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Université Lumière Lyon II Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales Ludwig PEREIRA Directrice de mémoire : Madame Anne Blanc-Boge, Maître de conférences de sciences de gestion à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon. Mémoire réalisé dans le cadre du séminaire Management des organisations soutenu à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, le mardi 1er juillet 2008. Président du Jury :Monsieur David Piovesan, Maître de conférences de sciences de gestion à l’Université Lyon III.

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Université Lumière Lyon II

Vers une mise œuvre du management dansles collectivités locales

Ludwig PEREIRADirectrice de mémoire : Madame Anne Blanc-Boge, Maître de conférences

de sciences de gestion à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon.Mémoire réalisé dans le cadre du séminaire Management des organisations

soutenu à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, le mardi 1er juillet 2008.

Président du Jury :Monsieur David Piovesan, Maître de conférences de sciences de gestion àl’Université Lyon III.

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Table des matièresRemerciements . . 4Introduction Générale . . 5Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local . . 11

A) Evolution de l’environnement . . 111) La transversalisation des politiques locales . . 112) La décentralisation . . 143) De nouvelles exigences . . 16

B) Les compétences du manager public . . 181) Une fonction de management classique . . 182) des compétences managériales particulières du fait du contexte particulier . . 22Conclusion . . 26

Partie II : Une évolution de la formation des cadres territoriaux est nécessaire . . 27A) Des formations au management insuffisantes . . 27

1) Savoir . . 282) Vouloir . . 313) Pouvoir . . 33Conclusion . . 35

B) Prescriptions pour développer de réelles compétences managériales dans le SecteurPublic Local . . 35

1) Une formation adaptée et rénovée . . 352) Une révision nécessaire des modes de recrutement . . 37Conclusion : Synthèse récapitulative des prescriptions . . 38

Conclusion Générale . . 39Bibliographie . . 40

Ouvrages . . 40Revues . . 40Travaux universitaires . . 41Sites internet . . 41Document administratif . . 41

Annexes . . 42Annexe n°1 : Liste des entretiens réalisés . . 42Annexe n°2 : Analyse des entretiens réalisés . . 42Annexe n°3: Guide des entretiens du mémoire sur l’apprentissage du managementdans les collectivités locales. . . 55

4ème de couverture . . 57

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

4 PEREIRA Ludwig-2008

RemerciementsJe remercie Madame Anne Blanc-Boge, directrice de ce mémoire pour ses recommandations etses critiques constructives tout au long de ce travail ainsi que Monsieur David Piovesan pour sonaccompagnement dans le cadre du Séminaire Management des Organisations.

Je remercie Monsieur Jean-Pierre Pachoud, Directeur Général des Services de la Ville deRillieux-la-Pape pour sa patience et ses avis ainsi que Madame Sandra de Pinho, Monsieur ClaudeSoubeyran de Saint-Prix, Monsieur Philippe Blain et Monsieur Frédéric Brocard pour leur visionéclairante de leurs collectivités.

Je remercie également Madame Yasmine Bousta-Jullien, responsable du pôle compétencesmanagériales du CNFPT pour ses précieuses indications.

Je remercie MM. Laurent Pradère et Miguel Usannaz-Jorris du cabinet d’audit KPMG pourleurs remarques et leur disponibilité.

Je remercie les différentes personnes interviewées et contactées pour ce travail pour leurpatience et leur écoute.

Je remercie les membres du Jury pour leur présence et leur attention.

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Introduction Générale

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Introduction Générale

Depuis les années quatre-vingt, la France connaît un véritable bouleversement dans lagestion de son administration. La décentralisation et la démocratie participative ont changéla donne. La gestion des administrations locales s’est émancipée de la tutelle de l’Etaten particulier grâce à la décentralisation territoriale. Celle-ci vise en effet à « donner auxcollectivités locales des compétences propres, distinctes de celles de l’État, à faire élireleurs autorités par la population et à assurer ainsi un meilleur équilibre des pouvoirs surl’ensemble du territoire. [Elle] rapproche [ainsi] le processus de décision des citoyens,favorisant l’émergence d’une démocratie de proximité. »1.

Ainsi, les collectivités locales ont vu leurs compétences s’étendre dans de nombreuxdomaines grâce à l’acte II de la décentralisation, consacré par la loi du 28 mars 2003. Sur leplan économique, elles sont en charge du développement d’infrastructures ou encore de laformation professionnelle. De plus, elles sont devenues des acteurs-clés dans l’éducation, lasanté, le sport ou encore la culture des citoyens. Afin de remplir leur mission, ce transfert decompétences s’est accompagné d’un important transfert de fonds aux collectivités locales.À Lyon, la place croissante de la communauté urbaine en est un exemple. Avec près d’1,6milliards d’euros de budget en 2006 et plus 1,2 millions d’habitants, le Grand Lyon montretoute la progression qui a été faite depuis sa création en 1969.

Cette augmentation des fonds et donc de l’autonomie des collectivités locales sefait toutefois dans un contexte de raréfaction des ressources. L’Etat se désengage et lescollectivités doivent désormais composer avec un resserrement de leur marge budgétaire.Cette austérité est d’autant plus drastique que les administrations locales n’étaient pasengagées dans cette démarche. La situation financière actuelle les pousse donc à s’ouvrirà de nouvelles compétences en termes de gestion des finances locales, dans un contexteéconomique de rareté.

Dans un mouvement parallèle, les usagers ont repris une place importante dans ladécision politique locale. Outre la démocratie participative, les citoyens de ces dernièresannées ont développé une exigence de qualité quant aux services rendus. L’usager devientclient et il attend du service public une qualité proche de certaines prestations issues dusecteur privé. Dans ce contexte, on constate que les frontières entre secteur public etsecteur privé se confondent et que la vie associative et autres lobbys trouvent égalementleur place sur l’échiquier politique local, comme le montre le schéma suivant.

1 Cf. Définition de la décentralisation, La décentralisation (1789-2006), Histoire et patrimoine, site de l’Assemblée Nationale, http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/decentralisation.asp

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Figure 1 : Les structures du secteur public localCette figure montre que le secteur public local est loin de poser une frontière nette

entre le secteur privé et le secteur public. Il est à la fois en contact avec la sociétécivile : associations locales, groupes sociaux, entreprises partenaires mais il garde en sonsein les organisations publiques locales. Les Etablissements Publics à Intérêt Commercial(EPIC) ou les Sociétés d’Economie Mixte (SEM) sont un exemple du caractère hybridedu secteur public local actuel. Ce caractère est d’ailleurs amené à se développer avecl’émergence croissante des partenariats public-privé, encore peu développés en France.Afin de répondre à ces exigences de qualité notamment, les collectivités locales font ainsiappel à des personnes compétentes venues du secteur privé. Il en va de même pour ladémarche de transparence en termes de gestion.

Afin de sortir d’une administration opaque et peu prévoyante, les collectivités localesdoivent également pouvoir faire preuve de transparence au niveau de leur gestion.Face aux citoyens toujours plus exigeants, elles doivent être capables d’expliquer leurschoix budgétaires. De plus, les personnes présentes dans les collectivités ne sont pasnombreuses à avoir les compétences requises de gestion budgétaire. Là encore, le

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Introduction Générale

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bouleversement que connaissent les collectivités locales les pousse à se parer en hommes,en méthodes et en outils afin d’améliorer leur gestion. Le contexte force les collectivitésà s’adapter, même si elles ne sont pas toutes réceptives à l’urgence d’une démarche deperfectionnement et de modernisation des services rendus.

Ceci n’est pas les cas de Madame Sandra de Pinho, Directrice Générale Adjointe de laville de Lille selon laquelle : « il y a tellement de choses à faire, à changer, à moderniser [quecela constitue] une motivation totale, […] un challenge. »2. Toutefois, à côté de structuresaussi importantes que Lille Métropole, les petites et moyennes collectivités ne sont pas enreste. Elles doivent, elles aussi, s’adapter aux nouveaux enjeux de la gestion administrative,avec plus ou moins de facilités. Ces récentes évolutions se sont donc accompagnées d’undéveloppement considérable de la fonction de management. Les cadres territoriaux voientainsi leurs responsabilités se complexifier, se diversifier ; ces dernières sont marquées parl’interactivité avec les citoyens et les partenaires de toute sorte : institutionnels, semi-privés,société civile, etc. Le développement des modes de management n’est donc qu’une réponselogique à une situation donnée. Comment répondre en effet à des objectifs toujours plusdenses et complexes sans s’attacher les compétences : outils, savoir-faire et savoir-êtrenécessaires ? Cela est d’autant plus vrai que, comme nous allons le voir, il n’existe pas desolution miracle pour parvenir à gérer une administration. Même si elles en ont la volonté– ce qui n’est pas toujours le cas- les collectivités locales ne parviennent pas toutes àdévelopper des modes de gestion performants.

Le développement du management ne se fait donc pas sans difficultés. En effet, la miseen œuvre du management dans les administrations se heurte à des résistances culturellesmais également à des résistances d’ordre pratiques. Un exemple de cela est la difficile miseen place de l’évaluation des agents. Celle-ci met du temps à s’installer car de nombreuxcadres résistent fortement à l’idée d’une évaluation de leur action. De plus, il est égalementdifficile d’évaluer précisément en quoi consistent les compétences et les tâches d’un agent.Décrire les objectifs de manière claire sans tomber dans l’approximation n’est pas toujourschose aisée. En somme, si l’évaluation est acceptée, elle n’est pas toujours mise en œuvrede manière efficace. On voit ainsi de nombreux chefs noter de manière égale l’ensemblede leurs agents. Enfin, d’autres techniques de management, comme le système de primespar exemple, connaissent des dysfonctionnements dans leur mise en œuvre (attributionsystématique ou parfois inéquitable).

C’est dans ce contexte qu’il nous semble pertinent de nous interroger sur la questiondu management et de son apprentissage et, ce faisant, de chercher à savoir si la mise enœuvre du management est souhaitable dans les collectivités locales. Une telle question peutd’abord paraître contradictoire. L’origine du management est souvent attribuée au secteurprivé et les collectivités n’utiliseraient pas ce type de « méthodes ». En réalité, il est difficilede savoir si le management provient du domaine public ou privé. Toutefois, la pratique etle contexte montrent qu’une bonne maîtrise du management est devenue nécessaire auxdirigeants des collectivités locales.

Selon Annie Bartoli3, le terme serait un ancien mot français d’origine latine (manus, lamain) et proche du verbe italien maneggiare (manier, conduire). Dans son AdministrationIndustrielle et Générale4, Henri Fayol pose la fonction administrative comme synonyme de« planifier, organiser, commander, coordonner, contrôler. »

2 Cf. Entretien du 9 avril 2008 avec Madame Sandra de Pinho, annexes n°2.3 Cf. Annie Bartoli, « Le management dans les organisations publiques », Editions Dunod, 2ème édition, 2005, 419 pages, p.24.4 Cf. Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Dunod, Paris, 1999, p.8.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

8 PEREIRA Ludwig-2008

- La planification est un synonyme de prévoyance, d’anticipation ;

- Organiser signifie « munir l’entreprise de tout ce qui est utile à son fonctionnement »5 ;- Commander implique « tirer le meilleur parti possible des agents qui composent

[l’] unité, dans l’intérêt de l’entreprise »6 ;- Coordonner renvoie à « mettre de l’harmonie entre tous les actes d’une entreprise

de manière à en faciliter le fonctionnement et le succès » mais également à « donner auxchoses et aux actes les proportions qui conviennent, adapter les moyens au but »7 ;

- Contrôler revient à « vérifier que tout se passe conformément au programme adopté,aux ordres donnés. Le contrôle a pour but de signaler les fautes et les erreurs afin qu’onpuisse les réparer et en éviter le retour. »8. Luther Gulick9 rajoutera une sixième fonction à ladescription de Fayol. En effet, Gulick décompose la fonction de commandement en deux :la gestion du personnel qui nécessite de gérer les équipes au quotidien et la fonction dedirection où le manager doit motiver et superviser ses équipes. De plus, il est intéressantde noter que la fonction de contrôle est appelée « gestion du Budget ».

Pour Chester Barnard10, le management repose « sur les managers dirigeants issus dela direction générale. Barnard définit trois rôles généraux du manager :

- Fournir un système de communication organisationnelle ;- Mettre à disposition de l’organisation des ressources essentielles ;- Définir la finalité et les objectifs de l’organisation et les faire partager à tous. »

Enfin, pour Henri Mintzberg11, le manager « revêt trois types de rôles : l’interpersonnel,l’information et la décision ». Cette définition du management apporte une nouveauté carelle insiste sur l’action quotidienne du manager :

Les rôles interpersonnels reposent « sur l’autorité formelle [dans] les relations »12 entreles personnes. Ainsi, le manager assure la représentation de l’organisation (rôle du managercomme Symbole de l’organisation).

Les rôles d’information sont ceux liés à la compréhension de l’organisation, à la diffusionde l’information, que cela soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation.

Les rôles de décision correspondent aux actions de correction de l’action del’organisation.

Pour ce qui est de la mise en œuvre du management par les dirigeants des collectivitéslocales, elle passe nécessairement par un apprentissage. Ce terme se définit comme « ledébut d’une pratique, l’initiation à cette pratique. » Dans le domaine de la psychologie,le terme désigne « les modifications durables du comportement du sujet grâce à des

5 Ibid, p.61.6 Ibid., p.108.7 Ibid., p.115.8 Ibid., p.119.9 Cf. Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p.192.10 Ibid.11 Ibid., p. 194.12 Ibid., p.193.

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Introduction Générale

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expériences répétées »13. Nous voyons donc que cette notion est déjà fortement liée àla question de l’action, de la pratique comme validation de l’acquisition mentale. En effet,l’apprentissage est dit réussi s’il permet d’acquérir une compétence. Comme le précise GuyLe Boterf14, « la compétence est une imbrication de multiples ingrédients triés à bon escient.Ce n’est pas une addition de savoirs partiels. » Ce que confirme Florence Hunot dansson ouvrage Former les nouveaux managers15, « la compétence comporte un caractèreopératoire et ne peut être séparée de ses conditions de mise en œuvre ».

Enfin, nous traiterons ici du management dans le secteur public et plus particulièrementdu secteur public local. Ainsi, les sujets de notre étude sont les fonctionnaires de classe Aou A+ des collectivités locales et leur implication dans les questions d’organisation et demanagement. Notre domaine d’étude, le secteur public local, est aujourd’hui caractérisé parune forte interaction entre les usagers et leur administration.

Nous tenterons donc de comprendre en quoi les formations existantes répondent auxnécessités d’évolution de la fonction managériale dans les collectivités locales. Afin derépondre à cette question, nous avons procédé à une série d’entretiens auprès de directeursgénéraux de service et responsables de petites, moyennes et grandes collectivités locales16,de responsables de formation du secteur public et de formateurs du secteur privé17. Selonleurs responsabilités, l’entretien a porté sur leur qualité de formateur en managementou en tant que formé au management18. Par formations, nous entendons les formationsinitiales des cadres de la fonction publique locale réalisées à l’Institut National des EtudesTerritoriales de Strasbourg (INET) ainsi que dans les Ecoles Nationales d’Application desCadres Territoriaux (ENACT) situées à Angers, Montpellier, Nancy et Dunkerque. Toutefois,nous faisons également référence aux formations continues assurées par le CNFPT ou pard’autres organismes au sein des administrations. De plus, nous évoquerons également lesconseils aux administrations avec le cas du cabinet d’audit KPMG.

Ces vingt-cinq dernières années ont amené de nouveaux défis à relever pour lescollectivités locales. La décentralisation, l’exigence croissante des usagers et des élusainsi que la complexification des affaires publiques locales, ont poussé les dirigeantsdes collectivités à s’armer de nouvelles compétences. Celles-ci relèvent à la fois decompétences dites classiques du manager tandis que d’autres sont plus spécifiquementliées au secteur public local.

De plus, les formations en management ne sont pas totalement efficaces, à la foisparce qu’elles ne permettent pas aux managers du secteur public local d’acquérir lesconnaissances nécessaires à leur fonction mais également parce que la mise en œuvre deces formations n’est possible que si le manager y est déterminé et dans la mesure où sonenvironnement le lui permet.

Enfin, ce renouvellement des compétences managériales nécessite d’une part uneformation personnalisée et continue davantage orientée vers les expériences pratiques et

13 Cf. Définition du Petit Robert, 1986.14 Cf.Guy Le Boterf, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Editions d’Organisation, 1994, 176 pages.15 Cf. Florence Hunot, « Former les nouveaux managers, Problem-based learning, une méthode novatrice pour développer

les compétences », Editions Liaisons, 2000, 142 pages.16 Près de 8000 habitants à Dardilly dans le Rhône et environ 226 000 à Lille et ses communes avoisinantes.17 Cf. liste des entretiens réalisés en annexe n°1.18 Cf. guide des entretiens en annexe n°4.

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d’autre part, à l’heure d’un renouvellement massif de l’encadrement dû aux départs enretraite, une réflexion sur les profils de formation initiale qui d’emblée interroge sur lescritères par voie de concours.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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Partie I : les évolutions de la fonction demanager dans le secteur public local

Dans les années 80, la décentralisation a apporté son lot de modifications dans lesinstitutions locales. L’essor considérable de l’intercommunalité a également permis auxcommunes de se regrouper et de créer des organisations plus importantes donc plusdifficiles à piloter. Les dirigeants des collectivités locales sont ainsi confrontés à descontraintes liées à la complexification de leur tâche pour des raisons techniques (montéeen compétence de la formation), historiques (délégations de compétences) mais égalementpolitiques (exigence des élus et des habitants des collectivités locales). Ainsi, cestransformations requièrent que les dirigeants des collectivités se dotent de compétencesleur permettant de faire face à ces défis. Celles-ci relèvent à la fois de compétences ditesclassiques du manager tandis que d’autres sont plus spécifiquement liées au secteur publiclocal.

A) Evolution de l’environnementLes évolutions du secteur public local ont amené de nombreuses contraintes pour lesmanagers du secteur public local : les questions publiques sont désormais marquées parleur transversalité. De plus, les nouvelles compétences conférées par la décentralisationdonnent aux collectivités locales un surplus de pouvoirs mais également de responsabilitésvis-à-vis des élus et des usagers.

1) La transversalisation des politiques localesDans les années 80, l’arrivée de systèmes participatifs dans les collectivités a permis dedavantage associer les agents aux orientations stratégiques des organisations publiques.C’est par exemple le cas pour la prise de décision mais également pour la mise en placede plans de formation, décidés collectivement afin de satisfaire les besoins individuels desagents.

De plus, le développement de la politique de la ville dans les années 80, a permisde reconsidérer l’approche des questions publiques. Comme le confie Laurent Pradère,Responsable Audit pour le groupe KPMG Secteur Public, de nombreux services ont à traiterdes questions transverses. Ainsi, « Les services opérationnels sont dédiés à une activitéparticulière, par exemple : la voirie, l’accueil des crèches, … mais ils ne peuvent fonctionnerqu’en s’appuyant sur une structure transverse : marchés publics, gestion des ressourceshumaines »19.

Les collectivités sont donc passées à la fois :

19 Entretien réalisé le 26 mars 2008.

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- d’un système très vertical, au fonctionnement très hiérarchique, à une organisationplus transversale où « plusieurs personnes s’occupent de différents domaines autour d’unetable » et voient ce qu’elles vont faire « au niveau d’un quartier, d’une population, voir cequ’il manque et comment atteindre un équilibre général. »20

du global au local. Les décisions traditionnellement centralisées reviennent aux acteursde proximité : élus, cadres, citoyens, dans une logique de consultation et d’interaction.

La complexification des problématiques de gestion locale amène ainsi à une approchemultisectorielle des affaires publiques locales. La logique de territoire englobe une multituded’acteurs et dépasse la répartition classique des domaines d’intervention. Dans ce cadre,le développement du pilotage par projets s’impose, résultat du couplage de la stratégietransversale et du global au local. « Par exemple, dans le cadre de la politique de la ville,cela peut être le programme spécifique de la ville pour un quartier par exemple : il va y avoirde la culture, du sport, etc. Cela fera partie du programme politique de la ville et cela serabien un programme d’une part transversal à différents domaines et en même temps localen termes de territoires par rapport à un global. »21

a) Une vision stratégique transversaleIl y a émergence d’une vision stratégique transversale car les managers du secteur publiclocal doivent prendre en compte les stratégies des tous les individus en place. David Huronet Jacques Spindler le confirment : « les collectivités sont caractérisées par une extrêmediversité de métiers et par conséquent de services. »22. La transversalité permet de court-circuiter le traditionnel cloisonnement décrit dans « le phénomène bureaucratique » deMichel Crozier.

Les politiques publiques s’articulent désormais dans une logique de réflexion communeou chaque acteur concerné doit être entendu. Comme le souligne Madame Jullien, « quandvous élaborez, mettez en place ou évaluez un plan d’action, vous devez intégrer lesstratégies et les directives des décideurs en prenant en compte les besoins et attentesdes usagers, des décideurs politiques et de l’administration, en choisissant des indicateursd’impact donnant la possibilité d’évaluation de la satisfaction des usagers et des attentesdes élus. »23

Ainsi, l’organisation verticale correspondant au modèle wébérien de l’administrationest remise en cause par ce nouveau mode de gestion. L’ancien modèle : statique, trèshiérarchique et peu favorable à la délégation des compétences est peu à peu remplacé.Les collectivités locales sont en effet plus propices à de telles modifications que les grandscorps administratifs de l’Etat.

Toutefois, la transversalité n’est pas une règle générale. Elle a « tendance à sedévelopper dans les organisations ayant une forte culture qualité »24 et elle peut varierdans son intensité ; allant « d’une simple coopération ponctuelle n’apparaissant pas surl’organigramme, à l’instauration d’un « niveau hiérarchique transversal » regroupant lesdifférents services sous l’égide d’un responsable administratif. » Certaines collectivités se

20 Entretien avec Madame Jullien réalisé le 5 décembre 2007.21 Ibid.

22 Cf. David Huron, Jacques Spindler, « Le management public local », L.G.D.J., 1998, 118 pages, p.24.23 Cf. entretien du 5 décembre 2007.24 Cf. David Huron, Jacques Spindler, « Le management public local », L.G.D.J., 1998, 118 pages, p.25.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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dotent ainsi d’organisations en pôles qui permettent des structures plus ramassées. PourFrédéric Brocard, D.G.S. de la ville de Dardilly, cette réorganisation permet ainsi de répondreà « une logique de résultat. […] Du point de vue de l’équipe d’encadrement, certainesréunions mensuelles se font à quatorze personnes, on n’arrive pas à travailler. C’est parpetits groupes que l’on travaille. […] Si vous évoquez les animations jeunesses qui fontpartie du projet éducatif local, cela va intéresser la jeunesse, l’enfance, peut-être un petit peula culture, les sports, éventuellement la médiathèque. Cela ne va pas intéresser la policemunicipale, l’urbanisme, les services techniques, la crèche, la maison de personnes âgées.Il est difficile d’organiser une réunion si tous ne sont pas intéressés.» La transversalité deces nouvelles répartitions permet d’ébaucher des politiques publiques plus précises et plusambitieuses, comme l’explique Jean-Pierre Pachoud, D.G.S. de la ville de Rillieux-la-Pape :« Je suis en train de voir comment je peux transformer cette comptabilité analytique enmesure des politiques publiques. Par exemple, ne plus se dire : « combien coûte une école »mais « la réussite éducative, c’est combien ? Et comment on la mesure. » C’est un peul’esprit de la LOLF. »25

b) Du global au localDe plus, les collectivités locales doivent composer de manière croissante avec laparticipation accrue des habitants locaux : associations, lobbys, conseils de quartier. Lesprocessus décisionnels sont désormais locaux et passent par une écoute accrue desacteurs de terrain et des représentants des intérêts des citoyens. Ainsi, Madame Julliensouligne qu’« on ne raisonne plus au niveau d’une ville mais au niveau d’un quartier ou d’ungroupe social. [Auparavant, le raisonnement était] : « on va faire un équipement dans telquartier. », aujourd’hui, on raisonne moins en termes global mais on raisonne plus en termeslocal.»26 . Ceci a un fort impact en termes de pratiques de management. Les décisionsne sont plus uniquement descendantes mais elles sont descendantes et remontantes :« descendantes parce qu’il faut tenir compte du programme des élus et remontantes parcequ’il va y avoir le conseil de quartier des citoyens, des associations de citoyens, etc. quivont amener des choses et qui vont participer d’une analyse qui se situera à la périphérie. »

25 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.26 Cf. entretien du 5 décembre 2007.

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Figure 2 : Interactions centre-périphérie dans les collectivités locales

2) La décentralisationInscrite dans la Constitution, la décentralisation représente pour certaines une véritablerévolution copernicienne. Ainsi, Philippe Blain, Directeur Général des Services de la villede Brignais n’hésite pas à la qualifier de « plus grande réforme administrative du XXèmesiècle »27. Toutefois mal « vendue », peu « expliquée », cette démarche entamée il y aplus d’un quart de siècle a souffert du manque de relais des partenaires institutionnelset médiatiques. Reste qu’aujourd’hui les collectivités locales semblent effectivement avoirtransformé la France puisqu’elles représentent près de 72% de l’investissement public.Cette marge de liberté conférée aux collectivités les a poussées à faire appel à de nouvellescompétences et à créer des métiers. Toutefois, cette liberté dans les compétences ne peut

27 Entretien réalisé le mardi 16 avril 2008.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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être réellement mise en œuvre, étant donné le contexte budgétaire, sans une exigence derigueur au niveau de la gestion des comptes.

a) Un transfert de compétencesLe 28 mars 2003, l’Assemblée Nationale et le Sénat ont voté en Congrès l’organisationdécentralisée de la République. Comme le soulignent Sébastien Creusot et OlivierBenjamin28, l’acte II de la décentralisation est le coup d’envoi d’ « une réforme profondedes institutions ». Le nouvel article 72-2 de la Constitution a ainsi pour but de garantirl’autonomie financière des collectivités locales puisqu’il prévoit que « tout transfert decompétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution deressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Ce transfert decompétences se fait d’ailleurs pour la majeure partie, par la fiscalité plutôt que par dotationbudgétaire. Ainsi, depuis l’année 2004, les départements reçoivent une fraction du tarif dela Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP).

Ces nouvelles compétences attribuées aux collectivités locales sont variées. Par lagrande diversité de domaines qu’elles recouvrent, elles créent un nombre considérablede nouveaux métiers au sein de la fonction publique territoriale. Régions, départements,communes, EPCI, … tous interviennent en grande partie dans le secteur tertiaire. Il peuts’agir de la santé : aides aux jeunes en difficultés, formation de travailleurs sociaux ou dela culture : propriété de certains monuments historiques, écoles nationales de musique,de danse et d’art dramatique, conservatoires nationaux, de région, … Il ne faut toutefoispas oublier que les collectivités locales ont également à charge le domaine stratégiquedes infrastructures (gestion des routes nationales en métropole, aérodromes civils, portsmaritimes, …), ce qui appelle un transfert important de compétences et de métiers, de l’Etatvers les collectivités.

Les collectivités locales ont donc dû s’adapter et apprendre à gérer les nouvellescompétences qui leur étaient échues. Ainsi, la création d’un poste de responsable de projetest en soi révélatrice des nouveaux métiers que peut créer la fonction publique territoriale.Les responsables de telles missions doivent apprendre à travailler conjointement avec unensemble de services. Un autre exemple de ces nouveaux métiers se trouve dans le cadredu CNFPT. La logique de service à un client se développant, les centres recrutent des profilsplus généralistes nommés « ingénieurs en formation ».

b) Une obligation de rigueur budgétaireCertes l’attribution de nouvelles compétences a permis aux collectivités locales de tendrevers une autonomie financière croissante. Toutefois, les collectivités sont prises dans uneffet ciseau : leurs ressources diminuent voire se raréfient alors qu’elles maintiennentdes services et une masse salariale importants, qui constituent leurs charges. Il est doncnécessaire pour elles de développer un modèle de pilotage efficace afin de réduire leursdépenses et de rentrer dans une logique d’économie.

Cela est d’autant plus difficile que les collectivités n’étaient pas engagées dans cettedémarche car, par le passé, leur situation financière était moins tendue. Ainsi, certains deses élus disent au D.G.S. de la ville de Rillieux-la-Pape, Jean-Pierre Pachoud, que l’« onn’a jamais vu une ville en difficulté. » « En somme », nous confie-t-il, « [ils ont] un peu le

28 Cf. Sébastien Creusot, Olivier Benjamin, le financement des nouvelles compétences des collectivités locales, L.G.D.J. 2007, 115pages, p.8.

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sentiment qu’une ville ne peut pas être en faillite, que "L’Etat nous aidera". »29 Face à cemanque d’anticipation, la mise en place effective d’un pilotage budgétaire des collectivitéspeut s’avérer longue.

De plus, les responsables politiques locaux sont rarement formés en gestion alors qu’ils’agit d’un élément essentiel de leur mandat. Ainsi, Jean-Pierre Pachoud évoque que :« certains [élus] -même s’ils [ont un] niveau [de connaissance élevé], par exemple, desenseignants dans des universités- n’ont absolument aucune idée de ce que c’est que degérer un budget. Et lorsqu’on leur dit qu’[il faut gérer] le budget ou qu’il n’y a pas assezde recettes, ils n’en voient pas le sens. » Même si elles n’en ont pas toujours conscience,les collectivités locales se trouvent dans l’urgence de développer le contrôle de gestion etdonc de faire appel à des personnes compétentes, notamment issues du secteur privé ouformées au pilotage budgétaire.

3) De nouvelles exigencesLes usagers et les élus nourrissent de nouvelles exigences à l’égard de l’administrationlocale. Suite aux développements juridiques et historiques décrits précédemment, ilspeuvent agir conjointement plus souvent qu’auparavant. Les dirigeants des collectivitéslocales doivent ainsi se livrer à une stricte discipline budgétaire mais ils doivent égalementrépondre aux nouvelles exigences des usagers dans l’action publique locale.

a) L’exigence des usagers.Grâce à la décentralisation, le secteur public local a été le lieu du rapprochement entre lesinstitutions et les habitants ; ceux-ci peuvent prendre « une part plus active dans la définitionet la mise en œuvre de projets qui les concernent, y compris [par] un accès plus facile auxfonctions électives. »30. Dans le sillage du développement de la démocratie participativeet d’une mise en place de la politique de la ville, les citoyens se sont saisis des diversesconsultations et autres moyens de peser dans les décisions de politiques locales: conseilsde quartiers, lobbys d’associations, etc.

Ainsi on dénote une forte pression de la part de la société civile dans les services dela fonction publique. Il s’agit en somme de développer des prestations aussi performantesque dans le secteur privé, ce qui ne va pas sans quelques critiques de la part des cadresdes collectivités, comme Philippe Blain, D.G.S. de la ville de Brignais. Selon lui, « Le citoyend’aujourd’hui par rapport à celui de [s]on début de carrière […] est beaucoup plus exigeant[et] beaucoup plus intransigeant. »

Les usagers attendent ainsi des services mieux adaptés, davantage personnalisés.C’est le cas par exemple de l’e-administration. Selon Antoine Brugidou, vice-président dusecteur public chez Accenture qui publie un baromètre annuel sur le sujet, les usagersreprochent le manque de suivi et d'efficacité de l’e-adminsitration. M. Brugidou souligne ainsila nécessité de «construire une relation de confiance avec le citoyen»31. Ce thème n’esttoutefois pas nouveau. La réforme de la relation entre l’organisation publique et le citoyen

29 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.30 Cf. Dossier sectoriel Pratiques Managériales (Rapport d’étape) Délégation Rhône-Alpes Lyon, Pôle de Compétences PratiquesManagériales, CNFPT, 2002, p.

31 L'e-administration vue par les Français: peut mieux faire, http://www.zdnet.fr/actualites/informatique/0,39040745,39361960,00.htm

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

PEREIRA Ludwig-2008 17

était un des trois thèmes centraux de la circulaire Juppé de 1995. Les tentatives qui se sontenchaînées depuis comptaient notamment sur une « ouverture des unités publiques surl’extérieur et [une] écoute plus régulière des usagers-clients-citoyens »32.

La perception de l’usager comme un client a déjà été explicitée par le courant du« Nouveau Management Public » par son ouvrage fondateur «The New Public Managementin Action »33. Il s’agit notamment de responsabiliser les managers des organisationspubliques, et de favoriser leur « engagement, [leur] probité, [en somme de rendre] compteauprès de la population et des autres parties prenantes »34. Cette exigence signifie queles cadres et les agents développent des compétences qu’ils ne possèdent pas toujours:anticipation, disponibilité, aptitude à communiquer …

b) L’exigence des élusA l’image des citoyens qu’ils représentent et dont ils sont issus, les élus nourrissentégalement de fortes attentes vis-à-vis du secteur public local. Les représentants descitoyens sont ainsi de plus en plus exigeants dans la mise en œuvre du projet politique :atteinte des objectifs, échéances, maîtrise des coûts … Ainsi Madame Jullien expliqueque « depuis les dernières municipales, il y a eu un renouvellement des équipes dans lescollectivités locales. Les élus sont un peu plus jeunes, un peu plus formés. Un peu plusd’élus viennent du secteur privé avec des outils [de] management. Ils sont [donc] beaucoupplus exigeants que les anciens élus qui reposaient beaucoup sur leur charisme. Aujourd’hui,ils sont un peu plus rigoureux dans l’analyse, dans l’atteinte et dans la réalisation deleur objectif. »35 Mais cette tendance est encore peu répandue, dans l’ensemble descollectivités locales, comme le confie, le Directeur des Finances de la Ville de Lyon, ClaudeSoubeyran : « Aujourd’hui, on tâtonne, on avance, on rentre progressivement dans unelogique de performance, des mesures de coût, d’efficacité, de performance. C’est encoreinsuffisamment piloté mais les collectivités se dirigent vers ça, ça « frémit ». »36.

Reste qu’à l’image des usagers, les élus ont parfois du mal à se saisir des contraintestechniques et budgétaires des collectivités. Ils doivent donc développer et structurerdes liens entre projet politique et actions des services. Selon Claude Soubeyran, celasignifie « Allouer les bons moyens financiers aux objectifs à atteindre. [Définir la] bonnequalité […] de l’eau potable, [c’est] permettre le meilleur coût qualité possible : la meilleurequalité au meilleur coût économique possible. » Atteindre de tels objectifs nécessite doncd’avoir les cadres intermédiaires ou supérieurs capables de mener une telle mise en place.Ces cadres doivent être formés aux méthodes spécifiques qui permettent de mieux gérerles organisations. Toutefois, afin de répondre aux exigences des élus, les compétencesseules ne suffisent pas. Il est nécessaire de mettre en place des repères en termes d’outilset de compétences afin de donner les capacités aux cadres de prendre en main lesproblématiques locales. De plus, comme le souligne Claude Soubeyran, « la notion deperformance devrait relever d’une réflexion collective. Il devrait y avoir un débat très fort

32 Cf. Annie Bartoli, « Le management dans les organisations publiques », Editions Dunod, 2ème édition, 2005, 419 pages,p.370.

33 E.Ferlie, L.Ashburner, A.Pettibrew, L.Fitzgerald, “The New Public Management in Action”, Oxford University Press, 1996.34 Cf. Annie Bartoli, « Le management dans les organisations publiques », Editions Dunod, 2ème édition, 2005, 419 pages,

p.371.35 Entretien réalisé le 5 décembre 2007.36 Entretien réalisé le 8 avril 2008.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

18 PEREIRA Ludwig-2008

sur la performance et que l’on ait des étalons. » Les exigences des élus et des usagersseraient ainsi plus ciblées car elles seraient orientées et cadrées par une réflexion clairesur les thématiques budgétaires et politiques.

Ces évolutions de l’environnement : transversalisation et ouverture aux populationslocales des politiques publiques ; décentralisation mais également exigence des citoyenset des élus, amènent les dirigeants des collectivités locales à dépasser une administrationdominée par une logique juridico-administrative. Afin de répondre à ces défis et faire évoluerleur administration, les managers du secteur public local doivent mettre en place une réellelogique de gestion dans le pilotage de l’organisation publique. Celle-ci passe notammentpar un développement considérable de la fonction de management. Dès lors, il convientde s’interroger sur les compétences nécessaires au manager public. Y-a-t-il une spécificitépropre au secteur public ? Les compétences du manager public sont-elles différentes decelles des managers des autres secteurs d’activité et en particulier du secteur privé ?

B) Les compétences du manager publicLes compétences du manager public relèvent des compétences classiques d’un managermais elles comprennent également des spécificités liées aux particularités du secteur publiclocal. Selon Guy Le Boterf, la compétence à un caractère opératoire. « Elle ne se résume pasà une « somme » de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être. »37. Les compétences ne sontpas des « ressources [car] il n’y a de compétences que lorsque ces ressources sont misesen œuvre dans l’action. Les exemples ne manquent pas de personnes qui possèdent demultiples connaissances et savoir-faire, qui disposent de qualités variées mais qui ne saventpas les mobiliser en situation de travail. Une personne savante n’est pas nécessairementune personne compétente »38.

1) Une fonction de management classiqueLes fonctions de management classiques font partie des attributs du manager du secteurpublic. Avant de dégager les différentes compétences qui constituent la fonction d’unmanager classique, il convient de souligner l’aspect général de polyvalence de toutmanager. Selon Henri Fayol, « toutes les opérations auxquelles donnent lieu les entreprisespeuvent se répartir en six groupes : techniques, commerciales, financières, sécurité,comptabilité, administratives »39. La fonction administrative correspond à la fonction demanagement contemporaine.

37 Cf. Guy Le Boterf, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Editions d’Organisation, 1994, 176 pages, p.3338 Ibid.39 Cf. Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Dunod, Paris, 1999, p. 5.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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Figure 3 Capacités nécessaires au personnel de lafonction technique d'une grande entreprise industrielle

Comme le montre ce schéma issu de l’ouvrage d’Henri Fayol40, pour un directeur, lafonction administrative est la plus importante de ces capacités puisqu’elle représente 40%en tout de ses fonctions. L’ouvrier quant à lui n’en possède que 5%. De plus, le directeurest celui qui effectue les six opérations en proportions pratiquement égales. Il doit ainsi êtrecapable de faire un peu de chaque opération.

Madame Sandra de Pinho, DGA des services de la ville de Lille confirme cettecomplexification des compétences, à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchieadministrative. Selon elle, « Quand on a une équipe de dix personnes, c’est un managementde proximité. […] On a beaucoup plus d’attentes vis-à-vis de vous sur l’aspect technique[…] c’est-à-dire qu’on attend de vous que vous connaissiez techniquement le domaine plusque les agents. […] Après quand on est en position de manager plus transversal, on n’apas besoin d’être technicien, on nous demande pas les mêmes compétences. Par contre,on n’a pas un management de proximité mais justement de transversalité. […] Cela n’aaucun rapport en fait, ce sont carrément deux métiers différents». Evoquons maintenant lesdéfinitions plus et moins classiques du management.

a) Définitions et compétences classiques du managementComme nous l’avons évoqué en introduction, la notion de management remonte à 1916avec l’Administration Industrielle et Générale41 d’Henri Fayol. Dans cet ouvrage, la notionde management se nomme administration. La fonction administrative consiste ainsi à« planifier, organiser, commander, coordonner, contrôler […] :

Prévoir, c’est-à-dire scruter l’avenir et dresser le programme d’action ;

40 Ibid, p.123.41 Cf. Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Dunod, Paris, 1999, p.8.

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20 PEREIRA Ludwig-2008

Organiser, c’est-à-dire constituer le double organisme, matériel et social, del’entreprise ;

Commander, c’est-à-dire faire fonctionner le personnel ;Coordonner, c’est-à-dire relier, unir, harmoniser tous les actes et tous les efforts ;Contrôler, c’est-à-dire veiller à ce que tout se passe conformément aux règles établies

et aux ordres donnés. »42

Ainsi, si l’on détaille ces cinq points, nous voyons que :La prévision doit permettre de préparer l'avenir en établissant un programme à la fois

souple pour rester adaptable aux variations et suffisamment précis pour servir de basecommune, et éviter toute confusion aux différents acteurs. C’est une tâche qui fait appel àla créativité autant qu’au calcul.

L'organisation consiste à munir l'entreprise des organes nécessaires à sonfonctionnement, à définir leurs fonctions, leurs responsabilités, établir des procédures.

Le commandement assure la bonne marche de l'organisation et prend notamment encompte la direction des hommes. Il repose à la fois sur la personnalité du dirigeant et sursa connaissance de l'administration de l'entreprise.

La coordination vise à relier, unir et harmoniser les efforts de tous, principalementau travers de conférences hebdomadaires. Certains cadres de direction sont invités à yparticiper.

Selon l’auteur, l’administration est ainsi « une fonction qui se répartit, comme les autresfonctions essentielles, entre la tête et les membres du corps social »43.

Le contrôle consiste à vérifier l'application du programme d'action, des procédures etdes ordres. Inséparable des sanctions, il fait l'objet lui-même de procédures rigoureuses.

Comme nous l’avons évoqué en introduction, Luther Gulick44 complètera cette typologieavec une sixième fonction. En effet, Gulick décompose la fonction de commandement endeux autres : la gestion du personnel qui concerne la gestion des équipes au quotidien etla fonction de direction où le manager doit motiver et superviser ses équipes. De plus, il estintéressant de noter que la fonction de contrôle est appelée « gestion du Budget ».

Pour Chester Barnard45, le management repose « sur les managers dirigeants issus dela direction générale. Barnard définit trois rôles généraux du manager :

- Fournir un système de communication organisationnelle ;- Mettre à disposition de l’organisation des ressources essentielles ;- Définir la finalité et les objectifs de l’organisation et les faire partager à tous. »

Max Weber46 a quant à lui pensé la bureaucratie comme un instrument de rationalisationdont se dotent les directions des grandes organisations modernes. Il s’agissait pour lui d’uninstrument de progrès.

42 Ibid.43 Ibid.44 Cf. Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p.192.45 Ibid.46 Cf. Claudette LAFAYE, « Sociologie des organisations », Armand Colin, 2007, 127 pages, p.12.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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Dans ce contexte, il distingue ainsi trois grandes formes d’autorité, constructionsthéoriques :

L’autorité à caractère rationnel-légal :Est fondée sur le droit : soit l’ensemble de règles abstraites susceptibles d’être

appliquées aux cas particuliers.Elle est impersonnelle. Celui qui obéit se soumet au droit ou au règlement et non à la

personne qui lui donne les ordres.Elle est organisée selon une hiérarchie des fonctions. Possibilité de recours auprès de

ses supérieurs.Elle repose sur les compétences de ceux qui exercent des fonctions.Elle sépare strictement la fonction et la personne qui l’occupe. Les titulaires d’un poste

n’en sont pas propriétaires et sont tenus de rendre compte de l’utilisation des moyens quileur sont confiés. Les ressources de la fonction sont distinctes des ressources privées. Lelieu d’exercice est séparé du lieu d’habitation.

Elle passe par de décisions et des dispositions écrite.L’autorité à caractère traditionnel :Repose sur l’adhésion au bien-fondé de dispositions transmises par le temps. C’est la

tradition qui confère au détenteur de l’autorité sa légitimité.Elle repose sur une relation personnalisée : obéissance est due à la personne même

du détenteur de l’autorité et prend la forme du respect.Elle met en place une relation de type seigneur-sujets. Le détenteur de l’autorité

(personne seule ou groupe) administre faveurs et disgrâces et accorde la protection à sessujets.

Elle repose sur le droit coutumier.L’autorité à caractère charismatique est souvent associée aux anciens élus des

collectivités locales.Est fondée sur la valeur exemplaire d’une personne et sur la reconnaissance de son

caractère sacré, extraordinaire, voire héroïque …Elle repose sur une relation de prophètes à adeptes. Révélation du héros, vénération

du héros.Elle est éminemment instable. Le droit et la tradition assurent une stabilité. Si le

détenteur du pouvoir paraît abandonné par la grâce, le pouvoir s’effrite.Elle repose sur une communauté émotionnelle : le chef charismatique et ses adeptes.Ces visions restent d’actualité. Il est intéressant de noter que certains élus utilisent

l’autorité à caractère charismatique. Ainsi Madame Jullien nous explique que « les anciensélus […] reposaient beaucoup sur leur charisme »47. M. Blain lui dit « croire au managementpar l’exemple et par la confiance »48. Une vision qui n’est pas sans rappeler la valeurexemplaire du chef charismatique mais également le caractère de respect associé au statutdu chef traditionnel. Frédéric Brocard évoque dans le même esprit, qu’être un bon manager

47 Entretien réalisé le 5 décembre 2007.48 Entretien réalisé le 16 avril 2008.

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c’est « essayer d’être exemplaire dans son travail et dans son attitude vis-à-vis des autres,du respect que l’on doit à chacun, des missions de chacun. »49

b) Définitions des compétences plus récentes

Si sa définition est plus récente, Henri Mintzberg50 s’est grandement inspiré d’Henri Fayol.Il pense d’ailleurs que les cadres sont les mêmes que ceux d’il y a un siècle. Selon lui, lemanager « revêt trois types de rôles : l’interpersonnel, l’information et la décision ». Cettedéfinition du management apporte une nouveauté car elle insiste sur l’action quotidiennedu manager, décomposés selon le tableau suivant51 :

Rôles interpersonnels Rôles d’information Rôle de décision1. Symbole 2. Agent deliaison 3. Leader

4. Observateur actif 5.Diffuseur 6. Porte-parole

7. Entrepreneur 8. Régulateur 9.Répartiteur de ressources 10.Négociateur

Les rôles interpersonnels reposent « sur l’autorité formelle [dans] les relations »52 entreles personnes. Ainsi, le manager assure par exemple la représentation de l’organisation lorsqu’il a le rôle du manager comme Symbole de l’organisation.

Les rôles d’information sont ceux liés à la compréhension de l’organisation, à la diffusionde l’information, que cela soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’organisation.

Les rôles de décision correspondent aux actions de correction de l’action del’organisation.

Le manager est également en permanence en auto-formation et en remise en cause. Ilse questionne sur le sens de son action, ce qui pour Mintzberg rapproche le management del’art. Enfin, à la différence des courants classiques du management qui privilégient l’analyse,Mintzberg propose de réhabiliter la part d’intuition dans l’action du manager.

2) des compétences managériales particulières du fait du contexteparticulier

L’organisation publique est un contexte particulier où il ne suffit pas de transposer lestechniques de management. Ceci peut par exemple expliquer qu’un bon manager dansle privé « se casse les dents » dans le public. Comme le rappelle Florence Hunot dansson ouvrage Former les nouveaux managers53, « la compétence comporte un caractèreopératoire et ne peut être séparée de ses conditions de mise en œuvre ».Trois éléments decontexte sont ici importants : la particularité des missions du service public, les contraintesdu statut de la fonction publique territoriale ainsi que la coopération nécessaire avec les élus.

a) Les particularités des missions de service public49 Entretien réalisé le 15 avril 2008.

50 Cf. Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p. 194.51 Ibidem.

52 Ibid., p.193.53 Cf. Florence Hunot, « Former les nouveaux managers, Problem-based learning, une méthode novatrice pour développer lescompétences », Editions Liaisons, 2000, 142 pages.

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Les missions de service public diffèrent en de nombreux points des activités classiques dusecteur privé. L’évaluation et la maîtrise des coûts et des objectifs est ainsi plus difficile.Comme le souligne Jean-Pierre Pachoud, « La difficulté est donc dans la définition dubesoin. [les dirigeants des collectivités locales tentent] de répondre [aux] besoins mais on[t]toujours du mal à [les] évaluer [en dehors des] services publics traditionnels. On sait qu’ily a besoin d’écoles, ça c’est indéniable mais après est-ce qu’il vaut mieux aider le slam oule hip-hop chez les jeunes de la ville de Rillieux, c’est très difficile à faire valoir, c’est-à-direque la notion de besoin est assez difficile à formaliser. C’est peut-être parce que vous avezun groupe de pression qui sera constitué de dix enfants qui font du slam, auprès d’une élue,parce qu’ils savent bien questionner, que l’on se dira que c’est important. À côté de cela, il ya peut-être trente ou quarante pratiquants du roller qui n’ont pas leur piste de rollers parcequ’eux n’ont pas su frapper aux bonnes portes. » Une des compétences du manager dusecteur public est donc une capacité d’écoute et de définir les politiques publiques localesen fonction des demandes et des nécessités de chacun.

Selon Serge Alecian et Dominique Foucher54, le manager du service publicdoit notamment :

« - mettre en œuvre un management responsabilisant ;- s’appuyer sur la culture du service public »La capacité à responsabiliser est essentielle dans le secteur public étant donnée la

lourdeur du système juridico-administratif. Pour M. Soubeyran55 : « En responsabilisant,un des leviers de la motivation c’est d’accompagner. Si on n’accompagne pas, cela nefonctionne pas. » Pour M. Blain, l’idée est la même : « déléguer et faire confiancec’est penser qu’en chacun des collaborateurs, il y a des possibilités que l’on ne connaîtpas nécessairement soi-même et mettre en situation celui qui a ces possibilités de lesdévelopper. »56

Cette responsabilisation peut engendrer un cercle vertueux si elle est suivie. M.Soubeyran confie ainsi : « Je crois que [les agents] ont besoin en règle générale, d’êtreaccompagnés, soutenus, conseillés de la part de celui qui délègue sachant que sans douteun jour, ils basculeront eux aussi sur ces fonctions d’accompagnement, c’est quelque chosequi doit se démultiplier. »57

Pour Madame de Pinho, « s’appuyer sur la culture du service public », c’est également« motiver par l’intérêt du travail »58 ainsi que l’intérêt pour le service rendu. Les agents ontsouvent un attachement aux notions de service et d’intérêt général. Ils y voient parfois unintérêt supplémentaire à leur action.

b) Le statut Fonction Publique TerritorialeNous montrerons ici que la différence de culture provoque des résistances aux techniquesde management. Le manager du secteur public local doit pouvoir utiliser la culture del’administration afin de contourner ses défauts et utiliser ses atouts. Ainsi, l’absence de

54 Cf. Serge Alecian, Dominique Foucher, « le management dans le service public », Editions d’Organisation, 2002, 446 pages,p.31.

55 Entretien du 8 avril 2008.56 Entretien réalisé le 16 avril 2008.57 Entretien réalisé le 8 avril 2008.58 Entretien réalisé le 9 avril 2008.

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leviers de motivation est un défi à relever pour les managers du secteur public local. Ilsdoivent prendre en compte que les agents n’ont pas la contrainte du licenciement et doiventmotiver autrement. Ainsi M. Soubeyran souligne que : « motiver c’est donner des missionsintéressantes aux gens, leur déléguer des responsabilités, faire en sorte qu’ils pilotent leurpermettre de se tromper, de mobiliser des outils »59.Cette changement d’attitude vis-à-visde son action est parfois difficile à trouver mais elle permet de faire évoluer les relationsavec les agents dans les organisations publiques locales.

c) Coopération nécessaire avec les élus

Selon David Huron et Jacques Spindler60, « les organisations publiques sont extraverties,elles visent à modifier l’environnement … et leur pouvoir et leur responsabilité sontpolitiques »61. Les auteurs définissent donc le management public comme un « managementdu pouvoir politique ». En effet, « toute activité publique s’interpos[e] arbitrairement entreles particuliers [afin de réaliser] des objectifs communs ou [de satisfaire] des intérêtscollectifs »62. Le management public local constitue donc un véritable « pouvoir politiquelocal »63.

Dans ce contexte, la coopération avec les élus dans le cadre d’une direction bicéphalepeut s’avérer problématique. L’élu et le directeur administratif doivent composer ensemble.Le premier est issu du peuple et représente souvent l’idéal tandis que le second renvoie auconcret. Ainsi, M. Soubeyran explique que « Le Directeur Général […] travaille avec l’élu :[et qu’] il y a un jeu entre le l’élu et le Directeur Général : l’élu va dire « la politique culturelle,c’est moi, je suis élu donc légitime ». Le Directeur Général répond: « d’accord mais je pèseaussi parce que c’est mon métier et que les usagers me font confiance. » Philippe Blainsouligne ainsi qu’ « il peut y avoir une] difficulté [à] faire passer un changement auprèsdes élus. En collectivité, [il y a une] sorte de dyarchie entre les élus et les permanents.Le DG et le chef de cabinet sont à la croisée de ce chemin-là. Il est parfois plus facile deconvaincre les agents plutôt que de convaincre les élus. Parce qu’ils viennent aussi d’autrescultures »64. M. Pachoud dit au contraire avoir bénéficié d’ « un maire très volontaire et enmême temps de formation expert-comptable, donc quelqu’un qui savait faire du contrôle degestion, … » et que cela représentait « un avantage parce que si [le] directeur général […]se met à mettre en place quelque chose […] tout seul et qu’il n’est pas suivi par le maire,ça ne marche pas. » 65

d) Listing des compétences du manager publicFace aux différences constatées, nous montrerons ici les compétences spécifiques dumanager public. Il s’agit ici de livrer une cartographie, une grille de compétences dumanager du secteur public : cognitives, communicationnelles, conceptuelles, humaines ettechniques.

59 Ibid.60 Cf. David Huron, Jacques Spindler, « Le management public local », L.G.D.J., 1998, 118 pages, pp.2-4.61 Ibid.62 Ibidem.63 Ibidem.

64 Entretien réalisé le 16 avril 2008.65 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.

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Partie I : les évolutions de la fonction de manager dans le secteur public local

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Figure 4 Compétences sollicitées par undirigeant selon les rôles joués (Kotter, 1982) 66

Les compétences communicationnelles comprennent :

La Mise en place d’un réseau d’influence, comme le confie Madame de Pinho67 :« Se constituer un réseau […] sur lequel on peut s’appuyer [,] c’est essentiel. […] Ons’échange des mails très souvent, peut-être pas tous les jours mais presque avec mesanciens collègues, on cherche des infos, on s’envoie des documents, […] Dans le privé [,]j’avais une activité de consultante, […] j’ai gardé des contacts et c’est vrai qu’aujourd’huij’ai un réseau assez dense […] que j’utilise énormément. » De plus, le manager du secteurpublic local doit également faire preuve d’écoute à l’égard des citoyens, des acteurs locauxainsi que de ses agents. Il doit pouvoir défendre ses idées, argumenter.

Les compétences humaines comprennent :Les qualités personnelles du manager : sociabilité, sens des responsabilités, discrétion,

charisme, etc ; Ainsi Philippe Blain en est un exemple : « Souvent les agents disent que jesuis souple […] mais je sais dire non. »68. Ces compétences permettent « au responsabled’obtenir l’appui des salariés »69.

Les Compétences conceptuelles comprennent :L’analyse personnelle, synthèse, prise de recul, rapidité de compréhension et

d’exécution, capacité d’induction, déduction, la prise de décision. Elles permettent au

66 Cf. J-P Kotter, « The General Manager », Free Press, New York, 1982, in Cf.Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p. 200.

67 Entretien du 9 avril 2008.68 Entretien du 16 avril 2008.69 Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p.197.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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manager du secteur public local de « comprendre les tendances de son organisation ou de[son] environnement »70.

Les Compétences techniques recouvrent :Il s’agit de « l’ensemble des outils et des techniques qui sont nécessaires pour que le

manager exerce sont travail. [Ils sont] le fruit de connaissances issues de l’expérience ou deformations précédentes. »71 Mener une réunion, gérer un conflit, élaborer un budget, établirune fiche de poste, négocier, déléguer, … sont des exemples de nombreuses compétencesqui sont demandées au manager du secteur public local. Toutefois, plus le manager estélevé dans la hiérarchie, plus les qualités techniques laissent la place à la vision stratégiquedans le champ des compétences nécessaires.

Les flèches sont un lien de cause/conséquence. Par exemple, la constitution d’unréseau permet l’obtention d’information. Le manager peut alors effectuer la seconde étape :la sélection de l’information parmi celles dont il dispose.

Conclusion Les évolutions en cours dans la fonction publique territoriale ont permis de changer le profildu cadre territorial : il est en train de passer d’une compétence juridico-administrative à uneréelle compétence managériale. Nous l’avons vu ces mutations exigent des compétencespropres aux managers mais également spécifiques au secteur public local (compréhensionde la culture, écoute du citoyen et de l’élu en sont des exemples). Ce changement, cettemutation dans le rôle des cadres nécessitent de s’interroger sur la formation et pour finirsur le recrutement.

70 Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages, p.198.71 Ibid., p.197.

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Partie II : Une évolution de la formation des cadres territoriaux est nécessaire

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Partie II : Une évolution de la formationdes cadres territoriaux est nécessaire

Les formations au management se sont fortement développées ces dernières années.La région Rhône-Alpes a ainsi lancé un vaste programme de formation en managementdepuis 2002 pour faire face aux départs en retraite et, en conséquence, à la montée encompétences de nombreux cadres. Toutefois, les formations en management ne répondentque partiellement aux attentes de l’évolution de la fonction de manager du Secteur PublicLocal. Il est donc nécessaire de les réformer et de s’interroger sur les modalités derecrutement des cadres territoriaux.

La question de l’adéquation des formations existantes avec les compétencesnécessaires des managers du secteur public local passe par trois points de réflexion. Ils’agit de trois points abordés par Guy Le Boterf, notamment repris par Jean-Jacques Nérédans son ouvrage72 « Démarche compétences et pratiques managériales » et résumés parle schéma qui suit.

Evaluation des compétences et des performances

Pour que ces formations soient performantes, à savoir qu’elles permettent auxmanagers du secteur public local d’acquérir les compétences nécessaires, il faut que :

Les formations permettent aux managers d’acquérir les connaissances nécessaires,Les managers veulent acquérir des connaissances en management, qu’ils soient dans

une démarche d’amélioration de leur mode de management.

A) Des formations au management insuffisantes72 Cf. Jean-Jacques Néré, « Démarche compétences et pratiques managériales », Les Editions Demos, 2005, 190 pages, p. 83.

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Les formations au management ne répondent que partiellement aux attentes de l’évolutionde la fonction de manager du secteur public local. En réalité :

Ces formations ne permettent pas aux managers d’acquérir les connaissancesnécessaires (1) ;

La décision d’améliorer le mode de gestion dépend également de la volonté desmanagers. Il s’agit d’une décision politique (2) ;

Les managers ne parviennent pas toujours à mettre en œuvre les techniques qu’ils ontapprises (3).

1) SavoirLes formations au management public présentent des lacunes dans la transmissiondes savoirs qu’il s’agisse des connaissances ou bien des modes d’apprentissage. Lesdifférentes formations enseignant le management dans le secteur public local comportentà la fois des défauts et des qualités.

a) Formation initialeLes formations initiales sont d’inégales écoles de l’apprentissage du management dans lesecteur public local. Ainsi, les périodes de stage permettent un apprentissage concret descompétences. L’INET permet notamment de créer un réseau entre les différents élèves-administrateurs.

1) INET : Institut National des Etudes TerritorialesD’une durée d’un an et demie, la formation initiale des administrateurs territoriaux est unedes plus sélectives qui existent. En termes de management, elle offre de solides atouts.

Une bonne formation→ Un parcours individualisé : La formation de l’INET prend la forme d’un parcours

individualisé où chacun peut choisir de mettre l’accent sur une matière plutôt qu’une autre.→ Des stages très formateurs de courte à longue durée : La durée de la formation d’un

an et demi permet de faire de nombreux stages et d’assez longue durée. Plus que l’axethéoriques sur les compétences managériales, il semble que ce soient les stages dans lesecteur public et privé qui aient le plus satisfait les élèves de l’INET interrogés. Ils en onttirés des connaissances pratiques et des idées concrètes de mise en œuvre.

Cf. Entretien Mme de Pinho73

« […] mon expérience de l’INET c’est à la fois, quelques apports théoriques maissurtout des apports pratiques dans les stages. […] En passant la barrière de l’INET, oùl’on devient administrateur on n’est plus en situation de management de proximité doncc’est voir comment l’on peut manager des équipes beaucoup plus grandes, en prenant unpeu plus de recul, en ayant pas le nez plongé dans les dossiers, chose que l’on peut sepermettre quand on est un manager de proximité mais quand on a un management plusglobal, il faut vraiment rester sur la stratégie, pas rentrer dans l’opérationnel, du coup, savoirtravailler avec plusieurs encadrements intermédiaires, tout ça c’est une nouvelle approchedu management que j’ai eu pas forcément à travers les cours mais surtout par rapport aux

73 Entretien réalisé le 9 avril 2008.

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Partie II : Une évolution de la formation des cadres territoriaux est nécessaire

PEREIRA Ludwig-2008 29

stages. De voir comment des DGS fonctionnent avec leurs collaborateurs, etc. cela aide àmieux se positionner dans la hiérarchie. »

Le stage permet de voir quelles sont les pratiques dans les autres collectivités, lesautres organismes et enrichissent sa propre pratique du management.

→ La constitution d’un réseau : Il s’agit d’un des axes essentiels de la fonction demanager. La formation à l’INET permet de se créer efficacement un réseau.

Cf. Entretien Mme de Pinho« Se constituer un réseau, c’est essentiel et c’est un des atouts de l’INET, se constituer

un réseau sur lequel on peut s’appuyer après. On s’échange des mails très souvent, peut-être pas tous les jours mais presque avec mes anciens collègues, on cherche des infos, ons’envoie des documents, … »

Mais une formation qui ne donne pas l’expérienceIl faut faire la différence entre les « jeunes » et les moins « jeunes » élèves de l’INET. Les

seconds ont une expérience de la fonction publique qui leur permet d’affronter des postesà haute responsabilité à la sortie de l’INET. Chose difficile pour un élève qui n’a pas eud’expérience dans de poste administratif à responsabilité.

Cf. Entretien Mme de Pinho :« Moi je crois que l’on apprend sur le tas, il faut passer différentes étapes

d’encadrement, en tout cas je trouve que ça c’est très formateur. Après je me mets à la placede mes collègues de promotion qui n’ont jamais managé et qui se retrouvent sur des postesde direction, je trouve que c’est un peu [ardu]. C’est bien de commencer avec des petitesétudes, de voir les différents niveaux d’encadrements et puis après ça permet aussi, plustard, de mieux comprendre les contraintes que peut avoir l’encadrement intermédiaire. »

Cf. Entretien M. Soubeyran :« A la ville de Lyon, les jeunes élèves de l’INET –ceux qui n’ont pas occupé de postes

auparavant- sont affectés à des postes de directeurs adjoints. Le directeur général desservices est quelqu’un qui « a de la bouteille » […] Je trouve que c’est une bonne solution. »

2) ENACT : Ecole Nationale d’Application des Cadres TerritoriauxNous ne parlerons ici que de la Formation Avant Titularisation (FAT). La formation estconséquente en matière de management puisqu’elle permet d’aborder de nombreux casconcrets de l’administration. Toutefois, sa longueur a été récemment ramenée à unequinzaine de jours. Il semble que cela peut grandement influer sur la qualité finale de laformation.

Points positifs→ Une formation concrète proche des cas pratiques. Les cas concrets abordés lors de

la formation permettent une véritable approche des problématiques de gestion locale.→ La formation à la conduite de projets permet une bonne adaptation à la transversalité

de la fonction publique territoriale.Points négatifsLa formation d’attaché territorial est moins ambitieuse en termes de management

puisque les postes visés sont moins élevés.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

30 PEREIRA Ludwig-2008

→ Son enseignement apprend peu la stratégie, peu la prise de recul. La formation restelimitée au management par projets, n’aborde que rapidement les notions de gestion desressources humaines.

→ Durée des stages de 80 jours seulement La période de stage est trop courte pourmener des projets sur le long terme mais peu déboucher sur une prise de fonction.

→ La formation a été récemment écourtée. Elle sera désormais moins approfondie.

b) Formation continueNous montrerons ici les faiblesses et les points forts de formations réalisées au sein duCNFPT. Les formations continues sont celles qui sont suivies une fois que l’agent est déjàen poste. Elle doit lui permettre d’acquérir des compétences et de se développer au niveauprofessionnel. Dans le secteur public local, nous distinguerons :

- les formations en Intra : qui sont réalisées en interne par des prestataires extérieurs.Afin de sélectionner le formateur, la collectivité passe des marchés publics ;

- les formations en interne : elles sont menées par des formateurs appartenant à lacollectivité ;

- les formations Inter : Il est toujours possible de suivre des stages de formation àl’extérieur de la collectivité auprès d’autres groupes, d’autres organisations ;

- les formations ouvertes à distance (FOAD).l’inter-catalogueAvantages→ Échange d’expériences : Il est beaucoup plus important que lors d’une formation au

sein d’une même collectivité.Inconvénients→ Une formation parfois inadaptée : Trop généraliste, trop courte, la formation

continue peut souffrir d’un niveau inégal des connaissances et des compétences entre lesparticipants.

Séminaires, petits déjeuners du managementAvantages→ Catégorie ciblée des participants : Les fonctionnaires de classe A participent à ces

séminaires.→ Echange d’expériences : Les discussions philosophiques comme celles des petits

déjeuners du management mettent en confiance les managers qui échangent plus libremententre eux.

→ Création d’un réseau : Ces rencontres régulières permettent la création d’un réseaude connaissances entre managers du secteur public local.

Inconvénients→ Les cas concrets ne sont pas toujours réutilisables.Les intrasAvantages

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PEREIRA Ludwig-2008 31

→ Conduite à l’intérieur même des administrations : Ces permettent d’apporter un réelchangement : travail in situ, interaction réelle entre le formateur et le lieu de travail desparticipants.

Cf. entretien Mme Pradel-Rollet :« Nous avons lancé un vaste plan de formation au management afin de répondre à un

besoin très important au sein du Conseil Régional […] Pour cela, nous avons demandé auxcabinets de découvrir la collectivité avant de faire leur formation.»

Inconvénients→ Il s’agit plus d’une précaution : les responsables formateurs doivent prendre garde

à mélanger les services afin que les agents puissent s’exprimer librement sur leur vécu.La formation ouverte à distance (FOAD)Avantages→ Une plus grande liberté : Le participant peut aménager son temps, prendre le rythme

d’apprentissage qui lui convient.Inconvénients→ Peu de relationnel : Le participant à distance aura peu de retours de la formation.

L’absence de contact humain peut également déstabiliser.→ Démotivation possible : En cas d’absence de motivation, les cadres peuvent

manquer les sessions de formations qu’ils se sont planifiés, ce qui peut conduire à undésengagement.

c) Conseils aux administrationsCf. entretien Miguel Usannaz-Jorris

« Nous suivons nos clients jusqu’au bout […] Nous nous déplaçons dans les collectivitéspour effectuer nos interventions.»

Cf. entretien Laurent Pradère :« Il arrive que le changement de poste d’une personne fasse s’effondrer le travail de

trois années de mise en place de techniques de gestion […] Une fois, la nouvelle personnenommée, tout change. »

2) VouloirAfin de mettre en place les formations apprises lors de sa formation, le manager doit s’endonner les moyens : l’un de ces moyens est la volonté politique de faire évoluer le pilotagede la collectivité. Il s’agit bien là d’une décision politique.

a) Une détermination rare au changementLes managers n’ont pas toujours la volonté, la motivation de faire évoluer leur mode demanagement. Certains sont convaincus du bien-fondé de ces réformes mais nombreuxsont ceux qui n’en voient pas l’intérêt. Ainsi M. Blain rapporte qu’« un important D.G. desservices de la région lyonnaise a pour habitude de rendre visite par exemple à un cadredans son bureau et de lui dire : « tenez, je vous présente monsieur un tel, c’est lui quivous succède. » Autrement dit, vous êtes licencié, je vous mute ailleurs, etc. voilà votre

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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successeur.» Cette manière de piloter les collectivités locales n’est pas une exception.Nombreux sont les agents ou les cadres qui se plaignent du manque de volonté, de visionou de tact ou de compétence de leur dirigeant.

Ainsi, le service Enfance et Jeunesse de la mairie d’Eckbolsheim connaît de fortesdifficultés de la part avec sa direction. Celle-ci fait preuve « d’un manque d’anticipation pourdes périodes d’activités »74 ou oublie de communiquer des informations importantes. Unautre exemple de direction défaillante a été constaté à la Communauté de Communes despays du Bois d’Oingt. Le directeur y est connu pour sa gestion autoritaire des agents. Ceux-ci n’osent d’ailleurs plus s’exprimer devant lui car il « est trop dur »75. De plus « aucuneréunion de service n’est régulièrement organisée » et lorsqu’elles avaient lieu, « elles étaientstériles [car] chacun y réglait ses comptes »76. Enfin les primes censées motiver les agentssont attribuées sur des critères personnels « un peu à la tête du client »77.

La détermination que montrent certains D.G.S. à mettre en œuvre de nouveaux modesde gestion acquis en formation, est donc peu répandue. Il s’agit véritablement d’unedémarche personnelle liée à la volonté du dirigeant de la collectivité locale et si sonentourage le lui permet. Ainsi Frédéric Brocard souligne qu’il a mis en place les organisationsen pôle à la ville de Dardilly à l’occasion du 3ème mandat du Conseil municipal. […] En effet,selon lui, « si on ne crée pas un petit peu de changement, de nouveauté dans l’organisationpolitique et administrative de la ville, on vivote, on entre dans une certaine routine. » Il estdonc important de souligner la rareté de cette démarche de remise en cause.

b) Une décision politiqueDe plus, la mise en œuvre du management dans les collectivités locales constitue unchangement considérable. Si elle dépend de certains outils ou de certains savoir-faire,cette mise en œuvre ne va pas sans un appui favorable de membres-clés à plusieursniveaux de l’administration (dirigeants des collectivités -politiques ou administratifs-, cadresintermédiaires). Il s’agit d’une décision politique. Comme le souligne M. Jean-PierrePachoud, il n’est pas donné à tous d’avoir un maire compréhensif qui soutienne son D.G.dans des réformes impopulaires. Il « croi[t ainsi] que l’idée du management a commencéà rentrer à Rillieux-la-Pape parce que [cela] fait déjà plusieurs années que [nous -Jean-Pierre Pachoud et Jacky Darne78-sommes] en place. Au début, je crois que de [nombreux]Directeurs [Généraux] ne voyaient pas où l’on voulait en venir. L’avantage que j’ai eu, c’estque j’ai eu un maire très volontaire et en même temps de formation expert-comptable, doncquelqu’un qui savait faire du contrôle de gestion, etc., et ça c’est un avantage parce que si[le] directeur général […] se met à mettre en place quelque chose […] tout seul et qu’il n’estpas suivi par le maire, ça ne marche pas ».

La volonté de mise en œuvre dépend donc des moyens mis en place. Si la volontéde l’élu se joint à celle du D.G.S., les collectivités locales peuvent connaître de profonds

74 Cf. Fabien Hild, « Diagnostic organisationnel du service enfance et jeunesse mairie d’Eckbolsheim », décembre 2004, p. 122.75 Cf. Marie-Laure Viallet, « Diagnostic organisationnel des services de la Communauté de Communes du Bois d’Oingt »,

décembre 2004, p.170.76 Ibid.77 Ibid., p.175.

78 Jacky Darne a occupé le poste de maire de Rilleux-la-Pape pendant dix ans. Il a été élu en 1995 et réélu en 2001. Depuis 2005, il

est devenu 1er adjoint du maire en remplacement de M. Renaud Gauquelin qui devient maire. M. Renaud Gauquelin a été élu mairede Rillieux-la-Pape, au second tour, le dimanche 16 avril 2008.

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changements. Ainsi M. Soubeyran affirme qu’il ne se « heurte jamais à des difficultés dechangement. Quand on veut changer quelque chose, pour peu que cela ait du sens, sil’on s’y prend comme je l’ai dit, il est bien rare que l’on ne réussisse pas. On ne sait pasvéritablement où l’on va. Tout est possible pour peu que les conditions soient réunies et queles personnes-leviers soient disponibles pour relayer le changement. » Enfin, nous verronsen quoi les formations en management ne peuvent être mises en place du fait de résistancespropres au milieu de l’administration.

3) PouvoirLes managers ne parviennent pas toujours à mettre en œuvre les techniques qu’ils ontapprises. De nombreuses résistances au changement perdurent en effet dans le secteurpublic local. Comme le souligne Guy Le Boterf, la compétence est également liée à « unpouvoir agir, lié à un contexte de travail (organisation du travail, conditions de travail,moyens, système de classification, etc. »79Ainsi, la formation a souvent un aspect utopique,comme le souligne Frédéric Brocard : « on refait le monde mais derrière vous retombezface à vos réalités : problèmes de personne, … »80. D’autres cadres minimisent toutefoisles problèmes de personne qui ne sont pas selon eux de véritables freins au changementcomme M. Claude Soubeyran81.

a) Qui résiste ? Nous l’avons dit, la volonté de changement dépend grandement des moyens mis àdisposition. Ainsi, la mise en place de nouvelles techniques au sein de l’administrationn’est pas chose aisées selon la place que le manager occupe dans la hiérarchie del’administration locale. Madame Sandra de Pinho en témoigne : « Faire changer les choses[…] c’est vraiment une difficulté que j’ai pu rencontrer dans tous [l]es postes que j’ai puoccuper dans l’administration. Dans la situation actuelle, c’est un peu plus facile puisque j’aiune position hiérarchique plus importante, plus élevée donc j’ai beaucoup plus de moyensà ma disposition pour faire changer les choses mais c’est vrai que quand on est dansl’encadrement intermédiaire, on a vraiment un sentiment de frustration. »82 Ce sentimentpeut parfois expliquer les résistances de ces cadres lors de la mise en place de nouveauxmodes de gestion alors que les agents de base sont plutôt demandeurs de managementet attendent souvent que des mesures d’équité soient prises. Philippe Blain évoque ainsi lefait que l’« on vous tire souvent dans les pattes. [Il s’agit d’ailleurs] souvent celui pour quivous avez le plus fait, celui qui vous avez promu, aidé et mis en situation d’agir. »83

Face à ces résistances, il est possible de prendre des chemins de traverse.Comme nous le dit, M. Blain : « Le management peut s’intégrer au fonctionnement del’administration. Simplement, il faut peut-être faire attention à ne pas l’appeler management.C’est par exemple dire : « on va essayer de travailler sur l’amélioration de la réalisationdes cartes d’identité. » 84 Madame de Pinho confirme la difficulté de la situation de cadre

79 Cf. Guy Le Boterf, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Editions d’Organisation, 1994, 176 pages, p. 41.80 Entretien réalisé le 15 avril 2008.81 Cf. supra.82 Entretien réalisé le 9 avril 2008.83 Entretien réalisé le 16 avril 2008.

84 Entretien réalisé le 16 avril 2008.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

34 PEREIRA Ludwig-2008

intermédiaire : « Au niveau chef de service ou directeur, […] on ne maîtrise qu’une petitepartie de la chaîne et cela fait que si nous on veut bien changer, il faut changer tous ceux quisont autour. C’est très frustrant comme sentiment. À mon niveau de DGA [Directeur GénéralAdjoint], c’est beaucoup plus facile parce que je sais que c’est moi qui ai les rennes pourchanger les choses mais pour l’encadrement de middle management, c’est quelque chosede pas facile à vivre car on ne maîtrise qu’un petit bout de la chaîne »85. La résistance estdonc fonction de la place dans la hiérarchie et provient souvent du « middle management »,des cadres intermédiaires.

Il est donc également question de pouvoir : chacun veut conserver sesprérogatives qu’un changement pourrait altérer. M. Pachoud explique ainsi que lorsqu’unepersonne « pilote un dossier, […] il y a souvent [de la part] des autres une peur de perdredu pouvoir sur un dossier. »86

b) Une résistance culturelle ?Derrière la traditionnelle résistance culturelle, il y a bien une réalité. Celle-ci peut toutd’abord s’expliquer pour des raisons générationnelles, par l’empreinte du système juridico-administratif et la difficulté à changer les habitudes mais elle prend également racine dans lesimple manque de connaissances sur le fonctionnement de l’administration. Ainsi, M. Blainexplique qu’ « il est parfois plus facile de convaincre les agents plutôt que de convaincre lesélus. Parce qu’ils viennent aussi d’autres cultures. [Il est] rare qu’ils viennent de la mêmeculture que celle de la fonction publique, même si aujourd’hui [elle] se diffuse beaucoupplus. Il faut parfois vaincre les a priori de la part des élus. J’ai de nouveaux élus, je saisqu’il y en a qui croient encore que les fonctionnaires font des cocottes en papier. »87 Lesdifficultés de la mise en place du changement peuvent donc provenir de la simple ignorance.Il peut s’agir d’un manque de savoir-faire commercial, comme nous l’explique M. Pachoud :« par exemple, pour nous on exige que l’éclairage public soit réparé dans les deux heures[…], ce n’est pas tout à fait dans la culture de l’administration parfois. »88 Ainsi, certainescollectivités ne savent pas ce qu’elles ont le droit d’obtenir et de négocier. Il est fréquentqu’elles reproduisent ce qu’elles faisaient auparavant sans se remettre en question. Enfin,susciter l’autonomie chez les agents peut parfois être long, comme l’explique M. Pachoud :« de façon générale, la personne qui pilote le dossier a toujours du mal à prendre assezd’initiatives. »

Les résistances à la mise en place du management viennent également par peur del’évaluation et de la notation. Madame de Pinho nous confie que cette peur est « très forte.[Les agents] n’ont jamais été évalués, ils pensent qu’ils sont là et qu’ils sont là à vie. Ilspensent justement qu’ils n’ont pas à être évalués, qu’ils sont en « terrain conquis » ; qu’ilstravaillent ou qu’ils ne travaillent pas, ils ont le même salaire : c’est tout un état d’esprit ! »89

Les résistances proviennent donc souvent plutôt de l’encadrement intermédiaire entre leDirecteur Général et la Base.

85 Entretien réalisé le 9 avril 2008.86 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.

87 Entretien réalisé le 16 avril 2008.88 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.

89 Entretien réalisé le 9 avril 2008.

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Partie II : Une évolution de la formation des cadres territoriaux est nécessaire

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Conclusion Les dysfonctionnements sont nombreux dans la mise en place des acquis de la formation.Elles doivent pouvoir fournir les bases suffisantes des connaissances en trouvant unéquilibre entre le pratique et le théorique. De plus, la volonté du manager et de mettreen place ces changements dans l’administration dépend de sa bonne volonté maiségalement d’un soutien politique, notamment de la part des élus. Enfin, l’environnementde l’administration recèle de nombreuses spécificités comme la difficulté à changer leshabitudes ou la résistance des cadres intermédiaires qui expliquent la complexité à mettreen œuvre des formations en management.

B) Prescriptions pour développer de réellescompétences managériales dans le Secteur PublicLocal

En tenant compte des défauts constatés, nous formulons une recommandation pour unemeilleure mise en œuvre des compétences managériales au sein du secteur public local.Ceci passe à la fois par une formation adaptée et rénovée ainsi qu’une attention touteparticulière pour les modes de recrutement.

1) Une formation adaptée et rénovéeNous montrerons ici que les pistes d’une remise en cause des formations existantesreposent sur une ouverture de la formation en suivant trois pistes :

la formation pratique, via des cas adaptés aux problématiques spécifiques del’administration locale ;

une individualisation de la formation ;une perméabilité des techniques et des compétences avec le secteur privé.

a) Une formation pragmatique et concrète90

De plus, une large place doit être laissée aux stages, ils représentent en effet une porteouverte vers le concret. Comme le dit Madame de Pinho : « le management c’est pourmoi beaucoup en pratiquant et pas à l’école ou dans des cours. Certes, on peut avoirquelques outils … Les cours de management qu’il y a dans les ENACT, ce sont des courspour savoir un peu quels types de management nous correspondent : si l’on est plutôtmanagement participatif, etc.… mais on ne va pas nous dire comment gérer des situationsconcrètes. » Une formation basée sur le sens de l’action comme le préconise M. Usannaz-Jorris91 permettrait une meilleure prise en compte des raisons qui animent les agents etainsi de s’orienter vers une individualisation des parcours de formation.

90 Entretien réalisé le 18 avril 2008.91 Entretien réalisé le 18 avril 2008.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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b) Parcours personnalisé Les opportunités offertes par le Droit Individuel à la Formation (DIF) pourraient permettrede développer de nouveaux parcours dans le secteur public local. Cela contribuerait à lacréation de formations plus personnelles et donc plus adéquates aux besoins des agents.Ce droit provient de la loi du 19 février 2007 qui a ouvert de nombreuses possibilitésen réaffirmant le droit à la formation tout au long de la vie. Ce droit qui existait pour lesecteur privé depuis la loi sur la formation professionnelle de 2004, est désormais étenduà l’ensemble de la fonction publique.

Mettre en œuvre une telle réforme n’est pas une tâche aisée et cette mise en place seraprobablement longue. Ainsi, depuis la promulgation de la loi il y a plus d’un an, des décretsont précisé son application. Ceux de mai 2008 ont amené une réforme des formationsobligatoires et ont notamment confié la formation des cadres C aux Centres Nationaux dela Fonction Publique Territoriale. Les décrets de décembre 2007 ont quant à eux permis latransposition des principes du droit dans la fonction publique territoriale. Ainsi, les membresde l’administration publique peuvent désormais bénéficier d’un bilan de compétences, d’uneValorisation des Acquis Professionnels (V.A.E.) ainsi que d’un Droit Individuel à la Formation(DIF).

Ce dernier droit est particulièrement intéressant puisqu’il permet à toute personneappartenant à la fonction publique92 de suivre une formation professionnelle dans la mesureoù celle-ci correspond à un projet en lien avec son emploi. Le décret impose ainsi que vingtheures de formation soient allouées à chaque agent par année. On peut ainsi imaginer quecette personnalisation des formations permettra d’accroître la diversité des compétences etdes parcours. Le CNFPT a confirmé qu’il devait adapter son organisation afin de pouvoirsuivre la mise en place de ce droit. Il a ainsi confirmé qu’il désirait favoriser l’individualisationdes parcours. Il propose ainsi un livret individuel de formation ainsi qu’un développementaccru de la formation ouverte à distance (FOAD).

La personnalisation de la formation semble donc être une grande tendance de laformation future des fonctionnaires territoriaux. Le CNFPT a ainsi déclaré qu’il était « appeléà traiter des « masses » et en même temps à développer du « sur mesure » pour les grandescollectivités ou des groupements de petites collectivités ». Il compte ainsi aller d’une offrede services standardisés comme les formations de l’inter-catalogue vers une logique deconseil spécialisé, avec des formations en intras de plus en plus nombreuses. Ceci esta fortiori le cas des formations en management qui répondent à des besoins spécifiques,aux caractéristiques particulières, propres à l’organisation. Témoins de ce changement, lescadres pédagogiques s’appellent désormais des conseillers en formation.

Toutefois, une interrogation subsiste notamment sur le financement de ces nouvellesactivités par le CNFPT. En effet, ni la loi ni les décrets ne prévoient de nouvelles ressourcesafin d’assurer les nouvelles compétences du CNFPT. Les collectivités continueront de verser1% de leur budget au CNFPT et tenteront, à ce titre, de ne pas prendre en charge de coûtssupplémentaires. Il est ainsi difficile de déterminer qui financera le coût occasionné par unetelle réforme de l’activité du CNFPT.

c) Se nourrir des expériences du privéEnfin, malgré le fossé des cultures entre le public et le privé, il est intéressant d’axerdes formations sur des éléments existants ou s’inspirant du secteur privé. Un mouvement

92 Hors contrat d’apprentissage.

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Partie II : Une évolution de la formation des cadres territoriaux est nécessaire

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plus vaste de tentative de transposition des techniques de ce secteur permettrait d’innoverdans les techniques classiques de gestion de l’administration. Le contrôle de gestion maiségalement le reporting sont des éléments qui pourraient amener plus de réactivité dansdes managements de projets par exemple. Comme le souligne Madame De Pinho : « monpassage dans le privé m’a montré tout l’intérêt que pouvait avoir la culture du reporting. […]on rend compte, on essaie de valoriser le travail qui est fait, de clarifier les objectifs et lesrésultats que l’on veut atteindre, pour moi c’est quelque chose d’important. Les difficultés[dans la mise en place de ce dispositif] dans le secteur public, c’est que lorsque vousdemandez à des agents de rendre compte, ils ont peur de se sentir jugés et donc vous avezbeaucoup de mal à les associer. »93

Il est intéressant de voir que pour le moment, cette inspiration du secteur privé nemarque que faiblement l’administration locale : seuls les cadres de l’INET font des stageslongs dans des entreprises. De plus, les conseils du secteur privé ne sont pas en soi desformations des cadres administratifs. Ils ont parfois du mal à saisir les spécificités et lesobjectifs de l’administration publique locale.

2) Une révision nécessaire des modes de recrutementEnfin, la modification des formations au management dans le secteur public local ne va passans une réforme du recrutement des cadres dirigeants.

a) Des formations trop peu répandues94

b) Des formations trop sommairesComme le dit Jean-Pierre Pachoud, D.G.S. de la ville de Rillieux-la-Pape : « le problèmedu recrutement des fonctionnaires territoriaux, notamment au niveau des cadres A, […]essentiellement les attachés peut-être un peu moins les administrateurs, [c’est que]les attachés n’ont pas du tout d’épreuve sur les théories des organisations. »95 Leconcours repose sur une exigence de connaissance et de compétences en grande partiejuridique. Ainsi une formation (type ENACT) ne permet pas le réel développement d’uneculture de gestion. Il est nécessaire de bénéficier de grilles de lecture (gestion des conflits,de réunion, etc.) afin de mettre en pratique la formation théorique dans le pilotage desorganisations publiques locales. « Vous pouvez être un bon juriste, un bon financier, lesniveaux sont de très bonne qualité dans la fonction publique territoriale mais vous vousretrouvez parfois avec de jeunes cadres qui n’ont pas trop réfléchi sur la façon de gérer lesservices, sur ce qu’il faut mettre en place pour mener à bien un objectif. Par exemple, laconduite de projet, c’est quelque chose que j’ai eu du mal à faire passer dans les servicesalors qu’il y a des tas de productions sur la conduite de projets avec la notion du chefde projet, du comité de pilotage, etc. »96 La formation de gestion est bien souvent vécuecomme un mal nécessaire mais pas encore comme le noyau dur des compétences du

93 Entretien réalisé le 9 avril 2008.94 45 admis pour la Promotion Olympe de Gouges (2003-2005), 49 admis pour la Promotion Vercors (2004-2006), document

administratif de l’INET et du CNFPT.95 Entretien du 14 janvier 2008.96 Cf. entretien avec Jean-Pierre Pachoud, D.G.S. de la ville de Rillieux-la-Pape, le 14 janvier 2008.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

38 PEREIRA Ludwig-2008

cadre territorial. (Les formations de type INET mettent l’accent sur le management dansle recrutement mais comme dit précédemment, elles représentent une part faible de lapopulation des cadres).

c) L’opportunité du renouvellement des effectifsD’ici 2012, 30% des agents de la fonction publique territoriale partiront à la retraite.Ces départs massifs présentent une opportunité considérable de renouvellement de ladémographie ainsi que des compétences des collectivités locales. Comme l’indique leCNFPT depuis une quinzaine d’années, la « sociologie des agents territoriaux [avait]changé »97. La hausse du niveau de formation initiale a ainsi provoqué des difficultésdans la cohabitation entre « les nouvelles et les anciennes pratiques de travail »98.Le renouvellement des effectifs ouvre ainsi une opportunité de lever les verrous et lesrésistances à un renouveau de la gestion administrative locale. Ces départs pourraient ainsipermettre de libérer des postes ainsi que la promotion hiérarchique. L’effet générationnelpeut jouer à plein et permettre le recrutement d’un personnel plus compétent en matière decontrôle de gestion, d’évaluation des politiques publiques ou plus généralement de gestionorganisationnelle. M. Pachoud espère ainsi que « l’arrivée de nouveaux cadres territoriauxde mieux en mieux formés avec des métiers ouverts sur les collectivités publiques commeSciences-Po par exemple, pourra donner des gens qui auront une ouverture plus grande[aux] références théoriques sur l’organisation.»99

Conclusion : Synthèse récapitulative des prescriptionsAfin d’améliorer les modes de formation au sein du secteur public local, nous préconisonsdonc d’ouvrir les formations sur des stages concrets même de courte durée afin d’appliquerla théorie enseignée directement dans des situations concrètes.

De plus, il est nécessaire de suivre le mouvement actuel de personnalisation etd’individualisation des parcours de formation de la fonction publique. Le management esten effet également lié à la personnalité des agents. Les réponses standardisées sont moinsefficaces que celles ayant lieu dans le cadre du DIF ou des formations en intra.

Enfin, les formations au management dans le secteur public local doivent égalements’inspirer des méthodes du privé. Elles peuvent bénéficier de l’effet de petites structures etde l’appui de personnes-leviers afin de mettre en place des éléments de gestion issus duprivé (notamment le reporting).

97 Cf. dossier sectoriel Pratiques Managériales (Rapport d’étape) Délégation Rhône-Alpes Lyon, Pôle de Compétences PratiquesManagériales, CNFPT, 2002, p.35.98 Ibid.99 Entretien réalisé le 14 janvier 2008.

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Conclusion Générale

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Conclusion Générale

Nous avons montré les enjeux qu’affrontaient les dirigeants des collectivités locales. Ceux-ci sont confrontés à une évolution importante de leur environnement : transversalisationdes politiques publiques qui passent du global au local, nouvelles compétences héritées dela décentralisation et exigences renouvelées des citoyens et des élus. Ce bouleversementles pousse à mieux définir leurs compétences de pilotage des collectivités locales. Celles-ci passent notamment par les compétences courantes du manager mais également parcelles plus spécifiques des dirigeants du secteur public local : écoute, management de projetmarqué par la transversalité.

Toutefois, ces compétences doivent être acquises lors de formations adaptées. Lesformations actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la diversité des cas et dessituations des agents. Elles s’éloignent d’ailleurs souvent de la réalité des situations desagents. Certaines formations trouvent un bon équilibre mais elles sont réservées à un petitnombre (INET).

Il est donc nécessaire de pousser les formations sur le terrain, de les ouvrir à dessituations concrètes, tout en gardant un repère théorique via le formateur par exemple. Lapersonnalisation et l’individualisation des modes de formation peuvent apporter une réponseplus adaptée aux besoins des dirigeants des collectivités. Toutefois, il est nécessaire quel’individu soit encadré et ne se sente pas perdu comme cela est parfois le cas pour laFormation Ouverte à Distance (F.O.A.D.).

Les difficultés rencontrées lors de ce travail sont de deux ordres. Pour ce qui a trait à laméthodologie, il a été difficile d’évaluer la formation. La question s’est notamment posée surle choix des interviewés ainsi que le choix des formations à analyser. Face à la vaste offre deformation proposée aujourd’hui dans le secteur public local, il est toujours difficile de retenirun panel d’interviewés représentatifs. C’est la raison pour laquelle, nous avons diversifiéau maximum les sources de formation : INET, ENACT, CNFPT, cabinets de conseil. Deplus, les personnes interviewées étaient nombreuses à être favorables au changement dansl’administration. Il a donc été nécessaire de diversifier nos sources afin de contrebalancerles opinions recueillies lors des entretiens.

Les difficultés d’ordre théorique ont été de rendre la présentation la moins exhaustivepossible étant donné la quantité d’ouvrages existants sur le management en général. Nousavons tenté de nous centrer sur le management dans le secteur public local afin de limiternotre sujet d’étude.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Bibliographie

Ouvrages

Henri Amblard, Philippe Bernoux, Gilles Herreros, Yves-Frédéric Livian, « les nouvellesapproches sociologiques des organisations », Seuil, 2007, 292 pages.

Michel Barabel, Olivier Meier, « Manageor », Dunod, Paris, 2006, 884 pages.

Annie Bartoli, « Le management dans les organisations publiques », Editions Dunod,2ème édition, 2005, 419 pages.

Sébastien Creusot, Olivier Benjamin, le financement des nouvelles compétences descollectivités locales, L.G.D.J., 2007, 115 pages.

Henri Fayol, « Administration industrielle et générale », Dunod, Paris, 1999.

Florence Hunot, « Former les nouveaux managers, Problem-based learning, uneméthode novatrice pour développer les compétences », Editions Liaisons, 2000, 142pages.

David Huron, Jacques Spindler, « Le management public local », L.G.D.J., 1998, 118pages.

Claudette Lafaye, « Sociologie des organisations », Armand Colin, 2007, 127 pages.

Guy Le Boterf, « Compétence et navigation professionnelle », Editions d’Organisation,2000, 332 pages.

Guy Le Boterf, « Construire les compétences individuelles et collectives », Editionsd’Organisation, 2000, 206 pages.

Guy Le Boterf, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange, Editionsd’Organisation, 1994, 176 pages.

Jean-Jacques Néré, « Démarche compétences et pratiques managériales », LesEditions Demos, 2005, 190 pages.

Philippe Zarifian, « Le modèle de la compétence », Editions Liaisons, 2ème édition,2004, 114 pages.

Philippe Zarifian, « Objectif compétence », Editions Liaisons, 1999, 229 pages.

Revues

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Bibliographie

PEREIRA Ludwig-2008 41

Annie Hondeghem, Wouter Vandenabeele, « Valeurs et motivations dans le servicepublic. Perspective comparative » dans la Revue Française de l’AdministrationPublique, N°115, 2005/03, 182 pages, pages 463 à 479.

Travaux universitaires

Fabien Hild, « Diagnostic organisationnel du service enfance et jeunesse mairied’Eckbolsheim », décembre 2004.

Marie-Laure Viallet, « Diagnostic organisationnel des services de la Communauté deCommunes du Bois d’Oingt », décembre 2004.

Sites internet

www.resp-fr.org

http://www.inet.cnfpt.fr

http://194.199.119.55/site/images/managementpublic.pdf

Le management public en formation ? Séminaire des responsables formation EN3S,Octobre 2006.

Site de Millénaire 3, le centre Ressources prospectives du Grand Lyon :

http://www.millenaire3.com/centre-national-de-la-fonction-publique-territoria.69+M5c95a391ae9.0.html

Document administratif

Dossier sectoriel Pratiques Managériales (Rapport d’étape) Délégation Rhône-AlpesLyon, Pôle de Compétences Pratiques Managériales, CNFPT, 2002.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Annexes

Annexe n°1 : Liste des entretiens réalisés

Date del’entretien

Personne interrogée Fonction Durée Sigle utilisé

05/12/07 Mme YasmineJullien

Cadre pédagogique et animatriceau pôle de compétences« pratiques managériales » del’antenne Rhône-Alpes Lyon duCNFPT

2h00 YJ.

14/01/08 M. Jean-PierrePachoud

Directeur Général des Services dela ville de Rillieux-la-Pape

1h40 JP.

26/03/08 M. Laurent Pradère Responsable audit pour le groupeKPMG Secteur Public

1h00 LP.

08/04/08 M. ClaudeSoubeyran de SaintPrix

Directeur Général des Finances dela Ville de Lyon

1h00 CS.

09/04/08 Mme Sandra dePinho

Directrice Générale Adjointe desServices de la ville de Lille

1h00 SP.

15/04/08 M. Frédéric Brocard Directeur Général des Services dela ville de Dardilly

1h30 FB.

16/04/08 M. Philippe Blain Directeur Général des Services dela ville de Brignais

1h00 PB.

18/04/08 M. Miguel Usannaz-Jorris

Responsable audit pour le groupeKPMG Secteur Public Paris

1h00 MU.

25/04/08 Mme CatherinePradel-Rollet

Responsable de la formation duConseil Régional Rhône-Alpes

1h30 CP.

Annexe n°2 : Analyse des entretiens réalisés Thèmes abordés :

1. Profil11. Sentiment vis-à-vis de l’agent vis-à-vis de son administration, de sa mission.2. Les formations au management (CNFPT, INET, ENACT, Conseils, …)21. Organisée par l’interviewé

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Annexes

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22. Suivies par le manager3. Formation initiale31. ENACT : Ecole Nationale d’Application des Cadres Territoriaux4. Formation continue41. Formations CNFPT411. l’inter-catalogue412. Séminaires, petits déjeuners du management413. Intras414. La formation ouverte à distance (FOAD)5. Conseils aux administrations (KPMG)6. Formation idéale7. Le management71. Transversalité des politiques publiques locales72. Anticipation73. Déléguer74. Motivation741. Motivation par le sens de l’action742. Motivation par l’accompagnement du manager8. Compétences d’un manager81. Par l’exemple82. Ecoute83. Monter en compétences84. Dysfonctionnements9. Apport public-privé91. Motivation10. Résistances au changement101. Résistances personnelles102. Pouvoir103. Pouvoir politique104. Manque de connaissances105. Culture du service public11. Recrutement

1. Profil

11. Sentiment vis-à-vis de l’agent vis-à-vis de son administration, de sa mission

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Depuis toute petite, [j’ai été] intéressée par la politique et pas mal de politique à côté. YJ.Je suis un enfant de la décentralisation. PB.C’est un métier qui m’a vraiment passionné et qui me passionne encore. PB.Cela paraît un peu galvaudé mais le sens du service public, j’y crois. Il y a tellement

de choses à faire, à changer, à moderniser [que cela constitue] une motivation totale, […]un challenge. SP.

2. Les formations au management (CNFPT, INET, ENACT, Conseils, …)

21. Organisée par l’interviewé

Les cadres territoriaux souhaitaient que les formations au management aient une fortepertinence des contenus et en même temps soient très opérationnelles par rapport à leursituation professionnelle. YJ.

La formation passé un temps c’était un fort levier de motivation. Avoir la possibilitéde partir en formation, ce n’était pas simplement à but d’efficacité dans son travail, c’étaitcomme une récompense, c’est encore un peu vécu comme ça. YJ.

La formation, j’y crois beaucoup […] d’autant plus que je suis également un formateur-intervenant auprès du CNFPT, donc on des liens un peu privilégiés. PB.

Souvent les responsables de formation s’intéressent au comment. Moi je m’intéressedavantage au pourquoi. MU.

22. Suivies par le manager

J’ai suivi quelques formations homéopathiques sur le management en interne. Maformation sur le management s’est faite sur le tas et par le goût de l’humain. PB.

Je ne dirais pas que ça a changé mon quotidien du jour au lendemain. Ça m’adonné des outils complémentaires. C’est un peu comme lorsque vous suivez une formationinformatique et que vous ne manipulez pas au quotidien Powerpoint, il y a de la déperdition.PB.

Je suis un de ceux qui part le plus en formation […] J’estime qu’il faut se tenir au courant.FB.

Les formations vous renforcent. Quand on est dans des postes un peu solitaires commecelui de D.G.S., les formations vous aident à vous prémunir de cela. On peut faire deserreurs et faire n’importe quoi et les formations aident à se prémunir de ça. FB.

Beaucoup de gens vont suivre des formations au management pour trouver dessolutions. JP.

Le management c’est pour moi beaucoup en pratiquant et pas à l’école ou dans descours. SP.

[T]ous les cours de management étaient un peu théoriques avec des cas pratiquesmais pas forcément en collectivités. Il y a toujours une histoire avec un avion qui tombedans la jungle et on vous demande comment vous faites pour survivre. Certes, c’est écritdans tous les cours de management mais concrètement dans la vie de tous les jours d’unfonctionnaire territorial, ce n’est pas forcément cette question-là qui se pose. SP.

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Annexes

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3. Formation initiale

31. ENACT : Ecole Nationale d’Application des Cadres Territoriaux

La formation d’attaché territorial tronc commun -qui va être rénovée- apporte peu enthéorie. Néanmoins, c’est important pour la mise en réseau. FB.

Les cours de management qu’il y a dans les ENACT, ce sont des cours pour savoirun peu quels types de management nous correspondent : si l’on est plutôt managementparticipatif, etc… mais on ne va pas nous dire comment gérer des situations concrètes. SP.

J’avais déjà suivi des cours de management dans les ENACT en début de carrière.Donc les cours de management à l’INET, on en avait très peu, c’était très général et c’étaitdéjà la même chose que j’avais eu dans les ENACT. SP.

32. INET : Institut National des Etudes Territoriales.

Pour moi, l’INET n’a pas été un bouleversement. C’est un peu comme un sas quipermet d’observer et de comprendre [le] fonctionnement [de] grandes organisations, [plus]complexes, [comme celle du] Grand Lyon, avant de plonger [dedans]. CS.

L’INET met l’accent sur le management stratégique, sur les pratiques managériales,met les étudiants en situation, favorise les stages. SP.

Par contre, on peut considérer que dans les autres cours, on apprenait du managementde manière indirecte et je pense que c’est là qu’il y avait le plus d’apports. Par exemple,lorsque l’on avait un cours sur le développement économique, on abordait forcémentcomment on manage dans ce domaine-là. SP.

Mon expérience de l’INET c’est à la fois, quelques apports théoriques mais surtout desapports pratiques dans les stages. SP.

En passant la barrière de l’INET, où l’on devient administrateur on n’est plus en situationde management de proximité donc c’est voir comment l’on peut manager des équipesbeaucoup plus grandes, en prenant un peu plus de recul, en ayant pas le nez plongé dansles dossiers. SP.

C’est bien de commencer avec des petites études, de voir les différents niveauxd’encadrements et puis après ça permet aussi, plus tard, de mieux comprendre lescontraintes que peut avoir l’encadrement intermédiaire. SP.

Moi je crois que l’on apprend sur le tas […] Si je me mets à la place de mes collèguesde promotion qui n’ont jamais managé et qui se retrouvent sur des postes de direction, jetrouve que c’est un peu [ardu]. SP.

4. Formation continue

41. Formations CNFPT

Le problème dans ces formations, c’est qu’il y a vraiment des niveaux très différents,donc du coup il y a un travail de mise à niveau qui se fait au départ et on a un peul’impression de perdre son temps. […] Il y a des différences de niveaux, des différences depréoccupations. JP.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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C’est toujours fait par des cabinets extérieurs qui ne connaissent pas les collectivités.J’insiste, mais pour moi, ça s’apprend sur le tas. Et la plupart des formateurs en managementce sont des formateurs du privé qui n’ont jamais mis les pieds dans une collectivité locale.Ils ne comprennent pas les contraintes pratiques. SP.

411. l’inter-catalogue

C’est vraiment important parce que l’apprentissage, l’intégration ne se fait pas parcequ’un professeur dit : « ça c’est bien de le faire ». Cela se fait aussi en se confrontant à desprofessionnels, des collègues. YJ.

Dans les formations d’une journée on a l’impression de perdre beaucoup son temps[finalement] à mon avis, il y a deux ou trois heures d’utiles dans une formation. JP.

412. Séminaires, petits déjeuners du management

Dans les séminaires et petits déjeuners du management, il y a une démarche réseau.On met en contact des gens qui peut-être dans leur quotidien n’auraient pas le temps, ni lelieu de se mettre en contact les uns les autres. Donc on crée du lien, du lien professionnel.YJ.

L’avantage des petits déjeuners c’est que c’est pour les cadres dirigeants donc c’étaitvraiment au cœur des préoccupations. JP.

Dans les petits déjeuners du management : individu et collectif, on échange beaucoupsur les valeurs. YJ.

Les stages portent plus sur les savoirs et les savoir-faire et les savoir-être. Ce n’estpas sur de la réflexion. YJ.

413. Intras

Dans les intras, [il s’agit plus de] l’emprise opérationnelle des formations. Une intracomprend certes du transfert de compétences mais elle comprend de la résolution deproblèmes aussi. YJ.

Cela été un temps fort au niveau de la direction et des chefs de services car c’était unpeu ludique, on était en dehors du milieu du travail : cela soude une équipe, c’est assezfédérateur. CS.

414. La formation ouverte à distance (FOAD)

Cela donne donc beaucoup de souplesse à condition que le support de formation soitbien fait. YJ.

5. Conseils aux administrations (KPMG)

Il arrive que le changement de poste d’une personne fasse s’effondrer le travail detrois années de mise en place de techniques de gestion […] Une fois, la nouvelle personnenommée, tout change. LP.

Les formations [théoriques, au sens de KPMG], je n’y crois pas du tout. C’est commele permis de conduire : on peut très bien savoir le code, mais ne pas savoir conduire. MU.

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Annexes

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6. Formation idéale

Je pense que déjà au niveau des formations des jeunes cadres, [il faudrait qu’il y ait]un peu plus d’alternance. JP.

[Il faudrait] plus partager la formation entre les cadres et les élus parce qu’aujourd’huiles élus font assez peu de formations. JP.

Il y a surtout un travail à faire sur la définition du rôle du cadre et la définition du rôlede l’élu et peut-être à faire avancer dans les textes parce que dans le Code Général desCollectivités Territoriales, on ne trouve rien sur le rôle du cadre. JP.

Je pense que la formation est toujours utile pour peu que ceux qui s’y rendent aient lavolonté d’y participer pleinement. PB.

[Il est nécessaire d’avoir un] bon bagage de culture générale. Toute formation qui faitréfléchir, analysé, travailler sur le sens et sur le poids des déterminants sociaux sur leséchelons individuels est une bonne formation. CS.

Des études de sociologie, psycho-sociologie, sociologie des organisations(comprendre ce que sont les organisations) sont essentielles pour diriger des organisations.CS.

Ce serait d’avoir des cours avec des cas concrets - même si à l’ENACT il y en avait unpeu plus mais à l’INET pas du tout - des cas concrets de situations, de mise en situationde travail. SP.

[Il faudrait] plus de formateurs qui viennent du même milieu [les collectivités locales]et qui prennent des cas concrets qui leurs soient arrivés et voir comment ils se sont saisisde cette situation. SP.

7. Le management

En matière de management, ce n’est pas comme une expertise technique où voussavez ou vous ne savez pas faire faire une soudure, là c’est un peu plus complexe et onest en évolution constante dans les techniques de management. YJ.

On s’est aperçu que le management ce n’est pas seulement du management desressources humaines, c’est-à-dire communiquer avec l’équipe de travail. YJ.

Ce que je trouve intéressant dans la démarche par processus c’est de voir qui est lebénéficiaire final [de notre action]. SP

71. Transversalité des politiques publiques locales

Il y a un besoin de transversalité dans la conduite des politiques publiques. YJ.Les services opérationnels sont dédiés à une activité particulière, par exemple : la voirie,

l’accueil des crèches, … mais ils ne peuvent fonctionner qu’en s’appuyant sur une structuretransverse : marchés publics, gestion des ressources humaines, … LP.

La transversalité est vraiment quelque chose de très compliqué qui n’est pas du toutdans la culture. [Les managers] ont un rôle d’assembleur c’est-à-dire de faire travaillerensemble les gens, faire circuler l’information, assurer une homogénéité politique, définirune stratégie plus globale, puis la faire appliquer dans les différents niveaux. SP.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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J’ai toujours défendu l’idée qu’il existait un management public territorial. YJ.On essaie de répondre à des besoins mais on a toujours du mal à évaluer les vrais

besoins à part les services publics traditionnels. JP.

72. Anticipation

A terme, on acquière de l’expérience donc on acquière des techniques. Des travauxdevant l’école peuvent amener une levée de boucliers. La technique c’est qu’en amont dela réunion collective, on « démine le terrain ». FB.

Il faut donc essayer d’anticiper les questions qui peuvent se poser, les freins auchangement. Cela demande de l’écoute, de la formation, de la co-construction de projets.FB

En tant que manager, il faut que cette volonté de mettre en place des règles demanagement vous apporte des choses mais il faut qu’elle apporte également quelque choseà ceux qui vont les « subir ». JP.

73. Déléguer

Avec le directeur adjoint, nous poussons nos chefs de service à animer des réunions,des réseaux. CS.

Apprends à quelqu’un à pêcher, plutôt que de lui pêcher le poisson. Sinon, il reviendratout le temps, … FB.

Déléguer et faire confiance c’est penser qu’en chacun des collaborateurs, il y a despossibilités que l’on ne connaît pas nécessairement soi-même et mettre en situation celuiqui a ces possibilités de les développer. PB.

Je crois qu’ils ont besoin en règle générale, d’être accompagnés, soutenus, conseillésde la part de celui qui délègue sachant que sans doute un jour, ils basculeront eux aussi surces fonctions d’accompagnement, c’est quelque chose qui doit se démultiplier. CS.

74. Motivation

Le projet d’une organisation, c’est un projet qui doit être partagé collectivement. JP.J’estime que dans le service public, il y a plus de leviers de motivation que dans le

privé : la formation, les conditions de travail, y compris les conditions basiques de travail etla valorisation des gens par rapport au projet. YB.

Motiver c’est donner des missions intéressantes aux gens, leur déléguer desresponsabilités, faire en sorte qu’ils pilotent leur permettre de se tromper, de mobiliser desoutils … CS.

On a joué sur le paramètre argent mais clairement on ne le considère que commeun des paramètres de la motivation des agents. Dans les autres paramètres, il y al’épanouissement au travail qui est quelque chose de fondamental. PB.

741. Motivation par le sens de l’action

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Annexes

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Tous ces éléments de pilotage, de management, d’organisation, ne prennent sens qu’àpartir du moment où ils répondent à un objectif de nature politique. Les mettre en place n’apas de sens si on ne sait pas pourquoi on le fait. MU.

Il faut donner du sens car cela permet de se projeter. A un moment donné, les cadresavaient besoin de sens. MU.

Je pense qu’il y a un lien très fort dans la question du sens dans le management dusecteur public […]. Je pense que plus on communique sur le sens de ce que l’on fait, pluson explique les choses, pourquoi on a pris telle ou telle décision, qui est peut-être injustepour un individu mais équitable pour un groupe d’individus, plus on explique les choses,mieux cela va dans le sens de la motivation. YB.

Je n’ai pas trop de dispositif à récupérer ou à mettre en place car à Dardilly, nousavons déjà pas mal travaillé là-dessus : Motivation par l’intérêt du travail mais égalementdéveloppement des compétences et formations. FB.

742. Motivation par l’accompagnement du manager

En responsabilisant, un des leviers de la motivation c’est d’accompagner. Si onn’accompagne pas, cela ne fonctionne pas. CS.

La motivation, elle est dans l’implication d’un projet collectif [tout en ne se sachant pas]seul. Avoir quelqu’un en soutien, qui vous accompagne, c’est en général assez motivant,on ne sent pas jugé. CS.

Si j’engage des collègues sur un projet, ils savent qu’ils vont avoir du travail, une tâcheà effectuer mais ils savent qu’ils ne sont pas seuls : on fait des points ensemble, on réviseensemble, on discute ensemble, on parle de leurs difficultés … CS.

Vous êtes obligé aussi de travailler avec des personnes qui n’ont pas forcément le profilque vous souhaiteriez. C’est aussi le rôle du manager de faire avec les personnes qui sontlà, puisque dans l’administration, vous ne pouvez pas virer les gens parce qu’ils ne vousplaisent pas. Toute la difficulté du manager, c’est de faire monter en compétences des gensqui ne le sont pas forcément, c’est d’essayer de les faire évoluer et ça prend beaucoupd’énergie. SP.

Moi, je crois beaucoup à la formation. Ici, quand je suis arrivée à la mairie de Lille,il y avait des personnes qui depuis vingt, trente ans n’avaient jamais suivi de formation.Donc là, la première chose que j’ai faite quand je suis arrivée, [c’est de faire] en sorte quebeaucoup de monde puisse suivre des formations dans leur domaine parce que ce sontdes domaines qui évoluent en permanence, la réglementation évolue, etc. donc il faut enpermanence être au courant, se former, suivre les textes qui sortent, cela demande uneréactivité constante. SP.

8. Compétences d’un manager

Le manager doit avoir :une vision, c’est-à-dire qu’il doit être capable de donner du sens quel que soit le type

de management : directif, participatif, …un sens de l’organisation et de la méthodeun savoir-faire : savoir conduire une réunion, conduire un entretien, rédiger, produire

un diaporama, … voilà pour les compétences. CS.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Après la question de la prédisposition : est-ce donné à tous le monde ? Je pense qu’ilya des personnalités qui sont plus manageuses que d’autres, qu’il y a des profils personnelsqui vont plutôt se tourner vers l’expertise et d’autres vers le management. CS.

A mon avis, [le manager] doit avoir des qualités propres, notamment par rapport à soncaractère. C’est être à l’écoute de ses collaborateurs, toujours garder une vision stratégique,c’est de favoriser la participation de ses équipes c’est-à-dire savoir motiver ses équipes etessayer de valoriser ses équipes c’est-à-dire de les faire monter en compétences quandil faut. SP.

L’adaptabilité, je pense que c’est une grande qualité d’un manager. Savoir s’adapterà toutes les situations, à toutes les demandes : de sa hiérarchie mais aussi à toutes lesdemandes de ses collaborateurs, savoir s’adapter aux caractères de ses collaborateurs …Par exemple, je peux avoir une réunion sur le renouvellement des téléphones de la mairie,enchaîner avec une réunion sur la prospective financière de la collectivité, refaire un pointune heure après sur tous les marchés publics qui sont en train d’être lancés, faire un pointensuite avec mon directeur de l’économie sur tous les partenariats que l’on a avec desentreprises dans la mairie donc voilà c’est totalement différent, varié et ça n’a en généralaucun lien. SP.

C’est un grand enjeu des collectivités d’arriver à maîtriser l’information, la diffuser, çareste encore des milieux très cloisonnés où c’est très difficile d’avoir l’information, de ladiffuser. SP.

Manager c’est :- Savoir se situer dans son environnement et par rapport à sa sphère de responsabilité ;- Avoir une bonne connaissance de sa mission pour pouvoir diffuser aux autres son

rôle de manager, responsabiliser tout le monde, accompagnement dans l’échange ;- Animer une réunion, faire de la conduite de projets, gérer son temps. FB.Un bon manager, c’est quelqu’un :- qui est sensible aux préoccupations d’autrui ;- qui est capable de comprendre les mécanismes de fonctionnement de ses

collaborateurs ;- qui connaît les inerties potentielles de l’humain ;- qui est sensible à l’humain ;- qui sait, tout ceci étant posé et défini, ne pas verser dans la psychologie de bazar ;- savoir aussi et avant tout dire non (à ses collaborateurs …). Ce n’est pas en disant

oui à tout que l’on gagne des gallons en tant que manager. [Un manager] est un repère,une balise. Par contre, il faut savoir dire oui si la demande est pertinente. Il ne faut pas labloquer pour se donner l’illusion d’avoir le pouvoir d’être celui qui dit non parce qu’il est enposition de dire non. PB.

Je crois à l’autorité naturelle de manière générale. Je pense :- qu’on peut dégager un certain charisme par un certain nombre d’actions,- que le verbe est une manière de le mettre en œuvre- Je crois aussi aux vertus de l’exemple. Je pense beaucoup avoir pratiqué le

management par l’exemple. C’est un peu l’idée du premier arrivé, dernier parti.

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Annexes

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- savoir dire non- savoir être juste, faire la part des choses. Cette autorité-là tient beaucoup à ce que

l’on ne vous remette pas en cause sur le plan de l’équité dans la gestion des situations.C’est peut-être un comportement mais tout cela s’imbrique.

81. Par l’exemple

Je crois au management par l’exemple et par la confiance. PB.Essayer d’être exemplaire dans son travail et dans son attitude vis-à-vis des autres, du

respect que l’on doit à chacun, des missions de chacun FB.

82. Ecoute

Il faut une personnalité d’humilité, d’écoute et essayer de comprendre un peu pourquoiles gens agissent comme ça. Par exemple, ce n’est pas souvent que les gens se bloquentsur quelque chose parce qu’ils n’ont pas envie de le faire. Je crois surtout que c’est parcequ’ils ne comprennent pas ou parce qu’ils ont peur de ne pas savoir faire. JP.

83. Monter en compétences

Après quand on est en position de manager plus transversal, on n’a pas besoind’être technicien, on nous demande pas les mêmes compétences. Par contre, on n’apas un management de proximité mais justement de transversalité. Il faut savoir gérer lacomplexité, la transversalité, des choses qui ne se font pas forcément dans un encadrementde proximité. Cela n’a aucun rapport en fait, ce sont carrément deux métiers différents SP.

84. Dysfonctionnements

« Un important DG des services de la région lyonnaise a pour habitude de rendre visitepar exemple à un cadre dans son bureau et de lui dire : « tenez, je vous présente monsieurun tel, c’est lui qui vous succède. » Autrement dit, vous êtes viré, je vous mute ailleurs, etc.voilà votre successeur.» PB.

9. Apport public-privé

Moi je reste persuadé qu’il faut se mettre tout à fait dans le même esprit que dansl’entreprise. […] Par exemple, pour nous on exige que l’éclairage public soit réparé dans lesdeux heures quand il y a une panne d’éclairage public donc dans un cahier d’appel d’offres,on sait tout à fait mettre des astreintes. JP.

Je me suis posé la question sur la négociation pour les achats publics. Dans le privé, ilssont quand même plus forts que dans le public. L’intérêt, c’est de calquer dans le public, ceque l’on a appris dans le privé. Mais je n’ai pas encore trouvé le programme qui conviendrait.FB.

Pour le management dans le privé, en soi, cela pourrait être intéressant. Toutefois,ce n’est pas proposé. Sachant que les organismes engagés par le CNFPT pour faire desformations sont des organismes qui interviennent aussi bien dans le privé que dans le public.Ces formations sont plutôt adaptées au public. FB.

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Dans les collectivités territoriales, c’est un peu différent, c’est-à-dire qu’on a desobjectifs de qualité mais comme on le sait très bien en termes d’indicateurs et d’évaluation,c’est beaucoup plus difficile à évaluer que ce que vous pourrez évaluer en termes de profitou de qualité dans une entreprise privée. YJ.

91. Motivation

On a des possibilités [afin] de mobiliser [les agents] simplement on a des conditionsstatutaires qui sont un peu différentes. JP.

Vous avez des possibilités de mobilisation de ressources humaines dans le privé quisont différentes de celles du public. Dans le public, tout est très cadré. Cela fait des annéesque l’on parle de l’évaluation au mérite sauf que cela ne passe toujours pas. YJ.

C’est clair, dans le privé, vous avez quelqu’un qui ne travaille pas, vous voulez lemotiver, vous lui donnez une prime et puis voilà, vous augmentez ces commissions. Dansle public, ce n’est pas possible, vous avez très peu de marge de manœuvre sur le régimeindemnitaire, vous n’avez quasiment pas de marge de manœuvre de motivation, vousmotivez par l’intérêt du travail. SP.

Après, c’est un tout. Dans le privé, les emplois sont plus aléatoires comme il y a lacontrainte du licenciement. Cela oblige les gens à une pression continue que l’on n’a pasforcément dans le public. SP.

C’est beaucoup plus dur de manager dans le public que dans le privé parce que vousavez autour de vous de gens qui ne sont pas motivés et que vous n’avez ni l’argent, ni aucunautre moyen pour les récompenser. Vous avez dans la plupart des collectivités territoriales,le même régime indemnitaire que vous ayez un agent qui travaille ou pas. Pour les motiver,il faut passer par l’intérêt du travail, leur donner des objectifs clairs, leur montrer les résultatsque l’on veut atteindre, essayer d’avoir un minimum de reconnaissance, pas financièremalheureusement, essayer de mettre en avant leur travail, quand il y a des réunions avecle D.G.S., d’amener ses collaborateurs, de ne pas y laisser seul. SP.

Mon passage dans le privé m’a montré tout l’intérêt que pouvait avoir la culture dureporting. SP.

On rencontre peut-être plus d’obstacles dans le public, notamment des réticences auchangement qui sont plus fortes que dans le privé, du coup, on dépense beaucoup plusd’énergie dans le public, donc du coup on travaille plus en tant que cadre dans le publicque dans le privé. SP.

Ce qu’il y a de commun entre le public et le privé, c’est de travailler en mode projet avecdes objectifs, un planning, des intervenants, des instances avec des groupes de travail. SP.

10. Résistances au changement

101. Résistances personnelles

En formation, j’aurais tendance à dire qu’on refait le monde mais derrière vous retombezface à vos réalités : problèmes de personne, … FB.

Je ne me heurte jamais à des difficultés de changement. Quand on veut changerquelque chose, pour peu que cela ait du sens, […] il est bien rare que l’on ne réussisse pas.[…] C’est lourd, c’est difficile mais on y arrive si l’on s’en donne les moyens. Tout est possible

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Annexes

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pour peu que les conditions soient réunies et que les personnes-leviers soient disponiblespour relayer le changement. CS.

Le management peut s’intégrer au fonctionnement de l’administration. Simplement, ilfaut peut-être faire attention à ne pas l’appeler management. C’est par exemple dire : « onva essayer de travailler sur l’amélioration de la réalisation des cartes d’identité. » JP.

102. Pouvoir

On vous tire souvent dans les pattes. Souvent celui pour qui vous avez le plus fait, celuiqui vous avez promu, aidé et mis en situation d’agir. PB.

De façon générale, la personne qui pilote le dossier a toujours du mal à prendre assezd’initiatives et il y a aussi souvent [de la part] des autres une peur de perdre du pouvoirsur un dossier. JP.

Faire changer les choses […] C’est vraiment une difficulté que j’ai pu rencontrer danstous mes postes que j’ai pu occuper dans l’administration. Dans la situation actuelle, c’estun peu plus facile puisque j’ai une position hiérarchique plus importante, plus élevée doncj’ai beaucoup plus de moyens à ma disposition pour faire changer les choses mais c’estvrai que quand on est dans l’encadrement intermédiaire, on a vraiment un sentiment defrustration. SP.

Au niveau chef de service ou directeur, […] on ne maîtrise qu’une petite partie de lachaîne et cela fait que si nous on veut bien changer, il faut changer tous ceux qui sontautour. C’est très très frustrant comme sentiment. À mon niveau de DGA [Directeur GénéralAdjoint], c’est beaucoup plus facile parce que je sais que c’est moi qui ai les rennes pourchanger les choses mais pour l’encadrement de middle management, c’est quelque chosede pas facile à vivre car on ne maîtrise qu’un petit bout de la chaîne. SP.

103. Pouvoir politique

[Il peut y avoir une] difficulté [à] faire passer un changement auprès des élus. Encollectivité, [il y a une] sorte de dyarchie entre les élus et les permanents. Le DG et le chef decabinet sont à la croisée de ce chemin-là. Il est parfois plus facile de convaincre les agentsplutôt que de convaincre les élus. Parce qu’ils viennent aussi d’autres cultures. PB.

J’ai des élus qui me disent mais on n’a jamais vu une ville en difficulté. On a un peu lesentiment qu’une ville ne peut pas être en faillite. [En somme], « L’Etat nous aidera ». JP.

Certains [élus] -même s’ils [ont un] niveau [de connaissance élevé], comme desenseignants d’universités par exemple- n’ont absolument aucune idée de ce que c’est quede gérer un budget. Et lorsqu’on leur dit, il y a le budget à gérer ou qu’il n’y a pas assez derecettes, ils n’en voient pas le sens. JP.

104. Manque de connaissances

Il est parfois plus facile de convaincre les agents plutôt que de convaincre les élus.Parce qu’ils viennent aussi d’autres cultures. C’est rare qu’ils viennent de la même cultureque celle de la fonction publique, même si aujourd’hui ça se diffuse beaucoup plus. Il fautparfois vaincre les a priori de la part des élus. Là j’ai de nouveaux élus, je sais qu’il y en aqui croient encore que les fonctionnaires font des cocottes en papier. PB.

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Par exemple, pour nous on exige que l’éclairage public soit réparé dans les deux heures[…], ce n’est pas tout à fait dans la culture de l’administration parfois. JP.

105. Culture du service public

Difficulté à changer les habitudes : la résistance naturelle de tout être humain auchangement, ce que j’appelle l’inertie naturelle. La propension à dire non puis oui. On investitdu temps à convaincre [la personne] alors que l’on arrive à oui à terme. [C’est un] réflexenaturel. PB.

Faire évoluer des situations actives : toujours difficile. PB.Lorsque vous travaillez sur le terrain, vous arrivez avec des réformes, des dynamiques

de changement, des processus de réorganisation et vous vous heurtez à des résistances,des freins, qui sont aussi des références à une certaine culture de service public en termesde dévouement, de service rendu au public, etc. FB.

La culture de l’administration est présente à tous les niveaux mais elle ne se verbalisepas de la même manière. On ne met pas tous le même sens derrière les actes. FB.

D’où l’importance de changer cela, le service public a également une obligationd’adaptation, d’évolution dans le temps : on ne fait plus une animation scolaire comme onle faisait il y a trente ans. FB.

La culture de l’administration a les points faibles et les points forts du poids de sonhistoire :

- Points faibles :Administration souvent consciente de ses forces (de par son vécu, son histoire). Ses

forces peuvent devenir des pesanteurs. Il y a encore des moyens de ne pas agir. Par contremoi, j’ai la chance de travailler dans une structure à taille humaine où il est plus facile detriompher des pesanteurs et des inerties que dans les grosses structures. PB.

- Points forts :La culture du service. Les agents qui travaillent dans des collectivités comme la

mienne : globalement, ils aiment ce qu’ils font et aiment être au service. Ils râlent – moi lepremier- mais ils aiment rendre service. PB.

[Les agents ont une] très forte [peur de l’évaluation]. Ils n’ont jamais été évalués, ilspensent qu’ils sont là et qu’ils sont là à vie. Ils pensent justement qu’ils n’ont pas à êtreévalués, ils sont en terrain conquis entre guillemets, qu’ils travaillent ou qu’ils ne travaillentpas, ils ont le même salaire, c’est tout un état d’esprit ! SP.

La « culture du benchmark » profiter des bonnes pratiques des collectivités, c’estquelque chose de facile à mettre en place dans les administrations mais ils ne le font pas.Ce n’est pas un réflexe naturel, ce qui est bien dommage. SP

11. Recrutement

Le problème du recrutement des fonctionnaires territoriaux, notamment au niveau descadres A, […] essentiellement les attachés peut-être un peu moins les administrateurs, [c’estque] les attachés n’ont pas du tout d’épreuve sur les théories des organisations. JP.

Vous pouvez être un bon juriste, un bon financier, les niveaux sont de très bonne qualitédans la fonction publique territoriale mais vous vous retrouvez parfois avec de jeunes cadres

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Annexes

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qui n’ont pas trop réfléchi sur la façon de gérer les services, sur ce qu’il faut mettre en placepour mener à bien un objectif. Par exemple, la conduite de projet, c’est quelque chose quej’ai eu du mal à faire passer dans les services alors qu’il y a des tas de productions sur laconduite de projets avec la notion du chef de projet, du comité de pilotage, etc. JP.

Ce qu’on peut penser c’est que l’arrivée de nouveaux cadres territoriaux de mieux enmieux formés avec des métiers ouverts sur les collectivités publiques comme Sciences-Po par exemple, pourrait donner des gens qui auront une ouverture plus grande à cesréférences théoriques sur l’organisation. JP.

Il y a la théorie et la pratique encore une fois. En théorie, vous pouvez choisir tousvos collaborateurs : soit ils sont issus de la fonction publique territoriale, soit vous allez leschercher dans le privé parce qu’il n’y a pas les compétences dans l’administration […]. Enpratique, on a des contraintes : c’est-à-dire que lorsque vous arrivez sur un poste, vous avezdes personnes en place et vous ne pouvez pas leur dire : « j’arrive donc vous partez » ! SP.

Annexe n°3: Guide des entretiens du mémoire surl’apprentissage du management dans les collectivitéslocales.

Grille d’entretienHypothèse : L’apprentissage du management dans les collectivités locales est plus aisé

selon les générations mais aussi le parcours des individus.Sentiment vis-à-vis de l’agent vis-à-vis de son administrationProfilPrésentation (âge, fonction)ParcoursPourquoi l’administration ? Pourquoi cette administration (collectivités, région, …) ?Quel sentiment avez-vous vis-à-vis de votre travail, mission ?Caractéristiques générales de l’administrationMissionsLocalisation, effectifs par genre.Formation au sein du CNFPT/à l’INETou autreApprentissage du managementVous avez participé à une formation portant sur les compétences managériales des

fonctionnaires. Qu’en avez-vous pensé ?OuVous avez organisé une formation portant sur les compétences managériales des

fonctionnaires. Pourquoi cette formation ? Depuis quand est-elle en place ?Profils des participants

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Vers une mise œuvre du management dans les collectivités locales

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Quelle est la catégorie des fonctionnaires participant à la formation ?Comment sont-ils sélectionnés ?Les formationsComment se déroulent les sessions ? A quelle fréquence ont-elles lieu ?Quel en est l’objectif ?Avez-vous des contacts avec des intervenants provenant du secteur privé ?→ Si oui, comment les choisissez-vous ?→ Si non, pourquoi ?Y-a-t il une évaluation a posteriori de l’efficacité de cette formation ?Notions de managementConnaissancesEtiez-vous familier de la pratique managériale ?Quels sont selon vous ses grands principes ?Apports du management à l’administration.Pensez-vous que le service public véhicule des valeurs ? (intérêt général,

désintéressement100, …)Le management en fait-il partie ?Motivation et dévouementPlace de la motivation et du dévouement dans l’action de l’agentDifférences entre ces deux notionsEffets de la formationQue vous a apporté la formation du CNFPT ?Avez-vous constaté des changements dans votre manière de travailler ? (Changement

de perspective, de méthodes, … ?)Perception de la motivation, de l’intérêt général est-elle la même depuis ?La mise en œuvre des capacités acquises est-elle chose aisée ? (Résistances, aucun

effet, …)

100 Cf. Annie Hondeghem, Wouter Vandenabeele , « Valeurs et motivations dans le service public. Perspectivecomparative » dans la Revue Française de l’Administration Publique, N°115, 2005/03, 182 pages, pages 463 à 479.

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4ème de couverture

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4ème de couverture

Ces vingt-cinq dernières années ont amené de nouveaux défis à relever pour les collectivitéslocales. La décentralisation, l’exigence croissante des usagers et des élus ainsi que lacomplexification des affaires publiques locales, ont poussé les dirigeants des collectivitésà s’armer de nouvelles compétences. Celles-ci relèvent à la fois de compétences ditesclassiques du manager tandis que d’autres sont plus spécifiquement liées au secteur publiclocal.

De plus, les formations en management ne sont pas totalement efficaces, à la foisparce qu’elles ne permettent pas aux managers du secteur public local d’acquérir lesconnaissances nécessaires à leur fonction mais également parce que la mise en œuvre deces formations n’est possible que si le manager y est déterminé et dans la mesure où sonenvironnement le lui permet.

Enfin, ce renouvellement des compétences managériales nécessite d’une part uneformation personnalisée et continue davantage orientée vers les expériences pratiques etd’autre part, à l’heure d’un renouvellement massif de l’encadrement dû aux départs enretraite, une réflexion sur les profils de formation initiale qui d’emblée interroge sur lescritères par voie de concours.

LISTE DES SIGLES UTILISÉS :D.G.S. : Directeur Général des ServicesD.G.A. : Directeur Général AdjointDIF : Droit Individuel à la FormationD.R.H. : Direction des Ressources HumainesENACT : Ecole Nationale d’Application des Cadres TerritoriauxINET : Institut National des Etudes TerritorialesR.H. : Ressources HumainesVAE : Valorisation des Acquis d’Expérience