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ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE LA VILLE & DES TERRITOIRES A MARNE-LA-VALLEE DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D’AUTEUR

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Peintres de la Vie Moderne

Louis Leger

Mémoire éffectué sous la direction de Jacques Lucan et sous l’assistance de Benjamin Persitz. Ecole d’Architecture de la Ville

et des Territoires de Marne-la-Vallée Janvier 2012.

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«Beauty is truth, truth is beauty, that is allYou know on earth, and all you need to know.»

John Keates, Ode à une urne grecque, 1820

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Honoré Daumier, Le Flâneur, 1841, vignette d’illustration, dans Jean-Louis Huart , Physiologie du Flâneur, Aubert, 1841

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Cet essai traite de curiosité, du réflexe enfantin qui consiste à s’intéresser vivement aux choses, même les plus triviales en appa-rence. L’enfant voit tout comme une nouveauté, il est toujours ivre d’émerveillement. Les personnages évoqués dans ce texte peuvent être considérés comme possédant à chaque minute le génie de l’enfance, c’est à dire un génie pour lequel aucun aspect de la vie n’est émoussé.

Regarder le réel devait être le titre de cet essai qui finalement a trouvé, dans l’oeuvre de Charles Baudelaire, son écho si ce n’est sa source. Dans Peintre de la vie Moderne1, M.G., artiste anonyme, est homme de son temps : en perpétuelle quête de « l’éternelle beauté et l’étonnante harmonie de la vie dans les capitales » il se plaît à admirer « les paysages de la grande ville » pour en découvrir et extraire « sa beauté mystérieuse », le « fantastique réel de la vie ».

1 Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie Moderne, 1863-1868, in Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, la Pléiade, II,1976

Le Flâneur - introduction

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« Ainsi il va, il court, il cherche. Il cherche ce quelque chose qu’on nous permettra d’appeler la modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l’idée en question. Il s’agit, pour lui, de dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poé-tique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire. »

Pour le flâneur, « tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes auxquels l’imagination donnera une place et une valeur relative ; c’est une espèce de pâture que l’imagination doit digérer et transformer. »

C’est de cette « transformation » ou « digestion » dont il est ici question. Car au delà du simple regard porté sur leur époque, les architectes et artistes qui seront évoqués, tentent de prolonger la démarche jusqu’à sa matérialisation. La réalité devient alors le substrat de la construction d’une idée ou d’un point de vue théo-rique.

Pour Baudelaire « peu d’hommes sont doués de la faculté de voir ; il y en a encore moins qui possèdent la puissance d’exprimer. M.G. est penché sur la table, dardant sur une feuille de papier le même regard qu’il attachait tout à l’heure sur les choses, s’expri-mant avec son crayon, sa plume, son pinceau. Tout les matériaux dont la mémoire s’est encombré se classent, se rangent, s’harmo-nisent et subissent cette idéalisation forcée qui est le résultat d’une perception aigüe, magique à force d’ingénuité.»

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A la lumière de l’oeuvre de Baudelaire, en particulier le Flâneur, l’essai interroge la manière dont quatre architectes se positionnent, chacun à leur époque, en observateurs privilégiés d’une réalité mo-derne, pour en établir les fondements mêmes de leurs principes de conception. L’idée est donc bien de discuter du processus d’élabo-ration de théories architecturale comme assimilation du réel, celui qui touche quotidiennement l’homme public.

Il s’agit de s’interroger sur la figure de l’architecte comme «peintre de la vie moderne », observant, digérant, puis proposant un point de vue ancré dans la réalité de son temps. Enfin, l’essaie interroge aussi le statut de ces théories comme facteur d’évolution des pra-tiques architecturales au regard d’une vision sans cesse renouvelée de notre réalité moderne.

Les titres de chaques parties font allusions à des personnages tirés de la culture populaire, des individus fictifs mais qui incarne à chaque fois la manière dont ces architectes appréhendent leur réalité.

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Robin Hood and The Merry Menof the East London

Alison, Peter Smithson et The Independent Group 13

Wacky Races in las VegasRobert Venturi et Denise Scott Brown 31

The Flying DutchmanRem Koolhaas 43

Tarzans in the media forestToyo Ito 61

Conclusion 69

Bibliographie 73

Sommaire

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Robin des bois est un héros archétypal du Moyen Âge anglais. Selon la légende, telle qu’elle est répandue aujourd’hui, Robin des Bois était un brigand au grand cœur qui vivait caché dans la forêt de Sherwood. Habile braconnier, mais aussi défenseur, avec ses nombreux compagnons, les Merry Men, des pauvres et des opprimés, il détroussait les riches au profit des pauvres ou rendait au peuple l’argent des impôts prélevés.

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Robin Hood and The Merry Men of the East London1

Dans la période d’après-guerre au Royaume-Uni, les architectes britanniques Peter et Alison Smithson livrent plusieurs bâtiments qui deviendront les œuvres manifestes d’un mouvement que Reyner Banham va nommer, en 1955, le « New Brutalism »2 . L’apparente simplicité formelle des édifices, et l’allusion faite à des bâtiments ordinaires, vont alimenter la critique architecturale d’après guerre qui dénoncera la « carence théorique » de ces œuvres.

Banham, dans son texte de 1955, décrit les caractéristiques de l’approche « New Brutalist » en termes d’anti-beauté et d’anti-aca-démisme. Ce mouvement marque donc une nouvelle phase dans le développement de l’Architecture Moderne. Il se détache de l’es-thétique machiniste des boites blanches à verrières d’avant-guerre promulguée par Gropius et Le Corbusier et s’oriente volontaire-ment vers des formes « trouvées » dans le contexte du projet, dont les qualités « anonymes, archétypales et vernaculaires »3 émergent d’ un processus d’adaptation au sein d’un cadre culturel spécifique.

1 Titre emprunté à la célèbre légende de Robin des Bois( dont le titre original est Robin Hood and Little John: or, The Merry Men of Sherwood Forest )

2 Peter Reyner Banham, « the New Brutalism » in The Architec-tural Review, n°118, décembre 1955.

3 Bruno Marchand, « Etrangements Familières… », in Matière, n°7,Presses polytechniques et universitaires romandes,2004.

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Cette nouvelle approche du Modernisme par les deux jeunes architectes trouve son origine dans leur implication dans l’Indé-pendent Group qui a profondément influencé leur approche sen-sible. Il est important de resituer l’existence et l’activité des Smith-son en son sein afin de mieux comprendre les problématiques développées par les deux jeunes architectes au début de leur car-rière1.

The Independent Group

Dans les années 50, un groupe d’artiste, The Independent Group, s’attache à réévaluer la pertinence du mouvement moderne dans ce contexte socio culturel particulier d’après guerre en Grande Bre-tagne. En considérant leurs propres backgrounds culturels et expé-riences du conflit, les membres du groupe proposent un regard novateur sur leur société.

The Independent Group réunissait artistes, designers et écrivains dont la carrière avait été affaiblie pendant la guerre. Richard Hamilton, Edouardo Paolozzi, William Turnbull, Nigel Hender-son, Peter Reyner, Mary Banham, and Alison and Peter Smith-son constituaient le noyau dur du groupe qui gravitait autour de l’Institut d’Arts Contemporains de Londres2, seul endroit ou l’art contemporain pouvait être vu et discuté. Inspiré et influencé par la

1 « La critique s’accorde en effet à penser qu’après l’Eco-nomist Building (Londres, 1964) les Smithson n’ont plus innové, ni dans leur travaux ni dans leur discour » Dirk Van Heuvel, « une dynamique générative », Architecture d’Aujourd’hui n°344, jan-fev 2003.

2 Les fondateurs de L’ICA, en particulier Roland Penrose and Herbert Read, ont expliqué que le rôle de l’institut serait de sen-sibiliser le public aux réalisations artistiques de l’avant-garde Européenne. L’ICA à été fondé en 1947.

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Robin Hood and The Merry Men of the East London 17

philosophie positiviste et existentialiste, le groupe a développé une nouvelle approche du Modernisme. C’est donc leur intérêt pour ce mouvement qui les a en premier lieu rassemblés. Mettant en avant l’histoire de la science et des technologies, ils souhaitaient « magnifier le désordre de l’existence humaine de l’après seconde guerre mondiale en opposition à la préciosité de la métaphysique de l’art»3. Depuis sa création, le groupe a construit sa propre ap-proche, en essayant d’étendre les frontières de la discussion sur l’art et le design à d’autres disciplines afin d’y inclure des références ancrées dans leur réalité contemporaine.

« The Independent Group looked at, discussed, analysed, wrote about, designed, built and assembled a galaxy of highly significant work exploring contemporary culture ‘as found’. Using a range of sources including the pages of science-fiction magazines, Jackson Pollock’s paintings, Hollywood film, helicopter design, the streets of London’s East End and modernist architecture »4.

A travers les écrits de Reyner Banham, les œuvres de Paolozzi et de Henderson, The Independent Group insiste sur le fait que l’art ne peut plus se baser sur sa forme traditionnelle : il doit désormais prendre en considération l’évolution des cultures, inclure dans son processus créatif les références et images qui façonnent nos socié-tés modernes. Les travaux de Nigel Henderson sont à l’image de cette démarche anthropologique. Entre 1948 et 1952, à la manière de Henri Cartier-Bresson, il photographie la vie quotidienne des classes ouvrières dans les rues de l’est londonien, mettant en avant les scènes de la vie ordinaire : les clichés relèvent plus du documen-taire que de la photographie d’art.

3-4 Anne Massey, The Independant Group : Modernism and Mass Culture In Britain, 1945-59, Manchester Univesity Press, 1995

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L’ Independent Group, Robin des Bois de l’Est Londonien, s’impose comme le défenseur du patrimoine visuel et esthétique ouvrier de ces quartiers populaires.

Les Smithson se sont impliqués dans le groupe lorsque Edouardo Paolozzi, professeur avec Peter Reyner à la Centrale School of Arts and Crafts à Londres, leur présente Nigel Henderson dans sa mai-son à Bethnal Green, en 1952. Les quatre membres1 ne tardent pas à découvrir qu’ils partagent un intérêt commun pour les images qui ne sont pas habituellement considérées comme ayant une «signification artistique ».

Parallel of Life and Art

Les Smithson, Paolozzi et Henderson proposent à l’ICA en 1952 l’exposition Parallel of Life and Art2. Leurs discussions se focalisent sur des images trouvées dans des magazines, des journaux et des revues scientifiques, ensuite sélectionnées pour être exposées. Bien que les images proviennent de sources très différentes, la scénogra-phie est conçue comme un « environnement total » où les images, présentées comme des photographies, sont suspendues et accro-chées au mur recouvrant complètement les surfaces de l’espace d’exposition.

1 Alison et Peter Smithson, Edouardo Paolozzi et Nigel Hen-derson, par affinité et par centres d’intérêts ont formé ce qui a été appelé la « Faction Brutaliste » au sein de l’Independent Group.

2 A l’origine appelé « sources », elle a été présentée à L’ICA sous forme d’un manifeste portant le nom « document 53 », en 1952.

Page de droite Photo prises par Nigel Henderson , Quartier de Bethnal Green, 1947-1952. Ces photos seront utilisées par les Smithson pour leur grille présentée aux CIAM de Aix-en-Provence en 1953.

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Robin Hood and The Merry Men of the East London 21

Cent vingt deux photographies en noir et blanc, disposées selon des inclinaisons différentes, tapissaient la petite salle. Le but était d’immerger le spectateur dans ce réseau d’images.

Se côtoyaient des vues aériennes, microscopiques, macrosco-piques, des photographies d’œuvres, des photographies d’oeuvres d’art mais aussi du monde quotidien, afin que le visiteur participe, par un jeu d’association, à l’affranchissement des barrières établies entre les différents domaines dont provenaient ces images.

Comme l’indique le titre de l’exposition, il s’agissait de montrer de manière singulière des objets de la vie banale. Les photogra-phies présentées provenaient des collections privées d’images sélec-tionnées par les membres de l’Independent Group eux-mêmes. Les images étaient classées en 17 catégories (anatomie, architecture, art, calligraphie, année 1901, paysage, mouvement, nature, pri-mitivisme, échelle humaine, distorsion, football, science-fiction, médecine, géologie, métal, céramique).

Les images exposées n’étaient délibérément pas plaisantes au re-gard. Par exemple les photographies microscopiques ne représen-taient non pas des flocons de neiges mais des tumeurs bégnines et des rats. Les images tirées de magazines, telles que celles des funé-railles du roi Georges VI et d’une forêt calcinée, représentaient des évènements lugubres. C’est ce décalage de l’esthétique conven-tionnelle qui offensait le visiteur et qui replace cette exposition au sein de la tradition Art Brut et Anti Art.

Page de gauche en haut Photographie de la salle d’exposition Parallel of Life and Art, 1953

En bas Extrait du catalogue de l’exposition , l’image présentée sur la gauche est décrite ainsi: «stresses produced by exploding charge» et classeé dans la rubrique «Stress».

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L’objectif de Parallel of Life and Art, cependant, était de révéler la présence de principes universels dissimulés dans la manifesta-tion superficielle de la réalité. C’est la raison pour laquelle autant d’images microscopiques et de photographies aux rayons-X sont inclues, toutes deux résultant de techniques rendant accessible une réalité invisible à l’œil nu. Mettre à jour la réalité, ainsi donc est leur but, l’exposition ne faisant rien de plus que de mettre en avant, par leur sélection et classification, des images tirées du réel. Ces images s’expriment à toutes les échelles, résultantes de proces-sus contemporains de production .

A la façon d’André Malraux qui construit son « musée imagi-naire »1 en 1947, composé d’œuvres d’arts reproduites, le quartet nous livre ici une iconographie qui tente de dépasser les frontières qui bornent la discipline artistique, en associant la plasticité d’ images « as found».

« The purpose of this exhibition is to present material belonging intimately to the background of anyone trying to look at things today. An introduction of these visual by-products of our way of thinking will perhaps dispel the bewilderment most people feel when confronted with the most recent manifestation of man’s activities (…) These images will establish an intricate series of cross relationships between different fields of art and technics. Touching off a wide range of associa-tion and offering fruitful analogies… a kind of Rosetta Stone. »2

1 Le Musée Imaginaire est un essai d’André Malraux, édité en 1947. Pour Malraux, le musée et la reproduction photographique a imposé une relation nouvelle avec l’œuvre d’art. Cette relation nouvelle délivre les œuvres de leur fonction, ce que Malraux appelle une métamorphose. « J’appelle Musée Imaginaire la totalité de ce que les gens peuvent connaître aujourd’hui même en n’étant pas dans un musée, c’est-à-dire ce qu’ils connaissent par la reproduction, ce qu’ils connaissent par les bibliothèques, etc. »

2 Peter and Alison Smithson , The Charged Void : Architec-ture, The Monacelli press, 2001

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Robin Hood and The Merry Men of the East London 23

C’est une “exposition programmatique” que nous a livré ici l’In-dependent Group, “un locus classicus” pour le Nouveau Brutalisme et l’idée du “as found”. Ayant suscité la controverse elle a pour-tant était respectée dans les cercles de spécialistes. Le plus impor-tant critique de l’évènement a surement été Reyner Banham. Lors d’une discussion à propos du film Fathers of Pop qu’il organise en 1976, il critique Parallel of Life and Art comme étant « a super inclusive collection of extraordinary images »3. Ce qui l’intéresse malgré tout dans cette exposition c’est son attitude «anti-esthé-tique » et son style provocateur. Il a vu Parallel of Life and Art , comme : «un mépris délibéré, non seulement de l’idée convention-nelle de « beauté », mais aussi de la notion courante d’une bonne photographie »4.

As Found

C’est cette première collaboration qui va profondément influen-cer le travail des Smithson. L’ idée du « as found » développée dans leurs travaux trouve son origine non seulement lors de l’exposi-tion Parallel of Life and Art , mais antérieurement et notamment au cours des balades dans les quartiers résidentiels des classes ou-vrières de l’Est londonien. C’est autour de la maison de Hender-son à Bethnal Green5 qu’ils apprennent à regarder l’ordinaire qui les entoure avec une nouvelle sensibilité.

3 Reyner Banham, « Draft Scripts » for Fathers of Pop, Arts Council of Great Britain, 1979.

4 Reyner Banham, The New Brutalism : Ethic or Aesthetic ?, Stuttgart : Kramer, 1966.

5 Le quartier de Bethnal Green dans l’est de Londres est à l’époque une des parties de Londres les plus méconnues : l’endroit où les classes ouvrière ont vécus pendant plusieurs génération avec les immigrants en quête d’une meilleure vie. Parce que c’était à l’époque un site de production industrielle, ce quartier a été lour-dement bombardé pendant la guerre.

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« In architecture, the « as found » easthetic was something we thought we named in the early 1950’s when we first knew Nigel Henderson and saw in his photographs a perceptive recognition of the actuality around his house in Bethnal Green : children’s pavement play-graphics ; repetition of « kind »in doors used as site hoardings ; the items in the detritus on bombed sites, such as the old boot, heaps of nails, fragments of sack or mesh and so on.(…) Thus the « as found » was a new seeing of the ordinary, an openess as how prosaic things could re-energise our inventive activities. »1

Leur démarche procède d’une « vigilance du regard »2 sur ce qui les entoure et qui façonne la réalité de leur temps : ils tentent de réévaluer la qualité esthétique d’objets apparemment dénués de valeur artistiques. Comme si la simple existence des objets et images considérés suffisait à leur procurer une valeur esthétique. Ils puisent leur inspiration dans le réel : les matériaux, les espaces publics, la société de consommation, autant de choses qu’ils se per-mettent de regarder sous un nouveau jour, qu’ils collectionnent et dont ils nourrissent leur processus d’élaboration de projet. Nous nous limiterons ici à considérer les concepts du « found » et du « as found » comme simple assimilation du réel, et non pas, comme les Smithsons l’ont largement développé, comme un processus au cours duquel la forme architecturale est « trouvée» , attitude visant a rejeter tout formalisme ou académisme.

1 Alison and Peter Smithson , « The found and the as found » in : David Robbins(ed.), The independent group : Postwar Britain and the aesthetic of Plenty, Cambridge, Mass. 1990.

2 Peter and Alison Smithson, The Charged Void : Architecture, The Monacelli press, 2001

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L’idée du « as found », prescrite par les Smithsons, et décrite par Reyner Banham dans son article, se fond de manière quasi-mimétique aux tenants du plus orthodoxe modernisme : rejet de l’ornement, recherche de la pureté structurelle et, par dessus tout, l’utilisation honnête des matériaux. Les Smithson, dans leur propre version du Modernisme , maintenant appelé Nouveau Bru-talisme, insufflent une dose de réalité de la vie de tous les jours et réussissent à exploiter et à exprimer toute la poésie contenu dans la laideur, la banalité, la vulgarité de leur époque.

Art de vivre

Le « as found » au delà de l’ouverture du regard procède d’un mode de vie chez les Smithson et leurs camarades. Le célèbre por-trait3 du groupe, pris par Henderson en 1956, où on les voit poser debout ou assis sur des chaises conçues par Charles et Ray Eames, met en scène les acteurs de l’Independent Group dans leur terrain de prédilection, les rues de l’est londonien. Au milieu de la rue, dans une position d’attente et de contemplation, les mains dans les poches ils semblent profiter de ce qu’il se passe autour d’eux dans une attitude semblable a celle du Flâneur de Daumier montré pré-cédemment. Cette photo, inclue dans le magazine de l’exposition Parallel of Life and Art, semble même faire partie de la collection d’images exposées. Les membres du groupe deviennent alors eux mêmes « as found », éléments de la collection d’objets ordinaires, mais bien ancrées dans leur temps.

3 Voir page suivante, image tirée du catalogue de l’exposi-tion Parallel of Life and Art, ICA London, 1953

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C’est de cette qualité d’hommes et femmes de leur temps que les Smithson vont imprégner leurs travaux et leur quotidien. De leur style vestimentaire à leurs moyens de locomotions, le couple exploite chacun des aspects de la vie quotidienne pour exprimer le lien qu’ils entretiennent avec leur époque. En 1983, Alison Smithson publie un livre original, AS in DS1, qui a la forme de leur voiture favorite, la déesse de chez Citroën, véritable symbole populaire de leur époque.

1 Alison Smithson, AS in DS : An eye on the road, Delft, 1983. Le livre reprend la silhouette de la célèbre voiture vue depuis le ciel.

Page de droite: La déesse garée devant l’Upper Lawn pavillion , maison de campagne des Smithsons; automne 1962. Dans Peter and Ali-son Smithson, The Charged Void op.cit.

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Ce livre, entre carnet de route et guide Michelin retrace les nom-breux voyages d’Alison entre leur maison londonienne et Upper Lawn dans le Wiltshire, à une centaine de kilomètre au sud de la capitale. Le livre sous titré « un manuel pour la sensibilité » essaie de mettre en avant les nouvelles possibilités offertes par les moyens modernes, pour voyager sur de grandes distances en des temps très courts. Les différents trajets parcourus la mènent des paysages post-industriels de la banlieue londonienne aux paysages naturels de la campagne anglaise. Alison flâne désormais en DS, s’arrête sur les bords de route avec son fils pour pique-niquer et prend des photos en conduisant depuis l’habitacle à travers le pare-brise, puis à chacune de ses étapes met en scène sa voiture dans le paysage.

Mais c’est n’est véritablement qu’au Etats-Unis qu’une culture de l’automobile s’est développée à cette époque. Dans un pays qui a la taille d’un continent, où les routes ramifient déjà tout son territoire, les villes et les paysages sont déjà empreints d’un phéno-mène qui va bouleverser notre manière de voir le monde. L’auto-mobile aux USA est déjà rentrée dans les mœurs.1

Page de gauche L’autre voiture favorite de la famille Smithson, le Jeep Willys américaine qui avait servi pour le débarquement en Normandie lors de la libération.

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Les Fous du volant (Wacky Races en anglais), est une série télévisée d’animation américaine, créée par William Hanna et Joseph Barbera. Le synopsis précise que « Onze bolides participent à des courses déjantées. Malgré les tentatives réitérées des concurrents pour l’emporter de manière malhonnête, en jouant de mauvais tours aux adversaires, Satanas et son chien Diabolo, les personnages principaux, se font systématiquement prendre à leur propre jeu. » Elle a été diffusée entre le 28 septembre 1968 et le 4 janvier 1969 sur le réseau CBS, soit au moment où les Venturi faisaient leur recherches sur Las Vegas.

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« Fonçant à travers brouillard et gros temps, avalant les distances, dévorant les étendues, triomphant de tous les obstacles, voici : les «fous du volant» dans leur éternelle poursuite… »1

En 1968, un autre jeune couple d’architectes, Robert Venturi et Denise Scott Brown, basés aux Etats-Unis publie un article Signi-ficance for A&P Parkings Lots, or Learning From Las Vegas 2 dans la revue The Architectural Form. Cette publication qui prendra la forme d’un livre3 en 1972, s’inscrit dans la continuité du travail entrepris par les Smithsons dans les années 50. Ils nous proposent ici non pas une révision du mouvement moderne mais s’attachent à critiquer le Style international qui triomphe alors sur la scène Américaine.

1 Extrait de l’introduction au générique de la série Les Fous Du Volants

2 Robert Venturi et Denise Scott Brown, Significance for A&P Parkings Lots, or Learning From Las Vegas, Architectural Forum, 1968.

3 Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Iznevour, Learning from Las Vegas : The forgotten Symbolism of Architectural Form, The Mit Press, 1972.

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On sait d’ailleurs que Denise Scott Brown, durant ses études à Londres, a assisté a plusieurs des conférences des Smithson et qu‘elle les a personnellement sollicités pour des critiques de son diplôme. Dans son texte « learning from brutalism »1, elle recon-naît explicitement une dette envers leur pensée théorique qui lui a par ailleurs révélée que « la beauté peut provenir de la dure réalité et que le fait de se confronter aux phénomènes inconfortables peut aiguiser notre œil et raffiner notre jugement esthétique »2 et nous indique avoir « assisté à des conférence de l’Independent Group, entendu Edouardo Paolozzi et Reyner Banham a Londres , et avoir vu l’exposition du groupe en 1953 Parallel of Life and Art .. »3

Comme leurs homologues Britanniques, les Venturi ont su déce-ler à travers l’exploration de cette ville l’intérêt pédagogique de l’étude d’un territoire existant. Car au delà d’une spéculation per-sonnelle et universitaire, leurs études ont fait écho dans le milieu architectural et constitue aujourd’hui une référence incontour-nable, ouvrant la voie à bien des écrits qui, depuis, ont inversé le rapport entre théorie et réel.

Apologie du réel

Tout est dit ou presque, dès la première phrase de Learning from Las Vegas : « étudier le paysage existant est pour un architecte une manière d’être révolutionnaire ». Si la révolution reste à l’ordre du jour pour les auteurs, elle vise à renverser l’ordre à l’intérieur du

1-2-3 D. Scott Brown, « Learning from Brutalism », in D. Robbins

(éd.), The independant group : Postwar Britain and the Aesthetic of Plenty. op. cit.

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milieu architectural, et non la situation urbaine existante dont au contraire ils souhaitent s’inspirer. Les Venturi font en effet de la ville existante, ici Las Vegas, un modèle à reproduire , imiter ou parodier et rompent ainsi brutalement avec l’idéologie moderniste où la création architecturale ou urbanistique suppose un nouveau départ, une tabula rasa, une page blanche. Au contraire, c’est de la ville « as it is », à partir de la réalité urbaine complexe et contra-dictoire qui les entoure, que les deux architectes de Philadelphie entendent faire œuvre.

On peut souligner ici que l’idée de magnifier la ville « as it is» ne manque pas de nous faire penser au concept du « as found» avancé par les Smithson au début des années 50. Bien que l’objet d’étude s’étende aujourd’hui à des territoires entiers dont l’appréhension ne se fait plus à pied, mais en voiture, dans des villes façonnées par elles et pour elles, leur démarche procède du même question-nement.

Déjà dans son premier livre Complexity and contradiction in Ar-chitecture4, Robert Venturi plaidait pour la prise en compte en ar-chitecture du contexte quel qu’il soit et se demandait par exemple « Main Street n’est-elle pas presque parfaite ? ». Dans Learning from Las Vegas , les Venturi se réfèrent aux artistes qui , en littérature –James Joyce, Thomas S. Eliot- comme en peinture- Andy Wha-rol-, empruntent les formes et les significations du passé comme du présent pour créer. Comme eux, ils n’entendent « pas faire de l’utopie une réalité, mais de la réalité une utopie »5.

4 Robert Venturi, Complexity and Contradiction in Architec-ture, New-York : Museum of Modern Art and Graham Foundation, 1966.

5 Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Iznevour, Learning from Las Vegas : The forgotten Symbolism of Architectural Form, op.cit.

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Anti-Utopie ?

Dès la première parution du titre, la critique ne s’y trompe pas. Le théoricien et professeur de design Tomas Maldonado note que : « l’enthousiasme naïf pour Las Vegas ( et pour d’autres « existing landscapes » semblables) s’explique comme l’expression d’un refus polémique de toute forme d’utopie dans le domaine de la proje-tation. Learning from Las Vegas est donc tout un programme. Le programme de la contre-utopie, du contre « tout ou rien » des grands modèles idéaux »1.

D’autres critiques, notamment en Grande-Bretagne, se montrent plus agressifs et parlent d’ « anti-utopie »2 ou d’ « anti-architecture »3. Learning from Las Vegas s’apparente au contraire de l’utopie, et non l’utopie au sens contraire, comme la pratique à la même époque les protagonistes de l’architecture radicale ita-lienne. Aux constructions imaginaires d’un monde meilleur, les Venturi opposent l’observation du monde existant. Ils affirment dans leur ouvrage qu’ « en général, le monde ne peut pas attendre que l’architecture se construise son utopie, et pour l’essentiel, le souci de l’architecture devrait se porter non pas vers ce qui devrait être mais vers ce qui est- et chercher à l’améliorer maintenant. » Plaidoyer pour une pratique conventionnelle de l’architecture et une production « ordinaire » , Learning from Las Vegas dénonce toujours avec la même force l’architecture « héroïque et originale ».

1 Tomàs Maldonado, Envirronement et idéologie, Paris , 1972.2 Kenneth Frampton, « America 1960-1970, notes on Urban

Images and Theory », Casabella n°359/360, décembre 1971.3 Lance Wright, « Robert Venturi and Anti-Architecture », The

architectural Review, avril 1973.

Page de gauche: Le couple Venturi se met lui aussi en scène sur son terrain d’étude. Robert Venturi & Denise Scott Brown in Las Vegas, 1968 .Image courtesy of Venturi, Scott Brown and Associates, Inc.

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Collection, encore

En 1968, Denise Scott Brown et Robert Venturi, professeurs à l’Ecole d’Architecture de l’Université de Yale, entreprennent donc, comme projet de recherche pour leurs étudiants, un voyage à Las Vegas. L’intitulé de l’exercice s’est exprimé en ces termes :

« L’archétype de la rue commerçante, le phénomène qu’elle constitue, pris dans la forme la plus simple et la plus intense, c’est la route 91 qui traverse Las Vegas. Nous croyons qu’une documentation précise et qu’une analyse soignée de sa forme physique est aussi importante pour les architectes que l’était l’étude de l’Europe médiévale et de l’Antiquité grecque et romaine pour les générations précédentes. Une telle étude aidera à définir ce type nouveau de forme urbaine qui s’implante à travers l’Amérique et l’Europe et qui est radicalement différent de celle que nous avons connu auparavant. Un des buts de cet atelier sera de parvenir à la compréhension de cette forme nouvelle par une investigation sans parti pris ni jugement de valeur et d’entreprendre l’élaboration de techniques permettant son utilisation. »1

Les étudiants et leurs professeurs vont, pendant plus d’une se-maine sillonner le Strip de Las Vegas et ses rues adjacentes, à la recherche de ce qui fabrique ce nouveau type de tissu urbain. Ils procèdent à un relevé scientifique très précis. Ils créent une collec-tions d’images qu’ils classent selon une nomenclature adaptée aux spécificités de la ville : stations-services, hôtels, motels, enseignes lumineuses en distinguant chacune des caractéristiques de ces élé-ments du paysage.

1 Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Iznevour, Learning from Las Vegas : The forgotten Symbolism of Architectural Form, op.cit.

Page de droite Bâtiments et enseignes de Las Vegas, Learning From Las Vegas, ibidem

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La ville de Las Vegas diffère tellement des espaces dociles pour lesquels les outils conceptuels et analytiques plus classiques ont été conçus, qu’ils ont besoin, pour l’aborder, de nouveaux concepts, de nouvelles théories et surtout de nouvelles méthodes de repré-sentations. La documentation mise au point pour le livre crée un univers graphique original, représentant en plans les niveaux d’il-lumination des rues , les surfaces bitumées donc accessibles en voi-tures, les voitures elles-mêmes et même une carte montrant tous les mots écrits vus depuis de la route. Tous ces éléments façonnant l’expérience de ce lieu, découverts généralement en voiture, sont minutieusement relevés, analysés et représentés d’une façon singu-lière. D’ailleurs, plusieurs photo prises depuis la place du conduc-teur dans une voiture nous rappelle les pérégrinations de Alison en Grande –Bretagne et la façon dont elle mettait en scène le paysage.

Dans leur livre The view from the road1, Appleyard, Lynch et Myer décrivent l’expérience de la conduite en voiture, ils tirent des conclusion dont les Venturi et leur groupe d’étudiants vont se servir pour expliquer les caractéristiques de la ville de Vegas : la taille des enseignes, leur positionnement, leur éclairage, leur orientation… C’est cette nouvelle façon d’appréhender l’environ-nement, à 90 km/h et depuis la route, qui a façonné Las Vegas et bien d’autres villes en Europe et aux Etats-Unis.

Learning from Las Vegas illustre l’évolution des théories archi-tecturales, entre autre en créant de nouveaux outils et de nouvelles méthodologies, en réponse à une réalité matérielle évolutive, sou-mise à des modes de vie changeants et à un paysage urbain dyna-mique. C’est ce phénomène là que les Venturi mettent en exergue

1 Donald Appleyard, Kevin Lynch, et John Myer, The view frome the road, Cambridge, Mass., The M.I.T Press , 1964

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dans leur livre, l’établissement de logiques urbaines ancrées dans une réalité dynamique, qui échappent parfois aux penseurs de la ville.

Manifeste rétroactif

En conclusion c’est sur la position qu’occupe l’ouvrage dans la théorie architecturale qu’il convient de s’interroger. L’ouvrage ap-partient au genre didactique de forme polémique que l’on appelle manifeste1. Ce type de texte que les partisans du Modernisme ont beaucoup utilisés, propose la plupart du temps de rompre avec l’idéologie et l’environnement existant pour fonder un art et un monde nouveau. Textes programmatiques, ils sont des actes fonda-teurs par lesquels un individu ou un groupe tente d’imposer sa vi-sion – Vers une architecture (1923) de Le Corbusier reste l’exemple canonique. Nombreux au début du vingtième siècle, ils ont perdu de leur attrait avec la crise du mouvement Moderne.

A la fin des années 70 , dans son introduction à New York Délire2, l’architecte néerlandais Rem Koolhaas se demande même « com-ment écrire un manifeste d’urbanisme pour la fin du 20eme siècle, dans une époque qui a la nausée des manifestes. ». Et plutôt qu’a des promesses de plus en plus difficiles à tenir , celui-ci propose alors de s’en remettre à la ville existante –pour lui Manhattan- et à la montagne d’évidences qu’elle présente, il sous-titre son ouvrage: « un manifeste rétroactif pour Manhattan »3.

1 Voir : Claude Abastado, « Introduction à l’analyse des manifestes », Litérature, n°39, 1980

2 Rem Koolhaas, New York Délire : Un manifeste rétroactif pour Manhattan, Paris : Chêne, 1978

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On peut alors considérer Learning from Las Vegas comme étant le premier « manifeste rétroactif », prototype d’un nouveau genre de textes qui entendent déduire une « doctrine explicite » pour l’architecture et l’urbanisme à partir de la ville déjà existante.

Robert Venturi, Denise Scott Brown et Steven Iznevour, Learning from Las Vegas : The forgotten Symbolism of Architectural Form, M.I.T Press, 1972

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Employé par la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales, le « Hollander » était connu pour effectuer, avec une rapidité surprenante pour l’époque, les trajets entre l’Europe et l’Asie : seulement trois mois et quatre jours en 1678, pour rejoindre l’île de Java en partant des Pro-vinces-Unies. Le capitaine Willem van der Decken commande le navire, il est riche et puissant ce qui ne l’empêche pas d’être un terrible capitaine. En 1678, il décide d’appareiller vers les Indes, un Vendredi saint, malgré une terrible tempête. Il fait alors cette proclamation qui lui vaudra la damnation éternelle, condamné par la justice divine, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles.Tableau: « The Flying Dutchman » par Albert Pinkham Ryder, 1896.

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Employé par la Compagnie Néerlandaise des Indes orientales, le « Hollander » était connu pour effectuer, avec une rapidité surprenante pour l’époque, les trajets entre l’Europe et l’Asie : seulement trois mois et quatre jours en 1678, pour rejoindre l’île de Java en partant des Pro-vinces-Unies. Le capitaine Willem van der Decken commande le navire, il est riche et puissant ce qui ne l’empêche pas d’être un terrible capitaine. En 1678, il décide d’appareiller vers les Indes, un Vendredi saint, malgré une terrible tempête. Il fait alors cette proclamation qui lui vaudra la damnation éternelle, condamné par la justice divine, à errer sur les mers jusqu’à la fin des siècles.Tableau: « The Flying Dutchman » par Albert Pinkham Ryder, 1896.

The Flying Dutchman

« Je naviguerai, tempête ou pas tempête, Pâques ou pas Pâques. Je naviguerai, même pour l’éternité ! »1

Lorque Rem Koolhaas se procure en 1972 , dans la boutique du campus de Cornell, un exemplaire de Learning from Las Vegas il « prit conscience qu’il n’était plus possible d’écrire de mani-festes, mais qu’on pouvait en revanche écrire à propos de cer-taines villes comme si elles étaient elles-mêmes des manifestes»2.

Dans les années 70 et au début des années 80, les probléma-tiques sur l’architecture urbaine et sur la reconstruction de la ville s’appuient sur la croyance qu’il était possible de redonner une cohérence et une homogénéité aux développements récents et actuels des villes. Ce mouvement se nourrissait de nostalgie et restait aveugles à des phénomènes souvent inclassables auxquels avaient donné naissance les théories et créations architecturales de la première moitié du 20ème siècle.

1 Capitaine Willem van der Decken, commandant du « Flying Dutchman ».

2 Rem Koolhaas, entretient avec Peter Fischli et Hans Ulrich Obrist, in Las Vegas Studio : Image from the archives of Robert Venturi and Denise Scott Brown, Francfort, Deutsches Architekturmu-seum, 2008. La suite de l’entretien apporte une nuance importante : « Fischli : The city itslef is a manifesto. Koolhaas: Exactly , or the discovery of the city is a manifesto .»

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Rem Koolhaas s’interdit de ferme les yeux, tout comme Robert Venturi quelques années plus tôt lorsqu’il découvrait Las Vegas. Il s’interdit toute « hystérie» de vision exclusive des centres histo-riques, il stigmatise les « yeux qui ne voient pas »1 la dimension métropolitaine des phénomènes urbains contemporains. Il sou-haite déchiffrer les processus métropolitains que les penseurs de la ville ne contrôlent plus et n’osent plus appréhender, trop effrayés par les désastres qu’ils ont pu créer.

Cette nouvelle manière d’aborder la ville contemporaine procède d’une volonté de ne pas se laisser emporter par la fatalité d’une moralité qui dicterait un rejet dogmatique de tout ce que la géné-ration qui nous a précédée a pensé et produit mais au contraire de procéder à sa relecture ou a sa réévaluation.

« J’ai horreur de cette fatalité qui conduit chaque génération à contredire la précédente »2

Archéologue

Le premier mouvement que nécessite une telle démarche est de ne pas laisser dans l’oubli des pans d’histoires qui ont formés notre condition moderne. Rem Koolhaas en particulier avec son pre-mier ouvrage New York Délire, n’est pas tant un historien qu’un archéologue lorsqu’il met à jour les logiques de développement de Manhattan. Dans ce « manifeste rétroactif », qui fait écho aux travaux de Venturi comme on l’a vu plus haut, Koolhaas s’efforce

1 Rem Koolhaas , « la deuxième chance de l’architecture moderne… », entretien avec Patrice Goulet, in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°238, avril 1985.

2 ibidem

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à posteriori de révéler la « théorie informulée », et de donner une « interprétation qui confère à ses épisodes apparemment discon-tinus , voire irréconciliables, un certains degré de logique et de cohérence »3 à la ville New-Yorkaise. Ce livre jette les bases de la formulation d’une « culture de la congestion », incarnée par cette ville, et qu’il entend comme un modèle de la condition urbaine contemporaine.

3 Rem Koolhaas, New York Délire : Un manifeste rétroactif pour Manhattan, Paris : Chêne, 1978

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« C’est sur les poubelles de l’histoire que trainent les idées les plus riches »

Koolhaas fort de sa théorie, n’hésite alors pas à « tailler et décou-per le corpus de l’ensemble de l’histoire de l’architecture avec ses ciseaux rétroactifs »1. Pour le projet de l’IJ Plein d’Amsterdam , l’étude urbaine avait commencé par une mise en comparaisons de quelques projets phares de l’architecture moderne2 en les ins-crivant dans le périmètre du terrain , comparaison qui permettait d’évaluer les différentes alternatives d’occupations. Il passe les pro-jets au banc d’essai, en les mettant au contact des enjeux urbains présents et observe le résultat de réactions chimiques imprévues. A Berlin, avec sa proposition pour les Kochstrasse et Friedriechs-trasse, OMA situe son intervention non pas dans l’ignorance de projets antérieurs mais dans la redécouverte de ceux de Mies, de Mendelsohn et d’Hilberseimer.

Il explore en les détachants de leur contexte, les grands para-digmes simplificateurs que furent certains projets du Neues Bauen allemand ou de constructivistes russes. Il porte toute son attention aux projets effectivement dessinés ou réalisés pour en extraire ou retenir leur valeur de proposition pour le temps présent, comme s’il voulait rétablir la continuité historique d’un horizon de com-préhension et de conception, pour contredire aussi le penchant

1 Jean-Louis Cohen, « le rebelle rationnel ou le propos ur-bain d’OMA », in OMA-Rem Koolhaas, Electa Moniteur, 1990.

2 L’unité d’Habitation de Le Corbusier, , la Marina City de Bertrand Boldberg, le La Fayette Park Detroit de Mies Van Der Rohe, différents projets d’Hilberseimer, de Ivan Leonidov…

Page de droite Etudes Préliminaires pour le projet Friedriechs-trasse, les projets «modernes» sont confrontés aux réalités du site.

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naturel des architectes doctrinaires : « une doctrine architecturale est adoptée pour être inévitablement remplacée , quelques années plus tard, par la doctrine opposée : séquence négative où chaque génération ne peut que ridiculiser la précédente. L’effet de succes-sion de oui-non-oui est anti-historique car elle réduit le discours architectural à une suite incompréhensible de phrases disjointes»1.

Mais cette démarche d’archéologue ne se limite pas à ce passé historiciste, qui considère des mouvements et des préceptes qui ne sont en quelque sorte plus d’actualité. Le deuxième mouvement que nécessite l’ouverture du regard sur les réalités contemporaines est d’être constamment aux aguets des manifestations de ce que l’on nommera, pour reprendre les mots de Charles Baudelaire, « la vie moderne »2. Koolhaas joue ici à l’ archéologue contemporain, essayant de mettre a jour les processus d’établissement des villes d’aujourd’hui. Là où les Smithson se baladaient dans leurs quar-tiers, où les Venturi erraient en voitures dans les rues de Las Vegas, le Hollandais s’envole, lui, à travers le monde.

1 Rem Koolhaas , in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°238, avril 1985 dans le texte qui accompagne la présentation du projet des Kochstrasse –Friedriechstrasse.

2 Charles Baudelaire, le Peintre de la vie Moderne, 1863-1868, in Œuvres Complètes, Paris, Gallimard, la Pléiade, II, 1976.

Page de gauche Projet de logements sociaux Kochstrasse –Frie-driechstrasse, Berlin 1980 Rem Koolhaas Stefano Di Martino. Le projet au centre avec la « mise à l’épreuve » de projets «modernes» représentés dans les sites pour lesquels ils étaient prévus: en haut , le siège de la fédération de la Métallurgie allemande d’Erich Mendelsohn (1929-1930); au milieu,l’application le long de la Frie-driechstrasse, du projet de ville de Ludwig Hilberseimer (1928-1930); en bas , le gratte-ciel de bureaux en verre de Ludwig Mies van der Rohe (1921).

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« L’archéologue du XXème siècle n’a pas besoin d’une pelle , mais d’une provision illimité de billets d’avions. »

Rem Koolhaas, « The Generic City ».

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Ecologie du contemporain1

« Parfois , il est important de découvrir ce que la ville est , plutôt que ce qu’elle fut, ou ce qu’elle devrait être. C’est ce qui m’a conduit à Atlanta : l’intuition que la ville réelle de la fin du XX ème siècles pourrait être trouvée là »2.

En 1995, Rem Koolhaas nous livre son second gros opus, S,M,L,XL, un livre quasi-indigeste de 1350 pages qui regroupe non seulement les projets depuis la création de l’agence mes aussi tous les textes postérieurs à New York Délire, fondateurs de la pen-sée de l’OMA. On notera que trois de ses textes sont consacrés exclusivement à des villes particulières, chacune constituée sur un continent différent : Berlin, Atlanta et Singapour.

Singapour Songline : portrait d’une métropole Potemkine… ou trente années de table rase est l’un des texte après New York Delire, les plus remarquables que Rem Koolhaas ait consacré a une réalité urbaine donnée, dont l’histoire récente est par lui décortiquée, et le premier ou il se soit penché sur le contexte urbain asiatique. Il représente donc un jalon important dans un itinéraire théorique et littéraire qui sera successivement passé par Berlin, Manhattan, Atlanta, Singapour , le Pearl River Delta, Lagos et le Japon méta-boliste-pour ne citer que ses étapes locales les plus marquantes.

1 Sebastien Marot , « du village global à la ville générique », in Marne documents d’architecture, Edition de la Villette, n°2, 2012.

2 Rem Koolhaas, « Atlanta », in S,M,L,XL, Rooterdam ,010 Publishers,1995.

Page de gauche Oma Travel Behavior, dans les premières pages de S,M,L,XL Koolhaas nous informe des voyages et des nuits passés à l’étranger par les membres de l’agence.

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Ce long essai, basé sur un gros travail de documentation dont témoigne l’appareil de notes et de références, s’inscrit directement dans le sillage de son premier « manifeste rétroactif », écrit vingt ans plus tôt. Dans l’intervalle, non seulement Koolhaas a déployé avec OMA une prolifique activité d’architecte et d‘urbaniste inter-national – dont S,M,L,XL compile justement les épisodes dans 2 kilos d’images et de réflexions- mais le progrès de la mondialisa-tion bouleverse la géopolitique planétaire des ville et de l’archi-tecture. Au début des années 90, Koolhaas a repéré Singapour comme un terrain d’étude instructif sur les mutations en cours de l’urbanisation mondiale, et comme un laboratoire édifiant de la Babel Contemporaine.

Le texte « Singapore Songlines. Portrait of a Potemkine Metropo-lis… or thirty years of tabula rasa » tel que parus dans Oma , Rem Koolhaas, Bruce Mau, S,M,L,XL, op. cit.

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Le projet de Koolhaas, qui avait depuis quelques années l’ambi-tion d’écrire un livre sur la ville contemporaine, est de surmonter le réflexe de dérision, de mépris de l’Occident pour la ville dégéné-rée, laide, vulgaire, chaotique, et de s’exposer à une réalité urbaine qui lui paraît représenter une parfaite « écologie du contempo-rain ». D’où l’ambiguïté de cet essai qui, dans son effort intellec-tuel pour s’interdire le jugement, à la façon des Venturi dans leur étude de Las Vegas, conjugue la critique et l’apologie, la charge et la défense. Tout le vocabulaire et les détails des descriptions sont chargés d’ironie alors que le propos relève, lui, plus du plaidoyer.

Singapour Générique

Comme on le voit, Singapour émerge dans les textes que l’archi-tecte écrit au début des années 90 comme le témoin le plus carac-téristique et le plus décomplexé de la mutation urbaine globale. Ce qui fonde d’ailleurs l ‘importance de ce texte ici, est le glissement qui s’opère entre l’écriture de ce texte et celui en parallèle sur la Generic City . Koolhaas insiste lui même sur la contemporanéité des deux textes :

« C’est à Singapour que, épuisé par le travail minutieux de la recherche, je sentis soudain que je commençais à toucher l’essence, non seulement de cette ville particulière, mais de toutes villes nouvelles, et c’est là-bas que j’écrivis, dans une impulsion fébrile, le premier jet de « la ville générique », version un peu déguisée, abstraite et généralisée de Songlines »1

1 Rem Koolhaas, « Prologo all’edizione italiana », in Singa-pore Songlines : Rotratto di una metropoli Potemkin… o trent’anni di tabula rasa, Macerata, Quodlibet, 2010.

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Si Singapour n’est pas nommée dans Generic City qui se pré-sente comme le modèle d’une condition urbaine neutre, abstraite et désincarnée, elle se présente à chaque page comme la meilleure illustration, et presque comme l’incarnation de cette vision d’une ville « sans qualité ». Singapore Songline constitue une annexe qui soutient les propos du guide générique.

Aussi démoralisante que puisse paraître son enquête archéolo-gique au pays de la table rase, son ambition est bien de réorienter l ‘architecture, et d’alimenter une réflexion sur les mutations théo-riques, qui lui permettraient d’embrayer sur les enjeux de l’urba-nisme planétaire.

Père Castor

Dans une critique argumentée, « la fuite en avant de Rem Kool-haas », Lieven de Cauter a ainsi caractérisé la nouvelle orientation que prennent les recherches de Koolhaas avec S,M,L,XL :

« Dans la ville générique, la gravité inversée règne en maître : l’évaporation est la règle, l’attraction centrifuge du vide et de la périphérie. D’abord il y’avait eu le délire de New York, mais désormais « la culture de la congestion » , autrefois si fortement mise en avant par Koolhaas, a été supplanté par ce que l’on pourrait designer comme une culture de l’évacuation ». Tel un prophète, mais sans rien du pessimisme des prophètes, Koolhaas s’intéresse aux développement les plus récents. Il a accepté la loi du Dr Faustroll, la loi de l’anti-gravité, de l’évaporation uni-verselle, de l’irréalité croissante. »1

1 Lieven De Cauter, « the flight Forword of Rem Koolhaas. On the « generic city » », Archis , n°4, 1998.

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En 1995 cette volonté de constater cette nouvelle condition ur-baine l’amène au moment même de la publication de son ouvrage à revêtir son costume de père Castor. Comme Robert Venturi et Denise Scott Brown l’avaient fait trente ans auparavant avec leurs recherches sur Las Vegas , il entreprend d’explorer les mécanismes nouveaux de « la post-ville sur les sites de l’ex-ville »1 avec un groupe d’étudiants dont il prend les rênes à la Graduate School of Design d’Harvard2.

1 Rem Koolhaas, « Generic city », op. cit.2 En 1995, Rem Koolhaas commence à enseigner à la Graduate

School of Design de Harvard ou il est encore en poste aujourd’hui.

Les deux recherches , respectivement conduites en 1996 et en 1997, ont été publiées en 2001 : Chuihua Judy Chung, Jeffrey Inaba, Rem Koolhaas, Sze Tsung Leong, The great leap forward, Harvard Project on the city 1 ; et Guide to shopping Harvard Project on the city 2, Cologne, Taschen, 2001.

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Assisté par ces étudiants triés sur le volet, dont les centres d’in-térêts, l’âge ou la provenance en faisaient des experts potentiels de cette post-city, les deux premières recherches de ce nouveaux laboratoire intitulé Harvard Project on the City, s’inscrivent direc-tement dans la lignée de l’essai sur Singapour, dont la conclusion désignait la ville comme un laboratoire du futur de la Chine, et comme le modèle de sa conversion à l’économie de marché.

The Great Leap Forward et Guide To Shopping, présentés comme des réservoirs sans fond d’images, de textes, de plans, de dia-grammes tentent de mettre à jour notre connaissance des grandes métropoles mondiales. Encore une fois la taille, le poids, somme toute le foisonnement des ressources documentaires des deux pu-blications, que Koolhaas avait déjà mis en œuvre dans son ouvrage S,M,L,XL procède de la même volonté qu’avait eu l’Independent Group, lors de leur exposition , plonger le lecteur dans son époque en lui faisant « exploser » la réalité de son temps au visage.

Interpréter l’inévitable

« La seule constance qu’il y ait eu jusqu’à présent dans notre réflexion opéra-toire, si vous me permettez cette confession, c’est que nous refusons toujours d’être amer à propos de ce qui s’est produit dans le passé, et que nous nous efforçons, sans être idiots pour autant, d’interpréter l’inévitable, ce qui permet d’aller de l’avant. »1

1 Entretien avec Rem Koolhaas avc Tom Fecht, à l’occasion de la Documenta X de Kassel, Kunstforum International, 1997.

Page de droite Image selectionnées dans la foisonnante icono-graphies de The Great Leap Forward et Guide to Shopping.

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Interpréter l’inévitable et aller de l’avant : Koolhaas nous livre ici, une clé de sa démarche de recherche et d’écriture. On ne lutte pas à priori contre les forces de l’histoire et de la globalisation, la seule liberté, la seule responsabilité que nous ayons, si on veut de mettre en position d’infléchir ou d’influencer ces forces logiques, c’est de décrire et de comprendre les configurations qu’elles pro-duisent. Il s’agit donc de la métropolisation du réel ou quand le réel prend l’échelle hors-norme et incontrôlée de la métropole. On ne s’étonnera pas si l’image de l’architecte qu’affectionne particu-lièrement Rem Koolhaas est celle d’un surfeur sur la vague : la force et la direction de la vague sont incontrôlables : elle déferle ; le surfeur peut seulement en exploitant celle-ci, la « maîtriser » pour choisir son chemin.

De ce point de vue la réflexion et l’écriture de Koolhaas rap-pellent assez l’œuvre de celui qui fut, dans les années 60, l’un des premiers théoriciens de la mondialisation : Marshall Mac Luhan. L’une de ses thèses principales était que les média électriques « disloquaient la galaxie Gutenberg »1, c’est à dire le régime d’ordre mécanique installé par la diffusion du texte imprimé. Sa réflexion s’étendait vers toutes les technologies qui constituaient des « ex-tensions de l’homme » dans son pouvoir de communication : le télégraphe, le téléphone, la radio, la télévision, les journaux … Un visionnaire des sociétés de la communication qui parlaient déjà à son époque de « village planétaire ». On notera ici la résonance que se terme peut avoir avec « la ville générique » de Rem Kool-haas, et on soulignera la proximité des discours tenus par les deux hommes :

1 Marshall Mac Luhan, La Galaxie Gutenberg : La génese de l’homme typographique (1962), Paris, Mame, 1967.

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« Tout le conservatisme du monde ne saurait offrir une moindre résistance au balayage écologique des nouveaux médias(…) un véhicule qui fait marche arrière sur un tapis roulant ne fait qu’accélérer le mouvement du tapis sans cesser pour autant d’être entraîné . La résistance des conservateurs culturels ne fait qu’accé-lérer la tendance. Pour maîtriser le changement, il faudrait le précéder, et non l’accompagner. La prévision donne le pouvoir d’orienter et de maîtriser une force. Mais l’attitude préférée de l’homme littéraire consiste depuis longtemps à « voir avec appréhension » et à « signaler avec fierté », tout en prenant scrupuleusement soin d’ignorer ce qui se passe»1.

La question qui se pose alors est de savoir si l’inévitable d’hier (Singapour Songlines a aujourd’hui presque 20 ans) est toujours celui d’aujourd’hui. Pour Peter Eisenmann, dont le discours s’ins-crit dans la ligne directe des propos introduit par Marshall Mac Luhan, on assiste à un changement de paradigme depuis la se-conde guerre mondiale, un passage du « paradigme mécanique au paradigme électronique ». Pour lui, surtout au cours des vingt der-nières années, qui ont vu l’explosion des media de l’information avec l’apparition d’internet :

« la nature de ce que nous en sommes venus à designer comme la réalité de notre monde a été remis en question par l’invasion des médias dans la vie quoti-dienne. Car la réalité avait toujours réclamé l’interprétation de notre regard (…) Clairement, un changement dans les concepts quotidiens de la réalité devrait avoir une certaine incidence su l’architecture. Le paradigme électronique adresse un défi important à l ‘architecture car il définit la réalité en termes de média et de simulation. »2

1 Marshall Mac Luhan, Pour comprendre les medias (1964), Paris, Seuil, 1968.

2 Peter Einsenmann, texte publié pour la première fois sous le titre « Oltre lo sguardo. L’architettura nell’epoca dei media elettronici/ Visions’ unfolding : Architecture in the Age of Elec-tronique Media » dans Domus , n°734, janvier 1992. Traduit et repu-blié dans , , Edition de la Villette, n°1, 2011.

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Tarzan est un personnage de fiction créé par Edgar Rice Burroughs en 1912 dans le roman Tar-zan of the Apes, à la mort de ses parents, Tarzan est recueilli par une tribu de grand singes, les orangs. Ayant dû survivre dans la jungle depuis sa plus tendre enfance, Tarzan s’adapte à son nouvel environnement. Il acquiert la dextérité des singes qui l’ont éduqué, il chasse, saute de lianes en lianes et se bat à mains nues contre les prédateurs de la jungle. De par son intelligence humaine il ne tarde pas à devenir le roi des singes.

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Tarzans in the media forest

« Tarzan of the Apes lived on in his wild, jungle existence with little change for several years, only that he grew stronger and wiser, and learned from his books more and more of the strange worlds which lay somewhere outside his primeval forest »1.

L’hypotèse avancée par Eisenmann va nous amener au Japon, pour s’intéresser à un architecte qui a grandi dans les favelas high-tech d’une société dont les avancées technologiques alimentaient les visions du futur de la fin du 20ème siècle en Occident. Le jeune Toyo Ito, qui évolue dans l’épicentre du bouleversement techno-logique qui secoue nos sociétés modernes, a en effet été un specta-teur privilégié de ce changement de paradigme auquel Eisenmann et Mac Luhan font allusion.

Les efforts de reconstructions massives d’après guerre ont été, pour le Japon, une opportunité de doter leurs « futures » villes d’une sophistication technologique et d’infrastructure de trans-port sans précédents. Au début de la moitié du 20ème siècle, la société japonaise était imprégnée d’une sensibilité avant-gardiste, insatisfaite du présent, et portait un regard plein d’optimisme vers le futur.

1 Edgar Rice Burroughs, Tarzan of the Apes, A.C. McClurg,1914

Page de gauche: illustration de la couverture du roman, Tarzan of the Ape, op.cit.

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Nous nous intéresserons ici à Ito dans sa qualité de témoin-ac-teur de ces changements qui ont modifiés notre réalité contem-poraine. Depuis le début de sa carrière il a développé une vision, un regard critique envers cette nouvelle condition qui pour lui ne cesse d’évoluer. Animé par un désir de comprendre ces change-ment il a, en parallèle de sa pratique de l’architecture, continué régulièrement d’écrire.

« J’ai toujours écrit afin de construire et construit afin d’écrire.»

Quotidien de la ville du futur

« After the House in Kasama, I thought about changing my method and it might be said that i have been instinctivly avoiding sophistication. However, from 1980 on, in constanly thinking about the theme of reconceiving architecture in terms of daily life, i concluded that my aim should make architecture that resembles the existing conditions and reflect human actions in space.. »1

Pour Ito , la superficialité des modes vies ,engendré par l‘abon-dance d’un Japon en plein boom économique, correspond à la su-perficialité de son environnement urbain. Les rues commerçantes de Tokyo sont détruites puis reconstruites dans une cadence in-croyable. Les nouveaux bâtiments sont conçus comme des vitrines de mode temporaires, leur signalisation électronique dominant leur substance physique. L’habitant hypothétique d’un tel envi-ronnement est un « nomade urbain », un individu fugitif dans un monde de phénomènes fugitifs, poursuivant la mode et les sensa-tions, incapables de s’échapper de leur ennui.

1 Toyo Ito, Silver Hut (1989) ,in Tarzans in the media Forest , Architecture Words, n°8, AA publication, 2011.

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Ses écrits à cette époque ne célèbre pas les qualités instables, artificielles, « simulées » des modes de vies qui façonnent sa société d’abondance. Nous noterons d’ailleurs ici un certain pessimisme de la part du Japonais lorsqu’il s’intéresse au comportement de ses concitoyens. Et si la notion de « nomade urbain » semble faire écho à l’apologie de l’homo movens (homme mobile) faite plus tôt par Kurokawa1, Ito lui reste virulent face à l’environnement duquel émerge ce nomade urbain.

Dans son essai écrit en 1988 « What is the Reality of Architec-ture in a Futurictic City ? »2 Ito suggère que les citoyens tokyoïtes étaient inconsciemment en train de se transformer en « android » et en 1991 dans « Architecture for the Simulated city »3 il affirme que la vie urbaine contemporaine les prive de la capacité de faire la différence entre la réel et le virtuel, l’authentique et le faux.

Ito se plonge dans les modes de vie urbains émergents, et résume ses objectif par la phrase «dessiner des atmosphères» : inventer un type d’architecture qui pourrait s’imprégner en temps réel des qualités invisibles de son environnement. Bien que cela inclus les variations de température, des vents, des sons, des odeurs – pro-priété inséparable de l’existence physique- Ito soutient également que l’atmosphère de la ville est imprégnée de flux non substan-tielles d’information, que nous percevons inconsciemment et que l’architecture devrait consciemment représenter.

1 Dans son livre Homo Movens , Kurokawa expose sa vision d’une société de la mobilité, où les gens passent leur temps dans 6 ou 7 envirronements différents. “individuals should be protected by capsules in which they can reject information they do not need, thereby allowing an individual to recover his subjectivity and independence.”

2 Toyo Ito, What is the reality of Architecture in a futuris-tic city» (1988) ,in Tarzans in the media Forest ,op.cit.

3 ibidem

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L’idée que les espaces urbains Japonais étaient en quelque sorte baignés dans un « nuage de scintillements électroniques » est d’abord apparue ,au début des années 60, dans les écrits d’Ara-ta Isozaki. Il fait alors une analogie entre les flux d’informations générés par les nouveaux médias et l’esprit – le hi - inhérents à la cosmologie Shinto. Si Isozaki reste très précis et rigoureux dans son historiographie, il est parfois très mystique dans l’utilisation de concepts historiques. L’invocation du hi chez Isozaki est une tentative d’évocation d’une curiosité culturelle, mais la description faite par Ito d’un monde parallèle invisible imprégnant le monde tangible n’est pas uniquement métaphorique. Il entend la notion d’information et de media dans sa stricte signification matérielle de champs électromagnétiques : lumière visibles, transmission vidéo, ondes radio…

Visions of Japan

En grande partie en réaction à la puissance économique du Ja-pon et à ses effets déstabilisateurs sur la forme architecturale et urbaine, le diagnostic d’Ito sur « la substance construite atténuée en images transitoire » culmine lors de sa contribution à l’expo-sition Visions of japon au Victoria & Albert museum de Londres en 1991. Ironiquement, cette exposition s’est tenue au moment ou « la bubble » - période de croissance phénoménale japonaise- a explosé, au début des années 90.12

Page de droite Extrait du film de science fiction Blade Runner, Ridley Scott , 1982. La plupart des scènes ont été tournées dans les rues de Tokyo.

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«The architect’s task of drawing the future city is no longer based on the desire to draw unprecedent spaces opposed to reality , but is now the visualisation of images captured by means of filters-that is to say- within the invisible spaces of reality itself. This is frankly revealed by the fact that it is film-maker rather than architects who are today depicting future cities.(...) However, even when movies tke extremely futuristic cities as their setting, they actually show real urban spaces.» Toyo Ito

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« Map like aerial images of Tokyo flow across the floor. Photographs taken auto-matically from an altitude of 300 metres are graphically processed by computer and smoothly homogenised. Alternatively, the backs of the heads of young boys facing game machines in a video arcade are aligned on the screen. The images the instantaneously change to a scene of an express way taken from a video game. The scenery vanishes at the speed of Akira racing on his motorcycle in the eponymous movie. »1

Un plancher flottant de 10 par 28 mètres est pavé de pan-neaux acryliques translucides. Un écran ondulant, également en acrylique, de 5 mètres de haut est installé horizontalement ; une partie de l’écran comprend une membrane à cristaux liquides , dont la transparence peut être contrôlée électroniquement.. Un autre mur est doté de panneaux d’aluminium ; perpendiculaire-ment au mur, des tissus transparents sont suspendus au plafond. Tous ces éléments sont des écrans pour projeter des images prove-nant de 44 projecteurs. 18 d’entre eux sont suspendus au plafond, et font briller des images sur les panneaux acryliques, pendant que les 26 autres envoient des images en sous-impression depuis l’ar-rière des panneaux ou des écrans textiles.

Les images sont principalement tirées de la vie quotidienne à To-kyo, des foules de gens traversent des carrefours zébrés, des hommes d’affaires discutent sur les quai du métro en attendant leur train, des jeunes parlent au téléphone… Des sons d’ambiances fabriqués à l’aide d’un synthétiseur sont émis d’une vingtaine d’enceintes, donnant à l’espace sa tridimensionnalité.,

1 Toyo Ito, Architecture for simulated city (1991) ,in Tar-zans in the media Forest ,op.cit.

Page de droite Photographie de la salle « dreams » , Toyo Ito. En haut le salle sans projections, en bas telle qu’elle était pré-sentée au public. Exposition Visions of Japan , Victoria and Albert Museum, 1991.

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La salle, intitulée « Dreams », était la troisième de l’exposition «Visons of Japan », tenue à Londres. Les visiteurs étaient inondés par le flux d’image et saturés de sons. Leurs corps flottaient littéra-lement sur la rivière de panneaux acryliques.

« Yet the space is an accurate simulation of the reality of Tokyo, or perhaps it is more accurate to say that Tokyo is a simulated city. For instance, the experience of walking through the Kabuki-Cho district at night closely ressembles the expe-rience of this imaistic space. »1

La réalité a apparemment bien changée depuis l’exposition des Smithsons « parallel of life and art » tenue elle aussi à Londres 40 ans avant. Les projecteurs et les écrans cristaux liquides ont remplacés les images noir et blanc imprimées sur du papiers pho-tographique a gros grains, et alors que le visiteur errait dans cette salle, libre d’associer les images archaïquement suspendus au murs et au plafond, il se retrouve ici submergé d’image mouvantes, de lumières agressives et de sons stridents. Ito ramène en Europe un échantillon de sa réalité Tokyoïte, avec tout ce qu’elle de plus an-goissant, étouffant mais aussi poétique.

Corps virtuel

La relative « sobriété » économique de la décennies suivante a vu naitre un changement dans les préoccupation de notre Japonais, il va passer des questions qu’il se pose sur l’environnement urbain contemporain à celle de l’incarnation physique de cet environnent par son habitant. Refusant la notion nostalgique que l’architecture

1 Toyo Ito, Architecture for simulated city (1991) ,in Tar-zans in the media Forest ,op.cit.

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doit répondre à la « nature de la physiologie humaine », il soutient l’idée que le corps humain est en train de s’adapter à son habitat artificiel, comme Tarzan qui s’est habitué à vivre dans la Jungle.

En 1997, dans son texte « Tarzans in the media forest » il in-troduit alors sa notion la plus radicale, celle du « corps virtuel » : pas de remplacement du fluide corporel et du sang mais en parallèle, un double, une existence fantomatique, incorporées dans le royaume de l’électronique, un vagabond sauvage libéré dans le monde fluide de l’information.

« Electronic devices such as personnal computers , fax, machines, mobile and car navigation systems alter our physical senses from day to day. Mobile telephones are an essential tool for today’s high school students.(…)Their body crave the flow of electrons just as they need water and air. »2

Finalement, pour Ito, l’homme reviendrait à sa condition primi-tive face aux nouvelles technologies. On aurait atteint un point ou les avancés technologiques, que nous ne contrôlons presque plus, tellement elles submergent notre quotidien, seraient une condi-tion de l’existence humaine comme a pu être la nature pour les hommes primitifs. Le flâneur qui a introduit ce propos devien-drait alors ce « Tarzan » qui s’adapte a son monde contemporain, témoin impuissant d’un environnement aux limites incertaines, flânant désormais depuis son ordinateur, sautant de réseaux en réseaux comme le roi de la jungle de lianes en lianes…

2 Toyo Ito, Tarzans in the media forest (1991) ,in Tarzans in the media Forest ,op.cit.

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Depuis la réalité d’une société post-industrielle britannique à celle des années post « bubble » au Japon, en passant par le phéno-mène de métropolisation et d’urbanisme routier aux Etats-Unis, les architectes évoqués dans cet essai sont animés d’une même démarche. La curiosité qui les pousse à ouvrir les yeux sur leur époque se traduit, à travers ouvrages et expositions, par une vo-lonté de transmettre leur « constat » du réel. Car au delà de spé-culations personnelles, l’intérêt accordé à leur condition moderne a fait et continu de faire écho dans la réflexion et la pratique de la discipline architecturale.

Les Smithson n ‘ont-ils pas été les précurseurs du Brutalisme? Les Venturi n’ont-ils pas jeté les bases du Post –Modernisme ? Kool-haas, qui sera le prochain directeur de la biennale de Venise, n’est-il pas l’architecte le plus prolifique de notre temps ? Enfin Toyo Ito n’est-il pas le père spirituel de toute une génération d’architectes –japonais- qui tentent de redéfinir les limites de l’architecture ?

Conclusion

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C’est donc bien du rapport de ces architectes à leur réalité moderne dont il s’agit. Pour comprendre comment la question de cette réalité s’est emparée de leur imaginaire pour influencer les fondements de leur perception. Les réalités qu ils choisissent d’investiguer dépendent de la perception qu ils ont des sens et des enjeux de leur evolution.

La question qui se pose alors à tous dans l’état actuel des choses, est de savoir si la réalité d’hier est toujours celle d’aujourd’hui. Comment percevoir la poursuite de la mondialisation ? S’adapter à la croissance des métropoles génériques ? A la prolifération accé-lérée des médias et des extensions de l’homme ?

Les réalités qui façonnent notre monde, par leur interaction glo-bale et leur dynamisme sont de plus en plus difficiles à saisir et à capturer. De ce point de vue , peut-être que l’effort de recherche et d’écriture accompli par les architectes invoqués ici s’avéreront plus important que les réalités auxquelles ils ont choisi de le consacrer S’affirme alors l’importance de la production théorique.

A l’heure des grands bouleversement qui secouent nos sociétés, ne s’agirait il pas de reconsidérer le rapport qu’entretien la théorie et le réel dans la discipline architecturale ?

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