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Images en Ophtalmologie Vol. VII n o 4 juillet-août 2013 98 Mots-clés. Culture bactérienne • Endophtalmie • Humeur aqueuse • PCR • Vitré. Keywords. Endophthalmitis • Culture • Panbacterial PCR • Microorganisms • Bacteria. Focus Diagnostic microbiologique des endophtalmies aiguës Microbiological diagnosis of acute endophthalmitis C. Chiquet 1 , P.L. Cornut 2 , M. Maurin 3 ( 1 Service d’ophtalmologie, hôpital Michallon, université J. Fourier, CHU de Grenoble ; 2 INSERM, U851, Lyon ; université Lyon 1, centre national de référence des staphylocoques, faculté Laennec, Lyon ; laboratoire de bactériologie, centre de biologie et de pathologie Est, Hospices civils de Lyon, Bron ; 3 Laboratoire de bactériologie, hôpital Michallon, université J. Fourier, CHU de Grenoble) L’ endophtalmie peut être définie comme une réponse inflammatoire à une invasion bactérienne, fongique ou parasitaire de l’œil. Elle est principalement d’origine exogène (postopératoire dans 62 % des cas ou post-traumatique dans 20 % des cas), et plus rarement d’origine endogène (8 % des cas). Étant donné la gravité de l’infection et de l’évolution rapide des lésions, il paraît indispensable d’en faire le diagnostic dans les meilleurs délais. L’efficacité et la rapidité des nouvelles techniques de diagnostic microbiologique devraient, à l’avenir, guider l’ophtalmologiste et lui permettre d’adapter la prise en charge thérapeutique. Quand prélever, quoi et comment ? Les prélèvements conjonctivaux et ceux réalisés au niveau de la cicatrice n’ont que peu de valeur, car ils ne sont que le reflet de la flore conjonctivale au moment de leur réalisation, et non lors de la contamination endoculaire. Ce sont les prélèvements endoculaires (figure 1) qui doivent être réalisés en urgence, si possible avant toute antibiothérapie. Réalisée dans un contexte d’urgence, la prise en charge théra- peutique de l’endophtalmie aiguë implique que le patient puisse bénéficier au moins d’une injection intravitréenne d’antibio- tiques dans les meilleurs délais. Si le patient n’est pas à jeun, une prémédication par hydroxyzine dichlorhydrate (100 mg en 1 prise pour un adulte de 70 kg) est administrée, et agira le temps que le patient descende au bloc opératoire. Une anes- thésie locale sera réalisée : instillation d’anesthésiques locaux (oxybuprocaïne, tétracaïne), injection sous-conjonctivale de lidocaïne chlorhydrate monohydrate 2 % et/ou injection sous- ténonienne de lidocaïne 2 % (à l’aide d’une boutonnière conjonc- tivale). Le geste peut être en pratique douloureux chez certains patients d’emblée hyperalgiques. Pour l’analgésie, la morphine ou ses dérivés peuvent être utilisés : morphine 0,1 mg/kg en perfusion de 15 mn ou nalbuphine 0,2 mg/kg en perfusion de 15 mn, en association avec du paracétamol (15 mg/kg, en pra- tique 1 g chez l’adulte). Si le patient est à jeun, que son état général le permet et qu’il existe un tableau algique d’emblée majeur, une anesthésie générale peut être proposée, toujours dans un délai compatible avec l’urgence de la prise en charge thérapeutique. La ponction de la chambre antérieure peut se faire avec une aiguille calibrée de 25, 27 ou 30 gauge (G), montée sur une seringue à tuberculine. Ce geste n’est pas douloureux, sauf s’il conduit à une hypotonie oculaire importante. Cette ponc- tion est réalisée soit en cornée claire, soit éventuellement au travers de la cicatrice si celle-ci est ouverte. Un prélève- ment au niveau du sac capsulaire est possible. En pratique, un volume de 100 à 200 µl peut être prélevé. Cependant, le prélèvement peut être rendu impossible par la densité du pus intraoculaire. Le vitré peut être prélevé par ponction vitréenne à l’aiguille (25 G ou 23 G) [figure 1] ou lors d’une vitrectomie. La ponction à l’aiguille peut être douloureuse et nécessiter une anesthésie locorégionale ou générale si la douleur spontanée du patient est déjà très importante. Cette technique ne présente pas plus de risque rétinien que celui retrouvé après biopsie vitréenne au vitréotome. La ponction à l’aiguille permet habituellement de prélever 200 à 300 µl. Le prélèvement vitréen est égale- ment possible lors d’une vitrectomie, en s’assurant de purger la tubulure du vitréotome (afin de ne pas diluer le prélèvement dans le volume de BSS [Balanced Salt Solution] de la tubulure) [figure 1c] ; l’aide opératoire aspirera alors le vitré, habituelle- ment à l’aide d’une seringue de 2,5 ml. Ce prélèvement de vitré doit être réalisé sans perfusion de liquide endoculaire (vitré pur, voie d’infusion fermée) ou simultanément à une injection d’air (visualisation à l’aide d’une lentille de type quadrasphé- rique) ou de BSS (vitré dilué). Ce prélèvement de vitré pur est à l’origine d’une hypotonie qu’il faut limiter en ne prélevant pas plus que 500 µl.

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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 201398

✔ Mots-clés. Culture bactérienne  • Endophtalmie • Humeur aqueuse • PCR • Vitré.

✔ Keywords. Endophthalmitis • Culture • Panbacterial PCR • Microorganisms • Bacteria.

Focus

Diagnostic microbiologique des endophtalmies aiguësMicrobiological diagnosis of acute endophthalmitisC. Chiquet1, P.L. Cornut2, M. Maurin3 (1 Service d’ophtalmologie, hôpital Michallon, université J. Fourier, CHU de Grenoble ; 2 INSERM, U851, Lyon ; université Lyon 1, centre national de référence des staphylocoques, faculté Laennec, Lyon ; laboratoire de bactériologie, centre de biologie et de pathologie Est, Hospices civils de Lyon, Bron ; 3 Laboratoire de bactériologie, hôpital Michallon, université J. Fourier, CHU de Grenoble)

L’ endophtalmie peut être définie comme une réponse inflammatoire à une invasion bactérienne, fongique ou parasitaire

de l’œil. Elle est principalement d’origine exogène (postopératoire dans 62 % des cas ou post-traumatique dans 20 % des cas), et plus rarement d’origine endogène (8 % des cas). Étant donné la gravité de l’infection et de l’évolution rapide des lésions, il paraît indispensable d’en faire le diagnostic dans les meilleurs délais. L’efficacité et la rapidité des nouvelles techniques de diagnostic microbiologique devraient, à l’avenir, guider l’ophtalmologiste et lui permettre d’adapter la prise en charge thérapeutique.

Quand prélever, quoi et comment ?

Les prélèvements conjonctivaux et ceux réalisés au niveau de la cicatrice n’ont que peu de valeur, car ils ne sont que le reflet de la flore conjonctivale au moment de leur réalisation, et non lors de la contamination endoculaire.

Ce sont les prélèvements endoculaires (figure 1) qui doivent être réalisés en urgence, si possible avant toute anti bio thérapie. Réalisée dans un contexte d’urgence, la prise en charge théra­peutique de l’endophtalmie aiguë implique que le patient puisse bénéficier au moins d’une injection intravitréenne d’antibio­tiques dans les meilleurs délais. Si le patient n’est pas à jeun, une prémédication par hydroxyzine dichlorhydrate (100 mg en 1 prise pour un adulte de 70 kg) est administrée, et agira le temps que le patient descende au bloc opératoire. Une anes­thésie locale sera réalisée : instillation d’anesthésiques locaux (oxybuprocaïne, tétracaïne), injection sous­conjonctivale de

lidocaïne chlorhydrate monohydrate 2 % et/ ou injection sous­ténonienne de lidocaïne 2 % (à l’aide d’une boutonnière conjonc­tivale). Le geste peut être en pratique douloureux chez certains patients d’emblée hyperalgiques. Pour l’analgésie, la morphine ou ses dérivés peuvent être utilisés : morphine 0,1  mg/ kg en perfusion de 15 mn ou nalbuphine 0,2  mg/ kg en perfusion de 15 mn, en association avec du paracétamol (15  mg/ kg, en pra­tique 1 g chez l’adulte). Si le patient est à jeun, que son état général le permet et qu’il existe un tableau algique d’emblée majeur, une anesthésie générale peut être proposée, toujours dans un délai compatible avec l’urgence de la prise en charge thérapeutique.

La ponction de la chambre antérieure peut se faire avec une aiguille calibrée de 25, 27 ou 30 gauge (G), montée sur une seringue à tuberculine. Ce geste n’est pas douloureux, sauf s’il conduit à une hypotonie oculaire importante. Cette ponc­tion est réalisée soit en cornée claire, soit éventuellement au travers de la cicatrice si celle­ci est ouverte. Un prélève­ment au niveau du sac capsulaire est possible. En pratique, un volume de 100 à 200 µl peut être prélevé. Cependant, le prélèvement peut être rendu impossible par la densité du pus intraoculaire.

Le vitré peut être prélevé par ponction vitréenne à l’aiguille (25 G ou 23 G) [figure 1] ou lors d’une vitrectomie. La ponction à l’aiguille peut être douloureuse et nécessiter une anesthésie locorégionale ou générale si la douleur spontanée du patient est déjà très importante. Cette technique ne présente pas plus de risque rétinien que celui retrouvé après biopsie vitréenne au vitréotome. La ponction à l’aiguille permet habituellement de prélever 200 à 300 µl. Le prélèvement vitréen est égale­ment possible lors d’une vitrectomie, en s’assurant de purger la tubulure du vitréotome (afin de ne pas diluer le prélèvement dans le volume de BSS [Balanced Salt Solution] de la tubulure) [figure 1c] ; l’aide opératoire aspirera alors le vitré, habituelle­ment à l’aide d’une seringue de 2,5 ml. Ce prélèvement de vitré doit être réalisé sans perfusion de liquide endoculaire (vitré pur, voie d’infusion fermée) ou simultanément à une injection d’air (visualisation à l’aide d’une lentille de type quadrasphé­rique) ou de BSS (vitré dilué). Ce prélèvement de vitré pur est à l’origine d’une hypotonie qu’il faut limiter en ne prélevant pas plus que 500 µl.

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1a

1c

1b

1d

Figure 1. Prélèvements oculaires lors d’une endophtalmie : ponction de vitré à l’aiguille (a) ; fl acon d’hémocultures pédiatriques et microtube pour la PCR (b) ; prélèvement lors d’une vitrectomie à la pars plana (c) ; aspect du vitré infecté dans des seringues de 2,5 ml lors d’une vitrec-tomie (d) .

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Si vous avez accès à la PCR (Polymerase Chain Reaction) panbactérienne, l’obtention de vitré dilué peut remplacer le vitré pur car l’utilisation de la PCR donne le même rendement diagnostique (1). Une vitesse de coupe du vitréotome élevée (jusqu’à 1 500 cpm) ne modifi e pas le résultat des cultures bactériologiques. L’utilisation des systèmes de vitrectomie transconjonctivale peut être utile, notamment chez les patients glaucomateux (2). En pratique, dans les situations d’endoph­talmie grave, ces systèmes ne sont pas toujours adaptés du fait de la longueur limitée du trocart d’infusion, de la nécessité d’une tunnelisation sclérale (pour le 23 G) chez les patients présentant déjà un chémosis parfois hémorragique et un épaississement choroïdien, et du débit limité de la vitrectomie (notamment en 25 G, avec un temps de vitrectomie très long en raison de l’orga­nisation importante du vitré). L’utilisation d’un endoscope peut s’avérer très utile en cas d’opacité cornéenne importante.

Par ailleurs, une collaboration étroite avec les micro biologistes permet d’adresser au laboratoire la cassette de vitrec­tomie (3, 4) dont le contenu sera fi ltré puis mis en culture.

Cette technique permet d’obtenir des résultats très intéres­sants sur le vitré dilué (49 % de positivité). Lorsque l’analyse porte sur le vitré pur et la cassette de vitrectomie, l’identifi ca­tion bactérienne est réalisée dans 57 % (vitré pur : 44 % ; vitré pur et dilué : 36 %), ce qui suggère une complémentarité des analyses de vitrés pur et dilué (3).

Cultures bactériologiques et PCR

L’isolement des micro­organismes en culture est la méthode diagnostique de référence pour déterminer l’étiologie infec­tieuse de l’endophtalmie. En pratique, 50 à 200 µl de prélève­ment d’humeur aqueuse ou de vitré sont mis en culture. Il est préférable d’ensemencer les prélèvements intraoculaires au bloc opératoire (fi gure 2). Si le volume de prélèvement est suffisant (en pratique, il s’agit de prélèvements vitréens), environ 20 µl de prélèvement sont étalés sur une lame stérile (chauffée). Cet étalement est coloré par la coloration de Gram. L’examen direct microscopique pourra révéler la présence de

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Figure 2. Conditionnement des prélèvements endoculaires au bloc opératoire.

Après coloration (si quantité suffi sante)

PCR100 μl (30 à 50 μl au minimum)Conservation à + 4 °C

Bouillon et/ou

gélose

Flacon d’hémoculture

pédiatrique

Culture

Figure 3. Colonies de S. aureus (a) et de S. epidermidis (b) sur gélose Columbia au sang de mouton.

a b

Figure 4a. Principes de la PCR.

Synthèse du brin d’ADN complémentaire

Amorces

ADN polymérase

ADN cible recherché (séquence connue, n copies)

dN TP (dATP, dCTP, dGTP, dTTP, dUTP)

1. Dénaturation

2. Hybridation

3. Élongation

ADN amplifi é (2n copies)

N cycles 2nN

Figure 4b. Représentation graphique de l’ADNr 16S (1 500 nucléo-tides). Alternance de séquences nucléo tidiques conservées chez les eubactéries et de séquence divergentes, spécifi ques de genres ou d’espèces bactériennes.

2. Séquençage du produit de PCR (régions divergentes)3. Interrogation des banques de données pour identifi cation

bactérienne➔ Identifi cation si pourcentage d’identité ? 99 %

0 200 400 600

91E(916-935)

91E

13BS(1401-1384)

13BS

800 1 000

1 000

1 200

1 200 1 400

1 400 1 500

1. Amplifi cation non spécifi que d’un fragment de 475 paires de base

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Focus

leucocytes, et éventuellement de bactéries (cocci ou bacilles à Gram positif ou à Gram négatif), de levures ou de fi laments mycéliens, en précisant leur quantité. Le volume réduit du prélèvement intraoculaire et le faible inoculum bactérien présent initialement font que cet examen direct est très souvent négatif. Dans l’EVS (Endophthalmitis Vitrectomy Study) [5], un résultat positif a été obtenu dans 18,9 % des cas. Il demeure toutefois intéressant, car sa positivité indique une infection probable. Les prélèvements doivent être systématiquement ensemencés sur des milieux permettant la culture des micro­organismes le plus souvent en cause au cours des endoph­talmies. Plusieurs types de milieux de culture peuvent être utilisés. Le plus souvent mentionné dans la littérature est le milieu “cœur­cervelle” (Brain Heart Infusion [BHI]). L’incon­vénient majeur du tube BHI est le risque de contamination du prélèvement lors des manipulations requises au moment de l’ensemencement puis de la mise en culture de ces tubes. Il est également possible d’injecter le prélèvement directement dans un fl acon d’hémoculture (de préférence un fl acon pédiatrique du fait du volume réduit du prélèvement) [fi gure 1b]. Cette technique présente l’avantage d’une plus grande sensibilité et d’un risque moindre de contamination lors de la manipu­lation du prélèvement au laboratoire. Ces milieux de culture

permettent l’isolement des bactéries aérobies (staphylocoques, streptocoques, entérobactéries, etc.) ou anaérobies préféren­tielles (Propionibacterium acnes) et des levures (Candida spp). La gélose de Sabouraud, à laquelle est ajouté du chloram­phénicol, permet l’isolement spécifi quement des levures. Un antibiogramme sera ensuite réalisé (fi gure 3).

Ces dernières années, le diagnostic microbiologique direct s’est enrichi des techniques de la biologie moléculaire (6), en particulier de techniques reposant sur la PCR (fi gure 4). La PCR permet d’amplifi er l’ADN des micro­organismes direc­tement à partir des prélèvements cliniques sans nécessiter de culture préalable de ces agents infectieux. La PCR a été appliquée au diagnostic étiologique des endophtalmies. Il est

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Figure 4d. Séquence d’ADN : chromatogramme obtenu par séquençage automatique de l’ADN. Chaque fragment d’ADN est complémen-taire de l’ADN matrice et diff ère en longueur par addition d’un nucléotide qui porte un fl uorophore diff érent pour chacune des 4 bases. Ces fragments sont séparés par électrophorèse en gel d’acrylamide et le nucléotide terminal est détecté.

Figure 4c. Migration des produits de PCR par électrophorèse en gel d’agarose.

Contrôle positif

Marqueur linéaire

Contrôle négatif

Extrait ADN

≃ 475 paires de bases

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possible d’amplifi er l’ADN de toutes les bactéries (en ciblant le gène codant l’ARNr 16S) ou de tous les mycètes (en ciblant le gène codant pour l’ARNr 18S). Après amplifi cation d’un frag­ment de ces gènes cibles, une identifi cation d’espèce peut être réalisée par séquençage de l’ADN amplifi é. Cette technique est appelée “amplifi cation universelle”. Plus récemment, des PCR ciblées sur certains pathogènes particuliers ont été développés. Il est possible d’amplifi er spécifi quement l’ADN des staphylocoques (Staphylococcus aureus), des strepto­coques (Streptococcus pneumoniae), des mycobactéries ou encore de Candida albicans et d’Aspergillus fumigatus. Ces techniques peuvent être mises en œuvre directement sur les prélèvements intraoculaires et sont réalisables en quelques heures. L’identifi cation d’un micro­organisme particulière­ment virulent par PCR (S. aureus, S. pneumoniae) pourrait conduire plus rapidement le chirurgien à une décision de vitrectomie thérapeutique.

Les PCR spécifi ques ont l’avantage d’être plus sensibles (50 à 300 éléments détectés) que la PCR universelle, et d’être plus rapides et plus spécifi ques que les cultures pour les germes à croissance lente. Il n’existe pas d’interférence avec des bactéries contaminantes. Un de leurs inconvénients est la nécessité d’un diagnostic orienté (recherche a priori d’une bactérie) [7]. Les avantages de la PCR universelle sont représentés par une approche large, donc sans a priori, du germe et par la réalisation d’une seule PCR pour toutes les bactéries. Leurs inconvénients sont les contaminations pos­sibles à toutes les étapes (prélèvement, réactifs, manipula­tions), l’interprétation qui requiert une confrontation clinique et microbiologique, la diffi culté d’identifi cation de bactéries génétiquement proches et le délai de rendu de l’examen (3  jours environ). Par ailleurs, les prélèvements multi­organismes peuvent être à l’origine de séquences nucléoti­diques ininterprétables.

✔Résultats obtenus en pratiqueDans les endophtalmies bactériennes postopératoires aiguës (6), la culture des prélèvements oculaires, humeur aqueuse et vitré, reste limitée : de l’ordre de 22 à 30 % pour l’humeur aqueuse et de 40 à 69 % pour le vitré. Il existe une nette prédominance des germes à Gram positif : 94,1 % dans l’étude américaine EVS (8­11) et 97 % dans l’étude multi­centrique du groupe français FRIENDS (12). Parmi les germes à Gram positif, nous retrouvons le Staphylococcus epider­midis (en tête avec 45 à 50 % de cas), suivi des streptocoques (24 à 37,7 %) et de S. aureus (7,5 à 11,5 %). Les germes à Gram négatif (Proteus, Escherichia coli, Pseudomonas aeru­ginosa, Klebsiella, Serratia) représentent 3 à 15 % des germes. En  pratique une co­infection est rare dans ce type d’endoph­talmie postopératoire.

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Figure 4e. Rendu de résultat de l’analyse de séquence (arbre phylogénétique). L’ADN séquence est analysé dans les banques de données qui rendent des alignements de séquence avec un taux de similitude et qui proposent les arbres phylogénétiques regroupant les séquences selon leurs similitudes.

Staphylococcus_croceolyticus~?~T~AY953148

Staphylococcus_aureus~v~N~DQ997833

Staphylococcus_aureus~v~N~DQ997835

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~AY903258

Staphylococcus_pasteuri~v~T~AB009944

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AF532915

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AF532916

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AF532917

Staphylococcus_pasteuri~v~T~AF041361

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AB269765

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AY857685

Staphylococcus_pasteuri~v~N~AJ717376

Staphylococcus_warneri~v~N~L37603

Staphylococcus_pasteuri~v~N~EF127830

Staphylococcus_schleiferi~v~N~DQ991033

Staphylococcus_schleiferi~v~N~D83372

Staphylococcus_piscifermentans~v~T~AB009943

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~AY903256

05032128

Staphylococcus_lugdunensis~v~T~AB009941

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~AY903257

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923427

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923433

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923428

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923430

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923431

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923432

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923429

Staphylococcus_lugdunensis~v~N~DQ923434

Staphylococcus_aureus~v~N~L37598

Staphylococcus_auricularis~v~T~D83358

0,002

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Focus

injection intravitréenne d’anti biotiques, la PCR panbactérienne permet à elle seule de détecter l’agent bactérien dans 72 % des cas.

Dans les endophtalmies bactériennes, la technique de PCR présente les avantages suivants : technique adaptée pour les échantillons de faible volume, ce qui est souvent la règle en ophtalmologie, grande sensibilité (possibilité de détecter un nombre faible de copies d’ADN, dans notre expérience, la sensibilité de la technique de PCR panbactérienne est de 500 pathogènes), et une excellente spécificité. Cette technique ne requiert pas la présence d’organismes viables. Le délai d’obtention des résultats (3 jours actuellement) doit cepen­dant être amélioré.

En pratique, comment optimiser la détection des micro-organismes ?

Afin d’optimiser la détection des micro­organismes respon­sables d’endophtalmies, il est préférable de prélever du vitré initialement et d’appliquer sur ce prélèvement une culture conventionnelle et une technique de biologie moléculaire (PCR panbactérienne, par exemple), les 2 approches étant complé­mentaires (6). Pour la culture standard, il est utile de disposer au bloc opératoire de milieux de culture de type BHI ou hémo­cultures pédiatriques. Pour les prélèvements lors de la vitrec­tomie postérieure, il est non seulement intéressant d’analyser le vitré pur mais également le vitré dilué présent dans la cassette de vitrectomie. Les techniques de biologie moléculaire, de type PCR panbactérienne, sont plus efficaces que les cultures pour l’identification de bactéries à croissance lente ou difficile (Granuli catella, Moraxella, P. acnes) et pour l’identification bactérienne après antibiothérapie intravitréenne. II

C. Chiquet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.Les autres auteurs n’ont pas déclaré leurs éventuels liens d’intérêts.

Références bibliographiques1. Chiquet C, Maurin M, Thuret G et al.; French Institutional Endophthalmitis Study (FRIENDS) group. Analysis of diluted vitreous samples from vitrectomy is useful in eyes with severe acute postoperative endophthalmitis. Ophthalmo­logy 2009;116(12):2437­41.2. Almanjoumi A, Maurin M, Romanet J, Chiquet C. La prise en charge des endophtalmies aiguës par vitrectomie transconjonctivale. SFO 2009: abstr. 559.3. Sharma S, Jalali S, Adiraju MV, Gopinathan U, Das T. Sensitivity and predictability of vitreous cytology, biopsy, and membrane filter culture in endophthalmitis. Retina 1996;16(6):525­9.4. Donahue SP, Kowalski RP, Jewart BH, Friberg TR. Vitreous cultures in suspected endophthalmitis. Biopsy or vitrectomy? Ophthalmology 1993;100(4):452­5.5. Barza M, Baum J, Birkby B, Weinstein L. Intraocular penetration of carbe­nicillin in the rabbit. Am J Ophthalmol 1973;75(2):307­13.

L’utilisation de la PCR panbactérienne dans le contexte d’endoph­talmies aiguës ou à début retardé, postopératoires (1, 6, 12­14), associée aux méthodes conventionnelles de cultures bactério­logiques, conduit à augmenter le taux d’identification bacté­rienne dans l’humeur aqueuse (47 %) ou dans le vitré (68 %). Cette technique ne permet pas, en routine, de s’affranchir des cultures, qui ont également l’avantage de pouvoir être asso­ciées à des antibiogrammes. Par ailleurs, après traitement par

Retrouvez l’intégralité des références bibliographiques sur www.edimark.fr

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Diagnostic microbiologique des endophtalmies aiguësMicrobiological diagnosis of acute endophtalmitisC. Chiquet, P.L. Cornut, M. Maurin

Références bibliographiques (suite) 6. Cornut PL, Boisset S, Maurin M et al. Principles and applications of mole-cular biology techniques for the microbiological diagnosis of acute post-operative endophthalmitis. Surv Ophthalmol 2013. [In press]

7. Goldschmidt P, Degorge S, Benallaoua D et al. New test for the diagnosis of bacterial endophthalmitis. Br J Ophthalmol 2009;93(8):1089-95.8. Endophthalmitis Vitrectomy Study Group. Results of the Endophthalmitis Vitrectomy Study. A randomized trial of immediate vitrectomy and of intrave-nous antibiotics for the treatment of postoperative bacterial endophthalmitis. Arch Ophthalmol 1995;113(12):1479-96.9. Microbiologic factors and visual outcome in the endophthalmitis vitrectomy study. Am J Ophthalmol 1996;122(6):830-46.10. Han DP, Wisniewski SR, Kelsey SF et al. Microbiologic yields and compli-cation rates of vitreous needle aspiration versus mechanized vitreous biopsy in the Endophthalmitis Vitrectomy Study. Retina 1999;19(2):98-102.

11. Han DP, Wisniewski SR, Wilson LA et al. Spectrum and suscepti-bilities of microbiologic isolates in the Endophthalmitis Vitrectomy Study. Am J Ophthalmol 1996;122(1):1-17.

12. Chiquet C, Cornut PL, Benito Y et al.; French Institutional Endophthal-mitis Study Group. Eubacterial PCR for bacterial detection and identifi cation in 100 acute postcataract surgery endophthalmitis. Invest Ophthalmol Vis Sci 2008;49(5):1971-8.

13. Cornut PL, Chiquet C, Bron A et al.; FRIENDS Group. Microbiologic iden-tifi cation of bleb-related delayed-onset endophthalmitis caused by moraxella species. J Glaucoma 2008;17(7):541-5.

14. Chiquet C, Lina G, Benito Y et al. Polymerase chain reaction identifi cation in aqueous humor of patients with postoperative endophthalmitis. J Cataract Refract Surg 2007;33(4):635-41.