memoire 2009

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Mathieu de Saint Martin Beyrie

ImagesdeconflIts

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ImagesdeconflIts

Mathieu de Saint Martin Beyrie

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I.HIstorIque des premIe-res Images de guerre II.les conflIts dans l’artIII.evolu-tIons et de-rIves de la presse

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Toutes mes recherches semblent aboutir au fait que les premières photographies de guerre datent de la Guerre de Crimée en 1855.Le premier envoyé fut R.Fenton, photographe très proche de la famille royale. Le Prince entendait utiliser les images comme propagande pour la couronne Britannique. De ce fait, les quelques 360 images rapportées par Fenton montrent des troupes britanniques bien ordonnées, et vivant dans de bonnes conditions .Pas de photos sanglantes du front, pas d’images de soldats en mouvement cela du au matériel mais surtout aux rapports du photographe avec la famille royale. Seule l’image intitulée « la vallée de l’ombre de la mort » jonchée de boulets de canon nous laisse imaginer l’horreur. Par la suite vinrent les photographes Felice Beato et Robertson qui firent un travail plus dérangeant, plus aventureux. Mais Beato s’est surtout affirmé par ses images de la Guerre de l’opium en Chine ou il fut l’un des premiers à montrer des cadavres jonchés sur le sol, a faire ressentir la souffrance engendrée par la guerre. Le réalisme qui se dégage de ces scènes de conflit a fait de Beato un des pionniers de la photographie de guerre. Cependant le premier conflit couvert par des photographes présents sur les champs de bataille a été celui de la Guerre de Sécession qui fut couvert par un groupe de photographes qui rapportera un témoignage de plusieurs milliers de clichés. L’organisateur de ce groupe était Matthew Brady accompagné d’une vingtaine d’hommes dont A. Gardnere et T.O’Sullivan.

I.HIstorIque des premIe-res Images de guerre

Historique des premieres images de guerre

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R.Fenton « la vallée de l’ombre de la mort »

R.Fenton Guerre de Crimée

Historique des premieres images de guerre

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Ensuite vint la Commune de Paris en 1871, qui fut un tournant dans la photographie. En effet, pour la premier fois, la photographie a été utilisée par la police à des fins répressives comme preuve irréfutable. De même, face a l’intérêt croissant porté par le public pour ces images et craignant qu’elles pouvaient pousser à l’émeute , le gouvernement exerça une censure radicale. A ce moment là, la photographie se développe fortement et de nombreux conflits sont couverts à travers le monde. Par exemple, la Guerre du Pacifique par C. Diaz Escudero, la Guerre des Boers en Afrique du Sud, la révolution Mexicaine par les frères Casasola, la guerre Americano-Espagnole à Cuba par J.Hare, autant d’exemples marquants qui ont donné en cette fin de XIXéme siècle les fondations d’une photographie de plus en plus au fait de l’événement.

Felice Beato.Intérieur du fort à l’angle nord, après l’entrée française le 21 août 1860

Historique des premieres images de guerre

9Vint ensuite la guerre de 14-18 ou la photographie sera fortement influencée par les politiques qui avaient parfaitement compris que ce médium pouvait jouer un rôle déterminant sur le moral des troupes et aussi auprès de ceux qui attendaient le retour des soldats partis au front. L’un des seuls a avoir été admis de manière officielle fut un certain Jean- Baptiste Tournassoud , militaire lui aussi, qui a mis son art au service d’une idéologie. Mais la couverture la plus intéressante de cette guerre n’est autre que celle des soldats, qui avec le développement de la photographie ont accès a ce médium. Certes, ce sont des amateurs, mais les images qu’ils nous ont laissées sont bien moins patriotiques , et nous montrent clairement les souffrances vécues dans les tranchées. Parmi ces amateurs, on retrouve, par exemple, A. Kertész et J. Sudek de Prague qui, bien qu’ayant perdu un bras lors d’un tir de sa propre artillerie, a réalisé trois albums de photos dont certains sont d’une grande qualité graphique et informative.

Historique des premieres images de guerre

André Adolphe Eugène Disderi.Cadavres lors de la Commune de Paris

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La guerre civile espagnole est arrivée au moment où une conjonction d’éléments contextuels a facilité la prise d’images de guerre et leur vaste diffusion, dont l’arrivée sur le marché des premiers appareils photos portables,qui permit aux photographes de ne plus s’encombrer de matériel lourd et difficile à utiliser dans ce type de situation, et de se mêler aux troupes dans les tranchées, dans les offensives et les débâcles. Ils purent ainsi commencer à produire des images beaucoup plus frappantes qui émurent un public toujours plus large. De plus dans les grands pays occidentaux, de grands magazines illustrés de diffusion de masse avaient vu le jour. Il serait interminable d’analyser tous les conflits. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice mais en voici quand même quelques uns que je ne ferai que citer: La deuxième guerre mondiale (1939-45), la guerre de Corée (1950, la guerre d’Algérie (1954-62), les deux guerres du Vietnam (française et américaine de 1954 à 1973), la Guerre du Biafra (1967-1970), les guerres du Liban, les guerres israélo-arabes, israélo-palestiniennes, la guerre entre l’Irak et l’Iran (1980-88), les Malouines (1982), la guerre du Golf…

Correspondants de guerre.Espagne

Historique des premieres images de guerre

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Mais il est clair que la guerre d’Espagne marque un tournant dans la pratique de la photographie de guerre, car avant celle-ci, les pressions et les moyens de diffusion freinaient la diffusion des images. A ce moment là, la liberté de diffusion était réelle, mais ce fut à la fois le début et la fin de cette réelle liberté. Le statut du photo journalisme a donc évolué au travers des conflits grâce à l’implication de photographes et par le développement des techniques photographiques qui ont permis de se rendre directement au cœur de l’action et non plus de rester en retrait.Dès lors, le photographe de guerre n’a plus été perçu comme un accompagnant bienvenu et obligé de partager la vie des soldats, mais comme un élément à museler, un être aussi hostile que malintentionné, qu’il fallait mettre sous la coupe des forces armées, de manière à donner une image convenable des conflits. Les gouvernements impliqués veulent dès lors faire croire à qui veut l’entendre qu’ils mènent « une guerre propre » qui ne heurte pas leur opinion publique, et n’acceptent pas non plus que des photographies ou des vidéos puissent donner des indications aux ennemis. Ils s’emploient à museler les journalistes et photographes, organisant, par exemple, des sorties organisées pour les reporters, où, comme par hasard, les soldats ennemis se voient bien traités et bien habillés. Un autre facteur tout aussi déterminant et plus récent risque de mettre fin à la photographie de guerre : les pressions économiques.

Historique des premieres images de guerre

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13Par ce travail, je voudrais élargir le champ des associations liées à la question de la représentation contemporaine de la guerre. Différentes évolutions de la production artistique de cette dernière décennie ont données une grande actualité à ce problème : d’ une part, l’élargissement du champ géographique de la communauté artistique qui fait évoluer le débat, d’autre part l’évolution du statut de certains médiums tels que la photographie, le documentaire, la vidéo qui sont entrés dans le domaine artistique. Cela aboutit à l’élargissement des moyens d’expression et à la diffusion de ces derniers dans les musées et les galeries.On peut donc dire que les arts se sont ouverts de manière significative à de nouveaux territoires, à de nouveaux regards.La représentation devient importante quand on soulève la question de savoir à qui le message s’adresse, ou encore dans quel contexte l’œuvre engagée apparaît et dans quelle mesure le lieu de diffusion peut affecter le message. On se demande alors si la transposition géographique de l’œuvre ne nuit pas à ce moment au message et si l’origine ou le vécu de l’artiste ne faussent pas le propos ou au contraire le renforcent. Cette ambiguïté ne remet-elle pas aussi en question la frontière entre réalité ou fiction ?.

II.les conflIts dans l’art

Les conflits dans l’art

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J’ai choisi de parler brièvement de deux photographes très différents et ayant traité un même lieu ;le Liban. Ce que j’ai trouvé intéressant dans cette comparaison c’est la différence de point de vue entre ces deux photographes à propos de la destruction de la ville de Beyrouth. L’un voit ces ruines comme des cicatrices l’autre comme une survivance vers une nouvelle résurrection. Mais tous deux s’interrogent sur le statut de ces stigmates provoqués par la guerre.

J’ai commenceé mon étude par Sophie Ristelhueber, née le 21 octobre 1949 à Paris. C’est une artiste à la croisée de l’art et de l’information qui et privilégie la pensée tout en s’assimilant a un archéologue. Son œuvre appartient au domaine de l’art en étant l’alliance de l’art et du matériau photographique. Différente de celle du reporter par sa technique artistique, mais en lui empruntant l’outil, Sophie Ristelhueber fait partager ses obsessions de la surface entaillée, des cicatrices et des traces que l’être humain laisse sur son corps et sur son environnement .Sa façon de montrer la violence et la guerre sans la représenter deviennent artistiques. Ses préoccupations d’artiste lui confèrent un recul paradoxal nécessaire pour atteindre l’horreur. Son sens politique ne vient pas du contenu et de l’objet mais plutôt des formes et des distances spatiales et temporelles avec les choses et les faits. Elle ne veut ni imiter, ni ressembler ou plutôt sa ressemblance n’est pas déduite des choses (comme dans le document) mais produite par le travail sur le matériaux. Elle ne veut pas simplement montrer une image pour ce qu’elle est, mais plutôt que chacun se fasse son interprétation de réalité par son cheminement artistique. En cela, je pense qu’elle réenvisage le style documentaire.Beyrouth 1982S.Ristelhueber est perturbée par la répétition systématique des mêmes images dans les médias : mères hurlantes, soldats et miliciens avec toujours comme toile de fond l’architecture déchiquetée. Elle reste deux mois à Beyrouth, errant dans la ville. Elle enregistre d’ordinaires immeubles modernes dans le contexte de la guerre, prend des façades déchiquetées, des surfaces pulvérisées, fracturées (comme la chair humaine de son projet dans un hôpital à Paris quelque temps avant, mais qui ne verra le jour qu’en 1994).

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Sophie Ristelhueber Beyrouth 1982Les conflits dans l’art

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S.Ristelhueber Faits Irak 1992

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Elle ne veut aucun signe de vie pour montrer la fragilité de la vie. Lors de la sortie du projet, il est critiqué par les reporters, choqués par l’idée de ne se concentrer que sur les immeubles. S.Ristelhueber dresse un constat à travers des éléments formels sans montrer les scènes attendues d’un conflit.De plus elle soulève le paradoxe pour notre attirance pour les ruines antiques et l’horreur que nous inspirent des images similaires dans la réalité.

Fait 1992 S.Ristelhueber décide de partir pour la guerre du Golfe, fatiguée par la manipulation de l’état envers les médias confinés dans des hôtels , ou sur des porte-avions. Ici, la trace et la fracture atteignent leur paroxysme. Elle vole en hélicoptère au dessus des zones dangereuses mais marche aussi dans les traces des tanks au milieu des effets personnels.

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S.Ristelhueber Faits Irak 1992

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Elle utilise la photo couleur, sa palette étant limitée par la monochromie du désert.Elle soulève le paradoxe de la désolation laissée par la sophistication technologique à la surface de la terre. Plus d’un siècle avant elle, Timothy O'Sullivan (grand paysagiste américain) qui a photographié de nombreuses photo scènes de guerre civile et de champs de bataille. Il s’était particulièrement intéressé aux effets des armes sur le terrain. « Fait » évoque aussi « ce qui a été fait » : ce qu’elle a vue (la guerre) est un fait ; les formes qu’elle a photographiées sont faites par la guerre et par elle. Ce projet exprime nos difficultés à définir ce que nous voyons et les raisons qui se cachent derrière notre interprétation. Le projet sera édité dans un livre format de poche, mais aussi agrandi en grand format (100x127cm).S.Ristelhueber réalisera au bout de 9ans son souhait d’aller en Irak en 2000.Mais la photo ne suffira pas à apaiser ses obsessions, la cruauté et l’horreur étant trop fortes. Elle s’interroge : ce voyage faisait partie de son destin .Visiter ce pays est déjà un aboutissement ; elle évolue dans sa manière de voir les choses, privilégie la pensée tout en poursuivant son cycle. construction/déconstruction. Citations

« Il ne faut pas abandonner le terrain du réel et de l’émotion collective aux seuls reporters, rédacteurs ou photographes. »« L’atelier ne me suffit pas ; il est essentiel pour moi d’affronter la réalité. »« D’une certaine manière, je suis une artiste qui travaillerait un peu comme un archéologue. »Citations extraites du livre « Les détails du monde », écrit par C.Brutvan

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Gabriele Basilico est né à Milan en 1944, diplômé d’architecture il base sa pratique photographique sur son attachement a la ville et au paysage urbain. Il sera amené a travailler sur de nombreuses zones urbaines a travers le monde en y portant un regard de documentariste. Je me pencherais plus spécifiquement sur un de ses travaux de 1991 ou il participa, au sein d’un groupe de photographes internationaux, au projet photographique sur Beyrouth dévastée par la guerre. Un an après la fin de la guerre qui a duré 15ans, le photographe fut invité a participer a un projet documentaire sur le centre ville de Beyrouth en enregistrant ce qui restait de l’infâme « ligne verte »(ligne de démarcation à Beyrouth durant la guerre civile de 1975 qui séparait les musulmans des chrétiens).Le résultat de ce projet bien qu’objectif a un sens déconcertant,c’est un document sur l’histoire horrible de cette guerre et en même temps un portrait sombre d’un futur imprévisible. C’est sur cette ambiguïté que l’artiste tente de nous interroger à travers ses photos. Ses clichés plutôt que de juger un conflit interrogent sur ce qu’il reste une fois la guerre terminée.

Gabriele Basilico Beyrouth 1991

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Il montre comment une ville même détruite architecturalement continue a vivre sa population. Il montre la destruction en même temps que la renaissance de la ville .Cette ville a survécu a de nombreuses guerres et chaque immeuble chaque panneau portent les stigmates du passé. Comme une maladie incurable mais à laquel on survit. Il nous questionne aussi sur ce paradoxe d’un pays regorgeant de site archéologiques face à des ruines ,véritables cicatrices provoquées par la folie de l’homme. Ces ruines antiques sont elles aussi le résultat de guerres et de dévastations?Comment envisager le fait que de nombreux musées exposent des cicatrices de l’histoire?Ici il s’agit de réussir a se détacher suffisamment de manière a juger la dévastation comme histoire et non comme la folie de l’homme.

Gabriele Basilico Beyrouth 1991

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Les conflits dans l’art

Il me semblait intéressant d' élaborer un questionnaire commun que je pourrais utiliser pour différents acteurs de la scène Libanaise de manière a juxtaposer les points de vues entre deux artistes d'un coté et une réalisatrice proche du documentaire de l'autre.

Je vais ensuite poursuivre mon étude avec une interview de deux artistes cinéastes libanais, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige qui travaillent ensemble depuis plusieurs années entre Paris et Beyrouth. Ils s’intéressent aux enjeux de l’image et plus précisément à la représentation de Beyrouth. Plasticiens et cinéastes, nés à Beyrouth (1969) où ils vivent et travaillent toujours, Khalil Joreige, et son épouse Joana Hadjithomas, ont réalisé plusieurs documentaires – « Khiam » (2000), « El Film Al mafkoud » («Le film perdu», 2003) – et films, dont trois long-métrages : «Al Bayt el zaher» («Autour de la maison rose», 1999), «A perfect day» (2005), et tout récemment «Je veux voir» . Tourné entre Beyrouth et le sud du Liban, la sortie du film, présenté dans la section «Un certain Regard» il y a quelques jours à Cannes est prévue en octobre prochain, avec Catherine Deneuve.Dans ce film un comédien libanais guide l’actrice dans les ruines et les paysages d’un pays miné par ses conflits politique. Par ailleurs, dès 1990, le couple commence à photographier Beyrouth et immortalise les vestiges urbains de la guerre. Il propose, pour la première fois, l’intégralité de leur projet Wonder Beirut, exposé à l’Institut du Monde Arabe ou à New York l’an dernier. Le projet, exhume les images d’un passé idyllique où le “Wonderful Beirut” (merveilleux Beyrouth) des cartes postales de la riviera des années 60 s’est mué en “Wonder Beirut” (imaginez Beyrouth). Enfin, le couple a réalisé un des 6 films de «Enfances» - sorti au cinéma le 14 mai 2008 . Il décrit une échappée dans l’enfance, celle d’auteurs renommés ayant marqué de leur style l’Histoire du cinéma, en choisissant de s’intéresser au cinéaste Jacques Tati. J’ai pu m’entretenir avec ces deux artistes incontournables de la scène Libanaise.

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-Quelle a été votre formation?Nous n'avons pas fait d'études de cinéma ou d'arts plastiques à proprement parlé. Nous avons fait des études de littérature comparée, de théâtre et de photos. On est ce qu'on peut appeler autodidacte. Nous sommes arrivés au travail artistique par urgence.

-La diversité des pratique artistique est elle indispensable pour vous ?Oui le cinéma et la pratique artistique se complètent, la recherche va de pair. Chaque domaine nourrit l'autre. Depuis le début de notre travail nous avons opéré de cette manière de façon totalement instinctive et naturelle. Nous nous laissons mener par quelque chose, une thématique, une idée , une image qui nous habite et nous travaillons autour de ça. Une de nos principales préoccupations est la façon dont nous pouvons représenter le temps présent et le vivre. C'est pour nous une interrogation sur notre rapport à notre présent, à la façon dont nous pouvons être contemporain, "être au monde"

-Après « Autour de la maison rose », « Khiam » et « El film el mafkoud » le cinéma c'est il imposé a vous comme l'aboutissement de nombreuses années de recherche?Non, dès le début, nous avons eu besoin d'interroger la narration, la fiction, de mêler l'image et le texte. Le cinéma est ce qui nous habite tout aussi profondément que le reste du travail artistique. Nous aimons beaucoup aussi le fait de se confronter à un circuit, une logique commerciale alors que nos films ne le sont à priori pas et tenter de repousser les limites, de se faire accepter dans des lieux où a priori ce n'est pas notre place. Montrer nos films dans les circuits commerciaux, sur les chaines de télévisions mais aussi dans les festivals, les galeries, les musées, vendre nos films aux institutions. Faire sauter un peu les verrous , les séparations un peu trop nette, entretenir un certain flou, élargir les territoires....

-Quelle influence a eu dans votre travail le fait de vivre depuis l’enfance dans un pays en guerre et par la suite de voyager régulièrement en Europe et dans le reste du monde?La guerre, contexte dans lequel on a vécu c’est ce qui nous a poussé à travailler au départ.Les conflits dans l’art

23Beyrouth, fictions urbaines.Institut du Monde Arabe,Paris,France 1997

Dans notre démarche de photographes, nous avons d'abord commencé à vouloir inscrire la guerre, ses traces et sa mémoire dans notre travail, insistant sur la ruine, mais aussi sur l'inscription de ces ruines modernes dans la ville, sur les modes de perception de la ville et sur son évolution, sur les tissus urbains et leur mutationsDans cette profusion d'images de guerre à la puissance terrible et d' images nostalgico futuristes d'un Liban idéal qui renait de ses cendres comme si de rien n'était, il s'agit de produire des images, les nôtres. Dans le contexte où nous vivons, celui de Beyrouth, une ville qui a connu une guerre civile de plus de 15 ans, notre démarche artistique problématise les enjeux de l'image et du document et pose évidemment la question de la représentation de la guerre, de la mémoire et de l'Histoire.Pour faire des films, raconter des histoires, nous devons prendre en considération la question de la ruine, de la mémoire et de l'Histoire : quelles histoires écrire quand le fil de l'histoire est rompu, quand elle n'a toujours pas été écrite, quand elle est si difficile à écrire après une guerre civile sans vainqueurs officiels ?

Les conflits dans l’art

24Le travail artistique que nous avons fait au Liban toutes ces années posait des questions d'Histoire à une société amnésique ou plutôt qui préférait ne pas faire son travail réflexif sur la guerre pour bon nombre de raisons Une amnistie de tous les chefs de milices a été décidée empêchant tout questionnement sur les évènements de ces guerres récentes.Parler de la guerre ou comme on préfère le dire des guerres libanaises ne s'apparente pas uniquement au devoir de mémoire mais surtout au questionnement de l'histoire et à la difficulté de l'écrire.Voyager c'est une manière de se rendre plus visible, d'élargir le territoire de l'art et du cinéma qui est le nôtre.

-La guerre est un sujet récurrent chez les artistes du Moyen Orient?Et les artistes sont ils libres ou freinés par les pouvoirs publics ou la censure?La censure est présente bien sûr mais il faut se méfier car s’insurger contre est souvent un piège pour plusieurs raisons. nous pouvons facilement faire le jeu de l’Occident qui en fait sa bonne conscience alors que la censure est présente partout, dans toutes les sociétés sous Les conflits dans l’art

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diverses formes. Elle devient alors plus pernicieuse. Elle s’insinue partout et confère à l’autocensure. Au Liban, nous avons une censure évidente, un peu bête quelque part que nous pouvons au moins combattre vraiment mais pendant que nous combattons celle qui est évidente courent sans que nous ne les voyons; La censure est une chose très complexe, nous devons nous méfier de ces coups d’éclat, il cache souvent autre chose, c’est la partie visible de l’iceberg si on peut dire. Dans le monde arabe encore plus car cela peut être dangereux pour un intellectuel ou un artiste d’aller au bout de ses convictions, nous devons combattre nos peurs, c’est ce que nous faisons tous les jours.

-Votre travail est il politiquement engagé?Notre travail ne se concentre pas sur la politique mais sur le politique. Dans ce sens, il est politiquement engagé. Mais tous les travaux sont politiques, ils renseignent, disent des choses sur le contexte dont ils émanent. Nous ne croyons pas à la neutralité du travail artistique, cela inscrit quelque chose de l’époque où l’on vit. Ce qui est très important pour bien comprendre notre démarche, c’est la croyance, la foi dans le rôle de l’art à la base de tout. Le groupe d’artistes libanais dont on fait partie a pensé travaillé de façon artistique pour aussi réfléchir la société d’après guerre et traiter les problèmes qui nous semblait dangereusement non résolus. L’espace artistique a alors fait figure pour nous d’espace de contradiction. Un lieu de rassemblement, de réflexion pour repenser les choses.

-L’émergence de nombreux artistes depuis quelques années est elle en réaction avec les conflits depuis 2005 au Liban et est ce une moyen de montrer au monde la situation au LibanCela a commencé bien plus tôt, dès le début des années 90 mais le monde ne nous voyait pas vraiment, ne s’intéressait pas à nous, tout simplement. Le grand espoir toujours est de créer chez celui qui regarde une sorte de dysfonctionnement, de vacillement comme chez nous-même, que ce qu’il regarde soit impossible pour lui à résumer rapidement, que ce qu’il regarde l’interroge, remette quelque peu en question sa position de regardeur, que l’image qu’il regarde soit difficile à placer dans le schéma binaire et restrictif qui se dessine

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Wonder Beirut, «Story of a pyromaniac photographer».Postcards

aujourd’hui C’est la nuance que nous recherchons pour que le spectateur libanais ou occidental, chacun pour des raisons différentes et dans des contextes autres ne soit plus un consommateur d’images que le cinéma et la télé nourrissent et abreuvent d’images binaires mais un individu, un sujet pensant et politique. Nous avons besoin de NUANCES.Aujourd’hui il ne s’agit pas simplement de parler du conflit libanais mais plutôt d’interroger les divisions dangereuses du monde d’aujourd’hui..

-Les Libanais ne semblent jamais perdre espoir même après avoir vécu plusieurs guerres et tout perdu. Toujours portés sur le futur de leurs pays, la mémoire et le souvenir du passé reste un sujet récurent, comme dans votre travail « Wonderful Beirut » qui s'inscrit comme intemporel. Ce genre de projet vous semble t il indispensable pour créer les bases du futur?Pour remettre les choses dans le contexte libanais, une guerre civile telle que nous l'avons vécue, c'est une guerre civile sans vainqueur ni vaincu en apparence, il n'y a eu aucun changement réel, la guerreLes conflits dans l’art

27s’est simplement interrompue, rien n’a changé, ceux qui se sont entretués ont posé les armes et recommencé à vivre ensemble.Il y a eu une amnistie générale décidée en partie par ceux qui avaient perpétré les crimes de guerre.Nous n'avons pas fait de deuil, nous n'avons pas pleuré ensemble, ni érigé des images partagées, consensuelles.Car nous nous retrouvions après guerre dans une société qui reprenait le même schéma, les mêmes modes de productions d'images que ceux qui avaient mené à la guerre. Tout notre travail (comme Wonder Beirut et beaucoup d'autres installations) s'est axé sur le fait que le conflit était encore en latence et pouvait à tout moment ressurgir.On dit souvent qu'au Liban, il y a un problème de mémoire. Mais en réalité, il y a surtout un problème d'ordonnancement de cette mémoire, des documents. La guerre civile libanaise, ou plutôt les guerres civiles" sont une des premières guerres à être si médiatisée, si suivie, si documentée. Ce qui nous manque c'est une façon de relire nos archives, de les ordonner, de les remettre en relation, de relier les évènements entre eux, c'est justement L'histoire commune. Mais justement celle-ci même est impossible vue que nous avons vécue une guerre civile et que cette guerre civile s'est terminée de façon brusque

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et artificielle sans réconciliation. Cette absence de réconciliation, cette amnistie qui nous est imposée, rend la paix très lourde et très précaire. Cette précarité nous pousse à travailler, à questionner, à alerter, à afficher notre peur

-Que pensez vous de la sur médiatisation des images de conflits armés?Et du concept des « marchands de misère »(réf a Stanley Greene) qui poussent au paroxysme la violence dans les clichés des photographe reporter allant même jusqu’à la mise en scène?Longtemps, nous avons vécu entourés d’images spectaculaires. Durant notre enfance, nous ne pouvions pas les éviter, elles étaient en manchette des quotidiens, à la télé aux infos tous les soirs, en images mentales fabriquées par la radio que l’on écoutait sans arrêt, comme seul lien avec l’extérieur réfugiés dans les abris. Ces images étaient terribles, d’une violence qui nous a marqué au fer chaud. Car la guerre c’est aussi et surtout des corps qui souffrent, déchiquetés, brulés, démembrés, des images brutes, dont nous ne souvenons chacun différemment mais avec une précision stupéfiante.Face à des images tellement spectaculaires, nous ne pouvons rien. Ces images sont d’une telle puissance qu’il n’est pas question de se mesurer à elle. Beaucoup en font commerce, simplifie les situations qu’ils montrent. Face à ces images spectaculaires, il a fallu repenser la possibilité de faire image et comment. Nous avons élaboré un tas de stratégies, tout notre travail est une réponse entre autre à cela.Le danger de la guerre quand elle est le sujet du travail c’est évidemment ne jamais l’expliquer, l’esthétiser, lui donner une forme qui prétendrait être globalisante, dans le savoir, dans la dénonciation, Il ne s’agit pas de réconforter, de conforter ou d’affirmer mais plutôt poser constamment une question à celui qui regarde, le questionner et le mettre face à notre absence de réponse et notre désir de penser, de panser ensemble, sentir ensemble en tant que sujet.

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Les conflits dans l’art

J'ai poursuivi mon projet par une brève étude d'un film Franco-Libanais « Je veux voir » nommé a Cannes dans la catégorie un autre regard .Réalisé par Joana Hadjithomas, Khalil JoreigeAvec Catherine Deneuve, Rabih Mroué Film français. Genre : DrameDurée : 1h 15min. Année de production : 2007Synopsis:« Juillet 2006. Une guerre éclate au Liban. Une nouvelle guerre mais pas une de plus, une guerre qui vient briser les espoirs de paix et l'élan de notre génération. Nous ne savons plus quoi écrire, quelles histoires raconter, quelles images montrer. Nous nous demandons:" Que peut le cinéma ? ". Cette question, nous décidons de la poser vraiment. Nous partons à Beyrouth avec une " icône ", une comédienne qui représente pour nous le cinéma, Catherine Deneuve. Elle va rencontrer notre acteur fétiche, Rabih Mroué. Ensemble, ils parcourent les régions touchées par le conflit. A travers leurs présences, leur rencontre, nous espérons retrouver une beauté que nos yeux ne parviennent plus à voir. Une aventure imprévisible, inattendue commence alors…. »

Catherine Deneuve et Rabih Mroué image tirée du Film «Je veux voir»

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Le Liban, terre de nombreux conflits, et aussi en proie aux images d'information, aux reportages télévisés, avec toujours ce même non regard. Les deux réalisateurs se sont alors demandés comment filmer ce Liban et ce que peut faire le cinéma pour ce pays. Le titre du film est évocateur du contenu. En effet, c'est la phrase d'annonce de la célèbre actrice française Catherine Deneuve, qui confirme sa volonté de « voir » ce sud Liban, en proie a de rudes combats contre Israël. Il émane du visage et du vécu de C. Deneuve, véritable icône du cinéma, signe de l'image-affection, une qualité et une puissance qui relèvent du choix de l’actrice de voir ce Liban en ruine. Que réussira-t-elle à voir de ce pays qui n'est pas le sien, qu’elle ne connait que par l'œil et la voix des médias, confrontée à la vision de R. Mroué, sorte de guide pour Deneuve dans sa quête de connaissance et d'information, de la part de ce Libanais qui a passé son enfance dans le sud Liban mais sans y être retourné depuis la guerre . L'intérêt de ce projet et de la confrontation improbable des deux acteurs, de leurs deux perceptions, entre une icône du cinéma qui illustre la fiction et un jeune libanais, issu de l'art contemporain, qui représente une vision plus documentaire. La rencontre des perceptions différentes entre ces deux personnages, l'un né au Liban ayant vécu plusieurs conflits, connaissant le pays, sa politique, ses dirigeants et ses opposants, et l'autre, grande actrice française, n'ayant qu’une vision du pays retranscrite par les médias .

Le film est composé de nombreuse scènes ou la seule réponse est le silence et la contemplation. Aucune explication n'est nécessaire devant une telle misère, sa propre maison n'étant même pas visible, compte tenu du degré de sa démolition. Seuls le fétiche de quelques objets retrouvés dans les ruines nous laissent paraître une pulsion de l'acteur. Comme si une poussière lui faisait revivre le passé. Ou encore ce grondement que j'ai moi même vécu au Liban quand les avions israéliens passent le mur du son, sorte d'explosion vouée a faire peur, mettant Deneuve littéralement sous le choc. C'est encore ici cette perception du bruit qui ramène R.Mroué a de nombreux souvenirs de la guerre, mais pour lui son inconscient lui permet de comprendre directement que ce n'est pas une bombe mais simplement une nouvelle intimidation.

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31Entre Catherine Deneuve la fiction et Rabih Mroué le documentaire, les mots s’échangent timidement, délicatement. Ils parlent dans la même langue. Le Liban requiert un regard attentif, qui ne juge pas, mais un regard capable aussi d’imaginer son devenir, de le réinventer. Le Liban a besoin du documentaire et de la fiction réunis, dans l’habitacle d’une voiture, le temps d’un film. Mais la réalité rattrape vite la fiction. Quelques jours avant le Festival de Cannes ou est présenté leur film, de nouveaux conflits éclatent au Liban , aéroport et voies maritimes fermées. Les deux jeunes réalisateurs se retrouvent donc a Cannes seuls sans leurs famille, ni leurs amis ni même leur producteur, qui n'a pu se rendre sur place pour le festival, et avec un sentiment que le monde arabe comptait sur eux comme des ambassadeurs du Liban, totalement a l'opposé de leur démarche :"C'est justement pour éviter cela qu'on fait des films : échapper à l'actualité. On essaye de sortir de l'immédiateté, du spectaculaire et du schématique, de réintroduire de la nuance, de l'ambiguïté." K.Joreige

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Catherine Deneuve et Rabih Mroué image tirée du Film «Je veux voir»

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Et quelle perception a le monde de ce conflit ? Comment ce petit pays dont la superficie de10 452 km², équivalente à celle du plus grand département français métropolitain, la Gironde, qui en fait le plus petit pays du Proche-Orient, fait il autant parler de lui depuis quelques années alors qu'il est en guerre depuis les années 60 ? Ce pays est pourtant un grand pôle de communication entre les peuples et les religions ou près de 19 entités différentes se côtoient. C'est ce même point fort qui est sûrement la cause de tous les problèmes, entre de telles différences de conception, de représentation d'un pays « parfait ».

"Cette guerre était une surprise. Tout le monde avait envie de parler. Cette fois, c'est différent. Les Libanais ont retourné leurs armes les uns contre les autres. Ce que l'on redoutait le plus, cette crainte des conflits latents que l'on travaille dans tous nos films, est devenue réalité. On est atterrés, terriblement tristes. On n'a pas de message à porter." K. Joreige

Pour continuer mon analyse des «images de conflits» il était pour moi évident de devoir introduire mon travail pratique dans ce projet car il est le lien pour moi entre le journalisme et l’art qui sont les deux sujet dont je vous parle dans ce mémoire. En effet je traite de la réalité , j’informe sur une situation à la manière d’un artiste. Je prélève un objet d’une situation, je le détourne,puis je le traite a l’aide d’un médium ( sérigraphie, photo la plus part du temps).Donc je crée quelques chose de nouveau.Je travaille principalement sur les conflits au Moyen Orient et plus particulièrement au Liban.Ce pays est en effet le lieu de résidence d'une partie de ma famille et je m'y rends depuis plus de dix ans. L'attachement que je porte à ce pays m'a donc poussé à travailler sur ce thème depuis plusieurs années.

Les conflits dans l’art

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Les conflits dans l’art

«Frontières» Mathieu de Saint Martin.Netwerk Belgique.2009

34"Frontières" (série de 36) Sérigraphies 2009 (Ht) 42 x (L) 59,4 CM

J’ai réalisé ce projet en utilisant des bandes de séparation utilisées lors d’attentats ou de manifestations car cet objet est très révélateur de la situation du pays d'où je l'ai extrait, à savoir le Liban, Beyrouth plus précisément. Je les ai scannés et j’en ai extrait uniquement la typo, abandonnant le format et la couleur jaune de ces bandes. J'ai travaillé mes sérigraphies en aplat ne remplissant que les zones vides de mon format et laissant le blanc du papier ressortir pour la typo, telles les forces convergentes qui oppressent ces quelques mots représentant l’interdiction. En remplissant mon format, je souhaitais montrer la motivation sans limites d’un pays à jamais marqué par la destruction. Je n'ai laissé qu'un petit bord blanc autour de l'image telles les frontières qui encerclent ce pays. J’ai réalisé trois affiches différentes en utilisant les couleurs même du drapeau Libanais pour faire ressortir le patriotisme de ce pays. J'ai utilisé un rouge très fort en pigments et j'ai du mélanger plusieurs couleurs pour obtenir le vert que je désirais, de manière à obtenir l'intensité que je souhaitais. Cet objet fait référence à la notion d’enfermement, de séparation, entre une foule et un lieu

«Frontières» Mathieu de Saint Martin.Netwerk Belgique.2009

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"Correspondances" Édition de 80 pages 2008-2009 (Ht) 21 x (L) 14.8 CM

"Deux villes à la même période à deux endroits du monde, soumises à des distorsions politiques, économiques et sociales vues à travers le regard d'un père et son fils. Utilisant un médium voué à disparaitre à court terme; une confrontation d'images faisant vivre le présent et nous replongeant dans le passé."Ainsi s'articulent mes correspondances photographiques avec mon père vivant au Liban. Entre octobre 2007 et mai 2008, il m'est venu l'idée de réaliser cette édition qui relie deux villes Bruxelles et Beyrouth, pourtant bien différentes mais avec beaucoup de similitudes, à travers

d’attentat par exemple, mais nous renvoie aussi au climat de ce pays, siège de nombreux conflits de religion et composé d’ethnies très différentes au sein d’un même territoire. De même, ce pays enfermé entre des territoires en guerre tente depuis plus de 40ans de jouir de sa liberté. C’est le sentiment que les habitants de ce pays ne se lasseront jamais de tenter de casser ces barrières et de reconstruire leur pays, qui m’a poussé à travailler avec cet objet si commun du au nombre incroyable d’attentats .

«Correspondances» Mathieu de Saint Martin.2009

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la vision de deux français expatriées .J'ai donc envoyé des Polaroïds vierges à mon père en lui recommandant de mettre l'accent sur les conflits, de n’importe quelle sorte. J'ai fait la même chose à Bruxelles pendant la même période puis vers nous avons stoppé notre quête d'images. Après avoir récupéré tous les clichés, j'ai découvert de grandes similitudes dans nos prises de vue et j'ai juxtaposé ces images sans mentionner les lieux sous les photos pour troubler le lecteur souvent incapable de situer les endroits. La situation politique Belge; sans gouvernement à ce moment là, était la même au Liban qui n'avait plus de président ni de gouvernement. Les drapeaux fleurissaient partout....J'ai choisi d'utiliser le Polaroïd car ces clichés vont s'effacer avec le temps, tels les moments captés par mon père et moi même laissant place à une nouvelle histoire et sûrement à d'autres similitudes. C’est pour cela que j’ai scanné les images en imaginant qu’un jour je puisse les confronter aux images originales qui auraient disparu du polaroïd.

«Correspondances» Mathieu de Saint Martin.2009

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Il était important pour moi à ce moment là dans mon exploration des conflits de montrer les similitudes entre des pays pourtant très différents, mais qui vivent dans la réalité des problèmes similaires même si l’intensité est différente.

«Ères» (ensemble) 6 sérigraphies en aplat noir et 2 quadrichromies 2008-2009 (Ht) 84 x (L) 59,4 CM

De nombreuses manifestations ont éclaté entre 2005 et 2006 au Liban amenant la population à se mobiliser avec une ferveur encore jamais atteinte dans ce pays suite à l'assassinat du premier ministre R. Hariri, fervent opposant au régime Syrien. Cet assassinat a engendré un mouvement de contestation avec la volonté de chasser les troupes Syrienne en place dans le pays depuis des décennies.

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«Ères» Mathieu de Saint Martin.2008

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«Ères» Mathieu de Saint Martin.2008

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J’ai donc demandé à mon père, ne pouvant me rendre sur place moi-même, d’effectuer des clichés de ces rassemblements, que j’ai ensuite vectorisé utilisant volontairement un outil principalement destiné aux graphistes, couramment utilisé pour la réalisation de logos pour donner à ces images une dimension presque publicitaire. Mon désir était de montrer la ferveur de ce pays pour la liberté sans entraver l’image et allant à l’essentiel; la foule. J’ai donc utilisé cette technique pour mettre l’accent sur ce qu’il me semblait le plus important, laissant l’image lisible mais troublant le spectateur sur le lieu et sur la revendication pour que ma présence et mes témoignages soient indispensables pour l’interprétation des images.J'ai associé ces images à des quadrichromies de vieilles cartes postales des années 60, une des époques radieuses de ce pays, pour faire référence aux cycles perpétuels de construction et de destruction que vit ce territoire. J'ai traité ces images en quadrichromie, car cette technique me permet de jouer sur l'intensité des couleurs en donnant l'impression que l'image s'efface et se brouille à certains endroits tel un passé idolâtré entre rêve et mémoire.

Affichage sur les conflits Impression numérique sur papier2007(Ht) 2.70 x (L) 7 m J’ai réalisé un photomontage, de manifestations à Paris , Bruxelles et Beyrouth reconstituées tels des affiches déchirées et tramées obligeant le spectateur a prendre du recul pour lire l’image. Il était question ici de représenter la motivation et la multitude des revendications en utilisant un format proche de grandes banderoles utilisées par ces mêmes manifestants, mais en tramant l’image à la façon d’un journal d’information quotidien en jouant sur la lisibilité par une trame extrême. J’ai aussi utilisé des déchirures pour présenter ce combat comme un combat sans fin ,un conflit en cachant un autre, dans un système lattant ou chaque nouvelle mesure entraine une réponse de la population.

40Mathieu de Saint Martin.2007

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« Distance » Mathieu de Saint Martin.2007

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« Distance » 3 impressions numériques sur forex2009 (Ht) 110 x (L) 160 CM

Dans ce projet, il est question de rapprochements, de similitudes, mais aussi de distances. J’ai réalisé ce travail en collaboration avec mon père en lui demandant de faire des photographies d’intérieurs libanais. Ces images, proches du style de la maison Autrique mais issues d’un contexte totalement différent, jettent le trouble chez le spectateur. Ces 3 clichés venus du Liban font écho au quartier de Schaerbeek et à sa population très diversifiée. Les 2 impressions numériques d’intérieurs voisinent avec une autre : celle d’un immeuble déchiqueté par la guerre, placée sur un autre mur, pour instaurer une distance. Dès l’entrée, le spectateur se trouve donc confronté à des images qui pourraient venir de Bruxelles ou d’ailleurs, peut-être même d’une maison «Art nouveau ». Mais la gravité de la réalité du Liban rattrape le spectateur dès le mur suivant. Entre esthétique et gravité, ces images veulent aussi évoquer l’espoir sans faille de ce pays.

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III.evol-utIons et derI-ves de la presse

Evolutions et derives de la presse

Pour poursuivre cette étude exhaustive j’ai posé la question de l’évolution du journalisme et de la diffusion de l’information. Principalement avec l’avènement d’Internet . «Cette nouvelle technologie peut-elle réellement servir la démocratie»(cf L.Sfez), et quelles sont les dérives de l’information en matière de couverture journalistique avec le cas précis du Liban ?. La question est : Quelle réalité du monde nous donne-t-on à voir?La communication monde dépend en effet de l'émergence des réseaux techniques et du développement des moyens de communication à distance L'industrialisation de la presse et la généralisation de l'illustration vont être à l'origine d'un nouveau métier journalistique et de nouvelles structures qui relient entre elles les différents intermédiaires : photographes, producteurs, agences et journaux ou magazines commanditaires et lecteurs. Mais que peut on dire de l'arrivée d'Internet, du numérique... ? Ces canaux ne sont ils pas voué a transformer la communication du message ?

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Internet change considérablement le statut du professionnel. Le message n'est plus communiqué par la parole, pourtant l’outil de communication de référence. Les reporters sont réduits à la course à la machine . Le premier a envoyer ses clichés est donc le gagnant. Le réseau transforme la relation au temps et à l’espace, car la vitesse de transport de l’information et la connexion sont immédiates. Communiquer se réduirait donc à la mise en connexion des machines, de réseaux et à leur mise en relation . Et que dire du flot d'informations que Google nous offre ? N'y a t il pas des aberrations, des informations erronées lors de leur diffusion puis de leur rediffusion ? Le canal qu'est le réseau n'est il pas une grande machine à mélanger voir à broyer le message ? Comment avoir confiance en un message qui sera diffusé par la télé puis par Google jusqu'à un blog pour de nouveau finir sur Google ?. Le principe de la boule de billard de L.Sfez ou deux sujets isolés décident de se mettre en rapport, et ou la boule, comme dans un flipper est introduite dans un circuit, canal qui est ici cette « machine de guerre » qu'est Internet. Mais le mouvement (message) garde t il son intégrité ?. Et le modèle machinique (conserver l'intégrité du message) par excellence prend ici tout son paradoxe : les interventions extérieures (internautes) détournent et contrarient le mouvement. L'exemple le plus parlant reste Wikipédia, sorte de four tout de la connaissance où le message ici signifie connaissance, mais de quelle connaissance ! De quelle source? Comment savoir si l’information n’a pas été été déformée par un internaute ?. Il s’agit bien de cette universelle variation dont parle Bergson où toutes les choses, toutes les images se confondent avec leurs actions et réactions. Pourtant comment critiquer Wikipédia sans passer pour un détracteur rétrograde qui n’a rien compris à la « révolution numérique » ou au « développement communautaire » ? Nous devrions justement porter sur internet en général, et Wikipédia en particulier, un œil beaucoup plus critique, parce que ce médium permet une diffusion de l’information beaucoup plus rapide et large que ne le peut tout autre médium. Une erreur publiée dans Libération touchera quelques dizaines de milliers de personnes, voir plus si l’information est reprise par d’autres média sans être vérifiée. Une erreur dans un article de Wikipédia touchera beaucoup plus de monde et beaucoup plus rapidement mais sans

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jamais publié de correctif à l’inverse de la presse! Ne sommes nous pas en train de laisser aux machines le soin de mémoriser pour nous, d’enregistrer pour nous, de parler pour nous ?. La plupart continue cependant à en tirer ses informations, et en reste dépendant. Le statut du journaliste dépend aussi de la révolution sociale enclenchée par l’imprimerie, puis, à l’heure actuelle, d’une autre révolution due à l’arrivée du numérique. Les photographes sont confrontés à une problématique quantité-qualité. Le numérique est un superbe outil mais il a engendré un manque de technique.

Un faux numéro du «New-York Times» du 4 juillet 2009 publié et distribué par les Yes Man pour faire bouger l’opinion publique.

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Le contenu:« l’information » est sûre de parvenir aux rédactions mais au prix d’un foisonnement d’images permis par le numérique. Il est important de rappeler l’ exigence du métier qui est de se poser en tant qu’acteur face a l’événement. De plus ces photo-journalistes sont confrontés principalement à de gros groupes, de grosses agences qui leur dictent quoi faire, ramenant les photographes au statut de simples techniciens n’ayant presque plus de liberté de faire transmettre un message. L’interprétation du photographe disparaît alors au profit d’une représentation simpliste voir outrageusement parlante, violente, capable de toucher le plus grand nombre de personnes possible. Tels Kant qui affirme que l’esprit doit trouver en lui même les moyens de se représenter la nature, ici la « nature » est dictée par des forces qui régissent le photo journalisme par le profit en montrant la souffrance du monde aux yeux du grand public.Pour L.Sfez « l’homme reste fondamentalement libre vis a vis de la technique. Il en use mais ne s’en asservit pas. La préposition avec l’emporte. C’est avec la technique que l’homme accomplit les tache qu’il détermine et qu’il reste le maitre des activités dont il a pensé le moyen » Comment alors dans ce cas croire encore à ce postulat ? Imaginons la panique de CNN si la chaine devait attendre deux jours le retour de leurs reporters de Bagdad. Le mécanisme de la communication se retrouve ici dépendant et la préposition « par » ici l’emporte : c’est par la technique....et non plus avec. C’est un des modèles métaphoriques de Sfez qu’il nomme « Frankenstein » ou l’on ne sait plus quelle intelligence prime sur l’autre, celle de la science cognitive ou de l’intelligence artificielle.

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J 'ai par la suite réalisé une interview de la journaliste et cinéaste Katia Jarjoura , installée au Liban depuis 2000. Elle a vécu de près la guerre qui a déchiré le pays en 2006

-Quelle est votre formation?J’ai commencé des études de médecine et après un voyage en Indes de trois mois, j’ai tout arrêté et changé de cap. J’ai ensuite fait des études de journalisme-communication et de sciences politiques à l’université Concordia de Montréal. -La diversité des pratiques est elle indispensable pour vous ou considérez vous le cinéma et le journalisme comme un tout?Pour répondre à cette question, je me réfère au grand photographe Sebastiano Salgado qui, avant d’être photographe, a été longtemps anthropologue disait : « pour avoir l’œil et devenir photographe ou journaliste, il faut avoir tout étudié, la sociologie, l’anthropologie, l’architecture, la philosophie sauf le journalisme et la photographie. »C’est ce qui permet d’élargir et d’approfondir son regard, d’éviter les préjugés et les formules mille fois ressassées, de développer une visionplus personnelle. Par contre le cinéma nécessite quelques connaissances plus « techniques ». Mais qui peuvent également se développer sur le terrain ou en mode autodidacte.

-Votre travaill est il politiquement engagé? Et le fait de subir la guerre dans votre propre pays n’ a t il pas une influence sur votre façon de travailler.Tout dépend de la situation. Avant, je fonctionnais beaucoup par impulsions : je me sentais concernée par un événement politique (le retrait israélien du Liban-Sud ou l’assassinat de Rafic Hariri) et, sans réfléchir, je prenais ma caméra et je filmais les événements. Tous mes documentaires, jusqu’à présent, traitent de contextes précis à travers le regard de personnages choisis sur le terrain. Ce qui m’intéresse avant tout, ce n’est pas tant l’événement en soi, mais la façon dont les gens réagissent à cet événement.

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J’évite de prendre position, j’observe. Parfois, je provoque. Aujourd’hui, j’ai quelque peu révisé ma méthode : je ne saute plus sur toutes les occasions qui se présentent pour tourner. Je m’éloigne du reportage pour étudier davantage les enjeux en cause. J’écris les films avant de me précipiter, le résultat est tout à fait différent et ne rencontre pas le même public. C’est la différence entre le documentaire-reportage et le documentaire d’auteur. Bien sûr, la guerre reste mon sujet d’inspiration principal. La guerre et ses non-dits, ses à-côtés, ses écueils et ses épaves. Je n’ai pas grandi au Liban (au Québec), mais j’y habite depuis 8 ans, et j’ai compris les effets dévastateurs que peut avoir la guerre sur son peuple. Je crois que c’est de cela qu’il faut parler.

-Que pensez vous des conditions de travail des photographes et reporters de guerre? Et comment se distingue un bon journaliste sur les scènes de conflits?Aujourd’hui, les conditions de travail sont excellentes par rapport à une vingtaines d’années. Les reporters ont accès à internet n’importe où, au téléphone satellite, envoient leurs photographies digitales en haute résolution via des réseaux ultra-rapides. Nous sommes bien loin de la machine a ecrire et de la pellicule !

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Bien sûr, ça reste un métier risqué, mais c’est justement ce risque qui attire les mordus de la profession. La piqûre d’adrénaline. Et puis il y a tout le phénomène des journalistes « embedded » qu’il n’y avait pas avant. Un bon journaliste est celui qui sait fermer sa gueule et rester humble devant la souffrance des autres malheureusement, c’est une espèce en voie de disparition.

Katia Jarjoura

-Que pensez vous de la sur médiatisation des images de conflit armés et du concept des « marchands de misère »(réf a Stanley Greene) qui poussent au paroxysme la violence dans les clichés des photographe reporter allant même jusqu'à la mise en scène?Je déteste cette impudeur et cette démesure de la violence, mais malheureusement, elle fait partie de la tendance de notre époque, dans tous les domaines. Nous vivons à l’ère du voyeurisme. Il nous en faut toujours plus pour en avoir plein les yeux, plein les oreilles : nous ne sommes jamais rassasié. D’où le concept de la télé-réalité, des émissions de variétés exhibitionnistes, de l’excès de pornographie sur

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le net, bref, de l’abondance. Ensuite, au photographe d’être honnête avec son travail : s’il avoue ouvertement qu’il a utilisé la mise en scène, pourquoi pas ? Il sera jugé en fonction. L’erreur est de mentir et de falsifier la vérité, ce qui est trop souvent le cas aujourd’hui.

-L’émergence de nombreux artiste depuis quelques années est elle en réaction avec les conflits depuis 2005 au Liban et est ce une moyen de montrer au monde la situation au Liban?.Oui, l’art en temps de conflit se présente souvent comme une arme de résistance pour pallier à l’absurdité et à la cruauté du quotidien. Je pense qu’il est impossible de vivre au Liban et d’être complètement détaché de la situation politique. C’est donc forcément une source d’inspiration artistique. Ensuite, il y a mille et une raison de s’exprimer : pour « exporter » le Liban à l’étranger certes, c’est aussi un moyen de réaffirmer son identité ; mais aussi par pur exutoire, comme palliatif à la pression récurrente. Il est vrai que depuis 2005, les incidents se sont précipités au Liban, entraînant le pays dans une spirale de la violence sans précédent depuis la guerre civile. Les artistes se présentent alors comme une alternative, une voie parallèle pour dire haut et fort qu’il existe aussi, un autre Liban.

-La guerre est un sujet récurent chez les artiste du moyen orient. Les artistes sont ils libres ou freiné par l’état ou la censure?Généralement, les artistes sont assez libres, surtout que la majorité exerce leur métier le plus souvent à l’étranger (en France, en Suède, aux Etats-Unis).Pour ceux qui vivent au Liban, ils doivent simplement se garder de parler ouvertement de politique dans leurs œuvres – c’est a dire, d’évoquer un parti politique existant – de religion (le blasphème ou la critique religieuses est sévèrement punie) et de sexualité outrancière. C’est surtout le cas en cinéma où toutes les œuvres doivent passer par le bureau de la censure avant d’être projetées en salle et avant d’être tournées sur place. Certaines réalisateurs tronquent leurs scénario, mais parfois, il est impossible d’y échapper.

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La preuve : j’avais récemment écrit un court métrage qui parlait du Hezbollah libanais, nous devions tourner fin avril, et nous n’avons pas obtenu l’autorisation de la censure.

-Les Libanais ne semblent jamais perdre espoir même après avoir vécu plusieurs guerre et tout perdu. Toujours porté sur le futur de leur pays,comment expliquez vous cette optimisme ? A l’heure actuelle, je n’appellerais plus cela de l’optimisme, mais du fatalisme. Ils n’ont tout simplement pas le choix. Non pas de garder espoir (car cette fois-ci, ils l’ont bel et bien perdu) mais de continuer à vivre, coûte que coûte. C’est l’instinct de survie. Et puis il ne faut pas oublier que les Libanais sont les maîtres de la débrouillardise et qu’ils ont une faculté d’oublier incomparable ! Et puis, ils sont « bons vivants » de nature. Ils tentent de vivre au jour le jour, en tournant les yeux vers le ciel et en disant : incha allah. -Et que pensez vous que des événements de l’été dernier et de l’annonce du report des élections présidentielles pour la 18 ème fois ?C’est aberrant tous ces morts pour rien balayés d’un revers diplomatique, comme si ce n’était qu’une simple bavure de l’histoire ! Je crois que la seule solution serait de fermer les frontières pour empêchertous ces leaders crapuleux de rentrer chez eux. Le sommet de Doha est un échec annoncé. Il est trop tard pour revenir en arrière : le mal est fait et les graines de la vengeance, de la colère et du ressentiment commencent à germer d’un quartier à l’autre, d’une confession à l’autre, d’une famille à l’autre…Le cycle classique de la guerre civile.

-Quelle est votre avis sur la photo de Spencer Platt élue Photographie de l’année 2006 montrant des jeunes issus de la bourgeoisie libanaise dans les décombres de la guerre ?Au début, je n’aimais pas cette photo parce qu’elle m’apparaissait superficielle en regard à tout ce que les Libanais avaient enduré pendant la guerre de juillet 2006, les réfugiés, les déplacés, les blessés, les morts, les fosses communes. Mais après réflexions, je crois que cette photo est idéal pour montrer les vraies inégalités du Liban d’aujourd’hui

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Spencer Platt Beyrouth Sud 2006

la vraie déchirure. Elle n’est pas tant confessionnelle qu’économique et matérielle. Parce qu’au cas où tu ne le saurais pas, les jeunes guindés que tu vois dans la décapotable, et bien ils sont chiites et ils ont de la famille dans la banlieue Sud de Beyrouth. Conclusion : cette photo mérite son prix. Elle m’a d’ailleurs beaucoup inspirée pour mon court métrage de fiction.

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Je pourrai donc conclure en citant A. Malraux « Faire la guerre sans l'aimer » .Il est nécessaire quand on prétend pratiquer la profession d'informer, de la couvrir en la détestant. C'est peut être une des solutions pour se débarrasser de cette trouble fascination suscitée par cette tension extrême, que dégagent la mort, le danger ou la peur.Mais cette foi alimentée par ce désir de comprendre et l'envie de l'expliquer au monde, nécessite de trouver la bonne distance pour ne pas devenir un instrument. Le « reporter » doit décrire la guerre ; il ne la fait pas.Mais le journaliste se retrouve confronté à la « starisation » de l'information, dans un univers contaminé par le mauvais coté de l'univers télévisuel. Les médias modernes internet et télévisions satellites nous font part du moindre événement survenu dans n'importe quel endroit de la planète. Comment peut on décrire la situation avec un tel postulat en étant mal informé, désinformé, ou même surinformé? Et comment bien faire ce métier en associant à l'envoyé spécial une parole d'expert? Le rôle des médias serait donc de mieux hiérarchiser l'information et d'expliquer les enjeux, sans exacerber les tensions en période de crise, tout en gardant leur dignité, en contribuant à tisser de dialogue identitaires.

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BIBlIo-grapHIe«Beyrouth1991(2003)».............................................Gabriele Basilico«Détails du monde»...........................C.Brutvan/Sophie Ristelhueber«Opérations»........................................................Sophie Ristelhueber«Devant la douleur des autres »......................................Susan Sontag«Critique de la communication».......................................Lucien Sfez«Advertised to death»....................................................Paula Schmitt«Critique de la faculté de juger»................................Emmanuel Kant«Pour une critique de l’économie politique du signe»......J.Baudrillard«L’homme et l’eau»................................................Sebastiano Salgado

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Mathieu de Saint Martin Beyrie©2009