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1 MATTEL : L’EXPLOITATION DES OUVRIÈRES ET DES OUVRIERS CHINOIS CONTINUE Enquête auprès de six fournisseurs de Mattel Octobre 2013

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MATTEL : L’EXPLOITATION DES OUVRIÈRES

ET DES OUVRIERS CHINOIS CONTINUE

Enquête auprès de six fournisseurs de Mattel

Octobre 2013

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Fondé en 2000, le China Labor Watch (CLW) promeut une redistribution plus juste des richesses aux

travailleuses et aux travailleurs chinois dans le contexte de la mondialisation ; Il mène de

nombreuses enquêtes dans des usines produisant pour des entreprises occidentales.

Site web : www.chinalaborwatch.org

Souveraineté alimentaire, dignité au travail, droits des femmes: la fédération Peuples Solidaires

(www.peuples-solidaires.org) soutient les femmes et les hommes qui, partout dans le monde, luttent

pour leurs droits économiques, sociaux et culturels. Elle appuie les organisations de la société civile

au Sud, mobilise les citoyen-ne-s, informe le public, alerte les médias, et fait pression sur les

décideurs. Peuples Solidaires-ActionAid France rassemble 65 groupes locaux, 50 000 signataires et

est membre du réseau international ActionAid (www.actionaid.org).

Traduction : Peuples Solidaires

Photos en couverture : © China Labor Watch

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SOMMAIRE

Résumé ……………………………………………………………………………………………………………………………..p.4

Violations ……………………………………………………………………………………………………………….p.6

Demandes………………………………………………………………………………………………………………p.9

Introduction ……………………………………………………………………………………………………………………p.10

Rapports individuels d’enquêtes ……………………………………………………………………………………..p.12

1 - Baode Toy Factory ………………………………………………………………………………………….p.13

2 – Dongguan Dongyao Toys Co. Ltd …………………………………………………………………….p.27

3 – Foshan City Nanhai Sino-American Toy Factory ……………………………………………..p.33

4 – Dongguan Guangda Plastic Products Company ……………………………………………..p.42

5- Taiqiang Plastic Products Company …………………………………………………………………p.47

6 – Merton Plastics and Electronics Factory ………………………………………………………..p.53

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Résumé

Le présent rapport d’enquête démontre qu’en l’espace d’un an, six usines chinoises fabriquant des

jouets pour Mattel ont privé leurs employé-e-s de 6 à 8 millions d’euros de salaires et cotisations

sociales. Ce n’est qu’en recourant à des pratiques frauduleuses que ces fournisseurs peuvent

accepter les bas prix que leur impose Mattel. Que faut-il en déduire pour la centaine d’autres

fournisseurs chinois de Mattel ? Si les mêmes pratiques ont cours dans tout le parc fournisseur

chinois de Mattel, ce sont potentiellement des dizaines de millions d’euros dont chaque année

seraient privés les dizaines de milliers d’ouvrières et d’ouvriers de ces usines.

Mattel a pleinement connaissance de ces pratiques illégales mais ne prend aucune mesure pour

empêcher la fraude sur les salaires et les abus. Au contraire, par ses pratiques d’approvisionnement

et son inaction lorsque des violations du droit du travail sont mises à jour, Mattel encourage ces

malversations.

Complicité de Mattel

Afin de réduire leurs risques et de maximiser leurs profits, les grosses multinationales du jouet,

comme Mattel, délocalisent leur production dans des pays comme la Chine. En 1997, Mattel a

adopté un code de conduite1 auquel ses fournisseurs sont supposés adhérer. Ce code prévoit le

respect des législations locales et de règles éthiques de base. Depuis, tout en vantant son code de

conduite auprès de ses client-e-s et du public, Mattel n’a cessé de réclamer des prix cassés à ses

fournisseurs.

Compte tenu de la concurrence sans merci que se livrent les fabriques de jouets, celles-ci ne

disposent que d’une marge de négociation limitée face aux entreprises clientes. Surtout quand il

s’agit d’entreprises qui, à l’instar de Mattel, sont influentes et passent de nombreuses commandes.

La plupart préfèrent accepter les bas prix et les courts délais de production qui leur sont demandés,

plutôt que de risquer de perdre des commandes.

Face à la forte augmentation des coûts des matières premières et des frais de fonctionnement en

Chine et face aux exigences de la marque en matière de sécurité et de qualité des jouets, les

fournisseurs ne parviennent à maintenir de bas coûts de production qu’en dégradant les conditions

de travail. Quitte pour y parvenir à violer le code de conduite de Mattel ainsi que les lois locales et les

conventions internationales.

Il est indéniable que Mattel a pleinement connaissance de l’ampleur et de la persistance des

violations du droit du travail chez ses fournisseurs chinois.

Depuis plus de 10 ans, des audits commandés par Mattel elle-même ont mis à jour des violations du

droit du travail dans les entreprises fabriquant ses jouets. Mais celle-ci n’a pris que peu de mesures

correctives significatives et, avec le temps, la transparence sur ces audits s’est dégradée.

1 Le «Global Manufacturing Principles» (Principes mondiaux de fabrication) : disponible sur le site Internet de Mattel, sur :

http://corporate.mattel.com/pdfs/GMPoverview.pdf

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Une série d’enquêtes menées par le CLW en 20122 a révélé plusieurs cas de violations du droit du

travail dans quatre usines de jouets de la marque. Mattel avait alors démenti la plupart des

allégations du CLW et affirmé « qu’, à de rares exceptions près, ces allégations étaient sans

fondement ». En mai 2013, le CLW et Peuples Solidaires ont renouvelé leurs demandes auprès de la

multinationale, qui est depuis restée muette.

Les violations des droits du travail persistent

Ce nouveau rapport d’enquête montre que peu de choses en changé en un an. D’avril à septembre

2013, des enquêteurs de CLW se sont fait embaucher pour quelques jours ou quelques semaines par

six fournisseurs produisant des jouets pour Mattel en Chine (Baode Toy Factory, Dongyao Toy

Company, Nanhai Sino-American Toy Factory, Guangda Plastics Company, Taiqiang Plastic Products

Company et Merton Plastics and Electronics Factory). Six entreprises qui emploient en totalité,

20 000 personnes. Les enquêteurs infiltrés du CLW y ont travaillé et vécu dans les mêmes conditions

que les autres ouvrièr-e-s.

Au travers de leur propre expérience et les témoignages de plus de 300 ouvrières et ouvriers

interrogés, les enquêteurs du CLW ont dressé une longue liste de violations légales et éthiques dans

chacune de ces six usines.

L’une des découvertes les plus alarmantes qu’ont faites les enquêteurs, ce sont les méthodes – pour

la plupart illégales – utilisées par ces fournisseurs pour réduire les salaires et avantages dus à leurs

employé-e-s.

En combinant le non-paiement d’heures supplémentaires, des fraudes sur le décompte des heures

de travail et le non-paiement des cotisations sociales obligatoires, les fournisseurs de Mattel ont

privé les travailleuses et les travailleurs de millions d’euros. Selon les estimations à minima établies

par le CLW, le montant global des sommes ainsi détournées s’élève à 6 voire 8 millions d’euros. Et

cela pour seulement six des quelque cent entreprises qui composent le parc fournisseur de Mattel en

Chine.

Ainsi par exemple, à Taiqiang, une partie des heures travaillées le week-end est payée au taux des

heures travaillées en semaine, alors que selon la loi, elles devraient être majorées. Ces heures sont

ostensiblement déplacées dans la case « heures travaillées en semaine » pour éviter de payer la

majoration. Sur les 5000 ourvièr-e-s qu’elle emploie, cela représente une économie de 600 000 yuans

(72 500 euros) chaque mois.

Bien que Mattel ait connaissance des violations qui ont cours chez ses fournisseurs, elle continue de

passer des commandes aux mêmes fournisseurs, année après année.

En août 2013, 322 ouvrières et ouvriers de l’usine de Baode se sont mis en grève pour réclamer une

compensation des cotisations d’assurance sociale non payées par leur employeur. Mattel a enquêté

sur le sujet, mais, à la date de publication du présent rapport, n’a pas encore réagi publiquement. Si

2 "Détérioration des conditions de travail dans l'industrie du jouet: Enquête dans quatre usines chinoises fabriquant des jouets pour

Mattel", rapport publié par Peuples Solidaires et le China Labor Watch, le 28 novembre 2012. http://www.peuples-solidaires.org/wp-

content/uploads/2012/11/RAPPORT-MATTEL-3.pdf

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Mattel venait à mettre fin à ses relations commerciales avec ce fournisseur en réaction à cette

grève, elle serait responsable de la perte de centaines d’emplois chez Baode.

Des centaines d'ouvriers et d'ouvrières protestent aux portes de l'usine de Baode en août 2013 © CLW

Liste des violations légales ou éthiques observées par les enquêteurs du CLW

Au total, les enquêtes clandestines réalisées par le CLW ont révélé 18 catégories de violations légales

ou éthiques :

1. Discrimination à l’embauche. Certains fournisseurs de Mattel établissent une limite

d’âge à l’embauche, refusent la candidature de femmes enceintes, de personnes

tatouées ou d’hommes aux cheveux longs. Ces discriminations contreviennent aux

dispositions de la loi chinoise sur le recrutement.

2. Rétention des pièces d’identités des travailleurs et des travailleuses. L’une des usines

investiguées garde les pièces d’identité de ses recrues pendant 24 heures, en violation de

l’article 9 de la loi chinoise sur les contrats de travail.

3. Violation des règles d’établissement du contrat de travail. Certains fournisseurs de

Mattel établissent des contrats incomplets, d’autres ne signent pas de contrat du tout ou

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ne signent pas le contrat final avant la prise de fonction des employé-e-s. Ces pratiques

sont toutes en violation des articles 7 et 8 de la loi chinoise sur les contrats de travail.

4. Formation préalable superficielle et inefficace. Les fournisseurs ne respectent pas les

dispositions de la loi chinoise du travail, qui prévoit que les personnes employées à la

production et aux opérations bénéficient d’une formation préalable à l’embauche sur la

santé et la sécurité au travail d’au moins 24 heures. La plus longue période de formation

préalable constatée dans les six entreprises objets de l’enquête est d’une heure et

demie. En conséquence, de nombreux ouvriers et ouvrières n’ont pas conscience des

risques encourus en matière de santé et de sécurité et des mesures qu’ils doivent

prendre pour s’en prémunir.

5. Heures supplémentaires excessives. Les fournisseurs de Mattel font travailler leurs

ouvrières et ouvriers de 84 à 110 heures supplémentaires par mois, soit deux à trois fois

la limite autorisée par le code du travail chinois, dont l’article 41 prévoit un maximum de

36 heures supplémentaires par mois.

6. Dépassement de la durée maximale du travail. Certains ouvriers et ouvrières sont

contraints de travailler debout pendant 10 à 13 heures par jour, en violation de l’article

41 du code du travail, qui fixe à neuf le nombre maximum d’heures travaillées par jour.

7. Alternance excessive entre équipes de jour et de nuit. Dans l’une des usines

investiguées, la direction impose aux employé-e-s des changements de shifts toutes les

semaines.

8. Retards dans le versement des salaires. Certaines entreprises versent les salaires près

d’un mois en retard.

9. Fraudes sur les salaires. Les fournisseurs de Mattel recourent à divers stratagèmes pour

rogner sur les salaires et les cotisations sociales. Selon les estimations à minima du CLW,

la fraude sur les heures supplémentaires impayées ou non rémunérées au juste taux est

de 1,5 à 4 millions d’euros tandis que l’économie réalisée sur les cotisations d’assurance

sociale s’élève à 4,3 millions d’euros. Le plus souvent, les fournisseurs décident de ne pas

cotiser à l’assurance retraite ou proposent une cotisation volontaire aux employé-e-s,

bien que la loi chinoise du travail soit claire sur le caractère obligatoire de ces cotisations.

Elles font ainsi une économie mensuelle équivalant à 13% de la masse salariale.

10. Dortoirs surchauffés et surpeuplés. Les fournisseurs de Mattel n’offrent pas de

conditions de vie dignes à leurs employé-e-s. En général, les travailleuses et les

travailleurs sont entre 8 et 12 par chambée et doivent se partager un nombre restreint

de salles de douches et de toilettes à plusieurs centaines. La température dans les

dortoirs n’est pas correctement régulée et, dans la plupart des cas, il n’y a pas d’eau

chaude pour se laver.

11. Répartition inconsidérée des ouvrières et des ouvriers dans les dortoirs. Certains

fournisseurs ne prêtent nulle attention à l’affectation des chambrées et font cohabiter

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des ouvrières et des ouvriers travaillant de jour avec d’autres travaillant de nuit, ce qui

perturbe le sommeil des un-e-s et des autres.

12. Problèmes de santé et de sécurité au travail. Les travailleuses et les travailleurs ne

disposent pas tous d’équipements de protection adaptés ou ne les utilisent pas

convenablement, bien qu’ils soient en contact régulier avec des produits chimiques

dangereux ou un environnement de travail à risques. C’est en partie la conséquence du

défaut de formation préalable à la prise de fonction évoqué plus haut.

13. Discrimination à l’encontre des femmes enceintes. L’un des fournisseurs investigué

refuse d’accorder un congé maternité aux femmes enceintes si elles n’apportent pas la

preuve qu’elles respectent la politique chinoise de planning familial (limitation des

naissances à un enfant par foyer). Une femme enceinte de son deuxième enfant n’a dès

lors d’autre alternative que d’avorter ou perdre son travail.

14. Amendes. L’un des fournisseurs investigués inflige des amendes indirectes aux employé-

e-s. qui utilisent leur téléphone portable au travail. Une journée entière de travail leur

est alors décomptée.

15. Sécurité incendie. Dans plusieurs usines, les issues de secours sont encombrées ou

fermées à clé. Les extincteurs et les bouches d’incendie ne sont pas correctement

entretenus et inspectés.

16. Absence de mécanismes efficaces de plainte et de représentation des intérêts des

travailleuses et des travailleurs. Les fournisseurs investigués ne disposent pas de

dispositifs permettant aux employé-e-s de faire entendre leurs griefs ou leurs

inquiétudes. Ainsi, par exemple, un syndicat existe à l’usine Dongyao et, bien qu’une

cotisation syndicale de 3 yuans (0,36 euros) soit automatiquement prélevée chaque mois

sur les salaires, nul signe d’activité syndicale n’est perceptible et les employé-e-s n’ont

pas la moindre idée de ce que fait le syndicat.

17. Rémunération insuffisante eu égard au coût de la vie. Les ouvrières et les ouvriers des

usines investiguées perçoivent un salaire insuffisant pour vivre dignement. Le salaire

minimum qu’ils perçoivent ne leur permet ni d’épargner, ni d’entretenir un foyer. Ils sont

en conséquence contraints d’accepter les heures supplémentaires excessives qui leur

sont proposées, pour atteindre un revenu qui reste très inférieur à un niveau de salaire

digne.

18. Pollution de l’environnement. L’une des usines investiguées rejette ses déchets toxiques

et ses eaux usées de manière inappropriée et utilise des produits chimiques caustiques

interdits qu’elle dissimule lors des inspections.

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Demandes

Ces nouvelles enquêtes conduites par le CLW indiquent que Mattel a manqué à son devoir de veiller

à ce que ses fournisseurs respectent les obligations de son code de conduite.

Par conséquent, le CLW exhorte Mattel à :

1. Répondre au présent rapport . Mattel doit fournir des informations détaillées sur des

audits à diligenter en réaction à ce rapport. Elle doit également fournir toutes les

informations nécessaires sur les mesures immédiates et de long terme qu’elle doit

prendre pour corriger et prévenir les violations du droit du travail.

2. Maintenir ses relations commerciales avec l’usine de Baode et s’assurer qu’une réponse

constructive est apportée aux grévistes. Mattel doit assumer sa part de responsabilité

pour les violations des droits qui ont cours à Baode et qui sont le résultat de ses pratiques

d’approvisionnement abusives. Elle doit user de son influence auprès de son fournisseur

pour mettre un terme à ces violations.

3. Assurer un reporting transparent. Les rapports d’audits complets ainsi que les plans

d’action correcteurs doivent être publiés dans des délais raisonnables sur le site Internet

de Mattel.

4. Modifier ses pratiques d’approvisionnement. Mattel impose des prix d’achat trop bas et

fixe des délais de livraison trop courts. Pour honorer ces commandes, les fournisseurs de

Mattel réduisent leurs coûts de production en violant le droit du travail (durée excessive

du travail, salaires impayés, conditions de vie indignes etc.). Mattel doit modifier ses

pratiques d’approvisionnement afin de contribuer à réduire la pression subie par les

ouvrières et les ouvriers en bout de chaîne.

5. Assurer la transparence de sa chaîne d’approvisionnement. Mattel doit publier une liste

exhaustive de ses fournisseurs et indiquer le nom des fournisseurs sur ses produits. Cela

permettra d’améliorer la transparence de la chaîne d’approvisionnement.

6. Mettre en place des canaux de communication indépendants. Des tiers indépendants –

ONG par exemple – peuvent fournir aux travailleuses et aux travailleurs un canal direct

leur permettant d’exprimer leurs griefs et leurs éventuelles suggestions à la direction de

leur usine. Selon Mattel, la hotline mise en place par la Fédération des industries du jouet

(ICTI – International Council of Toy Industries) offre cette possibilité. Toutefois, la

Fédération des industries du jouet a prouvé son incapacité à répondre efficacement aux

violations révélées par le biais de sa hotline, comme en témoigne l’absence

d’améliorations dans la chaîne d’approvisionnement de Mattel.

7. Demander la mise en place de comités de travailleurs et de travailleuses. Chaque usine

doit mettre en place un comité indépendant composé de représentant-e-s désigné-e-s

par les ouvrières et les ouvriers. Les candidat-e-s à ce comité ne devront être présenté-e-

s que par les employé-e-s à la production et non par la direction. Ce comité représentera

le personnel dans les discussions avec la direction, sur tous les points concernant les

conditions de travail et de vie jugés importants par les travailleurs et les travailleuses.

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Introduction

L’industrie du jouet en Chine: 15 ans de négation des droits du travail

En 1998, un an seulement après l’instauration par Mattel d’un code de conduite à l’intention de ses

fournisseurs, le CLW a entrepris d’enquêter sur l’entreprise Merton Plastics and Electronics Factory 3.

Selon son rapport d’enquête, les ouvrières et ouvriers de Merton travaillaient 12,5 heures par jour,

sans aucun jour de congés à l’exception des jours fériés officiels. Ils ne bénéficiaient d’aucune

assurance retraite financée par l’entreprise, n’étaient pas indemnisés pour les soins reçus dans le

dispensaire de l’usine et ignoraient s’il existait ou pas un syndicat.

En 2009, le CLW a procédé à une nouvelle enquête à Merton. Parmi les violations constatées en

2000, seule la durée de la journée de travail avait diminué, passant de 12,5 à 11,5 heures et les

travailleurs et travailleuses bénéficiaient parfois d’une journée de congé hebdomadaire le dimanche.

Une nouvelle enquête menée 2013 montre que quinze ans après la première investigation, aucune

des principales violations dénoncées en 2000 n’a été corrigée. Même si la journée de travail a été

ramenée à 11,5 heures par jour, les seuls jours chômés et payés pour tous restent les jours fériés

nationaux.

Depuis plus de 15 ans qu’elle utilise Merton comme fournisseur, Mattel n’a pas réussi à lui faire

respecter son code de conduite.

A l’instar de l’usine de Merton, les conditions de travail dans l’industrie du jouet en Chine sont très

préoccupantes.

Les usines de jouets sont un exemple type de production industrielle intensive. Les travailleuses et

les travailleurs y sont peu spécialisés et les salaires qui leur sont versés sont bas. Les délais de

production dans le marché du jouet sont en outre très resserrés. Il ne se passe généralement pas

plus d’un mois entre le moment où la commande est passée par les grandes marques et celui où elles

sont livrées. Il en résulte une inflation des heures supplémentaires et du travail de nuit en période de

pointe. Tandis qu’en basse saison, la production diminue et de nombreuses travailleuses et

travailleurs sont mis au chômage.

Au cours des dix dernières années, la situation dans l’industrie du jouet est demeurée inchangée,

quand elle ne s’est pas détériorée. Si on la compare à d’autres industries à forte intensité de main

d’œuvre, y compris des secteurs connus pour leurs mauvaises conditions de travail, l’industrie du

jouet reste l’un des plus mauvais élèves en matière d’améliorations des conditions de travail. Dans

l’industrie électronique par exemple, Foxconn, l’un des fournisseurs majeurs du secteur, rémunère

une ouvrière ou un ouvrier qui fait 70 heures supplémentaires par mois 3700 yuans (446 euros) et il

bénéficie de toutes les assurances sociales requises par la loi. A Taiqiang Plastic Products, l’une des

usines investiguées par le CLW dans le présent rapport, les ouvrières et les ouvriers ne perçoivent

que 3200 yuans (386 euros) pour 130 heures supplémentaires dans le mois. Et ils ne bénéficient

3 http://www.chinalaborwatch.org/pro/proshow-113.html

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d’aucune couverture retraite. En d’autres termes, une ouvrière ou un ouvrier du jouet faisant près de

deux fois plus d’heures supplémentaires que dans le secteur de l’électronique est payé 15% moins.

Les horaires à rallonge, le niveau des salaires, l’assurance sociale tronquée ne constituent que

quelques aspects des violations qui perdurent dans l’industrie du jouet. En comparaison de leurs

collègues des autres industries, les ouvriers du jouet vivent dans des dortoirs plus miteux, plus

surpeuplés, travaillent dans des conditions plus précaires et sont plus souvent victimes de fraudes

dans le paiement de leurs heures supplémentaires.

Le triste état des conditions de travail dans l’industrie du jouet est le reflet de l’échec des grandes

marques comme Mattel et des initiatives privées comme celle de la Fédération internationale des

industries du jouet (ICTI), à faire respecter leurs codes de conduite.

Si de sérieux efforts ne sont pas faits pour mettre un terme aux violations chroniques, ces quinze

dernières années ne marqueront peut-être que le début d’un tragique héritage.

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RAPPORTS INDIVIDUELS DES ENQUÊTES

MENÉES AUPRÈS DE SIX FOURNISSEURS

DE MATTEL EN CHINE

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1 - BAODE TOY FACTORY

Principales violations éthiques et légales

Discrimination à l’embauche: l’entreprise n’embauche aucune personne de plus de 42 ans. Elle

ne recrute ni femmes enceintes, ni personnes tatouées.

La formation des travailleurs et des travailleuses est superficielle. Elle ne couvre pas les

questions de santé et de sécurité et ne dure qu’une heure et demie, au lieu des 24 heures

prévues par la loi.

Les pièces d’identité des candidat-e-s à l’embauche sont indument conservées pendant une

journée par la direction, ce qui est contraire à la loi.

Les personnes embauchées doivent signer des contrats en blanc.

Les salaires sont régulièrement payés avec un mois de retard.

Les employé-e-s travaillent jusqu’à 13 heures par jour et font jusqu’à 100 heures

supplémentaires par mois, bien au-delà de la limite légale de 36 heures.

Les travailleurs et les travailleuses doivent changer d’équipe (équipe de jour/équipe de nuit)

une fois par semaine.

30 minutes de travail chaque jour pour chaque salarié-e sont impayées. Cela représente entre

3,6 et 18 millions de yuans (soit entre 435 000 et 2 200 000 euros ) qui sont volés aux

salarié-e-s.

Baode ne verse pas l’ensemble des cotisations sociales prévues par la loi, pour l’ensemble des

employé-é-s.

Les dortoirs sont surpeuplés avec dix personnes par chambrée.

La température n’est pas régulée dans les chambres et la gestion des dortoirs est négligée.

Les employé-e-s travaillant de jour et celles et ceux travaillant de nuit sont logé-e-s dans les

mêmes chambres dortoirs, ce qui affecte leur sommeil.

Les installations sanitaires dans la cantine et sur les lieux de travail sont rudimentaires.

La température dans les ateliers de production n’est pas maîtrisée. Baode ne verse pas de

prime lorsque la température dépasse les 33°, contrairement à ce que prévoit la loi.

En raison des hautes températures dans les ateliers de production, et en l’absence de

formation adéquate sur la sécurité, les ouvrières et les ouvriers ne portent pas les

équipements de protection adéquats.

Les employé-e-s passent des examens physiques chaque année, mais les résultats de ces

examens ne leur sont pas communiqués.

Des déchets toxiques sont jetés dans les poubelles ordinaires, les eaux usées sont évacuées

dans un étang proche et l’usage de produits chimiques caustiques est caché aux inspecteurs.

Les sorties de secours sont entravées et des fraudes ont été observées lors d’une inspection

des bouches d’incendies et des extincteurs.

Il n’existe pas de mécanisme de plainte efficace. Les travailleuses et les travailleurs affiliés au

syndicat ne savent pas ce que fait le syndicat.

Le salaire versé aux employé-e-s ne correspond pas à un salaire vital.

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Présentation de l’usine

La fabrique de jouets Guanlan Baode (ci-dessous « Baode ») est installée dans la commune de Niuhu,

dans le district Boan de Shenzhen (province de Guangdong). Elle est une joint-venture entre la

compagnie hongkongaise Baofa et la société Baoyu de Shenzen.

Baode fabrique principalement des jouets en plastique. Parmi ses principaux clients figurent Mattel

et Disney. Toute sa production est vendue en Europe et aux Etats-Unis. La compagnie hongkongaise

Baofa est membre de la Fédération du jouet de Hong Kong et est certifiée par l’ICTI.

Au moment de l’enquête, l’entreprise comptait au total quelque 2 000 employé-e-s, parmi lesquels

70% d’hommes. En période de forte production, elle compte plus de 10 000 employé-e-s. Les

principaux ateliers de production sont ceux du découpage, des produits semi-finis, de la peinture, de

l’imprimerie, du moulage, du collage, de l’assemblage, du placage, du contrôle qualité et des

matériaux mixtes.

Embauche et formation

Le mois de mai correspond à une période de pic de

production. A cette période de l’année, l’usine embauche

directement de nombreux-ses employé-e-s. Elle ne recrute

que des travailleuses et travailleurs âgés de 18 à 42. Elle

n’embauche ni femmes enceintes, ni hommes aux cheveux

longs ou avec des tatouages. L’enquêteur a pu observer que

la candidature d’une femme un peu forte, suspectée du fait

de sa corpulence d’être enceinte, a été rejetée.

Les formations sont conduites dans la salle de formation de

l’usine. La session de formation dure en tout une heure et

demie. Le service des ressources humaines y présente

l’entreprise, les salaires, les avantages, le règlement, les

sanctions et les droits du travail pendant une demi-heure.

A l’issue de la séance, les participant-e-s doivent signer un

formulaire de formation qui dresse la liste des sujets

prétendument abordés lors de la session dont : les mesures de sécurité, l’environnement et la santé,

etc. Autant de sujets qui ne sont pas réellement traités pendant la séance de formation.

Un représentant du comité sur la sécurité au travail montre ensuite pendant une dizaine de minutes

comment se servir d’un extincteur, mais tous les participant-e-s n’entendent pas ce que dit

l’instructeur. A la fin de la session, les participant-e-s sont soumis à un examen sur les mesures de

sécurité. Cependant, s’ils ne connaissent pas la réponse aux questions posées, les participant-e-s

peuvent demander à leurs voisin-e-s. Et les résultats des examens ne sont pas communiqués.

Affiche présentant explicitement les restrictions à l'embauche (àge, grossesse, etc.) © CLW

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Les participant-e-s sont ensuite conduit-e-s au service des ressources humaines où ils remplissent

leur contrat, leur fiche d’identification, leur déclaration d’absence d’antécédents judiciaires et

déclinent leur situation familiale et parentale. Ils se voient un « manuel du travail » ainsi que le

règlement sur la prévention des incendies.

Le personnel des ressources humaines n’indique pas aux employé-e-s comment remplir les différents

formulaires. Les personnes qui ne remplissent pas correctement les formulaires sont rappelées à

l’ordre, et se font réprimander par le personnel des ressources humaines.

Une carte d’identification est ensuite remise à chaque employé-e, avec indication de l’atelier de

production auquel chacun-e est affecté-e. Ces affectations ne sont pas négociables, et il n’est pas

possible d’en changer.

Aucun examen médical n’est pratiqué sur les travailleuses et les travailleurs avant leur prise de poste,

et aucun uniforme ou aucune tenue de travail ne leur sont fournis.

Les pièces d’identité des nouveaux employés et des nouvelles employées ne leur sont rendues que le

lendemain, et aucune explication n’est fournie.

Contrats de travail

Après avoir été formés, les nouvelles recrues sont invitées à signer leur contrat de travail. Le contrat

est fourni en double exemplaire, et il leur est demandé d’y inscrire leur nom, genre, numéro de pièce

d’identité adresse et numéro de téléphone et de le signer. Mais outre ces mentions, le contrat est

totalement vierge : ni la date d’embauche, ni le descriptif du poste, ni la durée de la période d’essai

ne sont indiqués. Les travailleuses et les travailleurs ne reçoivent copie du contrat qu’ils ont signé

qu’une semaine plus tard.

Le salaire est supposé être payé le 22 de chaque mois mais la plupart du temps, la direction retarde

la date de paiement des salaires. En avril par exemple, le personnel de Baode n’a été payé que le 27.

Certaines personnes de l’atelier de découpage ont même dû attendre le 31 mai.

Le contrat stipule que l’employeur et l’employé-e doivent, conformément à la loi, cotiser à une

assurance sociale. Néanmoins, la direction de Baode ne cotise pas.

Nouvelles recrues signant les contrats de travail et attendant les formalités d'embauche

© CLW

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Heures de travail

La durée du travail normale est de huit heures par jour, cinq jours par semaine. La journée de travail

commence à 8h le matin et court jusqu’ à 17h, avec une pause déjeuner d’une heure entre midi et

13h. Les heures supplémentaires commencent à 18h et sont organisées par l’entreprise en fonction

des besoins de production. Les ouvrières et les ouvriers de l’atelier d’habillement font jusqu’à cinq

heures supplémentaires par jour pendant les pics de production, et deux heures le reste du temps.

Pendant les pics de production, les travailleuses et les travailleurs font généralement plus de 100

heures supplémentaires par mois, soit plus de trois fois la limite autorisée par la loi (36 heures par

mois).

Outre les heures supplémentaires effectuées en semaine, l’usine en propose également pendant le

week-end. Une liste des ouvrières et des ouvriers appelés à travailler le week-end est établie par la

direction, et les travailleuses et les travailleurs qui ne souhaitent pas travailler le week-end doivent

remplir un formulaire de demande et obtenir l’accord de la direction de ne pas travailler le week-

end.

Les ateliers de placage et de découpage fonctionnent en shifts de jour et shifts de nuit. Les équipes

de jour et de nuit s’intervertissent une fois par semaine à l’atelier de découpage, toutes les deux

semaines à l’atelier de placage.

Trois fois par jour, les ouvrières et les ouvriers de l’équipe de jour doivent pointer dix minutes avant

leur prise ou reprise de service. Ces 30 minutes ne sont pas comptées comme temps de travail.

Ce pointage est effectué manuellement, les retards étant inscrits en rouge. Si une personne arrive

avec cinq minutes de retard, les agents de sécurité lui interdise l’entrée et la journée ne leur est pas

payée. Omettre de pointer est également considéré comme une absence. Trois absences entraînent

le licenciement.

Contrats de travail en blanc © CLW

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Salaires

Hors pic de production, le revenu mensuel est inférieur à 2 000 yuans (242 euros). La prime pour le

travail de nuit est de 3 yuans (0,36 euros) par jour. Les ouvrières et les ouvriers des ateliers

d’habillement, de peinture et d’emballage sont soumis à des quotas de production établis par leurs

superviseurs sans, généralement, qu’ils soient informés à l’avance du niveau de ces quotas. Si les

quotas ne sont pas atteints, la rémunération se fait à la pièce.

Lors de la présentation de l’usine aux employé-e-s, la direction leur explique qu’elle cotise pour

l’assurance sociale et que les congés maladie sont autorisés. Mais l’usine ne cotise pas pour

l’assurance retraite ou maternité. L’assurance santé coûte 4 yuans (0,50 euro ) par mois, et

l’assurance chômage 16 yuans (2 euros ) par mois. Le droit au congé maladie n’est pas appliqué et

une personne malade doit utiliser un congé classique si elle doit s’absenter.

L’usine ne souscrit d’assurance retraite que pour les femmes de 45 ans ou plus, et pour les hommes

de 55 ans ou plus. A ce titre, un prélèvement de 128 yuans (15,50 euros) est automatiquement

déduit de leur salaire.

Conditions de vie

L’usine ne prend en charge ni les repas ni l’hébergement du personnel. Des dortoirs sont mis à leur

disposition par l’entreprise Baoyu (l’une des deux sociétés de la joint-venture Baode). Les chambrées

accueillent dix personnes chacune. Chacun-e doit s’acquitter d’un loyer mensuel de 30 yuans (3,60

euros) auxquels s’ajoutent 30 yuans de charges pour les installations communes. Il n’y a ni eau

chaude, ni ventilateurs dans les dortoirs. Le toit est en tôle et il y fait très chaud pendant l’été.

Il y a des responsables administratifs pour chaque dortoir mais ils sont inactifs. Par exemple, ils

refusent de réparer les serrures lorsqu’elles sont hors d’usage. Des personnes étrangères aux

dortoirs peuvent y pénétrer en l’absence de surveillance. Les équipes de jour et celles de nuit

cohabitent dans les mêmes chambres, ce qui trouble leur sommeil.

Chambrée de dortoir à Baode © CLW Cuisine commune dans un dortoir de Baode © CLW

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Des chambres individuelles sont proposées aux couples mariés. Il leur en coûte 180 à 200 yuans (22 à

24 euros) de loyer mensuel hors charges. L’électricité leur est facturée 1 yuan (0,12 euros) le KwH et

l’eau 2,5 yuans (0,30 euros) les mille litres.

La cantine est également gérée par Baoyu. Le repas coûte 5 yuans (0,60 euros) mais les travailleuses

et les travailleurs le jugent trop peu copieux. S’ils veulent une portion suffisante pour se rassasier, il

leur en coûte le double. Les conditions sanitaires sont précaires : le personnel de la cantine ne porte

ni gants, ni masque. Ni les plateaux de service, ni les baguettes ne sont désinfectés après usage.

Il y a de nombreux petits restaurants à proximité de l’usine. Les conditions sanitaires y sont

mauvaises mais un repas plus copieux ne coûte que 6 yuans (0,72 euros). Ces repas sont servis dans

des boîtes en carton et le riz est mal cuit. Certain-e-s employé-e-s ont été malades après avoir mangé

dans ces restaurants et ne veulent plus y retourner. Beaucoup préfèrent désormais apporter leur

repas ou se faire la cuisine à l’issue de leur journée de travail. Ils ne consomment parfois que des bols

de nouilles instantanées.

Dans l’atelier de découpage, les ouvrières et les ouvriers n’ont qu’une demi-heure pour se restaurer

et, pour gagner du temps, ils préfèrent apporter leur propre nourriture.

Santé et sécurité au travail

Les travailleuses et les travailleurs reçoivent une formation rudimentaire pour apprendre à se servir

d’un extincteur mais rien de plus.

Les ateliers sont équipés de ventilateurs mais les toits sont en tôle et retiennent la chaleur et

l’humidité en été. C’est dans les ateliers de découpe, de collage et dans celui des produits semi-finis

que la situation est la pire. Quand il fait 28 degrés à l’extérieur, le thermomètre monte à 35 degrés à

l’intérieur et les travailleurs sont rapidement trempés de sueur. Les hommes sont dans ce cas

autorisés à travailler torse nu et en tongs.

Les ouvrières et les ouvriers de l’atelier d’assemblage sont équipés

de bonnets, celles et ceux de l’atelier matériels divers sont dotés de

masques, de bouchons d’oreille et de gants. Celles et ceux de

l’atelier de peinture disposent de masques à charbon actif en

raison d’émanations toxiques de benzène. Ces masques sont très

fins et contiennent une couche de charbon. Les ouvrières et les

ouvriers n’utilisent pas ces masques car ils les pensent inefficaces

et ils leur tiennent chaud. S’ils ne demandent pas un masque à leur

superviseur, ils ne s’en voient pas proposer. Les gants ne sont

remplacés que quand ils sont totalement usés. Les ouvrières et les

ouvriers des ateliers d’impression et de peinture sont exposés à

des émanations de diluants et d’éthanol. Les seaux dans lesquels

ces produits sont conservés ne sont pas hermétiquement fermés.

L’odeur forte de ces produits se répand dans les ateliers. Certains

nouveaux venus disent ne pas la supporter. Beaucoup disent être victimes de nausées.

Masque de protection © CLW

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Toutes les travailleuses et tous les travailleurs sont soumis à un examen médical par an, organisé par

et dans l’usine. Mais les résultats ne sont jamais communiqués..

Les machines de l’usine ne sont pas contrôlées régulièrement et les enquêteurs n’ont trouvé aucun

registre d’inspections.

Plusieurs accidents du travail ont été rapportés aux enquêteurs. Un ouvrier a par exemple eu la main

écrasée dans une machine à mouler et un autre a été assommé par une pièce métallique.

Des kits de première urgence basiques sont disposés dans l’usine. Ils contiennent du coton, une

solution désinfectante, des anti-inflammatoires et des antihémorragiques. Mais dans les dortoirs, il

n’y a ni kits de première urgence, ni dispensaire.

Les chefs d’équipe n’ont aucune connaissance en matière de sécurité

incendie. Ils n’interviennent donc pas malgré la présence de sorties de

secours encombrées ou fermées à clé.

Les extincteurs sont théoriquement contrôlés régulièrement et il

existe registre des inspections. Mais l’un des enquêteurs a constaté

que des responsables remplissaient le registre d’inspection sans avoir

procédé au moindre contrôle préalable.

Dans les dortoirs, les extincteurs sont vieux et leur état de

fonctionnement n’est jamais contrôlé. Il n’existe pas de bouche

d’incendie, ni dans les locaux, ni à proximité. Malgré cela, les

occupants sont autorisés à utiliser sur place des appareils électriques.

Environnement, hygiène et salubrité

Les déchets de l’usine et les résidus toxiques sont jetés sans aucun tri préalable dans les poubelles

qui s’entassent à l’extérieur de l’usine. Elles polluent le sol, attirent les moustiques et exhalent une

odeur fétide. Les eaux usées sont déversées dans un étang à l’extérieur de l’usine mais, en cas de

fortes pluies, cet étang déborde et les eaux s’infiltrent dans l’usine. Des planches et des sacs de sable

ont été disposés pour tenter d’y remédier. L’eau s’accumule devant l’entrée de l’usine exhalant une

odeur âcre et obligeant les travailleurs et les travailleuses à marcher pieds nus dans ce bourbier ce

qui leur provoque éruptions cutanées et démangeaisons sur les jambes.

Sortie de secours maintenue fermée à clé. © CLW

Déchets jetés dans un étang à l'extérieur de l'usine. © CLW

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En période de fortes pluies, des fuites ont

été constatées dans le toit des ateliers.

Nul n’est en charge de l’entretien des

toilettes dont le sol, noir de saleté, est

jonché de mégots et de pepier toilette. Il n’y

que deux ou trois toilettes par atelier (soit

pour environ trois cents personnes). Aucun

panneau ne distingue les toilettes pour

hommes de celles pour femmes et la porte

des toilettes pour femmes ne ferme pas à

clé. Quand les toilettes sont bouchées,

personne n’intervient.

Sanctions

Un retard de cinq minutes entraîne une interdiction d’entrée et la journée est comptabilisée comme

une absence. Trois absences consécutives sont considérées comme une démission et les salaires dus

ne sont alors pas versés.

Selon le règlement intérieur, tout employé reçoit un “avertissement normal” s’il ne porte pas son

badge, s’il prend son service en retard ou le quitte avant l’heure. Une demi-journée de travail lui est

déduite de sa paye s’il ne revêt pas son équipement de protection, s’il omet de se présenter à une

séance de formation, s’il porte des tongs pendant son service ou s’il jette des ordures hors des

dispositifs prévus à cet effet.

Un “avertissement grave” est adressé à

celles et ceux qui pointent pour un

camarade ou dans un autre atelier que le

leur ou falsifient un badge. Même sanction

en cas de neuf pointages hors délai (trop

tard ou trop tôt), en cas de deux jours

consécutifs d’absence, en cas de non-respect

des procédures ou des positions de travail.

Idem si l’on est pris en train de lire ou de

s’endormir pendant les heures de travail, si

l’on refuse d’obéir à la direction ou si l’on

apporte dans l’atelier des objets n’étant pas

utiles au le travail à effectuer.

Ne nombreux ouvriers et ouvrières disent se faire insulter par leurs superviseurs. L’un des

superviseurs a par exemple invectivé des ouvriers de l’atelier de produits semi-finis en leur criant

« flingue-toi », « détruis-toi » et « tue-toi ».

Ouvrières marchant dans les eaux de débordement polluées © CLW

Dans un atelier de production de Baode © CLW

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Mécanismes de plainte

Il existe un syndicat à Baode. Mais les employé-e-s ignorent s’il y a des représentants du personnel

dans l’usine. Les travailleuses et les travailleurs, y compris ceux qui travaillent dans le syndicat,

ignorent ce que fait le syndicat.

S’ils ont des problèmes, les travailleuses et les travailleurs peuvent s’adresser oralement à leur chef

de service ainsi qu’à leurs responsables administratifs. Selon les témoignages recueillis par les

enquêteurs, plusieurs plaintes sont déposées, mais leurs interlocuteurs se disent incapables de

donner une réponse. S’ils s’adressent au syndicat, ils sont mal accueillis et aucune consultation n’est

possible.

En mai 2011, les ouvriers de l’atelier de découpage ont fait une grève de deux jours pour obtenir une

indemnité de forte chaleur. La direction leur a fait connaître son accord de principe mais aucune

indemnité ne leur a jamais été versée.

Travailleuses et travailleurs étudiants stagiaires

D’après les témoignages recueillis auprès des travailleuses et des travailleurs de Baode, l’usine

emploie des élèves d’écoles secondaires d’enseignement technique de l’intérieur du pays (provinces

de Hubei, Hunan, Sichuan, Shanxi, Yunnan, Guizhou et Guangxi). Ils font des stages rémunérés de

trois ou quatre mois. Ils font le même travail et les mêmes horaires que les autres ouvrières et

ouvriers, y compris des heures supplémentaires. Mais celles-ci ne leur sont pas payées. Les

professeurs de ces écoles techniques demandent aux travailleuses et travailleurs permanents de

l’usine de ne pas révéler aux élèves stagiaires que les heures supplémentaires qu’ils font doivent

théoriquement leur être payées. Pour chaque heure supplémentaire effectuée par un stagiaire, son

professeur perçoit en retour 4 yuans (0,50 euro).

Baode aurait recruté quelque 10 000 stagiaires pour la saison haute en 2011 (juin et juillet).

Sous-traitance de la production

Selon les travailleuses et travailleurs de Baode, quand l’entreprise manque de main d’œuvre pour

certaines commandes , des entreprises sous-traitantes sont sollicitées, parmi lesquelles Dongguan

Tongxing Plastics Company, Dongguan Gaoda Electronics Company et Dongguan Tangxia Hongsheng

Plastics and Metals Company.

Inspections des clients

D’après des témoignages recueillis par les inspecteurs du CLW, une entreprise cliente de Baode a

demandé à inspecter les conditions de travail en 2011. Avant son arrivée, les employés ont été

avertis et priés de se préparer. Les ateliers ont été nettoyés et le registre des présences a été

correctement mis à jour. Les travailleuses et les travailleurs ont dû revêtir impérativement leur

équipement de protection et arborer leur carte professionnelle, ce qui ne se faisait pas

habituellement.

D’après les employés de Baode, les inspections de ce type sont toutefois rarissimes.

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Les travailleuses et travailleurs interrogés disent n’avoir pas remarqué la présence d’une affichette

de la Fédération internationale des industries du jouet (ICTI) et tout ignorer de cette organisation.

Absence de salaire vital

Les ouvrières et les ouvriers de Baode touchent le salaire de base minimum imposé localement, soit

1 600 yuans (193 euros) par mois. Même en se résignant à vivre à l’étroit dans des dortoirs insalubres

et en limitant leurs dépenses au strict minimum vital ils parviennent tout juste à joindre les deux

bouts. Ils ne peuvent espérer faire d’économies qu’en faisant un maximum d’heures

supplémentaires, et en travaillant au moins 11 heures par jour. Une situation qui rend impossible

toute vie de famille.

Mouvement social

En août 2013, des centaines de travailleuses et travailleurs de Baode se sont mis en grève pour

réclamer le paiement des cotisations sociales impayées.

Ci-dessous, les traductions des lettres adressées par les travailleuses et travailleurs à la direction de

l’usine ainsi qu’au syndicat local et des images de la grève. Les photos et documents ont tous été

fournis aux enquêteurs du CLW par les travailleuses et travailleurs impliqués dans l’action. Ces

derniers n’ont finalement obtenu que le paiement des indemnités de forte chaleur impayées.

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Traduction du document ci-dessus :

Requête de négociation collective

A : Guanlan Baode Toy factory (Shenzhen)

Syndicat de Shenzhen

Nous sommes 322 travailleuses et travailleurs de l’usine de jouets de Guanlan Baode. Pour 85 d’entre

nous, l’usine n’a versé aucune cotisation sociale. Pour les 237 autres, les cotisations n’ont commencé

à être payées qu’à partir de 2008. Beaucoup d’entre nous travaillent pour Baode depuis 1989, lorsque

l’usine a été construite. Nous avons donc servi non seulement l’usine, mais aussi la ville. Dans la

mesure où Baode n’a pas payé de cotisations sociales pour nous, comme le prévoit le Règlement sur

l’assurance sociale pour les employés dans la zone économique spéciale de Shenzhen, la plupart

d’entre nous ne touchera pas de retraite ou touchera une retraite plus faible qu’elle ne devrait l’être.

Nous avons sollicité les personnels appropriés de l’usine à plusieurs reprises, mais à ce jour, nous

n’avons reçu aucun retour positif de leur part. Récemment, plusieurs travailleuses et travailleurs ont

été très insatisfaits par l’attitude de l’usine et pensent à se mettre grève ou organiser une

manifestation. Les représentants que nous avons élus ont déployé des efforts considérables pour

convaincre l’usine, espérant que le conflit pourrait être résolu par le dialogue, en évitant un conflit

inutile.

Ce conflit est la conséquence de la conduite illégale de l’usine. Nous ne souhaitons pas que ce conflit

affecte négativement l’usine. C’est pourquoi nous demandons formellement à l’usine de négocier

avec nous. Nous exhortons l’usine à nommer des représentants au plus tôt afin de discuter avec nos

représentants au sujet du paiement des cotisations sociales impayées.

Contenu de la négociation : paiement et compensation des impayés de cotisations sociales.

Demande à l’usine : répondre au plus tard le 31 juillet 2013

Nous espérons que l’usine répondra à notre demande positivement. Si des erreurs continuent d’être

commises, elles pourraient avoir un impact très négatif sur la société. Nous demandons au syndicat

des travailleurs de Shenzhen de nous soutenir et de nommer du personnel pour nous conseiller sur ce

dossier et suivre les négociations.

Travailleuses et travailleurs de l’usine de jouets de Guanlan Baode

19/07/2013

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Traduction du document ci-dessus

Dernière notification de requête de négociation collective

A :

Usine de jouets de Guanlan Baode

Nous, les 322 travailleuses et travailleurs de l’usine de jouets de Guanlan Baode, avons adressé une

requête de négociation collective le 24 juillet dernier, pour demander à l’usine de négocier le plus

rapidement possible avec nos représentants au sujet des cotisation sociales impayées et

indemnisations. Nous avons demandé une réponse positive pour le 31 juillet au plus tard. Nous avons

fait preuve d’une grande retenue, espérant une résolution du conflit par la négociation. Cependant,

l’usine a usé de tous types d’excuses pour rejeté la demande de négociation honnêtes avec les

travailleuses et les travailleurs.

Nous avons décidé d’envoyer une dernière notification, et de demander à l’usine de répondre

positivement à notre demande de négociation. L’usine devrait notamment nommer des représentants

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dotés du pouvoir nécessaire pour proposer un lieu et une date pour organiser des négociations avec

les travailleuses et les travailleurs.

Si l’entreprise continue d’ignorer notre demande, et par là-même nuit délibérément à l’atmosphère

harmonieuse qui règne au sein de l’usine, nous prendrons les mesures nécessaires pour protéger nos

droits et exprimer nos demandes.

Entretemps, nous demandons à des représentants du Gouvernement de Shenzhen et au syndicat des

travailleurs de Shenzhen de nous aider dans nos activités. Cette dernière notification sera également

envoyée au Gouvernement et eu syndicat des travailleurs de Shenzhen.

Travailleuses et travailleurs de l’usine de jouets de Guanlan Baode

01/08/2013

Traduction du document ci-dessus

Demandes

1. Nous demandons à l’usine de payer les cotisations retraite impayées depuis 1999. La loi chinoise

dispose que l’usine doit payer les cotisations retraite pour les travailleuses et les travailleurs depuis

1999.

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2. Nous souhaitons qu’une demande conjointe, des travailleuses et travailleurs et de l’usine, soit

adressée au Département des assurances sociales, pour demander les paiement rétroactif des

cotisations sociales.

3. Nous demandons à ce que les dispositions de la loi chinoise concernant les pénalités qui s’imposent

en cas de paiement différé soient appliquées.

4. Nous demandons à l’usine de fournir une subvention pour couvrir l’interruption de prise en compte

de l’ancienneté en 2007.

Employé-e-s de l’usine de jouets de Guanlan Baode

18 septembre 2013

Photos prises par les travailleuses et les travailleurs de Baode pendant la grève du 8 août 2013, des grévistes réunis devant l'usine en signe de protestation. © CLW

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2 – DONGGUAN DONGYAO TOYS CO. LTD

Principales violations éthiques et légales

La formation des travailleuses et des travailleurs sur la santé et la sécurité au travail n’est que de 30 minutes (alors que la loi chinoise requiert une formation de 24 heures) et elle est insuffisante.

Dongyao ne paie pas l’ensemble des cotisations sociales prévues par la loi pour l’ensemble des employé-e-s.

Certaines heures de travail le week-end sont frauduleusement comptabilisées en heure de semaine, et payée au tarif de semaine au lieu du taux majoré qui s’applique selon la loi pour les heures travaillées le week-end. L’économie qu’elle réalise ainsi indument est évaluée à 1,8 million de yuans (près de 217 200 euros) par an.

Les ouvrières et les ouvriers travaillent 11 heures par jour et font en 100 heures supplémentaires par mois, trois fois la limite maximum autorisée par la loi (de 36 heures supplémentaires par mois).

Les dortoirs sont surpeuplés et comptent jusqu’à 12 personnes par chambrée.

Il n’y a pas d’eau chaude dans les douches des dortoirs.

La pression des extincteurs installés dans l’usine est excessive (risques d’explosion).

Compte tenu du caractère lacunaire de la formation sur la santé et la sécurité au travail, les ouvrières et les ouvriers n’ont pas conscience des dangers qu’ils courent. En conséquence, beaucoup ne portent pas leur équipement de protection et ne respectent pas les protocoles de maniement des machines.

L’usine ne fournit pas de matériel de protection aux employé-e-s. Ces derniers doivent en faire la demande.

Les travailleuses et les travailleurs paient 3 yuans (0,49 dollars/0,36 euros) par mois de frais d’adhésion au syndicat, mais le syndicat est totalement inactif.

Absence de mécanisme de plainte efficace.

Les salaires sont insuffisants pour vivre dignement.

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Présentation de l’usine

Dongguan Dongyao Toys Co., Ltd appartient à Dongyao, une compagnie de Hong Kong. Elle produit

principalement des jouets en plastique, des peluches et des jouets électroniques pour les marchés

européen et américain. La maison-mère s’est établie à Hong Kong en mars 2006 et a installé sa filiale

à Dongguan sous le nom de Dongguan Dongyao Toys Co en septembre de la même année.

Son principal client est Mattel.

L’entreprise compte trois bâtiments de quatre

étages chacun. Elle compte également deux

dortoirs. Ses différents ateliers sont : machine à

coudre, découpage, couture à la main,

sérigraphie, moulage, peinture, électronique,

broderie, conditionnement et entrepôt des

produits finis. Elle emploie actuellement environ

1 500 personnes dont les deux tiers sont des

hommes.

Formation

La formation des nouvelles recrues prend environ 30

minutes. On vérifie leurs informations personnelles

avant de leur remettre un manuel et les horaires de

travail. La formation consiste à leur présenter le

règlement de l’entreprise, les horaires normaux de

travail, les avantages (congés de mariage, de maternité

ou maladie), les mesures de sécurité professionnelle

(deux vidéos leur sont présentées), la restauration,

l’hébergement et l’assurance sociale.

A l’issue de cette séance de formation, les nouveaux

venus signent leur contrat de travail ainsi que divers

documents dont un formulaire leur demandant s’ils

veulent ou non souscrire une assurance sociale, alors

que celle-ci est obligatoire selon la loi chinoise.

Prise en charge de la tenue de travail et des badges

D’après le manuel du travail, en cas de perte ou de

destruction des objets ou effets qui leur sont remis lors

Emballage de produits fabriqués à Dongyao. Les mentions cerclées de rouge font référence à la marque Fisher-Price, produite par Mattel. © CLW

formulaire à remplir, avec des cases à cocher au choix concernant l'assurance sociale "souhaite contracter" et "ne souhaite pas contracter". © CLW

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de leur prise de fonction, les employé-e-s doivent rembourser: le carte d’identification de l’entreprise

(1,1 yuan soit 0,18 dollar), badge personnel (0,5 yuan soit 1,3 euro), uniforme d’hiver (19,5 yuan soit

2,35 euros), uniforme d’été (14,5 yuans soit 1,75 euro), bonnet de travail (4,5 yuans soit 0,50 euro).

Ces objets et effets leur sont théoriquement fournis gratuitement à leur arrivée mais certain-e-s

employé-e-s ont affirmé que le coût leur avait été défalqué de leur salaire. D’autres croient savoir

que seuls les personnes embauchées pour moins d’un an bénéficient de la gratuité mais il est

probable, sur la base des témoignages, que le coût leur en soit décompté au terme de leur contrat.

Contrats de travail

Les employé-e-s doivent indiquer sur leur contrat de travail leurs nom, adresse, numéro de pièce

d’identité et numéro de téléphone et signer. L’empreinte digitale de chaque employé-e est

également requise sur le contrat de travail. La durée du contrat est de trois ans sans période d’essai

et cela est spécifiquement signifié par le responsable du personnel qui assiste à la signature.

Interrogés sur le contenu de ces contrats, la douzaine d’ouvrières et d’ouvriers interviewés par les

enquêteurs ont été dans l’incapacité de décrire le contenu de leur contrat.

Heures de travail

Selon le manuel du travail, l’horaire normal est de 6,67 heures de travail par jour, six jours par

semaine, 26 jours par mois.

A l’atelier de moulage, l’horaire normal est de 7h45 à 11h30 ou midi et de 12h30 à 15h15. Les

pauses-déjeuner se prennent en tours successifs. Quand un ouvrier prend sa pause, l’un de ses

collègues occupe pendant une demi-heure deux postes de travail.

Hormis la demi-heure de pause, chaque ouvrière et chaque ouvrier travaille sept heures par jour,

incluant 20 minutes d’heure supplémentaire.

Celles et ceux qui ne veulent pas faire d’heures supplémentaires (en dehors des 20 minutes

obligatoires), terminent leur journée à 15h15. Pour cela, ils doivent en informer verbalement leur

superviseur direct. Celles et ceux qui sont d’accord pour faire des heures supplémentaires terminent

à 21h45, soit un total de 4 heures et 20 minutes supplémentaires par jour.

Sauf en mars et avril de cette année, période pendant laquelle il n’y a pratiquement pas eu d’heures

supplémentaires, les employés font environ 100 heures supplémentaires par mois.

Salaires

En comptant les heures supplémentaires (4 heures par jour en moyenne) et l’indemnité de forte

chaleur versée de juin à octobre, un ouvrier de l’atelier de moulage (où l’enquête a été menée)

touche environ 2 800 yuans (338 euros) bruts par mois, soit 2 500 yuans (302 euros) net.

L’assurance sociale couvre la retraite, le chômage, la santé, les accidents du travail et la maternité.

La loi chinoise dispose que l’ensemble de ces assurances sont obligatoires. Mais Dongyao, en

contravention de la loi, propose un choix à ses employé-e-s. Ainsi, celles et ceux qui ne désirent pas

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cette assurance globale, peuvent ne souscrire qu’une assurance réduite ne couvrant que les frais de

santé et les accidents du travail. Pour cela l’entreprise leur retient chaque mois 9,06 yuans (1,10

euro).

Congés

Les employé-e-s bénéficient en théorie de congés payés dont les 11 jours fériés légaux, les congés

pour maternité, maladie (sur présentation d’un certificat médical), mariage et funérailles. Toutefois,

les enquêteurs du CLW n’ont rencontré aucun employé ayant joui en totalité de ces congés.

Conditions de vie

La cantine peut accueillir environ 200 personnes. Il en coûte 7 yuans (0,85 euro) par jour pour trois

repas, payables en tickets-repas délivrés par l’entreprise.

La qualité des repas est médiocre. Les enquêteurs du CLW ont retrouvé des fils de plastique, des

légumes sales et pourris dans leurs assiettes.

Certain-e-s employé-e-s préfèrent prendre leur repas à l’extérieur de l’usine bien que cela soit plus

cher (10 à 12 yuan par repas soit 1,20 à 1,40 euro).

Dans les dortoirs, chaque chambrée est équipée de six lits superposés pouvant donc accueillir douze

personnes mais, en moyenne, il n’y en a que six à huit. Il y a des toilettes et des douches dans

chaque chambre. Il n’y a pas d’eau chaude. Une grande bouilloire où chacun peut se servir est

disponible à chaque étage du dortoir.

Il y a deux ventilateurs de plafond dans chaque chambre. Malgré cela, la chaleur reste étouffante, et

plusieurs employé-e-s couchent à même le sol pour tenter de se rafraîchir.

Dortoirs © CLW

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Les chambrées ne sont pas fermées, et les employé-e-s peuvent donc toutes et tous passer d’une

chambre à l’autre.

Sécurité

L’enquêteur du CLW a noté des anomalies sur certaines jauges de pression d’extincteurs, avec des

indications de pression trop élevée, et donc un risque d’explosion.

Des informations sur la sécurité au travail

sont fournies aux travailleuses et aux

travailleurs lors de l’embauche, via une

vidéo de moins de trois minutes. Les

nouvelles recrues doivent également

répondre à un questionnaire délivré par

l’administration et qui concerne

essentiellement le maniement des

machines. Mais en réalité, ils n’ont qu’à

recopier le modèle qui leur est fourni

simultanément. Il n’y a plus ensuite de

formation à la sécurité au travail.

Dans l’atelier de moulage où l’enquête a

été menée, le bruit et la chaleur (plus de

30 degrés) sont particulièrement difficiles à supporter. Les émanations de plastique fondu ont une

odeur irritante. Aucune ouvrière et aucun ouvrier ne porte d’équipement de protection, de masque

ou de bouchons d’oreille. Certains ont simplement une main gantée pour éviter de se brûler avec les

produits tout juste sortis de leur moule. Quand les ouvriers chargent leur machine avec les billes de

plastique, ils enfreignent souvent le

protocole d’utilisation.

Interrogés par le CLW pour savoir s’ils

disposaient d’équipements de

protection, les ouvrières et ouvriers ont

expliqué qu’il y en avait mais qu’il

fallait qu’ils aillent les demander eux-

mêmes à l’administration, l’entreprise

ne prenant pas l’initiative de les leur

remettre.

Mécanismes de plainte

Une cotisation mensuelle de 3 yuans

(0,36 euro) est obligatoire mais les

enquêteurs du CLW n’ont pas noté la moindre activité syndicale dans les ateliers ou dans les dortoirs.

Il y a une liste des représentants syndicaux affichée dans les dortoirs sans que l’on sache comment

Extincteur avec jauge de pression indiquant une pression trop élevée. © CLW

Ouvriers au travail,enfreignant les règles de sécurité. © CLW

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ces représentants ont été désignés. Cette liste porte le tampon de la Fédération des syndicats de

Humen (Humen Federation of Trade Unions). Une douzaine d’employés interrogés par le CLW ont

déclaré ne rien savoir de ce syndicat ou de ses représentants.

Le seul canal de transmission des plaintes est la boîte des doléances dans laquelle les employés

peuvent déposer par écrit leurs suggestions. Une boîte est installée aux rez-de-chaussée de chaque

dortoir. Les serrures rouillées de ces boîtes tendent à prouver qu’elles sont à l’abandon depuis

longtemps.

Lors de l’enquête du CLW, des travailleuses et des travailleurs ayant démissionné ont expliqué l’avoir

fait parce que leur salaire était insuffisant pour couvrir leurs dépenses.

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3 – FOSHAN CITY NANHAI SINO-AMERICAN TOY FACTORY

Principales violations de l’éthique et de la loi

La formation à la santé et la sécurité au travail dure une heure, au lieu des 24 heures imposées par la loi. Aucun mécanisme n’est mis en place pour s’assurer que les ouvrières et les ouvriers comprennent correctement l’information qui leur est fournie.

Les ouvrières et les ouvriers ne sont pas informés des risques de leur travail pour leur santé.

Aucun examen médical régulier n’est organisé par l’usine.

Les ouvriers font 84 heures supplémentaires par mois soit plus de deux fois plus que la limite légale chinoise de 36 heures.

De nombreux ouvriers et ouvrières travaillent debout dix heures par jour.

Les heures supplémentaires sont souvent obligatoires.

Certaines heures supplémentaires ne sont pas entièrement payées, ainsi une demi-heure travaillée en supplément, est rémunéré au tarif de 15 minutes. Cette fraude permet à l’entreprise d’économiser entre 374 000 et 5,2 millions de yuans (soit entre 45 000 et 627 000 euros ) par an.

Les dortoirs sont surpeuplés avec 12 personnes par chambrée.

Les travailleurs et les travailleuses de l’équipe de jour doivent cohabiter avec leurs collègues de l’équipe de nuit, ce qui perturbe le sommeil de tous et toutes.

Les douches n’ont pas d’eau chaude.

Il n’y a pas de prises de courant dans les chambrées.

Les équipements de protection sont mal ou pas du tout utilisés, soit parce que les ouvrières et les ouvriers n’en disposent pas, soit parce qu’ils ne comprennent pas les dangers qu’ils courent. Ainsi certains travailleurs et travailleuses de l’atelier de peinture travaillent toute la journée sans masque parce qu’ils n’ont pas conscience des dommages que peuvent leur causer les produits chimiques.

Il n’y a pas de sécurité incendie.

Les contremaîtres sont insultants envers les ouvrières et les ouvriers.

Il n’existe pas de mécanisme de plainte efficace. La plupart des travailleuses et des travailleurs ne savent pas qu’il existe un salarié à mi-temps en charge du syndicat.

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Présentation de l’usine

Etablie en 1984, Foshan City Nanhai Sino-American Toys Factory (que nous appellerons Nanhai dans

le reste de ce rapport d’enquête) est une joint-venture entre le gouvernement du Shishan et la

compagnie Mattel. Nanhai est spécialisée dans la production de jouets en plastique exportés vers

l’Europe et les Etats-Unis. Avec plus de 6 000 employé-e-s, est l’un des plus importants fabricants de

jouets de la province de Guangdong. Elle fabrique notamment des produits Barbie et Disney.

Mattel est très présent dans Nanhai. Son logo figure aussi bien sur les murs de l’usine que sur les

tableaux d’information, sur l’uniforme des employé-e-s, sur leurs badges et dans le manuel du travail

remis à chacun et chacune lors de son embauche.

Devanture de l'usine de Nanhai. © CLW

Parmi les fournisseurs de Nanhai figurent Qilide, Haodajing Precision Toys, Dongguan Keda, Qiwei

Plastics, Shunjing, and FoshanRongling Plastics.

Nanhai recourt à des intérimaires de la Yujun Moving Company pour les travaux de levage les plus

durs. Deux de ces intérimaires interrogés ont déclaré travailler 12 heures par jour pour un salaire

mensuel égal à celui des employé-e-s sous contrat, soit 2 600 yuans (314 euros). L’âge moyen de ces

intérimaires est de 40 ans car le métier n’attire pas les jeunes.

Recrutement et démission

Nanhai recrute principalement à l’entrée de l’usine, sur recommandation interne et par Internet.

L’usine emploie des jeunes de moins de 18 ans qui font le même travail que les adultes et ne

bénéficient d’aucune protection particulière, alors que la loi dispose qu’un régime spécial doit

théoriquement leur être appliqué.

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Au moment de l’enquête, aucune n’a été observée lors de l’embauche. Selon le service des

ressources humaines, l’entreprise prévoit des examens médicaux gratuits pour les ouvrières et les

ouvriers ayant une « certaine » ancienneté, sans autre précision.

La procédure de recrutement dure en tout et pour tout 3 heures. Les candidat-e-s retenu-e-s

commencent par remplir les formulaires pour donner leurs informations personnelles, ils reçoivent

ensuite une formation d’une heure seulement à la santé et la sécurité puis signent leur contrat et le

formulaire attestant qu’ils ont bien été formés. L’essentiel de la formation consiste en une vidéo faite

par Nanhai qui présente l’entreprise, le recrutement et les licenciements, les salaires, la sécurité

incendie, la sécurité au travail, l’utilisation des substances chimiques et les dispositions anti-

terroristes. Après la diffusion de cette vidéo, les nouvelles recrues doivent répondre à un

questionnaire portant sur ce qui vient de leur être montré. Ceux qui répondent correctement

reçoivent en cadeau une tasse à café.

La journée d’embauche et formation n’est pas rémunérée. Le salaire ne court qu’à partir du

lendemain avec la prise de fonction formelle, date officielle de début du contrat.

Il y a en moyenne 50 démissions par jour à Nanhai.

Contrats de travail

Les contrats prévoient un mois de période probatoire et arrivent tous à échéance à la fin de l’année

suivante. Y figurent la durée, la définition et les horaires du travail, les droits à congés, le salaire,

indemnités et avantages, l’assurance sociale, la sécurité, la prévention des maladies professionnelles,

les possibilités de modifier les termes ou la durée du contrat ainsi que les restrictions concernant les

changements de fonction.

Contrairement à ce que stipule le contrat, le niveau des heures supplémentaires dépasse largement

la limite des 36 heures par mois. L’entreprise omet d’autre part d’informer les ouvrières et les

ouvriers sur des risques d’accidents du travail.

Heures de travail

Les heures de travail officielles sont de huit heures par jour, cinq jours par semaine. Les ouvrières et

les ouvriers travaillent en réalité généralement dix heures par jour, six jours par semaine. Certains

travaillent debout.

Planning:

Equipe Horaire s Note

De jour 7:30 - 18:30 Pause déjeuner de 11:30 à 12:30

De nuit 19:30-6:30 Pause repas de 23:30 à 00:30

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Les travailleurs et les travailleuses peuvent demander verbalement à ne pas faire d’heures

supplémentaires, mais l’autorisation ne leur est pas toujours accordée, alors que la loi chinoise

dispose que les heures supplémentaires doivent impérativement être volontaires.

Les travailleuses et les travailleurs pointent à leur prise de service et leur présence est contrôlée par

leur chef d’équipe. Si quelqu’un oublie de pointer, il peut demander le témoignage de son chef

d’équipe pour confirmer sa présence. Le pointage doit se faire dans le quart d’heure précédant ou

suivant immédiatement leur prise ou leur fin de service. Toute tricherie (pointer pour un collègue ou

demander à un collègue de pointer pour soi) est passible de licenciement immédiat sans indemnités.

Les heures supplémentaires sont calculées par tranches de 15 minutes ce qui signifie que 29 minutes

travaillées sont rémunérées comme 15 et 44 comme 30.

Deux retards ou départs anticipés sont sanctionnés par un avertissement verbal. Les ouvrières et

ouvriers bénéficient d’une prime d’assiduité mensuelle (50 yuans soit 6 euros) saute. Au troisième

retard constaté, cette prime saute. Au cinquième, c’est un avertissement écrit.

La prime d’assiduité saute également en cas d’absence non autorisée. Deux jours d’absence non

autorisée dans le courant du même mois ou trois jours dans l’année sont passibles de licenciement

sans indemnité.

Quotas de production

Un quota est déterminé pour chaque chaîne de production. Ainsi, à l’atelier vinyle où le plastique

liquide est transformé en jouets semi-finis, trois ouvriers opèrent sur une même machine et doivent

produire 6 000 pièces par jour. Une partie de cette production est entièrement mécanisée mais

certaines finitions doivent se faire à la main avec des pinces et des couteaux, ce qui, au bout de la

journée, provoque douleurs et ampoules aux ouvrières et aux ouvriers.

Dans un atelier de Nanhai © CLW

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Salaires

Avant mai 2013, le salaire horaire était de 6,61 yuans (0,80 euro). Depuis il s’élève à 7,82 yuans (0,90

euro). Le salaire mensuel est d’environ 2 500 yuans (302 euros).

Détail du salaire brut mensuel à Nanhai :

Montant Notes

Salaire de base 1 100 yuans (133

euros)

avant mai 2013

1 360 yuans (164

euros)

depuis mai 2013

Heures

supplémentaires

Environ 1 000

yuans (121 euros)

Prime de nuit 5 yuans (0,60

euros) par jour

Prime d’assiduité

(Pas de prime lors

des congés pour

maladie, maternité

ou contrôle des

naissances (IVG).)

40 yuans (4,80

euros)

pour un mois sans absence

.

50 yuans (6 euros) pour deux mois consécutifs sans absence

60 yuans (7,20

euros)

pour trois mois consécutifs sans absence

Prime de fonction 200 yuans (24,10

euros)

Pour certains emplois peu recherchés (atelier

de peinture notamment).

Indemnité repas 190 yuans (23

euros)

Pour tou-te-s

Prime de forte

chaleur

150 yuans (18

euros)

Attribuée de juin à octobre aux ouvriers

passant au moins 20% de leur journée de

travail par plus de 32 degrés.

Prime permanente 80 yuans (9,60

euros)

Pour tous les ouvriers et ouvrières à la

production.

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Retenues mensuelles:

Amount Notes

Loyer et charges communes. 50 yuans (6 euros)

Taxes Dizaines de yuans Les employé-e-s ignorent

comment elle est calculée.

Conditions de vie

La cantine est payante. Un repas standard (un plat de viande et un plat de légume) coûte 3,5 yuans

(0,40 euro). Une portion supplémentaire est facturée de 1 à 1,5 yuan (0,10 à 0,20 euro). Ces frais de

bouche sont censés être couverts par l’indemnité mensuelle de repas versée par l’entreprise à

chaque employé-e (190 yuans soit 23 euros) mais la dépense réelle est estimée à près de 400 yuans

par mois (48,30 euros). Les employé-e-s se plaignent en outre de portions insuffisantes ou du

manque de variété des menus. Beaucoup choisissent d’aller se restaurer à l’extérieur de l’usine.

Les ouvrières et les ouvriers sont logés dans une dizaine de dortoirs. Les occupant-e-s doivent

apporter leur matelas, leur couverture et leur seau. Le ménage dans les chambres est assuré à tour

de rôle par chacun-e des colocataires. Tous et toutes disposent d’un casier individuel à serrure au

pied de leur lit. Chaque chambrée peut accueillir douze personnes. Il y a une douzaine de chambrées

et une dizaine de toilettes et salles de douches par étage ainsi que des fontaines à eau. En tout, 200

personnes partagent 10 toilettes et salles de douches. La pression d’eau est insuffisante pour

l’évacuation dans les toilettes qui sont en conséquence très sales. Il n’y a pas d’eau chaude dans les

douches et certains vont remplir leur seau à l’eau chaude des fontaines à eau pour se laver. Les

occupant-e-s de chaque chambrée viennent de différents services, ne se connaissent pas et

communiquent peu entre eux. Travailleurs et travailleuses de jour et de nuit cohabitent dans la

Feuille de paie. © CLW

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même chambre ce qui perturbe le sommeil de toutes et tous. Le bruit de l’usine toute proche, qui

tourne 24h/24, est aussi une source d’inconfort.

Il n’y a pas de prises de courant dans les dortoirs.

Santé et sécurité au travail

Les employé-e-s ignorent qu’un « Comité pour l’environnement, la santé et la sécurité » existe dans

l’entreprise et ne tirent aucun bénéfice des séances d’information auxquelles ils prêtent d’autant

moins d’attention qu’aucun contrôle n’est organisé à l’issue de ces séances. L’usine ne forme pas

suffisamment ses employé-e-s et ne les avertit pas des risques de leur travail pour leur santé. La

plupart des opérateurs de grosses machines ne sont pas équipés de chaussures de sécurité. Les

équipements de protection individuels ne sont pas distribués en temps opportun. Les ouvrières et

ouvrier de l’atelier vinyle (plastique), exposés à la pollution sonore et aux émanations toxiques,

devraient théoriquement être obligés à porter des gants, des bouchons d’oreille et des lunettes

protectrices. Mais ces équipements ne leur sont fournis que les jours où il y a une inspection. Dans

l’atelier de peinture, les ouvrières et ouvriers se plaignent de l’odeur âcre, mais certain-e-s ne

portent pas de masque car nul ne les a informés du danger des émanations pour leur santé.

Ouvrier ne portant pas de masque de protection. © CLW

L’entreprise n’organise pas de visites médicales pour le personnel et il n’y a pas de boîte de premiers

secours, que ce soit dans les ateliers ou dans les dortoirs. Bien que les ouvrières et ouvriers de

l’atelier de peinture perçoivent une prime de fonction en raison des conditions de travail

particulièrement difficiles, les candidat-e-s sont peu nombreux. La plupart des postes sont de fait

occupés par des nouvelles recrues qui n’ont pas eu d’autre choix.

Aucun employé n’a eu connaissance d’un exercice d’alerte incendie organisé dans l’entreprise.

Sanctions

Le manuel du travail énumère les actes passibles de sanctions :

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N°. Actes ou comportements Sanction

1 Non port de badge dans l’enceinte de l’usine

Non port d’uniforme ou d’équipement de protection requis

sur le poste de travail

Avertissement verbal

2 Non observation du règlement à l’entrée ou en sortant de

l’usine, refus de répondre aux questions d’agents de sécurité

ou du personnel de direction, refus des fouilles de bagage ou

de véhicule

3 Conduite immorale, incivilités, activités non hygiéniques

n’ayant entraîné ni dommages ni conséquences graves

4 Stationnement en zone interdite

5 Négligence professionnelle mineure

6 Paresse et faible rendement Avertissement verbal

7 Utilisation ou démarrage d’une machine n’étant pas de sa

responsabilité sans que cela ait causé un grave dommage

8 Irrespect, insultes

9 Non-respect de la discipline dans les dortoirs ou à la cantine

10 Non-respect du code vestimentaire de l’entreprise

11 Gaspillage ou utilisation à des fins personnelles de

fournitures de l’entreprise sans préjudice grave

12 Gaspillage d’eau, d’électricité ou de nourriture

13 Report d’un travail sans justification ayant entraîné des

pertes pour l’entreprise

Avertissement écrit

14 Calomnie ou fausse accusation d’un collègue, falsification de

preuves

15 Se connecter à Internet ou télécharger un logiciel sur un

ordinateur de l’entreprise sans autorisation

16 Vandalisme mineur

17 Faire des photos ou des vidéos dans l’entreprise sans

autorisation.

Avertissement écrit

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18 Récidive de gaspillage d’eau, d’électricité ou de nourriture

après un avertissement verbal

19 Répandre des rumeurs (sans conséquences notoires)

20 Refuser une modification raisonnable de son travail ou de

son affectation

21 Déchirer des documents officiels, des communiqués publics,

etc.

22 Récidive de vandalisme après réparation Avertissement écrit

23 Menace ou insulte envers un supérieur, violences graves

envers un supérieur ou un collègue

Licenciement

24 Désobéissance répétée à des ordres raisonnables de la

direction, lenteur délibérée au travail après avertissement

Licenciement

25 Pointage pour autrui, demande à autrui de pointer pour soi,

falsification du registre de présence

26 Grève illégale, grève du zèle, incitation à la grève ou au

ralentissement de la production, diffusion de rumeurs pour

créer des problèmes et entraînant un préjudice grave ou une

publicité négative pour l’entreprise

27 Divulguer des informations confidentielles, y compris

concernant son propre salaire

Licenciement

28 Fumer ou jeter des mégots hors des zones fumeurs

Mécanismes de plainte

Il y a un représentant syndical à temps partiel dont la plupart des employé-e-s ignorent l’existence. A

un ouvrier qui le sollicitait pour une question de salaire, il a répondu que cela n’était pas l’affaire du

syndicat et qu’il devait s’adresser au service des ressources humaines.

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4- DONGGUAN GUANGDA PLASTIC PRODUCTS

Principales violations éthiques et juridiques:

La formation ne dure que 40 minutes (au lieu des 24 heures prévues par la loi).

Les questions de sécurité ne sont que très brièvement abordées lors de la formation, et aucune mesure n'est prise pendant ou après la formation pour s'assurer que les ouvrières et les ouvriers ont réellement assimilé toutes les informations.

Pendant la période d'essai des employé-e-s, l'usine n’autorise pas la démission avec un préavis de trois jours, comme le prévoit pourtant la loi.

Tous les employés et toutes les employées ne signent pas de contrat de travail, ce contrevient à la loi chinoise.

L'usine ne fournit pas d’assurance sociale aux employé-e-s, comme l'exige pourtant la loi.

Les ouvrières et les ouvriers travaillent 11 heures par jour, six jours par semaine, et font 100 heures supplémentaires par mois et parfois davantage. C’est presque trois fois supérieur à la limite légale de 36 heures par mois.

Des quotas de production sont imposés et le rythme de travail est très soutenu. Les ouvrières et ouvriers se plaignent d'être soumis à une forte pression afin d’atteindre les quotas de production.

Les plateaux et la vaisselle fournis aux ouvrières et ouvriers à la cantine ne sont pas propres.

Les bâtiments présentent des problèmes de sécurité.

Les ouvrières et les ouvriers ne portent pas d'équipement de protection, ou des équipements inadaptés.

La température dans les dortoirs est très élevée. Les ouvrières et les ouvriers dorment à même le sol pour bénéficier de plus de fraicheur.

Les mécanismes de plainte sont inefficaces. Il n’existe pas de syndicat.

La rémunération des étudiant-e-s ouvriers et ouvrières est inférieure à celle des autres ouvriers et ouvrières (ce qui contrevient à la loi).

Les salaires versés sont insuffisants pour vivre.

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Présentation de l'usine

Fondée en mai 1995, Guangda Plastic Products Co, Ltd. (ci-après "Guangda") est située au n° 638,

Meijing Avanue, district administratif de Changtang, Dalang Town, Dongguan City, Province de

Guangdong. Le numéro de téléphone de l'entreprise est le 0769—83318515. Le siège de l'entreprise

est situé à Hong Kong. L'usine mesure 65 mille mètres carrés et emploie plus de 2000 employé-e-s.

Les principaux produits fabriqués par Guangda sont des articles en plastique, des jouets en plastique,

des jouets en forme de charriots, des lits pour enfant et de l'équipement de fitness. Les principaux

clients de l'entreprise sont des entreprises internationales de jouets, notamment Mattel, Tomy et

Hasbro.

Figure L'usine de Guangda. © CLW

Recrutement et formation

Au moment de l’enquête, un nombre important d'ouvrières et d’ouvriers étudiants qui avaient été

recrutés pour l'été à Guangda étaient retournés à l'école. L'entreprise a donc commencé à recruter

de nouveaux ouvriers et ouvrières afin de pallier à la pénurie de main-d'œuvre. Un stand de

recrutement a été mis en place à la porte de l'usine, indiquant que Guangda recherchait des ouvriers

et des ouvrières pour les ateliers de peinture et de moulage par injection.

Après avoir été informés de leur embauche, les nouveaux employé-e-s doivent assister à une séance

de formation. La formation dure environ 40 minutes, pendant lesquelles le personnel de l'entreprise

parle rapidement du règlement de l'usine, de la sécurité au travail, des salaires, des avantages, des

congés et des équipements. Lors de la présentation des règles et les règlementations de l'usine, seuls

les niveaux de sanction pour violation des règlements sont évoqués. Ces niveaux incluent notamment

les avertissements, les avertissements sérieux et les avertissements verbaux, qui se soldent par des

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déductions de points. Si un employé perd tous ses points en un an, il est licencié. S’il est surpris en

train de fumer au sein du complexe industriel, il perd tous ses points et est licencié.

La présentation des salaires est très brève. Sont présentés les différentes composantes du salaire :

salaire de base, heures supplémentaires, primes et subventions. Les employés peuvent bénéficier

d'une prime d'assiduité complète et de subventions pour certains postes, mais les montants de ces

primes varient selon les départements. Sont également présentés les frais dont doivent s’acquitter

les employés pour les dortoirs et les repas.

La sécurité au travail n’est que brièvement abordée au cours de la formation. Des explications

lacunaires sont données sur l'utilisation des produits chimiques, les risques d'incendies, la prévention

des électrocutions et le port d'équipements de protection.

Contrats de travail

L'usine ne signe pas de contrat de travail avec les employé-e-s au moment de l’embauche. D’après les

témoignages recueillis par les enquêteurs du CLW, les contrats sont signés une semaine voire un mois

après l’embauche. Certains ouvriers et ouvrières ne signent pas de contrat de travail du tout. C’est un

choix qui leur est laissé, et que certains font pour pouvoir démissionner plus facilement.

D’après les observations des enquêteurs du CLW, plusieurs ouvrières et ouvriers de Guangda avec

plus de dix ans d'ancienneté n'ont jamais signé de contrat de travail. Ils estiment que 200 à 300

ouvrières et ouvriers expérimentés seraient dans cette situation. S’ils avaient signé des contrats de

travail, après avoir travaillé au sein de l'entreprise si longtemps, ils seraient d’après les dispositions de

la loi éligibles pour un contrat à durée indéterminée.

Heures de travail

Les ouvrières et ouvriers de Guangda travaillent onze heures

(huit heures normales et trois heures supplémentaires et dix

heures supplémentaires le samedi) par jour, six jours par

semaine. Le nombre d'heures supplémentaires travaillées par

mois est d'environ 100 heures par ouvrier et par ouvrière (soit

presque trois fois plus que la limite autorisée par la loi). Début

septembre, l'usine entre dans une période de basse production.

Les heures supplémentaires sont alors réduites à deux heures

par jour et les heures supplémentaires du samedi sont

supprimées.

Le département de moulage tourne de jour comme de nuit. Les

ouvriers et ouvrières qui travaillent de nuit travaillent également

onze heures par jour.

Les ouvrières étudiantes et les ouvriers étudiants travaillent

selon les mêmes horaires que les ouvrières et ouvriers « normaux ».

Ouvrier chargeant une machine. © CLW

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Quotas de production

Des quotas de production sont imposés à chaque département. Au sein du département de peinture,

chaque ouvrière et chaque ouvrier doit peindre 3000 produits par jour. La plupart des nouveaux

ouvriers et ouvrières ne parviennent toutefois à en peindre que 2000 environ par jour. S’ils

n’atteignent pas les quotas, les employés sont mis sous pression par leurs supérieurs qui les poussent

à travailler plus rapidement. "Chaque jour, ces responsables nous poussent comme des fous. C'est

beaucoup de pression" témoigne l'un de ces nouveaux ouvriers. Ces pressions incessantes

déclenchent parfois des disputes entre les ouvrières et ouvriers et leurs supérieurs. Certains ne

supportant pas cette pression partent, sans être payés.

Salaires

Les salaires des ouvriers et des ouvrières sont composés du salaire de base, auquel sont ajoutés les

heures supplémentaires, les bonus, et les subventions. Toutes et tous sont informés qu'ils doivent

payer leurs repas et leur logement.

Le salaire horaire de base est de 7,6 yuans (0,90 euros). Les heures supplémentaires en semaine sont

rémunérées 11,4 yuans (1,40 euros) de l'heure et les heures supplémentaires le weekend sont

rémunérées 15.2 yuans (1,80 euro) de l'heure. Une fois toutes les heures supplémentaires et tous les

bonus pris en considération, un ouvrier ou une ouvrière peut gagner environ 2 800 yuans (338 euros)

par mois.

Les ouvrières et les ouvriers du département d'injection reçoivent une prime de 2,5 yuans (0,30 euro)

s’ils font partie de l’équipe de jour et de 5 yuans (0,60 euro) s’ils font partie de l’équipe de nuit.

Les ouvrières étudiantes et les ouvriers étudiants sont moins bien payés que les ouvrières et ouvriers

« normaux », notamment parce qu’ils ne touchent pas les mêmes primes que les autres.

Prendre ses repas à la cantine coûte 210 yuans (25,30 euros) par mois ou 59 yuans (7,10 euros) par

semaine. La location d’une place en dortoit s’élève à 42 yuans (5,10 euros) par mois. Tous ces coûts

sont directement déduits des salaires.

Congés

Le règlement de l'entreprise Guangda établit que les employé-e-s bénéficient de congés payés

annuels, de congés maladie et de congés maternité. Cependant, l’usine n’accorde en réalité pas de

congés annuels à ses employé-e-s.

Sanctions

Selon le règlement de l'usine, chaque ouvrière et chaque ouvrier se voit attribuer dix points lorsqu'il

commence à travailler à Guangda. Lorsque tous ces points sont perdus, il est licencié. Chaque

infraction au règlement est sanctionnée par une perte de points. Ainsi par exemple, fumer dans une

zone non autorisée entraîne la perte de dix points et le licenciement.

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Conditions de vie

Chaque repas à la cantine de l’usine coûte 210 yuans (25,30 euros) par mois. Cette somme est

automatiquement déduite des salaires.

Beaucoup d’ouvrières et d’ouvriers choisissent de prendre leurs repas à l’extérieur de l’usine, car ils

trouvent la nourriture de la cantine particulièrement mauvaise.

Les plateaux et les baguettes ne sont pas correctement nettoyés. Des restes de nourriture restent

souvent collés.

Les ouvrières et les ouvriers sont hébergés dans des dortoirs. Ils paient 42 yuans (5,10 euros) de

location par mois. Il y a cinq bâtiments de dortoirs dans l'usine. Généralement une chambrée est

composée de quatre lits superposés et chaque chambre est attribuée à quatre ouvriers. Des toilettes

et des salles de douches communicantes sont installées à chaque étage. Les chambres ne sont pas

meublées, à l'exception des lits superposés. Les chambres sont équipées de deux ventilateurs

électriques chacune. Cependant, de nombreux ouvriers et ouvrières dorment à même le sol car les

ventilateurs ne rafraîchissent pas suffisamment les chambres.

Dortoirs à Guangda. © CLW

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Sécurité au travail

Le département d'injection est très bruyant et poussiéreux. Les ouvrières et ouvriers de ce

département se voient fournir de masques, de gants et de bouchons d’oreilles. Mais ils ne portent

pas de bouchons d’oreilles malgré le bruit. La température moyenne au sein du bâtiment d'injection

est de 33 degrés et l’atmosphère y est étouffante.

Des gants et des masques sont fournis aux ouvriers et ouvrières du département de peinture. Mais

ces derniers ne portent pas toujours de gants car peindre avec les deux gants est très difficile. Par

ailleurs, même avec les masques, l'odeur de la peinture est très forte, ce qui rend certains malades.

Démission

Lors de son cinquième jour à l'usine, l'enquêteur du CLW a informé son chef d'équipe qu’il souhaitait

démissionner. Ce dernier a essayé de le convaincre de rester, en vain. Le directeur a affirmé qu'il

n'avait pas de formulaire de démission et qu’il devait se rendre au département des ressources

humaines pour en obtenir un. Lorsque l'enquêteur du CLW a été dirigé vers la personne en charge

des démissions, cette dernière lui a expliqué qu'il devrait attendre jusqu’à la fin du mois suivant pour

démissionner. L'enquêteur du CLW a indiqué qu'il ne pouvait pas attendre si longtemps, et a montré à

l'employé ses mains dont la peau se détachait à cause de son travail. Mais rien n’y a fait, Finalement,

l'enquêteur du CLW n'a pas pu quitter son travail.

Mécanismes de plainte

Pendant la durée de l'enquête du CLW, aucun syndicat ou représentant du personnel n'a été évoqué

ou aperçu. Selon les formateurs, les ouvriers peuvent s'adresser au département de RH en cas de

problème ou de réclamation.

Un mécanisme de plainte existe. Deux canaux de communication sont mis à disposition des employé-

e-s : une « boite à idées » et la possibilité d’aller s’entretenir avec le personnel au département des

ressources humaines. Ces canaux ne sont toutefois pas utilisés, la « boîte à idées » étant vide, et les

ouvrières et ouvriers ne s’adressant pas au personnel des ressources humaines.

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5 – TAIQIANG PLASTICS PRODUCTS COMPANY

Principales violations de l’éthique et de la loi

Discrimination à l’embauche envers les personnes de plus de 40 ans ou tatouées.

Formation à la santé et la sécurité très insuffisante.

Retards d’une semaine à un mois dans la signature des contrats

Fraude sur la comptabilisation d’heures supplémentaires travaillées le weekend et comptabilisées comme heures travaillées en semaine. Le préjudice pour les travailleuses et les travailleurs est estimé à 7,2 millions de yuans (869 000 euros) par an

Les ouvrières et les ouvriers travaillent 11 heures par jour et font 110 heures supplémentaires par mois, trois fois le maximum autorisé par la loi (36 heures)

La plupart des heures supplémentaires sont obligatoires, en contravention avec les dispositions de la loi.

L’entreprise ne cotise pas pour les assurances sociales, en contravention avec les dispositions de la loi.

Les dortoirs sont surpeuplés avec 8 personnes par chambrée.

Les travailleuses et les travailleurs ne sont pas formés contre les risques pour leur santé liés à la manipulation de produits chimiques, notamment les peintures et diluants.

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Présentation de l’usine

Fondée en 1988, Taiqiang Plastic Products Company (ci-après “Taiqiang”) est une filiale à capitaux

hongkongais de Yongsheng Corporation. Elle produit principalement des jouets et ses principaux

clients sont Mattel et Disney. Elle comporte deux sites, SanweiTaiqiang et CaoweiTaiqiang. En

période de pic de la production, elle emploie sur l’ensemble de ces sites quelque 5000 personnes. Les

principaux ateliers sont ceux d’injection de plastique, de peinture et d’assemblage. L’auteur de cette

enquête a travaillé à l’atelier d’assemblage de SanweiTaiqiang.

Recrutement

Le nombre de commandes passées auprès de Taiqiang a récemment connu une forte augmentation.

L’usine a donc été conduite a embaucher massivement. Les ouvrières et ouvriers recrutés pour la

période d’été sont principalement des étudiants.

Sur les 120 personnes embauchées le jour du recrutement de l’enquêteur du CLW, 110 étaient des

étudiants (et 80% d’entre eux, des étudiantes). La plupart viennent de l’enseignement supérieur et

sont âgés de 20 à 23 ans.

L’entreprise recrute directement à la porte de l’usine ou sur recommandation interne.

Taiqiang n’embauche pas de personnes de plus de 40 ans ou tatouées. Une candidature a été refusée

parce que la personne avait une cicatrice de brûlure sur le bras qui a été considérée comme un

tatouage.

Formation

Une première journée de formation à l’embauche, non rémunérée, consiste à remplir huit

formulaires ou tests en suivant les indications données verbalement par des agents des ressources

humaines. Si les réponses s’écartent des directives données, le formulaire est invalidé.

Ces formulaires concernent: le CV des candidats ; leur signature ; une reconnaissance de non droit à

être hébergé dans le dortoir de l’usine pour les hommes ; une évaluation du formateur ; l’accord de

principe des candidats a être transférés si besoin dans l’un ou l’autre des deux sites (Sanwei et

Caowei) et diverses questions concernant l’état de santé du candidat.

Formulaires à remplir pendant la formation. © CLW

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Les candidats doivent ensuite passer un examen de formation, qui consiste en une série de questions

ouvertes et de questions à choix multiples. Les réponses aux questions ouvertes sont projetées sur

un tableau en face des candidats et les réponses aux questions à choix multiples sont diffusées via un

enregistrement. Tout ce que les candidats ont à faire pour passer l’examen, c’est donc de recopier les

réponses qui leur sont données.

Les réponses aux questions des examens sont projetées sur un écran. © CLW

Une seconde journée de formation, rémunérée celle-là, est organisée avant la prise de fonction par

les candidats retenus, qui reçoivent trois formulaires supplémentaires à remplir. Il s’agit de tests sur

la formation, la culture générale basique et le comportement en entreprise. Seuls les candidats ayant

déjà une expérience professionnelle sont généralement capables d’y répondre. Comme il n’y a pas

d’examinateur, les personnes qui ne connaissent pas les réponses copient généralement sur celles

qui les connaissent avant de remettre leurs formulaires.

Contrats de travail

Les nouvelles recrues signent un contrat dès leur prise de fonction mais l’entreprise, elle, ne les signe

que dans le cours du mois suivant. Selon le chef du service administratif interrogé par l’enquêteur, ce

problème est dû au grand nombre d’embauches.

Heures de travail

La durée officielle de travail est de 6,67 heures par jour, six jours par semaine, heures

supplémentaires incluses. Toutes les ouvrières et tous les ouvriers travaillent de jour sauf ceux de

l’atelier d’injection de plastique qui compte une équipe de nuit et produit 24h/24 dans les conditions

les plus difficiles (pauses repas express et à tour de rôle).

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Les ouvrières et les ouvriers de l’atelier d’assemblage font trois heures supplémentaires par jour mais

davantage (4 heures et demie en moyenne) en période de pic de production (juin, juillet et août). Les

heures travaillées le samedi étant comptées comme heures supplémentaires, le total des heures

supplémentaires peut alors atteindre 130 par mois, soit plus de trois fois la limite autorisée.

Certaines heures supplémentaires travaillées le week- end sont comptabilisées comme heures

travaillées en semaine. Cette fraude permet à Taiqiang d’économiser 600 000 yuans (72 280 euros)

par mois.

L’atelier d’assemblage (auquel a été affecté l’enquêteur) compte quelque 150 ouvriers partagés en

trois chaînes de production.

Les heures supplémentaires se font sur la base du volontariat et presque personne ne s’y refuse, le

salaire de base étant insuffisant pour subvenir aux besoins de base des travailleurs et des

travailleuses. Les rares réfractaires doivent en informer leur supérieur. L’enquêteur s’y est essayé : le

supérieur a d’abord tenté de le dissuader en arguant des nécessités de production avant d’accepter

sous réserve que la cessation de travail en heures supplémentaires n’intervienne qu’à partir du

lendemain.

Pendant la saison de pic de production, les ouvrières et les ouvriers disent que le travail est épuisant.

Le département assemblage fonctionne sur des journées de travail de 11 heures. Le département

injection tourne quant à lui 24h/24, les ouvrières et les ouvriers doivent se relayer pour manger, et

les machines ne s’arrêtent jamais.

Salaires

Le salaire de base est de 1600 yuans (193 euros). Les heures supplémentaires travaillées en semaine

sont rémunérées 13,78 yuans (1,60 euro), celles travaillées le week-end, 18 yuans (2,20 euros) et

celles travaillées les jours fériés, 23,57 yuans (2,80 euros). Les ouvrières et les ouvriers des équipes

de nuit perçoivent en outre, par nuit travaillée, une prime de 7 yuans (,80 euro) ainsi qu’une

indemnité de repas de 5 yuans (0,60 euro). Une petite retenue est faite automatiquement au titre de

l’assurance sociale.

Pendant les pics de production, le revenu mensuel d’une ouvrière ou d’un ouvrier peut atteindre

3200 yuans (386 euros) mais, passé le mois d’octobre, ce revenu tombe à environ 1800 yuans (217

euros).

Bien que la loi chinoise impose théoriquement de souscrire une assurance sociale globale (santé,

maternité, accident du travail, retraite et chômage), Taiqiang n’impose que les assurances santé et

accident du travail. Trois jours après leur embauche, elle fait même signer aux nouvelles recrues un

formulaire indiquant qu’ils renoncent à l’assurance retraite.

Le salaire de base à Taiqiang ne permet pas de vivre dignement à Shenzhen. Afin de gagner

suffisamment pour mettre un peu d’argent de côté, les travailleuses et les travailleurs sont contraints

d’accepter de faire des heures supplémentaires. C’est d’autant plus indispensable pour les

travailleuses et les travailleurs qui ont des personnes à charge.

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Un couple d’ouvriers mariés avec un enfant, gagnant chacun le salaire de base, touche en tout 3200

yuans par mois (385 euros). Pour un très petit appartement près de Taiqiang, il doit payer un loyer

étant d’au moins 1000 yuans (120 euros). La nourriture pour trois par mois revient à environ 1500

yuans (181 euros). Et les autres frais (téléphone, transport etc.) leur en coûterons environ 100 yuans

(12 euros). Si leur enfant n’est pas un résident de Shenzhen (ce qui sera le cas la plupart du temps,

puisque les ouvrières et ouvriers viennent souvent d’autres provinces), ils devront payer 1000 yuans

(120 euros) de plus pour envoyer leur enfant à l’école publique.

Après avoir additionné les frais liés aux besoins vitaux et à l’éducation d’un enfant, cette famille a

déjà 4100 yuans de charges, sans compter l’argent que leur famille (parents notamment) attend

qu’ils leur envoient chaque mois.

Dans de telles conditions, il n’est pas étonnant que les travailleuses et travailleurs acceptent les

nombreuses heures supplémentaires que l’entreprise leur propose.

Conditions de vie

L’unique dortoir disponible, situé sur le site Caowei, n’est pas suffisant pour loger l’ensemble des

ouvrières et des ouvriers de l’usine. Les femmes sont prioritaires et les hommes ne peuvent y

accéder que s’il y a des chambres libres. Les rares chambres disponibles sont prises par les ouvriers

les plus anciens. Les nouveaux venus n’ont d’autre choix que de trouver à se loger en ville et à leurs

frais.

Les chambres sont équipées d’une douche, de quatre lits superposés et d’un climatiseur. Il n’y a pas

de prise de courant dans les chambres.

Le prix de la chambre est de 40 yuans (6,54 dollars/4,80 euros) par mois et par personne, somme

déduite automatiquement du salaire. L’eau et l’électricité sont aux frais réels, et à la charge des

occupant-e-s.

Il n’y a pas de cantine à Sanwei mais une cafétéria improvisée a été installée dans une salle du 2e

étage de l’usine. Les repas sont livrés par une entreprise extérieure. Chaque ouvrière et chaque

ouvrier peut demander au service des ressources humaines une carte-restaurant mensuelle sur

laquelle seront portés tous ses repas. Le coût est ensuite déduit de leur salaire du mois suivant.

Le prix d’un repas varie de 5 à 8 yuans (0,60 à 1 euro).

Santé et sécurité au travail

Aucune formation n’est faite pour les nouveaux venus ni à l’embauche, ni après embauche.

A l’atelier d’assemblage, le port du bonnet est en principe obligatoire mais la majorité des ouvrières

et des ouvriers ne le portent que lorsqu’un superviseur s’approche, et l’ôtent dès qu’il a le dos

tourné.

Concernant les risques d’incendie, un ouvrier en place depuis longtemps rapporte que deux exercices

incendie sont organisés par an mais qu’il n’y a pas de formation quant aux moyens de lutte contre le

feu.

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6 – MERTON PLASTICS AND ELECTRONICS FACTORY

Principales violations de l’éthique et de la loi

Formation d’une demi-heure à l’embauche (au lieu des 24 heures prévues par la loi) et inefficace.

Les travailleuses et travailleurs n’ont pas le temps de lire et comprendre les termes de leur contrat de travail avant de le signer.

Les ouvrières et les ouvriers travaillent onze heures et demie par jour et 100 heures supplémentaires par mois (près de trois fois la limite légale de 36 heures).

Des quotas de production élevés sont imposés aux travailleuses et aux travailleurs, et les cadences de travail sont éprouvantes. L’usine met les ouvriers et ouvrières sous pression pour atteindre les quotas.

L’entreprise ne cotise pas pour les assurances sociales comme le prévoit la loi.

Une femme enceinte ne peut bénéficier d’un congé maternité qu’après avoir prouvé qu’elle respectait la loi sur le contrôle des naissances. Si tel n’est pas le cas, elle doit avorter ou perdre son travail.

L’accès aux soins dans le dispensaire de l’entreprise est à la charge des patients.

En raison d’une formation insuffisante, beaucoup d’ouvrières et d’ouvriers n’ont pas conscience des risques qu’ils courent sur leur poste de travail et, en conséquence, utilisent mal ou pas du tout leur équipement de protection.

Les équipements de sécurité incendie ne sont pas entretenus correctement.

Merton inflige des amendes indirectes: si un travailleur ou une travailleuse utilise son téléphone portable pendant son travail, sa journée de travail ne lui est pas payée.

Absence de mécanisme de plainte efficace.

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Présentation de l’usine

Merton Plastics and Electronics Factory (ci-après dénommée “Merton”), a été fondée en novembre

1998. Elle est la propriété d’une société de Hong Kong, Hengli Merton Ltd. Elle est sise dans la zone

industrielle Sangyuan de la ville de Donguan (district Dongcheng). Elle occupe une superficie de 120

000 m² et produit principalement des jouets électroniques en plastique pour de célèbres marques

internationales, dont les principales sont Mattel, Disney, McDonalds et Target.

En raison d’un afflux de commandes pendant la période de l’enquête, l’entreprise a sous-traité une

partie de sa production auprès de petites entreprises locales.

Jouets fabriqués à Merton. © CLW

Recrutement

Au moment où cette enquête était menée, Merton a dû embaucher en masse, suite au départ de

nombreux étudiants et étudiantes qui avaient été recrutés pour l’été (et qui démissionnaient pour

reprendre leurs cours). Les besoins étaient d’autant plus importants qu’à cette même période, les

commandes ont afflué.

L’usine a recruté directement en installant un bureau d’embauche dans la rue.

Avant leur recrutement, les candidates et les candidats sont conduits dans l’enceinte de l’usine où ils

doivent réaliser des manœuvres de style militaire (se tenir en rang, marcher au pas, tourner à droite,

à gauche, etc.). Ces exercices sont destinés à évaluer leur résistance. A ce stade, plusieurs candidat-e-

s sont recalés.

L’étape suivante consiste en un examen médical sommaire (une minute par personne avec

vérification des mains et du rythme cardiaque) dans le dispensaire de l’usine.

L’ensemble du processus de recrutement dure environ deux heures.

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Le lendemain de leur recrutement, les nouvelles recrues suivent une formation : elles sont conduites

dans une salle de classe où ont leur remet un questionnaire à remplir. Elles ont dix minutes pour le

lire hors de la présence des examinateurs. Ceux-ci reviennent ensuite et énoncent à haute voix

chacune des réponses à donner, les employé-e-s n’ayant plus qu’à recopier ces réponses.

Contrats de travail

Les personnes recrutées reçoivent un contrat en double exemplaire dont elles n’ont qu’à signer la

dernière page spécifiant qu’elles ont compris la teneur de ce contrat. En réalité, elles n’ont pas le

temps matériel de le lire et de le comprendre. Leur exemplaire du contrat ne leur est remis qu’une

semaine plus tard.

Heures de travail

La journée de travail à Merton dure 11,5 heures (dont 3,5 heures supplémentaires) et les ouvrières

et les ouvriers travaillent cinq jours par semaine. La journée de travail en week-end est également de

11,5 heures. Ce travail de week-end est particulièrement requis en période d’afflux des commandes.

Septembre a été une période de pic de production pour Merton et les ouvrières et ouvriers ont

déclaré avoir travaillé tous les jours de ce mois, à l’exception d’un jour férié. Ils ont ainsi accumulé

quelque 100 heures supplémentaires.

Celles et ceux qui ne veulent pas faire d’heures supplémentaires doivent en faire la demande écrite

ou en informer verbalement leur superviseur. Mais tout est fait pour inciter les travailleurs et

travailleuses à ne pas refuser les heures supplémentaires. L’enquêteur du CLW a ainsi décidé de ne

pas faire d’heures supplémentaires un samedi matin. Quand il s’est présenté à son atelier pour

reprendre le travail le samedi après-midi, son superviseur lui a fait savoir que, puisqu’il n’était pas

venu le samedi matin, on se passerait de ses services jusqu’au lundi matin.

Feuille de paie d'un ouvrier de Merton de juillet 2013, indiquant que le salarié a travaillé 96 heures supplémentaires pour un salaire de 2461 yuans (297 euros). © CLW

Quotas de production

Des quotas de production sont déterminés dans les ateliers. A l’atelier d’emballage, le quota par

chaîne de production est de 150 unités par heure. La chaîne à laquelle l’enquêteur du CLW a été

affecté comptait 10 personnes dont la moitié de nouveaux. Elle n’a produit que 50 unités par heure

en moyenne. Le superviseur a alors rassemblé les ouvrières et les ouvriers concernés en leur

enjoignant d’augmenter la cadence, chaque pièce devant être emballée en 25 secondes.

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Ouvrières et ouvriers au travail à Merton. © CLW

Salaires

Un salaire net moyen (incluant les heures supplémentaires, les primes ainsi que les indemnités et

déduction faite des retenues) est d’environ 2800 yuans (337 euros).

Selon les travailleuses et les travailleurs interrogés par le CLW, l’entreprise souscrit pour tous les

employés ayant terminé leur période probatoire une assurance sociale de base (santé et accidents du

travail) pour laquelle une cotisation de 9,06 yuans (1,10 euro) est prélevée mensuellement sur les

salaires. L’assurance retraite – en principe légalement obligatoire - n’est proposée sur la base du

volontariat qu’à ceux ayant plus d’un an d’ancienneté. Aucun des ouvriers et des ouvrières interrogés

par le CLW n’a déclaré en bénéficier.

Le règlement intérieur de l’usine établit la liste des droits à congés payés pour maternité, mariage,

funérailles ou maladie. Les femmes enceintes doivent toutefois être en règle avec la législation sur le

contrôle des naissances (un seul enfant par foyer) pour pouvoir en bénéficier. Si l’enfant attendu est

leur deuxième, elles n’ont le choix qu’entre l’avortement et la démission.

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Règlement sur les congés maternité. © CLW

Sécurité au travail

La formation à l’embauche sur la sécurité est courte et

insuffisante. A l’atelier d’emballage, certains postes exigent

certaines interventions techniques telles la soudure ou

l’encollage. Les ouvrières et ouvriers peuvent disposer

d’équipements de protection s’ils en font la demande mais, selon

l’enquête du CLW, très peu les utilisent.

Les extincteurs sont contrôlés une fois par mois. L’enquêteur en

a vérifié cinq au hasard qui, tous, affichaient une pression

excessive.

L’usine dispose de son propre dispensaire où les soins sont

payants. Des boîtes de premiers soins sont disponibles mais sont

fermés à clé.

Ouvrières sur les lignes de production. © CLW

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Conditions de vie

Pendant leur première semaine de travail, les nouvelles recrues

doivent payer leurs repas de leur poche. A partir du huitième jour,

l’entreprise leur fournit une carte-restaurant avec un crédit

disponible de 300 yuans (36 euros) par mois. Si la dépense

mensuelle excède ce niveau, le surplus est déduit du salaire.

Selon les ouvrières et les ouvriers interrogés par le CLW, la

nourriture est fade et la viande y est en quantité restreinte.

Les ouvrières et les ouvriers sont hébergés dans des dortoirs. Le

loyer mensuel d’un lit dans un dortoir est de 55 yuans (6,60 euros)

charges comprises. Il y a 20 chambrées par étage et 12 lits par

chambre. Chaque étage dispose de toilettes et de douches

communes, d’une salle fumeurs et d’un poste – payant - de

chargement des batteries de téléphone portable.

Sanctions

Le manuel du travail dresse la liste des sanctions possibles (avertissement verbal, faute mineure,

faute grave et licenciement). Le CLW a relevé une forme indirecte de sanction financière : si une

ouvrière ou un ouvrier utilise son téléphone portable pendant son temps de travail, la journée de

travail ne lui ai pas payée.

Le règlement intérieur stipule que tout employé ayant organisé une grève ou y ayant incité, ayant

porté préjudice à la relation entre la direction et les travailleurs et les travailleuses ou ayant répandu

des rumeurs entraînant des pertes pour l’entreprise, sera licencié et remis à la police.

Mécanismes de plainte

L’existence de représentants du syndicat ou

du personnel est mentionnée dans le manuel

du travail, mais le CLW n’a pu en localiser

aucun et les travailleuses et les travailleurs

interrogés ont déclaré ne pas en avoir la

moindre connaissance.

La transmission des doléances peut se faire

par écrit (boîte de doléances) ou par une ligne

téléphonique dédiée (hotline) accessible par

une carte que seuls quelques employé-e-s

ayant beaucoup d’ancienneté ont déclaré posséder. Les travailleurs et les travailleuses plus récents

n’ont pas cette carte alors que, selon le manuel du travail, ils devraient y avoir droit.

Travailleurs épuisés se reposant entre deux séances de travail. © CLW