master ii, economie et psychologie
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Université Panthéon-Sorbonne / Université Paris Descartes
UFR 02 Sciences Economiques – Institut de Psychologie
Master 2 Recherche mention Economie et Psychologie
Troubles de la Personnalité Borderline et anomalies décisionnelles en finance comportementale
Mémoire sous la direction du Professeur LEVY-GARBOUA Louis Présenté et soutenu par LAMBERT Michael
10 Juin 2013
Je tiens à remercier ici,
Le professeur Levy-Garboua et le Professeur Lubart, pour leurs cours et la concrétisation du Master en Economie et Psychologie, qui ouvre de nouvelles perspectives dans l’analyse des comportements économiques contemporains et donne à la psychologie une position centrale dans un domaine où elle a longtemps été absente.
Le Professeur Estellon, pour son cours sur les Etats-limites et l’intérêt que celui-ci a pu susciter en ce qui concerne la relation entre les prises de risques et les psychopathologies des individus.
Le groupe HSBC, sans lequel l’idée et la mise en place d’une telle recherche n’auraient probablement jamais connu le jour.
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L’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation, ni désapprobation aux opinions émises dans ce mémoire ; elles doivent être considérées comme propre à leur auteur.
L’université Paris Descartes n’entend donner aucune approbation, ni désapprobation aux opinions émises dans ce mémoire ; elles doivent être considérées comme propre à leur auteur.
Sommaire de la recherche
Introduction à la problématique de la relation entre les psychopathologies et la prise de décisions ………………………………………………………………………………………4
1. Les spécificités du Trouble de la Personnalité Borderline face aux risques.
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1. Approche clinique du Trouble de la Personnalité Borderline (TPB) : DSM IV-TR…...7
2. Approche de l’Economie comportementale en ce qui concerne la prise de risques….12
3. Jonction effective entre les théories d’aversion-attirance pour le risque et TPB……..17
2. Etude sur la corrélation entre TPB et Profil d’Investisseur Financier (PIF).
1. Préambule à la question : analyse de l’étude de Julia Wischniewski et Martin Blüme…………………………………………………………………………………20
2. Méthodologie et structure de la recherche lors de cette étude………………………. 23
3. Résultats de la recherche sur la relation entre TPB et PIF……………………………29
3. Inférence des résultats sur les théories en Economie comportementale et possible utilisation pour le diagnostic du DSM IV-TR et la CIM 10.
1. Analyse des résultats de la recherche ………………………………………………...33
2. Compléter l’approche de l’Economie comportementale avec l’inclusion du facteur de personnalité (NEO PI-R)………………………………………………………….......35
3. Processus de détection du TPB avec l’utilisation d’un outil de détection PIF.………38
Conclusion sur l’interconnexion Sciences humaines-Economie comportementale en usant de l’approche en Psychologie clinique-psychopathologie………………………….40
Bibliographie………………………………………………………………………………...43
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La question de la prise de risques est, autant que de par le passé, d’actualité. Elle est
également le point de jonction de plusieurs domaines académiques dans la mesure où elle
traite des comportements des individus dans leur vie affective, mais aussi professionnelle. Nul
besoin d’être un expert pour comprendre l’intérêt de l’évaluation des comportements risqués
en psychologie pour savoir que la prise de risques, ou plutôt le comportement et l’attitude du
sujet par rapport au risque, est essentielle pour déterminer les mécanismes cognitifs et le
fonctionnement psychanalytique des personnes. La psychologie, en ce sens, confère une
importance toute particulière à cette question du fait de la relation avec le monde extérieur des
individus et des groupes.
Ainsi, le clinicien peut évaluer, par l’aversion, comme la tendance à prendre des risques, le
positionnement nosographique des sujets. Le psychanalyste se penche sur l’étude de la raison
du risque, ses origines et naturellement l’influence que cela peut avoir sur le sujet dans sa
relation avec le monde. Dans une autre mesure, non sans similarité, le cognitiviste se
concentre sur la modification du comportement des sujets, de manière à déterminer ce qui doit
être, peut-être, et sera possiblement modifié pour améliorer la relation de la personne avec le
monde.
Dans une mesure similaire, l’économiste donne toute son importance au risque dans la mesure
où celui-ci, non sans faire abstraction des similarités avec le psychologue, amène les
personnes à s’investir et à investir dans des actions plus ou moins avantageuses (sur le plan
lucratif) pour le sujet. La question du risque se retrouve alors dans de multiples domaines :
celui du plaisir, avec les jeux qui incluent une forme de rémunération possible, mais aussi
celui du travail, plus formel, avec les investissements bénéfiques ou nocifs sur le long terme.
La question du risque en finance, domaine qui connaît une forte complexification depuis le
trading à haute fréquence ainsi que les placements financiers dans des domaines nouveaux
(économie du développement durable, informatique), est importante car déterminante pour la
survie des institutions bancaires et du système économique, tel qu’on le connaît au moment de
la rédaction de cette recherche. Sans aller dans une liste exhaustive de l’importance des
domaines, la simple présence des deux plus grandes bourses mondiales, celle du New York
Stock Exchange (NYSE Euronext) et, en parallèle, la National Association of Securities
Dealers Automated Quotations (NASDAQ), témoigne de l’importance de l’informatique et,
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de facto, des investissements à risques, lucratifs pour qui sait bien les faire, dans un domaine
où la spéculation ne dispose plus de corrélation directe avec la production ou les biens d’une
société en elle-même.
Cette rupture technologique amène alors à s’interroger, depuis le début des années 1990, sur
l’importance du risque lors d’un placement. Paradoxalement et pour faire écho à la NYSE,
rare bourse à encore pratiquer les cotations à la criée, les décisions économiques se fondent
sur les choix des individus sur lesquels reposent des sommes considérables. Ce sont donc les
choix d’un groupe, usuellement réduit, qui déterminent à la fois l’intérêt et le budget pour une
entreprise et donc, la bonne survie du système économique mondial.
Cette minorité de décideurs, dont les compétences ont été relativisées depuis la crise
économique mondiale (comprendre ici, occidentale) de 2008, amène à s’interroger sur leurs
relations avec la prise de risques, leur états internes et, surtout, leur psychologie spécifique,
dans la mesure où celle-ci a eu pour conséquence la chute d’un système économique,
politique, social. L’exemple de l’Union européenne constitue, à bien des égards, la preuve
qu’une minorité peut avoir une influence sur la politique et les systèmes sociaux. La
psychologie individuelle retrouve alors tout son sens dans le contexte économique.
Pour autant, il faut attendre le Professeur Daniel Kahneman, économiste et
psychologue aux origines américano-israéliennes, pour faire état, avec plus de sérieux, de la
relation entre la psychologie et l’économie. Ces deux domaines ont en effet longtemps été
distincts l’un de l’autre. L’attribution du Prix Nobel d’Economie en 2002 à un économiste,
mais également à un psychologue, témoigne du rapprochement nécessaire de ces deux
matières loin d’être antagonistes. Les découvertes à travers la théorie des perspectives, base
de la finance comportementale, en économie du bonheur, sans oublier les biais cognitifs et
émotionnels, marquent alors la jonction effective entre psychologie (des individus et des
groupes) et l’économie de la décision. L’attribution, en 2007, d’un prix pour l’ensemble de
son œuvre et de ses contributions à la psychologie par l’Association Américaine de
Psychologie (American Psychology Association) ne fait que conforter les économistes et les
psychologues dans l’intérêt de poursuivre les recherches en interagissant ensemble.
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Ce long processus de rapprochement amène les deux ensembles, encore perçus comme
étrangers l’un pour l’autre, à cohabiter dans un espace académique à conceptualiser. A la
manière de deux inconnus, les psychologues et les économistes se penchent sur les relations
que peuvent avoir les recherches et les avantages que peuvent en tirer les deux partis. Une
question apparaît alors comme essentielle pour la suite : quelles peuvent être les relations
entre la psychologie des individus et des groupes et la prise de décision en économie ? Peut-
on parler d’une influence des comportements individuels, voire même des pathologies
« douces », sur le raisonnement et le processus de décision en économie et en finance ?
Cette étude, loin de se donner comme objectif de répondre à cette question, trop large,
souhaite mettre en avant la relation entre une de ces pathologies dites « douces », le Trouble
de la personnalité borderline, et la prise de risques. Il s’agit de déterminer avec plus de
précision l’influence que peut avoir la spécificité du TPB avec les choix en économie
comportementale et, plus spécifiquement, l’attitude par rapport à la question du risque.
Pour ce faire, une solide définition des deux ensembles, psychopathologie du TPB et
Economie comportementale, semble essentielle pour bien aborder cette question. Par la suite,
l’étude de Julia Wischniewski et Martin Blüme (2012) pourra être utilisée pour comprendre et
appréhender notre étude et la mener à son terme. Dans une dernière mesure, l’analyse des
relations entre l’Economie comportementale (dans le domaine du risque) avec le TPB
(définition CIM 10 et DSM-IV-TR) se déroulera dans l’objectif de déterminer les influences
du TPB dans le premier domaine.
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1. Les spécificités du Trouble de la Personnalité Borderline face aux risques.
1. Approche clinique du Trouble de la Personnalité Borderline (TPB) : DSM IV-TR
L’approche des pathologies et leur influence sur la prise de décision, qu’elle soit en
économie comme dans le domaine sentimental (les deux pouvant se regrouper sur bien des
plans), n’est pas sans poser la question de la nosographie. Depuis l’émergence de la
psychologie clinique et psychopathologie, au début du XXème siècle, avec les grands noms
qu’on lui connaît, la question de la délimitation et de la nature des souffrances psychiques
s’est posée. L’idée principale était de déterminer dans quelle catégorie pouvaient se
positionner les individus afin d’estimer leur capacité d’insertion ou de réinsertion, sur le court
ou le long terme, dans la vie civile.
Cette brève description sur le souci de la nosographie amène à se pencher sur ce qui
différencie les grandes orientations pathologiques. La frontière entre pathologies graves (dites
lourdes) ou moins graves se pose afin de comprendre l’influence que celles-ci peuvent avoir
sur le comportement du sujet. En ce sens, une pathologie, si elle peut influencer la relation des
individus avec leurs pairs, dans leur vie quotidienne professionnelle et émotive, ne sera pas
sans incomber sur les décisions en économie et, plus spécifiquement, en finance. La
conception d’un sujet rationnel, présente en économie pendant des années, se retrouve
confrontée à la question de sa propre fondation, sur une base virtuelle, partielle, ne prenant
qu’une synthèse des comportements pour en déterminer les grands courants. Pour autant,
chaque situation de « test » en économie comportementale ne permet de déterminer que le
souhait et le raisonnement d’une large partie, la majorité, mais, nullement de la minorité. Une
situation dans laquelle on retrouve 80% des sujets qui choisissent une option fait alors trop
souvent abstraction des 20% restants et de la raison de leur différence. Pour autant, ces 20%
pourraient facilement se retrouver dans des secteurs ou des domaines où ils constitueraient
une large majorité, donnant tout son sens à la concentration sur l’analyse de leurs profils.
Il semble incohérent, sur le plan psychologique, de tenter de déterminer l’influence des
névroses sur les décisions économiques. Cette situation est la conséquence de la classification
des névroses en elles-mêmes, dont la variété impressionnante impose la modestie pour le
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chercheur, et de l’aspect propre au névrosé qui garde une perspective des choses qu’on
pourrait qualifier de « rationnelle », voir « hyper-rationnelle » pour certains et qui
comporterait trop de biais à analyser. Qui plus est, la névrose n’est pas en soi une pathologie
assez « lourde » pour qu’on en infère des résultats significatifs.
Inversement, les pathologies trop « lourdes », qu’on retrouve chez les bipolaires, dans les
psychoses, apporteraient des résultats n’ayant pas de cohérence d’un moment à un autre (pas
de test-retest valable). Ces pathologies lourdes ne posent alors plus la question du
raisonnement mais de l’analyse de la totale inconsistance économique et, en ce sens, ne
trouveraient pas leur place, pour le moment, dans ce type d’études où la constance du choix
s’impose malgré elle pour en déduire des effets pertinents.
Entre le « trop peu » et le « trop », se trouve pourtant une catégorie, encore méconnue, entre
les deux. Le trouble de la personnalité borderline (Etat-Limite), que nous appellerons TPB
pour simplifier, combine certains des deux aspects. Entre la névrose et la psychose, cette
catégorie souvent mise à part n’est pas sans représenter en moyenne 5.9% de la population
(Leischenring F, 2011) et se retrouve dans toutes les cultures. L’aspect international, ainsi que
la forte présence dans la population, amènent à se pencher sur le TPB avec attention dans la
mesure où ses membres ont, de facto, une influence significative sur les résultats de chaque
étude.
Définition du TPB (approche du DSM IV-TR)
Il semble pertinent d’expliquer, avec plus de détails, les spécificités de ce trouble. Sa
définition reste d’ailleurs incomplète si l’on prend l’approche du « Manuel Diagnostic et
Statistique des Troubles Mentaux (Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders) » (DSM IV-TR) dans la mesure où l’entre deux (entre névrose et psychose) du
TPB l’amène à connaître de multiples variantes (Estellon V (2010)) et pousse les individus
sur une échelle à la variété impressionnante. Face à cet état des lieux, si l’on peut parler des
TPB comme d’une grande famille avec des aspects communs, il faut garder à l’esprit la
différence entre les membres qui penchent vers la névrose, la psychose, et naturellement les
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entre deux de cette catégorie déjà entre deux. Une définition précise est alors importante, tant
pour la familiarisation des lecteurs, que pour déterminer les sujets lors de cette expérience.
Pour définir le TBP, il semble cohérent de prendre les deux principaux aspects qui
apparaissent immédiatement au clinicien :
- Le comportement impulsif des individus (qui n’est pas sans amener à la question de la
prise de risques et à s’interroger sur leurs décisions en économie).
- L’instabilité émotionnelle, le comportement en société et l’importance de l’image de
soi (perception de soi par les autres).
Le clinicien aura tendance à opter pour une définition sous la forme d’« un schéma
envahissant d'instabilité dans les relations interpersonnelles, de l'image de soi et des affects,
également marqué par l'impulsivité commençant chez le jeune adulte et présent dans un
grand nombre de contextes » (Définition DSM IV-TR).
La classification et le diagnostic (utiles pour comprendre l’expérience de Wichniewsky J,
Blüme M en 2012, ainsi que celle qui suivra) s’effectuent avec l’évaluation et la confirmation
d’au moins cinq critères sur neuf (sur une courte durée) :
- (1) Efforts effrénés pour éviter un abandon « réel ou imaginé ».
- (2) Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par
l'alternance entre les positions extrêmes d'idéalisation excessive et de dévalorisation.
- (3) Perturbation de l'identité, instabilité marquée et persistante de l'image ou de la
notion de soi.
- (4) Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le
sujet.
- (5) Répétition de comportements, de gestes, de menaces suicidaires ou
d'automutilations.
- (6) Instabilité affective du fait d’une réactivité forte de l'humeur.
- (7) Sentiments chroniques de vide.
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- (8) Phases colériques et inappropriées, difficulté à contrôler ses émotions.
- (9) Survenue transitoire dans des situations de stress d'une idéalisation
« persécutoire » ou de symptômes dissociatifs sévères.
Emotions : base inconstante pour la prise de décisions
Il semble pertinent de souligner que les individus souffrant de TPB ressentent et, d’une
certaine manière, subissent les affects émotionnels, plus profondément et plus longtemps que
la normale. Si un individu « lambda » peut avoir un affect pour une courte durée, les
personnes avec un TPB auront tendance à prendre plus de temps pour analyser et assimiler
cette même émotion. Par ailleurs, la capacité de résilience, de contrôle des affects, sera
moindre, ce qui explique le fait que celles-ci puissent refaire surface sur une plus longue
durée. Cette situation a pour conséquence d’amener à prendre plus de temps pour traiter et
stabiliser une émotion (Linehan Marsha 2010). Cette situation de « dépassement » par ses
propres émotions, sans remonter jusqu'aux principales explications psychanalytiques,
explique le sentiment « à fleur de peau » des TPB face à une situation affective intense (au
même titre que plus faible). C’est le cas lors de rejets, de situations embarrassantes, situant
alors les individus dans un schéma de mal à l’aise et de nervosité. L’attitude de violence et de
prise de risques peut trouver un sens dans le fait de tenter d'échapper ou de calmer leurs
émotions. Cette attitude apparaît comme exagérée et l’attitude de contrôle, si elle s’avère
possible en fonction de la situation, amène les sujets à cacher leurs émotions en ayant sur le
long terme des conséquences négatives (problème vis-à-vis des relations avec les pairs) et,
plus globalement, constituant des expériences traumatisantes et entraînant le développement
de troubles annexes.
Comportements de prises de risques
Un aspect important qui fait référence à la prise de risques se retrouve dans la nature
des comportements. Ceux-ci sont impulsifs, comment peuvent en témoigner la dépendance
aux substances psychotropes, ainsi qu’à l’alcool et au tabac. L’abus de substances
s’accompagne d’un comportement plus risqué en ce qui concerne les relations sexuelles,
l’agressivité au volant, les conduites antisociales. Ces exemples ne sont là que pour témoigner
d’une attitude globale qui tend à amener les individus à s’exposer à plus de risques et ce, en
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en ayant conscience. C’est cette conscience du fait de prendre des risques qui amène à bien
distinguer les pathologies et, notamment le TPB, avec les psychopathologies « lourdes ». Une
clé d’explication repose sur le fait que les individus souffrant de TBP agissent d'une manière
impulsive car ils recherchent un acte immédiat en réponse à leur souffrance émotionnelle
interne.
Cette prise de risques, consciente, que l’on pourrait aborder sur le mode de la réponse à un
état émotionnel intense, se retrouve pourtant sur le long terme et dans la vie quotidienne. En
effet, bien que connaissant une baisse et une montée des impulsions, les individus avec un
TPB présentent une tendance générale à agir avec plus d’impulsion dans leur vie quotidienne.
Cet aspect amène alors à s’interroger sur leurs choix en économie, domaine connu du fait que
ceux-ci ont une tendance aux comportements liés aux dépenses (shopping, achats importants
sur une courte période, impulsivité qui pousse à l’achat compulsif).
Il semblerait alors cohérent d’avancer la potentielle tendance à investir et effectuer des
placements plus risqués que les autres personnes dites « normales ». Néanmoins, il reste à
savoir que le contexte de mise en situation réelle pourrait influencer, au même titre que les
sommes, sur les attitudes. Ici, la principale problématique, comme pour toute étude sur les
personnes avec un TPB, repose sur la nosographie, c'est-à-dire la différence entre les TPB
proches de la névrose et ceux plus proche de la psychose. Dans une même mesure, les
principales études en économie reposent sur le gain d’une somme, tandis que la mise en
situation réelle et la prise de risques reposera davantage sur la perte d’une somme avec
comme motif d’explication sous-jacent par le sujet de vouloir remporter plus. Dans ce sens,
les études sur les TPB reposent sur la complexité de savoir quels seront les effets dans la
réalité et dans le contexte situationnel, plus que dans le contexte virtuel. Pour autant, une
étude sur la prise de risques en laboratoire permettra sans nul doute d’en apprendre davantage,
soit sur le comportement en laboratoire, soit sur le comportement raisonné des TPB en
laboratoire et donc, de comprendre avec plus de précisions, soit leurs attitudes constantes, soit
l’importance qu’ils accordent à la représentation que l’on peut avoir d’eux.
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Pour ce faire, une solide approche des principaux aspects en Economie comportementale dans
le domaine du risque et une connaissance des résultats obtenus dans la population « globale »
s’imposent pour comprendre les principales différences.
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2. Approche de l’Economie comportementale en ce qui concerne la prise de risques
La prise de risques en économie comportementale peut, en premier lieu, sembler
différente et s’éloigner des intérêts de la psychologie individuelle. En ce sens, la
psychopathologie et la psychologie des individus auront tendance à s’effacer par rapport à
l’importance de la psychologie des groupes.
Pour autant, cette matière qu’est l’Economie comportementale distingue l’importance et la
spécificité des sujets. Ainsi, l’attitude par rapport au risque est étudiée avec une approche qui
comprend une large distinction entre les femmes et les hommes. Il est facile de constater
l’importance de la différence entre les deux sexes face à la prise de risques. Si cette sélection
et le sexe influent, alors il semble facile d’avancer le fait que les différences sauraient
également se retrouver dans la situation d’une minorité. La sélection des sujets selon un
processus spécifique pour limiter les biais (genre, âge, études, niveau de rémunération, etc.)
témoigne bien du souci des économistes de déterminer l’influence d’un élément pour limiter
ses interférences avec les constatations dans une population spécifique.
Paradoxalement, la question des pathologies n’est pas encore d’actualité. Si l’âge et le sexe
fascinent, la névrose, le TPB, sont probablement trop lointains pour être abordés. En outre, les
médias et l’opinion publique, en raison de l’usuelle méconnaissance en psychologie clinique,
ne se penchent pas véritablement sur ces problématiques. Ils ont tendance à sous-estimer la
proportion de la population (5.9% de personnes avec TPB) et son influence. Pourtant, s’il
existe des milieux qui attirent certains profils (l’industrie automobile pour les hommes et le
marketing et l’éducation en petite enfance pour les femmes, pour ne citer que ces derniers), il
semble cohérent de dire que certaines personnes, aux pathologies diverses, se retrouveront
dans certains secteurs. On peut ici prendre le cas universitaire Français où une proportion plus
large de personnes présentant des TPB se retrouvera en Faculté de Psychologie. Si l’attirance
de certains secteurs est avérée pour les sexes, alors l’attirance des pathologies pour certaines
professions semble également être de mise. La question de la détection et de la relation entre
Profil d’Investisseur Financier et DSM V-TR peut alors sembler cohérente pour mesurer la
tendance de certaines pathologies à privilégier certaines professions. Malheureusement,
aucune étude à ce jour pour le domaine bancaire et la finance n’a encore été établie du fait du
manque évident d’informations sur le sujet.
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Pour revenir à l’économie comportementale, il semble bon de montrer les principaux aspects
pouvant servir pour la réalisation de cette étude, comme ce fut le cas pour la recherche de
Wischniewski J et Blüme M (2012).
Aversion au risque et aversion aux pertes dans la théorie des perspectives
La théorie des perspectives (1979) est fortement liée à Daniel Kahneman et Amos
Tversky. Sa principale conséquence a été la remise en cause de la théorie de l’utilité espérée
(Von Neuman J et Morgenstern O, 1944). Elle fonde la base même des principaux aspects de
l’Economie comportementale et de la Finance comportementale et ne saurait, en ce sens,
rester sans être abordée dans cette recherche. Elle a pour but de décrire, d ans une situation de
laboratoire, la façon avec laquelle les personnes se confrontent à des choix qui mènent à des
gains ainsi qu’à des pertes significatives (de façon asymétrique).
En ce sens, elle tend à évaluer l’effet d’une perte importante par rapport à une autre : un des
premiers effets constatés est alors que la perte d’une somme ne saurait être compensée que par
un gain supérieur, ce qui explique en ce sens explique largement la tendance des individus à
renchérir après des pertes pour compenser ce mal être interne lié à la perte. Il semble
également cohérent de rappeler, qu’à l’origine, la théorie des perspective avait pour référence
le principe de la loterie et de ses prévisions (phénomène que l’on retrouve avec l’Urne
d’Ellsberg).
- Globalement, face à un choix risqué pouvant conduire à des gains, les personnes
affichent une aversion au risque importante et vont privilégier le choix le plus sûr.
- Par contre, confronté à un choix risqué pouvant conduire à des pertes, les personnes
tentent d’user de solutions pouvant mener à une utilité inférieure pour tenter de
diminuer leurs pertes.
Dans la théorie des perspectives, se retrouve une forte contradiction avec l’utilité espérée qui
aura tendance à privilégier l’approche selon laquelle une personne aura un raisonnement
mathématique purement rationnel sans prendre en compte ce principe d’aversion au risque sur
un plan plus émotionnel.
L’apport important de la théorie des perspectives réside dans la construction et l’évaluation
des représentations mentales à partir desquelles les résultats vont pouvoir être mis en
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considération et donc évalués. On peut alors noter la formule suivante pour donner l'utilité
attendue en fonction de la probabilité des gains et des pertes pondérées perçues par les
acteurs :
Avec x1, x2, … sous la forme de gains et pertes et p1, p2, … sous la forme de probabilités
réelles d’occurrence. V est la fonction de valeur subjective que le sujet donne à un gain ou
une perte et w la fonction de pondération des probabilités subjectives que le sujet perçoit.
Cette approche permet d’appréhender le risque avec plus de logique qu’en n’usant que du
simple schéma d’un comportement purement « rationnel », comprendre ici quantitatif de
l’évaluation des gains et pertes potentielles. La théorie des perspectives remet le sujet au cœur
de la logique et confère une large part à son état d’esprit.
Paradoxe d’Ellsberg dans le cadre d’aversion à l’ambiguïté
L’Urne d’Ellsberg semble également être un bon moyen pour déterminer l’aversion au
risque et, plus spécifiquement, en situation ambiguë. Dans la situation classique, on propose
aux sujets de choisir entre une urne (A) qui contient 100 boules, 50 noires et 50 rouges, et une
deuxième urne (B) qui contient 100 boules noires et rouges mais dans des proportions
indéterminées.
A partir de cette situation, les sujets doivent choisir une couleur et une urne. Si leur choix est
validé par un tirage au sort (si la couleur est celle qui sort de l’urne), alors ils perçoivent une
rémunération (Ellsberg, 1961).
Si l’on prend en considération le fait que les sujets sont indifférents à la couleur en elle-
même, alors il semble cohérent que l’urne A apparaisse comme moins ambiguë que l’urne B.
Pour autant, la probabilité de gagner dans la situation A comme B est mathématiquement
similaire en tout point. Pourtant, la majorité des sujets prennent la décision de se lancer dans
la situation A plutôt que dans la situation B. Cette attitude met alors en évidence le fait qu’ils
pensent pouvoir tirer un avantage et gagner en situation A plus qu’en situation B. Cette
attitude représente un paradoxe par rapport à la théorie de l’Utilité Espérée (UE) en situation
d’incertitude (Savage, 1954) et témoigne d’une aversion des individus pour l’incertitude.
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Concernant la prise de risque, se pose la question de la minorité de sujets qui ne prennent pas
le choix de certitude. On pourrait en effet penser que l’ensemble des sujets, étant donné
l’important nombre qui prend l’option A, choisirait en totalité de rejeter l’option B. Pourtant,
on constate une importante proportion, de l’ordre d’entre 15-30% des sujets, qui décident de
ne pas montrer d’aversion pour la situation ambiguë. L’étude que nous allons mener tentera de
répondre à cette question, celle de cette minorité qui fait le choix différent. Si on retourne à
notre argument d’origine, on constate l’importance de la différence entre les sexes (les
hommes prennent plus de risques que les femmes), mais aussi de l’âge et, naturellement, du
revenu. Il est en effet facile de concevoir qu’une personne avec un haut niveau de revenu aura
davantage tendance à moins se soucier de la rémunération liée à l’expérience et donc, à
choisir sans être véritablement sur le même critère que les autres sujets.
Si la proportion mathématique d’individus choisissant A ou B peut changer significativement,
alors la question de l’importance du TPB sur les choix semble pertinente pour évaluer
l’aversion à l’ambiguïté que ces derniers ont et ce, particulièrement dans le contexte des
placements financiers. En effet, une forte incertitude y règne, tant sur les placements dans les
pays émergents, que dans le domaine de la haute technologie qui repose sur une spéculation
beaucoup plus importante du fait de l’accès à l’information que les firmes ont tendance à
garder secret.
Un exemple plus concret, celui du Bitcoin ฿, monnaie virtuelle (électronique) sans
aucune base concrète et conçue en 2009 par Satoshi Nakamoto, semble pertinent pour montrer
l’intérêt d’une étude sur l’ambiguïté. Le Bitcoin n’a aucune base réelle, elle est une monnaie
fictive. Pourtant, il est possible d’investir dedans. En conséquence, comme il est possible
d’investir dans cette monnaie fictive, alors les investisseurs le font. Ce faisant, le taux de
change du Bitcoin n’a eu de cesse d’évoluer, à la manière d’une bulle spéculative, sur une
longue période (voir annexe). Cette spéculation sur le purement virtuel a donc eu pour
conséquence d’engendrer des sommes monétaires considérables (au 7 février 2011, le taux de
change d’un Bitcoin pour un euro était de 1 ฿ = 4.15 euros, alors qu’au 9 avril 2013 on avait
1 ฿ = 200 euros).
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Il faut alors se concentrer sur l’aversion à l’ambiguïté des personnes qui décident d’investir
dans un tel domaine, dans la mesure où ce groupe spécifique, dont on ignore encore la
composition avec précision, ne donnerait probablement pas les mêmes résultats dans le cadre
du test de l’Urne d’Ellsberg ou, de manière générale, par rapport à une situation d’aversion au
risque.
Sans s’étendre sur la situation du Bitcoin, les investissements dans un domaine qui ne repose
pas sur une base physique concrète peuvent sembler novateurs (dans les cas les plus
extrêmes). On peut ici citer l’exemple de Facebook et de sa récente cotation en bourse, quand
on sait que l’entreprise en elle-même ne vend que des éléments purement virtuels, au même
titre que Microsoft jusqu'à récemment, ou bien encore l’industrie du jeux-vidéo. Ces
investissements amènent à se pencher sur le rôle de la personne sachant prendre des risques,
encore plus que sur l’expert en lui-même qui, tant bien même s’il dispose d’une bonne
perspective, ne peut influencer les marchés. L’analyste spécialiste peut alors évaluer les
risques mais pas pour autant empêcher ceux qui souhaitent investir de le faire et ce, même s’il
n’y a pas de base solide.
L’avènement du trading à haute fréquence, au même titre que la dématérialisation, sont des
phénomènes importants, encore mal connus, et qui pourtant sont au cœur de la vie de tous les
jours et seront, dans un monde qui se dématérialise de plus en plus, à la base des sociétés
modernes. Un exemple frappant est celui de l’entreprise automobile Tesla, de très petite taille
et vendant des véhicules électriques depuis peu, dont la cotation en bourse vient de dépasser
celle d’entreprises automobiles anciennes du nom de Renault et Citroën, ayant une forte
production annuelle, des bâtiments et des ressources. Cette illustration témoigne bien du fait
que l’investissement dans l’abstrait peut valoir plus que ce qui est concrétisé. La rapide
dévaluation des produits dans le monde reposant sur la technologie (informatique, ordinateur,
banques, systèmes sociaux, etc.), sans faire abstraction du cas Estonien avec le
E.Gouvernement, témoigne d’un monde où la prise de risques et, surtout, l’évaluation de
celle-ci et de ses acteurs (jusqu’où une personne va-t-elle en prendre ?), redonne son
importance à l’Economie comportementale et d’autant plus à l’étude des profils spécifiques
des investisseurs et des pathologies qu’on retrouve potentiellement dans de tels milieux.
18
3. Jonction effective entre les théories d’aversion-attirance pour le risque et TPB
Comme nous avons pu le constater, les troubles en psychologie clinique-
psychopathologie sont loin de laisser indifférente l’approche des économistes. Si la jonction
entre comportement de prise de risques et TPB, au même titre que le genre, l’âge et le revenu
des individus, a été établie, alors il semblerait logique de se pencher, avec plus de précision,
sur les possibles adaptations et la mise en place d’un schéma commun pour améliorer les
théories en économie et, de façon plus novatrice, user des outils économiques pour en
apprendre davantage sur le TPB.
Pour autant et avant de se lancer dans l’analyse de l’article de Wischniewski J et Blüme M
(2012) ainsi que, par la suite, dans notre étude et l’expérience à proprement parler, il
semblerait bon d’établir un schéma récapitulatif des éléments que peuvent s’apporter les deux
domaines :
- (1) Les troubles psychopathologiques influencent les émotions des individus et leurs
choix.
- (2) La prévalence des TPB compte pour possiblement 5.9% de la population globale
(Leischenring F, 2011) et dispose d’une surreprésentation dans certains secteurs où la
prise de risques (que les sujets lambda ont tendance à réfuter) pourrait possiblement
être plus importante et ce, malgré les biais liés à la difficile insertion sociale et à nouer
des relations durables de certains TPB (Estellon V, 2010).
- (3) La Finance comportementale note un biais important lié aux émotions des sujets
lors de la conduite des expériences (qu’elle tente d’expliquer ou, à défaut, d’analyser
pour mieux la contrôler).
19
- (4) Le caractère singulier d’une population : masculin-féminin, adolescent-âge adulte,
richesse-pauvreté ; explique le fait que les résultats puissent diverger d’une étude à
l’autre.
- (5) En conséquence, on peut avancer que l’étude de la relation entre Finance
comportementale et Psychopathologie est valable pour les deux domaines.
Reste la question plus pratique de la détection de cette possible corrélation. En effet, si
la détection d’un TPB peut facilement s’effectuer en usant des critères du DSM IV-TR ou de
la classification Internationale des Maladies (CIM 10), il semble important de noter que ces
derniers ne décrivent qu’un rapport vague à la question monétaire (dépenses importantes des
sujets dans des situations émotives spéciales).
Dans une mesure similaire, la Finance comportementale ne prend pas en compte le facteur
pathologique. Jusqu'à encore récemment, et pour les plus puristes des économistes, les sujets
prennent le choix le plus logique et les études similaires à celle de l’Urne d’Ellsberg ne
tendent alors qu’à inclure des facteurs classiques pour réussir à mieux déterminer les modèles
existants. L’inclusion du facteur d’aversion et du facteur d’attirance apparaissent alors comme
une attitude répétée des personnes (on imagine mal une personne avoir une tendance
d’aversion à un moment T et à ne plus l’avoir, dans des conditions similaires de passation
d’expérience, à un moment T2). On se retrouve en face de la problématique même du test en
laboratoire, de la multitude de biais à prendre en compte et, naturellement, de la pérennité des
résultats.
Un modèle de prise en compte des deux ensembles semble pourtant possible. Il
faudrait, pour la psychopathologie, prendre en compte les comportements des sujets dans les
choix économiques. Cette technique serait simple pour détecter, sans entretien ou à défaut en
les minimisant, les TPB. On peut songer, suivant les résultats de la recherche de
Wischniewski J et Blüme B (2012) ainsi que sur la base de celle qui va suivre, à la mise en
avant du test de Profil d’Investisseur Financier (TIP), non plus comme un moyen de mesurer
l’attitude d’une personne mais d’en détecter les aspects internes sur le plan psychique.
20
Sur le plan économique, l’attitude sera plus pragmatique : le but final est de déterminer dans
quelle mesure le TPB peut influer sur les choix en finance. Cette mesure permettra de prendre
en compte et d’anticiper selon les besoins des entreprises (principalement les fonds de
placement), de mieux sélectionner les personnes selon leur comportement et ainsi de les
placer à un poste plus adapté et, par extension, de comprendre le choix des minorités qui
influencent les résultats des principaux tests en Economie comportementale (l’Urne
d’Ellsberg constituant, encore une fois, l’exemple simple le plus frappant de mesure
d’aversion à l’ambiguïté).
On peut alors penser à un modèle mathématique plus pertinent que celui de la théorie des
perspectives avec une amélioration, à défaut au niveau de l’interprétation des résultats, d’un
facteur de pathologie pouvant influencer les résultats. Cet effet pourrait permettre
d’interpréter avec plus de précisions la marge d’erreur de certaines expériences et compléter
l’interprétation des effets significatifs dans certains domaines.
Pour cela, et dans le cadre de l’économie comportementale, une étude de l’importance dans
une population purement TPB peut apporter des indications sur la raison des divergences
d’une partie de la population par rapport à une autre. Ces effets peuvent se retrouver dans
l’analyse des résultats, à la fois juste sur la population TPB et, similairement, en incluant lors
des expérience la prépondérance des populations souffrant de pathologies dites
« lourdes » (moins de 1% de la population) et des populations avec des pathologies
dites « légères » (possiblement entre 5 et 10% de la population). Le cumul de ces deux
populations reviendrait alors à un effet d’au moins 10% sur les résultats et pourrait, loin de se
limiter au champ de l’économie, expliquer une large partie des résultats obtenus dans le
domaine des Sciences Humaines.
L’étude qui va suivre, au même titre que celle de Wischniewski et Blüme (2012), tend
à apporter plus de précisions sur la corrélation entre les résultats d’une passation type de PIF
et les TPB (définition DSM IV-TR). Il s’agit de tenter de déterminer s’il existe ou non un effet
important entre les deux éléments qu’on pourrait alors prendre en compte pour l’interprétation
des résultats en Finance comportementale.
21
22
2. Etude sur la corrélation entre TPB et Profil d’Investisseur Financier (PIF).
1. Préambule à la question : analyse de l’étude de Julia Wischniewski et Martin Blüme
Dans l’étude de Wischniewski J et Blüme M (2012) “How do people with personality
disorders respond to norm violations? Effects on economic decision making”, les auteurs
ouvraient la voie à la recherche de la corrélation entre TPB et prise de décisions dans le cadre
des jeux en coopération avec un tiers.
Il semble relativement cohérent de penser et ce, en raison des caractéristiques principales des
TPB, que les choix et réactions en situation de choix et, plus spécifiquement lors du Dictator
Game, seront différents des individus plus « classiques ». Cette étude s’est principalement
penchée sur le jeu en coopération. Pourtant, les TPB montrent une forte tendance à idéaliser et
déprécier les individus avec une grande rapidité. Il semble alors logique de constater des
divergences entre les situations classiques et celles qui le sont moins. Sans aller vers un
descriptif détaillé et fastidieux des résultats obtenus (voir pages suivantes pour les graphiques
de Wischniewski J et Blüme M), les auteurs ont pu constater une tendance au machiavélisme
et un comportement moins « coopératif » que celui qu’on retrouve lors des autres conditions.
23
Cette tendance à punir, au même titre que celle qui démontre un changement significatif des
résultats lors de l’Ultimatum Game et du Dictator Game, témoigne de l’importance de la prise
en compte du biais que peut représenter le TPB, au même titre que n’importe quelle
pathologie lors d’une étude et ce, y compris pour les études où le sujet n’a pas à interagir
(Paradoxe d’Ellsberg).
24
!
En ce sens, on peut dire que l’étude peut constituer une base solide, tant en ce qui
concerne la procédure expérimentale (dont notre étude s’inspire), que les résultats. Ces
derniers montrent bien une spécificité, sans pour autant aller dans la démesure des résultats
(les résultats sont significatifs mais, pour autant, les choix des TPB semblent correspondre à
une norme logique et ne s’effectuent pas sans analyse et dans un cadre où l’impulsion ferait
de leurs résultats des données irrecevables), qu’on retrouve dans les données du tableau (voir
plus haut).
L’étude ayant tendance à se pencher sur la question de la relation en situation de jeux
coopératifs, nous nous proposons d’aller vers une nouvelle ouverture et une analyse plus
intra-individuelle, avec la recherche d’un aspect plus singulier que celui du « machiavélisme »
et de l’idéalisation / dévalorisation des sujets envers un tiers (qui semble évidente dans la
mesure où elle ne fait que révéler un des caractères essentiels pour diagnostiquer le trouble
25
BPD (voir l’American Psychiatric Association (1994). Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders (DSM IV-TR) ou les travaux d’Estellon V (2010)).
La question plus singulière et controversée de la prise de risques et ce, d’autant plus dans le
domaine de la finance, semble alors plus cohérente. Par ailleurs, elle s’inscrit dans la lignée
des travaux de l’étude précédente pour en apprendre plus sur le fonctionnement du TPB et,
surtout, son implication dans les résultats que l’on retrouve lors des tests d’ambiguïté et où le
sujet n’a pas de nécessité à l’interaction mais plus à la décision personnelle.
26
2. Méthodologie et structure de la recherche lors de cette étude
Pour faire suite à l’étude précédente, il semble cohérent de perfectionner le modèle. En
effet, si les personnes avec un TPB se retrouvent avec des comportements différents lors d’un
jeu de coopération avec des pairs, il semble logique que ces comportements soient également
observables dans le cadre d’une non-coopération. Dans le cadre précédent, Wischniewski J et
Blüme M (2012) ont pu constater une relation particulière des troubles de la personnalité, plus
spécifiquement borderline, avec la tendance à punir lors des jeux de coopération. Cette
constatation n’en reste pas moins partielle quand on sait la tendance à l’idéalisation que
peuvent avoir les TPB. On peut objecter le fait qu’il existerait sûrement des résultats
significativement inverses à ceux qui nous ont été donnés si la population adverse avait été
issue d’un groupe spécifique. La relation à l’endogroupe et à l’exogroupe, qu’il serait plus
cohérent de prendre sur le plan individuel pour un TPB, comme la relation à l’autre idéalisée
et donc aux proches intimes, témoigne de l’importance d’une étude sur la prise de risques ou
encore d’aversion à l’ambiguïté (Urne d’Ellsberg) dans la mesure où la relation à l’autre
n’entre pas en compte (sauf pour les placements sur certains actifs potentiellement idéalisés).
Une étude sur la prise de risques, mais dans le cadre de jeux individuels, c'est-à-dire où :
- L’importance de la coopération avec l’autre pour un gain est inexistante.
- La présence de l’examinateur et son influence sont quasi-inexistantes.
est importante pour limiter les biais de relation individuelle et isoler le facteur purement
singulier de la prise de risques sans relation de proximité.
Les tests lors de cette expérience
Pour ce faire, nous proposons une étude simple, basée sur deux expériences :
- (1)La passation d’un test de Profil d’Investisseur Financier (voir annexes).
- (2)La passation d’un test simple sur l’Urne d’Ellsberg, pour la mesure de l’aversion à
l’ambiguïté (voir annexes).
La passation du PIF (1) est en effet un moyen simple de mesurer la tendance du sujet à
apprécier la prise de risques. Ce test est composé d’une suite de questions qui tendent à
27
interroger le sujet sur ses choix dans divers domaines et est le plus communément utilisé
(voire obligatoire depuis l’instauration des normes européennes relatives à l’ouverture des
comptes pour tout actif à la HSBC). La suite de questions comprend plusieurs choix (voir
annexes) dont les réponses relèvent de la perception du sujet. En ce sens, il n’y a aucune
situation où la réponse puisse causer une perte ou un gain pour la personne. Cet aspect
détaché permet d’éliminer le biais relatif à la question du fait d’effectuer un choix valable ou
meilleur qu’un autre. On peut ajouter que les tests de placement permettent d’évaluer la
relation au risque sans pour autant impliquer le sujet.
En effet, une grande partie des expériences tendent à organiser des situations où les sujets
perçoivent une rémunération. Cet effet a alors pour conséquences :
- De créer une disparité entre les individus ayant plus de richesse et ceux qui en ont
moins, ce qui explique les divergences sur certains choix.
- D’amener à une forme de compétition entre les sujets et donc un biais dans le cas des
TPB avec la relation à l’autre et à la compétition. Ce biais est d’autant plus
problématique lorsque l’on sait qu’une compétition entre sujets de genre masculin et
sujets de genre féminin peut engendrer une diminution de la prise de risques chez les
femmes en situation mixte et une augmentation de la compétition chez les sujets
masculins en situation non-mixte.
- D’amener à la création d’une motivation dont les effets sont difficilement mesurables
dans la mesure où le souhait de gagner, pour le simple fait de gagner, peut influencer
le choix « raisonné » de la personne lorsqu’il n’a rien à tirer de la compétition.
Un test de type PIF est alors la solution pour obtenir, et non sans prendre conscience de la
problématique du biais de représentation de soi, des résultats plus fiables sur la représentation
interne du risque pour le sujet. De plus, la comparaison avec la population de contrôle peut
nous éclairer sur les choix raisonnés sans le biais de compétition.
Pour autant, la passation du PIF n’est pas utile sans la combinaison avec le test de l’Urne
d’Ellsberg. Ce test comprend deux phases (voir annexes) qui donnent au sujet la possibilité
évidente entre un choix certain et un autre plus incertain. Cette première situation se retrouve
couplée avec une deuxième où l’ambivalence est atténuée. Si l’’Urne d’Ellsberg est la plus
fréquente et la plus simple des expériences à faire passer (également celle qui nous donne les
28
résultats les plus frappants d’aversion à l’ambiguïté), alors il semble logique que les résultats,
si tant est qu’ils soient significatifs, montreront une différence entre les TPB et les sujets en
situation « contrôle ».
Population pour cette étude
Il semble cohérent de diviser la population en deux catégories et de les expliquer :
- La population avec TPB.
- La population de « contrôle » (avec exclusion des potentiels TPB grâce à un test de
personnalité standardisé).
La population avec TPB
Afin de pouvoir comparer les résultats entre population de contrôle et la population TPB,
nous avons sélectionné un groupe de 17 sujets ayant été diagnostiqués comme souffrant de
TPB. Ces sujets sont naturellement difficiles à trouver et il faut garder à l’esprit le fait que ces
derniers n’aient pas nécessairement le même type de TPB, pour autant qu’ils restent comme
appartenant à la catégorie et présentent tous des symptômes de prise de risques plus
importants.
Les études ayant tendance à faire état d’une importance de l’âge et du sexe pour ce qui
concerne la prise de risques, nous avons décidé de sélectionner une population de type
étudiante, de nationalité et de langue maternelle française, ayant entre 20 et 27 ans. Cette
borne d’âge s’impose pour pouvoir garder une population étudiante (même milieu social),
avec un niveau de revenu similaire et limitant ainsi les biais relatifs à l’âge et à l’exercice
d’une profession particulière. Cet âge de 20-27 ans semble pertinent dans la mesure où, par la
suite, les TPB ont une tendance à mieux contrôler leurs émotions et pourraient répondre avec
plus de réserve. Par ailleurs, le jeune âge des personnes travaillant dans le monde de la
finance et, plus spécifiquement, des investissements en finance numérique semble laisser
penser qu’il serait plus facile d’établir des corrélations, dans des études ultérieures, entre cette
population et les jeunes arrivants sur le marché du travail en finance.
29
Un facteur que la majorité des études a également tendance à omettre est l’importance du
critère intergénérationnel. Ainsi, il semble cohérent de dire que la Génération X n’aura pas la
même relation à la technologie, mais aussi au travail et au risque, que la population issue de la
Génération Y. Cette situation explique à la fois le choix de sujets d’origine Française (l’effet
de génération X et Y étant une conception occidentale ne se retrouvant pas dans tous les pays
du monde) et aussi l’âge pour cibler une population de type Y plus que X.
Pour ce qui concerne le nombre de 17 sujets, ces derniers se composent de 7 hommes et de 10
femmes. Les participants sont recrutés via une annonce sous la forme d’une affiche (annexes)
disposée à l’Institut de Psychologie de l’Université Paris Descartes (Sorbonne Paris Cité)
ainsi qu’avec l’aide de collègues de travail du secteur de la psychologie clinique connaissant
des personnes de type TPB. Il semble important de s’arrêter ici pour expliquer plus en détails
ce phénomène propre à l’étude sur les psychopathologies : le nombre de 17 sujets peut
sembler mince, bien que suffisant à la vue des résultats (voir partie sur les résultats), la
problématique des pathologies est alors le processus de recrutement plus aléatoire que dans
d’autres études.
Si l’on prend l’exemple des recherches « classiques » sur les pathologies, il faut avoir des
patients qu’on peut trouver dans les centres de soins. Pour cette étude, on aura tendance à les
exclure de manière à éviter de prendre des sujets ne pouvant pas ou ayant un possible
problème d’insertion sociale. Il semble en effet plus logique de considérer, tant bien même la
vision des centres de soins psychologiques reste romancée, que des individus n’étant pas issus
de ces lieux auront une plus forte tendance à pouvoir s’insérer dans les milieux de la finance
ou encore à avoir un emploi plus stable et ne seront donc pas trop éloignés des sujets
« contrôle ». Cet effet explique notre procédure de sélection auprès de personnes dont on peut
penser qu’elles exerceront avec plus de facilités des emplois sans que le TPB influence avec
trop d’importance leurs vies respectives.
Le facteur sexe chez les TPB est également problématique : les femmes ont tendance à être
plus souvent classées comme tel, pour autant, certaines études mettent en avant la
surreprésentation des femmes (Leichsenring F, Leibing E, Kruse J, New AS, Leweke F, 2011)
qui ne repose pas sur une base solide. Quand on sait l’importance du facteur sexe, il semble
30
important de sélectionner une population respectant la parité, ici 41% d’hommes et 59% de
femmes (écart lié à la petite taille de notre population). Cela semble correspondre aux
attentes, d’autant plus qu’il nous est possible de reproduire le même schéma dans la
population contrôle en y incluant le même nombre de femmes et d’hommes dans des
proportions similaires.
Pour s’assurer de la véracité des propos des personnes, on leur fait passer un test de
personnalité de manière à s’assurer qu’ils présentent bien des éléments types des TPB (SCID-
II; Wittchen et Fydrich, 1997). Cet aspect essentiel reproduit la procédure de Wischniewski J
et Blüme M (2012) dans leur étude précédente.
La population de contrôle
Celle-ci se compose de 59% de femmes (10 sujets) et de 41% d’hommes (7 sujets), pour
reproduire le schéma similaire à la population testée. Ils sont également recrutés sur la base du
volontariat avec une annonce. Ils sont étudiants entre 20 et 27 ans, pour la plus grande partie
issus de l’institut de Psychologie de l’Université Paris Descartes (Sorbonne Paris Cité).
Comme pour la population précédente, on leur fait passer un test de personnalité (SCID-II;
Wittchen et Fydrich, 1997) pour s’assurer qu’ils ne sont pas TPB sans en avoir conscience.
Une fois cette potentialité écartée, on leur administre le même type de questionnaire que pour
les autres sujets.
Informations sur la passation de la recherche
Les sujets TPB sont recrutés via l’annonce disposée à l’Institut de Psychologie de
l’Université Paris Descartes (Sorbonne Paris Cité) et via les contacts personnels ayant relayé
l’information. Les sujets « contrôle » sont recrutés avec le même processus, dans le même
milieu et le même lieu géographique.
Les tests se déroulent à l’Institut de Psychologie, dans une salle de cours ou à la bibliothèque,
ainsi qu’au niveau de la Maison de la Recherche dans le Vème arrondissement de Paris. La
passation s’effectue dans le calme, le sujet est seul, sans perturbation externe et
31
l’expérimentateur reste à proximité en cas de question (distance de 5 mètres du sujet). Il
semble important de préciser que les sujets ne viennent pas accompagnés, ils ont décidé du
moment du rendez-vous qui leur semblait le plus propice et n’ont pas eu à effectuer le test
dans la précipitation.
Ils sont invités à passer l’expérience en complétant le questionnaire (voir annexes) sous
format papier. Pour s’assurer de la véracité des propos sur leur état psychologique, les sujets
doivent compléter un premier test SCID-II de manière à s’assurer qu’ils ne sont pas TPB sans
en avoir conscience (pour la situation « contrôle ») et pour confirmer le diagnostic pour ceux
qui se présentent comme TPB. Par la suite, on administre aux personnes le questionnaire, ils
disposent du temps qu’ils souhaitent pour le compléter et on leur explique avec plus de détails
la deuxième expérience (paradoxe d’Ellsberg).
Pour augmenter la participation des personnes TPB, on leur propose une rémunération d’un
total de 10 euros et ce, peu importe les réponses. Cette situation contraste avec la condition de
contrôle où les sujets ne reçoivent aucune rémunération, si ce n’est une explication sur
l’expérience en elle-même et un descriptif sur leur PIF.
32
3. Résultats de la recherche sur la relation entre TPB et PIF
Les résultats se présentent sous la forme de deux analyses successives : la première
(voir ci-dessus) porte sur les items du questionnaire du test PIF. La deuxième (voir deuxième
page) porte sur le paradoxe d’Ellsberg en lui-même.
Pour en simplifier la lecture, on décide de faire la moyenne des résultats obtenus pour chaque
item. Les items binaires sont codés 1 pour la réponse 1 et 2 pour la réponse 2 (dans l’ordre du
questionnaire). On dispose alors d’une échelle allant de 1 à 2 pour ces derniers et plus facile à
interpréter. Les items avec plusieurs choix sont codés avec la moyenne des réponses (1 point
pour la réponse 1, 2 pour la 2, etc.), on augmente alors la facilité de lecture des résultats.
L’effet de genre n’est pas analysé en raison de la petite taille de la population et n’est pas
significatif et ce pour l’ensemble des items et également dans la situation du Paradoxe
d’Ellsberg. Une analyse des résultats nous permet d’affirmer que la moyenne n’est pas
influencée par des choix trop fort de certains sujets (notamment grâce aux mesures binaires).
Résultats sans TPB et TPB
0
0.525
1.05
1.575
2.1
1 2
Series1Series2Series3Series4Series5Series6Series7Series8Series9
33
Dans la première situation, on note des différences entre les résultats des TPB et ceux qui n’en
ont pas. Les différences les plus significatives se retrouvent pour les items numéro 1, 4 et 8.
Les autres items n’ayant pas d’effet significatifs, nous les excluons lors de cette analyse.
- L’item 1 porte sur les placements financiers « en matière de placements financiers,
pensez-vous plutôt être ? ». On retrouve 0.23 de différence (17% de différence) avec
un score plus élevé pour les non TPB, sachant que, plus le nombre est bas, plus la
tendance est à l’aversion envers un placement risqué. On peut alors dire que les sujets
avec TPB songent à effectuer, étonnement, des placements moins risqués que les sans
TPB (soit 29.4% contre 11.76%).
- L’item 4 porte sur la situation de placement actuel contre un nouveau placement
proposé (voir annexes). Les sujets avec TPB effectuent des placements plus risqués
que ne le font les sujets sans TPB, avec 0.25 de différence (23.5%).
- L’item 8 porte sur « êtes-vous du genre à avoir peur de manquer dans l’avenir ? ». On
peut noter une tendance pour les TPB à répondre avec un score plus bas que ne le font
les sans TPB 0.29 de différence et donc à avoir plus peur de manquer dans l’avenir
que les sans TPB (11.76% de différence).
L’ensemble de ces éléments amène à constater, pour les éléments les plus significatifs, la
tendance des sujets avec TPB à se lancer dans des placements plus risqués que les sujets sans
TPB. Pourtant, cette attitude ne se retrouve pas nécessairement dans toutes les situations. On
peut ainsi observer que seuls 3 items sont véritablement saillants et qu’une grande partie
d’entre eux, d’autant plus pour l’item 5, ne témoignent pas d’une différence significative entre
les TPB et les sans TPB.
34
!
Paradoxe d'Ellsberg
0
0.475
0.95
1.425
1.9
1
1.8824
1.1765
1.5294
1.1176
Paradoxe d'Ellsberg %
0%
23%
45%
68%
90%
1 2
35
!
Le Paradoxe d’Ellsberg semble corroborer les résultats. Ce dernier teste l’ambiguïté et,
principalement, la tendance des sujets à témoigner d’une aversion pour celle-ci. On note alors
une différence importante en situation 2 avec 0.35 de différence (35%).
Pour calculer les résultats, on code les résultats A et C comme 1 et les résultats B et D comme
2, on effectue alors la moyenne des résultats pour chaque situation dans la population TPB et
sans TPB. Les résultats en A et C qui s’approchent le plus de 2 témoigne de l’aversion pour
l’ambiguïté et B et D de l’appréciation de celle-ci (notre échelle se situe donc entre 1 et 2).
La Serie 1 et la Serie 3 comprend les résultats des Sans TPB et les Séries 2 et 4 pour les TPB,
respectivement pour la situation 1 (A et B) (S1 et S3) puis situation 2 (C et D) (S2 et S4).
La situation 1 est considérée par les TPB et les sans TPB comme totalement ambiguë. On note
des résultats similaires avec une aversion pour l’ambigüité lorsque celle-ci est trop flagrante.
Par contre, en situation 2, l’ambigüité est moins flagrante. Un écart se creuse alors entre les
sans TPB, qui choisissent majoritairement l’option D (voir annexe) qui semble la moins
ambiguë, et les TPB qui prennent l’option C, qui est la plus ambiguë. En effet, dans la mesure
où l’on ignore alors le nombre de boules jaunes (alors qu’on sait qu’il y a 60% de noires et
36
jaunes ensemble), choisir l’option C est la plus risquée par rapport au fait de choisir la
certitude des 60% de noires + jaunes.
On peut, globalement, avancer le fait que les sujets avec un TPB sont moins aversifs
au risque. Mais, ils présentent cependant des résultats plus « extrêmes » avec une tendance à
prendre plus de risques dans certaines situations et, à la fois, à être plus aversifs au risque
dans d’autres.
Si on ajoute ces données avec celles du Paradoxe d’Ellsberg, on peut alors constater que les
mêmes sujets TPB ont une tendance à être moins aversifs au risque mais, uniquement pour la
situation 2 et pas pour la situation 1. Il est étonnant de constater que la prise de risques ne
semble pas s’effectuer de manière « consciente » en situation 1 mais de façon plus
« inconsciente » en situation 2 (où le calcul des probabilités est plus difficile). On peut ajouter
que les sujets TPB semblent présenter une aversion pour l’ambiguïté, mais pas lorsque celle-
ci est dans une situation où l’ambiguïté est déjà partiellement présente.
Une analyse plus détaillée des résultats et une corrélation avec certains éléments de diagnostic
du DSM IV-TR pourraient nous en dire plus sur ces choix.
3. Inférence des résultats sur les théories en Economie comportementale et
possible utilisation pour le diagnostic du DSM IV-TR et la CIM 10.
1. Analyse des résultats de la recherche
Plusieurs éléments semblent se dégager de nos résultats :
- On constate une différence entre les résultats de la population sans TPB et la
population avec TPB.
- Globalement, les TPB ne prennent pas plus de risques que les sans TPB. Pourtant, sur
certains items spécifiques (1, 4, 8), on constate une différence notable entre les deux
populations.
- Dans le cadre des investissements à risques, on note le fait que les TPB en prennent
plus que les sans TPB. Cette situation semble aller de pair avec la réponse à l’item 8
où les TPB sont moins positifs vis-à-vis leur avenir.
37
- Le paradoxe d’Ellsberg met en avant l’idée que les sujets TPB ne vont pas prendre de
risques importants, du moins pas plus que les sans TPB, en situation de choix entre
ambiguïté totale et non ambiguïté.
- Le paradoxe d’Ellsberg met en avant le fait que, dans une deuxième condition, entre
ambiguïté partielle et non-ambiguïté, les sujets vont tendre à aller vers l’ambigüité
partielle.
Il semble pertinent de replacer ces résultats dans un contexte d’analyse de la pathologie TPB
d’après les critères communs au DSM IV-TR et à la CIM 10. On sait que les sujets TPB ont
une tendance à prendre plus de risques que la population « lambda ». Pourtant, ces derniers et,
contrairement à de nombreuses autres pathologies « lourdes », ont conscience du fait qu’ils
sont différents et ont tendance à en prendre plus.
A partir de cette base, il semble plus facile d’expliquer les résultats :
Dans l’étude de Wischniewski J et Blüme M (2012), les sujets ont tendance à punir
davantage. Cette situation peut largement s’expliquer avec la tendance à dévaloriser un
individu et à punir avec insistance l’autre qui appartient, soit à la catégorie idéalisée, neutre
ou dévalorisée mais, plus rarement, à une situation entre deux de ces catégories. En ce sens,
face à une situation de confrontation, le caractère des TPB va amener les individus à répliquer
avec plus de violence et à ne plus prendre en considération les états mentaux internes des
sujets avec lesquels ils jouent.
Dans notre étude, les sujets donnent des résultats qui semblent correspondre au fait que ces
derniers aiment à prendre des risques pouvant leur être nuisibles (DMS IV-TR). Pour autant,
ils ont conscience de cette réalité et cela explique en grande partie leur prévoyance et donc, la
modération dans leurs autres réponses (ils tempèrent cet excès de prise de risques avec
l’instauration d’une forme de représentation de ce qu’ils devraient faire). On trouve alors des
réponses plus « extrêmes », à la fois dans le contrôle de soi, mais aussi dans la prise de
risques en finance.
Si l’on prend le paradoxe d’Ellsberg, on retrouve, une nouvelle fois, l’idée, qu’en situation
d’ambiguïté évidente, ces derniers ne vont pas prendre de risques importants. Les résultats
38
seront alors quasi-identiques en situation TPB et sans TPB (voir graphique : Sans TPB 1.17
(82%) et TPB 1.11 (88%)). Mais, dans le cadre d’une ambigüité partielle, c'est-à-dire où le
choix possible est partiellement risqué mais pas totalement, alors ces derniers prennent
majoritairement celui-ci. Cette conscience du risque, sans pour autant s’y engouffrer sans y
réfléchir, témoigne de la corrélation entre la représentation du monde affectif des TPB et leurs
investissements en économie.
Il semble alors cohérent d’avancer que notre étude montre bien une tendance des
personnes avec TPB à se comporter, en situation de risques en économie, avec une attitude
similaire à celle qu’elles adoptent dans d’autres domaines. On remarquera la conscience du
risque dont font état les personnes, ce qui explique leurs choix plus que similaires avec la
population « lambda », voir aversifs au risque dans certaines situations. Dans une même
mesure, on peut noter, et ce dès que l’occasion s’en présente, une tendance à éprouver de
l’attirance pour le risque et pour les situations d’ambiguïté. Pour faire écho au DSM IV-TR,
les sujets avec TPB sont conscients de leurs actions mais, pourtant, ne peuvent totalement
refuser l’idée d’aller vers une situation qui peut leur être potentiellement nuisible et ce, même
s’ils en ont pleine conscience.
39
2. Compléter l’approche de l’Economie comportementale avec l’inclusion du facteur de
personnalité (NEO PI-R)
Comme nous avons pu le voir précédemment, l’Economie comportementale, en tant
que matière relativement « nouvelle » sur le plan académique, concentre son attention sur les
grands phénomènes sociaux. On peut avancer que cette dernière apporte une importance sur le
plan quantitatif aux sujets qu’elle examine. Pour autant, l’Economie comportementale, au
même titre que la finance comportementale, n’a eu de cesse de se pencher sur les nombreux
biais relatifs aux groupes (en eux-mêmes) pouvant affecter les résultats.
Il semble alors étonnant de noter un paradoxe assez flagrant : l’Economie comportementale,
qui base sa création même sur l’influence de la psychologie (sociale dans le cas ci présent),
reste fortement détachée des problématiques psychopathologiques. Pour autant, et comme
nous avons pu le constater lors de l’étude précédente (voir résultats), la psychopathologie des
individus n’est pas sans influencer leurs choix, au même titre que le genre, l’âge ou encore les
revenus, biais qu’on retrouve dans la majorité des expériences conduites.
La matière, en elle-même, propose donc de prendre en compte les éléments pouvant
constituer un biais en fonction de caractéristiques spécifiques : nous nous proposons d’y
inclure, d’autant plus dans les études portants sur une catégorie socio-professionnelle
spécifique, le facteur psychopathologie et, plus particulièrement, les aspects du test Neo PI-R.
En effet, en Economie comportementale, il faut prendre le biais de genre, d’âge et de revenus
(dans la majorité des situations), les résultats et la procédure pourraient pourtant y ajouter,
d’autant plus à la vue des résultats du test, le NEO PI-R (Revised NEO Personality
Inventory). Ces tests ne s’orientent pas sur les TPB mais comprennent les principaux traits
caractéristiques des individus et pourraient amener à repenser les biais en fonction des
caractéristiques « psychologiques » plus que « physiologiques ». Ce choix semble alors
donner plus de dynamique si on compare à l’approche stéréotypée des « genres » et ce,
d’autant plus dans le cadre d’analyse intergénérationnel (générations X et Y principalement)
et en management international (management interculturel).
Le test NEO PI-P semble correspondre à cette possible adaptation. Celui-ci comprend plus de
240 items pouvant mesurer les 5 dimensions de personnalité (« Big Five traits : extraversion,
40
agreableness, consciousness, neuroticism, openness to experience ») de Costa Paul T et
McCrae Robert R.
Le cadre psychopathologique, comme ce fut le cas dans notre étude, ne peut naturellement pas
être pris en compte avec le NEO PI-R, chaque pathologie devant être analysée avec le test le
plus pertinent. Pour autant, la création et la mesure du Big Five semblent plus cohérentes que
le cantonnement à la simple approche des genres et des revenus et confèreraient une
dimension plus individuelle que groupale. Celle-ci a tendance à trop reposer sur la question
du stéréotype ou sur la moyenne des résultats obtenus et est donc difficilement corrélable avec
certaines autres études, pourtant avec la même population.
Cette question de l’administration d’un test NEO PI-R, ou de tout autre test dans le
cadre d’une expérience d’Economie et Finance comportementales, soulève le problème de la
pérennité des études. En effet, on ne peut que constater l’approche assez classique selon
laquelle une donnée à un moment T doit nécessairement donner des résultats similaires à un
moment T2. Pourtant les biais de genre, âge, revenus, dépendent du contexte social et de la
représentation individuelle (qui influence la relation exogroupe et endogroupe des individus).
Il n’est donc pas incohérent de dire qu’une étude, si elle n’est pas réplicable sur le long terme,
n’en reste pas moins valide et révélatrice au moment de son administration.
Cette approche qui vise à dire que le raisonnement humain ne dépend pas d’un état interne
mais, en tant qu’individu social, d’une représentation de son groupe et de son contexte
temporal, veut remettre l’approche de l’Economie comportementale dans un cadre plus large
qui est celui de l’adaptation constante, au même titre que la psychologie, des réactions en
situation de test.
Cette approche remet alors en question l’ensemble des résultats. Dans notre expérience, le
paradoxe d’Ellsberg semble donner des résultats significatifs. Mais, rien n’empêche de penser
qu’avec le temps les personnes n’auront pas la même approche de la question de l’ambiguïté
et donc, que les résultats obtenus, bien que valables, sont révélateurs d’une époque plus que
d’un raisonnement humain immuable. Un approche de l’Economie comportementale, sous cet
angle, expliquerait les problématiques de reproduction d’expérience, déjà existantes, et
41
signerait la jonction effective entre psychologie (dont on sait que les tests de QI, au même
titre que le DSM ou la CIM, subissent de constantes modifications) et économie.
L’approche du TPB, plus que de s’imposer comme une étude sur la relation entre
psychopathologie et comportement de risques en économie, amène à un raisonnement plus
profond sur la question même de la validité des résultats à travers le temps et semble affirmer
une jonction effective entre les domaines, au point de remettre en cause la méthodologie en
Economie comportementale. Cette remise en cause, profonde, se retrouve avec l’influence de
l’économie comportementale en psychopathologie, domaine qui jusque-là ne faisait que
souvent référence, non sans un certain manque de précisions, à la question de la relation des
sujets avec la prise de risques et aussi l’utilisation de leur argent. Ces constatations, faisant
écho à l’application du test NEO PI-R en Finance comportementale, se retrouvent dans la
possible utilisation d’un test de Profil d’Investisseur Financier (PIF) pour la détection des
traits de caractère, ces derniers reposants souvent sur une approche psychanalytique plus
concentrée sur les émotions des individus.
42
3. Processus de détection du TPB avec l’utilisation d’un outil de détection PIF
Comme nous avons pu le constater, les personnes avec TPB montrent une forte
tendance à aller vers les choix extrêmes en ce qui concerne la prise de risques en termes de
placements financiers. Cette constatation va de pair avec l’idée qu’il existe donc une
singularité (tant bien même modérée) lors de la passation d’un test PIF standardisé.
La grande majorité des tests en psychologie clinique et psychopathologie (NEO PI-R, Tests de
QI, etc.) ou de management (MBTI) font souvent abstraction de cette notion de choix et de
prise de risques en économie. Si l’on pense aux descriptifs du DSM IV-TR ou de la CIM-10,
ces dernières ne font état que de « dépenses importantes », tendance à « conserver son
argent », « limiter les dépenses en situation de partage social », autant d’éléments qui laissent
à penser que le critère économique ne repose pas sur une base statistique solide mais sur un
ressentit du sujet ou du patient. Ces définitions sont alors incomplètes et peuvent mener à une
erreur de diagnostic ou à un manque d’appréciation de l’importance de la gestion du budget
pour un individu.
Notre étude a pu montrer que les choix des TPB étaient singuliers ou à tendance différente de
la majorité des sujets classés comme « lambda ». Il semblerait cohérent de proposer
d’améliorer les tests actuels en psychopathologie et psychologie clinique en y incluant la
passation de tests similaires à ceux du PIF, pour évaluer la réelle tendance « à la dépense » des
individus. Cette inclusion serait plus que pertinente pour les situations où la classification
DSM IV-TR ne repose que sur l’évaluation du psychologue clinicien. On pourrait limiter les
biais relatifs aux interprétations lors des consultations et, surtout, l’incapacité d’évaluation du
véritable risque et de la dépense liée à la question du revenu des individus (une personne qui
gagne plus pouvant dépenser plus, on voit alors difficilement de quelle manière le clinicien
évalue cette « tendance à la dépense importante »). Il ne semble plus improbable d’ajouter de
tels tests dans le cadre d’un entretien, si tant est que ces derniers complètent déjà ceux qui
existent au préalable.
De manière inverse, le test de type PIF serait utile pour analyser les pathologies à
grande échelle. On peut entendre par là le fait que les individus les plus extrêmes (à la
43
manière d’un test de QI) ont probablement une tendance à présenter plus de pathologies que
les autres. Il serait alors pertinent, étant connu la généralisation des tests PIF et ayant accès
aux données, de calculer les individus aux extrémités pour en évaluer la proportion dans une
société à une échelle plus globale.
Ajoutons à cette idée, celle selon laquelle l’utilisation d’un test PIF serait utilisable pour
détecter une personne ayant une tendance plus « psychopathologique » que les autres, celle
d’entamer un possible dialogue ou un ciblage des individus pour les orienter vers des
structures adaptées. Tachons d’entendre que si l’approche de détection psychologique peut
être complétée avec celle en Economie comportementale, alors la passation d’un test en
Economie comportementale pour la détection des pathologies ne semblerait plus incohérente.
Il en est de même quant à la possibilité d’orienter un patient vers des structures plus adaptées
(avec l’utilisation d’un possible Nudge, inclus par les banques, à l’intention des personnes
concernées – si cette possibilité était il y a quelles années encore impossible, le ciblage de
type adresse IP et l’importance du ciblage client en fonction de leurs préférences (comme on
l’observe en publicité sur internet). Cette faculté semble cohérente et pertinente, d’autant plus
que les grands groupes pharmaceutiques l’utilisent déjà. Il n’y aurait donc aucune incohérence
(sauf peut-être éthique) à permettre ce rapprochement entre test PIF des banques et ciblage
informatique des clients potentiels souffrant de psychopathologies « légères », voire
« lourdes », et les structures adaptées (et ce, dans un souci d’encadrement thérapeutique
possiblement lucratif pour les psychologues cliniciens et les psychiatres).
Cette approche, dans les deux sens, semble valable si l’on prend les résultats de cette
expérience. Pour généraliser les résultats obtenus dans un contexte plus large, il semble
cohérent de dire, comme dans la majorité des tests en psychologie et en économie, que les
individus aux extrémités sont de loin les plus atypiques et représentent un véritable enjeu pour
la compréhension de certaines catégories socio-professionnelles. Si les tests de QI permettent
de sélectionner à la fois les individus les plus faibles (pour leur apporter une meilleure
orientation et une prise en charge adaptée à leurs besoins) et les plus forts (hauts potentiels)
pour les sélectionner et les inclure dans des structures stimulantes pour accroître leur potentiel
et l’innovation à l’échelle des plus grandes entreprises, alors les tests du type PIF semblent
aussi intéressants, sur un mode similaire, pour détecter et s’assurer du suivi des individus dont
44
les choix en terme d’investissements sont révélateurs d’une possible souffrance sociale ou
d’une relation au risque pouvant être utilisée dans des domaines de compétences spécifiques
(comme c’est le cas dans les fonds monétaires spéculatifs qui nécessitent des experts avec une
faible aversion pour l’ambiguïté et le risque).
Conclusion
Notre étude s’était proposé de répondre à une question fondamentale : dans quelle
mesure une pathologie, dans ce schéma la TPB, peut-elle influencer les choix des acteurs en
Economie comportementale ? S’établissant dans la continuité de l’étude de Wischniewski J et
Blüme M (2012), notre approche a tenté de prendre en compte la notion de risque dans une
situation plus « solitaire », écartant la nation de machiavélisme dans le cadre coopératif (qui
se retrouve dans l’étude de Wischniewski J et Blüme M). Ce souhait de comprendre le
raisonnement et la prise de risques en solitaire semblait plus pertinent pour limiter les biais
d’émotions, trop importants dans le cadre coopératif.
Face à la complexité du TPB et, naturellement, les nombreuses découvertes à venir qui seront
faites dans le cadre de l’Economie comportementale, d’autant plus si l’on considère l’aspect
novateur et récent de cette matière, il semble pertinent de prendre les résultats obtenus avec
recul. En effet, il serait facile d'avancer que les TPB disposent d’une tendance à effectuer des
décisions, en finance, plus risquées ou beaucoup plus tempérées, que les autres sujets
« lambda ». Cette tendance à s’orienter vers les extrémités, autant dire à coller à la définition
que nous accorde le DSM IV-TR des Etats-limites (Borderline), au bord de la ligne entre trop
calme et trop excessif, ne fait d’une certaine manière que correspondre aux critères déjà
existants une nouvelle technique de mesure de ce trouble.
Pour autant, la tendance aux prises de risques chez les TPB laisse apparaître de nombreuses
réponses (et probablement tout autant de questions) aux problématiques que peuvent
rencontrer l’Economie et la Finance comportementales. Une forte minorité se dégage et ce,
même dans des conditions où le choix le plus « rationnel » semble évident. L’étude des
pathologies ouvre alors vers la compréhension des minorités statistiques et vers la réponse à la
45
potentielle influence que peut avoir ce groupe minoritaire lorsqu’il se retrouve spécifiquement
sélectionné lors d’une expérience.
Reprenant la suite logique de la compréhension et de la prise en compte des effets relatifs aux
genres, aux revenus et aux âges des personnes, la prise en compte du biais pathologique
semble inéluctable et ce, pour toute étude qui comprend naturellement un pourcentage
important de pathologies (5% à 15% de la population lors d’une étude) lors de sa passation.
Il semble alors cohérent de dire que cette prise en compte de la psychopathologie est
essentielle en Economie comportementale, pour éclaircir certains résultats, mais aussi pour
établir la jonction avec la psychologie clinique et sociale sans laquelle son existence
semblerait incertaine.
Ces champs de la psychologie clinique et sociale, aussi anciens soient-ils, ont
longtemps laissé de côté cette problématique économique. Souvent généralisé sous la forme
de définitions plus ou moins vagues, le facteur économique (et ici de la prise de risques)
semble pourtant décisif pour limiter les biais relatifs à l’interprétation du clinicien lors d’une
analyse qui souvent repose sur son unique jugement. Il faut ajouter l’idée selon laquelle une
approche plus quantitative serait pertinente pour développer de nouveaux outils (ou améliorer
les anciens) et ainsi détecter avec pertinence les sujets sans nécessairement faire appel à un
clinicien. Le test PIF, aussi simple soit-il, semble permettre de pouvoir détecter les sujets, si
ce n’est TPB, les plus atypiques et donc les plus intéressants.
Cet objectif de sélection, comme dans bien des situations, rappelle à chacun l’importance que
l’économie, au sens large, occupe dans la vie des individus. En ce sens, cette étude de
l’économie, non plus comme un champ de la statistique mais comme champ individuel,
comme ce fut le cas à l’époque de la Grèce antique, où elle trouve son origine οἰκονοµία /
oikonomía ou « administration d'un foyer », témoigne du retour de celle-ci en tant qu’étude
des comportements humains et non pas uniquement des phénomènes économiques mondiaux
ou justement détachés de la réalité humaine depuis l’avènement de l’informatique et du
trading à haute fréquence.
46
Loin de vouloir s’avancer dans le détachement de l’Economie comportementale du reste de
l’économie plus « classique », c’est rendre à celle-ci une place centrale et essentielle dans la
mesure où l’étude des comportements et choix individuels, comme en faisait état Keynes JM
dans « Les conséquences économiques de la paix » (1919), est à la base du bon
fonctionnement du système mondial. En ce sens, et pour suivre son idée, l’économie n’est pas
un domaine détaché des autres, elle dépend et révèle les tendances des acteurs dans un monde
à leur image. Elle permet d’analyser les choix et les tendances des individus, aussi importants
ou infimes soient-ils, et apporte une meilleure compréhension du monde à un moment donné.
Si l’Economie n’était que l’analyse des choix des individus « rationnels », alors celle-ci
pourrait résumer les erreurs à une simple interprétation erronée des sujets. Ces erreurs fatales
auraient mené, en 1929, au même titre qu’en 2008, aux crises les plus conséquentes et à des
répercussions sur notre monde social et politique. Cette conception des acteurs est alors à
revoir et ne correspond plus aux données actuelles, aux aspects trop longtemps refoulés des
individus à ne pas agir par le raisonnement mais aussi par l’émotion.
L’étude des TPB permet alors d’avancer, sans difficulté, que les sujets ne vivent pas dans un
monde où l’objectif principal est la maximisation de leur bien-être ou même de leur revenus,
mais bien avec des éléments qui dépassent notre analyse détachée et purement statistique du
choix à faire.
S’il a fallu attendre le Paradoxe d’Easterlin (1974) pour avancer la potentialité qu’une
augmentation du revenu n’était pas nécessairement corrélée avec une augmentation du bien-
être, alors il semble relativement réaliste de dire que l’aversion à l’ambiguïté, tout comme la
prise de risques, ne résultent pas uniquement d’erreurs d’interprétation ou d’une incapacité de
« conceptualisation d’une problème » chez les personnes, mais bien d’une potentiel choix,
aussi insensé soit-il, personnel et émotionnel.
Si la recherche de la douleur chez une personne peut nous dépasser, elle n’en reste pas moins
présente et l’objet d’analyse des étudiants en psychologie. Dans cette même mesure, l’analyse
du choix irrationnel, aussi incohérent soit-il pour un économiste, ne l’est pas si l’on regarde
au plus profond de l’Histoire de l’Humanité. Bien au contraire, et c’est probablement ce qui a
47
justifié le choix du jury qui décida de l’attribution du Prix Nobel au Professeur Kahneman D
en 2002, l’Economie, autant que la Psychologie, n’est pas une matière figée, distincte des
autres, mais bien corrélée avec les autres.
Cette étude a tenté de montrer l’influence d’une pathologie sur la prise de risques et
l’ambiguïté. Plus que d’apporter une simple explication au fait qu’une minorité se détache en
matière de choix, elle a aussi tenté de montrer l’importance de la psychologie individuelle et
de la psychopathologie dans l’Economie comportementale, tentant de répondre à l’une des
questions les plus fondamentales pour les deux matières : si les individus sont rationnels,
dotés de bon sens, pourquoi le monde que dans lequel nous vivons, si fréquemment, nous
semble-il si vide de celui-ci ?
48
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51
Annexes
Questionnaire pour la passation des sujets en situation TPB et en situation de contrôle.
1/9 - En matière de placements financiers, pensez-vous plutôt que :
! On peut placer une part importante de ses économies sur des actifs risqués si le gain en vaut la peine
! Il ne faut pas prendre de risque, on doit placer toutes ses économies sur des placements sûrs
! On peut placer une petite partie de ses économies sur des placements risqués
52
4/9 - Imaginez que l'ensemble de vos économies soit investi dans un placement sans risque qui vous rapporte aujourd'hui un revenu garanti de 3 000 € par an.On vous propose de réallouer vos économies pour les investir sur un nouveau placement qui a : - une chance sur deux (50 %) de doubler votre revenu annuel (6 000 € au lieu de 3 000 €) - et une chance sur deux (50 %) de diminuer d'un tiers votre revenu annuel ( 2 000 € au lieu de 3 000 €)
J'accepte le nouveau placement Je conserve mon placement actuel
2/9 - Pour votre logement ou votre voiture, êtes-vous assuré au-delà du minimum obligatoire ?
3/9 - Si dans votre couple, il n'y aait qu'un revenu principal, pensez-vous qu'il serait nécessaire d'assurer financièrement votre famille?
! On doit placer l'essentiel de ses économies sur des actifs risqués dès qu'il y a des chances que le gain soit très important
! Oui
! Oui
! Oui, seulement s'il y a des enfants
! Non
! Non
5/9 - Ce placement n'est plus disponible. On vous en propose un autre qui a : - une chance sur deux (50 %) de doubler votre revenu annuel (6 000 € au lieu de 3 000 €) - et une chance sur deux (50 %) de réduire de moitié votre revenu annuel (1 500 € au lieu de 3 000 €)
53
!
! Je conserve mon placement actuel
! J'accepte le nouveau placement
6/9 - Vis-à-vis des enfants, jeunes ou adolescents, de votre entourage, êtes-vous du genre... :
... à les inciter à prendre des risques :
... à leur donner le goût de la prévoyance, de l'épargne :
7/9 - En matière de logement êtes-vous d'accord avec l'affirmation suivante : " Etre propriétaire, c'est l'assurance d'avoir un toit au-dessus de la tête ".
! Non
! à les surveiller de temps en temps
! Tout à fait d'accord
! Non, je les inciterais plutôt à la prudence
! Oui
! à les surveiller constamment
! Oui, mais seulement des risques limités
! à leur laisser beaucoup d'indépendance
! Oui, tout à fait
54
! Pas vraiment d'accord
! Pas du tout d'accord
! Plutôt d'accord
8/9 - Etes-vous du genre à avoir peur de manquer dans l'avenir ?
9/9 - Quand vous prenez le train ou l'avion, préférez vous prendre vos billets... :
... arriver sur le lieu de départ :
! Bien à l'avance
! Plutôt du genre
! Un peu à l'avance
! Oui, tout à fait
! Pas du tout du genre
! Bien à l'avance
! Au dernier moment
! Un peu à l'avance
! Pas forcément du genre
! Au dernier moment
55
On vous propose alors deux nouvelles options :
Affiche de recrutement des sujets
TROUBLE DE LA PERSONNALITE BORDERLINE ET PROCESSUS DE DECISION
Recherche de sujets pour une expérience
Le nouveau Master en « Economics and Psychology » (Université Panthéon-Sorbonne et Université Paris Descartes) se penche sur la question des relations entre la prise de décision en économie et la psychologie des individus et/ou des groupes.
Face à vous se trouve une urne opaque. Celle-ci contient 30 boules de couleur rouge + 60 autres noires ou jaunes mélangées.
Vous ignorez la proportion de boules noire s et de boules jaunes. Par contre, vous savez que le total des boules noires et jaunes donne 60.
Les boules sont mélangées de manière à ne pas favoriser une couleur plus qu’une autre lors de la sélection.
___
Passation du test pour le Paradoxe d’Ellsberg
Option A Option B
Vous recevez 10 euros si vous tirez une boule rouge
Vous recevez 10 euros si vous tirez une boule noire
Option C Option D
Vous recevez 10 euros si vous tirez une boule rouge ou jaune
Vous recevrez 10 euros si vous tirez une boule noire ou jaune
56
Dans cette optique, j’effectue une recherche qui porte sur la relation entre le trouble de la personnalité borderline (Etat-Limite) et la prise de risques en finance. Cette étude tente de montrer une possible corrélation entre comportements individuels et investissements.
C’est la raison pour laquelle je suis à la recherche d’étudiants (de préférence en Sciences Humaines et Sociales) ayant entre 20 et 27 ans, maîtrisant le Français ou l’Anglais, avec un trouble de la personnalité borderline (classification DSM IV-TR), souhaitant passer un test d’une trentaine de minutes (il est possible de l’effectuer en Français ou en Anglais selon préférence).
A la suite de ce test, il vous sera possible d’en savoir plus sur votre « profil d’investisseur financier », de percevoir une rémunération totale de 10 euros et, naturellement, de prendre un café ou de demander à recevoir par Email de plus amples explications sur cette expérience.
L’expérience pouvant s’effectuer entre le mercredi 15 et le jeudi 30 mai 2013, n’hésitez pas à me contacter pour prendre rendez-vous ([email protected]) et effectuer le test directement à l’Institut de Psychologie ou à proximité du bâtiment de la Sorbonne.
Dans l’attente de vous rencontrer,
Michael LAMBERT
57
Résultats de l’étude de Wischniewski J, Blüme M (2012); “How do people with personality disorders respond to norm violations? Effects on economic decision making”.
58
!
Résultats obtenus lors de cette étude
59
Informations sur le Bitcoin depuis sa création
Résultats sans TPB et TPB
0
0.525
1.05
1.575
2.1
1 2
Series1Series2Series3Series4Series5Series6Series7Series8Series9
Paradoxe d'Ellsberg
0
0.475
0.95
1.425
1.9
1
1.8824
1.1765
1.5294
1.1176
60
61