médecine 2.0 : enjeux de la médecine participative,

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Médecine 2.0 : les enjeux de la médecine participative Denise Silber Basil Strategies, F-75016 Paris, France Correspondance : Denise Silber, Basil Strategies, 1 rue Jacques Offenbach, F-75016 Paris, France. [email protected] Disponible sur internet le : 9 septembre 2009 Web 2.0 : innovation technologique et sociétale Les nouvelles technologies de l’information et de la commu- nication sont devenues théoriquement accessibles à tous depuis l’apparition du World Wide Web en 1994. Mais, l’inter- activité entre internautes était limitée à l’échange par e-mail ou sur des forums, car publier et mettre à jour son site Web demandait soit une connaissance minimale du langage de programmation HTML, soit la possibilité financière de faire appel à un webmaster externe. Tout ceci change avec l’arrivée d’une nouvelle génération de technologies Web, dite Web 2.0, dont le terme a été utilisé pour la première fois en 2004. L’expression Web 2.0 est attribuée à en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com Presse Med. 2009; 38: 14561462 ß 2009 Publié par Elsevier Masson SAS. Internet me ´dical Dossier thématique 1456 Mise au point Key points Medicine 2.0: the stakes of participatory medicine Web 2.0: interactive, collaborative tools (wikis, social net- works, blogs, virtual worlds) make Internet users active participants rather than simple consumers. Medicine 2.0: mentalities, approaches, and medical practices are changing, thanks to greater access to information, communal exchanges, and the comparison of personal experiences. Beyond the many wikis, blogs, and other collaborative tools, the site PatientsLikeMe.com stands out from the 2.0 crowd by its graphic representation of the clinical results entered by patients. Various European Web 2.0 sites exist as well. The risks reside in the reliability of information and the privacy of patient data. The challenges are to use these new resources to improve the quality of care and participate in the profound change they are bringing to the healthcare system. Points essentiels Le Web 2.0 : de simple consommateur, l’internaute devient acteur par le développement d’outils interactifs et coopératifs comme les wikis, réseaux sociaux, forums, blogs, mondes vir- tuels... La « médecine 2.0 » : les mentalités, les approches, et les pratiques de la médecine évoluent, grâce à l’accès à l’informa- tion, aux échanges communautaires, à la confrontation des expériences. Au-delà des nombreux wikis, blogs et autres outils de partage, le site PatientsLikeMe.com se distingue, grâce à son logiciel de visualisation des résultats cliniques, indiqués par les patients. Des réalisations européennes commencent à apparaître. Les risques : ils résident dans la fiabilité de l’information et des participants ? le maintien de la confidentialité ? Les enjeux : mettre ces nouveaux moyens au service de la qualité des soins et à terme d’un changement profond du système de soins. tome 38 > n810 > octobre 2009 doi: 10.1016/j.lpm.2009.06.011

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Page 1: Médecine 2.0 : enjeux de la médecine participative,

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

Presse Med. 2009; 38: 1456–1462� 2009 Publié par Elsevier Masson SAS.

Internet medical

Do

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Key points

Medicine 2.0: the stakes of pa

Web 2.0: interactive, collabora

works, blogs, virtual worlds)

participants rather than simple c

Medicine 2.0: mentalities, appro

are changing, thanks to gre

communal exchanges, and t

experiences.

Beyond the many wikis, blogs,

the site PatientsLikeMe.com stan

its graphic representation of th

patients. Various European Web

The risks reside in the reliability

of patient data.

The challenges are to use these

quality of care and participate in

bringing to the healthcare system

Médecine 2.0 : les enjeux de la médecineparticipative

Denise Silber

Basil Strategies, F-75016 Paris, France

Correspondance :Denise Silber, Basil Strategies, 1 rue Jacques Offenbach, F-75016 Paris, [email protected]

Disponible sur internet le :9 septembre 2009

rticipatory medicine

tive tools (wikis, social net-

make Internet users active

onsumers.

aches, and medical practices

ater access to information,

he comparison of personal

and other collaborative tools,

ds out from the 2.0 crowd by

e clinical results entered by

2.0 sites exist as well.

of information and the privacy

new resources to improve the

the profound change they are

.

Points essentiels

Le Web 2.0 : de simple consommateur, l’internaute devient

acteur par le développement d’outils interactifs et coopératifs

comme les wikis, réseaux sociaux, forums, blogs, mondes vir-

tuels...

La « médecine 2.0 » : les mentalités, les approches, et les

pratiques de la médecine évoluent, grâce à l’accès à l’informa-

tion, aux échanges communautaires, à la confrontation des

expériences.

Au-delà des nombreux wikis, blogs et autres outils de partage, le

site PatientsLikeMe.com se distingue, grâce à son logiciel de

visualisation des résultats cliniques, indiqués par les patients.

Des réalisations européennes commencent à apparaître.

Les risques : ils résident dans la fiabilité de l’information et des

participants ? le maintien de la confidentialité ?

Les enjeux : mettre ces nouveaux moyens au service de la qualité

des soins et – à terme – d’un changement profond du système de

soins.

Web 2.0 : innovation technologiqueet sociétaleLes nouvelles technologies de l’information et de la commu-nication sont devenues théoriquement accessibles à tousdepuis l’apparition du World Wide Web en 1994. Mais, l’inter-activité entre internautes était limitée à l’échange par e-mail

ou sur des forums, car publier et mettre à jour son site Webdemandait soit une connaissance minimale du langage deprogrammation HTML, soit la possibilité financière de faireappel à un webmaster externe.Tout ceci change avec l’arrivée d’une nouvelle génération detechnologies Web, dite Web 2.0, dont le terme a été utilisé pourla première fois en 2004. L’expression Web 2.0 est attribuée à

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Internet medical

Dale Dougherty, collaborateur du fondateur des premièresconférences Web 2.0, Tim O’Reilly. Cette nouvelle générationWeb 2.0 doit son existence aux entreprises et technologies quisurvivent à l’éclatement de la bulle Internet en 2000 [1] et quidonnent un nouvel élan au World wide web.Ces technologies Web 2.0, accessibles gratuitement, permet-tent une réelle interactivité permanente entre internautes et dece fait mènent à la constitution de communautés. Les outils duWeb 2.0 donnent aux internautes non seulement la possibilitéde produire du contenu, mais aussi de commenter et d’évaluerle contenu des autres, et d’appartenir de façon transitoire oupermanente à de nombreuses communautés simultanées.Mais ce serait une erreur majeure de limiter notre observationdu Web 2.0 à l’aspect technologique. Le Web 2.0 révèle etaccélère une transformation profonde de notre société. Le« User-generated content » ou « Contenu généré parl’utilisateur » qui caractérise les sites Web 2.0 génèreun nouveau dialogue permanent non seulement entre lesconsommateurs, mais aussi entre les consommateurs devenuspartenaires et les producteurs des biens et services. Le pouvoirde communiquer à grande échelle n’est plus réservé auxacteurs traditionnels. Les données concernant la qualité desproduits et services circulent vite, ce qui était inimaginable il y aquelques années. De ce fait, il devient impossible de cacher desfaits et la transparence devient la règle.Les « grands » experts n’ont plus le monopole du savoir et descontacts que cela soit par rapport aux autres professionnels oupar rapport à l’individu motivé par la prise de décisionconcernant son propre cas ou celui de ses proches. Transpa-rence des résultats, évaluation, comparaison s’intègrent audécor. Les États doivent trouver de nouvelles façons de coha-biter avec leurs citoyens et entreprises.Dans la santé, cette nouvelle accessibilité de l’informationaccompagnée de la possibilité de faire part de son avis, etde constituer des groupes va modifier, comme dans tous lesdomaines, la vie au quotidien.

France, Français et InternetLa France n’a pas été parmi les premiers pays à se mettrefortement à l’Internet, ralentie par une certaine appréhensionculturelle à l’égard des technologies informatiques et de l’accèslibre pour tous à l’information, même si certains disent que ceretard était dû au développement du minitel.Quant à l’Internet santé, il a rapidement suscité des réflexions,voire des inquiétudes. Les patients allaient « prendre lepouvoir ». L’information sur l’Internet n’était pas « validée ».« N’importe qui pouvait écrire n’importe quoi ». Une minoritéseulement pensait que le partage plus grand de l’informationmédicale, grâce aux nouvelles technologies, allait participer àl’amélioration la qualité des soins. Mais la situation n’en est pasrestée là. La France a rattrapé son retard dans la consommationde l’Internet : en 2009, 34 millions de Français sont devenus

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internautes ; 90 % des foyers abonnés le sont à haut-débitgrâce aux offres intéressantes. En 2008 l’Internet est devenu lepremier média en France, en termes du temps passé chaquejour par les Français. Les Français sont les champions du blog enEurope. La plupart des professionnels de santé se connectentquotidiennement. La France est devenue le premier pays aumonde à proposer à ses citoyens un outil de certification dessites santé, le HONCode (HON pour Fondation health on the net)[2]. Des programmes sociaux tentent d’enrayer la fracturenumérique.

Outils et technologies Web 2.0

Les technologies Web 2.0 les plus répandues sont les blogs, leswikis, les fils RSS, les réseaux sociaux, le partage de fichiersdéposés dans des banques de données « cherchables ».Les blogs permettent à un internaute sans connaissances dulangage HTML de créer sa page, de s’exprimer par l’inter-médiaire de billets qui apparaissent de façon chronologique,et d’autoriser d’autres internautes de déposer des commen-taires sur la page.Les wikis permettent la création de pages encyclopédiques quipeuvent être modifiées par d’autres auteurs. L’éditeur du wikipeut autoriser l’anonymat ou exiger l’identification des auteurs.Les fils RSS, symbolisés par un logo de couleur orange, per-mettent à un internaute de s’abonner anonymement aux misesà jour des sites. L’internaute peut également se servir d’unagrégateur ou collecteur de fils RSS, une autre page Web qui luipermet de rassembler en un lieu les fils qui l’intéressent. Ces filspeuvent également être introduits de façon visible sur d’autressites, mettant l’actualité publiée sur le premier site à la dis-position des internautes du second site.Les sites de partage de fichiers se limitent le plus souvent auxpartages d’éléments d’un médium : photos, vidéos, enregis-trements audio, favoris ou signets, diaporamas power-point etpdf ; musique. Les principes de fonctionnement suivants carac-térisent les sites de partage :� l’internaute cree un compte avec un nom ou pseudonyme et

sa photo, voire une photo de quelque chose d’autre ;� il telecharge ses propres fichiers auxquels il affecte des mots-

cles ;� le site permet la recherche par mot-cle des fichiers des autres

auteurs, le depot de commentaires, le signalement du fichier

en tant que favori.

Le réseau social est un site qui se développe par la productionde nouvelles de ses abonnés. Les abonnés créent un comptesous pseudonyme ou nom réel, incluent une photo de leurchoix, et fournissent des informations sur leur situation, desphotos, des liens. Le réseau le plus important, Facebook, a fêtéson 200 millionième abonné en avril 2009. Il existe aussi desréseaux spécialisés qui visent un segment de la population.Le « microblogging » communautaire est proposé par le siteTwitter. Les internautes publient des phrases ne dépassant pas

1457

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1458

Encadre 1

Glossaire de termes du Web 2.0

� Blog : raccourci de Web + log. Le mot blog a commencé à être

utilisé en 1999. Le blog est un outil de publication ou site Web

constitué par la réunion de billets agglomérés au fil du temps

et souvent classés par ordre antéchronologique (les plus

récents en premiers). Chaque billet est, à l’image d’un journal

de bord, un ajout au blog.

� Microblogging : les affichages sont limités en nombre de signes.

� Moblog : blogging par l’intermédiaire de son mobile.

� Vlog : vidéo-blog ; l’entrée du blog se présente sous forme de

vidéo.

� Podcast : fichier numérique audio ou vidéo, syndiqué sur le Web.

� Contenu généré par l’utilisateur : traduction de « user-

generated content ». L’internaute ne se contente pas de

télécharger des informations ; il en produit.

� Journalisme participatif : l’internaute muni d’un caméscope

simple, souvent intégré à son téléphone mobile, relaye des

informations et points de vue.

� Réseau social en ligne : un site qui permet l’échange entre

membres ayant créé chacun son compte sur le site, et le

peuplant de ses « nouvelles », constitue un réseau social. Une

plateforme peut également permettre à ses membres de

publier sur d’autres sites, créant un effet de communauté entre

les plateformes.

� Wiki : site permettant aux utilisateurs d’ajouter, retirer, modifier

le contenu.

� Widget : petites applications interactives qui peuvent être

rajoutées à un site ou blog, afin de véhiculer des informations

dynamiques.

� Tagging : le procédé par lequel on affecte des mots-clés à des

objets numériques (une page Web, un document, une photo). Un

objet peut être associé à plusieurs tags. Le tagging collectif

s’appelle « folksonomy ».

� Bookmarks sociaux : le partage en ligne de favoris auxquels les

utilisateurs ont souvent affecté des mots-clé facilitant la

recherche de favoris pertinents.

� Fil RSS : RSS désigne une famille de formats XML utilisés

pour la syndication de contenu Web. L’internaute peut

s’abonner à une page et être notifié des mises à jour de cette

page. Dans d’autres termes, les fils RSS sont utilisés pour

communiquer aux abonnés des fils les dernières informations

affichées;

� Agrégateur de fils RSS : un agrégateur est un logiciel qui

permet de suivre de nombreux fils de syndication en même

temps.

D Silber

140 signes, souvent incluant un lien vers une page ou un fichierà partager. Ces « microbloggeurs » se suivent et ce suiviréciproque créé un effet de communauté. Certaines plate-formes de blog permettent aux auteurs d’envoyer le titre deleur billet automatiquement sur Twitter. Il existe aussi desgroupes de « microbloggeurs » (voir le glossaire de termesWeb 2.0 dans l’encadré 1).

Application du Web 2.0 à la santéLes outils, technologies, et plateformes Web 2.0 sont utiliséspar les internautes concernés par la santé à titre personnel ouprofessionnel. Le terme « Santé 2.0 » ou « Médecine 2.0 » seréfère donc à une santé ou médecine participative, grâce aupartage d’informations et expériences, entre professionnels,entre patients, entre tous [3] moyennant un accès au Web quecela soit par ordinateur ou par téléphone intelligent.De nouvelles applications de santé pour IPhone et Blackberrygénèrent de nouvelles communautés et de nouveaux servicespour le professionnel comme pour le consommateur, avecl’avantage de l’ubiquité du téléphone par rapport à son pro-priétaire.La recherche de mots-clés sur Google [4] confirme que« Web 2.0 and Health » ou « Health 2.0 » sont plus fréquem-ment employés en anglais que « Medicine 2.0 », alors que« Médecine 2.0 » est plus utilisé en français que « Santé 2.0 »

(tableau I).Le partage communautaire d’information permet aux profes-sionnels comme aux patients de bénéficier de l’intelligencecollective. Les professionnels vont bénéficier des outils colla-boratifs [5]. Les patients pourront mieux connaître leursoptions, la nature des décisions à prendre. Et la science vaprogressivement réaliser que l’observation libre par lespatients est aussi importante que l’information structuréeprécédemment collectée. Tous vont donc pouvoir accéder àune information précédemment réservée à quelques uns.L’asymétrie de l’information entre professionnel et non pro-fessionnel va encore perdurer mais elle sera réduite. De plus enplus de patients atteints d’une maladie grave vont « réseauter »et impacter favorablement leur condition. Le rôle du médecinévoluera de façon saine, puisque le partage de la décision entremédecin et patient favorisera une meilleure mise en oeuvre.

Tableau I

Les occurrences sur Google des termes « médecine 2.0 » et« santé 2.0 »

Termes enanglais

Occurrences(avril 2009)

Termes enfrançais

Occurrences(avril 2009)

health 2.0 278 000 santé 2.0 1 300

medicine 2.0 44 500 médecine 2.0 22 000

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Internet medical

Collaboration Web 2.0 entre professionnels de santé

Selon une étude réalisée aux États-Unis en 2007 par un cabinetspécialisé [6], de nombreux médecins américains participent auWeb 2.0 :� 245 000 medecins declarent afficher du contenu professionnel

en ligne ou participer a des communautes avec d’autres

medecins ;� 100 000 medecins consultent des podcasts.Une autre étude [7] publiée en janvier 2009, par le mêmecabinet, conclut que deux tiers des médecins européens sontdésireux d’appartenir à une communauté de médecins en ligne.Le pionnier en matière de communautés aux États-Unis est lesite Sermo.com créé en 2006, initialement pour faire une veillede pharmacovigilance, et depuis élargi à tout sujet médical.Sermo déclare que 3 millions de commentaires ont été déposéspar des médecins sur le site à fin avril 2009. Le modèleéconomique est basé sur l’achat de réponses de médecinspar des clients institutionnels. Les médecins, à leur tour, sontrémunérés pour des réponses utiles.Notons qu’Asklepios, lancé par l’Association canadienne demédecins, est l’exception de la liste. Les autres sites sontcréés par des éditeurs privés (encadré 2).

Blogs publiés par des professionnels de santé

Lagu et al., en 2008 aux États-Unis, ont examiné [8] le contenude blogs de professionnels de santé identifiés par desrecherches à l’aide du mot-clé « blog » et médecin ou infirmier.Ils ont sélectionné seulement les blogs rédigés par un médecinou une infirmière, et en langue anglaise, soit 271 blogs.Ils ont observé que :� 57 % des auteurs ont donne des informations permettant de

les identifier ;� des patients ont ete decrits dans 42 % de ces blogs ;� lorsque le blog decrivait une interaction entre medecin et

patient, le patient pouvait identifier le medecin ou le patient

dans 17 % des cas ;

Encadre 2

Communautes reservees aux medecins, en dehors des Etats-Unis

� Canada

Communauté : Asklepios

� Allemagne, Espagne, France

Communauté : Esanum

� France

Communauté : Docatus

Communauté : Santelog (toutes professions de santé)

� Dix langues européennes dont le français

Communauté : DocCheck

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� des patients ont ete decrits negativement dans 18 % des

blogs ;� 3 blogs affichaient des photos de patients ;� des produits de sante etaient promus dans 11 % des blogs.L’étude a confirmé que, si les blogs médicaux faisaient partiedes outils des professionnels, les règles de bon usage en termesde confidentialité et de transparence de l’information médicalen’étaient pas toujours respectées. Notons que les médecinsauteurs de blog aux États-Unis ont tendance à être plus âgés etchevronnés que les non-auteurs.Il existe en France diverses listes de blogs médicaux produitspar des professionnels [9]. Aucune liste n’atteint 200 blogs ; lesmédecins français n’ont le plus souvent pas le temps de créer etpublier régulièrement sur un outil de ce type. Quant aux blogsexistants, certains font part du vécu du professionnel de santé.D’autres diffusent de l’information médicale au grand public.Une plateforme blog pour médecins, portant sur le thème de laformation médicale continue réunit divers auteurs, ce quimutualise le travail de publication [10].

Wikis médicaux

Les wikis posent un problème de transparence puisque lestextes, qui prennent souvent la forme d’une encyclopédie enligne, peuvent être modifiés de façon anonyme. D’autre part, lecontenu n’est soumis à aucune contrainte réglementaire. Uneétude portant sur les médicaments décrits dans Wikipedia enanglais montre que les textes sont incomplets [11]. Pour pallierles défauts de ce genre, quelques wikis exigent que l’auteursoit un professionnel de santé, médecin ou docteur en science(PhD). C’est le cas notamment de wikis en anglais tels que Wikisurgery, Healtheva, Ganfyd, Medpedia. Cela ne résout pastoutes les questions posées par la nouvelle frontière duWeb 2.0 et notamment celle de l’évolution dans le tempsdes recommandations de bonne pratique.Les outils collaboratifs sont néanmoins recherchés par unnombre croissant de cliniciens.� Clinfowiki [12] facilite le partage d’informations concernant

l’aide a la decision et est ouvert au public ;� Partners healthcare, reserve aux professionnels de Partners

healthcare, fournit un environnement 2.0 pour le partage

d’outils de la gestion de connaissance. Des « eRooms »

permettent de tenir une reunion pendant des mois si

necessaire. Chaque nuit, un rapport de l’activite de la journee

est envoye aux participants. Lorsque des decisions sont prises,

elles sont formalisees et diffusees.

En France, le nombre de wikis professionnels augmente, mais iln’est pas facile de les repérer [13]. Wikipédia en français inclutun portail médecine [14] comportant plus de 9200 articlesdénombrés en février 2009. Il publie une mise en gardetellement forte qu’elle mérite d’être citée. Cette mise en garderésume les principales préoccupations générées par les Wikis,voire plus globalement par l’Internet. Le même avertissement

1459

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Tableau II

Noms et url du Web 2.0 médical

Nom Adresse

Wikis médicaux

WikiSurgery, free surgical encyclopedia http://www.wikisurgery.com

Flu Wiki http://www.fluwiki.info

Ganfyd http://www.ganfyd.org

Favoris (social bookmarks)

CiteULike, (academic papers) http://www.citeulike.org

Connotea http://www.connotea.org

D Silber

existe dans la version anglaise [15] : « . . . pas plus que pourd’autres sujets, aucune quelconque garantie n’est offerte surl’exactitude de ces articles. Il n’y a aucune certitude qu’unephrase quelconque contenue dans ces articles soit vraie, cor-recte, précise, ou soit à jour. La plupart d’entre elles sontécrites, en partie voire en totalité, par des non professionnelsde la santé. Elles peuvent être modifiées par des personnespromouvant des traitements inefficaces, par des adeptes dethéories marginales et controversées ou par des farceurs.Gardez à l’esprit que, même lorsqu’une affirmation médicales’avère exacte, elle peut pour autant ne pas s’appliquer à votrecas particulier ou à vos symptômes. . . »

Multimédia médical communautaire

Le partage de vidéos figure parmi les usages professionnels duWeb 2.0 Santé. Burke et al. ont évalué l’usage de YouTube parles professeurs universitaires aux États-Unis [16] lors d’uneétude pilote qui a confirmé son intérêt. Sur YouTube, au12 avril 2009, 97 000 vidéos sont associées au mot-clé « vidéomédical ».Le partage de cas et d’images multimédia a également donnélieu à des sites spécialisés :� ClinicalCases.org est un site de partage de cas archives par

organe, et cree par des medecins a la Cleveland clinic et par

Case western reserve university, tous deux a Cleveland, Ohio ;� Radiopedia.org est la creation d’un radiologue qui a voulu qu’il

y ait un site ou tous les confreres peuvent collaborer,

soumettre des images, echanger, corriger des erreurs.

Partage de favoris scientifiques

Le site de partage de signets ou favoris le plus connu estDelicious. Les utilisateurs peuvent « tagger » leurs favoris etceux des autres. Ce site est ouvert à tous. Deux sites de partagede favoris sont connus dans le monde académique (tableau II).CiteULike comprend plus de 2 millions d’articles [17].

Mondes virtuels

Le monde virtuel le plus connu est « Second life », portailInternet où chaque participant crée son personnage ou« avatar » et façonne une vie autour de lui. Le monde virtuelde Second life et de ses concurrents est en quelque sorte uneplanète numérique où les avatars, dirigés par leurs créateurs,modélisent à leur façon des lieux et structures connus et eninventent d’autres. Selon Kamel Boulos et al. [18], le grandintérêt des mondes virtuels dans la Santé est de permettre auxprofessionnels d’expérimenter, de modéliser, de simuler desscénarios médicaux ou de santé publique, qu’il serait impos-sible de mettre en oeuvre au quotidien.

Échanges Web 2.0 entre patients

La plateforme Web 2.0 d’échange entre patients la plusremarquée est PatientsLikeMe, lancé en 2006 [19]. Le sitecontient aujourd’hui 18 maladies et syndromes et introduit de

nouvelles maladies régulièrement. PatientsLikeMe fournit auxinternautes inscrits des outils de visualisation des résultats parmaladie, afin de leur permettre de mieux comprendre etpartager de l’information concernant leur état. Les donnéesportent sur les traitements, les symptômes, les résultats, etsont agrégées par maladie. Les utilisateurs peuvent examinerces informations, les commenter dans le forum, poster descommentaires, envoyer des messages privés. Cette plateformeest basée sur deux hypothèses :� les patients pourront interpreter et apprendre des choses grace

aux tableaux qui servent a visualiser ;� la mise a disposition des donnees entraıne une modification

benefique du comportement des patients.

Frost et Massagli ont analysé les comportements dans lacommunauté atteinte d’une maladie neurodégénerative. Aprèsun an, cette communauté anglophone comptait 1570 patientsvérifiés, dont 430 habitaient en dehors des États-Unis. Lesauteurs se sont intéressés à un sous-ensemble de commen-taires des utilisateurs de PatientsLikeMe, les commentaires oùles utilisateurs faisaient référence aux données d’un autremembre. Trois thèmes ont émergé : l’utilisateur demande unconseil de quelqu’un qui a eu une expérience particulière, ilpropose du conseil à une personne ayant un problème précis, ilcherche à entrer en relation avec quelqu’un qui partage avec luiune ou des caractéristiques communes. En d’autres termes lesite PatientsLikeMe facilite des échanges entre des patients.D’autres sites ont été organisés aux États-Unis autour dupartage d’expérience entre patients. Organized wisdom estun site où des fiches d’information sont créées par des experts àl’attention des patients. L’expert peut être professionnel desanté mais ne l’est pas nécessairement.Des concours d’idées entre utilisateurs permettent aux inter-nautes de participer à l’avenir des produits et services. Lafondatrice de Diabetes mine, communauté de patients diabé-tiques a réussi à faire produire par Apple un IPhone permettantaux patients diabétiques de mesurer leur glycémie et pouvoircommuniquer ces données à une base de données distante.

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Internet medical

Les mash-ups permettent d’associer une fonction de géoloca-lisation, sur un téléphone mobile, à la collecte de données desanté. Une application en phase expérimentale visualise lestextos sous forme graphique et de nuage de mots, permettantde déterminer la condition psychologique du texteur. . .

Patients Opinion (National health service, United Kingdom) estune entreprise sociale à but non lucratif, créée par un médecinanglais qui souhaitait permettre aux patients d’identifier unservice hospitalier dans un lieu géographique, et de lire oudonner un avis sur le service. Le site est financé par dessouscriptions de tous les établissements anglais volontaires[20].En Suède, des chercheurs ont étudié l’intérêt d’un portail 2.0pour les familles de jeunes diabétiques, portail présenté par lesmédecins aux familles. L’implication de médecins dans le projetdès ses origines a facilité l’acceptation du portail par lesmédecins.En France, le partage d’expérience entre patients s’effectuenotamment dans les forums et secondairement sous formede commentaires placés sur des blogs. Les forums sontfournis soit par des éditeurs commerciaux soit par desassociations de patients. Le site Atoute.org est l’oeuvre àbut non lucratif d’un médecin, le Dr Dupagne, égalementauteur de textes portant sur le Web 2.0 [21]. Le Guide Santé,site lancé en 2009, permet aux internautes de comparer lesétablissements de soins, selon des statistiques produitesnotamment par la Haute autorité de santé, mais peu acces-sibles aux citoyens. AxaSante.fr propose un site communau-taire dans le domaine de la prévention santé avec votes etforums.

Discussion et enjeuxSur le plan positif, le potentiel du Web 2.0 dans la Santé consistedans l’accélération du potentiel que l’Internet a déjà permisd’entrevoir. La capacité enrichie d’échanges grâce au Web 2.0pourra accélérer la diffusion de la recherche, la découverte denouvelles tendances, la correction d’une erreur. Les patientsimpliqués dans des communautés vont pouvoir encore mieuxmettre en oeuvre les programmes qui leur sont proposés etmieux vivre leur condition grâce à l’échange avec leurs pairs. Lacollecte libre de données observationnelles à grande échelle vaouvrir de pistes nouvelles. De nouveaux termes « observationsof daily living », les observations de la vie quotidienne, et aussi

Références[1] http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/

tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html.

[2] http://www.aqis.fr voir communiqué depresse Asso. Qualité Internet Santé ;

http://www.hon.chHonCode en français.

[3] Furst I. Wait Timehttp://waittimes.blog2008.

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« self-reported patient data », le recueil de données par lepatient, émergent. Ces approches impactent l’avenir de larecherche clinique et vont à terme permettre de réduire l’écartentre les résultats des études et ceux de la vie réelle.L’un des enjeux est de bien accompagner l’arrivée duWeb 2.0 et les nouvelles collaborations entre acteurs desanté. Il va falloir s’intéresser aux méthodes de misesau point des recommandations de bonnes pratiques, à lacommunication entre médecins et patients, à l’e-learningcommunautaire (et à bien d’autres. . .), tous concernés parle Web 2.0. Les enjeux sont également économiqueset technologiques. Les communautés Web 2.0 auront unimpact progressif sur l’organisation du système de santécomme nous venons de le voir. D’autre part, elles sontsusceptibles de créer de la valeur, comme nous l’avons vudans l’exemple du téléphone mieux adapté aux besoins desdiabétiques.Un autre enjeu est celui de la fracture sociale qui peut êtreaggravée par la Médecine 2.0, car la participation régulière auxcommunautés pour en tirer un vrai bénéfice nécessite un accèsà l’Internet à domicile ou par un téléphone mobile. L’enjeusécuritaire doit être également rappelé. Des utilisateurs nonavertis peuvent utiliser un même pseudonyme pour parler deleur santé et pour participer à d’autres sites en dehors de lasanté. Les recoupements possibles peuvent nuire à confiden-tialité, non seulement à celle de l’individu mais à celle de sonentourage.

ConclusionLes échanges communautaires du Web dans la santé vontcontinuer de croître, comme dans tous les domaines du Web.Cet échange, qui mène à une « médecine participative », nousfait découvrir de nouvelles voies, de nouvelles sources deprogrès et répond à des besoins implicites. Les médecinsqui ouvrent le dialogue sur ces sujets avec leurs patients etleurs confrères seront mieux préparés aux nouveaux enjeux.L’examen des communautés et outils existants témoigne del’avancée américaine, berceau de l’Internet puis du Web 2.0.Mais la France avance aussi, même s’il y a moins de visibilité, etl’année 2010 sera porteuse.

/HO

anspot

Conflits d’intérêts : Directrice de Basil Strategies, société de conseil auprèsdu site « Le-Guide-Sante.org », et rédactrice de BlogFMC.fr, site financé parPfizer, France.

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Ncode/French/.

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D Silber

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