mémoire- la performance et les contrats de la commande publique-niels bernardini
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UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLE
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Mémoire
Présenté pour le Master II Droit des Contrats Publics et Droit
Public des Affaires
LA PERFORMANCE ET LES
CONTRATS DE LA COMMANDE
PUBLIQUE
Niels Bernardini
Sous la direction de Monsieur le Professeur François Lichère
Année universitaire 2013-2014
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UNIVERSITÉ D’AIX-MARSEILLE
FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
Mémoire
Présenté pour le Master II Droit des Contrats Publics et Droit
Public des Affaires
LA PERFORMANCE ET LES
CONTRATS DE LA COMMANDE
PUBLIQUE
Niels Bernardini
Sous la direction de Monsieur le Professeur François Lichère
Année universitaire 2013-2014
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A ma marraine,
5
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier en premier lieu mon directeur de recherche, Monsieur le
Professeur François Lichère, pour ses précieuses recommandations et sa
disponibilité.
J’adresse toute ma reconnaissance à Monsieur le Professeur Florian Linditch,
pour m’avoir permit de travailler sur ce sujet dans le cadre du Master II Contrats
Publics et Droit Public des Affaires qu’il co-dirige.
Pour finir, je remercie mes proches, qui m’ont exprimé leurs soutiens
Messieurs Fréderic Sédat et Lucas Manivel et ceux qui ont pris le temps de me
relire en particulier Mesdemoiselles Sarah Maubert-Méndez et Roxane Orts , ainsi
que mon père.
6
.
« La faculté n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions
contenues dans ce mémoire qui doivent être considérées comme propres à leur
auteur »
7
« À l'épreuve du changement, le droit révèle son ambivalence
constitutive : d'une part, en tant qu'héritage des luttes passées, incarnation des valeurs
traditionnelles, dispositif d'encodage d'une normativité sociale préexistante, il apparaît
comme un lieu de résistance au changement ; d'autre part, en tant que surface d'inscription
des nouveaux équilibres sociaux, c'est aussi un vecteur indispensable pour réaliser,
symboliquement et pratiquement, le changement »
Professeur Jacques Chevallier, « Changement politique et droit administratif »
INTRODUCTION (p.11) PREMIERE PARTIE: L’APPROCHE CLASSIQUE DE LA PERFORMANCE DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LA RECHERCHE DE L’ACHAT PUBLIC PERFORMANT (p.18) CHAPITRE 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique. (p.20) CHAPITRE 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation des actes (p.47) DEUXIEME PARTIE : VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA PERFORMANCE DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE (p.65) CHAPITRE 1 : La recherche de la performance environnementale dans les contrats de la commande publique : le contrat de performance énergétique (p.68) CHAPITRE 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale dans la passation des contrats de la commande publique (p.92) CONCLUSION (p.111)
BIBLIOGRAPHIE (p.115)
TABLE DES MATIERES (p.119)
9
TABLE DES ABREVIATIONS AJDA Actualité juridique. Droit administratif BJCP Bulletin juridique des contrats publics BOCCRF Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes B.P.U. Bordereau de prix unitaires Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation c/ Contre CAA Cour administrative d’appel Cass. Cour de cassation CCC Cahiers du Conseil constitutionnel C.C.A.P. Cahier des clauses administratives particulières CJCE Cour de justice des communautés européennes C.C.P. Cahier des clauses particulières C.C.T.P. Cahier des clauses techniques particulières CE Conseil d’État civ. Chambre civile CJEG Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz CNFPT Centre national de la fonction publique territoriale comm. Commentaire concl. Conclusions Constr.-urb. Construction – urbanisme Contrats-marchés pub. Contrats et marchés publics CP-ACCP Contrats publics – L’actualité de la commande et des
contrats publics D. Recueil Dalloz DA Droit administratif dir. Direction éd. Édition Gaz. com. La Gazette des communes Gaz. pal. La Gazette du palais Ibid. Ibidem ISO Organisation internationale de normalisation JCP A La Semaine juridique – Administration et collectivités
territoriales JCP E La Semaine juridique – Entreprise et affaires JOCE Journal officiel des communautés européennes JORF Journal officiel de la République française JOUE Journal officiel de l’Union européenne LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence MIT Massachussetts Institute of Technology
10
Mon. TP Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment n° Numéro obs. Observation op. cit. Opus citatum p. Page R. Recueil Lebon RDC Revue des contrats RDI Revue internationale et stratégique RDP Revue de droit public et de science politique en France
et à l’étranger Rec. CJCE Recueil des arrêts de la Cour de justice des
communautés européennes RED conso. Revue européenne de droit de la consommation req. Requête RFDA Revue française de droit administratif RGA Revue générale d’administration RGCT Revue générale des collectivités territoriales RGD Revue générale de droit RJEP Revue juridique de l’économie publique RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil somm. Sommaire T. Tables TA Tribunal administratif TGI Tribunal de grande instance TPIUE Tribunal de première instance de l’Union européenne vol. Volume
11
INTRODUCTION
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
12
1. « Politiquement, il est absurde, chimérique et criminel de vouloir enfermer les
générations successives dans des institutions politiques, administratives, sociales,
etc. […] Il doit y avoir, dans tout pays, un moyen juridique pour modifier les
institutions politiques, économiques, sociales, pour les mettre en harmonie avec les
besoins matériels ou moraux de la population. »
Gaston Jèze, Les principes généraux du droit
administratif1, tome III
2. En 1904, le Professeur Jèze, parlant de moyen juridique, détermine la place
que doit avoir l’action de l’Etat dans les relations avec les grands piliers de la société,
la politique, l’économie et le social. La théorie Jéziste définit l’Etat comme un
« ensemble de services publics que les gouvernants organisent et dont ils assurent le bon
fonctionnement. »À cette définition reprise de Léon Duguit, Jèze voit le service public
comme un « dénominateur axiologique commun » qui réalise « l’intérêt général grâce à un
fonctionnement objectif et ce sont les gouvernants qui définissent son contenu ».
3. Comme moyen d’action de ce service public Gaston de Jèze définit le contrat
administratif comme un « procédé de technique juridique mis à la disposition des agents
publics pour assurer le fonctionnement régulier et continu des services publics […]. La
justification de ce procédé technique spécial est dans la notion de service public ». La vision
jéziste trace donc un lien direct entre les contrats administratifs, le fonctionnement
des services publics et la notion d’intérêt général.
4. C’est dans cette triptyque que les contrats de la commande publique trouvent
leurs définitions. La commande publique est un terme générique relatif à l'ensemble
des contrats passés par les personnes publiques pour satisfaire leurs besoins. En
écartant une présentation dynamique, les contrats de la commande publique
regroupent actuellement les marchés publics définis dans le Code des Marchés
1 Jèze (G.) Les principes généraux du droit administratif1, tome III : « Les individus au service public. La
fonction publique », réédition Dalloz, 2004, p 112.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
13
Publics de 20062, les délégations de service public issus de la loi Sapin3 de 1993, et les
contrats de partenariat public-privé composés des contrats de partenariat de
l’ordonnance de 20044, des baux emphytéotiques administratifs et des autorisation
d’occupation temporaire. Le Droit de la commande publique est régit par trois
grands principes directeurs qui sont inscris à l’article premier du code des marchés
publics « les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des
candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de
la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »
5. Ainsi les contrats de la commande publique possède une double fonction, ils
sont tout d’abord un instrument juridique permettant à la personne publique
d’intervenir sur un marché concurrentiel afin de se mettre en relation avec des
fournisseurs publics ou privé capable de répondre à ses besoins propres. Ces besoins
propres étant l’ensemble des travaux, fournitures et services nécessaire à la
réalisation de la mission de service public.
6. La deuxième fonction est liée, elle, à la nature même l’acheteur public. En effet
en tant que personne publique, l’acheteur à l’obligation de rechercher la satisfaction
de l’intérêt général dans ses actions. Ainsi les contrats de la commande publique
répondent à deux besoins, un endogène lié donc à la satisfaction de ses besoins
propres de fonctionnement et un exogène attaché à l’obligation de la satisfaction de
l’intérêt général. C’est cette dualité qui constitue le caractère unique et inamovible
des contrats de la commande publique qui doivent répondre aux besoins matériels ou
moraux de la population et est ainsi un bras armé de l’action du service public.
7. La notion de performance est un concept qui est sémantiquement éloigné du
domaine juridique. Le terme de performance vient du latin « performae » qui signifie
« achèvement ». Il n’existe pas de définition précise de la performance, en littérature,
2 Le Code des marchés publics de 2006 est issu de la directive marché de 2006, en Avril 2014 la Commission Européenne a adopté une toute nouvelle directive qui devrait entraîner une nouvelle rédaction de ce code lors de la transposition en droit interne. 3 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques 4 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
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plusieurs définitions sont indistinctement employées en vue d'établir de manière
précise le concept. Mais conjointement il est possible de renvoyer le concept de
performance à trois notions majeures. Tout d’abords la performance correspond alors
à un résultat mesuré par des indicateurs se situant par rapport à un référant qui peut
être endogène ou exogène. Puis elle désigne simultanément les résultats et les actions
mises en œuvre pour les atteindre, c'est à dire un processus dynamique. Et enfin la
performance renvoie à l’idée de potentiel.
8. Ainsi une fois relativisé, il est possible de définir la performance comme un
concept qui intègre la notion d’efficacité, soit l'action de mener une action à son
terme conformément à un objectif donné. et celle d’efficience, c’est-à-dire l’idée que
les moyens utilisés pour mener une action à son terme ont été exploités avec un souci
d’économie. En résumé, la performance renvoie à la capacité de mener une action
pour obtenir des résultats conformément à des objectifs fixés préalablement en
infériorisant le coût des ressources et des processus mis en œuvre.
9. Mais l’idée de performance a trouvé tout son fondement pratique à travers les
concepts de management économique. En effet les économistes donnent trois
fonctions à la performance.
10. La fonction d’objectif de la performance : La performance est entendue
comme un moyen d’atteindre un objectif en liant l’efficacité et l’efficience, ces
derniers étant définis comme «la capacité à réaliser des objectifs […] qui se réfère au ratio
output/input. L'accroissement de cette dernière provient de la maximisation de l'utilisation
de ressources qui passe par l'augmentation de la production sans accroissement des coûts, ou
de la délivrance d'un niveau de production ou de service donné en réduisant les dotations
factorielles5 »
11. La fonction de mesures de la performance : La performance est entendue
comme un instrument de mesure. En effet la performance permet d’apporter une
approche mathématique à l’action d’un acteur économique, en introduisant des 5 Desreumaux (A.), « Introduction à la gestion d’entreprise », 1992
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
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indicateurs de performance sur certaines activités. Et la performance est ainsi
entendue comme un élément de mesure des objectifs définis vis-à-vis des objectifs
atteints. C’est cette approche qui est défendue par les économistes Estelle Morin,
André Savoie et Guy Beaudin dans « L'Efficacité de l'Organisation - Théories
Représentations et Mesures6 »
12. La fonction de contrôle de la performance : Enfin la performance est
également appréhendée comme un outil de contrôle de l’activité. En effet via
l’analyse des mesures de performance, le gestionnaire va contrôler son activité et va
pouvoir analyser les composantes de son activité qui sont optimales et celles qui sont
défaillante. Cette étude va pouvoir permettre au gestionnaire de corriger les
composantes qui sont défaillantes et accentuer celles qui sont optimales. C’est à
travers cet examen systémique que l’on peut qualifier une activité de performante ou
non. Cette fonction de la performance a été défendue par le professeur de
management et économiste William Ouchi dans sa célèbre Théorie Z7.
13. Ainsi la notion de performance est un concept multi-définissable qui prend
son essence dans les concepts de management, de sociologie et d’économie. Mais
d’une manière générale, la notion de performance est attachée à l’idée d’amélioration
et de progrès d’une activité ou d’un secteur d’activité. C’est à travers cette idéologie
que la performance a fait son entrer dans le secteur de l’activité publique.
14. La performance a intégré le champ de l’administration avec l’adoption de la
loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF8, entrée en
vigueur en 2006. La LOLF a en effet mis en place un dispositif de pilotage par
objectifs qui nécessite « d’inculquer à l’administration d’État un nouvel esprit fondé sur la
6 Morin (E. M)., Savoie (A)., Beaudin (G.), L'Efficacité de l'Organisation - Théories Représentations et Mesures, Gaëtan Morin Editeur, 1994. 7 Ouchi W. G. (1979), "A conceptual framework for the design of organizational control mechanisms", Management Science, pp.833-848 8 Loi organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, modifiée, JORF, 2 août 2001
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
16
productivité et sur l’idée que l’Etat doit être géré comme une entreprise 9»La notion prend
en droit public plusieurs aspects proches des définitions managériales.
15. Elle se traduit tout d’abord comme la recherche de l’efficience et de l’efficacité
de la dépense publique, en orientant la gestion vers des résultats prédéfinis. Puis
comme des exigences de qualité de service rendu à l’usager. De plus la performance
est entendue comme l’efficacité socio-économique de l’action de l’Administration qui
indique son impact sur l’environnement économique, social, écologique.
Enfin cette performance publique doit pouvoir se mesurer au moyen d’indicateurs
permettant de produire des données chiffrées sur les principaux aspects de l’action
évaluée.
16. Afin d’intégrer ses objectifs de performance dans l’administration, les
décideurs publics ont du entamé une vague de réforme profonde Cette démarche a
été fait dans le cadre de la loi de modernisation de la fonction publique de l’État du 2
février 200710 et de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours
professionnels dans la fonction publique11, qui créé les conditions de la réalisation de
performances dans l’administration d’État.
17. Même si elles offrent un cadre à l’efficacité et à l’efficience de l’administration
ces réformes n’apportent aucune précision sur la notion de performance en droit
public.
18. Ainsi, l’introduction de la performance dans la sphère publique a deux
approches en terme de politiques publiques :
• Une objective : C’est une vision classique : la bonne gestion des deniers
publics à travers la recherche de la performance économique dans l’activité de la
9 Lapin (J.), « Performance et fonction publique de l'Etat : les récentes réformes » Revue française d'administration publique 2009/3 - n° 131, p.601 10 Loi n°2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, JORF, 6 février 2009 11 Loi no 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, JORF du 6 août 2009
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Introduction
17
personne publique
• Une subjective : C’est une approche nouvelle : la satisfaction et l’optimisation
des services rendus aux citoyens à travers la recherche de la performance sociale,
environnementale voir globale dans l’activité de la personne publique.
19. Ainsi depuis la LOLF le terme de performance devient un moyen d’action
permettant la mise en œuvre des politiques publiques. Elle devient ce véhicule
pratique et idéologique qui fait passer l’activité de l’administration du stade de
politique publique à celui d’action publique.
Dans ce contexte, la commande publique étant l’un des bras armés de l’action de
l’administration, la question est de savoir comment la notion de performance a
irrigué, de manière endogène et exogène ces contrats et au delà :
Quels sont les objectifs de performance dans les contrats de la commande
publique ?
20. Afin de répondre à cette question il sera abordé une approche qui respecte la
dichotomie installée par les approches de la performance dans la sphère publique.
Tout d’abord il sera étudié comment la performance a pénétré les contrats de la
commande publique de manière endogène à travers l’approche classique qui est la
recherche de l’achat public performant (Première Partie). Puis il sera analysé son
introduction exogène à travers la nouvelle approche de la performance dans les
contrats de la commande publique (Deuxième Partie).
18
PREMIERE PARTIE : L’APPROCHE CLASSIQUE DE
LA PERFORMANCE DANS LES CONTRATS DE LA
COMMANDE PUBLIQUE : LA RECHERCHE D’UN
ACHAT PUBLIC PERFORMANT
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
19
21. En 1945 dans la Théorie générale du contrat administratif Georges Péquignot
définit ainsi l’une des approches classiques du contrat administratif : « Le contrat
administratif tire ses particularités de l’insertion dans son sein des règles propres au service
public 12». L’intérêt général est satisfait grâce à l’activité de ce service public qui, lui
même, a des besoins auxquels il pourvoit par des contrats. Ces contrats de la
commande publique permettent au service de se procurer les moyens humains,
financiers et matériels nécessaires à son bon fonctionnement.
De manière péremptoire, l’idéologie classique de la performance dans les contrats de
la commande publique se trouve dans cette notion de bon fonctionnement de l’achat
public, instrument de réponse aux besoins endogènes de la personne publique.
En effet le Code des marchés publics évoque les trois grands principes fondamentaux
des marchés publics : liberté d'accès, égalité de traitement, transparence des
procédures. Au delà de çà, il assigne aux pouvoirs et entités adjudicateurs une
l’obligation d'efficacité de la commande publique et celle de bonne utilisation des
deniers publics. C’est dans ces deux notions que se trouve la conception classique de
l’idéologie de la performance dans les contrats de la commande publique.
En effet, la vision classique entend la performance comme un moyen endogène au
service de l’achat public. Elle est utilisée afin de rechercher la plus grande
performance possible, tant dans la passation d’un achat que dans économie du
contrat.
La vision classique de la performance de la commande publique met cette notion au
service de l’achat et non le contraire.
A cet effet nous verrons l’approche classique de la performance à travers son
implication dans l’économie du contrat (Chapitre1) puis à travers la sécurisation des
actes lors de l’exécution (Chapitre2).
12 Péquignot (G.), « Théorie générale du contrat administratif » p.605
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
20
CHAPITRE 1 : La performance dans l’économie du contrat de
la commande publique
22. L’expression d’économie du contrat possède deux significations distinctes
mais néanmoins complémentaires, l’une tire son origine de la théorie générale des
contrats au sens du droit privé, l’autre est propre à la définition du contrat
administratif. Le premier sens désigne généralement l’organisation du contrat et la
recherche des équilibres fondamentaux de ce dernier à travers la définition de l’objet
et des parties. La notion demeure théorique et n’est utilisée que depuis une vingtaine
d’année dans la jurisprudence du juge judiciaire et notamment dans le contentieux
de l’interprétation13. Le définit l’expression comme l’analyse globale et finaliste des
rapports entre le contenu du contrat et l’accord des parties14. Il s’agit foncièrement de
« l’ordre interne, la structure et l’organisation d’ensemble15 » du contrat.
23. En droit administratif, la notion est abordée spécifiquement à l’égard du
prisme financier. Dans un arrêt du Conseil d’Etat de 1910, « Compagnie générale
française de tramways »16, le juge parle d’équation financière afin de définir l’économie
du contrat et l’aborde comme l’organisation de la rémunération du cocontractant du
pouvoir adjudicateur.
Ainsi ces deux notions trouvent aisément leur fondement au sein des contrats de la
commande publique et c’est sous cet angle que sera étudiée l’implication de la
performance.
24. Ici la notion de performance, multi-définissable, ne doit pas être entendue
uniquement comme la recherche de la performance dans l’économie du contrat, mais
13 Cass. Civ. 1ère, 11 décembre 1990, Juridisque Lamy, arrêt n° 1698, pourvoi n° 88-15.030 14 Arsac-Ribeyrolles (A.), Essai sur la notion d’économie du contrat, Janvier 2012, p.15 15 Cornu (G.), Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, 8ème Éd., Paris, 2008, 342 p
16 Conseil d’Etat, 11 mars 1910, Compagnie générale française des tramways, N° 16178, publié au recueil Lebon
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
21
l’implication de cette dernière au service des étapes de la vie du contrat, même si la
première approche ne peut être écartée car inhérente à la définition même de la
performance.
Elle doit être entendue comme les mécanismes mis en place pour l’efficacité de la
commande publique et la bonne utilisation des deniers publics a travers l’intégration
de clauses de performance dans un contrat public qui n’a pas foncièrement pour
objectif principal d’atteindre une forme de performance, ou par l’attitude de
l’acheteur public.
Ainsi il sera étudié, d’une part la performance dans l’économie du contrat entendu
comme une organisation d’ensemble, à travers l’analyse de son intégration comme
élément de passation des contrats de la commande publique (§1). Puis d’autre part
d’une façon plus pratique, la recherche de la performance par les acheteurs publics à
travers leur gestion de l’achat public (§2).
§1) La performance comme élément de passation des contrats
de la commande publique
25. Les contrats de la commande publique sont régis par un formalisme tel qu’il a
engendré un régime spécifique pour la passation de ces derniers. Ces règles
encadrent la rencontre du consentement entre le pouvoir adjudicateur et le
prétendant titulaire jusqu’à la signature dudit contrat. C’est durant cette étape que
sont définis les contours de l’économie du contrat. Ce régime spécifique est encadré
par le respect d’un certain nombre de principe.
En ce sens, le Conseil constitutionnel a rendu quatre décisions principales17 en
matière de contrats publics. Dans sa décision du 26 juin 2003, le Conseil
constitutionnel impose le respect d’un certain nombre de principes en matière de
17 Cons. Const., 22 août 2002, Déc. n° 2002-460 DC ; Cons. Const., 29 août 2002, Déc. n° 2002-461 DC ; Cons. Const., 26 juin 2003, Déc. n° 2003-473 DC ; Cons. Const., 2 décembre 2004, Déc., n° 2004-506 DC
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
22
commande publique : l’égalité devant la commande publique, la protection des
propriétés publiques et le bon usage des deniers publics.
Ces principes fondamentaux sont rappelés par l'article 1er, II du Code des marchés
publics : "Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les
principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et
de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la
commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en
œuvre conformément aux règles fixées par le présent code".
26. La notion de performance n’est pas expressément nommée comme l’un de ces
principes. Néanmoins ne semble-t-elle pas irriguer pleinement les règles de passation
à travers l’objectif d’efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des
deniers publics ?
Cette vision semble être vérifiée à deux égards dans la procédure de passation :
d’une part dans l’étape préalable, à savoir la définition du besoin dans les marchés
publics (A) et d’autre part à travers la sélection des offres des candidats (B).
A) La performance entendue comme composante de la définition du
besoin des marchés publics
27. Le premier article du code des marchés publics consacre l’idée que : « Les
marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs
définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs
besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ». C’est l’article 5 du code qui
précise expressément la notion de besoin : « La nature et l'étendue des besoins à satisfaire
sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non
précédée d'un appel à la concurrence. »
La définition du besoin d’un marché par le pouvoir adjudicateur est donc un
préalable obligatoire, guidé par les principes généraux de la commande publique18.
Sa définition est l’axe conducteur de l’ensemble de la procédure et d’elle dépend le 18 CE 23 décembre 2009, Etablissement public du Musée et du domaine national de Versailles, req. ° 330054
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
23
choix de l’architecture contractuelle, la procédure de passation à adopter ainsi que
l’exécution du contrat ; elle est la genèse endogène de l’économie du contrat.
Les besoins de la personne publique sont, d’une part ceux liés à son fonctionnement
propre et d’autre part ceux liés à l’exercice de ses missions19.
La définition du besoin par le pouvoir adjudicateur est une étape qui va pouvoir, et
qui va devoir, permettre de passer d’une politique publique générale menée, à une
politique d’achat public, le besoin est le traducteur d’un besoin politique en une
action d’achat. Le marché public doit répondre à des besoins. Il résulte des articles 1
à 5 du code, que la détermination du besoin se doit d’être préalable à toute procédure
et faite avec précision, de sorte que le marché ou l’accord-cadre doit avoir
uniquement pour objet de répondre à ces besoins.
C’est à travers cette nécessité d’une précision absolue que la performance intervient
comme élément de composante de la définition du marché. Elle intervient à deux
niveaux : pour la précision de la nature et l’étendue du besoin d’une part et pour la
caractérisation de l’objet de ce besoin d’autre part.
28. L’étendue du besoin se doit de combler deux exigences performantielles :
l’une structurelle, l’autre économique.
. La recherche d’une performance structurelle du contrat dans la précision de la
nature du besoin du marché se traduit par l’importance d’une bonne définition
permettant une bonne économie du contrat. Il s’agit de définir un besoin le plus en
adéquation avec la nature du marché qui permettra d’avoir un contrat stable, qui
permettra d’éviter une procédure inadaptée au marché ou une imprécision des
documents de la consultation de nature à faire obstacle à l’élaboration des offres,
rendant irrégulière la procédure d’attribution.
En effet la phase de la définition du besoin est source de nombreux litiges liés à une
mauvaise appréciation du besoin20, cause de l’imprécision des cahiers des charges
qui est elle-même de nature à provoquer une insatisfaction devant la prestation
19 « Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, point 3.3 », Journal officiel du 15 février, p. 2600 20 [Sur une mauvaise appréciation des quantités], CE 29 juillet 1998, Commune de Léognan, req. n° 190452,
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
24
fournie et dans l’exécution du contrat. En matière de bâtiment, par exemple,
« l’importance des travaux supplémentaires, source de litiges, est souvent due à l’insuffisance
des études préalables et du programme de l’opération en cause21 ».
Ainsi la recherche d’une performance structurelle permet d’obtenir un contrat
juridiquement sécurisé ; c’est une conséquence de l’approche en termes d’efficience
de l’économie du contrat.
. Mais au-delà de cet aspect, la nécessité de précision du besoin répond à une
exigence de performance économique. En effet, la recherche de l’efficacité, ou de la
performance, économique de l’achat public et la bonne utilisation des deniers publics
est affirmée par l’article premier du code des marchés publics. C’est cette exigence de
performance économique qui est également aux commandes de la définition de la
nature du besoin, à coté de la nécessité de sécurité. Ainsi, il est nécessaire de définir
avec précision le besoin afin d’éviter les achats de prestations inutiles ou présentant
des caractéristiques techniques inappropriées et donc d’éviter le gaspillage des fonds
publics.
C’est pourquoi il est nécessaire que le pouvoir adjudicateur puisse définir avec le
plus de précisions et au mieux, l’ampleur et la nature de son besoin, car de cette
phase dépend l’architecture du contrat, sa bonne exécution et donc son économie.
29. La définition de la nature du besoin se doit d’être faite méthodiquement et,
comme le recommande l’ancienne commission consultative des marchés publics22,
pour se faire, il s’agit d’analyser les besoins fonctionnels des services, de définir les
finalités et les objectifs du projet, au moyen de l’utilisation de spécifications
techniques. En effet, il ne suffit pas que la personne publique détermine la nature et
l’étendue de ses besoins avec précision, il faut encore qu’elle spécifie les
caractéristiques de l’objet du marché de manière telle qu’il réponde à l’usage auquel
elle le destine, c’est l’emploi des spécifications techniques.
21 Berbari (M.), « CCAG, Expression du besoin en marché public », MoniteurJuris, Décembre 2009 ; p.01 22 [Supprimé le 24 Mai 2013], Décret n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif et modifiant le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif ; JO 24 Mai 2013.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
25
La nouvelle directive européenne sur la passation des marchés publics, les définit
comme « les caractéristiques requises des travaux, des services ou des fournitures 23». La
transposition à l’article 6 du code des marchés publics de 2006 rend obligatoire la
référence à des spécifications techniques pour définir les prestations objet du marché.
30. A l’origine, dans le code de 2004, la définition des spécifications techniques et
de leurs prescriptions techniques24 se faisait par référence à des normes homologuées
ou à d’autres normes applicables en France en vertu d’accords internationaux25. La
référence à de telles normes est liée aux exigences techniques retenues par la
définition du besoin par l’acheteur public qui va ensuite rechercher l’existence
éventuelle des normes homologuées couvrant chacune de ces exigences. La norme
est donc un indice de référencement éminemment formelle.
L’immixtion de la notion de performance dans le référencement des exigences
techniques s’est faite en 2006, lors de la transposition du code des marchés et de son
nouvel article 6 : désormais l’acheteur public à le choix entre la référence à la norme
et/ou à une spécification technique dite « performantielle » ou exigence
fonctionnelle. Une spécification technique peut être, soit décrite en termes de
performance ou de norme, soit à l’aide des deux mécanismes, soit encore en
définissant « des performances ou exigences fonctionnelles et en précisant la référence des
normes ou autres documents équivalents mentionnés qui sont présumés permettre de réaliser
ces performances ou de satisfaire à ces exigence ». Cette combinaison peut résulter d’une
formulation en termes de performance assortie d’une présomption d’équivalence
précisant les normes ou documents regardés comme équivalents, ou d’une
23 Article 42.1 de la Directive du 11 février 2014 du Parlement européen et du Conseil sur la Passation des Marchés Publics et abrogeant la directive 2004/18/CE 24 Annexe VI à la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 : Pour les marchés de travaux de « l'ensemble des prescriptions techniques contenues notamment dans les cahiers des charges, définissant les caractéristiques requises d'un matériau, d'un produit ou d'une fourniture et permettant de les caractériser de manière telle qu'ils répondent a l'usage auquel ils sont destines par le pouvoir adjudicateur ». Pour les marches de fournitures et de services, de spécifications « figurant dans un document définissant les caractéristiques requises d'un produit ou d'un service, telles que les niveaux de qualité , les niveaux de la performance environnementale, la conception pour tous les usages [...] et l'évaluation de la conformité , de la propriété d'emploi, de l'utilisation du produit, de sa sécurité ou de ses dimensions. » 25 Article 6 du Code des Marchés Publics de 2004
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
26
formulation par référence à des normes pour partie des prestations, en termes de
performances pour l’autre partie.
Cette spécification peut être définie comme étant l’expression d’une attente que,
l’ouvrage, le service ou la fourniture doit permettre de satisfaire, ou encore d’une
nécessité à laquelle il doit répondre. En opposition à une donnée qui reste intangible,
une spécification performantielle n’est pas prédéterminée ; elle peut être graduée et
résulter d’un choix 26 . Ces spécifications peuvent inclure spécifiquement des
caractéristiques environnementales.
31. L’introduction de ces spécifications performantielles, entendues en tant
qu’objectif à atteindre, a permis de dépasser une définition du besoin technique trop
formelle, descriptive et conceptuelle. L’utilisation de la performance et l’idée de
souplesse qui en émane, a eu un pour objectif et pour conséquence de favoriser
l’ouverture à la concurrence. En effet, la référence à une norme précise offrait la
possibilité de soumettre une offre aux seules entreprises capables de fournir une telle
norme ou équivalente. Alors que la référence à une spécification performantielle
ouvre naturellement la concurrence à toute les entreprises capables d’atteindre
l’objectif, sans avoir pour obstacle les moyens pour y arriver.
De plus l’exigence d’inclure dans les documents de consultation une spécification
technique en référence à une norme avec la mention « ou équivalent » prend plus
d’ampleur avec l’introduction des spécifications performantielles. En effet
l’opérateur économique peut répondre à une offre avec l’appui d’une spécification
performantielle équivalente à une spécification se référant à une norme, dans le cas
ou l’objectif est le même. Ou à l’inverse, répondre à l’aide d’une norme s’il établit que
cette dernière est équivalente aux performances ou aux exigences fonctionnelles
exigées par le pouvoir adjudicateur. Ainsi, la référence à la performance en
alternance ou au soutien d’une norme a eu pour conséquence de libérer certaines
entraves à l’accès aux marchés publics pour les entreprises.
26 Recommandation n° T 1-94 aux maîtres d'ouvrages publics pour l'établissement de programmes exigentiels dans le domaine du génie civil, p.05
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
27
L’utilisation de spécification performantielle et d’exigence fonctionnelle a eu pour
conséquence également de favoriser l’innovation technologique. Ainsi dans une
Commission interprétative en 200827, la Commission Européenne invite les pouvoirs
adjudicateur à utiliser, de préférence à des normes technologiques déterminées, des
spécifications performantielles de haute pointe. Ainsi cela à pour conséquence de
favoriser des réponses à des offres contenant des solutions performantielles
contenant des moyens issus de l’innovation, des solutions novatrices. Car la
référence à une norme est par nature peu favorable à l’utilisation de solutions
novatrices, car faisant état de solutions techniques établies. Une telle situation est
particulièrement présente dans l’achat public de la défense qui est sclérosé par des
normes nationales qui limite la place à l’innovation.
Ainsi la place de la performance dans la définition des spécifications techniques à
permis et à eu pour objectif d’améliorer l’efficacité de la commande publique, par
l’ouverture à la concurrence et en laissant plus de place à l’innovation.
32. Dans la définition du besoin, la performance est utilisée comme une
composante endogène au service de la précision et de la caractérisation de l’objet du
marché. Elle permet d’immiscer la recherche de la performance comme élément de
définition juridique qui s’avère être plus souple et plus compréhensible pour le
monde économique que des références juridico-juridiques.
Toutefois, il peut être reproché une utilisation limitée de la notion dans la définition
du besoin dans un marché public. En effet une telle définition est nécessaire en
amont d’un lancement de procédure, soit en amont d’un choix entre différentes
options. Dans les contrats de partenariat définis par l’ordonnance de 2004 et la loi de
2008, la performance prend dans cette étape toute son ampleur en instaurant une
étape d’évaluation préalable pour un recours à un tel véhicule contractuel. Cette
évaluation vise fondamentalement à identifier et justifier la solution
organisationnelle la plus adaptée au besoin de la personne publique. L'évaluation
préalable doit préciser « les motifs de caractère économique, financier, juridique et
27 Communication interprétative de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comite économique et social européen du 11 mars 2008, Vers une contribution accrue de la normalisation a l’innovation en Europe, COM (2008)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
28
administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un
tel contrat. » Ainsi il convient que cette « évaluation comporte une analyse comparative de
différentes options, notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et
de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable ».
La recherche de la performance structurelle et économique du contrat est utilisée
pour choisir la meilleure économie du contrat, et pas seulement comme simple aide à
définir avec précision le besoin ; la performance à là une plus grande ampleur.
Une telle implication de la performance à travers une réelle évaluation préalable
adaptée et performantielle dans les marchés publics permettrait avant d’engager une
consultation de se poser toutes les questions susceptibles de permettre de déterminer
au mieux l’ampleur et la nature de son besoin, les différentes façons de le satisfaire,
les avantages et les risques de chacune des options possibles.
L’introduction d’une telle évaluation obligatoire sous l’égide de la performance
favoriserait aussi les pouvoirs publics à se tourner résolument vers une démarche
performantielle qui aurait comme conséquence une amélioration de la qualité de la
commande publique.
Et si une telle implication n’est pas encore telle, il en demeure que la performance
prend également toute sa place dans les mécanismes de sélection des offres.
B) La recherche de la performance dans la sélection des offres : l’offre
économiquement la plus avantageuse
La phase de la définition du besoin par le pouvoir adjudicateur est l’étape préalable à
toute procédure de passation d’un marché. L’étape qui suit est bien évidemment la
phase de publicité et de mise en concurrence, puis vient la période essentielle de la
sélection des offres des partenaires privés par le pouvoir adjudicateur. Cette étape est
primordiale dans l’économie du contrat car elle permet de passer du temps de
passation du contrat à celui de son exécution.
La sélection des offres consiste pour le pouvoir adjudicateur à choisir la « meilleure »
offre reçue entre les différents candidats qui auront répondu à l’appel d’offre.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
29
C’est l’objectif de sélection de la meilleure offre qui guide toute la politique et la
stratégie d’achat public dans la phase de sélection. En effet, le Code des marchés
publics consacre pas moins de quatre articles (52,53,54 et 55) à la phase d’examen des
candidatures. En droit de la commande publique, la traduction juridique de la notion
de « meilleure offre » est le terme choix de l’offre « économiquement la plus
avantageuse ».
33. La notion d’offre économiquement la plus avantageuse est clairement
mentionnée à l’article 53 du code et guide la phase de sélection des candidats. Elle
consiste en une comparaison des offres au vu de critères de choix définis en fonction
de l’objet du marché. Ces critères doivent permettre de comparer les offres qui
répondent au mieux aux exigences de l’acheteur. Il s’agit pour le pouvoir
adjudicateur de sélectionner l’offre qui lie le mieux la qualité et le prix,
communément appelée l’offre la mieux-disante. Cette notion s’oppose à celle de la
moins-disante, qui se base sur une sélection d’un offre uniquement visée sur l’offre
ayant le prix le plus bas.
La règle du choix du « mieux-disant » plutôt que du « moins-disant » signifie que le
critère du prix, sans être minoré, n’est pas le seul critère de sélection d’une offre. Et
c’est dans cette distinction essentielle que la notion de performance trouve son
fondement dans cette phase de passation des marchés publics. En effet, c’est dans
l’étape de la sélection des offres et à travers le critère de l’offre économiquement la
plus avantageuse que la recherche de la performance de l’achat public est le plus
affirmé et exploité par les pouvoirs adjudicateurs.
La recherche de l’offre économiquement la plus avantageuse favorise la sélection
d’une offre globalement performante plutôt que celle financièrement plus
performante. Cette vision globale de la performance est présente aux différentes
étapes de la sélection28, que ce soit de la définition des critères de choix des offres, au
choix de la méthode d’analyse des offres et au choix définitif de l’offre.
28 [Il ne s’agit pas dans cette étude de présenter toute la procédure de sélection, mais de montrer la mise en exergue faite par le code, la jurisprudence et la pratique, de la recherche de la performance globale dans la sélection de l’offre].
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
30
34. Une fois qu’un candidat est admis à présenter une offre, après le filtre de
l’article 52, son offre est jugée par rapport à des critères qui doivent être au préalable
définis par le pouvoir adjudicateur dans l’avis d’appel public à la concurrence ou
dans le règlement de consultation s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi
d’un tel avis. Le choix de ces critères par le pouvoir adjudicateur relève de la
première étape de sélection de l’offre économiquement la plus avantageuse.
Les critères de sélection, définis à l’article 53 du CMP, se fondent dans
l’incomplétude du cahier des charges, ils doivent être obligatoirement en lien avec
l’objet du marché, être objectifs et précis afin de ne laisser aucunement la liberté à un
choix discrétionnaire du pouvoir adjudicateur29, ne pas être discriminatoires et être
opérationnels.
Le code prévoit une liste non exhaustive de critères qui peuvent être utilisés, d'autres
critères pouvant être pris en compte, mais leur choix doit se justifier par l'objet du
marché ou ses conditions d'exécution. A partir d’un tel panel, l’acheteur public a une
large liberté dans le choix des critères de sélection des offres30 et c’est dans cette
liberté que la recherche de la performance est remarquable par la mise en exergue
d’une sélection du mieux-disant au profit du moins-disant.
35. En effet, la liberté de choix des critères a pour corolaire direct celle du choix
du nombre de critères qui peut être retenu. L’article 53 laisse à l’acheteur public le
choix du nombre de critères, mais si, plutôt qu’une option pour une sélection
multicritère, il choisit celle du critère unique ce dernier sera obligatoirement le prix.
L’importance économique des marchés publics avait conduit dans la logique
concurrentielle initiale la plupart des acheteurs publics à ne se référer qu’au prix
comme unique critère d’attribution des marchés 31 car il semblait à lui seul activer la
concurrence entre les concurrents potentiels et ainsi protéger les deniers publics.
Pourtant, celui-ci peut se révéler potentiellement favorable, non seulement à un
déclin de la qualité des achats publics, mais encore à une remise en cause d’un
29 CE, 28 avril 2006, commune de Toulouse, n° 280197 30 CE, 23 novembre 2011, communauté urbaine de Nice-Côte d'Azur, n° 351570 31 Guibal (M.), Refonte du Code des marchés publics ; Le conflit saugrenu de la légalité et de l’opportunité, Les Petites Affiches, 19/11/1999, p. 4
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
31
fonctionnement véritablement concurrentiel des marchés. Il peut conduire les
entreprises à faire des offres anormalement basses conduisant à l’élimination des
plus faibles et à une concentration renforcée de l’offre renchérissant in fine le coût
des achats.
36. C’est ce constat qui a été à l’origine d’un important débat à la fois doctrinal et
jurisprudentiel entre une sélection au moins-disant et au mieux-disant, car il existait
une distorsion d’interprétation entre l’article 53 du code et la directive 2004/18/CE
qui est à l’origine de sa version de 2006 en vigueur. Comme vu, l’article 53 lie
l’utilisation d’un critère à l’objet du marché : « soit, compte tenu de l’objet du marché, sur
un seul critère, qui est celui du prix ». Ainsi le seul choix du critère prix ne peut être
possible que si l’objet du marché donne cette possibilité, il y a dans cette rédaction
une limite certaine à l’utilisation du critère unique prix. Mais la directive de 2004 elle
ne prévoit qu’à défaut de retenir une pluralité de critères, le pouvoir adjudicateur
retient « uniquement le prix le plus bas» sans lien avec l’objet. Le débat portait sur le
point de savoir si le recours au critère unique du prix était nécessairement
conditionné, et donc restreint par l’objet du marché, ou au contraire, si celui-ci
pouvait être utilisé quel qu’en soit l’objet32. Par conséquent deux thèses se sont
affrontées, une en faveur d’un lien entre l’objet du marché et le critère unique du prix
in natura au profit de la logique du mieux-disant et une en faveur du caractère
inconditionné du critère unique du prix in natura au profit de la logique du moins-
disant.
37. La seconde théorie plaide pour une interprétation stricte de la directive et
comme l’affirme l’avocat général Madame Stix-Hackl dans ses conclusions d’un arrêt
du 7 Octobre 2004, Sintesi33, lier la possibilité d’un recours au critère unique prix à
l’objet du marché aurait pour conséquence de restreindre la liberté que les pouvoirs
adjudicateurs ont dans leur choix entre une sélection multicritère ou critère unique,
32 Ruellan (A.), « Le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse et le code des marchés publics », CP-ACCP, n° 39, Décembre 2004, p. 36 33 CJCE 7 octobre 2004, Sintesi SpA c/Autorità per la Vigilanza sui Lavori Pubblici, aff. C- 247/02 : CP-ACCP, n° 38, novembre 2004, p. 18 et n° 36, septembre 2004, p. 12 (concl.)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
32
et une telle interprétation serait en totale opposition avec l’idée même de choix des
critères.
La première théorie a été plus amplement étayée et ce à l’appui de plusieurs
déclarations politiques et de décisions jurisprudentielles. Elles sont définies à quel
moment le critère unique prix peut être utilisé et également données un sens au lien
qui existe avec l’objet du marché.
Le ministre de l’économie du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Hervé
Gaymard, lors d’une réponse ministérielle en Janvier 200534 exprime la vision du
gouvernement sur cette question et explique que : « le recours au critère unique du prix
concerne les cas où, compte tenu de l’objet du marché, les offres des soumissionnaires peuvent
être appréciées de manière objective sur la seule base du prix proposé. C’est notamment le cas
pour les marchés dont l’objet porte sur l’achat de produits simples et standardisés pour
lesquels les prescriptions du cahier des clauses techniques particulières sont limitées. Le choix
du critère unique du prix - comme celui d’éventuels critères additionnels - doit être justifié
par l’objet du marché. La personne responsable du marché doit donc être en mesure
d’expliquer les raisons de son choix en la matière ». Ainsi l’idée qui prédominait est que,
pour les produits qui étaient simples et identifiables, le recours à une logique de
moins-disant et donc une logique favorisant l’unique performance économique, était
envisageable. Mais pour les autres marchés complexes, un tel recours serait
inapproprié.
C’est à travers cette logique que s’est cristallisé, une première fois le débat à travers
la décision de l’arrêt Sintesi qui reprend la même logique. Dans un commentaire de
cet arrêt l’actuel président adjoint de la section contentieuse du Conseil d’Etat, Alain
Ménéménis, a affirmé que le recours au critère prix était possible en cas de « marché
simple 35» tout en notant que « lorsque l’achat présente un certain degré de complexité ou
encore lorsque les entreprises susceptibles d’être intéressées par la commande de
l’administration peuvent faire valoir des «“avantages comparatifs” de natures variées, le
34 Rép. min., Q. n° 14228 (JO Sénat du 13 janvier 2005, p. 103)
35 Ménéménis (A.), note sous CJCE 7 octobre 2004, Sintesi SpA : Dr. adm., décembre 2004, p. 24
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
33
critère du prix est trop fruste pour garantir à l’acheteur qu’il pourra faire le meilleur choix en
faisant jouer au mieux la concurrence ». Dans cette analyse, l’idée est qu’en cas d’achat
complexe le critère unique prix est un frein à la concurrence ; une nouvelle fois la
doctrine fait un lien direct entre recherche d’un achat public performant et ouverture
à la concurrence et ceci en faveur d’une sélection au mieux-disant.
38. Dans un arrêt de principe, du 7 Avril 2007, Département d’Isère36 , la Haute
juridiction est venue clore le débat. Saisie en cassation, elle devait répondre à la
question de savoir si la rédaction du code des marchés publics, sur le critère unique
du prix, était conforme à la directive communautaire 2004/18/CE. En l’espèce, le
département de l’Isère avait lancé une procédure de passation d’un marché relatif à
la réalisation d’un itinéraire alternatif à une route départementale. Pour attribuer le
marché, le département de l’Isère s’était fondé sur le seul critère du prix pour
déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Le Conseil d’Etat confirme
l’ordonnance du juge des référés de Grenoble qui avait estimé que « compte tenu de la
complexité des travaux, avait méconnu les dispositions de l’article 53 du Code des marchés
public, et ainsi ses obligations de mise en concurrence, en retenant le seul critère du prix pour
apprécier l’offre économiquement la plus avantageuse »
39. Ainsi le Conseil d’Etat a affirmé que l’article 53 était conforme à la directive et
qu’il se contentait d’aller plus loin dans l’interprétation. Il a retenu l’interprétation du
juge communautaire en fixant le recours au critère unique du prix pour l’achat de
« produit simple et standardisé » et pour l’ensemble des marchés de fourniture37 du fait
de leur caractère technique extrêmement précis. L’idée d’un recours à un critère
unique prix est désormais possible mais uniquement dans ces conditions, l’idée du
mieux-disant est venue encadrer strictement celle du moins- disant.
Mais, l’état actuel de la jurisprudence semble laisser une brèche ouverte au recours
du critère prix dans des circonstances plus larges que celles précisées. En effet, il
semble que l’interprétation d’un achat simple et standardisé consiste en la passation
36 CE 6 avril 2007, Dpt de l’Isère, req. n° 298584
37 TA Fort-de-France 5 avril 2005, SA FACE c/Syndicat Inter-Hospitalier, ord. n° 05/115
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
34
de marchés de fourniture ou de services standardisés, c’est à dire courants. Mais il
pourrait également s’appliquer à des marchés portant sur des prestations de services
relativement simples, voire des travaux de même nature et pour lesquels les
prescriptions du cahier des clauses techniques particulières sont limitées et ce en
référence aux choix de définition des spécifications techniques pour la qualification
du besoin, à savoir entre l’utilisation de norme technique ou de norme
performantielle. En effet, comme expliqué précédemment (cf. 7), la description du
besoin par des normes implique que la marge de réponse laissée aux candidats dans
leur offre soit minime ; il leur appartient d’exécuter le marché conformément à ce qui
est décrit dans le cahier des charges. Ainsi, en application stricte de la notion de
produit simple et standardisé, le critère unique du prix pourrait donc s’accommoder
à ce type de marché qu’il soit de fourniture, de services et même de travaux. Une
telle interprétation ne pouvant être possible en cas de norme performantielle, du fait
de leur caractère moins formelle et laissant plus de place à l’innovation du candidat.
Ainsi, dans la mesure où un acheteur public puisse déterminer, à l’aide d’un bagage
technique performant, que la référence à une norme qualifie un achat de simple, il est
envisageable de penser que toute référence à une norme non performantielle dans la
définition du besoin soit une condition acceptable à l’utilisation d’un critère unique
prix et ceux dans tout type de marché. Dans ce cas l’idéologie de catégorisation du
recours à ce critère unique en simple « roue de secours » à la méthodologie de la
sélection des critères n’est plus valable et il existe là une lésion dans la membrane
que représente la jurisprudence Département d’Isère et le recours à une sélection au
moins-disant possède un large champ d’action et ce au profit de la recherche de la
performance globale de l’achat public.
40. La recherche du mieux-disant au profit du moins-disant ne s’affirme pas
uniquement dans le choix entre une sélection soit multicritère soit unique, mais
également dans le choix des critères.
Le recours à plusieurs critères est par nature plus en faveur d’un achat performant au
sens du mieux-disant car il ne repose pas uniquement sur le choix du prix, comme il
vient d’être expliqué, mais de plus il permet de confronter l’offre du candidat à la
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
35
recherche d’autres performances à travers d’autres critères mieux-disants. De fait, la
liste de critères énoncés par l’article 53 mentionne : « la qualité, le prix, la valeur
technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de
l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements
directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle
des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la
rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de
livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement,
l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles »
Outre les critères purement techniques et qualitatifs, l’utilisation de cette liste permet
de mettre en exergue la recherche de différents types de performances entendus
comme différents objectifs parallèles à atteindre, s’accordant autour de la prospection
d’un achat performant, le terme de performance étant spécifiquement mentionné.
Cette performance multicritère est en adéquation parfaite avec l’idée d’achat mieux-
disant au profit du moins-disant et se décline en différents critères de mieux-disant.
41. Le mieux-disant environnemental : L’intégration de la notion de mieux-
disant environnemental a débuté avec le Livre vert de la Commission européenne
sur du 27 novembre 1996 sur l’avenir des marchés publics. Dans ce rapport les
instances européennes ont estimé que les préoccupations environnementales
pouvaient être un élément de sélection des offres économiques les plus avantageuses.
La communication interprétative sur le droit communautaire de 200138, applicable
aux marchés publics, a permis d’intégrer ces préoccupations environnementales dans
le système normatif des marchés publics en droit communautaire.
Mais ce lien avec le bénéfice économique s’avérait être un frein certain à une
utilisation efficiente. Cette limite a été soulevée dans une décision fondatrice de la
Cour de justice de la Communauté européenne de novembre 2002, l’arrêt Concordia39.
Dans cet arrêt la Cour met fin à l’exigence de lien avec le bénéfice économique de
38 COM (2001) 274 final
39 CJCE 17 septembre 2002, AJDA 2003, p.433, note D. Blaise ; JCP A 21 oct. 2002, n° 2, note B. Geneste
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
36
l’acheteur et affirme que les critères de l’offre économiquement la plus avantageuse
pour le pouvoir adjudicateur n’avaient pas nécessairement à être de nature
«purement économique». Cependant, très rapidement, le Conseil est venu atténuer
cette décision et a marqué un véritable coup d’arrêt. En effet dans une décision de
2003 et ce en opposition avec Parlement européen, il a précisé que l’introduction du
critère environnemental n’était possible que s’il était directement justifié par l’objet
du marché. L’idée est que seul un lien avec l’objet principal du contrat peut être
utilisé de façon efficace, objective et non discriminatoire. Cette interprétation a été
ensuite validée par la CJCE en 200340 qui a validé que l’environnement demeure
donc subordonné au marché41 Cette vision a été également confirmée dans le code
des marchés publics de 2004 et de 2006 dans la rédaction de l’article 53 en indiquant
que le pouvoir adjudicateur se fonde sur « une pluralité de critères non discriminatoires
et liés à l'objet du marché, notamment […] les performances en matière de protection de
l'environnement. »
Ainsi l’insertion du mieux-disant environnemental permet de favoriser des offres
remplissant des objectifs de performance en matière d’environnement. L’emploi du
mieux-disant permet de favoriser des offres qui cherchent la performance
environnementale. Néanmoins, a contrario de l’article 14 du code des marchés qui
offre la possibilité d’imposer des conditions d’exécution d’ordre environnemental
aux candidats qui souhaitent soumissionner à un marché public, la recherche de la
performance à travers le choix des critères demeure très limitée par son obligation
d’être liée à l’objet ainsi que l’absence d’obligation d’intégrer ce critère dans la
sélection des offres.
42. Le mieux-disant social : L’intégration du critère de sélection des offres du
mieux-disant social est assez comparable à celui du critère environnemental, ainsi
que son état actuel en termes d’acceptation dans le droit de la commande publique.
Les juges de la Cour de Justice de l’Union ont œuvré ab initio pour l’intégration du
40 Février 2004, p. 334, note Th. Glizzio. 41 Buy (L.), « Clauses sociales et environnementales et marchés publics En Europe », Manuscrit auteur, publié dans "Quelles réformes de droit économique pour le développement en Afrique ?, Bruxelles : Belgique » 2009, p.05
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
37
critère dans le droit de la commande publique aux moyens de deux grands arrêts
préalables aux directives marchés du début du siècle. C’est ainsi que par ses arrêts
Bentjees 42puis Commission c/ République Française 43dix ans plus tard, les juges ont
accepté l’intégration des critères sociaux dans le choix des offres des marchés, à
travers la possibilité pour pouvoir adjudicateur d’utiliser des critères de sélection liés
à la lutte contre le chômage. L’émergence du concept en droit interne a été possible
en 2005 par la loi « Borloo44 » venue en complément de celle de 2004 portant Code des
marchés publics ; elle a introduit à l’article 53 les critères liés aux « performances en
matière d'insertion sociale des publics en difficulté » et a créé le mieux-disant social.
Malgré son intégration textuelle, le Conseil d'Etat a longtemps été réservé à quant au
recours à ces critères par les acheteurs publics. En se livrant à une interprétation
restrictive de l'une des conditions de mise en œuvre du critère social, il a largement
paralysé son utilisation de telle sorte que le critère a pu être qualifie de « mort né45»
43. Mais deux jurisprudences, l’une communautaire, l’autre nationale, sont
venues assouplir cette interprétation et redonner de l’ampleur au critère. En effet, à
travers les arrêts de la CJUE de 2012 « Commission c/ Royaume de Pays Bas » et surtout
Conseil d’Etat du 25 Mars 2013 « Département d’Isère », les juges marquent une
rupture avec leurs précédentes interprétations, en admettant que le lien avec l'objet
du marché est à présent satisfait s'il n'y a pas d'absence de lien entre le critère et
l'objet du marché ou ses conditions d'exécution.46
Ainsi cette évolution a permis de favoriser l’acceptation des offres avec un certain
degré de recherche de performance sociale, cette dernière étant au service de la
sélection d’un achat le plus performant possible.
42 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Bentjees BV c/ État des Pays-Bas.
43 CJCE, 26 sept. 2000, aff. C-225/98, Commission c/ République française.
44 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale 45 H. Ponge rard-Payet, Le crite re social expre s d'attribution : un cadeau en trompe l'oeil fait aux e lus, pre c. 46 Rouveyran (T.), « Les critères sociaux et environnementaux dans les marchés publics », Cahiers de droit de l'entreprise n° 5, Septembre 2013, dossier 33
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
38
44. Désormais, on peut constater que la recherche d’un achat mieux-disant plutôt
que moins-disant a permis l’émergence d’un achat multi-performant au-delà même
du seul critère économique. A l’appui de cette valorisation, le principe de
pondération des critères au profit de celui de la hiérarchisation permet à ces critères
d’avoir un poids plus important et une véritable lisibilité dans la détermination de
l’offre économiquement la plus avantageuse.
Cependant son intégration aujourd’hui semble être relativement limitée. En effet les
défenseurs d’une doctrine de la neutralité des marchés publics, même s’ils ont été
désavoués par le nouvel article 53 et la récente jurisprudence, sont conscients qu’ils
restent de nombreux gardes fous à la recherche d’un achat social et économiquement
performant.
45. En effet, les juges et le législateur limitent l’utilisation de ces critères à
l’existence d’un lien direct avec l’objet du marché. Ainsi au-delà même des clauses
d’exécution dans l’article 14 ou des écolabels dans la définition du besoin qui créent
ipso facto ce lien entre objet et critères, très peu de marchés possèdent des objets qui
soient en relation avec des idées d’écologie ou de protection sociale, même en objet
accessoire. Ainsi l’utilisation de ces clauses et critères demeurent au seul et simple
« bon vouloir » de l’acheteur public quand il procède à un appel d’offre.
Les candidats répondants à une offre ne peuvent mettre en avant des propositions
qui soient socialement et écologiquement performante que si, d’une part la personne
publique en fait son objet, même accessoire, et d’autre part que si elles intègrent ces
critères dans la sélection des offres.
L’achat performant est résolument laissé à la volonté de l’acheteur public qui ne
possède aucune obligation de respect de la recherche de ces performances et ne peut
se voir être dans l’obligation de prendre en compte ce type de proposition par le
candidat tout du moins en procédure formalisée. Néanmoins l’ont peut penser que
dans le cadre d’une procédure négociée le candidat qui présente une offre
socialement et écologiquement performante peut l’imposer comme essentiel à
l’acheteur. De ce fait, afin de pallier ce mur qu’est la volonté de l’acheteur public, le
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
39
recours à une procédure négociée semble être une pratique utile. A ce titre la
Directive marché de 2014, semble vouloir faire de la procédure négociée un principe
en termes de passation de marché, ce qui peut être une démarche positive en vue de
la pérennisation d’un achat public performant.
Ainsi, afin de rendre plus performant encore l’achat public, il s’agit d’intégrer ces
notions dans la philosophie de la commande publique qui demeure encore réticent à
intégrer ce type de clauses ou critères sectoriels de performance. Comme le fait
remarquer Maître Jean-Pierre Boivin « Il faut éduquer l'acheteur public qui trop souvent
ne se cale que sur le critère prix47 »
Mais la recherche d’un achat performant ne passe pas que par les normes, l’acheteur
public, dans son management, met en place des techniques de recherche de
performance dans sa commande publique.
§2) La performance dans le management de l’achat public
46. Le management correspond à l’ensemble des techniques de direction,
d’organisation et de gestion d’une entité afin qu’elle atteigne ses objectifs. Le
management n’est pas à proprement parler une théorie mais plutôt une pratique
regroupant un ensemble de savoir-faire techniques et relationnels. L’utilisation dans
le secteur public d’une telle notion directement issue de la gestion dans le secteur
privé, est la conséquence d’une nouvelle politique de gestion dans le secteur public
qui a touché l’ensemble des pays de l’OCDE48 au début des années 1980 ; elle est
nommée le New Public Management, ou Nouvelle Gestion Publique. Ce courant est né
en réponse aux crises financières et au lourd déficit public des organes publics et a eu
47 Boivin (J.P.), Le monde du droit, le portail des professions juridiques, 26 Mai 2014. 48 Amar (A.), Berthier (L.), The New Public Management : Advantages and Limits, RECEMAP, p.02
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
40
pour objectif d’intégrer la gestion managériale privé dans le domaine public, à
travers l’introduction d’une logique de marché dans le secteur public; non sans
débat.
Ceci a eu pour conséquence d’introduire dans la gestion publique les notions
nouvelles comme la flexibilité, l’efficacité, l’efficience, la gouvernance, l’évaluation et
bien évidemment la performance.
47. Au sein de la commande publique, l’idée de management s’apparente à la
pratique par les pouvoirs adjudicateurs, de techniques de gestion à la phase de
passation du contrat ainsi que de pratique de réorganisation structurelle. Le
management de la commande publique consacre des techniques qui sont en nette
injonction49 avec le droit issues de la pratique du terrain. Les notions du New Public
Management dans la commande publique relève d’une forme de bon sens ayant pour
objectif d’obtenir un achat public le plus performant, tout en gageant du respect des
trois grands principes de la commande publique. Autrement dit, le management de
la commande publique utilise des techniques portant au maximum les notions de
transparence, d’égal accès à la commande publique et de d’égalité de traitement, en
les détachant de notions purement juridiques pour apprécier une pratique de l’achat
recherchant la performance.
A) La mise en place d’une organisation structurelle favorisant
l’achat performant
48. A la suite de la mise en place de la RGPP, les organes politiques sont partis du
constat que la réglementation des marchés publics constitue un obstacle à l'efficacité
de la commande publique 50 et qu’il fallait instaurer de nouveaux mécanismes
capables de redonner aux acheteurs publics l’initiative et la capacité à la bonne
gestion de l’achat public. Ce constat s’est traduit en droit de la commande publique
49 Linditch (F.) « Performance publique et marchés publics, une rencontre impossible », 2 Février 2014, p.03. 50 Richer(L.), Droit des contrats administratifs : LGDJ, 2006, p. 372
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
41
par la volonté de mettre en place des organes capables de centraliser et de mutualiser
l’achat public et cela au service de la performance.
49. Ainsi les politiques partant du constat que les méthodes managériales issus du
secteur privé étaient un levier à la performance, de par leur nature, ont désiré offrir à
l’Etat un organe capable de répondre à cette exigence51. C’est dans ce contexte que
par un décret52 de 2009, le Gouvernement Fillion a créé le service des achats de l’Etat
(SAE) afin de définir et de mettre en œuvre les achats courant de l’Etat.
Rattaché au ministère du budget, ce service est destiné à assurer que “les achats de
l'État sont effectués dans les conditions économiquement les plus avantageuses, respectent les
objectifs de développement durable et de développement social et sont réalisés dans des
conditions favorisant le plus large accès des petites et moyennes entreprises à la commande
publique.”. Il assume des missions de conception, d'animation et d'évaluation des
politiques publiques via des fonctions de gestion, d'études techniques, des activités
de production de biens ou de prestations de services. Il met surtout en place des
stratégie d’achat groupé, mutualisé, et détermine les objectifs de performance des
achats de l'État ainsi que la contribution de chaque ministère à l'atteinte de ces
objectifs.
50. En pratique, ce service a pour objectif de rationnaliser les achats courant de
l’Etat afin de les rendre plus performant et plus protecteur des deniers publics. Pour
se faire, ce service à pour mission de déterminer le niveau auquel les besoins sont
évalués, puis élabore les stratégies d'achat “en recourant, notamment, à l'analyse du
marché économique, aux modes de contractualisation les plus efficients, à la standardisation
des besoins et à la globalisation des procédures d'achats au niveau approprié” tout en
déterminant le pilotage de la performance des fournisseurs, chose inédite dans la
conception de l’achat public.
Ceci concerne les achats de : “ fournitures, mobiliers et matériels de bureau ; les matériels
informatiques, les progiciels et services associés ; les matériels et les services de
51 Tambou(O.), Les collectivités locales face aux normes techniques : AJDA 2000, p. 205. 52 De cret n°2009-300 du 17 mars 2009 portant cre ation du service des achats de l’Etat.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
42
télécommunication ; les services de transports de biens et de personnes ; l'entretien et les
aménagements immobiliers, les maintenances d'installations techniques ; les véhicules non
spécialisés, les carburants et lubrifiants ; les matériels et services d'impression, expéditions,
affranchissements et routages ; les énergies, les fluides ; et les services financiers, services
d'assurances et services bancaires”
Ensuite le SAE est en charge de la signature des contrats53 et de leur suivi pour
s’assurer de leur bonne exécution. Ainsi le SAE professionnalise et anime la filière
achat de l’Etat54.
51. Le service des achats de l'État est organisé autour d'un conseil d'orientation,
d'un comité des achats et d'un directeur. Il est épaulé par la direction des affaires
juridiques du ministère de l'Économie. Il a donc une compétence nationale et est
relayé au niveau des ministères par les responsables ministériels achats (RMA),
nommés dans chaque ministère55.
Parallèlement, le 14 avril 2010, un nouveau dispositif s’inspire de l’organisation des
grandes entreprises en matière d’achats et consiste à développer le recours a des
marchés interministériels mieux négocier et à professionnaliser les opérations d’achat
dans tous les ministères.
« L’objectif est de réaliser une économie d’un milliard d’euros d’ici 2012, sur un périmètre
d’achats courants représentant 10 milliards d’euros. 500 millions d’euros d’économies
potentielles ont d’ores et déjà été identifiées56. »
52. Ainsi cette structure a permis d’aller plus loin que la seule logique des
centrales d’achat instaurées par l’article 31 du code des marchés publics et d’insuffler
une véritable logique de centralisation et de professionnalisation de l’achat public.
Toutefois les politiques ont instauré cet outil à l’échelle étatique, tout en ne créant pas
une véritable structure équivalente au sein des collectivités territoriales, alors que ces
dernières représentent la plus grande part de l’achat public. Il est vrai que les
53 Tout en pouvant s’aider des service de la central d’achat l’UGAP 54 Article 2, décret précité. 55 Article 6 II, décret précité 56 Compte rendu conseil des ministres 14 avril 2010.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
43
collectivités publiques locales sont libres de leurs politiques d’achat, mais la création
d’un organe venant a minima en aide dans ces logiques de professionnalisation
servirait à rationnaliser l’achat public local et à terme à le rendre plus performant. Ce
modèle de structure à l’échelle locale pourrait prendre toute son ampleur notamment
au sein des intercommunalités qui sont amenés à devenir le référent principal à
l’échelle locale en suivant la volonté de mettre fin à l’échelle départementale57.
Au-delà de cette nouvelle organisation tournée vers la performance, les acteurs de la
commande publique ont instauré des techniques de management détachées du
formalisme du code pour permettre un achat plus performant.
B) L’émergence de techniques de gestion d’achat performant
53. Les praticiens ont instaurés des mécanismes, non prévu par le code, aidant à
obtenir un achat public plus performant durant la passation des contrats de la
commande publique et plus spécifiquement les marchés publics. Ils utilisent là les
trois fonctions de la performance entendue, comme objectifs, comme mesure et
comme contrôle.
54. Afin de satisfaire aux exigences des articles 53,80 et 83 du code des marchés
publics, les praticiens ont instauré l’utilisation des mémoires techniques. Ces
mémoires sont des documents, non obligatoires, mais systématiquement demandés
par le pouvoir adjudicateur à l'appui de leur offre technique, pour juger la valeur
technique de l’offre. L’exigence quant au contenu du mémoire est détaillée dans le
règlement de consultation, néanmoins elle demeure souvent évasive, et l’entreprise a
une liberté tempérée dans sa rédaction. Un tel document va détailler l’offre de
manière qualitative et permettre ainsi à la personne publique d’analyser le critère
technique. Le candidat va, dans le mémoire « séduire, susciter l’intérêt, convaincre, faire
la différence par rapport aux concurrents et obtenir, in fine, le marché58 ».
57 Discours de politique générale du Premier Ministre Manuel Valls, 8 Avril 2014 ; www.gouvernement.fr. 58 Latrèche (A.), « Marchés publics : plaidoyer pour des mémoires techniques pertinents et qui engagent les candidats ! », 2 Juillet 2012, Actualité, LeMoniteur, p.01
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
44
Cette pratique instaurée au-delà du code, puis approuvée par les juges, favorise
nettement la présence et la sélection de l’offre la plus performance d’un point de vue
technique, la mise en concurrence sur un tel document favorise le choix de l’achat le
plus performant avec une présentation formelle de la valeur technique d’une offre ;
d’autant plus quand le CCAG lui confère une valeur contractuel. Il serait ainsi
envisageable de lui conférer une valeur contractuelle obligatoire afin de favoriser la
recherche de l’achat performant.
S’agissant de méthodes prétoriennes instaurées par l’acheteur public afin de
favoriser la performance de l’offre, il peut être relevé également que « l’avènement »
en moins d’une décennie des documents comme le rapport d’analyse des offres, les
détails quantitatifs, le bordereau de prix unitaire, qui ont permis d’instaurer une
méthodologie de notation ne doivent rien au droit59, et permettent une analyse de
l’offre performante.
55. En outre, en corollaire à la recherche de performance de l’achat public, le
manager de la commande publique a instauré un système d’évaluation à travers la
volonté de suivre, d’évaluer, de prédire et, in fine, d’aider la décision stratégique. Il
s’agit de la pratique des tableaux de bord ou indicateurs de performance. Ces
tableaux sont directement inspirés de la pratique du le secteur privé d’évaluer la
performance à travers son aspect de contrôle. Un tableau de bord est un document
« écran de bord » permettant de suivre l'évolution d'une activité, de constater les
écarts avec les prévisions et les objectifs et d'apporter les correctifs nécessaires. Il
s’agit d’un levier d'ajustement, qui permet de piloter efficacement le service achats-
marchés. Sa bonne utilisation va générer de la valeur et permettre de dégager les
priorités pour la mise en œuvre de la politique d'achat du pouvoir adjudicateur.
L’exigence de performance de la commande publique couplée avec le tableau de
bord permet de mettre en évidence des indicateurs destinés à suivre l’avancée des
résultats et les écarts avec les objectifs de l’achat. Il peut s’agir en pratique d’évaluer
un type de procédure de passation, sa durée ou son caractère fructueux en fonction
de l’investissement, de la période ou encore de la méthode employée pour la
59 Linditch (F.), op.cit, p.04
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
45
définition du besoin et du choix de procédure. Le tableau peut aussi permettre de
mesurer la performance des critères de sélections des offres en fonction de
l’exécution du contrat et des incidents relatifs au titulaire du contrat.
L’analyse des résultats d’un tableau de bord permet à l’acheteur public de faire un
contrôle sur sa politique de commande publique. Il existe deux types de prise de
décisions constitutives d’une telle analyse par le pouvoir adjudicateur, une
opérationnelle, une stratégique.
56. La décision opérationnelle permet par exemple dans le cas d’un suivi sur
l’avancement des procédures de marchés de décider de reporter la date de remise
des offres en cas de faible retrait de dossier de consultation. Sur un niveau plus
stratégique, si l’un des objectifs est de favoriser l’accès à la commande publique aux
PME d’innovation, un indicateur aura été fixé préalablement. Suivant l’atteinte de cet
indicateur ou les difficultés de mise en œuvre, des décisions pourront être prises de
revoir à la baisse l’objectif ou de mettre des moyens d’actions supplémentaires.
Ainsi l’analyse sous le prisme de la performance du tableau de bord permet
d’ajuster la stratégie d’achat pour l’avenir.
Le management de la commande publique permet d’encrer l’achat public vers une
quête de la performance. Mais une telle recherche suppose avant tout que soit
acceptée une nouvelle culture dans tous les services techniques mais également
juridiques. Afin d’aller au bout d’une telle stratégie, il serait envisageable de former
l’ensemble des acteurs de l’achat public à de telles pratiques et à fortiori donner à ses
outils une valeur réellement obligatoire par la force de la loi.
57. La notion de performance a une implication certaine dans la passation des
contrats de la commande publique et notamment les marchés publics. L’instauration
de l’ensemble de ces méthodes managériales ainsi que la mise en place des SAE
s’inscrit parfaitement dans la nouvelle démarche de changement des objectifs des
services publics chère au Professeur Chevalier60. On y trouve la volonté de voir une
60 Chevallier, Changement politique et droit administratif, in D. Lochak, D. Memmi, C. Spanon, P. Lehingue et al., Les usages sociaux du droit : PUF, 1989, p. 293.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La performance dans l’économie du contrat de la commande publique
46
personne publique qui ne vise pas seulement à encadrer des comportements, mais
aussi à produire certains effets économiques et sociaux tout en étant gouvernée par
une logique d'efficacité61.
58. En conclusion de chapitre : La notion de performance dans l’économie du
contrat est ambivalente. D’une part elle est utilisée afin de définir le besoin d’un
marché via les spécifications performantielles qui permettent une plus large
concurrence et donc un achat plus efficient. Et d’autre part elle est utilisée comme
objectif dans la sélection des offres via l’instauration de la sélection de l’offre
économiquement la plus avantageuse. Enfin elle permet en tant qu’objectif
également de mettre en place des techniques de management de la commande
publique résolument tournées vers la recherche d’un achat public performant. Ainsi
que se soit en tant que clause ou objectif, elle permet une meilleure efficacité de la
commande publique.
59. Il a été vu l’implication et l’intégration de la notion de performance dans
l’économie du contrat et dans l’attitude des pouvoirs adjudicateurs. Il demeure que
cette notion se doit d’être sécurisée pour pouvoir prendre pleinement son ampleur et
notamment à travers l’attitude des cocontractants de la personne publique.
61 Timsit (G.), Les deux corps du droit, Essai sur la notion de régulation » : RF adm. publ. 1996, p. 377
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
47
CHAPITRE 2 : La recherche de la performance à travers la
sécurisation juridique des actes
60. Dans les contrats de la commande publique il existe un triptyque endogène
pour sa mise en application ; la qualité du contrat en lui-même, la qualité de
l’acheteur public, mais également la qualité du fournisseur qui a été sélectionné. La
performance dans l’achat public nécessite donc son implication au niveau de ces trois
facteurs
Si la recherche de la performance du contrat en lui-même se définit lors de la phase
de passation de ce dernier et dans son économie, la recherche de la performance du
fournisseur s’établit également lors de la passation, mais aussi lors de son exécution.
En effet, le fournisseur agit dans la vie du contrat public, premièrement en tant que
candidat, c’est la phase de passation, puis en tant que fournisseur, c’est la phase
d’exécution. La personne publique agit,, elle tout d’abord en tant que
« sélectionneur » puis en tant que cocontractant public.
61. En outre, la notion de sécurisation juridique possède cette même ambivalence.
En effet, lors de la phase de passation, ce concept est assimilé à l’idée de protéger
l’accès au contrat à des candidats ne respectant pas la réglementation. Alors que lors
de l’exécution, il s’agit de mesures de protection des clauses dans sa durée contre les
aléas et les risques de défaillance du fournisseur.
Ainsi, il existe une relation d’interdépendance croisée entre les deux notions, d’une
part la performance est utilisée comme un élément de sécurisation de l’exécution des
contrats de la commande publique (§1), d’autre part, inversement, la sécurisation de
l’accès au contrat permet la protection de la performance de l’achat public à travers la
lutte contre les pratiques anticoncurrentielles (§2).
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
48
§1) La performance comme élément de sécurisation de
l’exécution des contrats de la commande publique
62. La phase de la passation des contrats de la commande publique est l’instant de
régularisation théorique de tous les fondements du contrat. La phase de l’exécution
est la mise en exergue de ces fondements et de leurs confrontations avec la pratique
réelle.
De ce fait, toutes clauses attachées à un contrat peut subir des altérations issues de la
survenance d’aléas dans l’exécution du contrat qui revêtent une importance toute
particulière dans le contrat de la commande public et particulièrement ceux de
travaux ou de maintenance qui peuvent s’avérer longs. Effectivement cette longue
durée de ces contrats a pour conséquence naturelle un nombre important d’aléas. En
outre, afin d’assurer que le partenaire privé respecte ses engagements et exécute les
clauses dans les termes convenus lors de la passation, le législateur a instauré divers
mécanismes de sécurisation. Mais en corollaire, cette sécurisation a pour objectif
intrinsèque d’éviter que le partenaire privé soit réticent à contracter avec la personne
publique via un contrat de public, du fait des incertitudes liées aux conséquences des
aléas
63. En droit, la sécurisation d’une ou plusieurs clauses a pour but de protéger,
d’un part des risques issus de l’aléa du contrat et, d’autre part permet de fixer sa
bonne exécution à travers la mise en place de mesures et moyens de protection Et
particulièrement la sécurisation de l’exécution a pour objectif de contraindre le
partenaire a exécuter correctement les clauses et de s’assurer de la qualité des
prestations réalisées et donc d’avoir un fournisseur le plus performant possible.
L’idéologie de sécurisation des contrats a poussé le législateur à trouver des éléments
contractuels de pression sur le partenaire et ceci à travers sa contrepartie principale : la rémunération. Ainsi il sera étudié les mécanismes de sécurisation de la qualité des prestations réalisées dans le contrat de partenariat à travers les clauses de performance, variables
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
49
de la rémunération du cocontractant (A), puis l’analyse s’attardera sur la réalité de la sécurisation de l’exécution de l’ensemble des contrats de la commande publique à travers les clauses de pénalité de retard (B).
A) La performance, variable de la rémunération du cocontractant dans
le contrat de partenariat : Sécurisation de la qualité la plus optimal des
prestations réalisées.
64. Le contrat de partenariat possède une logique endogène de relation
partenariale entre les deux cocontractants. Il est inscrit même dans la philosophie
d’une telle relation contractuelle que les deux partenaires vont tout mettre en œuvre
pour associer leurs intérêts et les rendre cohérents sur certains points. Parmi ces
intérêts il y a la notion de recherche de la performance contractuelle. Cette question a
dépassé le stade du simple intérêt et est devenue en soi un critère d’identification du
contrat de partenariat. Afin de mettre en œuvre cette logique du « gagnant-gagnant »
entre les partenaires, le législateur a décider de lier la rémunération de la personne
privée au respect d’objectif dit de performance.
Ce principe a été introduit à l’article 1 de l’ordonnance de 2004 de la manière
suivante « La rémunération du cocontractant fait l’objet d’un paiement par la personne
publique pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance
assignés au cocontractant ». La rédaction de 2004 ne prévoyait ainsi qu’une option
facultative de lier la rémunération à ces objectives de performance. Mais la loi du 28
Juillet 2008 change l’esprit de la relation entre performance et rémunération et
désormais la rend obligatoire ce qui se traduit par la nouvelle rédaction qui remplace
le terme « Elle peut être liée » par « Elle est liée ».
Ce changement de terminologie de la notion de performance vient accroître la
volonté du législateur de transformer le contrat de partenariat en une relation
contractuelle qui a pour réelle finalité « d’assurer une mise en œuvre du service public
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
50
plus optimale62 » en obligeant le partenaire à être performant dans l’exécution du
contrat.
65. L’objectif de performance dans le contrat de partenariat est d’inciter le
partenaire privé à obtenir les résultats attendus par la personne publique en
modulant sa rémunération à la réalisation ou non des prestations contractuelles.
C’est la première fois en droit français des contrats publics que le critère de
performance est clairement inscrit.
Il permet d’assurer à la fois la qualité de la relation contractuelle et de la prestation
réalisée et permet la sécurisation juridique des actes, des contrats et des pratiques63.
Ainsi le critère de performance se définit à travers des clauses du contrat qui ont
pour objectif d’intéresser le partenaire à une bonne et efficace gestion du partenariat
à travers, d’une part la fixation d’objectifs mesurables et, d’autre part de préciser les
conséquences sur la modulation de la rémunération du cocontractant privé en cas de
non atteinte, atteinte ou dépassement desdits objectifs. Ces objectifs sont déterminés
dans l’idée que le recours à la gestion privée est censé rendre un meilleur service, ou
en tout cas, le même service à un meilleur rapport qualité /prix, que la gestion
administrative64.
66. L’article L-1414-12 du CGCT explicite que le contrat de partenariat peut
assigner des objectifs de performance: “notamment en ce qui concerne la qualité des
prestations de services, la qualité des ouvrages, équipements et biens immatériels, les
conditions dans lesquelles ils sont mis a la disposition de la personne publique et, le cas
échéant, leur niveau de fréquentation”. Il s’agit ainsi globalement de critères objectifs
entrainant le minimum de contestation et d’incompréhension entre les parties mais
qui peuvent néanmoins trouver une forme de subjectivité dans son mécanisme de
fixation et de mesurabilité qui sera maintenant abordé à travers la réponse à la
deuxième question.
62 Y.R.Guillou, « Comment fixer le « niveau » de rémunération de l’opérateur ? », Dossier les montages complexes, Contrat Public revue n°34, Juin 2004. 63 Cabinet Earth Avocat, « La performance dans l’achat public », www.earthavocats.com. 64 P.Delelis, « Fasc. 670 : PARTENARIATS PUBLIC-PRIVE », 04 De cembre 2008, JurisClasseur Administratif, p.22.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
51
Afin de déterminer les modalités de contractualisation du critère de performance il
faut fixer les objectifs, puis définir les moyens de mesurer les objectifs fixés.
Ainsi, il existe trois situations qui permettent la fixation des objectifs à travers une
matrice de performance. Tout d’abord les objectifs fixés ne sont pas atteints et le
contrat prévoit des pénalités pécuniaires sur la rémunération du partenaire. Ensuite
les objectifs sont atteints et le contrat est exécuté normalement sans conséquence sur
la rémunération. Enfin les objectifs sont dépassés et le partenaire peut recevoir des
bonus à adjoindre à sa rémunération.
67. Pour pouvoir placer la tenue des objectifs dans cette matrice, il faut déterminer
des mécanismes de mesure des objectifs. La mesure des objectifs est précisée dans le
contrat et doit intervenir à une date précise. Pour exemple, si une clause de
performance porte sur la livraison d’un bien, il doit être précisé que cet objectif sera
mesuré à un mois de la date normalement convenue dans le contrat. La mesure doit
pouvoir tenir sur des éléments objectifs afin d’éviter toutes formes de contestation.
Ainsi dans la plupart des cas, les objectifs portent sur des éléments mesurables en
toute objectivité.
Prenons par exemple le cas d’un contrat de partenariat portant sur la construction et
l’exploitation d’une salle de spectacle. Cette salle étant placée à coté d’une école
publique, la personne publique souhaite que le lieu ait une bonne isolation phonique.
Ainsi dans le contrat de partenariat, afin que cet objectif soit réalisé, elle introduit
une clause de performance spécifiant que selon le seuil spécifique d’isolation
phonique de l’ouvrage, le partenaire sera gratifié d’un bonus ou d’une pénalité. Afin
de mesurer cet objectif il suffit de mesure le niveau d’acoustique à une date
déterminée.
68. Dans la pratique, la majorité des clauses de performance porte sur les
prestations de construction ou de transformation et en outre, sur ces prestations la
mesurabilité est le plus souvent objective. Néanmoins, il peut y avoir des clauses de
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
52
performance portant sur les prestations d’exploitation-maintenance65. En effet ces
performances peuvent être indexées aux économies réalisées ; l’opérateur est ici
rémunéré proportionnellement aux gains liés aux performances de son service. Ce
gain peut aussi être externalisé, c’est-à-dire lié à la plus grande satisfaction des
usagers. C’est sur ce type de clause de performance que la mesurabilité est la plus
subjective. En effet, pour réaliser la mesurabilité de la satisfaction des usagers,
l’organisme responsable des procédures de mesure des objectifs, qui peut être un
tiers, réalise des enquêtes de satisfaction qui par leur nature demeurent subjectives.
Ainsi, il revient à la responsabilité des cocontractants d’accepter des clauses de
performance pouvant porter sur des mesurabilités subjectives.
69. Il demeure néanmoins regrettable qu’existe la possibilité d'inclure dans le
contrat un objectif en termes de niveau de fréquentation car elle peut induire une
confusion avec la délégation de service public. En effet cette possibilité est
surprenante car le législateur66 n’a cessé de préciser la séparation entre les deux types
de contrats à travers le fait que, dans la délégation, le partenaire gère le service public
et que, dans le partenariat, ce n’est pas le cas. Et ainsi il semble que seul le délégataire
puisse pouvoir influencer sur le niveau de fréquentation à travers sa gestion du
service, possibilité non ouverte au cocontractant privé du partenariat. Ainsi la
volonté d’inclure des critères de performance portant sur la fréquentation
influencerait le partenaire privée à vouloir interférer dans la gestion du service
public pour respecter ces objectifs, alors qu’une telle gestion n’incombe
contractuellement qu’à la personne publique. Il y à l’une des conséquences de
l’introduction d’une notion issue du privé dans le public .
Au-delà de cette question qui porte à débat, la mesurabilité de certains objectifs,
notamment ceux liés à l’exploitation, demeurent techniquement très discriminante et
fortement subjectives.
65 « L’exploitation-maintenance dans les contrats de partenariat », Dossier « Loi du 28 juillet 2008 Quelle modernisation des PPP? ». Contrat Public revue n°81, Octobre 2008. 66 Re p. min. n° 22017 : JO Se nat Q, 18 mai 2006, p. 1385 ;; Contrats-Marche s publ. 2006, comm. 220, note B. Roman-Se quense. – V. e galement,P. Lignie res, La frontie re entre les de le gations de service public et les contrats de partenariat : Contrats-Marche s publ. 2005, prat. 10.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
53
70. Le principe des clauses de performance trouve son exécution concrète par,
d’une part, le paiement au partenaire privé de primes ou boni en cas de dépassement
des objectifs et d’autre part, par l’application de pénalités qui vont réduire la
rémunération du partenaire en cas de non respect des objectives.
Ainsi dans la matrice de performance précédemment présentée, les clauses de bonus
interviennent dans le cas ou les objectifs de performance ont, non seulement été
respectés, mais dépassés. Ainsi le partenaire privé se verra obtenir un intéressement
sur sa rémunération. Les clauses de bonus sont prévues initialement dans le contrat
dès la signature. Elles prévoient une somme numéraire que la personne privée
obtiendra au moment de la constatation que l’objectif a été dépassé ou que le solde
du bilan de chacun des objectifs est positif pour le partenaire. Cette clause de bonus a
le double objectif de, à la fois féliciter le partenaire pour sa participation à
l’optimisation du service public, mais aussi à l’encourager à remplir les autres
critères de performance.
71. A titre d’exemple et en revenant sur le cas de la salle de spectacle, une clause
de bonus peut être rédigée comme suit dans un contrat de partenariat : « En cas de
niveau acoustique inférieur à un seuil X à la livraison de l’ouvrage, le partenaire
recevra, avec le premier loyer, une prime d’un montant forfaitaire de XX euros HT ».
S’agissant des clauses de pénalités, elles sont appliquées dans le cas inverse, si les
objectifs de performance ne sont pas atteints. Elles se traduisent par un prélèvement
financier sur la rémunération du partenaire67.
72. Ces pénalités ouvrent un autre débat qui va au-delà même des clauses de
performances spécifiques aux contrats de partenariat, mais concerne une pratique
généralisée dans l’ensemble des contrats de la commande publique. Ces clauses de
pénalités prennent, à la très grande majorité, la forme de pénalité de retard qui seront
analysées ci-après, ainsi que leurs conséquences qui peuvent s’avérer anti-
productives et anti-performantielles.
67 En ce sens voir le principe de réduction du prix suite à une pénalité inscrit dans la loi du 11 Juillet 1979.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
54
B) Les clauses de pénalité de retard dans les contrats de la commande
publique : Sécurisation relative de l’exécution du contrat
73. Dans les contrats de la commande publique dans son ensemble et
spécifiquement pour les marchés publics, l’idéologie de la sanction du fournisseur
est innée, à l’instar des contrats de droit privé et de la pratique de l’article 1152 du
Code Civil.
Ces sanctions ont pour objectifs de sécuriser l’exécution du contrat en s’assurant que
le fournisseur remplisse de manière effectif les engagements contractuels pris lors de
la phase de passation. Il y a derrière la faculté à sanctionner le fournisseur en cas de
manquement à ses obligations contractuelles l’idée de vouloir s’assurer de la
performance du fournisseur dans l’exécution du contrat. La notion de performance
doit être entendu de la manière la plus stricte qui soit, c’est à dire l’atteinte de
l’objectif fixé qui est en l’état les clauses du contrat.
74. La notion de sanction en droit des marchés publics suppose nécessairement
une faute de nature contractuelle imputable au cocontractant, c'est-à-dire une faute
affectant l'une des obligations prévues au contrat pour laquelle l'entreprise est
défaillante. En pratique, l’une des obligations qui est le plus souvent contrôlée et
sanctionnée est le retard. Il faut entendre par retard, la remise à un temps t+1 de
l’ouvrage, du service ou des travaux par rapport au délai contractuellement prévu.
Cette clause est très protégée en ce que le délai de remise de l’achat public est un
élément déterminant du cocontractant car cette date est définie par le pouvoir
adjudicateur dans l’appel d’offre. Il s’agit pour le cocontractant public d’un facteur
essentiel dans le contrat, qui garantit la performance du fournisseur.
75. Ainsi en pratique, l’instrument le plus utilisé en terme de sanction financière
est la clause de pénalité de retard. Il n’existe aucun texte légal ou réglementaire qui
définisse les pénalités de retard au sein des marchés publics. Néanmoins il est
généralement admis de définir ces dernières comme des sommes forfaitaires dues
par une des parties lorsque le délai contractuel de livraison n’est pas respecté. Elles
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
55
ne s’appliquent que si le marché le prévoit et si le retard est imputable au titulaire
sanctionné. En effet il ne peut y avoir application de pénalités qu’en présence de
clause les prévoyant expressément, de fixation contractuel d’un délai d'exécution et
de dépassement de ce délai68.
Les pénalités en droit administratif français sont soumises à un régime spécifique qui
oblige au respect d’une procédure particulière qui demeure substantielle pour la
légalité du prélèvement.
76. Cette procédure débute avec une mise en demeure du cocontractant privé qui
a pour objectif d’indiquer au partenaire le non respect des délais. Ensuite à l’issu du
délai, la personne publique à le choix d’infliger les pénalités au partenaire ou bien
d’y renoncer. En cas d’application de sanction, il s’agit de l’application d’un pouvoir
d’ordre public qui ouvre le contrôle du juge. Mais le juge administratif s’est toujours
refusé de modifier le montant de la pénalité prévu au contrat malgré la possibilité
ouverte par l’article 1152 du code civil69. En cela, il n’a jamais voulu appliquer le
régime des clauses pénales à celui des clauses de pénalités, malgré des effets
similaires.
77. Dans son application les clauses de pénalités posent un débat sur leurs réelles
efficacités et sur leur impact sur la performance du fournisseur et celle de l’achat
public. En effet, dans la philosophie des contrats publics, les clauses de pénalités ont
pour double objectif la réparation du préjudice contractuel subi par la personne
publique et la dissuasion de manquement répété dans le but de protéger et
d’optimiser l’efficacité du service public.
Mais ceci pourrait également entrainer un effet contre-productif dans le sens où le
cocontractant privé pourrait délaisser l’aspect qualitatif du projet pour se concentrer
sur le respect de données chiffrables et des dates de livraison uniquement En effet,
via l’utilisation de ces clauses de pénalités qui sont censées assurer une exécution
performante des clauses du contrat, et précisément la date de livraison, le fournisseur
68 CE, 17 avr. 1985, OPHLM Meuse c/ Amiel et a. : RD publ. 1985, p. 1706 69 « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
56
va s’assurer de livrer un bien à temps pour ne pas se faire sanctionner, sans assurer la
livraison d’un bien de qualité. Et suite à cela, entrent en jeux les effets des garanties.
En droit des marchés publics, en matière de travaux il existe trois strates de
garanties, celles de parfait achèvement, celles biennales et celles décennales. La
garantie de parfait achèvement impose au constructeur de réparer toutes les
malfaçons survenues au cours de l'année qui suit la réception des travaux, quelles
que soient leur importance et leur nature. La garantie biennale oblige le constructeur
à remplacer tout équipement dont le fonctionnement n'est pas opérationnel au cours
des deux années qui suivent la réception des travaux. Enfin la garantie décennale
impose au constructeur, sur une durée de 10 ans, de réparer les dommages qui
compromettent la solidité et ses éléments d'équipements indissociables touchant à la
structure même de la construction ou qui rendent l’ouvrage impropre à sa
destination.
78. L’objectif de ces garanties est de mettre à la charge de l’entrepreneur
l’ensemble de la défaillance de l’ouvrage. Néanmoins le jeux des assurances,
notamment celles des constructeurs, assurances dommage-ouvrage et celles
décennales de la personne publique permettent de financer ces réparations, soit celles
des constructeurs dans le cas des dommages couverts par les garanties soit celles de
la personne publique pour les dommages non couverts mais liés à un défaut initial
de l’ouvrage.
Ainsi l’utilisation de ces garanties qui ont pour objectif de couvrir les possibles
défaillance de l’ouvrage légitimisme dans une certaine mesure la possibilité offerte
aux constructeurs de livrer un bien de moins bonne qualité car par le jeu des
assurances les frais de réparation des défaillances seront couverts par l’assureur. A
cet effet, il serait envisageable de convenir que dans une situation d’urgence le
fournisseur favorisera la livraison d’un bien à la date T, sans procéder à des
vérifications de l’ouvrage, afin d’éviter de se voir sanctionner par les clauses de
pénalités de retards et d’assurer les défaillances causées par l’urgence par le jeu des
garanties.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
57
Et si l’aspect économique est a relativiser car il y aurait un coût certain dans ces
réparations pour le constructeur, deux aspects restent néanmoins discutables. D’une
part la possibilité pour la personne publique de recevoir un ouvrage public qui
souffrirait de défaillance à réparer et donc la livraison d’un ouvrage public qui ne
serait pas totalement performant en terme de qualité. Et la principale victime d’un tel
ouvrage serait l’usager public et ipso facto l’intérêt général. Et d’autre part, par
certaine défaillance non couverte par les garanties qui demeureraient à la charge de
la personne publique et donc constitueraient une atteinte au principe même de
protection des deniers publics défendue par l’article premier du code des marchés
publics.
79. En conclusion l’introduction des clauses de pénalité de retard entraîne des
conséquences paradoxales en terme de performance. D’une part elles permettent
d’assurer la performance du fournisseur privé en l’incitant à livrer un bien à la date
prévue et donc d’assurer une relation performantielle dans l’achat public. Mais
d’autre part la pression de cette sanction financière peut pousser le constructeur à
délaisser l’aspect qualitatif du projet et donc la performance fonctionnelle de l’achat
public. C’est pour cela que ses acteurs militent en faveur d’une limitation ou d’un
plafonnement des pénalités dans la durée mais aussi dans la nature des parts de
financement. Il faut retenir que pour une bonne application de ces clauses, leurs
montants doivent être incitatifs mais aussi proportionnés et équilibrés.
Au delà de la sécurisation de la performance du fournisseur, la recherche de cette
dernière passe également par la protection contre des attitudes non performante
dudit fournisseur.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
58
§2) Les mécanismes de protection de la performance : la lutte
contre les pratiques anticoncurrentielles
80. La recherche de la performance du fournisseur à travers la sécurisation des
actes ne passe pas uniquement par l’élaboration de mécanismes financiers assurant
l’exécution performante des actes du cocontractant privé. En effet, elle passe
également par l’élaboration de mécanismes permettant de protéger l’achat public de
pratiques de fournisseurs agissant sur le marché à travers des actions sclérosants la
performance de la commande publique. Ces actions sont des agissements du
fournisseur qui dérogent à des mécanismes assurant la performance de la commande
publique.
81. La protection de cette performance passe par la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles des candidats mais également celles de l’acheteur public.
Les précédentes démonstrations (cf.8) ont démontré qu’il existait un lien
d’interdépendance entre la notion de performance de la commande publique et celle
d’ouverture à la concurrence des offres. En effet, la performance permettant une plus
large ouverture à la concurrence à travers les spécifications performantielles et la
concurrence, est un facteur de performance de l’achat public en favorisant un accès à
l’offre plus large et donc une sélection plus efficace.
82. En somme, la protection de la concurrence en droit des marchés est une
démarche essentielle de performance de l’achat public. A cet effet les politiques
publiques ont érigé en véritable droit la lutte contre les actions anticoncurrentielles.
En droit de la commande publique cette lutte est bicéphale, une action concentrée sur
le respect de la concurrence par le pouvoir adjudicateur agissant sur un marché
concurrentiel (A) et une autre action, plus vaste et plus punitive centrée sur les
pratiques anticoncurrentielles du fournisseur public (B).
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
59
A) La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles de l’acheteur
public
83. La lutte contre les attitudes anticoncurrentielles de l’acheteur public est
principalement assurée par l’application du grand principe de la transparence. En
effet, cette notion indiquée dans l’article premier du Code des marchés publics mais
qui s’applique à l’ensemble des contrats de la commande publique, a pour but
l’instauration des obligations de publicité et de mise en concurrence. Ces obligations
définies par les directives et par les seuils, obligent les acheteurs publics à faire un
certain degré de publicité à l’échelle européenne aux dessus des seuils ainsi qu’une
publicité minimum obligatoire en cas d’intérêt transfrontaliers par application de
l’arrêt de la CJCE de 2000 Telaustria 70. Au-delà de ces obligations de publicités, le
respect des étapes de la procédure de passation est essentielle car elles empêchent
l’acheteur public de fausser le jeu de la concurrence en favorisant un candidat par
rapport à un autre.
84. Le manquement à ces règles est largement placé sous le joug du recours
contentieux. En effet, les législateurs ainsi que les juges ont crée de nombreux recours
contentieux en cas d’atteinte à ces règles de concurrence et de publicité. Ainsi pour
les candidats évincés il existe le recours précontractuel et contractuel des articles 551-
1 et suivant de Code de Justice Administratif qui leurs permettent de sanctionner les
préjudices subis en cas d’altération à ces règles. Au-delà de cela il est possible aux
candidats évincés71 et désormais à tous les tiers intéressés72 de faire un recours en
plein contentieux contre tout manquement dans la passation du contrat de la
commande publique et également dans les règles de mise en concurrence. En somme
les pouvoirs publiques ont crée un large panel de sanctions en cas d’atteinte à la
concurrence et cela assurant la performance de l’achat public en la protégeant.
70 CJCE, 7 décembre 2000, affaire C-324/98, « Telaustria et Telefonadress » 71 CE, 16 juillet 2007 « Société Tropic Travaux Signalisation » req. n° 291545 72 CE, 4 avril 2014, ass., « Département de Tarn-et-Garonne », n° 358994
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
60
Mais au-delà, les personnes publiques en tant qu’agents économiques se doivent
également de respecter les grands principes de la concurrence depuis l’édiction de
l’article 53 de l’ordonnance de décembre 1986, maintenant codifié dans l'article L 410-
1 du Code de Commerce. Selon cette disposition les personnes morales de droit
public sont soumises au droit de la concurrence pour leurs activités de production de
distribution et de services.
Enfin la personne publique se doit aussi, quand elle est dans la position de
fournisseur, de ne pas abuser de sa faculté de personne publique afin de ne pas faire
acte de distorsion de concurrence73.
En somme l’opacité des possibilités de recours contre la personne publique en cas
d’atteinte à la concurrence démontre que la protection de cette dernière a pour
objectif de protéger la performance de l’achat public en sanctionnant toutes
altérations.
B) La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles du fournisseur
dans un contrat de la commande publique
85. La protection de la performance de l’achat public passe aussi par la lutte
contre les attitudes anticoncurrentielles des fournisseurs. A cette fin les candidats à
un achat public sont placés sous le contrôle de l’Autorité de la concurrence
anciennement le Conseil de la Concurrence. Cette institution à pour objectif de
prospecter, prévenir et sanctionner toutes entreprises qui dans leurs attitudes lors de
la proposition d’une offre publique seraient susceptibles d’avoir des pratiques
anticoncurrentielles.
86. De manière exhaustive, il existe deux types de pratiques particulièrement
sanctionnées ;
Les ententes : L’Autorité de la concurrence la définit comme « Une
concertation entre plusieurs acteurs économiques qui décident d'agir ensemble pour ajuster
73 CE, avis, 8 novembre 2000, « Sté Jean Louis Bernard consultants », req. n° 222208
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
61
leurs comportements, au lieu de concevoir leur stratégie commerciale de façon indépendante,
comme l'exige la loi. De telles ententes sont prohibées lorsqu'elles empêchent, restreignent ou
faussent le jeu de la concurrence sur un marché74 ». Ces comportements se manifestent
par l’utilisation par le fournisseur candidat de barrières à l'entrée des concurrents sur
un marché, d’échanges d'informations sur les prix entre les candidats pour proposer
des offres uniformisées et volontairement basses pour ne pas laisser le choix à
l’acheteur, par la pratique d’offre de candidatures de couverture qui consiste en la
présentation de candidatures de mauvaise qualité par des fournisseurs
commanditées par un autre agent économique désireux de remporter le marché.
Les abus de position dominante : Elles sont définies par l’Autorité
comme : « Des pratiques bilatérales ou multilatérales, les abus de position dominante sont en
général des pratiques unilatérales émanant d'un acteur économique qui use de sa position de
force sur un marché pour le verrouiller, pour évincer ses concurrents ou pour empêcher
l'arrivée de nouveaux entrants75 ».
87. L'Autorité de la concurrence peut prononcer des injonctions et infliger des
sanctions aux auteurs des pratiques incriminées, celles-ci étant proportionnées à la
gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la
situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné ou du groupe auquel
l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques76. Néanmoins la
pratique de l’Autorité est de favoriser la pratique de la clémence et des actes
d’engagement. Cette pratique consiste en le fait de prévenir les agents économiques
susceptibles d’agir de manière anticoncurrentielle de leurs pratique litigieuse et de
leur permettre de réduire leurs peines à la double conditions qu’ils s’engagent à
arrêter ces pratiques et qu’ils demeurent silencieux sur une telle procédure afin de
permettre à l’Autorité d’enquêter sur les autres membres de l’entente.
Ainsi l’instrument contentieux de l’Autorité permet de sanctionner les attitudes
anticoncurrentielles des fournisseurs présents sur les marchés publics. Une telle
74 www.autoritédelaconcurrence.fr 75 www.autoritédelaconcurrence.fr 76 www.eco.e-bourgogne.fr
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
62
sanction permet de favoriser la présence d’une multitude de candidat, notamment
des PME qui présentent individuellement des offres les plus compétitives possible
par le jeu de la concurrence et assurant ainsi un plus large choix à l’acheteur public
et, in fine, un achat public plus performant.
88. Mais en pratique, quid de l’oligarchie des grands groupes de fournisseurs qui
répondent à la grande majorité des contrats ? En effet dans la réalité économique des
contrats de la commande publique et spécifiquement les marchés globaux comme les
contrats de partenariat, le marché est constitué principalement de trois grandes
entreprise, Eiffage, Bouygues Immobilier et Vinci. Il est avéré que malgré cette situation
d’oligopole triangulaire, par le jeu de la sous-traitance et par l’esprit de compétition
qui existe historiquement entre ces groupes, le jeu de la concurrence semble être
assurée. Néanmoins un contentieux récent est venu relancer le débat sur l’aspect
anticoncurrentiel de ce marché oligopolistique : celui de la Route Littoral de l’île de la
Réunion. En effet, cinq marchés pour un montant total de 1,3 milliard d’euros ont été
attribués en juin et octobre 2013 par la Région de la Réunion. Pour l’occasion, les
groupes Vinci et Bouygues se sont réunis dans un groupement d’entreprises pour
répondre à la concurrence de Eiffage. A l’issu de la passation le groupement Vinci-
Bouyges et leurs filiales réunionnaises ont enlevé quatre lots, d’un montant total de
1,2 milliard d’euros, dont la réalisation du viaduc en mer et de la digue. Lors de
l’audience du référé introduit par Eiffage, son avocat, Me Yann Aguila, avait indiqué
que l’alliance entre « Bouygues et Vinci », n°1 et n°2 du BTP, habituellement
concurrents, visait à « assécher la concurrence77 ».
Dans son ordonnance de Décembre 2013 le président du tribunal administratif de
Saint-Denis a considéré sur le fond que la création d’un groupement réunissant deux
majors du BTP était « techniquement et économiquement justifié » au vu du coût du marché
et des difficultés techniques de réalisation 78». Et sur la forme, a déclaré irrecevable le
recours pour absence de respect des articles 551-1 et suivants sur les délais de remise
77 « Nouvelle route du littoral à la Réunion: rejet du recours d’Eiffage » LeMoniteur.Fr, Décembre 2013 78 Ordonnance n° 1301217 du 2 décembre 2013 du président du tribunal administratif de Saint-Denis
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
63
d’un tel recours. Par un arrêt du 5 Mars 201479 le Conseil d’Etat a validé la position
du tribunal administratif mais en statuant uniquement en légalité externe.
La position au fond du tribunal administratif de Saint-Denis paraît néanmoins
critiquable. En effet, à l’aune de l’interprétation de l’Autorité de la Concurrence sur
la notion d’entente, il paraît envisageable de penser que sur un marché si restreint
l’alliance exceptionnelle entre deux des acteurs du marché contre un autre
concurrent peut s’apparenter à une forme d’entente. Néanmoins en matière de référé
précontractuel, le contentieux se passe uniquement devant le juge administratif qui
ne possède pas en l’espèce les mêmes interprétations économiques que l’Autorité de
la Concurrence. Il est concevable de penser ainsi que la compétence économique du
juge administratif en matière d’atteinte à la concurrence demeure restreinte sur ces
notions d’ententes et d’abus de position dominante.
En la matière, l’attitude de l’Autorité permet de lutter contre les attitudes
anticoncurrentielles des fournisseurs et ainsi de protéger la performance de l’achat
public avec la seule nuance que l’interprétation restrictive du juge administratif en la
matière demeure une brèche à sa protection efficiente.
89. En conclusion de chapitre: La notion de performance prend toute son
ampleur dans sa relation avec le fournisseur public. Elle permet, d’une part à la
personne publique de sécuriser l’exécution des clauses initiales du contrat, le rendant
plus efficient, d’autre part son importance est telle qu’il existe de nombreux
instruments juridiques existants qui ont pour objectif de lutter contre l’une des armes
de la performance à savoir le jeu de la concurrence entre les fournisseurs dans l’accès
à la commande publique.
Néanmoins elle emporte deux conséquences négatives, d’une part dans son aspect de
clause de pénalité de retard où elle pousse l’entrepreneur a avoir une démarche
quantitative au lieu de qualitative et d’autre part dans la lutte contre les pratiques
anticoncurrentielles où l’interprétation du juge administratif qui se borne à utiliser
une démarche économique demeure une brèche dans la lutte contre l’atteinte à la
concurrence dans les contrats de la commande publique.
79 CE, « Société Eiffage TP » 5 Mars 2014, recueil LeBon n° 374048
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La recherche de la performance à travers la sécurisation juridique des actes
64
90. En conclusion de partie : La notion de performance est utilisée afin de
rechercher la passation d’un achat le plus performant possible et d’étayer une
économie du contrat la plus performante.
Il a été attesté que les armes de la performance dans l’économie du contrat sont :
l’ouverture des contrats publics à la concurrence la plus large possible, l’usage d’une
sélection axé sur le mieux-disant et non plus du moins-disant, l’utilisation de clauses
favorisant l’innovation dans les candidatures, la mise en place de structures qui
professionnalisent l’achat publique, l’utilisation de techniques d’achat issus du
management privé et l’emploi de la performance pour sécuriser l’exécution des
prestations des fournisseurs, tout ceci étant guidé par à l’idée de gestion efficace dans
l’utilisation des deniers publics80. La performance étant également protégée via les
instruments de sanction des agissements anticoncurrentiels.
Ainsi la dernière décennie a connu la consécration de l’utilisation d’objectifs de
performance au service de l’achat public. Ces objectifs attachés à l’économie du
contrat à assigné l’acheteur public à la recherche d’une performance que l’on peut
aisément qualifiée de performance principalement économique et résumable par un
adage simple « dépenser moins en améliorant la qualité des prestations livrées 81
80 Linditch, Le droit des marchés publics, 6éme éd., Dalloz, Paris, 2009 ; Nouveau jurisclasseur Contrats et marchés publics, Editions du Jurisclasseur, n° 36 ; 81 Linditch (F.) « Performance publique et marchés publics, une rencontre impossible », 2 Février 2014, p.01
65
DEUXIEME PARTIE : VERS UNE NOUVELLE
APPROCHE DE LA PERFORMANCE DANS LES
CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Partie 2 : Vers une nouvelle approche de la performance dans les contrats de la commande publique
66
91. L’importance quantitative et qualitative des contrats de la commande
publique et leurs retombées directes et indirectes dans la vie d’un Etat sont
indéniables, permettant de mettre en pratique les politiques publiques. Ces contrats
sont au service du développement des services publics, des infrastructures
publiques, des actions publiques et permettent une utilisation performantielles des
deniers publics.
Les politiques publiques ont toujours eu l’ambition de donner une valeur
d’exemplarité au fonctionnement des contrats de la commande publique et
particulièrement aux marchés publics 82 . A cet effet, depuis l’intégration de
l’ordonnance de 2004 relative au contrat de partenariat et du code des marchés
publics de 2006, l’un des mécanismes d’exemplarité a été l’utilisation et la mise en
pratique de la notion de performance. Comme il a été précédemment vu, cette notion
est utilisée afin de rechercher la passation d’un achat le plus performant possible et
d’étayer une économie du contrat la plus performante.
92. Mais cette idéologie étant désormais actée, ou en tout cas leurs objectifs, les
décisions publiques des cinq dernières années en droit communautaire comme
interne, ambitionnent une toute nouvelle approche de la notion de performance dans
les contrats de la commande publique. Une approche qui va au-delà de la simple
atteinte d’objectifs de performance économique ou de clause de performance interne
aux contrats. Il s’agit d’une nouvelle démarche qui ambitionne un contact holistique
de la performance du contrat public.
Ainsi la performance n’est plus utilisée uniquement comme élément de l’économie
du contrat, mais dans un mouvement difracté, c’est le contrat dans son intégralité qui
devient le bras armé de la recherche de performance. La performance devenant ainsi
une enzyme endogène au contrat permettant de synthétiser l’ensemble du corps de
ce dernier autour de l’atteinte d’un objectif défini par des ambitions de politique
publique.
82 Reis (P.) , La concurrence et les marchés publics, éd. Presses universitaires du Septentrion, 2001, p. 141 et s. ; Marchés publics et ordre concurrentiel, in L’ordre concurrentiel, mélanges A., Pirovano, éd. Frison-Roche, Paris, 2003, p. 145.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Partie 2 : Vers une nouvelle approche de la performance dans les contrats de la commande publique
67
Cette nouvelle approche de la politique de la commande publique, a permis de
placer au premier plan un des objectifs publics : la recherche de la performance
environnementale.
La considération environnementale est déjà très présente dans le régime de passation
des contrats publiques, mais la nouvelle approche de la performance met en exergue
cette notion et module l’intégralité du contrat autour des ambitions d’efficacité
environnementale (Chapitre1).
Il est ainsi indéniable de constater que la politique de la commande publique est
passée à un stade supérieur de l’affirmation de la performance. Du fait qu’elle soit
économique ou environnementale, la recherche de la performance est affirmée, mais
est-elle suffisante ? Est-il possible, à l’aube de cette nouvelle idéologie, de l’aborder
de manière sectorisée ? Il semble nécessaire que la commande publique, afin de
répondre aux nouveaux défis du XXIème siècle, traite de manière exponentielle la
recherche de la performance en l’abordant de manière globale (Chapitre2)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
68
Chapitre I : La recherche de la performance environnementale
dans les contrats de la commande publique : le contrat de
performance énergétique.
93. Les juges français et communautaires se sont longtemps fondés sur les
principes fondamentaux de la commande publique afin de freiner l’inclusion de
préoccupation environnementale dans les contrats83. Néanmoins, en 1992, lors du
sommet de Rio, l’Union Européenne ainsi que la France, se sont engagées dans une
démarche forçant lesdits juges à revoir leurs réticences. En effet, lors de ce sommet
de l’environnement et du développement durable, ils se sont engagés à travers la
voix des Nations au programme « Action 2184 » qui dispose dans son chapitre 4 § 23
que "les Gouvernements (...) devraient donc réexaminer les politiques d'achats de fournitures
de leurs organismes et départements afin d'améliorer si possible l'élément environnement de
leurs procédures d'acquisition, sans préjudice des principes du commerce international".
La promotion de l’intégration de la notion de développement durable entendue
comme « la réponse aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs, notamment environnementale 85» a fait suite à ce sommet et a
été une source de conflit entre les juges nationaux et les juges communautaire jusqu’à
sa cristallisation avec l’arrêt de la CJCE Concordia de 2002 et l’acceptation des
considérations de développement durable et de protection de l’environnement dans
la passation des marchés.
83 Cantillon (G), « Marché Public et Développement Durable » Fasc.770-12, JurisClasseur, 17 Octobre 2011, p.04 84 Son intégration en droit interne français s’est fait via la loi (L. n° 95-115, 4 févr. 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, art. 25, II : Journal Officiel 5 Février 1995)
85 Notre avenir à tous, Rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU, présidée par Gro Harlem Bruntland, avr. 1987
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
69
A partir de cet instant, au fil de ces trois codes, les préoccupations
environnementales sont passées des conditions d'exécution (CMP 2001, art. 14), aux
critères de choix de l'offre (CMP 2004, art. 53), à la définition des besoins (CMP 2006,
art. 5), en passant par les spécifications techniques (CMP 2006, art. 6) comme il a été
vu dans la première partie. Il a donc été institué une véritable obligation de moyens86
qui engage l’acheteur à porter sa réflexion sur la possibilité d’intégrer des principes
du développement durable au moment de la définition de son besoin. Puis l'article 6
de la Charte pour l'environnement est venue affirmer cette obligation en disposant
que "Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles
concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique
et le progrès social". Les pouvoirs publics n’ont eu de cesse d’intégrer progressivement
les objectifs du développement durable dans les politiques d'achat public.
94. Mais cette intégration s’est faite au sein des contrats déjà existants et il s’est
avéré nécessaire de passer d’une obligation de performance environnementale de
moyens à une obligation de résultat et c’est dans ce cadre que sont nés les contrats de
performance énergétique. Pour reprendre la précédente métaphore, la performance
environnementale a été utilisée comme enzyme au contrat qui à permis de
synthétiser un contrat axé exclusivement sur la recherche de la performance
énergétique et ceux donnant une nouvelle dimension au développement durable
dans les contrats de la commande publique.
95. La performance énergétique correspond à la quantité d’énergie consommée ou
estimée dans le cadre d’une utilisation normale d’un bâtiment. L’atteinte à une
efficience énergétique a pour source la préservation de l’environnement et donc
contribue à atteindre des objectifs de performance environnementale en tant que
telle.
Il sera donc étudié l’intégration de ce processus relevant d’une véritable révolution
dans l’univers des contrats publics à travers l’application novatrice de la notion de
performance (§1), puis ses applications pratiques qui permettent de mettre en clef de 86 Rép. min. n° 2 5167, B. Piras : JO Sénat Q 9 nov. 2006, p. 2793
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
70
voute la performance environnementale vis à vis de la recherche d’autre type de
performance sectorielle (§2).
§1) L’intégration d’un contrat public au service de la
performance environnementale.
96. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, le Plan Bâtiment a été adopté
en fixant des objectifs chiffrés afin de lutter contre le changement climatique ainsi
que d’obtenir une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre
(GES). Un point de passage a été fixé à 38 % de réduction de la moyenne de
consommation énergétique du patrimoine bâti en 202087. En effet, le bâtiment est le
secteur le plus consommateur d’énergie, il représente ainsi 40% de la consommation
énergétique totale de l’Union européenne. En France, le secteur du bâtiment
consomme 43% de l’énergie finale totale et génère 23% des émissions de gaz à effet
de serre88. Pour tenir ces objectifs, le secteur immobilier, fortement émetteur de GES, dispose de
techniques, notamment sur l’enveloppe du bâti existant, mais pas nécessairement des
outils juridiques ou financiers pour agir à cet effet.
97. Afin de relever les défis du Grenelle de l’environnement, il a fallu créer ce
cadre juridique et réglementaire. Cet outil est une évolution, voire une révolution,
dans l’ordonnancement des contrats de la commande publique car la notion de
performance est entrée au cœur de la définition même du contrat et ce, au service de
l’environnement. L’approche de la performance n’est pas entendu comme de simples
clauses au service de l’économie du contrat, mais comme une ligne directrice
87 Article 5 de la LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement (1). 88 « Les contrats de performance énergétique, rapport au Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement » O.Ortega, p.11.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
71
caractérisant les objectifs même de l’engagement et irriguant toutes les strates du
contrat et toutes ses clauses. Il sera vu les objectifs du contrat de performance
énergétique (A) ainsi que son régime performantiel (B).
A) Les objectifs du contrat de performance énergétique
98. L’émergence juridique des contrats de performance énergétique trouve tout
naturellement son fondement dans un contexte international d’accord de réduction
de consommation énergétique. D,u sommet de Rio du 14 Juin 1992, à la conférence
de Durban du 11 Décembre 2011, les Etats signataires se sont engagés à prendre des
mesures politiques afin de «stabiliser [...] les concentrations de gaz à effet de serre dans
l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système
climatique”89 et de favoriser «l’accroissement de l’efficacité énergétique dans les secteurs
pertinents de l’économie nationale
De ce fait, à l’instar de ses Etats membres, l’Union européenne a ratifié les différents
protocoles et a pris des mesures pour respecter les engagements de réduction
collective de 8% de ses émissions de GES pour 2012. L’une des mesures phares se
trouve dans l’adoption de la directive 2006/32/CE du 5 Avril 2006 relative à
l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques.
L’Union incite ses Etats à prendre des mesures juridiques afin de promouvoir un
marché des services énergétiques pour la fourniture de programmes d’économie
d’énergie. C’est ainsi, de manière analogue qu’a été érigé pour la toute première fois
le Contrat de Performance Energétique. La première définition qui y était donnée a
été abrogée et reprise dans la directive 2012/27/UE du 25 Octobre 2012. Ainsi, le
CPE est défini au niveau communautaire comme :
« Un accord contractuel entre le bénéficiaire et le fournisseur d'une mesure visant à améliorer
l'efficacité énergétique, vérifiée et surveillée pendant toute la durée du contrat, aux termes
duquel les investissements (travaux, fournitures ou services) dans cette mesure sont
rémunérés en fonction d'un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique qui est
89 Article 2, Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, 1992, p.04.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
72
contractuellement défini ou d'un autre critère de performance énergétique convenu, tel que
des économies financières »90.
L’intégration dans le droit interne français s’est fait par la voie habituelle de la
ratification et des adoptions des directives européennes lors des lois de Grenelle de
l’environnement. Ces lois91 invitent notamment l’Etat et les collectivités territoriales à
conduire des opérations de réhabilitation de bâtiments via le mécanisme des contrats
de performance énergétique.
99. A cet effet l’article 5 de la loi Grenelle I indique que, d'une part, “si les
conditions définies par l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de
partenariat sont satisfaites, il pourra être fait appel à des contrats de partenariat pour réaliser
[des] travaux de rénovation en matière d'économie d'énergie” sur certains bâtiments de
l'État et, d'autre part, que “le droit de la commande publique devra prendre en compte
l'objectif de réduction des consommations d'énergie visé au premier alinéa en autorisant le
pouvoir adjudicateur à recourir à un contrat de performance énergétique, notamment sous la
forme d'un marché global regroupant les prestations de conception, de réalisation et
d'exploitation ou de maintenance, dès lors que les améliorations de l'efficacité énergétique
sont garanties contractuellement”92.
100. La définition interne des CPE est donc la définition européenne, il n’existe pas
en droit interne de qualification spécifique. C’est en ce sens que le rapport Ortega,
rendu à la Ministre de l’Ecologie et du Développement durable en Mars 2011,
proposait d’apporter la définition interne suivante :
« Est appelé CPE, tout contrat conclu entre le maître d'ouvrage d'un bâtiment et une société
de services d'efficacité énergétiques visant à garantir, par rapport à une situation de référence
contractuelle, une diminution des consommations énergétiques du bâtiment ou du parc de
90 Article 1er, §27, Directive 2012/27/UE 91 La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005(Journal Officiel 14 Juillet 2005), La loi n° 2009-967 du 3 août 2009(Journal Officiel 5 Aout 2009), dite Grenelle I. 92 Tenailleau(F.), « Contrats Globaux de Performance Energétique », JurisClasseur ; Fasc 650, 3 janvier 2013, p.04.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
73
bâtiments, vérifiée et mesurée dans la durée, par un investissement dans des travaux,
fournitures ou services »93
101. Le CPE est donc un accord contractuel entre le client et le prestataire sur une
mesure visant à améliorer la performance énergétique, selon lequel des
investissements sont consentis afin de parvenir à un niveau d’amélioration
contractuellement défini et garanti dans la durée. Techniquement, les instances
européennes définissent cette amélioration énergétique comme « un accroissement du
rapport entre les résultats, le service, la marchandise ou l’énergie que l’on obtient et l’énergie
consacrée à cet effet à la suite de modifications d’ordre technologique, comportemental et/ou
économique94».
Ainsi le champ d’action des CPE se trouve à la fois dans l’amélioration des
équipements à travers l’achat de matériels technologiquement plus performants ;
dans la construction afin de procéder à de meilleure isolation thermique ; dans le
financement pour l’utilisation d’énergies renouvelables ; mais aussi dans la
responsabilisation des utilisateurs au travers de leur usage quotidien du bâtiment
qu’ils occupent. Le terme de contrat de performance énergétique couvre ainsi des
réalités très largement différentes allant du simple contrat d’entreprise jusqu'à la
conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance.
102. Ainsi la logique qui prédomine le recours au CPE est quadruple pour l’usager
et se tourne exclusivement vers un système le plus avantageux pour les
cocontractants afin de faciliter l’accession à un tel contrat et d’atteindre une
performance énergétique. :
94 Article 1er(‘4-6), §27, Directive 2012/27/UE
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
74
Investir : Tout d’abord l’usager procède à un investissement financier important afin
de réaliser les travaux. Il s’agit d’un investissement, matériel ou immatériel, porté
par le maître d’ouvrage ou l’utilisateur, la société de services d’efficacité énergétique
ou un tiers95. Cet investissement ayant pour objectif de modifier les caractéristiques
du bâtiment pour améliorer la performance énergétique.
Cet investissement lourd, peut être un frein à l’initiative, néanmoins il peut être
délégué à un tiers dit le Tiers-Investisseur. Son rôle essentiel dans la réussite d’un tel
contrat fera l’objet d’une étude approfondie (cf. Le Financement des contrats de
performance énergétique : l’opportunité du Tiers investissement)
Rénover : Ces investissements sur les immeubles ont pour objectif de couvrir les
carences énergétiques en procédant à des travaux allant de la modernisation des
équipements et matériels délivrant l’énergie finale et/ou primaire jusqu’à la
modernisation des bâtiments par un traitement global de leur enveloppe, extérieure
et/ou intérieure, en incluant ou pas des activités d’exploitation, de maintenance et
d’entretien.
Economiser : Une fois les travaux sur le bâti exécutés, l’usager retrouve un bien à
énergie positive, qui générera un coût énergétique substantiellement inférieur. Une
fois les coûts de l’investissement initial amortis, le dépositaire du bien rénové
réalisera des économies prégnantes en terme de coûts énergétiques. La possibilité
d’économie sur le long terme offerte est d’autant plus importante qu’il est concevable
de penser que le prix de l’énergie est sur tendance progressive. De plus il faut sur du
long terme, prendre en considération l’amélioration de la valeur patrimoniale du
bien rénové, d’autant plus que la politique en matière de rénovation des logements
tend vers la mise en place d’une obligation de travaux de rénovation énergétique
pour 205096.
96 Leyens (E.), « Rénovation énergétique des logements : « Nous devons aller vers une obligation de travaux », affirme Cecile Duflot », Le Moniteur.fr, 12 Février 2014 ; p.01.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
75
Performance énergétique : Le corolaire d’un bien énergétique positif est qu’il émet
un faible taux de gaz à effet de serre. De la sorte, avoir recours au contrat de
performance énergétique contribue à atteindre, à l’échelle humaine, les objectifs du
Facteur 497.
Ainsi le but est d’offrir un instrument contractuel capable d’entreprendre des travaux
afin de limiter l’impact sur le climat d’une consommation énergétique exponentielle
sur le parc immobilier existant et d’offrir un instrument capable d’atteindre des
objectifs de performance environnementale et énergétique. Il sera à présent étudié
son régime performantielle.
B) Le régime performantielle des contrats de performance énergétique
103. Le contrat de performance énergétique étant récent, il convient d’en donner les
caractéristiques essentielles afin de pouvoir l’identifier et le différencier des
prestations de services énergétiques classiques.
À ce jour, le CPE n’est pas un contrat de droit public ou privé nommé, régi par des
dispositions législatives et réglementaires spécifiques, néanmoins tout CPE doit
contenir cinq clauses essentielles que nous allons détailler.
104. Les deux premières clauses sont issues de la théorie classique des contrats à
savoir l’objet et les cocontractants. S’agissant de l’objet, le CPE peut recouvrir, selon
la volonté du prestataire, mais surtout selon les besoins du client, plusieurs
prestations : tout ou partie du financement, la conception et la réalisation,
l’exploitation, la maintenance, la modernisation et le renouvellement d’équipements
énergétiques et la fourniture d’énergie. Le périmètre du contrat peut également
varier selon l’action de l’efficacité énergétique recherchée : approche
globale/rénovation lourde, bouquets de travaux à plusieurs fleurs ; travaux isolés.
Mais de manière substantielle, ce qui constitue l’objet du contrat et la cause
impulsive qui a conduit les cocontractants à s’engager, est la réalisation d’économie
97 Objectif de division par 4 des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
76
d’énergie par lesquelles le titulaire s’engage de façon lourde et circonstanciée et la
recherche de la performance énergétique.
S’agissant des cocontractants, d’une part le maître d’ouvrage est, soit une personne
privée, soit des personnes publiques dit pouvoirs adjudicateurs Ces personnes sont
les usagers des biens bâtis souffrant de carence énergétique. D’autre part, le titulaire
est une société de services d'efficacité énergétique. Est considéré comme ce type
d’organisation, toute entreprise, quel que soit son secteur principal d’activité,
intervenant comme cocontractante d’un pouvoir adjudicateur et qui met en œuvre
des travaux, fourniture ou services, visant à réduire les consommations d’énergie.98
Les titulaires des contrats de performance énergétique peuvent être également des
groupements d’entreprises.
105. Le CPE se caractérise encore par le fait d’être un contrat portant sur une
mission globale confiée à un seul prestataire, qui investit dans le projet tout son
savoir-faire ainsi que les moyens financiers nécessaires. Il s’agit d’un contractant
général (ensemblier) offrant une gamme complète de services comprenant : l’étude
de faisabilité, la conception de la solution de performance énergétique, la
construction (réalisation des travaux) des installations, la gestion, la maintenance et
l’exploitation et éventuellement le financement des investissements.
106. Enfin les deux dernières clauses sont directement liées à la mise en action de la
recherche de la performance énergétique. Ces deux clauses forment le socle juridique
de l’efficacité énergétique et sont les innovations performantielles essentielles en
matière de droit de la commande publique
Tout d’abord, la garantie de performance énergétique est au cœur du CPE, qui
articule la péréquation des gains énergétiques par référence à une performance
attendue. Il s’agit d’une garantie de performance réelle et non théorique, ce qui
signifie qu’elle se base sur les conditions effectives d’utilisation de l’immeuble, à la
98 Clausier Contrats de Performance Energétique (CPE), « Marchés publics de performance énergétique » Présentation générale, p.02.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
77
différence d'une consommation théorique se basant sur un calcul thermique
réglementaire.
107. L’opérateur d’efficacité énergétique doit garantir pour toute la durée du
contrat le résultat attendu en termes d’économies d’énergie telles que définies
contractuellement ab initio. Cette économie d’énergie garantie permet d’obtenir
l’adhésion du maître d’ouvrage qui est ainsi conforté dans ses choix d’investir dans
des actions d’amélioration de grande ampleur.
La garantie de performance énergétique, assimilable à une obligation de résultat et
non de moyen, a pour utilité de permettre au maître d’ouvrage d’être intégralement
indemnisé par le titulaire des conséquences pécuniaires en cas de non respect des
clauses de performances.
Le titulaire du contrat prend donc à sa charge les conséquences financières d’une
éventuelle insuffisance de la diminution des quantités d’énergie consommées, en
comparaison de celles contractuellement prévues par les clauses de performance.
Dans un tel cas, il devra verser au maître d’ouvrage les sommes équivalentes aux
économies que ce dernier aurait dû faire en cas de réduction de sa consommation
conforme au contrat.
En toutes hypothèses, les maîtres d’ouvrage doivent s’assurer de la capacité
financière de leur titulaire à pouvoir assumer de telles garanties, particulièrement si
la durée du contrat est importante. Cela pose la question de l’assurance de cette
garantie pour les sociétés de services énergétiques. Il serait en effet intéressant de se
poser la question de savoir si les « sinistres » issus du non respect des clauses
d’efficacité énergétique des bâtiments peuvent être couverts par les garanties légales
des constructeurs et particulièrement la garantie décennale.
A ce sujet une majorité de compagnies d’assurance ne considère pas comme entrant
dans de telles garanties la non-atteinte à la performance énergétique. Au demeurant,
la jurisprudence, pour l’instant peu abondante du fait de la nouveauté dudit contrat,
devra trancher expressément cette question.
A contrario, en cas d’amélioration de la performance au-delà des objectifs
contractuels, le titulaire reçoit un intéressement aux économies d’énergie
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
78
supplémentaires réalisées.
Ainsi l’obligation essentielle du titulaire est de garantir l’objectif essentiel du CPE, à
savoir, l’amélioration de la performance dans le respect du niveau de service
contractuel pendant toute la durée du contrat.
Il ressort de ceci que le prestataire qui s’engage dans un contrat de performance
énergétique voit sa rémunération varier exclusivement en fonction des résultats
obtenus et non des moyens mis en œuvre. Cela implique d’être particulièrement
vigilant quant à cette garantie qui nécessite, d’une part, d’établir de manière précise
la situation de référence et, d’autre part, de contrôler et mesurer précisément la
performance énergétique tout au long du contrat lui même.
Dès lors, il appartiendra également au prestataire d’éventuellement souscrire une
assurance de tiers (non obligatoire à ce jour) relative à la garantie de performance
énergétique pour renforcer sa position mais, également surtout, de veiller à la qualité
de son diagnostic initial qui est la base de la garantie de résultat.
108. Enfin, la dernière clause s’attache à la mesure de la performance, pendant
essentiel à la réalisation des objectifs de performance énergétique. Le CPE, étant
viscéralement lié à des données chiffrées de performances énergétiques, doit contenir
des clauses permettant de mettre en œuvre un mécanisme de mesures et de
vérifications de celles-ci durant la durée du contrat. Cela permet à la garantie et à la
performance de porter sur des données scientifiquement mesurables pour
l’établissement qui pourra ainsi disposer d'une situation de référence.
En effet, les objectifs d’améliorations de la consommation énergétique se traduisent
par un gain énergétique qui doit pouvoir être mesurable. Ainsi, il est nécessaire de
mesurer la différence entre l'énergie consommée avant l’exécution du contrat et celle
qui résulte des actions ou travaux d'amélioration à travers des procédures précises.
Ces mesures sont inscrites dans un protocole qui est annexé au contrat et sont
négociées entre les parties de la manière la plus objective possible. Il est prévu dans
ce document les cas d’ajustements d’objectifs d’amélioration afin de tenir compte des
modifications des conditions fixées dans la situation de référence : à savoir, en cas de
modification climatiques ou autres.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
79
Tableaux d’analyse de mesure de performance énergétique
109. Ainsi en France, les contrats de performance énergétique semblent à même de
jouer un rôle pivot dans la réalisation des objectifs de réduction des consommations
d’énergie du secteur énergivore du bâtiment.
Néanmoins il existe aujourd’hui de nombreux freins à l’atteinte d’un contrat au
service de la recherche de la performance. Tout d’abord des freins techniques dus
aux difficultés à définir une situation de référence, de contractualiser un protocole de
mesure des performances énergétique et, enfin, de faire évoluer dans le temps,
parfois long, les engagements contractuels en fonction des modifications des
conditions d’utilisation du bâtiment. Puis des freins économiques, car un tel contrat
demande une importante masse financière de la part des investisseurs et donc ceci
est lié à la conjoncture économique. Et enfin un frein juridique lié à la nouveauté du
contrat et à la difficulté pour les manageurs de l’achat publics à le maîtriser et
notamment du fait de sa situation de contrat innommé.
En effet sur un plan strictement juridique, le terme de contrat de performance
énergétique n’indique en rien la nature du véhicule contractuel mis en service selon
les cas. Plusieurs options s’offrent ainsi aux clients (pouvoirs adjudicateurs et autres)
pour mettre en œuvre de telles finalités. Le choix du modèle contractuel dépend
donc essentiellement de la définition des besoins et de la question du financement.
Consommation Energétique de Référence
Consommation réelle
Consommation projetée sans travaux
Travaux de PE
ECONOMIES ENERGETIQUES REELLES
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
80
Ainsi cette problématique fera l’objet du chapitre qui suit dans lequel nous verrons la
mise en place pratique du CPE qui permet à la recherche de la performance
énergétique d’être une clef de voute de la recherche d’autre performance.
§2) La performance environnementale clef de voûte de la
recherche d’autre forme de performance au sein du contrat de
performance énergétique
110. La recherche de la performance énergétique dans les CPE permet une
véritablement d’atteindre des objectifs non marchands comme l’environnement.
Mais les décideurs publics ont intégré dans la mise en application de ce contrat une
valeur marchande qui a pour but de rendre attractif ce mécanisme contractuel. En
effet ils sont partis du constat qu’il existe un paradoxe dans le fait que les valeurs non
marchandes comme l’environnement ne sont efficaces qu’à la condition d’être
intégrées par la réalisation d’objectifs économiques pour le pouvoir adjudicateurs
comme pour le cocontractant. C’est ainsi tout le sens du mécanisme innovant de
financement des CPE, le Tiers investisseur qui met la recherche de la performance
économique et la protection des deniers publics de l’administration au service de la
de l’efficience énergétique (A).
Au-delà, comme il a été vu, le contrat de performance énergétique est un contrat
innommé dans le sens où il peut prendre différente forme contractuelle. Et pour faire
face à cela, et notamment à l’obligation d’une mission globale dans le CPE, les
décideurs publiques ont instauré de nouveaux véhicules contractuels axés
exclusivement sur la mise en action de la recherche de la performance
environnementale in initio, mais utilisable pour l’atteinte d’autre forme de
performance ab initio (B)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
81
A) Le dispositif du tiers investisseur : une performance économique au
service de la recherche d’une performance énergétique
111. Le principe de tiers investissement a été institué par l’article 3 (k) de la
Directive 2006/32/CE afin de proposer un système de financement permettant la
mise en œuvre effective du contrat de performance énergétique. Il repose donc sur
une logique simple ayant pour but de faire appel à un tiers au contrat pour le
financement du projet, ce dernier se remboursant dans le temps, avec un bénéfice
obtenu le cas échéant.
Le Tiers investissement (TI) est alors un mécanisme financier permettant au
propriétaire d’un bâtiment de faire financer sa rénovation par un tiers. Ce dernier est
rémunéré par la suite au cours d’une période définie contractuellement sous forme
d’un loyer. Dans la rénovation thermique immobilière, le principe du TI est que les
économies d’énergie obtenues grâce aux travaux et dont bénéficie l’occupant du
bâtiment peuvent constituer la principale source du loyer qui rémunère le tiers
investisseur.
112. Ce mécanisme de financement de la réhabilitation énergétique réclame pour la
société tiers de mobiliser des sommes importantes, les travaux de réhabilitation
énergétique représentant un coût substantiel (y inclus la rémunération du capital
investi).
En outre, le temps de retour sur investissement est un élément essentiel de ce type de
financement puisqu’il conditionne la durée de remboursement du coût des travaux,
et ce notamment dans les cas où le bâti de l’immeuble fait l’objet de travaux. De ce
fait le remboursement du Coût Total de Réalisation du Projet (C.T.R.P.) augmenté
des frais de financement s'effectue proportionnellement aux performances réalisées,
avec la garantie d'un temps de remboursement maximum fixé. Ainsi, le Client cesse
d'être débiteur des sommes correspondant aux performances réalisées dès le
remboursement du programme et au plus tard à l'échéance de la durée maximale de
remboursement prévue par contrat, même si le coût total du programme n'est pas
intégralement remboursé.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
82
Graphique de dépense d’un client en tiers investissement
113. Ainsi, le Tiers investisseur finance de manière intégrale le programme qui
comprend à la fois, le coût des études et des services d'ingénierie nécessaires, les
factures de tous les entrepreneurs et sous-traitants travaillant sur le projet, les frais
relatifs au financement intercalaire et les honoraires du tiers investisseur.
Cependant, cet outil est avantageux et trouve tout son sens si le prestataire a comme
objectif une réhabilitation globale de facteur IV, qui n’obère pas ses capacités
d’investissements.
Les économies d’énergie peuvent assurer de 20% à 70% du coût d’une rénovation,
selon la taille, l’état et le type de bâtiment concerné, en restant conservateurs sur les
hypothèses d’évolution des prix de l’énergie. Pour fonctionner, le mécanisme de
Tiers Investissement doit s’ajouter de manière intégrée à d’autres ressources
financières (participation du propriétaire, subventions publiques, etc.) et peut agir
comme un complément permettant de couvrir le surinvestissement nécessaire a une
plus grande amélioration de la performance énergétique.
Ce mécanisme judicieux est l’illustration de la recherche d’une performance
économique et environnementale conjointe, l’une servant à l’autre. Cette attitude,
lucide, est un alliage performant alliant les objectifs de protection des deniers publics
et l’efficience écologique, le loyer étant indexé à la performance énergétique. Il
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
83
demeure que, comme le cas de la rémunération du partenaire privé dans le contrat
de partenariat, la marge du loyer non indexé à la performance se doit d’être
mesurée ; ceci étant de la responsabilité des pouvoirs adjudicateurs cocontractants.
Mais la mise en pratique des CPE, permet aussi de promouvoir ab initio d’autre
forme de performance sectorielle.
B) L’intégration des marchés globaux : de la recherche d’une
performance énergétique à celle d’une performance générale.
114. Le contrat de performance énergétique n’est pas en sois une nouvelle forme
contractuelle pure, il doit s’inscrire dans le droit de la commande publique existant
ou dans le cadre de l’ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004, propre aux contrats de
partenariat public privé.
Sur un plan strictement juridique, le terme de contrat de performance énergétique
n’indique en rien la nature du véhicule contractuel mis en œuvre, puisqu’il peut
s’agir d’un marché public ou privé de performance énergétique, d’un contrat de
partenariat public privé de performance énergétique, etc.
Au gré de la volonté des parties, il peut avoir un caractère forfaitaire ou non ;
comporter des clauses d’intéressement ou non ; comprendre une part essentielle de
travaux ou de services selon les cas.
En définitive, aucune obligation n’a été posée quant à la forme que devait prendre le
CPE. Plusieurs options s’offrent ainsi aux clients (pouvoirs adjudicateurs et autres…)
pour mettre en œuvre de telles finalités. Le choix du modèle contractuel dépend
donc essentiellement de la définition des besoins et de la question du financement.
À cet égard, le contrat de performance énergétique peut prendre la forme de trois
contrats différents au regard des besoins, de la qualité des parties et du financement,
à savoir.
D’une part, en cas de maître d’ouvrage issu du secteur privé, un CPE peut prendre la
forme d’un marché global privé. Il s’agira d’un contrat à mission global régi par le
droit privé qui comprend les clauses essentielles de ce type d’engagement
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
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performantiel, à savoir une garantie de résultat d’amélioration de l’efficacité
énergétique, avec ou sans financement des investissements. Néanmoins les directives
CPE ayant mis l’accent sur les rénovations dans le secteur public et du fait de la
nouveauté de ce mécanisme, de tels CPE sont finalement peu nombreux et
principalement dans le secteur des logements sociaux.
D’autre part, au cas d’un maître d’ouvrage qui est un pouvoir adjudicateur, le CPE
prendra la forme d’un contrat de la commande publique, à savoir un marché public
et un contrat de partenariat.
115. Tout d’abord il peut prendre la forme d’un contrat de partenariat. Ce modèle
contractuel complexe permet au bénéficiaire final de réaliser le projet, offre de plus
une pleine efficacité de la garantie de résultat dans la mesure où la responsabilité de
l’engagement d’économies d’énergie repose sur un seul prestataire, sans possibilité
de division des recours entre les entreprises qui sont intervenues à l’un des stades
quelconques de la chaîne d’obligation contractuelle. En effet, dans un contrat de
partenariat public privé, le client ne contracte qu’avec un seul prestataire, à charge
pour lui de réaliser la mission qui lui est confiée sur le plan technique et financier.
Pour ce faire, soit le prestataire possède la totalité des compétences pour mener à
bien le projet (très rare), soit il constitue un groupement rassemblant la totalité des
compétences dont il aura besoin pour mener à bien le projet. Dans ce dernier cas un
mandataire du groupement sera désigné comme seul interlocuteur de la personne
publique.
L’article 1er de l’ordonnance du 17 juin 2004, modifiée par la loi du 28 juillet 2008 et
la loi du 17 février 2009, pour l’État et par l’article L. 1414-1 pour les collectivités
territoriales, dispose que : « Le contrat de partenariat est un contrat administratif par
lequel l'État (ou les collectivités territoriales) ou un établissement public de l'État (ou des
CT) confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement
des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant
pour objet le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance,
l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au
service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l’exception de toute participation
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
85
au capital ». Le contrat de partenariat est donc un outil garantissant une rémunération
assise sur des objectifs de performance de ce fait, à la date de la mise en place du
CPE, il apparaissait comme le véhicule juridique le plus adapté au contrat de
performance énergétique. Mais l’emploi d’un tel contrat de part justement sa
complexité peut être un frein à son utilisation ainsi que son recours qui n’est possible
que sous réserve de justifier une complexité ou un bilan avantages/inconvénients
plus favorable que les autres formes de commande publique.
116. En outre, le maître d’ouvrage issu du secteur public local ou étatique peut
avoir recours à la procédure contractuelle des marchés publics afin de réaliser un
contrat de performance énergétique.
En droit interne il existe deux types de marchés ouverts à ces maitres d’ouvrages, le
marché public de performance énergétique en application du Code des marchés
publics de 2006 et le marché de performance énergétique en application de
l’ordonnance n°2005-649 du 6 Juin 2005 relative aux marchés passés par certaines
personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
Parmi ces pouvoirs adjudicateurs, la majorité est soumise à la loi du 12 Juillet 1985
sur la maîtrise d’ouvrage public, la loi MOP , qui consacre le principe de séparation
entre les fonctions de maîtrise d’œuvre, et donc la mission de conception, et celles
d’entrepreneur de travaux. Néanmoins cette interdiction aurait pu constituer une
pierre d’achoppement à la mise en place de la mission globale dans le domaine de la
performance énergétique. En effet pour garantir une telle amélioration énergétique,
le maitre d’ouvrage se doit de pouvoir contrôler l’ensemble de la chaine des
prestations depuis les études préalables jusqu’à l’exploitation/maintenance des
installations.
A cet effet, les lois Grenelle I&II ont ouvert la possibilité au maître d’ouvrage public,
en dérogation de l’article 7 de la loi MOP, de confier au titulaire du contrat à la fois
les missions de conception et les missions de réalisation « lorsque des motifs
d’engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent
nécessaires l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage ». L’article 73 du Code
des marchés publics est venu préciser que cette dérogation n’était évidemment
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
86
applicable uniquement sur les bâtiments existants, ce qui rentre parfaitement en
adéquation avec les objectifs des CPE.
117. A ce titre, l’article 20 du décret qui a introduit l’article 73 dans le Code des
marchés publics, a introduit deux sous catégories de marchés publics globaux : les
marchés publics dits « REM » qui associent la réalisation à l’exploitation ou la
maintenance et les marchés publics dits « CREM », qui associent, eux, la conception,
la réalisation et l’exploitation ou la maintenance et qui ont une valeur plus globale.
L’introduction de ce mécanisme contractuel dans le code des marchés a eu pour
objectif d’intégrer pleinement les CPE dans le monde de la commande publique, en
leur permettant de déroger à la fois au principe de séparation du maitre d’œuvre et
de l’entrepreneur, mais aussi à l’article 10 du Code des marchés publics qui pose le
principe de l’allotissement.
Néanmoins, ces types de marchés ne dérogent pas à l’interdiction des paiements
différés et à l’obligation de dissocier la rémunération des prestations de construction
de celle d’exploitation et de maintenance.
De ce fait, même s’il est toujours possible à un pouvoir adjudicateur d’utiliser un
marché public classique pour entreprendre un CPE, notamment s’il s’agit
uniquement d’un besoin en services ou en fourniture, les deux types de marchés
public de performance énergétique, les MP-PE en REM et les MP-PE en CREM, sont
les plus performants pour réaliser les objectifs de réduction de la consommation
énergétique. Tout en sachant qu’il peuvent varier selon leurs éléments de mission.
Les objectifs de performance sont pris en compte pour la détermination de la
rémunération du titulaire qui sera donc modulée en cas de sous-performance ou de
surperformance. On trouve là l’emprunte directe du mécanisme de rémunération des
contrats de partenariat. Cette ressemblance confirme le lien direct qui existe entre
applicabilité de la performance et rémunération du cocontractant dans les contrats de
la commande publique
118. Il sera fait une présentation synthétique de ces deux nouveaux modèles
contractuels mettant en avant le recours un marché global axé sur la performance.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
87
Les MP-PE en REM
Nature Il est compris la fourniture d’équipement assurant la diminution de la
consommation énergétique par le titulaire qui assure l’exploitation et la
maintenance pendant la durée du contrat. Il peut être adjoint des services de
prestation d’information de sensibilisation de baisse de consommation aux
usagers.
Nature « Fournitures Services »
Objet de la
mission
• Mise en place de mécanisme de gestion de la conservation de l’énergie dans
les bâtiments : Fourniture de dispositifs de régulation de l’énergie (extinction de
la lumière automatique, gestion automatisée du ralenti de nuit du chauffage)
• Fourniture d’équipement de distribution d’énergie : bureautique, chaudière,
pompes à chaleur
Nature du
marché
Il s’agit, au sens du code de marché de nature mixte, qui peuvent être qualifié de
marché de fourniture, si le coût de fourniture est le plus important, et vice-versa.
Niveau de
financement et
durée du contrat
• Ce type de marché engendre un coût d’investissement limité, autofinancé par
les économies d’énergies réalisées.
• La durée du contrat est celle de l’amortissement, à savoir entre trois et cinq ans
s’agissant de la mise en place de mécanisme de gestion et de dix années pour la
fourniture d’équipement de distribution
Performance
énergétique.
De l’ordre de 10% à 20%, il constitue donc une première étape pour la
réalisation de l’objectif de 40%.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
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Les MP-PE en CREM
Nature Il est compris en plus des missions de réalisation (de travaux ou de fourniture ou de services), d’exploitation et de maintenance, celle de conception par le titulaire du contrat. Il peut être adjoint des services de prestation d’information de sensibilisation de baisse de consommation aux usagers.
Type de CREM
« Travaux Services » « Marchés Globaux »
Objet de la mission
Il s’agit des travaux sur le bâti existant, à savoir des rénovations d’isolation, d’étanchéité et des changements des ouvrants.
Il s’agit de l’ensemble des missions d’amélioration énergétique comprenant des travaux, des fournitures et des services.
Durée et nature du marché
Il s’agit au sens du code de marché de nature mixte, mais souvent qualifié d’un point de vue théorique de marché de travaux du fait de la part du prix des travaux qui sera souvent la plus supérieure
Niveau de financement et durée du contrat
• Ce type de marché engendre d’importants coûts, du fait des travaux, il ne peut être autofinancé dans son intégralité par les économies d’énergies réalisées, le pouvoir adjudicateur doit donc assumer un financement résiduel.
Néanmoins sur du long terme, il doit être pris en considération l’amélioration de la valeur de l’immeuble qui fait suite aux travaux de rénovation du bâtiment. Il doit être pris ainsi en considération la stratégie patrimoniale qui permettra une optimisation en termes de coût net pour le pouvoir adjudicateur.
La durée du contrat ne peut, par nature, être égale à celle de l’amortissement. Ainsi les travaux effectués entraînent une longue durée du contrat, aux alentours d’une quinzaine d’année. Il est a noté que la définition de cette durée est très importante car le pouvoir adjudicateur doit prendre en compte qu’une longue durée de contrat engendre une augmentation des possibilités d’aléas dans l’exécution. Ainsi la détermination de la durée du contrat dépend de la confiance que la personne publique a pour le titulaire, ainsi que des garanties financières qu’apporte ce dernier.
Performance énergétique.
De l’ordre des 40%, seul ou en complément d’un marché « Fourniture Services »99
De part sa nature « global », il permet seul d’atteindre les objectifs de 40%.
99 Clausier Contrats de Performance Energétique (CPE), « Marchés publics de performance énergétique » Présentation générale, p.06
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
89
119. Ainsi par l’objectif in initio de promouvoir la performance énergétique, les
pouvoirs publics ont crée un véritable marché global de performance ab initio. En
effet l’origine des marchés CREM et REM est dû à la nécessité d’intégrer les contrats
de CPE dans l’agencement contractuel français, mais la rédaction de l’article 73 du
code des marchés publics laisse entendre une interprétation plus ample. En effet la
globalisation à des fins performantielles n’est certainement pas limitée à la
performance énergétique car l’article dispose précisément qu’il s’agit de marchés qui
remplissent « des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau
d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Ils
comportent des engagements de performance mesurables »
Ainsi ces marchés globaux peuvent être utilisés pour satisfaire tout objectif de
performance mesurable. Il peut s’agir, par exemple, d’objectifs définis en termes de
niveau d’activité, de qualité de service ou d’incidence écologique plus générale, tant
qu’ils peuvent être mesurable à la seule restriction que, pour les CREM qui
comportent des travaux soumis à la loi MOP, il ne peuvent être conclus que « pour la
réalisation d’engagements de performance énergétique dans les bâtiments existants » ou bien
« pour des motifs d’ordre technique » mentionnés à l’article 37 du code des marchés
publics100.
120. Les pouvoirs publics ont permis de créer deux mécanismes contractuels qui
peuvent déroger à l’obligation d’allotissement et de séparation de la conception et de
la réalisation à des fins d’atteinte de performance mesurable. La notion de
performance mesurable est large et ouvre une brèche importante à l’utilisation de
contrat global pour favoriser d’autre forme de performance sectorielle. Ainsi d’une
volonté de promouvoir la recherche de la performance énergétique il a été conçu un
mécanisme favorisant toute forme de performance sectorielle mesurable. Il est à
constater qu’au service de la performance, les décideurs publics ont assouplis une
réglementation très lourde des marchés publics. Au demeurant il est essentiel de
signaler que du fait de sa récente instauration, la jurisprudence administrative n’a
100 Circulaire du 14 février 2012 (NOR : EFIM1201512C) relative au Guide de bonnes pratiques en matière de marches publics.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
90
pas encore étayé la notion exacte de performance mesurable afin d’encadrer ce
nouvel emploi.
121. Toutefois, il faut aussi constater les possibles dérives d’un tel avènement de la
performance à travers des marchés globaux. En effet, ce type de marché, en passant
outre l’obligation de l’allotissement, restreint fortement la concurrence dans la
réponse à leurs appels d’offres. Si une telle restriction n’impacte pas réellement les
grandes entreprises répondant à ce type de marché, elle touche directement les TPE
ou les PME. En effet le recours à l’allotissement répond à l’un des objectifs de la
commande publique qui est de favoriser l’accès à ce type de structures sociétales et
dans un marché globalisé, la multiplicité des savoir-faire nécessaires bloquent les
candidatures des TPE et PME car seule une grande entreprise peut avoir en interne
toutes les ressources nécessaires pour répondre à l’ensemble des missions d’un
marché global.
Par conséquent, le développement des marchés globaux ne peut être exponentielle
que si les décideurs publics prennent des mesures correctives afin de ne pas laisser
les TPE et PME à la marge de l’accès à ces marchés, car il y aurait là une atteinte
importance au principe même de protection de ce type d’entreprise qui aurait pour
conséquence de désavouer l’utilisation des contrats globaux de performance et donc
une contre-performance à la performance contractuelle.
A cet effet, deux séries de pratiques pourraient limiter cette contrainte en favorisant
l’accès au TPE et PME. Tout d’abord le recours à une mission globale n’empêche pas
l’identification de prestation distinct, de ce fait il pourrait être favorisé via des
critères de sélection au mieux-disant social des offres présentant la présence de
cotraitants ou de groupements d’entreprises comprenant des TPE ou PME pour des
prestations ciblés. Cela aurait l’avantage de donner un accès direct au marché à ce
type d’entreprises. De plus, compte tenu du temps nécessaire pour formuler une
offre en cotraitance, l’acheteur public doit intégrer ce paramètre lorsqu’il fixe le délai
de consultation et permettre ainsi un plus long délai de temps de réponse aux appels
d’offres pour ce type de contrat.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
91
122. En conclusion du chapitre : L’introduction en droit interne des grands
principes environnementaux soutenus depuis les accords de Kyoto ont permis, au
delà de la mise en place de critères verts au sein de l’achat public, l’instauration
d’une logique de performance qui a pour instrument cet achat public.
À cette fin, l’introduction du contrat de performance énergétique est l’illustration
parfaite de la servitude de l’achat public à la recherche de la performance
environnementale. En effet, si les critères environnementaux comme les écolabels, le
critère du mieux disant environnemental ou encore les dispositions de l’article 14 du
Code des marchés publics permettent d’améliorer la performance verte interne de
l’achat public, le contrat de performance énergétique est in natura synthétisé pour
l’atteinte de cette performance en permettant sa mutation sur un marché économique
des travaux publics. Ainsi par le triptyque : investir, rénover, économiser, le contrat
de performance énergétique est un contrat qui a su interagir avec la recherche
d’autres performances. En effet il s’est aidé, comme levier, de l’efficience économique
du contrat pour atteindre les objectifs d’énergie via le mécanisme du tiers
financement. Et en outre sa contractualisation a fait émerger les contrats CREM et
REM qui, via les dérogations à la loi MOP et l’introduction du critère de performance
comme objet du marché, font supposer que leurs utilisations ne sont pas uniquement
restreintes à la recherche de la performance environnementale, mais à d’autres
formes comme l’efficience sociale.
Néanmoins le contrat de performance énergétique souffre aujourd’hui d’une certaine
complexité qui freine les acheteurs publics à y avoir recours, malgré les obligations
du Facteur IV, et ce du fait de sa relative nouveauté et de l’absence de formation des
pouvoirs adjudicateurs sur le sujet.
123. Les contrats de performance énergétique ont permis une nouvelle approche de
la performance dans les contrats publics, néanmoins ils n’abordent la notion que
de manière sectorielle. Les défis sociaux, environnementaux, sociétaux et
économiques du XXIème siècles semblent rendre nécessaire une nouvelle
approche de la performance dans les contrats de la commande publique ; une
approche globalisée.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 1 : La recherche de la performance environnementale
92
CHAPITRE 2 : La nécessité de la recherche de la performance
globale dans la passation des contrats de la commande
publique
124. Le 13 Septembre 1970, le prix Nobel d’économie libérale Milton Friedman,
publie dans le New York Times sa vision de l’objectif social d’un opérateur
économique. Pour l’économiste : « La responsabilité sociale de l’entreprise est
d’accroître ses profits » et au delà de çà, il affirme que la seule responsabilité d’un
opérateur économique consiste à « utiliser ses ressources et à s’engager dans des activités
destinées à accroître ses profits, pour autant qu’elle respecte les règles du jeu, c’est-à-dire
celles d’une compétition ouverte et libre sans duperie ni fraude ».Cette idéologie
néoclassique promeut l’idée que la seule recherche du profit maximum va, par le jeu
de « la main invisible », entraîner l’élévation de l’intérêt général. Ainsi dans cette
vision, la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise vient se greffer
comme une verrue morale sur sa responsabilité économique101.
C’est en opposition à ce courant de pensée, qui n’abordait l’achat économique qu’à
travers une vision purement économique, qu’en 1987 lors d’une séance de l’ONU, la
notion de développement durable a été introduite. Elle est définie comme « un
développement qui permet aux générations présentes de satisfaire leurs besoins, sans
empêcher les générations futures de faire de même »
À la suite, lors du sommet de 1992 de Rio, les 178 établissent un programme commun
dénommé l’Agenda 21 qui pose les trois axes fondamentaux de cette vision du
développement : « l’équité sociale, le respect de l’environnement et la croissance
économique ». Et à l’ajout de ces trois axes, le programme énonce un principe essentiel,
101 Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise, « Le guide de la performance globale, Edition des Organisations, 2004.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
93
le fait que ces trois objectifs doivent être poursuivis simultanément et que c’est aux
acteurs privés comme publics d’orienter leur propre stratégie vers ce type de
développement.
Ainsi c’est dans cette logique que s’est développé le concept de la performance
globale. La performance globale part du postulat que par la seule recherche de sa
performance économique, un acteur économique tarit ses propres sources de richesse
globale dans le sens du développement et de l’innovation. À cet effet, elle tire les
conséquences que l’avenir d’un acteur économique public comme privé n’est
envisageable que si il se développe autour de ce triptyque conjoint auquel s’ajoute la
notion de performance sociétale :
• « La performance économique : elle honore la confiance des agents économique et
des clients et se mesure par des indicateurs que sont le bilan et le compte de résultat ;
• La performance environnementale : elle repose sur la capacité de l’agent à mettre en
place des mesures de protection de l’environnement.
• La performance sociale : elle repose sur la capacité de l’agent à rendre les hommes
acteurs et auteurs ;
• La performance sociétale : elle s’appuie sur la contribution de l’agent au
développement de son environnement interne.102 »
125. La recherche de la performance globale place donc l’agent économique dans
l’atteinte d’un objectif d’achat performant permettant de réaliser une action capable
de répondre efficacement à son besoin économique tout en prenant en compte
l’aspect environnemental, sociétal et social, en somme en mettant en exergue l’intérêt
général, seul capable d’assurer sa pérennité. En effet, les répercussions d’une action
d’un agent économique ne sont pas qu’économiques, elles sont sociales,
environnementales. Et ces facteurs sociaux et environnementaux, si ils sont ignorés,
peuvent être la cause d’un arrêt total de l’activité (grève, catastrophe chimique ou
nucléaire, fronde sociale). De plus, au delà de cela l’ignorance de ces facteurs
entraîne irrémédiablement une absence d’acceptation de l’activité de l’agent, car
102 Inspiré de la Charte des Entreprises Citoyens de 1992 du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise /« Le guide de la performance globale, Edition des Organisations, 2004.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
94
l’objectif du « money for money » friedmanien a montré sa limite régulièrement avec les
conséquences désastreuses sur la vie du citoyen des crises financières des quarante
dernières années.
126. Ainsi, le lien direct entre la notion de performance globale et celle d’intérêt
général, permettent de concevoir aisément son attache légitime et intellectuelle avec
les objectifs de la commande publique.
En effet, il est à rappeler que les contrats de la commande publique en plus d’être un
instrument au service de la satisfaction des besoins propres de la personne publique
sont également un outil plus exogène qui se doivent de satisfaire l’intérêt général en
tant qu’émanation de la mission publique du pouvoir adjudicateur.
Ainsi d’un point de vue dynamique, la relation entre la performance globale et son
implication dans les contrats de la commande publique est liée à la prise de
conscience par les pouvoirs publics de la nécessité d’appréhender les crises de son
temps. Autrement dit, il sera étudié les mesures de performance globale imbriqués
actuellement dans les contrats de la commande publique et leurs limites (§1). Puis il
sera envisagé les mesures nécessaires de performance globale à introduire dans
l’achat public pour répondre aux limites actuelles ainsi que les nouveaux instruments
que la commande publique doit prendre en compte pour faire face à l’aggravation et
au renforcement de ces défis dans une situation de crise économique et sociale du
XXI siècle via l’introduction systémique de la notion d’achat public responsable (§2).
§1) La notion de performance globale dans les contrats de la
commande publique
127. En 2008, le montant de la commande publique était estimé à près de 160
milliards d’euros. L’importance de ce chiffre qui fait osciller le poids de la commande
publique entre 10% et 15% du PIB national, montre l’importance de l’achat public sur
l ‘économie nationale. Cette force démontre donc que, par son utilisation et sa
pratique, la commande publique est une arme essentielle capable de faire changer les
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
95
mentalités des acteurs du marchés et donc capable de répondre aux défis sociaux,
économique et environnementaux du XXIème siècle.
À cet effet, le droit des contrats publics a entamé une démarche d’introduction de la
notion de performance globale (A), mais qui aujourd’hui souffre de nombreuses
limites (B).
A) L’existence de valeur partagée entre commande publique et
performance globale
128. Au travers de la commande publique, la personne publique répond d’une part
à un besoin endogène qui est à la satisfaction de ses nécessités propres, mais
également à un besoin impérieux et exogène qui est l’obligation de satisfaire l’intérêt
général. C’est dans la compréhension de cette dualité que les pouvoirs publics ont
instauré des notions de performance globale dans ce droit depuis la conférence de
Rio en 1992.
« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social »
Article 6, Charte de l’environnement de 2005
L’obligation de recherche de la performance globale à travers la notion de
développement durable se trouve au plus haut sommet de l’autorité normaliste de la
France, à savoir le bloc constitutionnel.
Ensuite, l’idée a irrigué la mise en place de politiques publiques ; en novembre 2006,
la Stratégie nationale de développement durable 103 instaure de nombreuses
références et initiatives destinées à développer la responsabilité sociale des acteurs
publics comme des entreprises. Dans ce cadre, le gouvernement français a adopté, en
mars 2007, un Plan National d’Action pour des Achats Publics Durables (PNAAPD)
qui encourage les adjudicataires publics à s’engager en faveur d’achats publics
103 Voir, dans l’ensemble des documents formant la stratégie nationale de développement durable actualisée (http: //www.ecologie.gouv.fr/-SNDD-actualisee-.html), le programme d’action n° 9 : « E tat exemplaire, recherche, innovation » (http: //www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/9-Etat.pdf)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
96
durables, et globalement performants104.
129. Ainsi théoriquement, en droit de la commande publique, le pouvoir
adjudicateur doit tenir compte, dans son achat et dans la sélection du prestataire des
critères environnementaux, sociaux et sociétaux et ce de manière conjointe.
Autrement dit, l’acheteur public doit se demander si « l’entreprise sélectionnée pour
telle ou telle réalisation se préoccupe du cycle de vie de ses outils et matériaux, du
bien être de ses salariés ou encore si elle pratique des actions de réinsertion de
personnes en difficulté ?105 ». L’idéologie naissante est que l’obligation impérieuse de
satisfaction de l’intérêt général de la commande publique trouve son fondement dans
l’affirmation de la recherche de cette performance globale en actant de manière
péremptoire que la prise en compte d’objectifs environnementaux, et économiques
dans les achats publics ne peut se faire dans l’ignorance de la prise en compte de la
situation sociale des personnes qui contribuent à la production, et notamment la
possibilité donnée à tous d’accéder au travail, y compris pour ceux sur qui pèsent des
difficultés ou des handicaps106.
130. La mise en application pratique de la notion se fait à travers divers
instruments.
Tout d’abord, l’introduction de cette notion a été permise par la rédaction de l’article
5 du Code de 2006 qui énonce que l’acheteur public doit déterminer ses besoins « en
tenant compte des objectifs de développement durable ». Le pouvoir adjudicateur est dans
l’obligation de s’interroger sur la possibilité d’introduire dans le marché des
exigences performantielles en terme de développement durable soit à partir d’un
seul ou de l’ensemble des trois piliers, le sociétal étant attaché à l’organisation interne
de la personne publique qui relève plus du droit de la fonction publique.
104 Groupe d’étude des marchés développement durable, « Notice d’information relative aux achats publics socio-responsables », Juillet 2009, p.3 105 Rapport de Nantes Métropole et du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise de France, « Vers la performance globale de la Commande Publique », Mai 2011, p.7 106 Groupe d’étude des marchés développement durable, « Notice d’information relative aux achats publics socio-responsables », Juillet 2009 p.2
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
97
Pour rappel, la possibilité de mettre en pratique cela peut se faire via les
spécifications techniques de l’article 5, le cahier des charges, ainsi que par l’utilisation
de l’article 14 pour l’exécution en terme d’environnement et de clause sociale.
De plus, comme il a été étudié, dans la sélection des offres le pouvoir adjudicateur
peut valoriser ces critères. Premièrement en rejetant les candidatures sur le
fondement de l’article 45 du code des marchés qui ne respectent pas les obligations
légales en termes d’emploi et d’engagements sociaux tels que le contrôle du
paiement des cotisations sociales ainsi que le droit du travail sur toute la chaîne de
sous-traitance à laquelle le titulaire du marché envisage de faire appel. Il peut
également rejeter les offres anormalement basses qui ne respecteraient pas des
normes sociales en interne.
131. Puis deuxièmement à travers les critères de sélection et les performances
envisageables dues aux mieux-disant sociaux et environnementaux. En terme de
pratique de performance globale, c’est l’alliance entre les clauses d’exécution de
l’article 14 et des critères de sélection de l’article 53. En effet, le recours à l’article 14
seul, s’il est plus facile à utiliser, ne permet pas de valoriser le contenu de la clause
sociale ou environnementale proposée. Son utilisation en lien avec l’article 53,
permet de fixer des critères d’attribution, qui permettent une mise en concurrence
sur des critères sociaux ou environnementaux qui permet de juger sur leurs
performances.
132. Également, il existe un instrument peu utilisé de performance globale, c’est la
pratique de l’article 50 du Code, la variante. L’acheteur peut autoriser les candidats à
présenter, en complément de leur offre de base, des variantes portant sur les aspects
sociaux et environnementaux du marché, sous réserve qu’une telle dimension ait été
préalablement intégrée à la définition des besoins, mais il doit toujours formuler cette
possibilité.
133. Enfin la mise en pratique de la performance globale s’exprime par la
soumission du droit de la commande publique au respect de la législation sociale et
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
98
environnementale française. En effet les considérants 34 et 47 des directives de 2004
affirme que « les lois, réglementations et conventions collectives » en vigueur « en matière
de conditions de travail et de sécurité du travail » peuvent être exigées pendant
l’exécution du marché comme l’accessibilité à l’emploi des handicapés ou des PME,
la lutte contre les discriminations, l’égalité professionnelle hommes/femmes et enfin
la lutte contre le travail illégal
Si dans l’intention générale il semble que la commande publique a pris la mesure de
la performance globale, l’acheteur public semble être confronté à de nombreuses
limites, liées à la rigueur des code des marchés et aux habitudes liées à l’achat.
B) Les limites juridiques et pratiques au développement de la
performance globale dans les contrats de la commande publique
Il est indéniable que les valeurs partagées entre l’idéologie de la commande publique
à travers les marchés et la notion de performance globale ont permis l’introduction
de clauses et de pratiques permettant de mettre en exergue la recherche d’une
performance généralisée.
Néanmoins à l’aurore de la vie de la directive de 2004, la législation actuelle ainsi
que les pratiques des acheteurs demeurent scléroser l’utilisation pleine et pertinente
des mécanismes de recherche de la performance globale.
134. L’absence de la notion « conjointement » : La théorie de la performance
globale ne se limite pas à la recherche de l’efficience environnementale, sociale et
économique, mais à la recherche conjointe de ces notions. En effet le principe même
du développement durable est de promouvoir dans un mouvement coordonné les
trois piliers, l’un rendant nécessaire l’autre qui est obligatoire vis-à-vis du dernier.
Néanmoins, en droit de la commande publique, la notion de « conjoint » semble
avoir disparu dans l’applicabilité du développement durable. En effet la pratique de
la performance sociale et environnementale est affirmée mais indépendamment.
Ainsi il est possible de promouvoir un pilier et pas un autre, tout en considérant que
le premier pilier de l’économie est toujours présent dans la sélection du candidat.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
99
Cette approche a été confirmé par le Ministre de l’économie lors d’une question au
gouvernement : « Ainsi, pour chacun de ses achats, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de
s’interroger sur la possibilité d’intégrer dans son marché […] des exigences en termes de
développement durable, à partir d’un seul ou de l’ensemble des trois piliers 107»
Ainsi la performance globale en droit interne n’existe pas réellement car elle prend
plus la forme de la recherche d’une performance sectorielle et sectorisée.
135. La liberté de l’acheteur public dans l’élaboration du contrat : La liberté
contractuelle est l’un des principes même du contrat de la commande publique.
Néanmoins, qui dit liberté de faire dit également liberté de ne pas faire, et cette
approche semble trouver parfaitement son implication s’agissant de l’utilisation de la
performance globale en droit de l’achat public. En effet, même si les divers outils
juridiques du développement durable (ci-dessus cités) sont introduits, il n’existe
aucune obligation de les utiliser, tant ce choix est laissé à l’acheteur public :
• Les objectifs de l’article 5 : L’article 5 pose comme principe que le pouvoir
adjudicateur a l’obligation de s’interroger sur la possibilité d’introduire des
clauses de développement durable. Mais la question se pose de connaître
l’ampleur de cette obligation. À ce sujet, suite à une question au Sénat, une
réponse ministérielle est venue donner la réponse : « Dans la mesure où cette
obligation pèse sur le pouvoir adjudicateur lors de la définition de son besoin, c’est-à-dire
en amont du lancement de la procédure, il n’a pas à justifier vis-à-vis des opérateurs
économiques, de son impossibilité de prendre en compte des objectifs de développement
durable dans les documents de la consultation du marché public. En revanche, dans la
mesure où il s’agit d’une obligation qui lui est imposée par le code, le pouvoir
adjudicateur doit être en mesure de justifier à tout moment, à l’égard des organismes de
contrôle du marché, de son impossibilité de prendre en compte de tels objectifs de
développement durable108 ». Ainsi il n’existe aucune obligation de l’introduire et au
107 Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (JO du Sénat du 11 janvier 2007) 108 Réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (JO du Sénat du 11 janvier 2007)
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
100
delà de cela, il n’existe aucune obligation de justifier cette absence sauf en cas de
demande du candidat.
• Les critères de sélection : Le pouvoir adjudicateur a la possibilité d’utiliser
des critères de mieux-disant social et environnemental, mais il n’existe aucune
obligation de le faire. Et au delà de cela, la jurisprudence communautaire et
nationale est ferme sur cela, l’introduction de ces clauses se doit d’être
obligatoirement liée à l’objet du marché. Même si ceci est justifié par la
perceptivité du contrat de la commande publique, il demeure que cette
obligation est une limite certaine et ferme à l’introduction de ces performances.
L’utilisation de ces piliers étant limité à la définition du besoin lié à ces
performances, à l’article 14 et à la possibilité réduite de la variante de l’article 50.
136. En définitif, la limitation de l’utilisation est légalement justifiée par la liberté
contractuelle existant dans les contrats de la commande publique. Néanmoins, cette
limitation est-elle incontestable, ou est-il possible d’imaginer une atteinte à cette
dernière ? Dans une décision du Conseil constitutionnel de 2006 rendue à propos des
concessions de distribution de gaz conclues par les collectivités locales, le juge
affirme que pour des fins d'intérêt général, le législateur peut « déroger au principe de
la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789109 ». On peut y voir une arme jurisprudentielle qui permettrait de voir
l’instauration d’une obligation d’inscription des trois piliers dans l’exécution ou
critères de sélection des offres. Cependant une telle possibilité est limitée par la
volonté générale de qualifier l’affirmation conjointe des trois piliers dans la
commande publique de nécessité d’intérêt général, même s’il est envisageable de
penser que cette volonté existe déjà à travers la rédaction de l’article 6 de la Charte de
l’environnement. Ainsi toutes les conditions pour l’affirmation d’une telle obligation
semblent être réunis. Il est de la responsabilité des rédacteurs en charge de la
transposition des directives de 2014, pour répondre aux défis du XXIème siècle, de
109 Décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006 Loi relative au secteur de l'énergie, AJDA 2007. 192, note G. Marcou
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
101
faire passer l’affirmation des trois piliers conjoints d’une simple intention à une réelle
obligation.
137. Les habitudes des acheteurs publics : Enfin, l’une des limites à l’utilisation
de la performance globale est liée aux habitudes des acheteurs publics. En effet, la
pression exercée par les financeurs, et l’usage traditionnel de l’ancienne méthode de
passation qui était l’adjudication, pousse l’acheteur à largement favoriser le critère
prix. Ce critère étant souvent le plus pondéré, est utilisé car il apparaît pour le
pouvoir adjudicateur comme étant le critère le plus objectif et le plus efficace pour
une gestion saine des deniers publics partant du postulat que « Moins c’est cher,
mieux c’est pour le contribuable110 ». Cette vision qui pousse l’acheteur public à voir
comme étant le prix comme étant le critère le plus objectif est principalement le fait
d’une absence de compétence interne des personnes publiques a évaluer la
pertinence de critères sociaux et environnementaux comme l’impact sur le bien être
dans l’entreprise ou l’impact de l’achat, principalement quand il s’agit de travaux,
sur l’environnement.
138. In fine, l’ensemble de ces limites semble scléroser l’affirmation effective de la
performance globale dans les contrats de la commande publique. Face aux
possibilités offertes via la formation des acheteurs publics ainsi que du passage de
l’intention à la réelle obligation de prendre en compte conjointement les trois piliers,
les décideurs publics se doivent d’aller au delà, et instaurer dans son Droit l’idée de
l’achat public responsable comme levier de la performance globale.
§2) Vers un besoin impérieux d’achat public responsable
comme levier de la performance globale.
110 Rapport de Nantes Métropole et du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise de France, « Vers la performance globale de la Commande Publique », Mai 2011, p.8
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
102
139. L’ensemble des limites contribue à freiner l’implication de la performance
globale dans la commande publique. Néanmoins le XXIème siècle va placer la
personne publique face à des défis inédits, tout d’abord en terme d’écologie par
l’aggravation des conséquences du réchauffement climatique puis en terme social à
travers les conséquences des crises financières sur la population et l’augmentation du
chômage de masse dans les pays développés comme la France. Pour ce faire, il
semble qu’il relève désormais d’un besoin impérieux à la commande publique de se
tourner vers l’achat public responsable. Ainsi il s’agit de savoir ce qu’est un achat
public responsable (A) et de voir l’une des propositions qui permettrait son
affirmation : la démarche de la Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (B)
A) Qu’est ce qu’un achat publique responsable ?
140. « À l’heure où nos modes de consommation sont questionnés -
appauvrissement des ressources naturelles, changement climatique, biodiversité à préserver,
conditions de travail inhumaines -, les collectivités locales ont plus que jamais un rôle
d’exemple à jouer, et notamment par le biais de leurs achats »
Jean-Marc Ayrault, dans ses
fonctions de député-maire de Nantes et président de Nantes Métropole.
141. Jean-Marc Ayrault alors Maire de Nantes, affirme que face aux nouveaux défis
que pose le XXIème siècle, l’achat public doit prendre toute sa responsabilité et ce en
passant de l’achat public simple à l’achat public responsable.
L’achat responsable peut être défini comme un achat qui s’intègre dans une volonté
d’équilibre entre parties prenantes des exigences en faveur de la protection et de la
mise en valeur de l’environnement, du progrès social et du développement
économique. L'acheteur recherche l’efficacité, l’amélioration de la qualité des
prestations et l’optimisation des coûts globaux (immédiats et différés) au sein d’une
chaîne de valeur et en mesure l'impact.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
103
142. En droit de la commande publique, l’achat public responsable peut être
entendu comme l’achat qui met en corrélation les besoins propres de la personne
publique ainsi que ses besoins impérieux liés à l’intérêt général. Il s’agit d’un achat
qui intègre la recherche de la performance globale en mettant à la même échelle de
valeur les critères économiques qui sont naturellement liés à l’obligation de bonne
gestion des deniers publics, la performance sociale et la performance
environnementale. L’achat public responsable est l’instrument juridique qui permet
d’introduire pleinement la notion de performance globale dans le droit de la
commande publique.
L’Ensemble de l’Achat Public Responsable
143. . Selon une étude de 2008 de l’Observatoire des achats responsable111 82% des
acheteurs du secteur public affirment que la mise en place d’une politique d’achat
responsable arrive en tête de leurs motivations et 92% pensent que l’achat public
responsable est un instrument stratégique pour l’organisme public. Ainsi l’achat
responsable est devenu un élément de langage de l’acheteur public, mais ce dernier
se confronte à de nombreux freins qui rendent difficile son entrée dans la pratique de
l’argumentaire.
111 http://www.obsar.asso.fr/
Achat Public Responsable
Critère Economique
Critère Environnemental Critère
Social
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
104
144. En effet, d’une part 68% des acheteurs publics pensent que le temps de la
rigueur constitue un frein à l’instauration de l’achat public responsable. Ce constat
est véritable et en effet dans une période de crise économique, la combinaison entre
l’optimisation de la gestion des deniers publics et développement durable n’est pas
simple, mais elle doit être faite par l’acheteur public. C’est cette analyse qui guidait le
13 Juin 2013 la réflexion des professionnels qui se sont réunis lors de la deuxième
Rencontre de l’achat public112. Pour ce groupement la démystification de la notion de
développement durable, passant par la formation des acheteurs, est l’une des armes
utiles pour contribuer à l’acceptation de l’achat public responsable. Néanmoins l’un
des participants tire un constat amère : « face aux contraintes réglementaires, aux
difficultés économiques et aux freins psychologiques, la démarche [de démystification] s’est
rapidement érodée113 »
Ainsi le frein réglementaire reste une cause de blocage de l’introduction de l’achat
public responsable. Afin de faire face à un tel blocage, le remodelage de l’article 5, 14
et 53 semble être la clé permettant d’abattre les blocages juridiques actuels. En effet
comme il a été précédemment vu (cf.75), le passage de l’intention à l’obligation
permettrait d’introduire efficacement et définitivement l’achat public responsable
comme la norme dans la commande publique au delà même des seuls marchés
publics. A cet effet la notion d’obligation changerait définitivement les mentalités
des acheteurs publics qui ne verraient plus en la situation financière de l’Etat un frein
à l’introduction de l’achat public responsable car le prétendu achat le moins cher à
souvent un coût social et environnementale qui le rend plus onéreux114.
145. Enfin selon la même étude 59% des acheteurs publics voient comme un frein à
l’achat public responsable le fait qu’ils n’arrivent pas à maitriser la performance
globale des fournisseurs et leur caractère responsable par manque d’indicateurs
et de référentiels clairs. En effet, le contrat de la commande publique est dominé
par le triumvirat suivant : le contrat, l’acheteur public et le fournisseur. Ainsi 112 Cloâtre (E.), « L’achat public responsable, oui mais comment ? », LeMoniteur, Juin 2013, p.1 113 Didier Parein, Coordinateur des achats de la Communauté de communes de la Hague 114 Rapport de Nantes Métropole et du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise de France, « Vers la performance globale de la Commande Publique », Mai 2011, p.5
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
105
l’achat public responsable ne passe pas uniquement par l’introduction de
l’obligation dans le contrat, et par l’attitude de l’acheteur public, mais également
par la capacité du fournisseur à avoir une attitude responsable et globalement
performant. Et pour contrôler ces capacités l’intégration du critère de la
Responsabilité Sociétale de l’Entreprise semble être un instrument juridique
nécessaire dans la sélection du candidat pour l’accession aux contrats de la
commande publique.
B) L’intégration du critère RSE dans les contrats de la commande
publique.
146. La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) est une une façon de
gérer l’entreprise « de telle façon qu’elle soit profitable économiquement, qu’elle respecte la loi et
qu’elle respecte l’éthique »
Archie B. Caroll, Professeur de management au Terry College of
Business, Université de Georgie.
147. C’est l’économiste Archie B. Carrol qui a conceptualisé pour la première fois la
notion de responsabilité sociale de l’entreprise. Sa définition demeure néanmoins
assez floue mais il s’agit d’un engagement de l’entreprise qui permet d’atteindre, et
même de dépasser, les attentes légales, éthiques et sociétales émises par les parties
prenantes115, les stakeholders en opposition aux seuls actionnaires les shareholders. À
partir de l’avènement du développement durable au début des années quatre-vingt
dix, la notion a trouvé un écho en acceptant une double terminologie, celle de
Responsabilité Sociétale de l’Entreprise qui englobe celle de Responsabilité Sociale et
Environnementale de l’entreprise. L’idée concrète est de lier l’entreprise dans une
démarche sociale et environnementale en engageant leur propre responsabilité via la
remise d’une obligation de rendre compte de leurs pratiques sous forme de bilan
spécifique annuel. Depuis, la loi sur les nouvelles régulations économiques fixe
115 Clarkson, 1995 ; Luetkenhorst, 2004 ; Garriga et Melé, 2004, Golli (A.), « Responsabilité sociale des entreprises : analyse du modèle de Carroll (1991) », Management et Avenir, 2009/3 (n°23), page 220.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
106
l'obligation pour les sociétés française cotées sur un marché réglementé l'obligation
de rendre compte dans leur rapport annuel de leur gestion sociale et
environnementale au travers de leur activité116.
148. Dix ans après son introduction en droit interne, la RSE est utilisée par les
grands groupes pour faire valoir leurs engagements dans le voie du développement
durable, néanmoins elle souvent utilisée à des fins de communication et ne trouve
pas de véritable impact sur la relation de l’entreprise avec le marché. La RSE doit
être vue comme un document qui permet aux tiers d’avoir une vitrine transparente
sur l’impact des activités de l’entreprise sur ses démarches écologiques et sociétales,
soit vis-à-vis de la mise en place d’une politique de recrutement des personnes en
situation d’handicap ou l’égalité de salaire entre les hommes et les femmes, ainsi que
de voir si la société met en place une politique interne de préservation de
l’environnement dans son activité professionnelle.
149. En droit de la commande publique, le document de RSE est un instrument au
service de l’achat public responsable qui permet à l’acheteur public désireux
d’entreprendre une telle démarche de performance globale de juger de la capacité du
fournisseur à atteindre conjointement la performance des piliers de l’environnement
et du social.
Néanmoins, son utilisation et sa définition demeure pour les acheteurs publics
relativement floue, constituant un frein à l’avènement de l’achat public responsable
car il est difficile pour eux de juger efficacement de la capacité des entreprises à
atteindre la performance globale117.
Ainsi ces normes RSE existent, mais il n’existe pas de lien juridique entre elles et
l’achat public, ce qui rend difficile son introduction en droit de la commande
publique.
116 Article 116, de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. 117 Rapport de Nantes Métropole et du Centre des Jeunes Dirigeants d’Entreprise de France, « Vers la performance globale de la Commande Publique », Mai 2011, p.13
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
107
150. Pour remédier à cela, l’idée est de donner dans la passation des contrats de la
commande publique une vraie place à cette RSE qui permet à l’acheteur public de
jauger de la capacité responsable du candidat. A cet effet plusieurs évolutions légales
sont possibles, et ceci a été le sens du Rapport de Nantes Métropole et du Centre des
Jeunes Dirigeants d’Entreprise de France sous la direction de Jean-Marc Ayrault.
Ainsi ;
• Introduction du RSE comme critère de sélection des offres : Lors de la sélection
des offres, l’acheteur retient un ensemble de critère permettant de départager les
différentes propositions. L’introduction du RSE comme une critère de sélection aura
un double avantage pour la performance globale. D’une part valoriser l’offre qui sera
la plus performante en matière globale et d’autre part inciter les entreprises
candidates à adopter une démarche de développement durable. L’introduction d’un
tel critère serait un geste fort qui permettrait de révolutionner l’idéologie de la
commande publique qui passerait d’un achat public à un achat public responsable
poussant la personne publique à passer de la recherche d’une performance sectorielle
à une recherche globale. Le rapport de Nantes Métropole propose une insertion
progressive avec une première étape qui donnerait sur le panel des critères, un tiers
au prix, un tiers à la valeur technique de l’offre, et un tiers au à la performance de la
responsabilité sociétale de l’entreprise. Cette démarche permettrait à la commande
publique de réunir efficacement l’acheteur public et le fournisseur dans une
démarche de développement durable essentielle pour répondre aux défis du XXI
siècles.
Dans la continuité de cette démarche, à l’instar de l’obligation de l’acheteur de
contrôler les capacités techniques, financières et professionnelles des candidats, les
défaillances en terme de RSE pourraient devenir des causes d’exclusion d’un
candidat avant la remise des offres. Et si un tel critère peut paraitre difficile, la
possibilité de restreindre cette obligation à la remise au stade de la candidature du
rapport de RSE pourrait permettre à l’acheteur public d’avoir une visibilité sur les
capacités sociales et environnementales du candidat.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
108
Enfin, afin de rendre possible une telle insertion il est essentiel de rendre plus lisible
le critère de RSE, et ceci via la création d’un label, d’une norme unique de RSE
auquel tous les acheteurs et fournisseurs pourront se référer pour l’élaboration des
offres. Ainsi, l’élaboration de ce label unique permettra d’uniformiser l’élaboration
des RSE, et pourra rendre possible une comparaison objective du critère RSE entre
les différents candidats.
• Bonification financière de l’action RSE : À l’instar de la valorisation de
rémunération du partenaire dans le contrat de partenariat, l’idée serait de lier les
revenus du fournisseur à la réalisation de performance de RSE dans l’exécution du
contrat. Pour ce faire, lors de la passation du contrat, les cocontractants s’entendent
sur l’atteinte d’objectifs en terme de performance de RSE dans l’exécution du contrat,
et en cas de manquement le candidat serait sanctionné et inversement. Pour exemple
les cocontractants peuvent s’engager sur un nombre à atteindre en terme d’emploi de
personne en situation de chômage de longue durée.
La mise en place de ces mécanismes n’étant possible qu’à travers une démarche
parallèle de formation des acheteurs publics.
151. Dans la situation actuelle de l’achat public, seulement 12% des achats sont
responsables. L’introduction effective de la démarche RSE permettrait de faire
évoluer ce pourcentage.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
109
152. En conclusion du chapitre : Le XXIème siècle pose des défis inédits en terme
social et environnemental du fait des crises économiques et du réchauffement
climatique. Face au besoin exogène de la commande publique de satisfaction de
l’intérêt général, la personne publique doit être en mesure d’apporter des réponses
performantes à ces défis. La réponse passe par la nécessité de passer d’une logique
de performance sectorielle de l’achat public à une performance globale. Actuellement
le droit de la commande publique souffre de nombreuses limites pour passer d’un
achat public simple à un achat public responsable qui est l’instrument pratique du
développement durable et de la performance globale.
Afin de faire face à ces barrières, le pouvoir public doit entreprendre des réformes
passant par la refonte de l’article 5,14 et 53 des marchés publics avec le passage de la
notion d’intention à celle d’obligation et par l’affirmation de l’achat public responsable
en introduisant dans la réglementation de la passation des contrats de la commande
publique les clauses de RSE.
L’achat public étant l’expression de la volonté politique, l’obligation d’innovation
incombe aux décideurs publics afin de faire évoluer la pratique du contrat de la
commande publique en lui permettant d’être un levier de la performance globale.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Chapitre 2 : La nécessité de la recherche de la performance globale
110
153. En conclusion de partie : La notion de performance a une relation
ambivalente avec l’achat public, d’une part elle se met au service de l’économie du
contrat et d’autre part c’est l’achat public qui se met au service de la recherche de la
performance de l’action publique. Ainsi le droit de la commande publique a créé des
instruments contractuels afin de rechercher la performance environnementale, c’est
l’instauration des contrats de performance énergétique. Au delà de cela, la mise en
place en Droit des CPE a permis la création des contrats CREM et REM qui sont
amenés à devenir des contrats efficaces pour la recherche de performance sectorielle.
Mais afin de faire face aux défis du XXIème siècle, la notion de performance à travers
son aspect global est une réponse efficace aux besoins exogènes de la personne
publique. Néanmoins à l’heure actuelle, la commande publique se confronte à des
limites juridiques bloquant le passage d’une performance sectorielle à une
performance globale, la solution passant par l’innovation nécessaire que représente
l’achat public responsable.
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Conclusion
111
CONCLUSION GENERALE
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Conclusion
112
154. Le contrat de la commande publique est donc cet instrument juridique qui
permet à l’administration de répondre à ses besoins. Un besoin propre qui est lié à la
nécessité d’exécution du service public à travers une attente en terme d’achat public
(fourniture, service, travaux) et un besoin exogène lié à l’obligation de la personne
publique de satisfaire l’intérêt général dans l’ensemble de ses actions.
155. L’intégration de la performance dans les contrats de la commande publique a
suivi cette dualité. Ainsi dans son approche classique elle est utilisée afin de
rechercher la passation de l’achat le plus performant possible à travers des armes
juridiques et des techniques de management public. Ces objectifs attachés à
l’économie du contrat a assigné l’acheteur public à la recherche d’une performance
que l’on peut aisément qualifier de performance principalement économique.
156. Puis dans son approche exogène, c’est l’achat public qui s’est mit au service de
la recherche de la performance afin de remplir sa fonction de satisfaction de l’intérêt
général. A cet effet le droit de la commande publique a crée des instruments
juridiques capables d’atteindre des performances exogènes sectorielles. C’est à ces
fins que la recherche de la performance environnementale a crée les contrats
CREM/REM qui ont vocation à pouvoir être utilisés pour d’autre performance
sectorielle dans les prochaines années.
157. In fine il existe donc une interdépendance péremptoire entre les contrats de la
commande et la performance. En effet dans l’approche classique et objective, la
performance est appliquée au service de l’achat public, et dans la nouvelle approche
plus subjective c’est l’achat public qui est mit au service de la recherche de la
performance.
158. Mais à l’aurore du XXI siècle cette approche ne doit plus être sectorisée mais
globalisée. En effet notre siècle fait face à des défis inédits et à une crise sociale et
environnementale systémique. Par son poids sur l’économie, la commande publique
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Conclusion
113
est un levier permettant d’être un instrument efficace, et même performant, pour
répondre au challenge que le siècle pose.
159. Pour se faire, les contrats de la commande publique doivent passer de
l’objectif d’achat public simple à l’achat public responsable. Néanmoins la législation
actuelle ne semble pas être en mesure de permettre une transition. Mais au delà de ça
le Droit reste ancré dans une vision tridimensionnelle, sur l’échelle des grands
principes qui régissent les contrats de la commande public à savoir le respect unique
de la : liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de
transparence des procédures. La notion de performance étant uniquement relayée au
rang d’ambition à travers l’idée d’efficacité de la commande publique et de bonne
gestion des deniers publics.
160. Ainsi l’élévation de la notion de « recherche de la performance dans l’achat »
serait une innovation essentielle qui permettrait au concept d’irriguer l’ensemble du
droit de la commande publique. Ceci permettrait de dépasser la seule approche
objective ou subjective de la performance de ce Droit et de l’amener à l’unique
approche globalisée.
161. L’édification du concept de performance au sommet de l’Olympe des
principes de la commande publique permettrait d’abattre plus facilement les
barrières actuelles qui empêchent l’avènement de la notion de performance globale.
Ainsi l’achat public responsable et performant pourra prendre pleinement sa place
dans l’idéologie de la commande publique et il deviendra un instrument redoutable
pour faire face aux défis du siècle.
162. Mais les contrats de la commande étant l’émanation du service public, un tel
changement relève de la responsabilité des décideurs publics. Dès lors le choix de
l’innovation nécessairement impérieux relève de la responsabilité des politiques, car
comme disait le physicien Edwin Herbet Land « Innover, ce n’est pas avoir une nouvelle
idée mais arrêter d’avoir une vieille idée ».
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique. Conclusion
114
163. Ce n’est qu’à travers cette avancée, comme l’affirmait Gaston Jèze, que l’Etat
sera ce « moyen juridique qui permet modifier les institutions politiques, économiques,
sociales, pour les mettre en harmonie avec les besoins matériels ou moraux de la population. »
Car « Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à
de nouveaux maux »
Francis Bacon
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique.
115
Bibliographie
- « Contrats publics et contractualisation de l'action publique - un point de vue anglais »,
RFDA 2006, p.1015
- « De l’appel d’offres sur performances au dialogue compe titif » Moniteur Juris, décembre
2011, Lichère.(F)
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119
Table des matières
INTRODUCTION 11
PREMIERE PARTIE : L’APPROCHE CLASSIQUE DE LA
PERFORMANCE DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE
PUBLIQUE : LA RECHERCHE D’UN ACHAT PUBLIC PERFORMANT 18 CHAPITRE 1 : LA PERFORMANCE DANS L’ECONOMIE DU CONTRAT DE LA COMMANDE PUBLIQUE 20 §1) La performance comme élément de passation des contrats de la commande publique 21 A) La performance entendue comme composante de la définition du besoin des marchés publics 22 B) La recherche de la performance dans la sélection des offres : l’offre économiquement la plus avantageuse 28 34 §2) La performance dans le management de l’achat public 39 A) La mise en place d’une organisation structurelle favorisant l’achat performant 40 B) L’émergence de techniques de gestion d’achat performant 43 CHAPITRE 2 : LA RECHERCHE DE LA PERFORMANCE A TRAVERS LA SECURISATION JURIDIQUE DES ACTES 47 §1) La performance comme élément de sécurisation de l’exécution des contrats de la commande publique 48
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique.
120
A) La performance, variable de la rémunération du cocontractant dans le contrat de partenariat : Sécurisation de la qualité la plus optimal des prestations réalisées. 49 B) Les clauses de pénalité de retard dans les contrats de la commande publique : Sécurisation relative de l’exécution du contrat 54 §2) Les mécanismes de protection de la performance : la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles 58 A) La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles de l’acheteur public 59 B) La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles du fournisseur dans un contrat de la commande publique 60 DEUXIEME PARTIE : VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA
PERFORMANCE DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE
PUBLIQUE 65 CHAPITRE I : LA RECHERCHE DE LA PERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE DANS LES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE : LE CONTRAT DE PERFORMANCE ENERGETIQUE. 68 §1) L’intégration d’un contrat public au service de la performance environnementale. 70 A) Les objectifs du contrat de performance énergétique 71 75 B) Le régime performantielle des contrats de performance énergétique 75 §2) La performance environnementale clef de voûte de la recherche d’autre forme de performance au sein du contrat de performance énergétique 80 A) Le dispositif du tiers investisseur : une performance économique au service de la recherche d’une performance énergétique 81 B) L’intégration des marchés globaux : de la recherche d’une performance énergétique à celle d’une performance générale. 83 CHAPITRE 2 : LA NECESSITE DE LA RECHERCHE DE LA PERFORMANCE GLOBALE DANS LA PASSATION DES CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE 92 §1) La notion de performance globale dans les contrats de la commande publique 94
BERNARDINI Niels. La performance et les contrats de la commande publique.
121
A) L’existence de valeur partagée entre commande publique et performance globale 95 B) Les limites juridiques et pratiques au développement de la performance globale dans les contrats de la commande publique 98 §2) Vers un besoin impérieux d’achat public responsable comme levier de la performance globale. 101 A) Qu’est ce qu’un achat publique responsable ? 102 B) L’intégration du critère RSE dans les contrats de la commande publique. 105
CONCLUSION GENERALE 111 BIBLIOGRAPHIE 115 TABLE DES MATIERES 119