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Méthodes d’évaluation de la toxicité Effets sur la reproduction DIU Toxicologie médicale 2 février 2018 Stéphane Malard - Département Etudes et Assistance Médicales - INRS Paris 1

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Méthodes d’évaluation de la toxicité Effets sur la reproduction

DIU Toxicologie médicale

2 février 2018

Stéphane Malard - Département Etudes et Assistance Médicales - INRS Paris

1

Plan

Contexte

Quelques définitions et généralités

Quelques principes

Types d’atteintes en fonction des moments de l’exposition

État des connaissances sur les mécanismes de toxicité

Evaluation la toxicité vis à vis de la reproduction

Le médecin du travail face aux risques toxiques pour la reproduction

Cas pratique

Conclusions

2

La toxicologie de la reproduction et du développement concerne l’ensemble des champs de la toxicologie (médicaments, expositions

professionnelles et environnementales) -

Ces questions bénéficient d’un relai médiatique important

Contexte

3

Thalidomide

1959-1961 : thalidomide – hypnotique/sédatif prescrit aux femmes enceintes comme anti-nauséeux

12 000 cas de phocomélie (absence de la partie moyenne des membres, les mains et les pieds semblent être directement attachés au tronc) + autres malformations (agénésies, amélies, malformation du cœur)

Effets spécifiques : une molécule très semblable n’avait pas d’effet tératogène

Non tératogène chez les rongeurs, très légèrement tératogène chez une souche de lapin

Dose seuil : une petite dose peut donner un effet, plus faible que chez l’animal (1 mg/kg chez l’homme ; 100 mg/kg chez l’animal)

Période de sensibilité : 21ème au 31ème jour

Variabilité : 25 % d’enfants atteints (susceptibilité génétique)

4

Diéthylstilbesterol (distilbène®)

Œstrogène synthétique administré pour traiter la menace d’avortement à partir des années 50 (200 000 enfants exposés in-utero en France jusqu’en 1977)

Conséquences toxiques généralement visibles uniquement après la puberté de la descendance

Anomalies morphologiques du tractus vaginal jusqu’à 30 %

Adénocarcinome du vagin chez 0,1 %

Fertilité réduite

Modification paradoxale des organes génitaux

5

Pesticides

6

Éthers de glycol

7

Perchloroéthylène

8

Décharges industrielles

9

Substances toxiques présentes dans les articles

Des produits toxiques dans les vêtements de 14 grandes marques

Usine textile à Hefei, dans l'est de la Chine, le 12 octobre 2010 Str AFP/Archives

vêtements de grandes marques, comme Adidas, Lacoste, Ralph Lauren,

des traces d'éthoxylates de nonylphénol,

un perturbateur hormonal... Des traces de substances chimiques toxiques susceptibles de porter atteinte aux organes

SANTE - Greenpeace a trouvé parmi les échantillons de de reproduction

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Définitions et généralités

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Définitions (1)

Toxicologie du développement : l'étude des effets nocifs sur un organisme en développement qui peuvent résulter d'une exposition antérieure à la conception, contemporaine au développement prénatal ou postnatal, jusqu'à la maturation sexuelle. La toxicité pour le développement se manifeste principalement par 1) la mort de l'organisme, 2) une anomalie structurelle, 3) une altération de croissance, 4) un déficit fonctionnel. Autrefois, la toxicologie du développement était souvent désignée par “tératologie”.

Effet nocif : toute altération due au traitement s'écartant de la normalité prise comme référence, qui diminue la capacité d'un organisme à survivre, se reproduire ou s'adapter à l'environnement. La toxicologie du développement, prise dans son sens le plus large, inclut tous les effets qui interfèrent avec le développement normal du produit de conception, avant et après la naissance.

Implantation (nidation) : la fixation du blastocyste à la muqueuse épithéliale de l'utérus, durant laquelle ce dernier pénètre dans l'épithélium utérin et se creuse un nid dans l'endomètre.

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Définitions (2)

Altération de croissance : une altération qui touche les organes ou le poids corporel ou la taille de la progéniture.

Altérations (anomalies) : altérations structurelles du développement qui comprennent les malformations et les variations :

Malformation/Anomalie majeure : changement structurel considéré comme préjudiciable (peut aussi être létal), généralement peu fréquent.

Variation/Anomalie mineure : changement structurel considéré comme peu ou pas nocif ; peut être passager et apparaître relativement souvent dans la population témoin. Exemples de variations : 13ème vertèbre, petite rate, anneau hémorragique autour de l’iris, opacités oculaires…)

Produit de conception : l'ensemble des produits de la fécondation d'un œuf, à n'importe quel stade du développement entre la fécondation et la naissance, comprenant les membranes extra-embryonnaires et l'embryon ou le fœtus.

13

Définitions (3)

Embryon : le premier stade de développement d'un organisme, plus précisément la phase de développement d'un œuf fécondé qui commence après l'apparition du grand axe et s'achève quand toutes les structures principales sont présentes (fermeture du palais).

Embryotoxicité : propriété nocive pour la structure, le développement, la croissance et/ou la viabilité d'un embryon.

Fœtus : produit de conception, durant la période post-embryonnaire.

Fœtotoxicité : propriété nocive pour la structure, le développement, la croissance et/ou la viabilité d'un fœtus.

Avortement : expulsion prématurée hors de l'utérus des produits de conception : l'embryon ou un fœtus non viable.

14

Définitions (4)

Résorption : phénomène par lequel un produit de conception qui meurt après l'implantation se résorbe ou a été résorbé :

Résorption précoce : trace d’implantation non accompagnée d'un embryon ou d'un fœtus reconnaissable.

Résorption tardive : attestée par un embryon ou un fœtus mort qui présente des changements dégénératifs externes.

CSENO/NOAEL : concentration maximale sans effet nocif observé.

CMENO/LOAEL : concentration minimale produisant un effet nocif observé.

15

Atteinte de la fertilité d’origine toxique

Etiologies diverses:

Malformations, lésions, atrophie des organes reproducteurs

Atteinte de la gamétogénèse : effets cytotoxiques ou génotoxiques avec effets plus ou moins réversibles en fonction du stade de maturation des gamètes.

Effets de perturbation endocrinienne : rôle dans la décroissance spermatique ?

Exemples :

Plomb : atteinte de la spermatogénèse pour une plombémie supérieure à 400-450 µg/L (oligospermie, asthénospermie)

Ethers de glycol (méthyl glycol, éthyl glycol, …) : toxicité dose-dépendante avec blocage de la spermatogenèse au stade de spermatocytes par les acides alcoxyacétique

Dossier thématique de l’InVS :

http://www.invs.sante.fr/Publications-et-outils/BEH-Bulletin-epidemiologique-hebdomadaire/Archives/2012/BEH-n-7-8-9-2012

16

Les perturbateurs endocriniens (1)

La définition des PE fait encore l’objet de débats au niveau international

« Un perturbateur endocrinien (PE) désigne une substance ou un mélange exogène

qui altère les fonctions du système endocrinien et induit en conséquence des effets

nocifs sur la santé d’un organisme intact (ou) de ses descendants… » OMS, 2002

Toutes les substances possédant une activité endocrinienne ne sont pas

nécessairement des perturbateurs endocriniens : des mécanismes de régulation

permettent à l’organisme de corriger certaines modifications hormonales

Toutes les substances toxiques pour la reproduction ne sont pas

nécessairement des perturbateurs endocriniens : certaines substances ont une

action toxique directe sur les organes de la reproduction mais n’interagissent

pas avec le système endocrinien.

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Les perturbateurs endocriniens (2) – enjeu en santé au travail

La question des PE est souvent associée à des problématiques

environnementales ou à des inquiétudes concernant la santé publique et portant

sur certains produits de consommation courante (médicaments, produits

alimentaires, cosmétiques…)

Les expositions professionnelles ne doivent pas être négligées et peuvent être

liées à l’utilisation de certaines matières premières (plastifiants, solvants,…), à

la fabrication ou l’utilisation de produits contenant des PE (peintures, colles,

vernis…) ou encore à la présence de déchets ou de sous-produits émis par

certains procédés (dioxines…)

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Les perturbateurs endocriniens (3) – mécanismes d’action

Les perturbateurs endocriniens peuvent :

Imiter l’action d’une hormone : effet agoniste

Bloquer l’action d’une hormone en l’empêchant d’agir sur ses cellules cibles :

effet antagoniste

Perturber la production, le transport, l’élimination ou la régulation d’une

hormone ou de son récepteur

19

Les perturbateurs endocriniens (4) – effets potentiels sur la

reproduction

Effets sur le système reproducteur masculin

baisse de la qualité du sperme,

malformations congénitales de l’appareil urogénital (hypospadias ou

malformation de l’urètre, cryptorchidie ou malposition des testicules).

baisse de la production de testostérone.

Effets sur le système reproducteur féminin

endométriose

puberté précoce

anomalies ovariennes

Anomalies du développement

Anomalies du développement neurologique

Troubles du comportement

20

Les perturbateurs endocriniens (5) – évaluation des risques

Repérage difficile

Absence de définition commune et d’étiquetage spécifique

Evaluation du danger complexe

Effets très variés

Particularité d’action des PE

Nécessité de distinguer les notions d’activité et de perturbation

endocrinienne

Notion de période de susceptibilité

Effets potentiels à faible dose

Relations dose-effet non monotones

Effets transgénérationnels

Effet cocktail

Données d’exposition professionnelle parfois limitées

21

Rappels sur le développement embryonnaire et fœtal (2)

23

Quelques principes

24

Principe de Karnofsky

N’importe quelle substance peut être tératogène si elle est donnée à la bonne espèce, à la bonne dose et au bon moment.

25

Principe de Palmer

Toutes les malformations qui peuvent être induites par des agents tératogènes apparaissent également spontanément dans la population.

26

Principes de Wilson (1)

La sensibilité à la tératogenèse dépend du génotype du conceptus et de la manière dont il interagit avec des facteurs adverses environnementaux

Origine multi-factorielle : génétique + environnementale

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Principes de Wilson (2)

La sensibilité à un tératogène varie en fonction de l’étape de développement durant laquelle survient l’exposition.

3 étapes principales :

• Pré-différenciation : période du tout ou rien

• Différenciation précoce : c’est la période la plus à risque de malformation, car les organes ne sont pas encore formés

• Différenciation tardive : c’est la période de l’histogenèse et de la maturation fonctionnelle.

Les principaux effets sont les retards de croissance, de développement et les perturbations fonctionnelles (particulièrement les problèmes de développement neuro-cérébraux).

Des malformations sont cependant possibles, par ex, suite à une interruption d’irrigation sanguine temporaire.

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Principes de Wilson (3)

Un agent tératogène agit selon un mécanisme spécifique sur le développement cellulaire ou tissulaire et qui va initier les séquences qui vont entraîner un

développement anormal.

• D’où une spécificité d’effets pour certaines molécules • Dans de nombreux cas, l’agent agit par plusieurs mécanismes, d’où des effets multiples et moins spécifiques

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Principes de Wilson (4)

L’accès de la substance aux tissus en développement dépend de sa nature.

Transfert placentaire

Le placenta laisse passer beaucoup de substances, notamment :

• Les substances plus petites passent mieux (< 1000 poids moléculaire) ;

• Les substances non-chargées ou chargées négativement passent mieux ;

• Les composés lipophiles pénètrent plus rapidement ;

• Les substances faiblement ionisées passent plus facilement ;

• Plus la concentration est importante dans le sang maternel plus la substance va passer ;

• Le placenta peut également métaboliser la substance (rarement).

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Principes de Wilson (5)

Les 4 manifestations d’atteintes du développement sont la mort, les malformations, les retards de croissance et les déficits de développement

fonctionnel.

Souvent associées

31

Principes de Wilson (6)

Les manifestations d’anomalies du développement augmentent en fréquence et en intensité avec la dose, allant de l’absence d’effet à la mort.

Phénomène à seuil

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Attention : il existe d’autres types de relations dose – effets : courbes en U avec des effets à faible dose (ex : perturbateurs endocriniens)

Principes : au total

Origine multi-factorielle

Sensibilité dépend de l’étape de développement

Mécanisme spécifique

Accès de la substance jusqu’à l’embryon

Effets multiples

Effet à seuil

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Types d’atteintes en fonction des moments de l’exposition

34

Phase embryonnaire : deux premières semaines

Peu de malformations

Effets incompatibles avec la viabilité

Loi du tout ou rien

35

Phase embryonnaire : de la 3ème à la 8ème semaine

Avortements précoces

fréquents mais inaperçus

Embryotoxicité = malformations

rares mais lourds de conséquences

souvent détectables

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Périodes de susceptibilité aux tératogènes

37

Expositions au cours de la phase embryonnaire : 3ème à la 8ème semaine

38

Expositions au cours de la phase embryonnaire : 3ème à la 8ème semaine

39

Expositions au cours de la phase embryonnaire : 3ème à la 8ème semaine

40

Malformations des membres

Malformations réductrices

* Méromélie : partie de membre absente

* Amélie : membre absent

* Phocomélie : membre court

* Hémimélie : arrêt de croissance des extrémités des membres

* Ectrodactylie : absence d’un ou de plusieurs doigts ou orteils

Malformations surnuméraires

* Polydactylie

* Phalanges surnuméraires

Dysplasies diverses

* Syndactylie : fusion des doigts

* Gigantisme : extrait de croissance d’une partie d’un membre

* Acrodolichomélie : mains ou pieds disproportionnés et trop grands

41

Syndrome fœtal alcoolique

42

Phase fœtale - Conséquences

– Retard de croissance, hypotrophie

– Prématurité

– Anomalies fonctionnelles (Système nerveux)

43

Lactation

Intoxication de l’enfant

Retard de développement psychomoteur

44

État des connaissances sur les mécanismes de toxicité

Mécanismes d’actions des agents tératogènes

Mort cellulaire ou atteinte de la mitose au delà des capacités de réparations de l’embryon ou du fœtus (ex. : agents antimitotiques, alcool)

Inhibition de la migration cellulaire, de la différentiation et/ou des communications cellulaires (ex. : acide rétinoïque)

Altération dans la mort cellulaire programmée

Interférences avec les procédés d’histogenèse comme par exemple des réductions cellulaires, des nécroses, des calcifications ou des cicatrices

Effets sur le développement par un effet biologique ou l’interaction avec un récepteur pharmacologique (ex. : rétinol, hormones stéroïdiennes, thalidomide)

Inhibition métabolique (ex. : déficience nutritionnelle, anti-convulsivants)

Perturbations : perturbation vasculaire, embole placentaire, lésions inflammatoires (ex. : cocaïne)

(source : L.B. Fawcett, R.L. Brent in Developmental and reproductive toxicology, 2006, edited by R.D. Hood)

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Nombreux mécanismes théoriques connus

Cependant pour la majorité des substances le phénomène complexe qui entraîne des malformations est inconnu.

Causes des malformations

• Inconnues : 60 %

• Purement génétiques : 10 %

• Environnementales : 10 %

• Multifactorielles : 20 %

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Importance du stress

Stress, tout changement dans l’environnement de l’organisme qui entraîne une perturbation de l’homéostasie

Restriction de nourriture et de boisson chez la mère entraîne une augmentation du taux plasmatique maternel de « corticostérone » et une augmentation de l’incidence des fentes palatines

Stress neurologique via l’axe hypothalamus-hypophyse-glandes surrénales et la production d’ACTH (ex. : traumatisme, douleur, bruit, vibration, choc électrique)

Stress systémique hypotension, exercice, privation

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Hyperthermie

Chez l’animal :

Avant l’implantation, l’élévation de la température centrale est abortive

Après l’implantation, elle provoque des avortements, des résorptions fœtales, des malformations et des retards de croissance

Chez la femme :

Une hyperthermie de plus de 1,5 °C durant 24 heures durant les 3 premiers mois de la gestation augmente de manière significative le risque d’anencéphalie et de spina bifida.

Remarques : les régions du neuroépithélium proencéphalique sont très sensibles à l’hyperthermie, alors

que le cœur, le mésenchyme mésencéphalique sont résistants.

49

Toxicité maternelle

Des signes sévères de toxicité chez la mère, avec atteinte de l’homéostasie maternelle et de la nutrition du fœtus peuvent atteindre le développement du conceptus.

La réduction du poids maternel est un signe de toxicité maternelle

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