magazine palais #20

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Sortie le 19 octobre 2014. Le numéro 20 du magazine PALAIS entre en résonance avec la nouvelle saison d’expositions du Palais de Tokyo (octobre 2014 - janvier 2015), notamment avec l’exposition « Inside ». À cette occasion, les questions de l’intérieur et de l'intériorité ont inspiré les contributions de nombreux auteurs : philosophes, anthropologues, historiens, architectes et commissaires d’exposition. Au sommaire de ce numéro 20 : Un dossier « Inside » dans lequel sont abordés, en textes et en images, les enjeux liés aux notions d’intérieur et d’intériorité, en dialogue avec l’exposition « Inside ». Cette exposition propose un voyage intérieur, une exploration, tant physique que psychique, d’une intériorité dont l’espace d’exposition est la métaphore. Avec les contributions de Jean Clottes et David Lewis-Williams (spécialistes de la préhistoire), Françoise Dastur (philosophe), James Elkins (historien de l’art), Alexa Hagerty (chercheuse en anthropologie), F

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8MONOGRAPHIE / MONOGRAPH

DaviD MaljkovicRésolution spatiale & écart temporelSpatial resolution & temporal displacementPar / By Julien Fronsacq

26PROJET SPÉCIAL / SPECIAL PROJECT

Shahryar NaShat

150PROJET SPÉCIAL / SPECIAL PROJECT

iNSiDE chiNa : l’iNtÉriEUr DU GÉaNtAvec les contributions de / With contributions by : Yu Ji, Renaud Jerez, Edwin Lo, Aude Pariset, Li Gang, Zhao Yao, Wu Hao, Wang Chunchen, Jo-ey Tang

170FOCuS

ENriqUE raMírEzloUiSE PrESSaGErqiNGMEi yaovirGiNiE GoUbaNDjEaN-MariE aPPrioUInterviews par / by : Marie-Thérèse Champesme,Marianne Derrien, Bernard Marcadé, Camille Viéville, Gallien Déjean

PALAIS20

SoMMAIreContentS

PalaiS 20 Le magazine du Palais de TokyoThe magazine of the Palais de Tokyo www.palaismagazine.com E [email protected] Directeur de la publication, Publisher : Jean de Loisy Rédacteur en chef, Editor-in-chief : Frédéric Grossi Éditeur, Editor : Vincent Simon Assistantes éditoriales, Editorial assistants : Aurore Bano, Julie Chateignon Conception graphique, Graphic design : Helmo Traducteurs, Translators : Caroline Burnett, Peter Connor, Ian Monk, Émilie Notéris, Adel Tincelin, Robert Vallier Relectures, Proofreading : Nolwenn Chauvin, Tiffany Thomas Ont participé à ce numéro,Have contributed to this issue : Jean-Marie Appriou, Daria de Beauvais, Marie-Thérèse Champesme, Paquita Chaton,Jean Clottes, Françoise Dastur, Gallien Déjean, Marianne Derrien, James Elkins, Julien Fronsacq, Virginie Gouband, Alexa Hagerty, Frédérique Ildefonse, Katell Jaffrès, Renaud Jerez, J. David Lewis-Williams, Li Gang, Edwin Lo, David Maljkovic, Bernard Marcadé, Shahryar Nashat, Aude Pariset, Louise Pressager, Enrique Ramírez, Jo-ey Tang, Georges Teyssot, Camille Viéville, Wang Chunchen, Wu Hao, Qingmei Yao, Yu Ji, Zhao Yao

PALAIS est édité par, is published by : Palais de Tokyo SAS, 13 avenue du Président Wilson, F-75116 Paris, T +33 1 4723 5401www.palaisdetokyo.com Publicité, Advertising : Mazarine Culture, 2 square Villaret de Joyeuse, F-75017 Paris, T +33 1 5805 4970www.mazarine.com Contacts : Françoise Meininger, Carole Nehmé Diffusion, DistributionPALAIS est diffusé en France et à l’étranger. Liste et coordonnées des diffuseurs, voir www.palaismagazine.com / PALAIS is distributed internationally. List and contact details of distributors, see www.palaismagazine.com Abonnements et ventes en ligne, Subscriptions and online orders : www.kdpresse.com / www.palaismagazine.com

Conseil en fabrication, Production advisor : Ex Fabrica (Paris)

Imprimé en Union européenne par,Printed in European Union by : D’Auria Printing spa, S. Egidio alla Vibrata (TE), Italie, Italy Dépôt légal à parution, imprimé en octobre 2014 ISSN 1951-672X / ISBN 978-2-84711-056-2© Palais de Tokyo et les auteurs, 2014© Adagp (Paris), 2014 pour les œuvres de ses membres

Image de couverture / Cover image : Numen / For Use, Tape Tokyo, 2013Courtesy Spiral/Wacoal Art Center (Tokyo)Photo : Junpei Kato

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70Espace et habitation

Space and dwellingPar / By Françoise Dastur

79Les plis de la membrane

An enfolded membranePar / By Georges Teyssot

96Introduction à une

histoire de l’intérioritéAn introduction to a history of interiorityPar / By Frédérique Ildefonse

39DoSSiEr / MaiN thEME

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La boîte en osThe bone boxEntretien de Jean de Loisy avec Paquita ChatonInterview of Jean de Loisy by Paquita Chaton

51L’intérieur comme

intériorité : habiter en soiThe inside as interiority: living in oneselfPar / By Daria de Beauvais

59Le regardeur à l’œuvre : l’art comme possible exploration de soi

The viewer at work: art as possible self-exploration

Par / By Katell Jaffrès

109Les corps inversés

Inverted bodiesPar / By James Elkins

121L’esprit dans la grotte. La grotte de l’esprit. Conscience modifiée

au paléolithique supérieurThe mind in the cave. The cavein the mind. Altered consciousness in the upper paleolithicPar / By J. David Lewis-Williams & Jean Clottes

133Une belle mort après la mort : au-delà de l’art de bien mourir

After the arts of dying: funerals and a search for a good death

Par / By Alexa Hagerty

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PALAIS20

SoMMAIreContentS

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MonoGrAPhIedAVId MALJkoVIC

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DAVID MALJKOVIC

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Vue D’expOsItIOn / exhIbItIOn VIew, « sOurCes In the AIr », 04.11 2013 – 06.01 2014, gAMeC (bergAMe / bergAMO)

Courtesy de l’ar tiste / of the artist, Annet Gelink Gallery (Amsterdam) & Metro Pictures (New York)Photo : Antonio Maniscalco (Milan)

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p. 7-9DAVID MALJKOVIC

iN low rESolUtioN [2009-2014] (DétAIL / DetAIL)pApIer peInt / wALLpAperCourtesy de l’ar tiste / of the artist

L’exposition « In Low Resolution » de David Maljković met en scène les temps du souvenir individuel et de l’imaginaire collectif autant que le temps de l’expérience et de sa représentation. L’occasion de s’interroger sur la façon dont, partant d’un travail sur la difficulté à hériter du passé, l’artiste développe une pensée plus vaste du temps, menée au moyen d’une pratique élargie du collage.

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MonoGrAPhIedAVId MALJkoVIC

David Maljković explore les effets du temps. Les temps de l’histoire, de la technique et de l’œuvre sont mis en situation. De ces rapports et écarts sont exposées l’érosion de la mémoire et la corruption de l’information, confrontant le visiteur à l’usure du sens autant qu’à la déstabilisation de ses sens. Pour son exposition au Palais de Tokyo intitulée « In Low Resolution » [En basse résolution], David Maljković conçoit un dispositif ambivalent. Deux socles sont agrandis pour devenir de véritables plates-formes. Ne don-nant à voir que partiellement les œuvres qui y sont intégrées, la plus grande des deux plates-formes est accessible aux visiteurs. Il s’agit de soustraire à l’exposition deux de ses propriétés habituelles qui sont l’information et une présentation claire 1. Les plates-formes obstruent autant qu’elles révèlent les espaces, évoquant simulta-nément l’excavation autant que l’enfouissement.

La réception critique de l’œuvre de David Maljković s’appuie habituellement sur ces références modernes notamment celles à l’architecture des années 1960. Au-delà de ces références, la ques-tion de l’histoire est essentielle à l’œuvre de l’artiste. Le film Scene for a New Heritage (2004-2006) qui prend pour décor une ruine moderne constitue une des prémices de son parcours artistique. Né en 1973 à Rijeka en Croatie, David Maljković a connu, enfant, la république fédérative socialiste de Yougoslavie avant son démem-brement. Parallèlement à la glasnost et à la réunification alle-mande, l’œuvre de David Maljković voit le jour en pleine période d’effritement du projet national de Tito, qui s’était construit sur la résistance au nazisme et l’édification d’une fédération socialiste garante d’une autonomie à l’égard de l’URSS.

September 8th, 2007 — Last night I dreamt that I was tired 2.

Lié à une perte de perspective politique et à une mémoire histo-rique devenue problématique, le projet de David Maljković ne sau-rait se résumer à une nostalgie moderne. Le film Scene for a New Heritage [Scène pour un nouvel héritage], dont le titre désigne la mise en scène d’un héritage, a pour décor un monument. Selon Luc Baboulet, le monument est justement fondé sur un principe de mémoire et de sa transmission. Dans une tradition qui remonte à l’édification des temples et aux légendes saintes, le monument « met en scène » la mémoire. « La (…) valeur “monumentaire”. “Ce qui doit être lu” signifie alors la manière d’interpréter le monu-ment : ce qu’il faut y voir, c’est-à-dire l’événement qu’il commémore, et qu’il n’évoque que par l’allusion, ou le symbole 3. » Le film narre le voyage de jeunes hommes qui se rendent sur le site de Petrova

Gora, gigantesque mémorial aux partisans victimes du nazisme, pour lui adresser d’étranges cantiques. La tentative d’entrer en rela-tion avec l’édifice se solde par un échec, celui d’une mémoire que le monument ne délivre plus. À propos du lieu de tournage, l’artiste déclare avoir été conduit par l’inconscient dans un voyage rétro-futuriste 4. S’il ne cède pas à la nostalgie et qu’une force mystérieuse l’a amené à l’endroit d’un édifice souffrant d’une récente amnésie collective, quelle relation au temps David Maljković engage-t-il ?

August 1st, 2007 — I collect pictures that have lost their owners, pictures that are not

anybody’s emotional support any more, and that are now on the market. It reminds me of the film, Blade Runner,

where replicants possess photographs from the past that is not their own 5…

DAVID MALJKOVIC

tEMPorary ProjEctioNS [2011] tAbLe pOur prOJeCteur et Cube / prOJeCtOr tAbLe AnD Cube Vue D’expOsItIOn / exhIbItIOn VIew, « sOurCes In the AIr »,

04.11 2013 – 06.01 2014, gAMeC (bergAMe / bergAMO) Courtesy de l’ar tiste / of the artist & Georg Kargl Fine Ar ts (Vienne / Vienna)

Photo : Antonio Maniscalco (Milan)

résolution spatiale & écart temporel

par Julien Fronsacq

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ShAhRyAR NAShATNé en 1975. Vit et travaille à Berlin. Diplômé de la Rijksakademie (Amsterdam) en 2002. Parmi ses expositions personnelles et collectives récentes : 8e biennale de Berlin (2014) ; « Der Brancusi-Effekt », Kunsthalle Vienne (2014) ; « Prosthetic Nord », Städtische Galerie (Nordhorn, 2013) ; « Exhibiting », Folkwang Museum (Essen, 2013) ; « When Attitudes Become Form Became Attitude », CCA Wattis / Detroit Museum of Art (2012) ; 54e biennale Internationale de Venise (2011). Il est lauréat du Swiss Art Awards (2001, 2002 et 2003), ainsi que du Prix Lafayette 2013.—— Exposition personnelle de Shahryar Nashat du 20/10/14 au 23/11/14 au Palais de Tokyo. Cette exposition est organisée dans le cadre du Prix Lafayette 2013, avec le soutien de Groupe Galeries Lafayette.

Born in 1975. Lives and works in Berlin. Graduated from the Rijksakademie (Amsterdam) in 2002. Solo and group exhibitions include: 8th Berlin Biennial (2014); “Der Brancusi-Effekt,” Kunsthalle Wien (2014); “Prosthetic Nord,” Städtische Galerie (Nordhorn, 2013); “Exhibiting,” Folkwang Museum (Essen, 2013); “When Attitudes Become Form Became Attitude,”CCA Wattis / Detroit Museum of Art (2012); 54th International Venice Biennial (2011). He is the recipient of the Swiss Art Awards (2001, 2002 and 2003), as well as the Prix Lafayette 2013.—— Solo exhibition by Shahryar Nashat from 20/10/14 to 23/11/14 at the Palais de Tokyo. This exhibition is organized within the context of Prix Lafayette 2013, with the support of Groupe Galeries Lafayette.

Rendu d’images par Andrea FaragunaImage renderings by Andrea Faraguna

ProJet SPéCIAL / SPeCIAL ProJeCt

Shahryar NaShat

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51doSSIer / MAIn theMeInSIde

L’intérieur comme intériorité :

habiter en soi

par Daria

de Beauvais

J’interroge le visible. Je cherche dans le visible une dimension perdue. Car le visible n’est pas tant ce qu’on voit que ce qu’il

donne à voir, en le dissimulant 1.

Le motif de l’intériorité trouve chez de nombreux artistes un écho particulier dans la représentation de l’intérieur. Ce que le sujet vit en lui, au plus profond de sa conscience ou dans les replis de son être, prend la forme d’une extériorité, d’un lieu qui existe dans le monde (un habitat, une maison, etc.) et dont la caractéristique principale est de disposer d’un intérieur. En se cherchant en lui-même, l’homme cherche aussi bien à habiter le monde, à habiter dans le monde. De l’intériorité à l’intérieur, il est question d’un lieu de vie, d’un espace à domestiquer, mais aussi parfois d’une chambre de mémoire ou d’un espace de projection mentale : on y retrouve des peurs anciennes, des fantasmes nouveaux et tout un appareillage qui transforme l’intérieur en un lieu de produc-tion des images, voire de théâtralisation de la vie. L’intérieur s’ouvre au regard du public et du visiteur. D’intime, il devient partagé : on entre à l’intérieur de la conscience de l’artiste, il nous ouvre son intériorité. L’exposition « Inside » nous fait pénétrer

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1« Conclave Catoptricum », in Johannes Zahn, Oculus artificialis teledioptricus, sive Telescopium (sumptibus J. C. Lochneri, Nuremberg ; Bibliopolae : typis johannis Ernesti Adelbulneri, 1702), 2e édition / 2nd editionCourtesy ETH-Bau Library (Zurich)

2Toyo Ito, Œuf des Vents, porte vir tuelle à l’entrée de l’ensemble résidentiel de Okawabata Rivercity 21, Tsukuda, Chuo-ku, Tokyo, 1991 ; un volume elliptique laissant apparaître en version nocturne des images vidéos sur cinq écrans LCD installés en son sein. Toyo Ito, Egg of Winds, virtual gate at the entrance of Okawabata River City 21 condominium, Tsukuda, Chuo Ku, Tokyo, 1991; during the night video images appear on 5 LED screens located inside the elliptical volume. Photo: © Tomio Ohashi

3J. MAYER H. und Partner, Architekten, Metropol Parasol, Plaza de la Encarnacíon, Séville, 2004-2011. Construits en éléments de bois lamellé-collé enduit de polyuréthane, les parasols sortent du site archéologique pour devenir un édifice emblématique contemporain. Made from bonded timber with a polyurethane coating, the parasols grow out of the archaeological excavation site into a contemporary landmark.Photo : David Franck (Berlin) Courtesy J. MAYER H. und Partner, Architekten

4Diller & Scofidio, Blur Building, pavillon réalisé à l’occasion de l’exposition nationale suisse « Expo.02 » flottant dans un brouillard artificiel au-dessus du Lac de Neuchâtel, Yverdon- les-Bains, 2002. Pavillion built at the occasion of the Swiss National Exhibition “Expo.02” floating in an artificial fog over Lake Neuchâtel, Yverdon-les-Bains, 2002. Photo: © Beat Widmer

5Kengo Kuma, Tee Haus [Maison de thé], Museum für Angewandte Kunst, Francfort, 2007. Un nouveau matériau appelé Tenara est utilisé pour créer une double membrane gonflable. Les deux membranes sont reliées par une corde en polyester. La membrane se dilate et se contracte comme si elle respirait.A new material called Tenara is used to create a double inflatable membrane. The two membranes are connected by a polyester string. The membrane expands and contracts as though it breathes.

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An enfoLdedMeMBrAne

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6Open Source Architecture (Chandler Ahrens, Eran Neuman, Aaron Sprecher), White Out, développement du Hylomorphic Project, Indianapolis Art Center, 2014. White Out explore l’idée de différence et de singularité en intégrant des objets aux formes géométriques disparates sous une membrane homogène blanche. La perception de la différence se trouve transformée quand les multiples formes géométriques poussent et déforment la surface élastique tentant de repousser les différents éléments pour former un ensemble unique et cohérent.White out explores the idea of difference and singularity through the process of embedding disparate geometries and objects under a homogenous white skin. The perception of difference is transformed when multiple unique geometries push and deform the surface while the white elastic skin attempts to pull the parts back into a cohesive singular object.Photo : Chandler Ahrens Courtesy Open Source Architecture

7 & 8Open Source Architecture (C. Ahrens, E. Neuman, A. Sprecher), SlrSrf, rénovation d’une résidence privée (extérieur et escalier), Culver City, Californie, 2012-13. L’optimisation du toit avec l’implantation de panneaux photovoltaïques afin de rendre le bâtiment autonome énergiquement génère la forme de la nouvelle construction de 42 m2 et de la rénovation de la maison existante. Un nouvel escalier qui relie ces deux éléments inclut de nouveaux rayonnages pour la bibliothèque.Open Source Architecture (C. Ahrens, E. Neuman, A. Sprecher), SlrSrf, private residence, renovation (exterior view and staircases), Culver City, California, 2012-13. Optimization of the roof as a solar receiving surface for net zero photovoltaic electrical production generates the form of the 450 square foot (42 sqm) addition and renovation of an existing house. New stairs located between the addition and existing house integrate the library shelving displaced by the stairs. Photo : Benny Chan / fotoworksCourtesy Open Source Architecture

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LeS PLISde LA MeMBrAne

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96 doSSIer / MAIn theMeInSIde

Intro-duction à une histoire de l’inté-riorité

par Frédérique

Ildefonse

L’idée du moi et les problématisations de la subjectivité occupent abondamment les champs littéraire et philosophique depuis l’Antiquité tardive. Remontant en deçà, jusqu’aux Grecs des temps archaïques, on peut désarticuler des notions trop rapidement associées, telles que le moi et l’intériorité. Ainsi, de Platon aux formes contemporaines de polythéisme, une autre pensée de l’individu se dessine, non plus isolé en lui-même mais habité par ses autres.

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97IntroduCtIon à une hIStoIre de L’IntérIorIté

Dans La Fabrique de soi, Jean-Pierre Vernant soulignait combien « l’organi-sation mentale et psychique du Grec est telle qu’il ignore totalement l’introspec-tion, il est entièrement orienté vers l’ex-térieur 1 ». Il écrit dans un dialogue avec Pierre Kahn sur La Mort dans les yeux : « Pour dire les choses en deux mots et grossièrement, l’expérience de soi n’est pas orientée vers le dedans, mais vers le dehors. » En effet, « l’individu se cherche et se trouve dans autrui, dans ces miroirs que sont pour lui tous ceux qui constituent à ses yeux son alter ego : parents, enfants, amis. L’individu se situe aussi lui-même dans les opérations qui le réalisent, qui l’effectuent “en acte”, energeia, et qui ne sont jamais dans sa conscience. Il n’y a pas d’introspection. Le sujet est extraverti. Il se regarde au-dehors. Sa conscience de soi n’est pas réflexive, elle n’est pas repli sur soi, travail sur soi, élaboration d’un monde intérieur, intime, complexe et secret, le monde du Je. Elle est essentielle », c’est-à-dire qu’elle a trait à l’essence.

La Fabrique de soi s’achevait sur une phrase programmatique : « Il y a toute une histoire de l’intériorité et de l’unicité du moi qui est à faire 2. »

On peut choisir de raccourcir cette séquence et de s’attacher plutôt à une his-toire de l’intériorité, mieux, à une histoire des manières dont on a problématisé l’in-térieur mental.

En s’attachant à certaines références grecques (chez Homère, Platon, dans le stoïcisme impérial), on peut montrer combien les mentions d’un intérieur men-tal ne l’envisagent pas comme un intime. L’intérieur n’est pas non plus problématisé comme un « en soi-même ». L’injonction de Marc Aurèle que l’on traduit par : « Regarde en toi-même » permet une tra-duction plus littérale : « Regarde à l’inté-rieur 3. » D’autres échos peuvent alors se faire entendre, comme avec les passages où Marc Aurèle, qui enjoint à ne pas se disperser, à « ne pas observer ce que dit le voisin 4 », à ne pas « regarder dans la partie directrice d’autrui 5 », écrit aussi : « Entrer dans la partie directrice de chacun ; per-mettre aussi à autrui d’entrer dans notre partie directrice 6 ». Cette suggestion, ce programme d’une telle circulation des âmes – la partie directrice désigne pour les stoïciens la partie principale de l’âme – paraît remettre en cause la distinction entre soi-même et autrui qu’elle présup-pose pourtant.

Il est possible de problématiser l’inté-rieur mental sans le relier nécessairement à un moi ou à un soi : à l’intérieur ce n’est pas moi-même que je trouve. On peut aborder et chercher à explorer la manière dont, à partir de là, les concepts se trouvent noués ou dénoués – principalement les concepts d’unité, d’unicité et de personne – d’une manière différente de celle qu’on peut constater lorsque l’intériorité est considé-rée comme le fait, et la qualité même, qui permet au sujet d’accéder à lui-même sur un mode de vérité. Il importe aussi de cher-cher à établir quels sont les effets des diffé-rentes problématisations de l’intérieur sur l’individu lui-même comme sur sa carac-térisation.

Je n’entends pas par intériorité la simple expérience d’un intérieur mental, disons : d’un espace mental retranché, non visible, thématisé ou non comme privé, préservé, voire secret, mais la qualité d’un sujet convaincu que les phénomènes psy-chiques ou intérieurs qui lui arrivent et se produisent en lui lui appartiennent en propre ; la caractéristique d’un sujet qui s’approprie les phénomènes psychiques qui se produisent en lui, qui considère les phénomènes intérieurs comme siens ou encore s’identifie à ses états intérieurs.

Il y a d’autres possibilités conceptuelles ainsi que d’autres expériences d’un inté-rieur mental : il n’est pas nécessaire d’ad-hérer à ses états intérieurs, ou psychiques, de considérer qu’ils nous appartiennent, nous expriment ou nous révèlent ; il n’est pas nécessaire de nous identifier à eux. Une partie de la cure psychanalytique repose sur cette expérience, qu’el le cont r ibue à permettre. De même, il n’est pas nécessaire de parler en termes de « vie intérieure », qui apparaît comme l’expression sensible d’une complexité sin-gulière. Le second objectif poursuivi si l’on s’attache à une histoire des probléma-tisations de l’intérieur consiste à chercher à défaire une alliance qu’on croit souvent obligée entre intérieur et subjectivité, et à montrer que l’intériorité n’est qu’une des multiples manières de problématiser l’in-térieur mental.

Chez Platon, Aristote et dans le stoï-cisme ancien, ce n’est pas en insistant sur son caractère intérieur qu’on problé-

matise l’âme ou l’esprit – même si Platon, par exemple, définit la pensée comme le « dialogue intérieur et silencieux de l’âme avec elle-même 7 ». Cette tradition de pen-sée a choisi d’insister moins sur la liaison entre intérieur et raison, et, par exemple, sur la nécessité d’un retour en soi-même, que sur l’organisation politique des par-ties de l’âme et le caractère dominant ou directeur de la partie rationnelle. Le fait que la réflexion sur l’âme passe immédia-tement par la considération de ses parties engage une réflexion sur le composé dans des termes politiques : l’âme est une micro-pole 8. Quant à l’injonction à un retour en soi-même, qui apparaît chez Marc Aurèle par exemple, elle n’est d’ailleurs pas syno-nyme du retour à une intériorité constituée et identique à un moi.

Il faut aussi veiller à ne pas s’empres-ser de gloser l’intérieur, ou seulement l’esprit, par le fond, par l’idée d’une pro-fondeur dernière, d’un abri mental. De même, on doit distinguer entre profon-deur des viscères et profondeur de l’esprit. Chez Homère, la variété des termes en pré-sence est grande : le cœur qui est désigné par trois mots distincts ; le foie qui est le centre de l’attention divinatoire ; l’esprit ; le diaphragme ; l’énergie, la force ; la colère, le cœur, la vaillance ; l’âme ; l’esprit ; les viscères. La psychologie est liée à la phy-siologie. Ce qui est à l’intérieur, ce sont alors les entrailles. Si l’intérieur est alors obscur et caché, les sentiments, les états d’esprit ne sont pas seulement situés et cachés à l’intérieur des entrailles ; ils sont, comme l’a expliqué Vernant, l’état même

de ces entrailles : la profondeur est viscé-rale, elle n’est pas la profondeur mentale qui apparaît dans différentes expressions d’Augustin, ainsi dans le De magistro  : « le sanctuaire de l’âme » ; Dieu qui doit être cherché et prié « dans les profondeurs mêmes de l’âme raisonnable, dans ce qu’on appelle l’homme intérieur ».

L orsqu’on pa rle d’i ntér ior ité, on parle le plus souvent à la fois de quelque chose comme un centre commun fédéra-teur – centre ou origine, invisible, d’une

Il est possible de problématiser l’intérieur mental sans le relier nécessairement à un moi ou à un soi : à l’intérieur ce n’est pas moi-même que je trouve.

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En partenariat avec la K11 Art Foundation, le Palais de Tokyo présente une expo-sition conçue par Jo-ey Tang, commis-saire d’exposition au Palais de Tokyo, en concertation avec Wang Chunchen, com-missaire d’exposition délégué par la K11 Art Foundation.

Cette exposition inaugure une col-laboration de trois ans entre la K11 Art Foundation et le Palais de Tokyo consa-crée à la découverte et à la présenta-tion réciproque des scènes émergentes chinoises et françaises. Fondée par Adrian Cheng en 2010, la K11 Art Foundation est un organisme à but non-lucratif qui sou-tient le développement de l’art contempo-rain chinois, en proposant une plate-forme de création artistique visant à encourager les talents de l’ensemble des territoires chinois et à améliorer leur visibilité sur la scène internationale. Le K11 Art Village apporte son soutien aux jeunes artistes qui n’ont pas les moyens de financer leur vocation. Ces derniers sont invités à parti-ciper aux programmes de résidences artis-tiques et à faire de leurs idées singulières des œuvres de création. Ces jeunes talents ont également accès à un large éventail de ressources à l’échelle nationale et interna-tionale, à des possibilités d’exposition, à des échanges universitaires, ainsi qu’à une visibilité élargie auprès du grand public et des médias.

Jo-ey Tang, commissaire d’exposition au Palais de Tokyo, a effectué de nombreux voyages en Chine en 2014, grâce au soutien de la K11 Art Foundation. Il y a découvert une nouvelle génération d’artistes confron-tés à la surproduction, à la monumentalité et à l’évolution rapide de leur environne-ment. Intégrant ces bouleversements dans leurs systèmes de production, ces artistes, suivant leurs temporalités propres, font de leur quête interne une présence maté-rielle étrange et se saisissent de l’inef-fable : esprit, attitude, sensibilité ou mode de vie individuel. Avec le soutien de la K11 Art Foundation et de son commissaire d’ex-position invité, Wang Chunchen (Central Academy of Fine Art Museum, Pékin), « Inside China : l’intérieur du Géant » forme le premier chapitre de ce nouveau voyage, qui présente cinq artistes chinois en dia-logue avec trois artistes français, dont le photographe français du xixe siècle Nadar.

—— « Inside China : l’intérieur du Géant », exposition collective du 20/10/14 au 11/01/15 au Palais de Tokyo. Cette exposition est réalisée en coproduction avec K11 Art Foundation et avec le soutien de Chow Tai Fook.

In partnership with the K11 Art Foundation, Palais de Tokyo presents an exhibition conceived by Jo-ey Tang, curator of Palais de Tokyo, in consultation with Wang Chunchen, curator appointed by the K11 Art Foundation.

This exhibition inaugurates a three-year collaboration between the K11 Art Foundation and Palais de Tokyo, dedicated to the discovery of emerging art scenes in China and France, with a series of presenta-tions in both countries. Founded by Adrian Cheng in 2010, the K11 Art Foundation is a not-for-profit organisation that advances the development of Chinese contemporary art by providing the creative incubating platform to nurture artistic talents in Greater China and to facilitate their exposure on the inter-national stage. Across Greater China, K11 Art Foundation’s initiatives include the K11 Art Village which provides support for young artists who do not have the financial means to support their vocation. These young tal-ents will also gain access to a wide range of nationwide and international resources, exhibition opportunities and academic exchanges, as well as the greater public and media exposure.

In 2014, Jo-ey Tang, curator at the Palais de Tokyo, thanks to the support of the K11 Art Foundation, made numerous trips to Greater China. There, he witnessed a new wave of artists negotiating over-production, mon-umentality, and rapid development of their surroundings. Embedding these challenges into their own systems of production, these artists abide by their own temporalities, turn internal investigation into the strangeness of material fact. They capture something inef-fable: a spirit, an attitude, a sensitivity, and an individual mode of existence. With the support of the K11 Art Foundation and its appointed curator Wang Chunchen (Central Academy of Fine Arts Museum, Beijing), “Inside China : l’intérieur du Géant” is the first chapter of this new journey; presenting five Chinese artists in dialogue with three French artists, including the 19th-century French photographer Nadar.

—— “Inside China : l’intérieur du Géant,” group exhibition from 20/10/14 to 11/01/15 at the Palais de Tokyo. This exhibition is coproduced with K11 Art Foundation and with the support of Chow Tai Fook.

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iNtÉriEUr DU GÉaNt [1863]COntretype géLAtInO-ArgentIque (CA. 1900), D’Après un négAtIf sur Verre Au COLLODIOn (1863) / sILVer geLAtIne DupLICAte (CA. 1900), frOM COLLODIOn gLAss pLAte negAtIVe (1863) 10,9 × 8,2 CM Bibliothèque nationale de France – Département des estampes et de la photographie (Paris)

avec les contributions de 

With contributions by yu Ji (p. 152-153)

renaud Jerez (p. 156-157)

edwin lo (p. 158-159)

aude pariset (p. 160-161)

li gang (p. 162-163)

Zhao yao (p. 166-167)

wu hao (p. 168-169)

&wang chunchen (p. 164-165)

Jo-ey tang (p. 154-155)

(commissaires de l’expositioncurators of the exhibition)

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MARIE-ThÉRèSE ChAMPESME |

Dans tes films, tes installa-tions et tes photographies, tu abordes des questions actuelles comme l’émigration (Horizon, Cruzar un muro) ou le com-merce maritime dans une éco-nomie mondialisée (Océan). Tu fais souvent, aussi, référence à l’histoire de ton pays, le Chili, et notamment à la dictature de Pinochet. Tu reviens sur ce sujet dans le triptyque vidéo présenté au Palais de Tokyo, Los durmientes. Peux-tu nous expliquer ce titre, que tu as sou-haité laisser en espagnol ?ENRIQUE RAMíREz |

« Los durmientes » désigne à la fois des gens qui dorment et des traverses de chemin de fer. Le titre fait référence à un fait par-ticulièrement abominable de la dictature chilienne : on jetait des hommes et des femmes à la mer et, pour être sûr que les corps ne

Les films et installations d’Enrique Ramírez témoignent de l’histoire de son pays, le Chili, et des échanges et migrations dans un monde globalisé. Discussion autour de son dernier projet, Los durmientes, évocation poétique et politique d’un épisode particulièrement sinistre de la dictature chilienne.

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