)

Dans la même collection :Aptes, le guide pratique du quotidien

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Aptes le guide du tremblement essentielMieux connaître sa maladie

Grâce aux dons de ses adhérents

et de ses partenaires, la majorité des projets

de recherche sur le tremblement essentiel

en France est financée par Aptes.

aidez nous à faire avancer la recherche,

faites un don sur aptes.org

Prix

Fra

nce

: 10€

ISBN

978

-2-9

5426

46-1

-5