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Page 1: Marion Vittecoq Benjamin Roche Prugnolle Renaud Thomas

Santé, médecine et sciences de l’évolution

Marion Vittecoq Benjamin RocheFranck PrugnolleFrançois RenaudFrédéric Thomas

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Marion Vittecoq (Tour du Valat), Benjamin Roche (IRD), Franck Prugnolle (CNRS), François Renaud (CNRS) et Frédéric Thomas (CNRS) sont des biologistes spécialisés dans l’écologie et l’évolution des agents pathogènes ainsi que dans l’écologie de la santé. Leurs approches méthodologiques vont du terrain à la modélisation et à la biologie moléculaire sur des modèles biologiques variés (agents du paludisme, pathogènes oncogènes, bactéries antibiorésistantes, etc.).

Une discipline en plein essorLes progrès de la médecine nous ont donné accès à un bien-être croissant et à une longévité inespérée. Ils continuent pourtant de se heurter à de nombreux obstacles : maladies émergentes, résistances aux antibiotiques, difficultés de traitement des cancers, etc. Face à ces défis, les approches écologiques et évo-lutives de la santé et de la médecine, qui ont déjà permis des avancées importantes, peuvent apporter un éclairage décisif.

Une approche accessibleCet ouvrage est consacré aux liens entre l’écologie et l’évo-lution de nos interactions avec les agents infectieux et les pathologies qu’ils entraînent. Porté conjointement par des médecins et des chercheurs, ce livre propose une approche accessible des applications de la biologie évolutionniste pour comprendre nos maux passés et actuels, et permet d’entrevoir des perspectives concrètes ouvertes par ces approches.

Une vision nouvelleEn s’appuyant sur l’histoire de quelques grandes maladies représentatives (Ebola, paludisme, etc.) et en donnant les clés pour comprendre les principaux mécanismes qui ré-gissent l’évolution de la virulence, de la transmission et des résistances chez les agents pathogènes, cet ouvrage collectif transdisciplinaire invite le lecteur à porter un nouveau regard sur les maladies infectieuses et les moyens de limiter leur impact.

Les coordinateurs

Le patrimoine génétique de l’homme s’est élaboré au contact d’agents infectieux. Leurs interactions peuvent être déséquilibrées lorsque l’organisme pathogène rencontre des conditions favorables à sa multiplication ou à sa mutation.

Les « plus »+ nombreux exemples

appliqués

glossaire

index

ISBN : 978-2-35327-297-6 MEDEV2

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LES MALADIES INFECTIEUSESMarion VittecoqBenjamin RocheFranck PrugnolleFrançois RenaudFrédéric Thomas

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Déjà paru dans la même collection :

Santé, médecine et sciences de l’évolution : une introduction

Frédéric Thomas, Michel Raymond

Le premier volume de cette collection présente les bases de la vision écologique et évolutionniste de la santé et de la médecine. L’ouvrage dresse dans un premier temps un panorama de l’évolution des pratiques médicales et de leurs liens avec les autres disciplines scientifiques, des premières trépanations pratiquées en Égypte ancienne aux derniers développements de la médecine moderne. Puis il aborde les mécanismes essentiels qui régissent l’évolution des êtres vivants, à commencer par la sélection naturelle dont la découverte a révolutionné la biologie, et explique pourquoi santé et évolution biologique sont intimement connectées. On y découvre ensuite comment les processus évolutifs façonnent les traits d’histoire de vie tels que la fécondité ou la longévité, et pourquoi il n’est pas possible de maximiser toutes nos fonctions biologiques. On y apprend aussi que la sélection sexuelle, ou compétition pour la reproduction, joue toujours un rôle important sur notre évolution biologique, tandis que les conflits génétiques ont une influence majeure sur le déroulement des grossesses comme sur le développement des tumeurs cancéreuses. Notre histoire évolutive permet aussi de comprendre les multiples adaptations humaines, au niveau parasitaire, alimentaire, environnemental, social, cognitif, etc. Certaines de ces adaptations sont localisées (par exemple au niveau alimentaire ou parasitaire), ce qui conduit naturellement à la notion de médecine régionalisée, voire individualisée. Accessible et concis, ce premier volume représente à la fois une base pour aborder les liens entre santé, médecine et sciences de l’évolution, et une invitation à découvrir les autres volumes de la collection.

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Santé, médecine et sciences de l’évolution

Marion Vittecoq Benjamin RocheFranck PrugnolleFrançois RenaudFrédéric Thomas

LES MALADIES INFECTIEUSES

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De Boeck-Solal47, rue d’Enghien75010 ParisTél. : 01.72.36.41.60

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web :

www.deboeck.fr

© De Boeck Supérieur SA, 2015Fond Jean-Pâques 4, B1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme ou de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal :Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2015ISBN : 978-2-35327-297-6

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PRÉFACE

Stéphane PicotMalaria Research Unit, SMITH UMR 5246,

CNRS-INSA-CPE-Université Lyon 1, Institut de parasitologie et mycologie médicale, Hospices civils de Lyon

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Les maladies infectieuses

Les microbes, ou les parasites au sens large, modifient le comportement ani-mal et humain afin de favoriser leur transmission depuis des temps immémo-riaux. C’est seulement à partir du XXe siècle que l’humanité a mis en place une action organisée en réponse à l’infection. Cette action a profondément modifié les microbes, en tentant de les détruire maladroitement, et en ayant une influence considérable sur leurs biotopes, sur leurs éventuels vecteurs et sur le métabolisme de leurs hôtes.

Les passionnants chapitres sur l’origine des maladies infectieuses et l’histoire des plus grandes d’entre elles dépassent largement le simple constat. Ils ouvrent vers des perspectives nouvelles de la compréhension de ce qu’on appelle trop facilement peut-être les maladies émergentes ou réémergentes. La mobilité, dont la définition est passée de la capacité à se déplacer à la nécessité d’aller voir et par-fois survivre ailleurs, est exacerbée par sa relative facilité. Toutes les rencontres possibles entre microbes, animal et végétal n’ont probablement pas encore eu lieu. Cette mobilité nouvelle va permettre ces rencontres qui seront sans doute l’occasion de nouvelles épidémies. Le concept récent d’agents sapronotiques (Kuris et al., 2014), c’est-à-dire d’organismes vivants libres dans le milieu exté-rieur et n’ayant pas « besoin » d’un contact avec un hôte pour se développer et persister (donc infectieux mais non transmissibles), montre que la coévolution peut laisser au bord du chemin des microbes, dont la rencontre avec l’homme est parfois destructrice, comme dans le cas du choléra, de l’histoplasmose ou de la coccidioïdomycose. Les champignons et les bactéries représentent l’essentiel de ces agents sapronotiques, qui sont peut-être à un stade précoce de leur coévolution, mais qui profitent déjà de baisses de l’immunité pour devenir pathogènes.

La notion physique de la relativité restreinte peut s’envisager dans le contexte de l’infection. Mais si la loi physique est universelle, ce concept pourrait avoir une équation différente selon que l’on se place du côté des parasites ou de celui de leurs hôtes. Les dimensions spatiales et temporelles ne sont pas les mêmes pour les microbes et pour les animaux. Il en résulte que les interactions peuvent avoir des conséquences inhomogènes. Les traits qui dirigent cette évolution doivent être héritables, c’est-à-dire transmissibles d’une génération à l’autre. Le temps de génération, ou de régénération, est tellement différent entre un microbe et un animal que le passage du parasitisme virulent au saprophytisme ou au commensalisme ne peut se faire que s’il bénéficie au microbe. Si cette course est perdue d’avance pour l’homme, a-t-on eu raison de s’attaquer direc-tement aux microbes ?

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Préface

Le médecin, le malade, sa famille ne peuvent que considérer cette question comme saugrenue. Les épidémies mortelles ont fait tellement de ravages dans le passé, comme le racontent plusieurs auteurs de cet ouvrage, que ceux qui ont su sauter les fossés de la connaissance pour apporter de fantastiques solutions thé-rapeutiques sont nos héros intouchables d’aujourd’hui. Les antibiotiques, la vaccination, l’hygiène sont les évidences du monde riche, mais un peu moins du monde resté pauvre. Mais il y a des évidences pour considérer que ce qui ne tue pas le microbe le renforce. La résistance est très souvent sélectionnée par l’utili-sation des antibiotiques. La virulence est parfois augmentée par le contact avec un vaccin ou la réponse immunitaire de l’hôte. L’horreur de la bombe atomique a fait se poser à nos sociétés la question de la nécessité du désarmement. Pour-rait-on faire un parallèle avec la lutte contre les microbes et les parasites ? Les auteurs de cet ouvrage apportent des éclairages nouveaux et déplacent le point de vue au-delà des faits afin d’apporter de nouvelles pistes de réflexion.

Consciente de son impact parfois délétère, l’humanité se tourne vers les médecines autoproclamées douces, l’écologie, le « bio », espérant trouver dans des valeurs perdues la résilience nécessaire pour faire face aux nouveaux défis. L’homme est passé du statut de chasseur-cueilleur à celui d’agriculteur-éleveur en quelques millénaires. Il lui a fallu moins de temps pour se transformer en consommateur-communicateur, dont les limites sont difficiles à cerner, mais dont les aboutissants pourraient modifier la lutte contre les infections. L’idée écologique, indépendamment de ses composantes politiques, influe considéra-blement sur des décisions stratégiques complexes, où les intérêts se rencontrent et souvent s’opposent. La lutte contre les organismes génétiquement modifiés (OGM), contre les biocides, les insecticides, les antibiotiques, aura des impacts évidents sur la transmission des maladies infectieuses, mais dans quel sens ? Les expériences de retrait de médicaments devenus inefficaces ont déjà été conduites. Par exemple, dans le cas du paludisme, l’arrêt pendant quelques années de l’uti-lisation de la chloroquine au Rwanda, et un certain retour d’efficacité, avait laissé entrevoir des possibilités intéressantes. Mais la résistance du parasite à ce médicament est réapparue très vite, démontrant les limites de cette stratégie. Les questions de plus en plus fréquentes relatives au rapport bénéfice/risque de cer-taines vaccinations introduisent des doutes qui alimentent le politiquement correct « principe de précaution ». Ce retour vers le non-traité serait-il aussi influencé par ces microbes qui nous gouvernent ? Le lecteur trouvera dans cer-

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Les maladies infectieuses

taines pages assez de questions, et quelques réponses, pour lui permettre d’adap-ter son opinion individuelle à la lumière des réflexions soulevées.

Aujourd’hui, il n’est plus réaliste de considérer les maladies infectieuses humaines, animales et végétales, comme des entités fixées et bien connues. Il est aussi d’une grande banalité de dire que le monde est en mouvement, et les para-sites, au sens qui leur est donné dans ces pages par Samuel Alizon, sont proba-blement plus des locomotives que des wagons. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) reconnaît 116 maladies infectieuses. Parmi elles, 30 (25,6 %) sont causées par des parasites eucaryotes (Stentiford et al., 2014). Compte tenu du rôle des animaux en tant que réservoirs des maladies humaines, et des interactions entre santé animale, santé humaine et environnement, on ne peut que donner aux parasites une place considérable.

Le concept « One health » a été formalisé depuis une décennie pour que soient prises en compte ces interactions sous la forme d’une liste de 12 principes (Man-hattan principles : www.oneworldonehealth.org/sept2004/owoh_sept04.html). La place des parasites dans ce concept prend de l’ampleur, tant pour les parasites liés à l’alimentation que pour ceux transmis par des vecteurs (Robertson et al., 2014). Le rôle de certains parasites intestinaux à faible pathogénicité intrinsèque dans le déséquilibre de l’homéostasie, et favorisant les maladies infectieuses ou métaboliques, est exemplaire. Améliorer la résistance individuelle à l’infection palustre par le traitement systématique des parasites intestinaux dans l’enfance est un concept qui n’a pas encore la faveur des politiques de santé. Mais intégrer dans la réflexion le rôle positif sur l’immunité de l’exposition du nouveau-né aux germes et parasites de la mère au cours de l’accouchement, et le rôle protecteur des parasites intestinaux sur les maladies auto-immunes, cardiovasculaires et sur le taux de cholestérol, complexifie le message et les mesures à prendre à l’échelle d’une population. Quelques parasitologues courageux et fins connaisseurs de leur discipline se sont injecté à eux-mêmes (et parfois à des personnes moins volon-taires) une grande variété de parasites. Si certains en sont morts, d’autres ont pu guérir d’une maladie auto-immune ou de troubles digestifs chroniques (Lukes et al., 2014). Traiter le mal par le mal est un vieux concept, qui reste à explorer plus avant, avec prudence ! Frédéric Thomas et Michel Raymond apportent des explications claires à ces paradoxes apparents.

Il y a quelques décennies, mon maître en maladies infectieuses, Max Micoud, m’avait appris l’adage suivant : « sueurs nocturnes = tuberculose, brucellose, dia-bète, Hodgkin ». Cet adage reste dans ma mémoire comme un de ces talismans

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Préface

qui peut vous sortir des incertitudes d’un diagnostic difficile lorsque la fatigue s’installe. Je n’avais pas compris à l’époque qu’il faisait le lien, par ce raccourci, entre maladies infectieuses et maladies non infectieuses. Relire l’infection à la  lumière de l’évolution et chercher un lien entre multiplication parasitaire et  multiplication cancéreuse ont permis d’élargir le champ des possibles vers l’apoptose des parasites unicellulaires, il y a deux décennies. Lorsqu’il fallut publier l’évidence que Plasmodium falciparum, parasite unicellulaire agressif, virulent et résistant, avait gardé en lui la possibilité de se tuer, pas au bénéfice de son hôte, mais à celui de sa « communauté parasitaire » chez un hôte (Picot et al., 1997 ; Meslin et al., 2011), les réticences académiques furent nombreuses. Aujourd’hui, on sait qu’un parasite utilise les mêmes mécanismes cellulaires qu’une cellule cancéreuse pour se multiplier et pour résister aux médicaments. Choisir entre peste et choléra fut un paradigme de dilemme récurrent dans l’histoire de l’hu-manité. Faudra-t-il choisir demain entre parasite et cancer ?

Une partie de cette préface a été imaginée en surveillant les étudiants en train de passer l’examen final qui leur ouvre la porte des spécialités médicales. La sélection qu’ils subissent les orientera-t-elle vers une pratique différente de la médecine, ouverte sur la capacité à réfuter les dogmes et à complexifier la pensée médicale au-delà de la docimologie ? Il est à craindre que l’académisme de l’en-seignement n’ait pas encore la souplesse des sciences de l’évolution. Cet ouvrage participera peut-être à la transmission de la capacité de sérendipité au lecteur.

Références

Kuris, A.M., Lafferty, K.D., Sokolow, S.H. (2014). Sapronosis : a distinctive type of infectious agent. Trends in Parasitology, 30 (8), pp. 386-393.Lukes, J., Kuchta, R., Scholz, T., Pomajbikova, K. (2014). Self-infection with parasites : re-interpretations for the present. Trends in Parasitology, 30 (8), pp. 377-385.Meslin, B., Beavogui, A.H., Fasel, N., Picot, S. (2011). Plasmodium falciparum metacaspase PfMCA-1 triggers a z-VAD-fmk inhibitable protease to promote cell death. PLoS One, 6, p. e23867. Picot, S., Burnod, J., Bracchi, V., Chumpitazi, B.F., Ambroise-Thomas, P. (1997). Apoptosis related to chloroquine sensitivity of the human malaria parasite Plasmodium

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Les maladies infectieuses

falciparum. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 91, pp. 590-591. Robertson, L.J., Utaaker, K.S., Goyal, K., Sehgal, R. (2014). Keeping parasitology under the One Health umbrella. Trends in Parasitology, 30 (8), pp. 369-372.Stentiford, G.D., Feist, S.W., Stone, D.M., Peeler, E.J., Bass, D. (2014). Policy, phylogeny and the parasite. Trends in Parasitology, 30 (8), pp. 274-281.

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Première partie

HISTOIRE DE QUELQUES GRANDES MALADIES

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Chapitre 1ORIGINE DES MALADIES

INFECTIEUSES HUMAINES

François MoutouAgence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation,

de l’environnement et du travail

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Les maladies infectieuses

Introduction : origines et émergences

Prétendre répondre définitivement à la question que le titre de ce chapitre pose, à savoir « quelle est l’origine des maladies infectieuses humaines », est pour le moins ambitieux. Un certain nombre d’auteurs s’y sont déjà penchés parmi lesquels on peut citer McKeown (1988), Jobling et al. (2004), Rodhain et Saluzzo (2005), Wolfe et al. (2007), Morand et al. (2014a), mais le débat est loin d’être clos. L’idée ici n’est pas d’être exhaustif, de chercher l’origine de chaque maladie, ni d’apporter une réponse absolue, mais plutôt, à partir des études préexistantes, de poser au moins une partie des autres questions que soulève cette interroga-tion. Existe-t-il quelques grandes catégories d’origines possibles, sont-elles les mêmes au fil du temps, comment les articuler et quels sont les mécanismes les plus probables sous-jacents ? Dans un deuxième temps, quelques exemples seront utilisés avec le risque, consenti, d’être partial, incomplet et peut-être trop anec-dotique. Les quatre maladies retenues vont permettre d’illustrer quelques-uns des schémas possibles, tout en montrant également la part d’aléatoire qui peut exister à chaque fois. Une synthèse plus complète demanderait un autre contexte. Pour cette introduction, quelques définitions des termes utilisés devraient per-mettre de borner le champ à couvrir et quelques éléments de méthode pourront aider à cadrer la démarche.

Les maladies infectieuses sont classiquement associées à des micro-organismes viraux ou bactériens. On y a récemment ajouté les prions, en particulier depuis l’importance prise par l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) à la fin des années 1980 (Collinge, 2012 ; Sala et al., 2012). Le débat au sujet des prions est d’ailleurs loin d’être clos. Une récente revue repose la question de la présence ou non de ces seules protéines dans les maladies de ce type (Bastian, 2014). On associe également un certain nombre de microparasites, les protozoaires, agents de maladies, ainsi que Roy Anderson et Robert May l’ont proposé il y a déjà quelque temps (Anderson et May, 1991).

Les notions d’origine continuent d’intriguer et de surprendre. Les interroga-tions se posent d’ailleurs de la même façon en médecine humaine, en médecine vétérinaire et en phytopathologie, bien sûr. Le fait que certaines de ces maladies sont des zoonoses ou d’origine animale, ce qui n’est pas tout à fait la même chose (Wolfe et al., 2007), illustre peut-être surtout le constat que la médecine s’est probablement un peu éloignée d’autres branches de la biologie comme l’écologie

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Chapitre 1 Origine des maladies infectieuses humaines

et l’évolution (Antia et al., 2003, mais voir aussi Rosenberg et Queitsch, 2014, et ce volume). Ces notions ne sont pourtant pas nouvelles puisque, dès le début du XXe siècle, Charles Nicolle s’interrogeait sur l’histoire et le devenir de ces maladies (Nicolle, 1993, réédition de l’édition de 1930). Or la question de l’ori-gine des maladies infectieuses humaines, qu’elles soient anciennes, nouvelles, ou semblant nouvelles, est à peu près la même : les mêmes difficultés conceptuelles se posent pour trouver des réponses satisfaisantes.

Comprendre l’origine des maladies infectieuses humaines « classiques » est aussi un sérieux défi à relever face aux notions d’émergence et en particulier de maladies infectieuses émergentes, les « MIE » (Morse, 1993 ; Toma et Thiry, 2003 ; Morens et al., 2004 ; Fagherazzi-Pagel, 2012). Le sujet est d’actualité alors qu’il ne doit pas occulter la question globale de la santé humaine sur la planète, en particulier au travers de la réflexion « One World, one Health ». Les MIE sont devenues clairement une préoccupation sociétale (Keller, 2012 ; Leport et al., 2012) mais il faut redire que les questions restent les mêmes, que les maladies soient anciennes ou apparaissent comme nouvelles. Simplement, cela se passe au XXIe siècle avec plus de 7 milliards d’êtres humains sur Terre alors que certaines maladies humaines sont apparues il y a quelques dizaines de millénaires dans un monde nettement moins peuplé et que nous avons bien du mal à concevoir (Bocquet-Appel, 2008). Cette question de la démographie humaine, associée à celle de l’échelle des temps, historiques ou géologiques, est vraiment complexe. Ce constat reviendra régulièrement.

Quant aux émergences contemporaines, elles peuvent être véritables, corres-pondre à l’émergence d’une connaissance nouvelle, à une émergence géogra-phique (maladie connue ailleurs mais qui envahit une nouvelle région du monde), à une émergence dans une espèce supposée non réceptive ou non sensible jusque-là, ou encore à une augmentation d’incidence non prévue dans une région où elle préexistait dans une espèce où elle était déjà connue. On peut penser que ces  catégories sont en fait celles associées à l’origine des maladies infectieuses humaines au cours du temps. Dans ce domaine, l’anticipation et la maîtrise restent délicates (Flahaut, 2003 ; Morens et al., 2004 ; McMichael, 2004 ; Chretien et al., 2006). Tout en restant prudent, il est possible de faire quelques sugges-tions sur certains mécanismes anciens associés à l’origine de certaines maladies en étudiant les émergences contemporaines.

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Les maladies infectieuses

1. Méthodes d’étude

La question posée correspond bien à l’origine des maladies infectieuses de l’espèce humaine, non aux modes de transmission ni aux voies de contamination intrahumaines de ces maladies. Or, étudier le paysage sanitaire d’époques depuis longtemps révolues est évidemment complexe. Une difficulté classique est celle de la maîtrise de l’échelle du temps pour interpréter des données parfois anciennes. Comment gérer des durées qui se comptent en milliers d’années, voire plus ?

1.1. Approche historique

Avant l’apparition des techniques génétiques contemporaines, les outils étaient peu nombreux. Déjà, la lecture et l’interprétation des textes anciens encore dis-ponibles pour la période historique posent de nombreuses questions. Que dire de ce qui avait pu se passer antérieurement ? Un ouvrage comme celui de Mirko Grmek (1983) illustre parfaitement tout ce que l’on peut tirer des textes classiques mais, également, met en lumière toutes les interrogations qu’il sera sans doute bien délicat de lever. Les longues discussions qui ont déjà eu lieu sur l’origine de la syphilis en Europe ou sur l’identité du mal appelé « peste de Thèbes » durant l’Antiquité grecque en représentent de bonnes illustrations (Dutour et al., 1994 ; Kousoulis et al., 2012 ; et ce volume) pour ne prendre que ces deux exemples.

Aujourd’hui, la biologie moléculaire propose un champ des possibles extrê-mement large même si tout n’est pas résolu pour autant. Le séquençage haut débit révolutionne certainement les possibilités techniques mais le temps d’ana-lyse derrière le séquençage et les compétences en bio-informatique nécessaires au traitement des données représentent un des goulots d’étranglement de ces outils contemporains.

1.2.  Paléovirologie

On parle de plus en plus de paléovirologie (Patel et al., 2011 ; Aswad et Katzourakis, 2012 ; Sawyer et Elde, 2012), expression à bien distinguer de la paléontologie ou même de la paléoparasitologie. Dans ces deux derniers cas, on travaille effectivement sur du matériel fossile. Inversement, la paléovirologie

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Chapitre 1 Origine des maladies infectieuses humaines

s’intéresse à du matériel contemporain mais recherche l’origine, parfois supposée très ancienne, de certaines séquences nucléotidiques présentes dans les génomes. On sait maintenant qu’au moins 10 % du génome des êtres humains correspond à des « endovirus », à des virus ou à des séquences virales acquises au cours de l’évolution, intégrés dans notre patrimoine génétique et retransmis depuis de génération en génération (Ryan, 2009). Certaines de ces séquences sont proba-blement de récupération lointaine, d’autres ont pu être assimilées plus récem-ment. Le préciser et le dater représenteraient une grande avancée dans la compréhension de l’origine d’un certain nombre de maladies humaines. Dans le même temps, la notion d’endovirus modifie considérablement la perception de ce que les virus peuvent être.

1.3. Progrès et santé

À côté des outils directement dédiés à l’étude et à l’identification des agents des maladies infectieuses de l’homme, on peut aussi réfléchir aux conséquences des divers progrès techniques dans la vie quotidienne des humains. Ces « amé-liorations » se sont succédé depuis des millénaires dans toutes les civilisations, à des rythmes divers, mais elles sont rarement restées neutres en termes de consé-quences pour notre santé. Notre alimentation nous a toujours exposés à divers risques infectieux et parasitaires. Une hypothèse assez ancienne suggère d’ailleurs que des pressions essentiellement sanitaires auraient représenté une réelle sélec-tion contre le cannibalisme en zoologie (Elgar et Crespi, 1992), y compris chez l’homme (Moutou, 2004).

Un progrès qui nous concerne particulièrement ici est celui de l’amélioration de l’hygiène, très marquée ces tout derniers siècles. Les générations humaines contemporaines, dans de nombreux pays d’aujourd’hui, vivent sans parasites internes ni externes et sont protégées de nombreux micro-organismes, classiques aux époques antérieures dans presque toutes les civilisations. Soit les vaccina-tions infantiles, soit des règles d’hygiène plus strictes, soit une meilleure sécurité sanitaire des aliments, soit encore leur combinaison protègent les individus, ce qui explique la longue espérance de vie des citoyens de ces mêmes pays (Burger et al., 2012).

Mais le progrès a eu d’autres résultats. Comment qualifier l’émergence des yersinioses avec l’apparition des réfrigérateurs ? En effet, les Yersinia se déve-loppent mieux à basse température, en hiver en climat tempéré par exemple, ou

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Les maladies infectieuses

dans une chambre froide, qu’au-delà de 15 ou 20 °C car elles sont alors concur-rencées et éliminées par d’autres germes. Que penser des cuves de refroidisse-ment des systèmes d’air conditionné des tours et immeubles modernes de nos grandes cités ? Ces réservoirs d’eau se trouvent être le milieu de prédilection des Legionella, germes très discrets jusque-là. Quant à l’émergence de l’anadémie d’ESB et des cas humains conséquents, elle ne représente que la dernière expres-sion des risques associés à la consommation de nourriture animale, bovine en l’occurrence.

1.4. Conclusion : le nouveau paradoxe

Le paradoxe du XXIe siècle réside peut-être dans le fait que c’est la relative absence de parasites et de micro-organismes dans le quotidien de nos contempo-rains qui représente aujourd’hui un nouveau risque sanitaire encore mal évalué mais peut-être réel. Les outils immunitaires dont l’évolution nous a équipés sont peut-être trop sous-employés et pourraient fonctionner à mauvais escient. Un certain nombre de problèmes d’allergies ou de maladies auto-immunes pour-raient en être la conséquence (Morand et al., 2014b). Nous allons manquer de microbes ! Or il n’existe pas de vie sur terre sans parasites ni micro-organismes.

2. Étapes de l’origine des maladies infectieuses humaines

2.1. Introduction

L’origine des maladies infectieuses humaines est à rechercher en partie dans l’origine de l’espèce humaine elle-même, ce qui renvoie à de nombreuses autres difficultés. Il faut pouvoir positionner correctement le genre Homo dans la famille des hominidés, parmi l’ordre des primates et au sein de la classe des mammifères (Mittermeier et al., 2013). Les nombreuses publications qui parais-sent à ce sujet montrent que l’exercice est loin d’être simple et que le consensus n’est pas encore atteint. Il y a deux difficultés majeures à surmonter. Les périodes de temps se comptent en millions d’années, or cette unité de temps n’est pas simple à appréhender. Elle ne signifie d’ailleurs sans doute pas la même chose

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Chapitre 1 Origine des maladies infectieuses humaines

pour un mammifère, pour une bactérie ou pour un virus. L’autre difficulté tient au fait que nous partons des espèces contemporaines connues pour imaginer les espèces anciennes, le long d’un chemin évolutif que nous finissons par rendre linéaire et inéluctable. Or les choses se sont passées dans l’autre sens, et surtout dans un foisonnement de branchements et de réseaux d’interactions dans lequel le hasard a joué un grand rôle et qu’il est délicat d’appréhender. Nous devons bien trop simplifier.

Un exemple assez illustratif des « circonvolutions » de l’évolution vient d’un ouvrage original traitant de la question de l’origine de la bonne vue des êtres humains comparée à celle d’autres mammifères (Isbell, 2009). L’auteur défend l’idée que c’est pour échapper aux serpents arboricoles très venimeux que la lignée humaine a développé cette vision permettant de reconnaître à temps un serpent dans le feuillage, avant de risquer de mettre la main dessus en cueillant un fruit. De nombreux arguments, issus de divers domaines, anatomie, physio-logie, paléontologie, sont avancés pour étayer cette hypothèse. Il y a également un argument épidémiologique, virologique en fait. On connaît depuis la fin des années 1970 au moins un rétrovirus chez une vipère asiatique. Ce virus est inté-gré au génome de la vipère, c’est un « endovirus ». Il semblerait se rapprocher de rétrovirus de langurs, singes asiatiques également, et le passage aurait pu se faire il y a un peu moins de 35 millions d’années, date estimée de la séparation des singes de l’Ancien Monde des singes du Nouveau Monde. Dans ce cas-là, connaissant les modes de transmission des rétrovirus, le passage a eu lieu dans le sens du primate vers le serpent, lors de la morsure d’un « protolangur » par une « proto-vipère ». L’origine de certains micro-organismes n’est sans doute pas simple à anticiper mais les probabilités d’occurrence d’événements même très rares, sur des durées qui se comptent en millions d’années, se rapprochent sans doute de l’unité.

Dans l’espèce humaine, l’origine des quelques souches connues de virus res-ponsables du syndrome d’immunodéficience acquise (sida), les virus d’immuno-déficience humaine (VIH), est à rechercher chez quelques espèces de singes africains (chimpanzés, cercocèbes ; cf. chapitre 2). Cela se serait probablement passé au début du XXe siècle. On imagine alors, dans l’intervalle de temps qui sépare le passage de ces deux types de rétrovirus, vipère et VIH, le nombre d’interactions qui ont pu se dérouler durant 35 millions d’années entre les ancêtres des primates, des autres mammifères, des vipères et des virus. Sera-t-il possible de reconstituer tout cela ?

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2.2. Des humains hors d’Afrique

L’histoire de l’espèce humaine est assez singulière comparée à l’histoire des autres mammifères, et des autres espèces animales en général. On doit en effet ajouter toute une série d’étapes qui vont jouer un rôle dans l’apparition des mala-dies infectieuses. Divers auteurs ont catalogué ces étapes que l’on peut résumer de la façon suivante. Apparue en Afrique, l’espèce humaine a ensuite envahi l’en-semble des terres émergées voilà déjà plusieurs dizaines de millénaires (Bocquet-Appel, 2008). Chasseurs-cueilleurs, les humains s’exposaient à divers germes et parasites lors de la découpe de leurs proies et lors de la consommation de viande crue ou peu cuite. On pense par exemple que les ténias ont été acquis par l’homme de cette façon, avant l’apparition de l’élevage, lors de la consommation de proies sauvages. C’est même probablement l’homme qui aurait contaminé bovins et porcins postérieurement, espèces à partir desquelles il se contamine encore aujourd’hui (Morand et al., 2014a). Des parasites comme le toxoplasme et les trichines, ou des bactéries comme les brucelles doivent avoir un long passé avec l’espèce humaine, voire avec d’autres hominidés.

En effet, jusqu’à la fin des glaciations du Quaternaire l’Homo sapiens a coha-bité avec d’autres espèces du genre Homo. Le cas de l’homme de Néandertal est connu depuis longtemps mais celui des Dénisoviens est une surprise récente et encore délicate à interpréter (Cooper et Stringer, 2013 ; Vernot et al., 2014). Or, les outils génétiques actuels mettent en évidence le fait que le génome d’Homo sapiens héberge des traces, du génome de ces deux autres espèces humaines, au moins. On peut donc supposer que si ces espèces se sont croisées lors des périodes de cohabitation, elles ont également pu échanger tout autant des gènes que des micro-organismes. Une partie des agents responsables des maladies infectieuses chez l’homme est peut-être issue d’autres hommes ! On peut noter, pour terminer avec cette étape, qu’il semble, depuis la disparition de Néandertal et des autres, qu’Homo sapiens soit la première et seule espèce du genre Homo à ne plus cohabiter avec d’autres espèces d’hommes.

2.3. Révolution néolithique

La seconde grande étape a été le passage du stade exclusif de chasseur- cueilleur à celui d’agriculteur-éleveur, ce que l’on a appelé la révolution néoli-thique, survenue il y a environ 11 000 ans. Cela s’est d’ailleurs passé de manière

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relativement synchrone dans des régions du monde bien éloignées les unes des autres. Plusieurs changements essentiels sont alors apparus. On peut citer la domestication de quelques espèces animales, mammifères et oiseaux essentielle-ment, et de quelques plantes. Il faut y ajouter le début des campements permanents et des villes, avec toutes les conséquences logistiques et hygiéniques associées (Bradley et Altizer, 2006). La répartition des tâches, des métiers et des respon-sabilités imposait des réserves de nourriture et d’eau dans ces agglomérations antiques, réserves extrêmement favorables à l’apparition et à l’installation de toute une faune commensale et parasite, depuis les rongeurs jusqu’aux moustiques. La souris dite domestique (Mus musculus domesticus), le moineau dit domestique (Passer domesticus) et la mouche dite domestique (Musca domestica) n’ont pas été domestiqués, ils « se sont domestiqués ». Les conséquences sanitaires sont encore importantes. À l’époque, le rythme des mouvements et des échanges entre groupes humains devait être encore assez lent mais une meilleure connaissance des contacts existant entre les populations anciennes d’agriculteurs-éleveurs (Skoglund et al., 2012) donnerait sans doute des éclaircissements, entre autres sur la circulation de leurs micro-organismes commensaux et pathogènes.

2.4. Début de la mondialisation

L’étape suivante correspond à celle de l’Antiquité classique. On sait que, dès l’époque grecque et l’époque romaine, l’Occident communiquait avec l’Orient le long de diverses routes commerciales, terrestres ou maritimes. On peut y asso-cier l’arrivée ancienne du rat noir (Rattus rattus) en Europe par la Méditerranée et ainsi comprendre l’origine de la peste dite de Justinien, puis de la grande épidémie du Moyen  Âge (Audouin-Rouzeau, 2003). Inversement, jusqu’à la découverte officielle de l’Amérique par Christophe Colomb, les échanges entre Ancien Monde et Nouveau Monde étaient probablement inexistants ou limités aux chasseurs de baleines et aux pêcheurs de morues (Kurlansky, 1999). La vio-lence des impacts sanitaires, consécutive à l’arrivée des Européens, sur les popu-lations amérindiennes, en est une preuve indirecte. Depuis, le phénomène de mondialisation, même si le terme est moderne, n’a fait que s’amplifier et aujour-d’hui les agents microbiens circulent au rythme des vols long-courriers réguliers. Les avions transportent près de 3 milliards de passagers par an, 1 million pour la seule liaison Paris-New York. Les conséquences épidémiologiques sont majeures (Barthélémy, 2007).

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3. Quelques exemples

On peut présenter quatre maladies pour essayer d’illustrer ces diverses notions de manière plus concrète. La rougeole, la rage et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), tous trois d’origine virale, et la peste, d’origine bactérienne, seront développés. La rougeole, la rage et la peste sont des maladies anciennes, le SRAS est une maladie dont l’émergence est contemporaine. Chaque exemple devrait permettre d’aborder certains points intéressants illustrant les phéno-mènes d’origine et d’émergence précédemment cités.

En réalité, même si chaque cas possède un certain degré de généralisation possible en fonction d’une des grandes catégories d’origine à laquelle on peut le rattacher, chaque maladie possède une histoire et donc une origine qui lui sont propres. Au cours des 35 derniers millions d’années d’évolution des primates, durée déjà citée, les ancêtres de l’espèce humaine ont eu le temps de croiser de nombreux micro-organismes et ces micro-organismes ont eu le temps de tenter de s’adapter à de nouveaux hôtes. Autant il sera envisageable de chercher, cas par cas, comment ils ont réussi à le faire, autant il sera délicat de chercher à com-prendre pourquoi. A-t-il fallu plusieurs tentatives pour « réussir » ? Il serait sans doute tout autant difficile de savoir pourquoi, dans de nombreuses autres cir-constances, ils n’ont pas réussi à faire affaire. On ne peut que suspecter tous ces échecs. Pourtant, les essais manqués apportent souvent beaucoup d’information quand on peut les analyser, mais des non-réussites passées, à de telles échelles de temps, risquent de rester inaccessibles.

3.1. Rougeole

L’agent responsable de la rougeole est un virus de la famille des Paramyxovi-ridae et du genre Morbillivirus (Hureaux et al., 2003) très proche de l’agent de la peste bovine. Les virologistes admettent que c’est l’adaptation à l’espèce humaine du virus bovin, présent chez l’ancêtre du bétail domestique lors du processus de la domestication, qui expliquerait l’origine du virus de la rougeole. Comme l’aurochs (Bos primigenius), ancêtre des bovins domestiques à bosse et sans bosse, a disparu au XVIIe siècle, il ne sera sans doute pas possible de le confirmer définitivement. On peut également remarquer qu’il n’est pas connu d’autres Morbillivirus chez les primates sauvages même si les grands singes sont réceptifs et sensibles au virus de la rougeole en captivité. Cela renforce l’idée

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d’une origine particulière de la rougeole chez l’homme, sans lien avec l’origine des primates. L’émergence de la rougeole serait donc liée à la cohabitation ancienne et régulière des peuples pasteurs avec les bovins par adaptation d’un virus bovin à une espèce de primate.

La date du passage du virus bovin à l’homme et de l’évolution de l’un vers l’autre est délicate à établir. Les textes anciens suggèrent l’existence d’une longue vie commune (Blancou, 2000). Pourtant, des travaux plus récents et strictement moléculaires proposent une date bien plus récente pour le passage du virus bovin au virus humain, difficile à expliquer (Furuse et al., 2010). Non confirmée à ce jour, cette étude date la divergence entre les deux virus quelque part entre le XIe et le XIIe siècle de notre ère, ce qui ne correspond pas aux données historiques. Soit il faut rechercher une autre explication à l’origine de la rougeole, soit la méthode suivie pour calculer le temps de divergence entre les deux virus repose sur une horloge moléculaire mal calibrée ou sur une méthodologie non adaptée.

On ne peut pas parler de l’histoire de la rougeole sans raconter, rapidement, celle de la peste bovine, surtout dans ses développements récents (Moutou, 2014). En effet, l’annonce de l’éradication de la peste bovine a été faite en 2011 con-jointement par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation, Rome) et l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale). Le 28 juin 2011, lors de la cérémonie officielle organisée pour célébrer l’éradication de la maladie, Peter Doherty, prix Nobel de médecine en 1996, a rappelé l’im-portance de l’événement, bien au-delà de la seule santé animale. Il s’agit certes d’une maladie du bétail domestique, essentiellement des ruminants, mais son his-toire est loin d’être anodine pour l’espèce humaine (Njeumi et al., 2012). D’un point de vue évolutif et adaptatif, le virus de la peste bovine, sous la forme rou-geole humaine, aura survécu à l’extinction de l’aurochs et à celle de son virus. L’épidémie de rougeole qui touche l’Europe depuis le début des années 2000, avec un vrai pic épidémique autour de 2010-2011, est assez paradoxale à cet égard. En effet, la lutte contre la peste bovine, dès qu’un vaccin a été mis au point vers le milieu du XXe siècle, a été un des grands succès de la recherche et des ser-vices vétérinaires (Njeumi et al., 2012). Le développement d’un vaccin thermoré-sistant a représenté une réelle avancée technologique (Blancou, 2000 ; Mariner et al., 2012). Or, d’après certains rapports, il aurait été plus facile de vacciner les troupeaux contre la peste bovine, y compris dans des pays en guerre, que de vacci-ner les enfants contre les maladies infantiles (Normile, 2008). L’histoire de l’ori-

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gine des maladies humaines est certainement complexe, mais celle de leurs tentatives d’éradication peut l’être encore davantage.

3.2. Rage

Les virus responsables de la rage appartiennent au genre Lyssavirus de la famille des rhabdoviridae. Longtemps associés au chien et plus globalement aux carnivores, ils sont maintenant reconnus comme étant bien plus sûrement à rapprocher des chiroptères, les chauves-souris (Hureaux et al., 2003 ; Rupprecht et al., 2011). Cette dernière référence suggère d’ailleurs que l’origine initiale de cette branche virale serait à rechercher du côté des virus d’insectes. Aujourd’hui, pas moins d’une quinzaine d’« espèces » virales de Lyssavirus sont reconnues, toutes chez des chauves-souris, sauf, à ce jour, Mokola et Ikoma (Evans et al., 2012). Plusieurs ne sont d’ailleurs connues que chez les chauves-souris. Le pas-sage vers des mammifères terrestres, seule classe zoologique concernée à ce jour, se serait produite au cours du temps. Il n’est pas exclu que plusieurs passages et plusieurs adaptations indépendantes à des espèces terrestres aient eu lieu. En effet, le travail de Hassan Badrane et Noël Tordo (Bardane et Tordo, 2001) date la séparation des souches analysées entre 888 ans et 1459 ans avant aujourd’hui, soit globalement durant le Moyen Âge, alors que des textes bien plus anciens décrivent des épizooties chez les chiens qu’il est difficile de ne pas associer à la rage canine (Blancou, 2000). Si l’origine des lyssavirus paraît se préciser, l’origine des cas humains semble ne pas avoir beaucoup évolué depuis des siècles, voire des millénaires. C’est bien le chien domestique qui est responsable de l’essentiel des cas humains, quel que soit le chiffre réel, toujours extrêmement délicat à estimer (Moutou, 2013). On peut penser que la rage canine est issue de la rage du loup, puisque le chien est la forme domestique du loup. Or, autant les morsures de loups ont toujours été exceptionnelles, mêmes si elles ont souvent eu un aspect dramatique, autant les morsures de chiens sont banales mais potentiellement tout aussi graves. En domestiquant le loup et en adoptant le chien, l’espèce humaine s’est associée avec un animal aujourd’hui responsable de quelques dizaines de milliers de cas de rage humaine annuels.

Dans le cas de la rage et des lyssavirus, on peut aussi noter que, contrairement à la situation du morbillivirus de la peste bovine, aucun lyssavirus ne s’est adapté à l’homme. On connaît des souches chez les chiroptères, chez certaines espèces de carnivores, mais tous les cas humains sont toujours directement liés à une

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contamination par le réservoir sauvage. Les quelques cas consécutifs à des greffes d’organes prélevés sur des personnes mortes de rage mais non diagnostiquées relèvent d’une toute autre démarche. La rage est toujours une zoonose alors que la rougeole est devenue une maladie d’origine animale. Dans une région donnée, il y a souvent une souche de lyssavirus chez les chiens domestiques et une ou des souches différentes qui sont présentes chez quelques espèces de carnivores sau-vages (renard, chien viverrin, moufette, raton laveur, mangoustes selon les conti-nents) (Rupprecht et al., 2011). L’adaptation d’une souche de carnivore à un bovidé sauvage (le grand koudou) en Afrique australe a représenté une surprise. Dans le cas des lyssavirus, adaptation signifie réceptivité et sensibilité de l’espèce hôte, excrétion salivaire du virus, souvent en phase clinique et comportement intraspécifique capable d’assurer la transmission du virus au sein de la population.

3.3. SRAS

Fin 2002, les premiers échos d’une maladie émergente circulant au sud de la Chine commencent à se propager. C’est au début de 2003 que les données se précisent et le SRAS sera la première épidémie du XXIe siècle, suivie pratiquement en temps réel (Greenfeld, 2006). Le SRAS explique de manière assez didactique comment une nouvelle maladie peut émerger. Son origine a pu, peu à peu, être reconstituée. Cela illustre à la fois les enchaînements nécessaires mais pose éga-lement quelques questions en termes de probabilité. Cela pourrait-il se reproduire ?

Le coronavirus (CoV) responsable du SRAS, celui trouvé chez les 8 000 patients atteints, dont environ 10 % sont morts, n’était pas connu avant cette épidémie et n’a été identifié que chez les malades humains. Les autres virus trouvés dans différentes espèces animales sont des SRAS-like CoV. Les chiroptères hébergent probablement des souches à l’origine du virus épidémique mais ne semblent pas être à l’origine du passage du virus à l’espèce humaine (Woo et al., 2012). La civette palmiste masquée (Paguma larvata), chassée mais aussi élevée et consom-mée en Chine du Sud, pourrait avoir joué ce rôle de lien avec l’espèce humaine. Les souches trouvées chez quelques civettes ne diffèrent des souches pathogènes humaines que par la présence d’une séquence de 29 nucléotides, séquence per-due chez le virus pathogène, celui du SRAS proprement dit. On ne sait pas si cette délétion est la cause ou la conséquence du passage de la civette à l’espèce humaine. On ne sait pas non plus si ce passage et cette délétion, sans savoir si c’est le bon ordre chronologique, se sont produits une seule fois ou plusieurs fois.

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Début 2004, on a identifié quelques souches du virus sans la délétion et prati-quement sans signes cliniques chez quelques patients.

Une grande partie de l’épidémie humaine s’explique ensuite uniquement par des comportements humains. Un malade qui a excrété des quantités très impor-tantes de virus dans un hôtel de Hong Kong où résidaient de nombreux étrangers a contaminé des personnes qui sont reparties ensuite, par avion, dans plusieurs continents. On se trouve à nouveau dans le cas d’une maladie d’origine animale mais peut-être plus une zoonose proprement dite, et cela en l’espace de quelques jours ou de quelques semaines. Il est sans doute un peu risqué de faire trop de comparaisons mais on a aussi l’impression que lorsque le virus simien de l’im-munodéficience s’est adapté à l’homme, il est assez rapidement devenu virus du sida et a commencé aussitôt à diffuser. Nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est passé à l’époque du passage du virus de la peste bovine vers le virus de la rougeole, mais on peut au moins se demander si cela s’est fait sur une longue période ou bien très rapidement, un peu comme pour le SRAS. Cela n’a jamais été le cas pour le virus de la rage.

La dernière question concerne l’estimation de la probabilité pour que l’en-chaînement qui a conduit à l’épidémie de SRAS se reproduise. C’est arrivé, c’est donc possible. Cela peut-il se reproduire ? Statistiquement la réponse est oui. À quelle échelle de temps et avec quelle probabilité instantanée ? Les réponses ne sont pas connues.

3.4. Peste

Qui dort avec son chien se lève avec des puces. Tout le monde a dû entendre cette phrase. Elle ne manque pas de pertinence à partir du moment où l’on réalise qu’Homo sapiens est le seul « singe » connu hébergeant une espèce de puce, Pulex irritans. Contrairement aux poux, largement partagés entre primates et dont l’origine est bien probablement à rechercher au sein de la lignée évolutive des familles et de l’ordre des primates, les puces sont absentes chez les autres. Les entomologistes peuvent expliquer ce manque en rappelant que les puces pondent dans la litière d’un nid ou d’un terrier. Les larves s’y développent et, après leur dernière métamorphose, envahissent l’hôte, l’animal habitant ou fréquentant suffisamment régulièrement cet abri. Rien de semblable chez les singes qui sont souvent nomades, qui changent de site de couchage tous les soirs ou qui fré-

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quentent de grands arbres ou des falaises rocheuses pour passer la nuit mais sans aucun équivalent de litière dans lesquels élever des puces. Donc pas de puce.

La question est donc bien de savoir avec qui Homo sapiens a dormi pour s’être réveillé un jour avec des puces. Le chien, l’animal le plus anciennement domes-tiqué, bien avant la révolution néolithique, il y a peut-être plus de 20 000 ans (Thalmann et al., 2013), est un bon candidat. Les rongeurs qui sont venus s’ins-taller dans nos greniers il y a déjà pas mal de temps sont également bien placés, disons que leurs puces sont bien placées (Rodhain et Perez, 1985 ; Beaucournu et Launay, 1990). La sédentarisation de l’homme, l’existence de campements fixes ou exploités de manière saisonnière, la création des cités, tout a rendu pos-sible l’installation chez l’homme d’une espèce d’insecte hématophage de l’ordre des siphonaptères. Les conséquences de l’adaptation à l’homme de cet ectopara-site vont bien au-delà des ponctions sanguines et des séances de prurit. Il faut cependant lui associer deux autres acteurs, la bactérie de la peste Yersinia pestis et une espèce de rat, le rat noir (Rattus rattus).

L’histoire est racontée dans le travail de Frédérique Audouin-Rouzeau (Audouin-Rouzeau, 2003). La bactérie est habituellement hébergée par des ron-geurs semi-déserticoles, gerboises ou écureuils terrestres, propres aux zones arides du Nouveau et de l’Ancien Monde. Il existe d’autres rongeurs concernés dans d’autres régions de la planète, mais les grandes pestes historiques semblent plutôt associées à ce schéma. Le rat noir, originaire d’Asie du Sud-Est, est pré-sent en Europe depuis la Haute Antiquité. Il a cependant mis un certain temps à bien s’implanter le long des voies commerciales et ses densités n’ont dû être conséquentes qu’au Moyen Âge. Cela expliquerait l’impact extraordinaire de la peste noire médiévale, comparée à la peste de Justinien. Les puces de rats auraient transmis la bactérie aux humains. Une chaude discussion a suivi pour savoir si les puces humaines avaient ou non pris le relais !

La peste noire médiévale en Europe représente l’un des rares événements notés par les démographes de l’espèce humaine. La population mondiale connue a diminué à ce moment-là. À partir du XVIIIe siècle, une autre espèce de rat, le surmulot (R. norvegicus) envahit peu à peu l’Europe, au détriment du rat noir. Or, cette nouvelle espèce, originaire d’Asie centrale, est beaucoup plus résistante à l’infection que le rat noir, multiplie moins la bactérie et joue un rôle nettement moins important dans le cycle épidémiologique de la maladie. Il est possible également que le contexte sanitaire global du Moyen Âge ait été nettement plus défavorable, avec des populations humaines en moins bon état général que lors

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des siècles suivants. La troisième pandémie de peste, tout en étant conséquente, n’a pas eu l’ampleur de la deuxième.

Dans le cas de la peste à Yersinia pestis, de nombreux paramètres épidémiolo-giques se sont donc combinés au cours des millénaires pour expliquer, plus ou moins simplement, l’histoire de la maladie. Dans l’évolution de l’expression de la maladie au fil des millénaires, il reste délicat d’interpréter correctement le rôle de chaque paramètre, bactérie, espèce de rat anthropophile, espèces de puces concernées, système social humain, état général des populations humaines expo-sées. L’origine d’une même maladie lors de diverses épidémies peut donc être changeante.

Enfin, comparée aux deux exemples précédents, la peste montre le cas d’une bactérie capable de déclencher des épidémies au sein même de l’espèce humaine, avec transmission par vecteur ou par voie respiratoire mais sans installation défi-nitive. Le réservoir pérenne est « sauvage », c’est-à-dire constitué de rongeurs des zones arides, avec leurs puces et leurs terriers. Une bactérie comme celle respon-sable de la tuberculose humaine, Mycobacterium tuberculosis, quelle que soit son origine, est maintenant hébergée exclusivement par l’espèce humaine.

4. Conclusion

Le phénomène général de l’évolution, tel que proposé par Darwin et bien repris par la biologie depuis, s’oppose de fait à la notion, parfois prise au premier degré, d’équilibre, de stabilité. Dans la vie quotidienne et à l’échelle d’une vie professionnelle, effectivement, équilibre et stabilité sont souvent recherchés, qu’il s’agisse d’incitations économiques et budgétaires, d’emploi ou de mandat électoral. Le paramètre temps est souvent mal appréhendé tant il peut corres-pondre à des unités différentes, de quelques années à des millions d’années. Chaque individu vieillit, la population humaine croît depuis des millénaires, le climat change et les écosystèmes se modifient en permanence. Tous ces éléments sont importants en épidémiologie. De nouveaux micro-organismes rencontrent régulièrement de nouveaux hôtes potentiels et certains contacts sont suivis d’effets. L’espèce humaine étant une espèce parmi le reste de la biodiversité, elle participe comme les autres à ces phénomènes qui sont réellement universels. La seule constante est donc le changement. Les maladies infectieuses émergentes

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n’en sont qu’une des conséquences et l’intérêt qui leur est porté représente seu-lement une prise de conscience assez récente portée à un phénomène ancien.

Comme toutes les espèces vivantes, l’espèce humaine s’est trouvée en perma-nence au sein des réseaux trophiques, relationnels et fonctionnels de tous les écosystèmes qu’elle a occupés. Il est donc cohérent que tous les schémas pos-sibles de contact entre elle et les micro-organismes de ces environnements aient pu avoir lieu. Au cours du temps, un certain nombre de ces rencontres ont permis l’émergence de diverses maladies et le phénomène se poursuit.

Un récent travail de Serge Morand et de ses collaborateurs s’intéresse juste-ment à la compréhension de l’origine des maladies humaines au travers du pro-cessus de la domestication (Morand et al., 2014a). L’outil méthodologique utilisé est l’analyse de réseaux. Il ressort de cette étude, qui manipule un gros fichier de données, que le temps depuis lequel l’homme est en contact avec les espèces domestiquées représente le paramètre le plus important. C’est, par exemple, apparu comme plus explicatif que la proximité phylogénétique de ces animaux avec l’espèce humaine. Comme il n’y a que 11 000 ans que nous avons domestiqué quelques espèces animales et végétales, mais que nous en avons chassé beaucoup d’autres pendant des centaines de milliers d’années, il serait intéressant de pouvoir comparer le poids respectif des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs-éleveurs dans leurs contributions propres à l’origine des maladies infectieuses de l’homme. Les durées de temps ne sont pas les mêmes et le passé lointain sera toujours plus délicat à explorer que le présent ou le passé proche.

Dans ce même ordre d’idée, la mode récente et contemporaine, largement répandue à travers la planète, de l’élevage domestique d’animaux de compagnie exotiques, dont rien n’est connu au niveau microbisme, naturel ou moins natu-rel, sans même parler de leur biologie ou de leur éthologie, est peut-être riche de surprises sanitaires à venir. Le fait que des espèces de continents différents puissent se retrouver voisines dans les mêmes points de vente autorise également des possibilités innombrables de transferts de virus, de bactéries, de parasites, de champignons, entre animaux pour lesquels rien n’est connu des réceptivités et sensibilités respectives. Nous n’en savons pas plus pour l’espèce humaine. Les cas humains de variole du singe (en anglais monkeypox) apparus en 2003 aux États-Unis, transmis par des chiens de prairie, rongeurs nord-américains, contaminés en animalerie par des rongeurs ouest-africains, représentent un cas de figure qui préfigure peut-être d’autres surprises sanitaires. Dans ce cas-là, l’origine du virus a été assez vite identifiée, mais seulement après coup, par l’équipe du Center for

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Disease Control and Prevention (CDC) (États-Unis) en charge de l’enquête sur les cas de variole du singe (Anonyme, 2003).

Un autre élément à citer est celui de l’allongement important de la durée de vie de l’espèce humaine dans les pays les plus développés et des réflexions asso-ciées en termes d’évolution (Burger et al., 2012). Il s’agit de la conséquence de la maîtrise de nombreuses maladies infectieuses conduisant à une espérance de vie qui atteint ou dépasse parfois 80 ans. Les auteurs font remarquer qu’avec ce chiffre, il y a plus de différence entre l’espérance de vie des populations de chasseurs- cueilleurs prénéolithiques et celle des hommes modernes qu’entre l’espérance de vie des populations sauvages de chimpanzés et celle de ces mêmes chasseurs-cueilleurs. Cela ne ferait qu’à peu près quatre générations, sur les 8 000 qui ont jalonné l’histoire d’Homo sapiens, que ce phénomène existe.

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Chapitre 1 Origine des maladies infectieuses humaines

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Chapitre 2ORIGINE ET ÉVOLUTION DU VIH

Marc ChoisyUMR UM/CNRS/IRD, maladies infectieuses et vecteurs :

écologie, génétique, évolution et contrôle, Hanoï, VietnamOxford University Clinical Research Unit, Hanoï, Vietnam

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Les maladies infectieuses

Introduction

Le sida fait partie, avec le paludisme et la tuberculose, des trois grandes mala-dies prioritaires pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette maladie causée par les VIH s’est répandue dans l’ensemble des populations humaines depuis le début des années 1980 et infecte aujourd’hui 2 à 3 millions de personnes par an, essentiellement en Afrique subéquatoriale (UNAIDS, 2013). Le nombre total de personnes infectées depuis le début de la pandémie s’élève à 80 millions (dont 25 millions de morts) et la prévalence actuelle est de 35 millions, essen-tiellement en Afrique subéquatoriale encore une fois (UNAIDS, 2013). Il n’existe à ce jour encore aucun vaccin protégeant contre l’infection. Le dévelop-pement de la maladie peut être substantiellement retardé grâce aux trithérapies utilisées depuis les années 1990 mais ces traitements restent à un coût extrême-ment élevé et mettent les patients dans des conditions de vie très pénibles. Les analyses de phylogénie et d’évolution moléculaire de ces dernières années ont permis d’identifier l’origine du virus du sida, de caractériser sa dispersion mon-diale, d’expliquer la durée de la période asymptomatique et le déclenchement de la maladie, ses modes de transmission, ainsi que ses conséquences sur l’évolution humaine.

1. L’organisme vivant à l’évolution la plus rapide connue

Le VIH fait partie de la famille des rétrovirus. La caractéristique de ces virus tient à leur génome qui se trouve sous forme d’acide ribonucléique messager (ARNm). Son cycle de vie ne peut être effectué que par la rétrotranscription de cet ARNm en acide désoxyribonucléique (ADN) qui est ensuite intégré dans le génome nucléaire de la cellule hôte d’où il est alors exprimé grâce à la machine-rie moléculaire de cette dernière. L’étape de rétrotranscription est réalisée grâce à une enzyme propre aux rétrovirus : la reverse transcriptase. Le génome des VIH est constitué de deux brins d’ARNm (génome diploïde) d’environ 10 000 bases chacun et contient trois gènes majeurs : gag codant les protéines de la capside, pol codant les différentes enzymes dont la reverse transcriptase mentionnée ci-

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Chapitre 2 Origine et évolution du VIH

dessus, et env codant les protéines de l’enveloppe (les VIH sont des virus enve-loppés, c’est-à-dire que leur capside protéique est entourée d’une membrane lipidique). Une des caractéristiques des VIH souvent négligée est l’extrême rapi-dité de leur réplication, avec une production d’en moyenne 1010 nouveaux virions par jour chez un patient infecté. Par ailleurs, la moindre stabilité de l’ARN par rapport à l’ADN, ainsi que les nombreuses erreurs produites par la reverse trans-criptase sont responsables d’un taux de mutation particulièrement élevé (environ une mutation/génome/cycle). Enfin, le génome diploïde des VIH présente des taux de recombinaison particulièrement élevés (7-30 recombinaisons/génome/cycle). Cette réplication rapide du virus couplée à des taux de mutation et de recombinaison élevés confère aux VIH un potentiel évolutif extrêmement rapide. Ce potentiel évolutif rapide, exposé à des pressions de sélection fortes de la part du système immunitaire (voir ci-dessous) fait des VIH les organismes vivants connus ayant les vitesses d’évolution les plus rapides (Rambaut et al., 2004).

2. Une origine zoonotique des VIH

L’émergence soudaine du sida au début des années 1980 a posé un certain nombre de questions quant à son origine. De très nombreuses hypothèses et spé-culations ont été proposées et seules les analyses phylogénétiques ont permis d’identifier l’histoire évolutive des VIH la plus plausible. Les VIH font partie du genre des lentivirus dont le nom rend compte de la longue période d’incubation précédant le développement de la maladie. Ce genre comprend cinq sérogroupes infectant des groupes de mammifères différents : bovins, équins, félins, ovins/caprins et primates. Ce dernier groupe comprend naturellement les VIH mais aussi les VIS (virus d’immunodéficience simienne). Les VIS sont des virus proches des VIH mais infectant les primates africains. Les analyses phylogénétiques sur les VIS ont montré que ces virus sont phylogénétiquement organisés par espèce hôte, révélant ainsi que chaque espèce de primate africain est infectée par un virus spécifique (figure  1). Des analyses phylogénétiques sur les VIS et VIH combinés montrent que les VIH ne sont pas monophylétiques, distinguant ainsi deux types de VIH : les VIH-1 et les VIH-2. Par ailleurs, la proximité phylogé-nétique des VIH-1 et des VIScpz (VIS infectant les chimpanzés), d’une part, et des VIH-2 et des VISsmg (VIS infectant les singes verts mangabey), d’autre part,

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suggèrent très nettement que VIH-1 et VIH-2 sont issus des VIScpz et VISsmg passant respectivement des chimpanzés et des singes verts à l’homme (figure 1, Keele et al., 2006). La consommation fréquente de « viande de brousse » (dont primates) en Afrique de l’Ouest rend tout à fait possible des transferts de para-sites entre faune sauvage et homme, soit au cours de morsures d’animaux vivants, soit au cours du dépeçage d’animaux morts (Peeters et al., 2002). L’ana-lyse détaillée de ces phylogénies a montré en particulier qu’il y a eu pas moins de six événements indépendants de transferts de VIS à l’homme (Sharp et Hanh, 2011). Enfin, ces analyses ont également permis de dater ces événements de transferts jusqu’au début du XXe siècle (Worobey et al., 2008), en accord avec le plus vieux cas connu d’infection humaine par VIH datant de 1959, soit plus de vingt ans avant le démarrage de la pandémie que l’on connaît aujourd’hui (Zhu et al., 1998). Ces datations anciennes constituent notamment le meilleur argu-ment réfutant l’origine des VIH dans le vaccin contre la poliomyélite, hypothèse proposée dans les années 1990 et ayant fait couler beaucoup d’encre sur la sécu-rité des essais vaccinaux (Hooper, 1999).

VIH1-M-CVIH1-M-JVIH1-M-1VIH1-M-BVIH1-M-DVIH1-NVIH1-0Pan sp.Cercopithecus nictitansCercopithecus alboguralisCercocebus atysVIH2Cercocebus torquatusChlorocebus chlorocebusMandrillus sp.Colobus sp.

FIGURE 1 Dendrogramme des VIH et VIS. Les VIS sont représentés par les noms de leurs espèces hôtes.

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Chapitre 2 Origine et évolution du VIH

3. Diversité mondiale des VIH

Les analyses phylogénétiques plus détaillées des VIH révèlent une extrême diversité génétique. Le VIH-1 est ainsi divisé en trois groupes (par ordre de décou-verte : M pour « main » en anglais, N pour « non-M », O pour « outlier » en anglais). Les groupes N et O sont confinés à l’Afrique centrale de l’Ouest tandis que le groupe M est le groupe responsable de la pandémie et est ainsi retrouvé partout dans le monde. Ces groupes sont ensuite eux-mêmes subdivisés en sous-types. Le groupe M comprend ainsi les sous-types A à K, par ordre de découverte. Le sous-type B est celui responsable de la pandémie et est le sous-type dominant retrouvé en Europe, aux Amériques, en Asie et en Australie. Le sous-type C est retrouvé en Inde et en Chine et tous les autres sous-types sont confinés à l’Afrique. Le VIH-2 est lui entièrement confiné à l’Afrique centrale de l’Ouest. Le fait que cette région de l’Afrique est celle contenant la plus forte diversité mondiale de VIH est un argument en faveur d’une origine africaine des VIH.

Par ailleurs, le fait que seuls les primates africains soient naturellement infectés par les VIS est un argument supplémentaire en faveur d’une origine zoonotique des VIH. La diversité des VIH n’est pas seulement génétique, elle est également phénotypique. Ainsi, les VIH-2 sont caractérisés par des forces de transmission plus faibles que les VIH-1, des durées de latence plus longues que les VIH-1 et des sévérités (c’est-à-dire taux de mortalité) plus faibles que les VIH-1. Nous retrouvons, à de plus faibles degrés, une telle variabilité des traits épidémiolo-giques entre les différents groupes et sous-types des deux types de VIH. Le sous-type B du groupe M de VIH-1 est particulièrement transmissible et virulent, ce qui pourrait expliquer qu’il soit à l’origine de la pandémie alors que l’immense majorité des autres VIH est restée confinée à leur zone géographique d’origine, l’Afrique centrale de l’Ouest.

Une telle diversité des traits épidémiologiques est également documentée parmi les VIS. Les VIS présentent des prévalences dans les populations naturelles de primates plus élevées que les VIH dans les populations humaines et des viru-lences qui semblent plus faibles. L’observation selon laquelle les VIS ayant eu une longue coévolution avec leurs hôtes primates provoqueraient des sévérités de maladies plus faibles que les VIH ayant eu une courte coévolution avec leur hôte humain serait en accord avec la « sagesse traditionnelle » qui prédit que les para-sites évolueraient vers une diminution de virulence (Ewald, 1994). Les compa-raisons de virulence entre espèces hôtes différentes sont toutefois à prendre avec

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précaution, notamment lorsque les maladies en question sont caractérisées par des durées de latence longues (comme pour les lentivirus) et que les espèces hôtes sont caractérisées par des espérances de vie très différentes (comme c’est le cas lorsque l’on compare l’homme aux autres primates) : il est possible que les VIS n’aient tout simplement pas le temps de tuer les primates avant qu’ils ne meurent d’autres causes naturelles.

4. Évolution intrahôte des VIH et développement de la maladie

Les VIH infectent les lymphocytes CD4+ (cluster de différenciation  4+), cellules jouant un rôle central dans la réponse du système immunitaire aux infec-tions. Une infection par le VIH présente une succession de plusieurs phases caractérisées immunologiquement et cliniquement. L’infection se caractérise par des symptômes de types grippaux (par exemple fièvre), une augmentation de la concentration virale dans l’organisme et une diminution conjointe de la concen-tration des lymphocytes CD4+ (les VIH prédatant en quelque sorte ces cellules). Cette première phase de quelques semaines est suivie par une deuxième phase, la plus longue (une dizaine d’années), caractérisée par une période de latence asymptomatique, une légère remontée de la concentration des lymphocytes CD4+ et sa stabilisation à un niveau intermédiaire, ainsi qu’une diminution de la concentration virale et sa stabilisation à de faibles niveaux. Enfin, la dernière phase est l’apparition du sida avec un effondrement du nombre de lymphocytes CD4+ et une explosion de la concentration virale. Le système immunitaire déprimé devient une porte ouverte aux infections opportunistes (par exemple tuberculose, première d’entre elles ; voir chapitre 5) dont le patient meurt rapi-dement. Ces densités constantes observées durant la période de latence ont longtemps donné l’impression d’une stase biologique caractérisant cette période, les mécanismes responsables de la fin de cette période et du début du sida restant alors incompris. Dans les années 1990, Nowak et al. (1991) ont mis en évidence que cette période d’apparente stase est, en fait, caractérisée par des activités virale et immunologique extrêmement intenses où VIH et système immunitaire se trouvent engagés dans une course aux armements extrêmement rapide : proces-

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Chapitre 2 Origine et évolution du VIH

sus de coévolution de type « reine rouge » (Ridley, 2003) où l’évolution antigénique permet aux VIH d’échapper au système immunitaire et l’évolution immunogé-nique permet au système immunitaire de contenir la multiplication virale. L’équilibre de concentration observé est donc un équilibre dynamique et non pas statique. Lorsque la diversité antigénique virale passe au-dessus d’un certain seuil, le système immunitaire ne semble plus pouvoir suivre, perdant ainsi la course contre le virus. Le sida apparaît alors. Ce mécanisme, proposé et vérifié par Nowak et al. (1991), est connu sous le nom de « théorie du seuil de diver-sité ». Ce seuil de diversité est assez peu variable d’un patient à l’autre, expliquant ainsi que la durée de la période de latence (une dizaine d’années environ) soit également peu variable d’un patient à l’autre. Cette durée est par ailleurs un trait phénotypique qui semble dépendre beaucoup plus de facteurs viraux que de facteurs liés aux patients (Alizon et al., 2010 ; Fraser et al., 2014).

5. Bouclier de sucres : un mécanisme d’échappement au système immunitaire

Les VIH infectent certaines cellules du système immunitaire, majoritairement les lymphocytes CD4+, c’est-à-dire les lymphocytes caractérisés par la présence de récepteurs CD4 à la surface de leur membrane. L’infection de ces cellules par les VIH commence toujours par l’amarrage des protéines de l’enveloppe du virus (celles codées par le gène env, voir ci-dessus) aux récepteurs CD4 des lympho-cytes CD4+ (figure 2). Une fois l’amarrage réalisé, les membranes du virus et du lymphocyte fusionnent, la capside virale pénètre à l’intérieur de la cellule hôte et l’infection commence. Cet amarrage est un mécanisme de type clé-serrure extrêmement précis et ne supporte donc aucune mutation qui pourrait perturber la conformation tridimensionnelle de la protéine membranaire, au risque de rendre l’amarrage de cette protéine aux récepteurs membranaires impossible. Cependant, de par leur position externe (c’est-à-dire dans la membrane virale), ces protéines d’amarrage sont également les protéines virales les plus visibles par le système immunitaire, et en particulier une cible privilégiée des anticorps. La pression de sélection exercée par ces derniers pousse ainsi cette protéine à sans cesse muter. Cette protéine membranaire virale est donc soumise à deux pres-

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sions de sélection diamétralement opposées : une pression de sélection conserva-trice, tendant à éliminer toutes les mutations qui pourraient perturber sa fonction d’amarrage aux récepteurs CD4 des cellules hôtes, et une pression de sélection au contraire diversifiante, tendant à favoriser toutes les mutations qui pourraient permettre au virus d’échapper aux anticorps neutralisants. Le gène env codant cette protéine membranaire étant de taille relativement réduite (envi-ron 2 500 paires de base), il apparaît difficile de faire face à ces deux pressions de sélection opposées à la fois. L’hypothèse du bouclier de sucre est un méca-nisme original qui a été proposé par Gaschen et al. (2002) et vérifié notamment par l’analyse détaillée de l’évolution moléculaire de ce gène (Choisy et al., 2004). Cette dernière a montré que le gène env est globalement caractérisé par une intense sélection conservatrice, assurant ainsi le maintien de la fonction d’amar-rage aux récepteurs CD4 de la protéine membranaire virale. Seul un très faible nombre de sites (c’est-à-dire les acides aminés de la protéine) se trouve sous sélection diversifiante extrêmement intense.

Ces sites n’ont que très peu d’influence sur la conformation tridimensionnelle (et donc la fonction d’amarrage) de la protéine membranaire virale. Plus surpre-nant cependant, ces sites ne se trouvent pas du tout associés aux épitopes (les portions de protéines reconnues par le système immunitaire) de la protéine mem-branaire virale. Ils sont en revanche associés aux sites dits de glycosylation. Ces derniers correspondent à des acides aminés permettant l’accrochage de molé-cules de sucre volumineuses à la surface de la protéine. L’encombrement stérique de ces molécules peut substantiellement gêner l’accès des anticorps aux épitopes de la protéine virale (jouant ainsi le rôle d’un véritable bouclier) sans pour autant gêner la fonction d’amarrage de la protéine virale. La rapide évolution diversifiante sur ces sites de glycosylation a pour effet de constamment modifier la conforma-tion de ce bouclier, lui permettant ainsi d’échapper aux anticorps dont l’évolu-tion peut potentiellement leur donner accès aux épitopes pour une conformation du bouclier donnée. Ces molécules de sucres volumineuses offrent aux virus la possibilité, en quelque sorte, d’amplifier l’effet des mutations qui apparaissent sur les rares sites de glycosylation. En résumé, la stratégie évolutive permettant aux VIH de répon dre à deux pressions de sélection opposées consiste à concen-trer une évolution diversifiante intense sur très peu de sites (les effets des muta-tions y étant très amplifiés par les molécules de sucres accrochées à ces sites), le reste des sites (l’immense majorité d’entre eux) étant sous évolution conserva-

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Chapitre 2 Origine et évolution du VIH

trice. L’évolution conservatrice générale permet à la protéine virale de conserver sa fonction d’amarrage et les quelques sites de glycosylation sous évolution diver-sifiante permettent à la protéine virale de constamment échapper aux anticorps (figure 2).

FIGURE 2 Mécanisme d’amarrage du VIH à la surface de la cellule hôte. L’accrochage des anticorps à la surface de la protéine membranaire est empêché par les molécules de sucres volumineuses. Ces dernières sont accrochées à la protéine membranaire au niveau des sites de glycosylation. L’évolution diversifiante sur ces sites change constamment la conformation tridimensionnelle de ce bouclier de sucres, empêchant ainsi les anticorps de trouver un accès aux épitopes.

6. Vers une évolution de la résistance contre le VIH ?

La sagesse traditionnelle mentionnée ci-dessus stipule que les parasites évo-luent vers une diminution de la virulence des parasites sur leur hôte : une viru-lence trop élevée et entraînant des taux de mortalité des hôtes trop forts nuit aux parasites qui dépendent de leurs hôtes pour leur survie et leur transmission (Anderson et May, 1982). Peu de données à ce jour vérifient cette théorie. La comparaison des virulences faibles des VIS (longue coévolution avec leurs hôtes

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Les maladies infectieuses

primates) et des VIH (courte coévolution avec leurs hôtes humains), mention-née ci-dessus, serait une des rares vérifications de cette théorie. À noter que les taux de mortalité des hôtes dépendent certes de la virulence de leurs parasites (évolution parasitaire), mais également de la résistance des hôtes aux parasites (évolution des hôtes). Le meilleur exemple illustrant ce deuxième effet est l’in-troduction du virus de la myxomatose dans les populations australiennes de lapins. Les lapins ont été introduits accidentellement en Australie au XIXe siècle, causant d’importants dommages agricoles. Dans un souci d’exterminer ou du moins de réduire ces populations au minimum, des scientifiques ont introduit dans les années 1950 le virus de la myxomatose dans les populations austra-liennes de lapins. L’effet délétère de ce virus sur les populations de lapins fût extrêmement élevé durant les quelques années suivant l’introduction du virus (forte contagiosité et forte létalité : 99 % de mortalité dans les premières années). Toutefois, en très peu de temps, les populations de lapins ont développé une résistance à partir de très peu d’individus naturellement résistants au virus de la myxomatose. En deux décennies, ce dernier n’était plus efficace pour contrôler les populations australiennes de lapins (Fenner et Fantini, 1999). Cet exemple de la myxomatose illustre très bien l’effet de la pression de sélection exercée par les parasites sur leurs hôtes. On peut donc se demander si une telle évolution est actuellement en action dans le cadre du VIH. Une piste dans ce sens a été décou-verte dans les années 1990 : une délétion de 32 paires de bases sur le gène CCR5 des lymphocytes (codant un autre récepteur membranaire) semble les rendre moins sensibles à une infection par les VIH (Samson et al., 1996) et ainsi retar-der considérablement l’apparition du sida chez les séropositifs. Curieusement, la fréquence de cette délétion est beaucoup plus importante dans les populations européennes qu’africaines ou asiatiques. Une hypothèse expliquant cette obser-vation serait que cette délétion a été sélectionnée au court d’épidémies précé-dentes, notamment celle de peste noire qui a balayé l’Europe au XIVe siècle (Martinson et al., 1997).

Les approches évolutives de l’étude du VIH ont permis de mieux comprendre les mécanismes régissant l’épidémiologie du sida et la progression de la maladie. L’évolution extrêmement rapide de ce virus est responsable d’une importante diversité de souches différentes qui circulent aujourd’hui (évolution interhôte), rendant le développement d’un vaccin efficace si difficile. Elle est également responsable des échecs thérapeutiques, le virus finissant toujours par contourner l’action des médicaments. L’utilisation combinée de plusieurs médicaments à la

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INDEX

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350

Les maladies infectieuses

A

Acétylcholinestérase, 178, 181Anthropique, 255, 309Anthropophiles, 104, 109, 182Antibiorésistances, 160, 161-165, 167,

196, 335Anticorps, 41-43, 53, 125, 200, 203, 338,

344Arbovirus, 104, 115, 338Avantage sélectif, 146, 169, 182, 216,

278, 312Avirulence, 141

B

Bactériophage, 310, 333, 347Bioarchéologie, 51, 57, 338Biotopes, 6

C

Capside, 36, 41, 339, 341Carbamates, 178, 180Champignons, 6, 29, 161, 177, 322, 348Chikungunya, 104-112, 185, 269, 313,

339Choléra, 6, 9, 148, 254, 260, 276, 280,

309-312, 317, 333, 339Coévolution, 6, 39-43, 57, 89, 92, 112,

152, 256, 293, 311, 339Commensalisme, 6Compromis évolutif, 142Coronavirus, 25Course aux armements, 40, 90, 151, 162,

194, 198, 204, 311, 340Coût génétique, 182, 186Cycles de vie, 145, 150, 319

D

DDT, 176, 181Démorésilience, 253, 256, 259, 340Dengue, 104, 122, 185, 214, 275, 286,

313, 338, 340Diploïde, 36, 340Diversité génétique, 39, 69, 72, 84, 88,

144, 165, 167, 203, 279, 340-342

E

Échappement immunitaire, 200, 203Enveloppe, 37, 41, 113, 341Enzyme, 36, 178, 180, 183, 218, 341Épitopes, 42, 90, 341Épizootie(s), 24, 109, 122, 341Évolution de la résistance, 182Évolution humaine, 36, 153, 280

F

Fomites, 147

G

Génétique des populations, 71, 112, 149, 183, 278

Génome, 17, 36, 48, 53, 69, 84-92, 105, 126, 129, 278-284, 292, 310, 342, 347

Glossines, 176, 182, 213, 216, 222Grippe, 147, 194, 198-204, 239, 249-251,

269, 280, 318

H

Héritabilité, 145, 153, 344HLA, 278, 339

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351

Index

I

Immunopathologie, 146, 279Infections multiples, 143, 150Insecticides, 7, 176, 180-182, 186, 229Intégrative, 307Invasions, 261, 313

L

Latence, 39-41, 80, 90, 343Legionella, 18, 333Leishmania, 214-216, 221Lutte antivectorielle, 115, 176, 186Lymphocytes, 40, 44, 338Lyssavirus, 24

M

Macroscope, 306Maladies infectieuses émergentes, 15, 28Mécanismes de résistance, 161, 165, 171,

176, 179, 185, 194-196Microbiote, 58, 343Morbillivirus, 22Mortalité, 39, 43, 92, 122, 130, 140, 150,

162, 176, 198, 211, 216, 249-251, 254, 259, 268, 276, 309, 313, 318, 336, 348

Moustiquaires, 177, 182, 184Moustiques, 21, 72, 104-111, 114, 176-

185, 213, 217-224, 227, 286, 314, 321, 344

Mutation de cible, 181Mutations compensatoires, 169Myxomatose, 44, 141, 147, 333, 346

N

Niveau de sélection, 144, 150

O

One health, 8, 15Organophosphorés, 178, 180, 183, 186

P

Paludisme, 7, 36, 55, 66, 71, 81, 113, 122, 130, 143, 151, 177, 180, 185, 194, 197, 204, 212, 217, 220, 224, 250, 253, 267, 270, 280, 319, 334, 344

Pandémie(s), 28, 36, 54, 81, 113, 147, 199, 202, 238, 248, 261, 269, 310, 336, 341, 344

Parasite(s), 6-9, 17, 20, 29, 38, 43, 66-75, 140-153, 165, 176, 194, 210-229, 253, 275-279, 282-294, 320, 332-334, 339, 342, 348

Parasitisme, 6, 140, 274Passage en série, 141, 143, 150Peste, 9, 16, 21-28, 44, 57, 241-250, 252,

256-263, 269, 336, 344Phages, 149, 152, 311Phénotype étendu, 153, 212, 335Phylogénie, 36, 68, 92, 345Pression de sélection, 41, 44, 92, 110, 150,

153, 167, 182, 186, 195, 345Prévalence, 36, 51, 125, 153, 202, 268,

283Pyréthrinoïdes, 178, 181, 184

Q

Quarantaine, 241-244, 252, 345

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352

Les maladies infectieuses

R

Recombinaison, 37, 338, 345Résistance, 7, 8, 43, 55, 81, 87, 92, 151-

153, 161, 165-171, 176-187, 194-198, 204, 226, 249, 255, 277, 290, 324, 333, 340, 347

Résistance métabolique, 180Rétrovirus, 19, 36

S

Sapronotiques, 6Saprophytisme, 6Sarcome de Kaposi, 247Sélection sexuelle, 276, 284, 290, 346Selvatiques, 108-110, 346Sérogroupes, 37, 105, 309, 346Spores, 147SRAS, 22, 25, 239, 269, 336Stratégies de gestion de la résistance, 186Structure spatiale, 149

T

Tabes, 54, 346Taux de reproduction de base, 115, 140,

345Ténias, 20Tolérance, 151, 167, 264, 324, 346Toxoplasma, 20, 145, 212, 282, 334Transdisciplinaire, 308, 332Transduction, 165, 312, 347Transferts horizontaux, 48, 55, 165

Transmission, 6, 9, 16, 19, 25, 28, 36, 39, 43, 48, 51, 69, 75, 80, 82-91, 108-113, 126, 131, 140, 146-150, 165, 170, 176, 185, 196, 202, 210-215, 220, 225-229, 269, 281, 286, 306-311, 314, 320, 325, 333, 338, 341, 347

Transmission verticale, 108, 148Tréponématoses, 48, 54, 57Trichines, 20Trypanosoma, 214, 216, 221, 227

V

Vaccins, 83, 115, 127, 141, 153, 176, 201-204, 333, 335

Vecteur(s), 6, 28, 72, 75, 104-115, 126, 148, 175-180, 184-187, 212, 224-229, 256, 286, 307, 315-321, 332, 338, 344, 348

VIH, 19, 35-44, 54, 81, 90, 93, 143-145, 153, 203, 239, 265, 268, 340

Virions, 37, 348Virulence(s), 7, 39, 43, 49, 83, 87, 90,

122, 126, 140-153, 161, 165, 210, 248, 309, 312, 324, 333, 347

Y

Yersinia, 17, 27, 260, 269, 344

Z

Zika, 104-115, 313, 338, 348

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Chapitre 2 Origine et évolution du VIH

TABLE DES MATIÈRES

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354

Les maladies infectieuses

Préface 5Stéphanie Picot

p r e m i è r e p a r t i eHistoire de quelques grandes maladies

C H A P I T R E 1Origine des maladies infectieuses humaines 13François Moutou

1. Méthodes d’étude 161.1. Approche historique 161.2. Paléovirologie 161.3. Progrès et santé 171.4. Conclusion : le nouveau paradoxe 18

2. Étapes de l’origine des maladies infectieuses humaines 182.1. Introduction 182.2. Des humains hors d’Afrique 202.3. Révolution néolithique 202.4. Début de la mondialisation 21

3. Quelques exemples 223.1. Rougeole 223.2. Rage 243.3. SRAS 253.4. Peste 26

4. Conclusion 28

C H A P I T R E 2Origine et évolution du VIH 35Marc Choisy 35

1. L’organisme vivant à l’évolution la plus rapide connue 362. Une origine zoonotique des VIH 37

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355

Table des matières

3. Diversité mondiale des VIH 394. Évolution intrahôte des VIH et développement de la maladie 405. Bouclier de sucres : un mécanisme d’échappement au système immunitaire 416. Vers une évolution de la résistance contre le VIH ? 43

C H A P I T R E 3Les Syphilis 47Alain Froment

1. Épidémiologie des maladies tréponémiques 482. Origine de la syphilis vénérienne 503. Conséquences sur l’évolution 544. Conclusion 55

C H A P I T R E 4Origine et évolution du paludisme 65Franck Prugnolle, Patrick Durand, Céline Arnathau, François Renaud

1. Diffusion intercontinentale de Plasmodium falciparum 712. Et aujourd’hui ? 75

C H A P I T R E 5Mycobacterium tuberculosis : écologie et évolution d’une bactérie humaine 79Anne-Laure Bañuls, Adama Sanou et Sylvain Godreuil

1. Mycobacterium tuberculosis et le complexe Mycobacterium tuberculosis : une histoire d’hôtes 83

2. Un modèle exemplaire d’adaptation à l’homme 883. Conclusion 92

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356

Les maladies infectieuses

C H A P I T R E 6Histoire naturelle du chikungunya, de la dengue et de la fièvre zika (du singe à l’homme) 103Didier Fontenille

1. Clinique et épidémiologie des fièvres chikungunya, dengue et zika 1042. Cycles enzootiques 1063. Mécanismes d’anthropisation des cycles 1094. Mondialisation de la transmission 1105. Conséquences évolutives de ces « sorties » de forêt 1126. Scénarios attendus pour le futur 114

C H A P I T R E 7Le virus Ebola 121Virginie Rougeron, Eric Leroy

1. Chronologie des épidémies : de l’émergence à la réémergence 1232. Une exposition fréquente des populations humaines aux virus Ebola ? 1253. Une origine zoonotique : les chauves-souris frugivores en cause 1264. Une histoire évolutive encore à clarifier… 127

4.1. De quelques milliers… 1284.2. … à quelques millions d’années 130

5. Conclusion 130

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357

Table des matières

d e u x i è m e p a r t i e

Évolution des maladies infectieuses

C H A P I T R E 8Pourquoi les parasites nuisent-ils à leurs hôtes ? 139Samuel Alizon

1. Comment expliquer la persistance de la virulence ? 1421.1. Théorie du compromis adaptatif 1421.2. Infections multiples 1431.3. Évolution intrahôte 1441.4. Coincidental evolution 1451.5. Explications non adaptatives 146

2. Facteurs affectant l’évolution de la virulence 1472.1. Mode de transmission 1472.2. Disponibilité d’hôtes susceptibles 1492.3. Structure spatiale 1492.4. Timing des traits d’histoire de vie de l’infection 1502.5. Défenses de l’hôte 151

3. Coévolution entre les parasites et les hôtes 152

C H A P I T R E 9Évolution des pathogènes face aux traitements : l’émergence des résistances aux antibiotiques 159Marion Vittecoq

1. Les antibiorésistances avant l’utilisation médicale des antibiotiques 1602. Progression des antibiorésistances depuis l’utilisation des antibiotiques

par l’homme 1623. Situation actuelle 1634. Transferts horizontaux de résistances 1655. Mécanismes de résistance et phénomènes

de cosélection 167

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358

Les maladies infectieuses

6. Enjeu du coût à la résistance 1687. Conclusion et perspectives 171

C H A P I T R E 10Évolution des résistances : résistances et vecteurs 175Fabrice Chandre

1. Traitements insecticides en santé publique 1772. Mécanismes de résistance 178

2.1. Résistance métabolique 1802.2. Mutation de cible 181

3. Évolution de la résistance dans les populations naturelles 1824. Impact opérationnel de la résistance

des vecteurs 1845. Conclusion 186

C H A P I T R E 11Évolution et contrôle des maladies infectieuses : des échecs, un succès et des promesses 193Benjamin Roche

1. Résistance aux antibiotiques 1952. Paludisme : l’évolution d’un pathogène pour la première fois prise

en compte dans les stratégies de santé publique 1973. Un exemple déjà appliqué : les virus grippaux 198

3.1. Une mise à jour régulière du vaccin pour contrer l’évolution 2013.2. De futures applications ? 203

4. Conclusion 203

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359

Table des matières

C H A P I T R E 12Manipulation parasitaire et maladies vectorielles 209Thierry Lefèvre, Anna Cohuet et Ana Rivero

1. Manipulation parasitaire du comportement de piqûre de l’insecte vecteur 2131.1. Leishmania 2151.2. Trypanosomes africains 2161.3. Plasmodium 217

2. Manipulation parasitaire des caractéristiques des hôtes vertébrés 2202.1. Leishmania 2222.2. Trypanosomiases africaines 2222.3. Plasmodium 224

3. Conclusions et perspectives 227

C H A P I T R E 13Conséquences des épidémies sur les sociétés 237Norbert Gualde

1. Réactions 2381.1. Déni 2381.2. Peur 2401.3. Quarantaines, isolements 2411.4. Boucs émissaires 245

2. Prolongements 2482.1. Prolongements sur la démographie 2482.2. Prolongements sur l’Histoire 2512.3. Prolongements sur les infrastructures médicales 2542.4. Prolongements sociaux 2562.5. Prolongements militaires 2582.6. Prolongements culturels et artistiques 2592.7. Prolongements religieux 2612.8. Prolongements économiques 265

3. Conclusions 269

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360

Les maladies infectieuses

C H A P I T R E 14Rôles des pathogènes sur l’évolution de l’homme 273Frédéric Thomas et Michel Raymond

1. Rôle des infections sur les traits d’histoires de vie 2741.1. Poids à la naissance 2751.2. Fertilité et conséquences indirectes sur la stature 2751.3. Espérance de vie 276

2. Polymorphisme génétique 2783. Quand les agents infectieux influencent l’incidence des maladies

« somatiques » 2814. Niveau d’asymétrie fluctuante 2845. Menstruations 2856. Odeurs corporelles 2857. Sommeil et sieste 2868. Quotient intellectuel (QI) 2879. Évitement des infections 288

9.1. Dégoût et nausées 2889.2. Épices 2899.3. Sélection et comportements sexuels 2909.4. Conséquences sociétales de l’évitement du partenaire 291

10. Conclusion 292

C H A P I T R E 15Écologie de la santé : nouvelles perspectives en santé publique 305Guillaume Constantin de Magny

1. Un macroscope pour mieux comprendre les maladies infectieuses 3072. Complexité des interactions entre les écosystèmes, les hôtes

et les pathogènes 3082.1. Plusieurs modes d’explication possibles : l’exemple du choléra 3092.2. « Nouvelles invasions biologiques » 313

Page 59: Marion Vittecoq Benjamin Roche Prugnolle Renaud Thomas

361

Table des matières

3. Vers l’écologie de la santé 3163.1. Changement climatique global et diffusion des maladies infectieuses 3173.2. Modifications d’écosystème et santé 3193.3. Croissance de la population humaine et évolution

des maladies infectieuses 3224. Conclusion et nouvelles perspectives de recherche 324

Conclusion générale 331Luc Périno

Glossaire 337

Index 349

Page 60: Marion Vittecoq Benjamin Roche Prugnolle Renaud Thomas

Santé, médecine et sciences de l’évolution

Marion Vittecoq Benjamin RocheFranck PrugnolleFrançois RenaudFrédéric Thomas

Sant

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LES MALADIES INFECTIEUSES

Les m

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Marion Vittecoq (Tour du Valat), Benjamin Roche (IRD), Franck Prugnolle (CNRS), François Renaud (CNRS) et Frédéric Thomas (CNRS) sont des biologistes spécialisés dans l’écologie et l’évolution des agents pathogènes ainsi que dans l’écologie de la santé. Leurs approches méthodologiques vont du terrain à la modélisation et à la biologie moléculaire sur des modèles biologiques variés (agents du paludisme, pathogènes oncogènes, bactéries antibiorésistantes, etc.).

Une discipline en plein essorLes progrès de la médecine nous ont donné accès à un bien-être croissant et à une longévité inespérée. Ils continuent pourtant de se heurter à de nombreux obstacles : maladies émergentes, résistances aux antibiotiques, difficultés de traitement des cancers, etc. Face à ces défis, les approches écologiques et évo-lutives de la santé et de la médecine, qui ont déjà permis des avancées importantes, peuvent apporter un éclairage décisif.

Une approche accessibleCet ouvrage est consacré aux liens entre l’écologie et l’évo-lution de nos interactions avec les agents infectieux et les pathologies qu’ils entraînent. Porté conjointement par des médecins et des chercheurs, ce livre propose une approche accessible des applications de la biologie évolutionniste pour comprendre nos maux passés et actuels, et permet d’entrevoir des perspectives concrètes ouvertes par ces approches.

Une vision nouvelleEn s’appuyant sur l’histoire de quelques grandes maladies représentatives (Ebola, paludisme, etc.) et en donnant les clés pour comprendre les principaux mécanismes qui ré-gissent l’évolution de la virulence, de la transmission et des résistances chez les agents pathogènes, cet ouvrage collectif transdisciplinaire invite le lecteur à porter un nouveau regard sur les maladies infectieuses et les moyens de limiter leur impact.

Les coordinateurs

Le patrimoine génétique de l’homme s’est élaboré au contact d’agents infectieux. Leurs interactions peuvent être déséquilibrées lorsque l’organisme pathogène rencontre des conditions favorables à sa multiplication ou à sa mutation.

Les « plus »+ nombreux exemples

appliqués

glossaire

index

ISBN : 978-2-35327-297-6 MEDEV2

M. V

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B. R

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