llb reforme de l'etat

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© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit. Réforme de l’Etat 18 pages BRUNO FAHY/BELGA

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LLB reforme de l'Etat

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Page 1: LLB reforme de l'Etat

© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Réformede l’Etat

18 pages

BRUN

OFA

HY/BELGA

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Belgique

2 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 3jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

“Un accordmémorable,gigantesque…”

M ardi, 11h30. Salons de la Chambre. Là, préci­sément où pendant des jours et des nuits, ilsont sué sang et eau. Le voilà. Costume som­

bre. Chemise blanche immaculée, col cassé. Nœudpapillon des grandes occasions. Cheveux coupés. Ils’avance les traits légèrement crispés. Il doit éprouverun grand sentiment de satisfaction. De joie. De grati­tude. Mais tout cela est contenu. Ou plutôt, maîtrisé.Il fait mine d’être surpris par la forêt de caméras, dephotographes et de stylos qui l’attendent. On se croi­rait à Cannes. Le voilà mitraillé de flashes. L’instantest solennel. La foule des journalistes est compacte.On se marche sur les pieds. Il y a les têtes connues.D’autres non: des journalistes japonais, par exemple,qui regardent Di Rupo passer comme si c’était l’Em­pereur du Japon. Et sa suite. Dans sa foulée, on aper­çoit, rayonnants, Charles Michel, Laurette Onkelinx,Joëlle Milquet, Wouter Beke (fatigué mais souriant, lapetite Nette ne fait pas encore ses nuits…), AlexanderDe Croo, Jean­Michel Javaux, Caroline Gennez etWouter Van Besien, le seul qui garde une chemiseouverte. Même Jean­Michel a noué une cravate.

Pour les besoins de la scène, un immense écran a étédressé. Les négociateurs reprennent les mêmes pla­ces que celles qu’ils occupent à table: Di Rupo est en­touré par Charles Michel et Wouter Beke. Di Rupo seracle la gorge et se lance. “Au nom de tous les négocia­

teurs, je tiens à remercier chaleureusement les très nom­breuses personnes qui nous ont aidés durant ces longuesnégociations.” Et de citer, les experts, les interprètes,les traducteurs et les membres du personnel de laChambre qui les ont accueillis avec professionna­lisme, patience et discrétion. “Un énorme merci à eux,qui ont travaillé jour et nuit afin d’aider le pays à sortirde la crise!”

Di Rupo relève la tête et annonce: “Enfin nous avonsun accord.” Les représentants des autres partis parta­gent ce moment d’émotion: Laurette Onkelinx pen­che la tête, Caroline Gennez se dandine, Joëlle Mil­quet sourit. Puis le formateur détaille ce “mémorable”accord, soulignant au passage “le courage et le sens desresponsabilités des négociateurs et négociatrices”.

L’homme au nœud pap continue son discours ennéerlandais. “Acceptable”, souffle un collègue flamandqui fait quand même la grimace quand le formateurestropie un mot ou l’autre. On sent que le texte a étémaintes fois répété. Il conclut: “Les accords politiquesne suffisent pas. Nous devons tous travailler au biencommun: associations, entreprises; patrons, syndicats,créateurs,… Et enfants”, improvisera­t­il en regardantWouter Beke, le jeune papa.

Clap clap. Les négociateurs s’applaudissent. Tout lemonde est content. On se congratule. On s’embrasse.On remercie, en particulier deux huissières de laChambre, particulièrement émues. Elles ont veilléjour et nuit. Au petit soin. Elles doivent en avoir deschoses à raconter.V.d.W.

P Di Rupo et les huit sont aux anges.L’accord institutionnel est historique.

P La négociation économique seradure. Qui restera dans le jeu ?

Embarquer Ecolo sans les verts flamands ?

P C’est une éventualité… fermementrejetée chez les Verts. Alors ?

On se détend. On respire… et on se lance dans laprochaine négociation: le budget, puis les dos­siers socio­économiques. Mais au fait, com­

bien seront­ils ? 6,7, 8 ? Le formateur va sonder cha­cun des 8 présidents de partis qui l’accompagne dansson aventure politique depuis le 21 juillet dernier.Rappel, ont participé aux négociations institution­nelles : Laurette Onkelinx pour le PS, Charles Michelpour le MR Joëlle Milquet pour le CDH, Jean­MichelJavaux pour Ecolo, Wouter Beke pour le CD&V,Alexander De Croo pour l’Open VLD, Caroline Ge­nez pour le SP.A, et Wouter Van Besien pour Groen !.

Tous ces partis­là étaient nécessaires pour voter laréforme de l’Etat : il faut une majorité des deux tiersau parlement et une majorité dans chaque groupelinguistique. Mais pour le fonctionnement normald’un gouvernement et le vote des projets de loi, unemajorité simple suffit. C’est l’argument principal dé­veloppé par les libéraux flamands d’Alexander DeCroo. Pour eux, un gouvernement à 8 est ingérable. Ilfaut passer à 6. Les libéraux flamands ne désignentaucun “intrus” en particulier. Mais on sent bien quece sont les écologistes flamands qui sont visés.L’Open VLD veut donc forcer Elio Di Rupo à choisir :les verts ou les libéraux flamands… Dans le mêmetemps, Alexander De Croo massacre la note écono­mique du formateur : l’appliquer, dit­il, ce seraitanéantir l’économie.

Il y a deux manières d’analyser les proposd’Alexander De Croo. Soit le libéral est certain

qu’Elio Di Rupo imposera les Verts et cette menace(eux ou nous), c’est son chant du cygne. On connaîtle passé d’Alexander De Croo : “wat you see is watyou get”. Autrement dit, s’il dit qu’il ne siégera pasavec les verts, il ne le fera pas. Mais une autre lectureest possible. Car si les libéraux flamands décidaientde quitter, la situation deviendrait intenable pour leCD&V. Resterait­il sans la N­VA et l’Open VLD, dansun gouvernement avec les socialistes et les écologis­tes… ? Donc le VLD fait monter les enchères. Commeles libéraux flamands n’ont jusqu’à présent, rien en­grangé – la réforme de l’Etat, ce n’est pas ce qui faitbondir de joie leurs électeurs – ils doivent absolu­ment se profiler sur l’économique. De Croo ne s’enprive pas.

Il faut reconnaître aussi que s’il y a 8 partis dans laprochaine majorité, la répartition des portefeuillessera plus ardue. Et à 8, le VLD risque bien de n’avoirqu’un seul ministre dans la prochaine équipe fédé­rale.

Les francophones n’ont pas du tout le même avis. Ily a un homme relativement indifférent à tout ceci :Charles Michel, le président du MR, n’accorde quepeu d’importance à la coalition finale. Ce qu’il veut,c’est que le programme économique soit favorableaux classes moyennes. Seul le résultat compte. LeCDH ? Le nouveau président des humanistes, BenoîtLutgen veut que les écologistes restent à bord. Tout leparti est­il du même avis ? Puis il y a le PS. Le forma­teur fera tout pour maintenir les Ecolos dansl’équipe des négociateurs. Pour conférer à la pro­chaine équipe une solide majorité parlementaire.Mais aussi, surtout peut­être, parce que le PS n’aaucune envie de voir, cet hiver, les syndicats et lesécologistes défiler dans les rues pour critiquer lesmesures d’austérité – pardon de rigueur – que le

gouvernement sera sans doute amené à prendre.Enfin, les principaux concernés, les verts… Ils affir­

ment haut et fort qu’ils veulent en être. Ne sont­ilspas déjà dans les gouvernements des entités fédé­rées ? N’ont pas été loyaux et constructifs ? Oui, deuxfois oui. Mais on se demande si, derrière ce discoursofficiel, la tentation de l’opposition n’est pas aussiprésente dans les esprits des écologistes. Reste unepossibilité : que les verts se divisent. Ecolo in, Groen !out. Ecolo a toujours rejeté ce scénario : samen huisof samen uit…

Sachez encore que les équipes vont être renforcées.La négociation économique se fera par délégations.Au CDH, c’est Benoît qui sera le chef de délégation. Ilsera accompagné de Joëlle Milquet. Au MR, on an­nonce, aux côtés de Charles Michel, la présence deDidier Reynders, de Sabine Laruelle ou Olivier Chas­tel, selon les thèmes. Chez les Ecolos, s’ils poursui­vent l’aventure, c’est Olivier Deleuze (futur vice­Premier ?) et Marcel Cheron qui négocieront.

Jeudi on devrait connaître les couleurs du gouver­nement. Et les négociations finales pourront alorscommencer. Quand donc la Belgique aura­t­elle ungouvernement de plein exercice ? Si tout va bien, pa­rions que la nouvelle équipe “papillon” sera là dansun mois.V.d.W. etM. Co.

BERT

VANDE

NBR

OUCK

E/PH

OTONE

WS

Une présentation très “cannoise” pour le formateur et les 8 négociateurs. Un décor prestigieux, les salons de la Chambre, là où, précisément, ils ont sué sang et eau, depuis le mois de juillet,à la recherche d’un hypothétique accord institutionnel.

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3jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Embarquer Ecolo sans les verts flamands ?

P C’est une éventualité… fermementrejetée chez les Verts. Alors ?

On se détend. On respire… et on se lance dans laprochaine négociation: le budget, puis les dos­siers socio­économiques. Mais au fait, com­

bien seront­ils ? 6,7, 8 ? Le formateur va sonder cha­cun des 8 présidents de partis qui l’accompagne dansson aventure politique depuis le 21 juillet dernier.Rappel, ont participé aux négociations institution­nelles : Laurette Onkelinx pour le PS, Charles Michelpour le MR Joëlle Milquet pour le CDH, Jean­MichelJavaux pour Ecolo, Wouter Beke pour le CD&V,Alexander De Croo pour l’Open VLD, Caroline Ge­nez pour le SP.A, et Wouter Van Besien pour Groen !.

Tous ces partis­là étaient nécessaires pour voter laréforme de l’Etat : il faut une majorité des deux tiersau parlement et une majorité dans chaque groupelinguistique. Mais pour le fonctionnement normald’un gouvernement et le vote des projets de loi, unemajorité simple suffit. C’est l’argument principal dé­veloppé par les libéraux flamands d’Alexander DeCroo. Pour eux, un gouvernement à 8 est ingérable. Ilfaut passer à 6. Les libéraux flamands ne désignentaucun “intrus” en particulier. Mais on sent bien quece sont les écologistes flamands qui sont visés.L’Open VLD veut donc forcer Elio Di Rupo à choisir :les verts ou les libéraux flamands… Dans le mêmetemps, Alexander De Croo massacre la note écono­mique du formateur : l’appliquer, dit­il, ce seraitanéantir l’économie.

Il y a deux manières d’analyser les proposd’Alexander De Croo. Soit le libéral est certain

qu’Elio Di Rupo imposera les Verts et cette menace(eux ou nous), c’est son chant du cygne. On connaîtle passé d’Alexander De Croo : “wat you see is watyou get”. Autrement dit, s’il dit qu’il ne siégera pasavec les verts, il ne le fera pas. Mais une autre lectureest possible. Car si les libéraux flamands décidaientde quitter, la situation deviendrait intenable pour leCD&V. Resterait­il sans la N­VA et l’Open VLD, dansun gouvernement avec les socialistes et les écologis­tes… ? Donc le VLD fait monter les enchères. Commeles libéraux flamands n’ont jusqu’à présent, rien en­grangé – la réforme de l’Etat, ce n’est pas ce qui faitbondir de joie leurs électeurs – ils doivent absolu­ment se profiler sur l’économique. De Croo ne s’enprive pas.

Il faut reconnaître aussi que s’il y a 8 partis dans laprochaine majorité, la répartition des portefeuillessera plus ardue. Et à 8, le VLD risque bien de n’avoirqu’un seul ministre dans la prochaine équipe fédé­rale.

Les francophones n’ont pas du tout le même avis. Ily a un homme relativement indifférent à tout ceci :Charles Michel, le président du MR, n’accorde quepeu d’importance à la coalition finale. Ce qu’il veut,c’est que le programme économique soit favorableaux classes moyennes. Seul le résultat compte. LeCDH ? Le nouveau président des humanistes, BenoîtLutgen veut que les écologistes restent à bord. Tout leparti est­il du même avis ? Puis il y a le PS. Le forma­teur fera tout pour maintenir les Ecolos dansl’équipe des négociateurs. Pour conférer à la pro­chaine équipe une solide majorité parlementaire.Mais aussi, surtout peut­être, parce que le PS n’aaucune envie de voir, cet hiver, les syndicats et lesécologistes défiler dans les rues pour critiquer lesmesures d’austérité – pardon de rigueur – que le

gouvernement sera sans doute amené à prendre.Enfin, les principaux concernés, les verts… Ils affir­

ment haut et fort qu’ils veulent en être. Ne sont­ilspas déjà dans les gouvernements des entités fédé­rées ? N’ont pas été loyaux et constructifs ? Oui, deuxfois oui. Mais on se demande si, derrière ce discoursofficiel, la tentation de l’opposition n’est pas aussiprésente dans les esprits des écologistes. Reste unepossibilité : que les verts se divisent. Ecolo in, Groen !out. Ecolo a toujours rejeté ce scénario : samen huisof samen uit…

Sachez encore que les équipes vont être renforcées.La négociation économique se fera par délégations.Au CDH, c’est Benoît qui sera le chef de délégation. Ilsera accompagné de Joëlle Milquet. Au MR, on an­nonce, aux côtés de Charles Michel, la présence deDidier Reynders, de Sabine Laruelle ou Olivier Chas­tel, selon les thèmes. Chez les Ecolos, s’ils poursui­vent l’aventure, c’est Olivier Deleuze (futur vice­Premier ?) et Marcel Cheron qui négocieront.

Jeudi on devrait connaître les couleurs du gouver­nement. Et les négociations finales pourront alorscommencer. Quand donc la Belgique aura­t­elle ungouvernement de plein exercice ? Si tout va bien, pa­rions que la nouvelle équipe “papillon” sera là dansun mois.V.d.W. etM. Co.

BERT

VANDE

NBR

OUCK

E/PH

OTONE

WS

Une présentation très “cannoise” pour le formateur et les 8 négociateurs. Un décor prestigieux, les salons de la Chambre, là où, précisément, ils ont sué sang et eau, depuis le mois de juillet,à la recherche d’un hypothétique accord institutionnel.

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Belgique

4 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 5jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

Scissionde BHV etcompensations

D éclic psychologique : l’arrondissement élec­toral de Bruxelles­Hal­Vilvorde est scindé,c’était une demande que la Flandre traînait

dans sa besace depuis une quarantaine d’années.Cette scission fut le premier des préaccords que leformateur Di Rupo a engrangé à la mi­septembre, ila permis de mettre le pied dans la porte et à partirde là les préaccords suivants ont pu être négociés.

Quelles sont les compensations que les franco­phones ont obtenues en échange de cette scissionde l’arrondissement électoral de Bruxelles­Hal­Vilvorde ?

– Les électeurs des six communes à facilités de lapériphérie bruxelloise (Crainhem, Wezembeek,Linkebeek, Rhode­Saint­Genèse, Drogenbos,Wemmel) conservent le droit de voter, sur place,pour des candidats bruxellois ou pour des listes lo­cales. Les électeurs des autres communes de Hal­Vilvorde pourront voter pour des candidats franco­phones qui se présenteraient en Flandre;

– La nomination des bourgmestres dans les sixcommunes à facilités reste du ressort de la tutelledu gouvernement flamand. Mais si celle­ci s’op­pose à la nomination, le cas est renvoyé – sans de­mande de recours – automatiquement devant l’as­semblée générale du Conseil d’Etat (celle­ci est pa­ritaire entre francophones et Flamands). Si le

bourgmestre remporte son “recours”, il est auto­matiquement nommé, si le Conseil d’Etat le recale,en revanche, il est définitivement refusé au maïo­rat;

– Les droits administratifs dans les six communespeuvent également être traités par l’AG du Conseild’Etat – une assemblée bilingue avec présidencetournante F et N;

– La nouvelle composition du Sénat devra com­porter 10 sénateurs cooptés. Pour la désignation deces sénateurs cooptés francophones, on tiendracompte des voix émises en Wallonie, à Bruxelles età Hal­Vilvorde. Pour les sénateurs cooptés fla­mands entreront en ligne de compte les voix émi­ses en Flandre et à Bruxelles;

– Refinancement de Bruxelles : 461 millionsd’euros en 2014 de manière structurelle. L’enve­loppe est indexée en lien avec la croissance écono­mique;

– Une Communauté urbaine est créée et englobeles deux Brabants avec Bruxelles;

– Octroi de l’autonomie constitutive à Bruxelles;– Série de réformes internes “light” à Bruxelles

(propreté, plan de sécurité,…);– Simplification des procédures pour le vote des

Belges de l’étranger.M.Bu.

P Les francophones des six communesà facilités voteront à Bruxelles.

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Christian Laporte

M yriam Delacroix­Rolin est doublement con­cernée par la scission politique de Bruxelles­Hal­Vilvorde:

elle est députée fédéraledu CDH, élue de BHV etbourgmestre de Rhode­Saint­Genèse.

La scission politique deBHV aura pas mal d’effetssur votre action. C’est unebonne réforme?

L’accord comprendpas mal de points po­sitifs même si nousdéplorons que lagrande périphérie,hors six communessoit exclue. Il est pos­sible que nous puis­sions encore avoir unélu de la périphérieau Sénat mais il fau­dra se battre pourl’obtenir. En outre,nous redoutons unpeu la dispersion desvoix entre les choixpour Bruxelles oupour le Brabant fla­mand.

Les circulaires Peetersn’ont finalement pas étésupprimées.

C’est un gros pro­blème pour nousmais en même tempson nous dit qu’enéchange, nous pour­rons faire davantagede recours devant leConseil d’Etat en as­semblée générale.

La réforme pourrait êtrevotée avant la convocationpour les communales del’an prochain…

Ce n’est pas sûr…Mais en ce qui nousconcerne, nous agi­rons toujours de lamême manière : toutle monde recevra saconvocation électorale en néerlandais et les fran­cophones la recevront aussi en français.

L’accord prévoit aussi la création d’une communauté mé-tropolitaine. C’est quand même positif cela pour jeter desponts avec Bruxelles mais aussi avec la Wallonie…

Oui, si l’on tient compte de l’avis des communes

et des autres régions… Actuellement, la Régionflamande a un projet pour l’aménagement de lachaussée de Waterloo et n’en fait qu’à sa tête. Ceserait bien de pouvoir disposer aussi en toute lo­

gique de l’avis des Régionsbruxelloise et wallonnequi prolongent cette ar­tère de part et d’autre…

Mais il y a quand même unedimension positive dans l’ac-cord selon vous?Oui, incontestablement, levolet judiciaire : les justi­ciables francophones bé­néficieront de plus dedroits qu’auparavant.

Peut-on dire que l’accord surBHV entraînera la paix com-munautaire dans la périphé-rie?On peut en tout cas l’espé­rer et nous appelons sin­cèrement de nos vœuxque ça entraîne aussi unedécrispation dans les rela­tions entre nos entités et laRégion flamande. Cettedernière n’a du reste plustellement de raisons d’en­nuyer les communes à fa­cilités. Nous émettons entout cas l’espoir que nouspourrons désormais tra­vailler sur pied d’égalitéavec la Région flamandecomme les autres commu­nes de la périphérie. Onpeut rêver mais nousaimerions être traités de lamême manière qu’elles.Mais bon il y aura toujoursles effets de la loi dite depacification d’après la ré­vision de 1988.

Mais encore…Nous restons en fait sou­mis à une série de règlesqui permettent encore à latutelle flamande de suivrede près nos faits et gestes.Dans les six communes àfacilités, les échevins sonttoujours élus à la propor­tionnelle ce qui n’est pas le

cas ailleurs et nous devons toujours présenter deslistes séparées pour le CPAS. Enfin, toute décisionimportante doit toujours être prise en consensusce qui donne un droit de veto de fait à notre seuleéchevine flamande. Nous pourrons peut­être yéchapper si nous ne présentons qu’une seule listefrancophone…

P Myriam Delacroix­Rolin, députée­bourgmestre de Rhode attendla concrétisation de l’accord politique sur BHV. En mettant aussicertains espoirs dans la communauté métropolitaine…

Et si la Flandrese décrispait ?

JEAN

-CHR

ISTO

PHEGU

ILLAUM

E

Cet été, on avait provisoirement isolé Vilvorde de Bruxelles mais ce ne fut pas une vraie frontière…

“Ce serait bien de disposer aussien toute logique de l’avis desRégions bruxelloise et wallonnequi prolongent la chaussée deWaterloo de part et d’autre.”

MYRIAM DELACROIX-ROLIN

BHV administratif

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© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

5jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Christian Laporte

M yriam Delacroix­Rolin est doublement con­cernée par la scission politique de Bruxelles­Hal­Vilvorde:

elle est députée fédéraledu CDH, élue de BHV etbourgmestre de Rhode­Saint­Genèse.

La scission politique deBHV aura pas mal d’effetssur votre action. C’est unebonne réforme?

L’accord comprendpas mal de points po­sitifs même si nousdéplorons que lagrande périphérie,hors six communessoit exclue. Il est pos­sible que nous puis­sions encore avoir unélu de la périphérieau Sénat mais il fau­dra se battre pourl’obtenir. En outre,nous redoutons unpeu la dispersion desvoix entre les choixpour Bruxelles oupour le Brabant fla­mand.

Les circulaires Peetersn’ont finalement pas étésupprimées.

C’est un gros pro­blème pour nousmais en même tempson nous dit qu’enéchange, nous pour­rons faire davantagede recours devant leConseil d’Etat en as­semblée générale.

La réforme pourrait êtrevotée avant la convocationpour les communales del’an prochain…

Ce n’est pas sûr…Mais en ce qui nousconcerne, nous agi­rons toujours de lamême manière : toutle monde recevra saconvocation électorale en néerlandais et les fran­cophones la recevront aussi en français.

L’accord prévoit aussi la création d’une communauté mé-tropolitaine. C’est quand même positif cela pour jeter desponts avec Bruxelles mais aussi avec la Wallonie…

Oui, si l’on tient compte de l’avis des communes

et des autres régions… Actuellement, la Régionflamande a un projet pour l’aménagement de lachaussée de Waterloo et n’en fait qu’à sa tête. Ceserait bien de pouvoir disposer aussi en toute lo­

gique de l’avis des Régionsbruxelloise et wallonnequi prolongent cette ar­tère de part et d’autre…

Mais il y a quand même unedimension positive dans l’ac-cord selon vous?Oui, incontestablement, levolet judiciaire : les justi­ciables francophones bé­néficieront de plus dedroits qu’auparavant.

Peut-on dire que l’accord surBHV entraînera la paix com-munautaire dans la périphé-rie?On peut en tout cas l’espé­rer et nous appelons sin­cèrement de nos vœuxque ça entraîne aussi unedécrispation dans les rela­tions entre nos entités et laRégion flamande. Cettedernière n’a du reste plustellement de raisons d’en­nuyer les communes à fa­cilités. Nous émettons entout cas l’espoir que nouspourrons désormais tra­vailler sur pied d’égalitéavec la Région flamandecomme les autres commu­nes de la périphérie. Onpeut rêver mais nousaimerions être traités de lamême manière qu’elles.Mais bon il y aura toujoursles effets de la loi dite depacification d’après la ré­vision de 1988.

Mais encore…Nous restons en fait sou­mis à une série de règlesqui permettent encore à latutelle flamande de suivrede près nos faits et gestes.Dans les six communes àfacilités, les échevins sonttoujours élus à la propor­tionnelle ce qui n’est pas le

cas ailleurs et nous devons toujours présenter deslistes séparées pour le CPAS. Enfin, toute décisionimportante doit toujours être prise en consensusce qui donne un droit de veto de fait à notre seuleéchevine flamande. Nous pourrons peut­être yéchapper si nous ne présentons qu’une seule listefrancophone…

P Myriam Delacroix­Rolin, députée­bourgmestre de Rhode attendla concrétisation de l’accord politique sur BHV. En mettant aussicertains espoirs dans la communauté métropolitaine…

Et si la Flandrese décrispait ?

JEAN

-CHR

ISTO

PHEGU

ILLAUM

E

Cet été, on avait provisoirement isolé Vilvorde de Bruxelles mais ce ne fut pas une vraie frontière…

“Ce serait bien de disposer aussien toute logique de l’avis desRégions bruxelloise et wallonnequi prolongent la chaussée deWaterloo de part et d’autre.”

MYRIAM DELACROIX-ROLIN

BHV administratif

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© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Belgique

6 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 7jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

Dédoublementdes tribunaux

C e fut l’une des plus belles foires d’empoignede ces négociations : la scission de l’arrondis­sement judiciaire de Bruxelles­Hal­Vilvorde.

– Le parquet est scindé entre parquet bruxelloisbilingue et un parquet flamand pour Hal­Vilvorde,mais des magistrats francophones de Bruxelles se­ront détachés au sein du parquet flamand pourtraiter les problèmes pénaux dans les 35 commu­nes de Hal­Vilvorde;

– Pour ce parquet flamand, le procureur du Roisera bilingue. Lorsque des francophones serontsuspectés, ils seront donc traités par des magistratsfrancophones dans tout l’arrondissement de Hal­Vilvorde. Des magistrats francophones détachés auparquet tombent sous une double autorité : sousl’autorité du procureur flamand de Hal­Vilvordepour la politique criminelle (priorités,…) et sousl’autorité du procureur du Roi de Bruxelles (hiérar­chie, promotions,…);

– Concernant le cadre, c’est le quota 80/20 quisera d’application. Il y aura donc 80 % de magistratsfrancophones à Bruxelles et 20 % de magistratsnéerlandophones dans tous les tribunaux, saufpour le tribunal de commerce où la proportion serade 60­40 : il y a en effet plus d’affaires traitées enflamand dans cette matière. A Bruxelles, la règle dubilinguisme est assouplie. Avant, il fallait que 2/3des magistrats soient bilingues, dorénavant, ce sera1/3 de magistrats bilingues.

– Dans tout BHV, il y aura dédoublement des tri­bunaux sur tout le territoire : il y aura donc un tri­bunal de première instance F et un tribunal de pre­mière instance N; un tribunal de commerce F et untribunal du commerce N; un tribunal du travail F etun tribunal du travail N; etc. Ils seront compétents

sur tout le territoire, cela signifie donc qu’il n’yaura dans la pratique pas de scission sur le plan ci­vil…;

– Les parties pourront demander de commun ac­cord le changement de langue ou le renvoi;

– Lorsque les parties sont domiciliées dans unedes 54 communes, donc dans tout l’arrondisse­ment de BHV, elles pourront demander à compa­raître volontairement devant un tribunal soit néer­landophone, soit francophone;

– L’ancrage constitutionnel des droits des franco­phones est confirmé. Les éléments essentiels decette réforme seront donc inscrits dans une loi spé­ciale, votée à la majorité des deux tiers.M.Bu.

P Dans BHV, le parquet est scindé, maisles tribunaux seront dédoublés.

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Jean-Claude Matgen

D irk Van Gerven est le bâtonnier du “Nederlan­dse orde van advocaten bij de balie te Brussel”,le pendant néerlandophone de l’Ordre fran­

çais des avocats du bar­reau de la capitale.

Comment analysez-vousl’accord portant sur une re-fonte de l’arrondissementjudiciaire de Bruxelles?

Ce qui me paraît im­portant n’est pas tantl’accord lui­mêmeque la façon dont ilsera mis en œuvre.Nous aurons, de­main, six tribunauxau lieu de trois. Sansmoyens nouveaux,sans nominations demagistrats supplé­mentaires, l’arriéréjudiciaire ne pourraque croître. Bref, ilfaut saisir l’occasionde cet accord pour re­vitaliser l’institution.

Les exigences en matièrede connaissances linguisti-ques des magistrats ontété revues à la baisse. Unemesure de nature à remplirplus aisément le cadre?

Personnellement, jeregrette cette me­sure. Il y avait moyende trouver des solu­tions largement aussiefficaces mais quiauraient aidé à main­tenir un taux plusélevé de bilinguisme.Pourquoi n’avoir pasdécidé de rendre lesexigences légalesmoins formelles, enne demandant, parexemple, plus à unmagistrat de présen­ter des diplômes dé­crochés dans les deuxlangues? Il arrive ré­gulièrementaujourd’hui qu’unmagistrat, décou­vrant dans le dossier qu’il examine une pièce ré­digée dans l’autre langue, refuse de juger sur labase de cette pièce et en demande une traduction,démarche qui peut coûter cher et surtout prendredu temps, de quoi entraîner des retards dans laprocédure et alourdir l’arriéré. J’aurais préféréque l’on encourage davantage le bilinguisme au

lieu de décourager la connaissance de l’autre lan­gue.

La création de deux parquets distincts, une bonne chose?L’argument selon lequel la criminalité qui se dé­

veloppe dans les commu­nes de Hal­Vilvorde estdifférente de celle qui sé­vit dans une grande villecomme Bruxelles et ap­pelle une autre politiquedes poursuites est sansdoute pertinent. Pour trai­ter cette criminalité spéci­fique, on aurait pu créerune cellule BHV au sein duparquet de Bruxelles. On apréféré installer un par­quet en tant que tel. Soit.Pour que ce parquet fonc­tionne, il faudra cepen­dant lui allouer desmoyens matériels et hu­mains, sans quoi onoubliera très vite de traiterles vols de sacs à main oude voitures. En outre, il nefaut pas perdre de vue laquestion de l’exécution dela sanction. Poursuivre,sanctionner, d’accord.Mais s’il n’y a pas assez debracelets électroniques,pas assez de personnelpour encadrer l’exécutiondes mesures alternatives,tout cela ne servira pas àgrand­chose.

La vie des avocats de votreordre se trouvera-t-elle mo-difiée par cet accord?Il n’y a pas de raisons quecela soit le cas, surtout si,comme le demandent lesavocats de l’ordre néerlan­dais, qui constituent 40%des avocats bruxellois, lestribunaux néerlandopho­nes restent place Poelaert,à Bruxelles. Que l’onplaide devant un tribunalflamand ou devant unechambre néerlandophonedu tribunal de Bruxelles,c’est chou vert et vertchou. Plus fondamentale­ment, la loi sur l’emploi

des langues en matière judiciaire n’ayant pas étémodifiée, les mêmes principes resteront d’appli­cation. Il était important que le tribunal demeurele juge final en matière de changement de languede la procédure car les juges sont les plus aptes àsentir comment un changement de langue peutou non affecter la bonne suite d’un dossier.

P Me Van Gerven, bâtonnier des avocats bruxelloisnéerlandophones, espère que la réforme sera accompagnéede moyens matériels et humains. Et rêve d’un bilinguisme accru.

Entre espoirset inquiétudes

STÉPHA

NIELECO

CQ

Le bâtonnier du barreau néerlandophone de Bruxelles veut voir BHV judiciaire vivre sur le terrain.

“La réforme risquede décourager la connaissancede l’autre langue, au lieud’encourager un bilinguismeintéressant en termesd’efficacité.” ME DIRK VAN GERVEN

BHV judiciaire

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7jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Jean-Claude Matgen

D irk Van Gerven est le bâtonnier du “Nederlan­dse orde van advocaten bij de balie te Brussel”,le pendant néerlandophone de l’Ordre fran­

çais des avocats du bar­reau de la capitale.

Comment analysez-vousl’accord portant sur une re-fonte de l’arrondissementjudiciaire de Bruxelles?

Ce qui me paraît im­portant n’est pas tantl’accord lui­mêmeque la façon dont ilsera mis en œuvre.Nous aurons, de­main, six tribunauxau lieu de trois. Sansmoyens nouveaux,sans nominations demagistrats supplé­mentaires, l’arriéréjudiciaire ne pourraque croître. Bref, ilfaut saisir l’occasionde cet accord pour re­vitaliser l’institution.

Les exigences en matièrede connaissances linguisti-ques des magistrats ontété revues à la baisse. Unemesure de nature à remplirplus aisément le cadre?

Personnellement, jeregrette cette me­sure. Il y avait moyende trouver des solu­tions largement aussiefficaces mais quiauraient aidé à main­tenir un taux plusélevé de bilinguisme.Pourquoi n’avoir pasdécidé de rendre lesexigences légalesmoins formelles, enne demandant, parexemple, plus à unmagistrat de présen­ter des diplômes dé­crochés dans les deuxlangues? Il arrive ré­gulièrementaujourd’hui qu’unmagistrat, décou­vrant dans le dossier qu’il examine une pièce ré­digée dans l’autre langue, refuse de juger sur labase de cette pièce et en demande une traduction,démarche qui peut coûter cher et surtout prendredu temps, de quoi entraîner des retards dans laprocédure et alourdir l’arriéré. J’aurais préféréque l’on encourage davantage le bilinguisme au

lieu de décourager la connaissance de l’autre lan­gue.

La création de deux parquets distincts, une bonne chose?L’argument selon lequel la criminalité qui se dé­

veloppe dans les commu­nes de Hal­Vilvorde estdifférente de celle qui sé­vit dans une grande villecomme Bruxelles et ap­pelle une autre politiquedes poursuites est sansdoute pertinent. Pour trai­ter cette criminalité spéci­fique, on aurait pu créerune cellule BHV au sein duparquet de Bruxelles. On apréféré installer un par­quet en tant que tel. Soit.Pour que ce parquet fonc­tionne, il faudra cepen­dant lui allouer desmoyens matériels et hu­mains, sans quoi onoubliera très vite de traiterles vols de sacs à main oude voitures. En outre, il nefaut pas perdre de vue laquestion de l’exécution dela sanction. Poursuivre,sanctionner, d’accord.Mais s’il n’y a pas assez debracelets électroniques,pas assez de personnelpour encadrer l’exécutiondes mesures alternatives,tout cela ne servira pas àgrand­chose.

La vie des avocats de votreordre se trouvera-t-elle mo-difiée par cet accord?Il n’y a pas de raisons quecela soit le cas, surtout si,comme le demandent lesavocats de l’ordre néerlan­dais, qui constituent 40%des avocats bruxellois, lestribunaux néerlandopho­nes restent place Poelaert,à Bruxelles. Que l’onplaide devant un tribunalflamand ou devant unechambre néerlandophonedu tribunal de Bruxelles,c’est chou vert et vertchou. Plus fondamentale­ment, la loi sur l’emploi

des langues en matière judiciaire n’ayant pas étémodifiée, les mêmes principes resteront d’appli­cation. Il était important que le tribunal demeurele juge final en matière de changement de languede la procédure car les juges sont les plus aptes àsentir comment un changement de langue peutou non affecter la bonne suite d’un dossier.

P Me Van Gerven, bâtonnier des avocats bruxelloisnéerlandophones, espère que la réforme sera accompagnéede moyens matériels et humains. Et rêve d’un bilinguisme accru.

Entre espoirset inquiétudes

STÉPHA

NIELECO

CQ

Le bâtonnier du barreau néerlandophone de Bruxelles veut voir BHV judiciaire vivre sur le terrain.

“La réforme risquede décourager la connaissancede l’autre langue, au lieud’encourager un bilinguismeintéressant en termesd’efficacité.” ME DIRK VAN GERVEN

BHV judiciaire

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Belgique

8 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 9jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

10,7milliardsd’autonomiefiscale

Money time. La discussion autour de la révisionde la loi spéciale de financement a été bouclée.

– Un tiers de l’impôt des personnes physiqueretourne vers les Régions. Ce sont les Régions qui défi­niront sur base du centime additionnel (et non du splitrate) le taux d’impôt régional sur la tranche d’impôtfédéral. En clair, l’impôt reste du ressort du Fédéral.Les Régions n’ont pas la capacité de toucher à la basede l’impôt – ce qui est capital pour le rating de la dette.Si on permet aux Régions de toucher à cette base, celaaltère la capacité de l’Etat belge à rembourser sa dette.Dans la Constitution sera inscrit le fait que c’est l’Etatfédéral qui est maître de la base imposable et de laquotité exemptée d’impôt.

– Autonomie fiscale de 10,7 milliards au total à ré­partir entre les trois Régions (contre 22 milliards dansla note de Vande Lanotte)… Cette autonomie fiscale estencadrée puisque la règle de la progressivité de l’im­pôt doit être respectée. Les dérogations à la progressi­vité de l’impôt par les Régions seront néanmoins pos­sibles, même si limitées. Ceci afin d’éviter une concur­rence fiscale qui pourrait nuire à la Wallonie.Exemple : si la Flandre prenait des mesures fiscales fa­vorisant les hauts revenus, il y aurait un risque de dé­localisation de ces personnes vers la Flandre, ce quiaurait un impact négatif en Wallonie;

– La mécanique de la “Loi spéciale de financement”est rénovée : des critères de redistribution vers les enti­tés sont arrêtés. Les variables de la loi de financementen fonction des compétences transférées ne seront né­gociées qu’une fois l’exercice budgétaire et la négocia­tion socio­économique terminés. Il faut d’abord voirclair sur l’effort financier de toutes les entités dans lecadre de l’assainissement budgétaire… La loi de finan­cement est une manière d’ajuster les choses en fonc­tion des efforts de chacun;

– Responsabilisation pour les pensions des fonction­naires : la contribution pour les pensions devra êtrepayée également par les Communautés/Régions etceci sera inscrit dans la loi de financement;

– L’impôt des sociétés reste du ressort intégral del’Etat fédéral. Des discussions peuvent néanmoinsavoir lieu dans le cadre de la future négociation socio­éconoique à ce sujet, mais pas en vue de le régionaliser.On pourra donner la possibilité aux Régions de pren­dre quelques mesures fiscales ciblées pour les sociétés,mais celles­ci ne peuvent toucher à l’Isoc que de ma­nière très limitée (au maximum 5 %). En clair, onpourra transformer certains subsides régionaux en dé­duction fiscale – si cette négociation socio­économi­que aboutit.M.Bu.

P Une loi de financement rénovéeentrera en application.

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Paul Piret

P rofesseur à la Faculté d’économie à l’Universitéde Mons, Giuseppe Pagano y est chef du ser­vice Finances publiques et Fiscalité.

On dit que l’autonomie financière des entités fédérées estrenforcée, leur responsa-bilisation aussi, sans enappauvrir une, sans con-currence, sans compromet-tre la viabilité de l’Etat.Pas trop beau pour êtrevrai?

Il est vrai que certainsde ces objectifs sontantinomiques… Maisil semble qu’un équi­libre assez subtil aitété trouvé. Evidem­ment, sous réserveque les paramètresutilisés pour les si­mulations se véri­fient; ce sont ceux dela Banque nationale,on peut penserqu’elle a pris ses pré­cautions. Surtout,tout est lié à la vitesseà laquelle les recettespubliques vont aug­menter. C’est grâcepar exemple à lacroissance de ses re­cettes fiscales que laWallonie pourracompenser le dé­mantèlement pro­gressif du “socle” desolidarité. Si ellesn’augmentent pas aurythme escompté,elle devra faire face àdes pertes.

L’idée que toutes les enti-tés peuvent s’en sortird’une manière équivalenteserait-elle donc théori-que?

Disons qu’elle dé­pendra du taux decroissance de chaqueRégion dans la réalité(les Communautéssont dans un autreraisonnement). Onsuppose ainsi que lacroissance de la Flan­dre se trouvera ralentie par le phénomène duvieillissement, qui s’y marque plus qu’en Wallo­nie et beaucoup plus qu’à Bruxelles.

Comment réagissez-vous à un Thierry Bodson (FGTB),quand il déclare à “La Libre” que la Wallonie sera la seuleentité fédérée à écoper de la suppression à terme de la so-lidarité?

D’abord, précisons: la solidarité sera modifiée, passupprimée. Ce qui le sera, c’est le mécanisme dusocle: les 570 millions qu’aura la Wallonie pourcompenser les effets du nouveau système serontmaintenus durant dix ans et disparaîtront pro­gressivement de 10% par an les dix années sui­vantes. Cette disparition doit être compensée par

le fait que les recettes del’impôt des personnesphysiques augmentent.Sur un passé récent, l’éco­nomie wallonne a des tauxde croissance à peu prèségaux à la flamande; c’estun peu moins vrai pour labruxelloise. On n’a pas deraisons de penser quecette égalité sera remise encause. A priori, le scénarioest donc crédible : dansune trajectoire normale,où les choses ne se passentpas moins bien que d’ha­bitude, la Wallonie ne per­dra pas. Mais nul n’a deboule de cristal…

Répartir de manière linéaireentre Régions le différentielentre les transferts demoyens et de compétences,n’est-ce pas injuste pour cel-les qui ont une plus lourdecharge de politique de l’em-ploi?La Wallonie dispose d’en­viron 40 % des moyensdans le domaine, elle enaura 28%. La perte de 12%est compensée dans le so­cle. Après son démantèle­ment, j’y reviens, la ré­forme ne sera neutre que siles recettes fiscales aug­mentent assez vite. C’estun pari quand même. Il estmanifeste que les phéno­mènes d’égalisation entreles Régions sont lents. LesWallons auront de dix àvingt ans, en intégrant ledémantèlement progres­sif, pour accentuer le re­dressement qui existe déjàmais reste trop lent, etconstruire cette fois surleurs propres richesses lefinancement public deleurs besoins.

Attention, à tout cela s’ajoutent des perspectives belgo-belges d’assainissements budgétaires…

Oui, il est possible que l’on demande aux Régionsde participer à l’effort général. Si c’est le cas, cesera cette fois une perte nette. De quelle ampleur,ça…

P Spécialiste écouté en finances publiques, Giuseppe Paganoinsiste : tout va dépendre dans la réalité du taux de croissancede chaque Région, de celle de ses recettes fiscales en particulier.

Equilibre subtil,sous réserves

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Plus que jamais dans le viseur, les recettes fiscales escomptées dans les prochaines années.

“Les Wallons auront de dixà vingt ans pour accentuerle redressement qui existe déjàmais reste trop lent,et construire sur leurs propresrichesses le financement publicde leurs besoins.” GIUSEPPE PAGANO

La loi de financement

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9jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Paul Piret

P rofesseur à la Faculté d’économie à l’Universitéde Mons, Giuseppe Pagano y est chef du ser­vice Finances publiques et Fiscalité.

On dit que l’autonomie financière des entités fédérées estrenforcée, leur responsa-bilisation aussi, sans enappauvrir une, sans con-currence, sans compromet-tre la viabilité de l’Etat.Pas trop beau pour êtrevrai?

Il est vrai que certainsde ces objectifs sontantinomiques… Maisil semble qu’un équi­libre assez subtil aitété trouvé. Evidem­ment, sous réserveque les paramètresutilisés pour les si­mulations se véri­fient; ce sont ceux dela Banque nationale,on peut penserqu’elle a pris ses pré­cautions. Surtout,tout est lié à la vitesseà laquelle les recettespubliques vont aug­menter. C’est grâcepar exemple à lacroissance de ses re­cettes fiscales que laWallonie pourracompenser le dé­mantèlement pro­gressif du “socle” desolidarité. Si ellesn’augmentent pas aurythme escompté,elle devra faire face àdes pertes.

L’idée que toutes les enti-tés peuvent s’en sortird’une manière équivalenteserait-elle donc théori-que?

Disons qu’elle dé­pendra du taux decroissance de chaqueRégion dans la réalité(les Communautéssont dans un autreraisonnement). Onsuppose ainsi que lacroissance de la Flan­dre se trouvera ralentie par le phénomène duvieillissement, qui s’y marque plus qu’en Wallo­nie et beaucoup plus qu’à Bruxelles.

Comment réagissez-vous à un Thierry Bodson (FGTB),quand il déclare à “La Libre” que la Wallonie sera la seuleentité fédérée à écoper de la suppression à terme de la so-lidarité?

D’abord, précisons: la solidarité sera modifiée, passupprimée. Ce qui le sera, c’est le mécanisme dusocle: les 570 millions qu’aura la Wallonie pourcompenser les effets du nouveau système serontmaintenus durant dix ans et disparaîtront pro­gressivement de 10% par an les dix années sui­vantes. Cette disparition doit être compensée par

le fait que les recettes del’impôt des personnesphysiques augmentent.Sur un passé récent, l’éco­nomie wallonne a des tauxde croissance à peu prèségaux à la flamande; c’estun peu moins vrai pour labruxelloise. On n’a pas deraisons de penser quecette égalité sera remise encause. A priori, le scénarioest donc crédible : dansune trajectoire normale,où les choses ne se passentpas moins bien que d’ha­bitude, la Wallonie ne per­dra pas. Mais nul n’a deboule de cristal…

Répartir de manière linéaireentre Régions le différentielentre les transferts demoyens et de compétences,n’est-ce pas injuste pour cel-les qui ont une plus lourdecharge de politique de l’em-ploi?La Wallonie dispose d’en­viron 40 % des moyensdans le domaine, elle enaura 28%. La perte de 12%est compensée dans le so­cle. Après son démantèle­ment, j’y reviens, la ré­forme ne sera neutre que siles recettes fiscales aug­mentent assez vite. C’estun pari quand même. Il estmanifeste que les phéno­mènes d’égalisation entreles Régions sont lents. LesWallons auront de dix àvingt ans, en intégrant ledémantèlement progres­sif, pour accentuer le re­dressement qui existe déjàmais reste trop lent, etconstruire cette fois surleurs propres richesses lefinancement public deleurs besoins.

Attention, à tout cela s’ajoutent des perspectives belgo-belges d’assainissements budgétaires…

Oui, il est possible que l’on demande aux Régionsde participer à l’effort général. Si c’est le cas, cesera cette fois une perte nette. De quelle ampleur,ça…

P Spécialiste écouté en finances publiques, Giuseppe Paganoinsiste : tout va dépendre dans la réalité du taux de croissancede chaque Région, de celle de ses recettes fiscales en particulier.

Equilibre subtil,sous réserves

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Plus que jamais dans le viseur, les recettes fiscales escomptées dans les prochaines années.

“Les Wallons auront de dixà vingt ans pour accentuerle redressement qui existe déjàmais reste trop lent,et construire sur leurs propresrichesses le financement publicde leurs besoins.” GIUSEPPE PAGANO

La loi de financement

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10 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 11jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

Compétences :surtoutl’Emploi

L a réforme de l’Etat est marquée par un importanttransfert de compétences du Fédéral vers les enti­tés fédérées, celui­ci est chiffré aux alentours de

17 milliards d’euros.Une ligne forte se dégage de ces transferts : le cœur de

la sécurité sociale ne sera pas altéré (pensions, soins desanté,…) et il n’y aura donc pas de sécurité sociale à deuxvitesses en Belgique.

– En matière d’Emploi : toute la compétence à l’excep­tion du chômage passe aux Régions. C’est le dossier leplus significatif : le marché du travail (4,3 milliardsd’euros), les plans Emploi (1 milliard), l’Onem(541 millions) sont transférés au même titre que lesALE, la politique des stages et des interruptions de car­rière, les primes de remise au travail (2 milliards). Il nerestera donc plus que le chômage et les mesures liées auprécompte professionnel dans le giron du Fédéral enmatière d’Emploi;

– Soins de santé : le deuxième gros paquet des trans­ferts de compétences est évalué à 4,9 milliards d’euros.Les éléments de prévention et d’aide aux personnessont transférés (maisons de repos, infrastructures hos­pitalières, aide aux personnes handicapées,…);

– Le Fonds de sécurité routière;– La Politique scientifique;– Les allocations familiales sont transférées vers les

Communautés (la Cocom sera responsable à Bruxelles);

– La politique économique et industrielle;La politique des grandes villes;– Le Code de la route : les mêmes règles de circulation

resteront d’application dans tout le pays avec quelquesexceptions au niveau des régulations de vitesse sur lesvoiries régionales;

– Les matières régaliennes restent du ressort de l’Etatfédéral (Affaires étrangères, Coopération au développe­ment, Défense, Relation avec l’Europe), mais aussi lesmatières d’autorité (Justice, sécurité, protection civile,pompiers, police,…);

– En matière de Justice : les Régions pourront être as­sociées dans le cadre de leurs compétences à certainséléments. Exemple : en matière d’urbanisme ou d’envi­ronnement, les Régions peuvent édicter des règles etdes sanctions pénales. Les Régions pourront donnerleur avis sur les questions qui les concernent. Les Com­munautés vont également recevoir les “maisons de jus­tice”. En matière de droit administratif, des collègespourront être mis en place (pas des tribunaux). Les par­tis flamands réclamaient l’entièreté de la “Justice” soittransférée aux Régions, ce ne sera pas le cas.M.Bu.

P L’Emploi et une partie des Soins desanté passent aux mains des fédérés.

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Vincent Rocour

M ichel Jadot fut pendant onze ans le grandpatron du ministère de l’Emploi et du Tra­vail. Il a aussi

présidé le Conseil géné­ral de l’Inami et présideactuellement la Mutua­lité socialiste.

Vous êtes un grand défen-seur de la solidarité inter-personnelle. Les transfertsen matière d’emploi ne lamettent pas à mal?

Il y a, dans le texte del’accord, une observa­tion préliminaire trèsimportante. Voilà cequ’on lit : “Les règlesrelevant du droit dutravail et de la Sécuritésociale restent fédéra­les, de même que lesdispositifs de concerta­tion sociale ainsi que lapolitique salariale.” Ilest donc écrit noir surblanc que la concerta­tion sociale, la Sécu etle droit du travail res­tent fédéraux. C’estquand même pas mal.

Mais le contrôle de la dis-ponibilité des chômeurs de-vient régional…

Quel curieux retour­nement. En 1974, ondisait qu’il fallait dis­socier le placementdes chômeurs et lecontrôle de leur dis­ponibilité parce queles demandeursd’emploi avaient ten­dance à se méfier deleur “placeur” dès lemoment où ce der­nier pouvait aussi lessanctionner. Les deuxmissions ont alors étédissociées: le place­ment a été régionaliséet la sanction est res­tée fédérale. Mainte­nant, on refait l’in­verse –à la différence près que ce sont les Ré­gions qui assureront les deux fonctions.Comme quoi la vérité politique d’un jour n’estpas celle du lendemain. De plus, dans l’accord,il est stipulé qu’une Région qui le souhaite peutdemander au fédéral de continuer à assurer lecontrôle de ses chômeurs, contre rétribution.S’il fallait cela pour faire plaisir à nos amis néer­

landophones, pourquoi pas? Cela ne me dérange pas.

Les négociateurs ont aussi convenu de régionaliser les réduc-tions de cotisation ONSS pour les groupes-cibles… On ne va

pas créer du dumping?Il faudra voir les montantsqui seront attribués pources réductions. Mais moi,cela ne me dérange pas queles Régions puissent déter­miner quels publics ellessouhaitent favoriser. Cesgroupes­cibles, on les con­naît. Ce sont les jeunes etles quinquagénaires. Il y aaussi les baisses de chargepour les peu qualifiés. Maisça, c’est une réductionstructurelle. Et les réduc­tions structurelles restentune compétence fédérale.

Les titres-services aussi vontêtre régionalisés. Quel inté-rêt?Je suppose que les Régionspourront déterminer lesservices qui pourront êtreeffectués dans le cadre destitres­services. A l’heureactuelle, c’est limité au net­toyage à domicile et au re­passage. Les Régions pour­ront l’étendre, par exem­ple, à du jardinage. Mais àcondition de pouvoir le fi­nancer. Et de respecter ledroit du travail fédéral.L’accord le stipule claire­ment. De manière générale,pour l’emploi, je ne vois pasde grande objection. Lesbalises ont été préservées.

Et pour la partie liée aux soinsde santé?

C’est un peu le mêmeconstat. On n’a pas touché àla solidarité interperson­nelle. On n’a pas non plustouché au caractère bicom­munautaire de Bruxelles.C’était essentiel. Mais cen’est pas rien ce qui esttransféré. L’aide aux per­sonnes handicapées et lapolitique des personnes

âgées, ce sont de gros morceaux. Ce ne sera pas simplesur le plan administratif. Comment les autorités publi­ques francophones vont­elles absorber cela? Y aura­t­ilun Inami communautaire? Les mutualités vont­elles in­tervenir au niveau des Communautés et des Régions?Des questions à laquelle il faudra une réponse.

P Pour Michel Jadot, la solidarité interpersonnellen’est pas menacée par l’accord. Le caractère fédéralde la Sécurité sociale est même inscrit dans le marbre.

Une solidaritépréservée

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Les réductions de cotisations sociales pour les groupes-cibles deviennent compétence des Régions.

“Il est donc écrit noir sur blancque la concertation sociale,la Sécu et le droit du travailrestent fédéraux. C’est quandmême pas mal.” MICHEL JADOT

La politique de l’Emploi

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11jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Vincent Rocour

M ichel Jadot fut pendant onze ans le grandpatron du ministère de l’Emploi et du Tra­vail. Il a aussi

présidé le Conseil géné­ral de l’Inami et présideactuellement la Mutua­lité socialiste.

Vous êtes un grand défen-seur de la solidarité inter-personnelle. Les transfertsen matière d’emploi ne lamettent pas à mal?

Il y a, dans le texte del’accord, une observa­tion préliminaire trèsimportante. Voilà cequ’on lit : “Les règlesrelevant du droit dutravail et de la Sécuritésociale restent fédéra­les, de même que lesdispositifs de concerta­tion sociale ainsi que lapolitique salariale.” Ilest donc écrit noir surblanc que la concerta­tion sociale, la Sécu etle droit du travail res­tent fédéraux. C’estquand même pas mal.

Mais le contrôle de la dis-ponibilité des chômeurs de-vient régional…

Quel curieux retour­nement. En 1974, ondisait qu’il fallait dis­socier le placementdes chômeurs et lecontrôle de leur dis­ponibilité parce queles demandeursd’emploi avaient ten­dance à se méfier deleur “placeur” dès lemoment où ce der­nier pouvait aussi lessanctionner. Les deuxmissions ont alors étédissociées: le place­ment a été régionaliséet la sanction est res­tée fédérale. Mainte­nant, on refait l’in­verse –à la différence près que ce sont les Ré­gions qui assureront les deux fonctions.Comme quoi la vérité politique d’un jour n’estpas celle du lendemain. De plus, dans l’accord,il est stipulé qu’une Région qui le souhaite peutdemander au fédéral de continuer à assurer lecontrôle de ses chômeurs, contre rétribution.S’il fallait cela pour faire plaisir à nos amis néer­

landophones, pourquoi pas? Cela ne me dérange pas.

Les négociateurs ont aussi convenu de régionaliser les réduc-tions de cotisation ONSS pour les groupes-cibles… On ne va

pas créer du dumping?Il faudra voir les montantsqui seront attribués pources réductions. Mais moi,cela ne me dérange pas queles Régions puissent déter­miner quels publics ellessouhaitent favoriser. Cesgroupes­cibles, on les con­naît. Ce sont les jeunes etles quinquagénaires. Il y aaussi les baisses de chargepour les peu qualifiés. Maisça, c’est une réductionstructurelle. Et les réduc­tions structurelles restentune compétence fédérale.

Les titres-services aussi vontêtre régionalisés. Quel inté-rêt?Je suppose que les Régionspourront déterminer lesservices qui pourront êtreeffectués dans le cadre destitres­services. A l’heureactuelle, c’est limité au net­toyage à domicile et au re­passage. Les Régions pour­ront l’étendre, par exem­ple, à du jardinage. Mais àcondition de pouvoir le fi­nancer. Et de respecter ledroit du travail fédéral.L’accord le stipule claire­ment. De manière générale,pour l’emploi, je ne vois pasde grande objection. Lesbalises ont été préservées.

Et pour la partie liée aux soinsde santé?

C’est un peu le mêmeconstat. On n’a pas touché àla solidarité interperson­nelle. On n’a pas non plustouché au caractère bicom­munautaire de Bruxelles.C’était essentiel. Mais cen’est pas rien ce qui esttransféré. L’aide aux per­sonnes handicapées et lapolitique des personnes

âgées, ce sont de gros morceaux. Ce ne sera pas simplesur le plan administratif. Comment les autorités publi­ques francophones vont­elles absorber cela? Y aura­t­ilun Inami communautaire? Les mutualités vont­elles in­tervenir au niveau des Communautés et des Régions?Des questions à laquelle il faudra une réponse.

P Pour Michel Jadot, la solidarité interpersonnellen’est pas menacée par l’accord. Le caractère fédéralde la Sécurité sociale est même inscrit dans le marbre.

Une solidaritépréservée

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Les réductions de cotisations sociales pour les groupes-cibles deviennent compétence des Régions.

“Il est donc écrit noir sur blancque la concertation sociale,la Sécu et le droit du travailrestent fédéraux. C’est quandmême pas mal.” MICHEL JADOT

La politique de l’Emploi

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Belgique

12 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 13jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

Regroupementdes élections

L e chapitre sur le “renouveau politique” a été ledernier à être négocié par le formateur. Il con­tient certaines mesures assez cosmétiques et

d’autres changements un peu plus consistants.Reste que tous les partis étaient plus ou moins d’ac­cord avec ces modifications – sauf pour le recou­plage des élections où il a fallu trouver une astuce.

– Au Parlement fédéral, un code de déontologieva être rédigé (conflits d’intérêts, attribution demarchés publics,…);

– Interdiction des doubles candidatures sur leslistes électorales quand les élections tombent enmême temps : plus question de figurer sur deux lis­tes électorales simultanément; interdiction d’être àla fois effectif et suppléant sur une liste électorale,obligation de siéger dans l’Assemblée où l’on a étéélu;

– Concomitance des élections : recouplage en2014 entre scrutins régionaux/fédéral/européen.Dans la Constitution, deux éléments seront inté­grés : lorsque le gouvernement fédéral tombe avantle terme de la législature, les nouvelles électionsinstallent une législature qui va au terme de la lé­gislature précédente (soit on se raccroche en per­manence chaque fois à la législature européenne).Second élément : après 2014, les Régions pourront

à la majorité des 2/3 décider d’une autre date pourles élections régionales.Ces deux dispositions constitutionnelles ne peu­vent entrer en vigueur qu’à la condition qu’une loispéciale soit votée;

– La réforme du Sénat : celui­ci devient un Sénatdes entités fédérées;

– Moins d’élus au Parlement fédéral (environ15 %), les détails doivent être réglés par une com­mission parlementaire du renouveau politique.Celle­ci devra décider des conséquences de la ré­forme du Sénat sur la Chambre des représentants;

– Examen ministériel devant le Parlement avantd’être appointé ministre (formalisation de l’ac­tuelle présentation de la note de politique généraledevant la commission parlementaire ad hoc);

– Diminution des salaires ministériels de 5 %;– Les indemnités de fonctions spéciales (prési­

dents d’assemblée, présidents de commission,questeurs….) seront revues à la baisse;

– Gel des dotations royales (sur le modèle de cequi a été recommandé par le Sénat) et parlementai­res durant deux années;M.Bu.

P Une série de mesures ont été actéesau chapitre “renouveau politique”.

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Paul Piret

Hugues Dumont est professeur de droit consti­tutionnel et de droit européen aux Facultésuniversitaires Saint­Louis à Bruxelles.

Comment sérier les annon-ces à l’enseigne du renou-veau politique?

De bonnes vieillesidées réapparaissent:un code de déontolo­gie, ou les dotations àla famille royale.D’autres bonnesidées apparaissent,comme les incompa­tibilités de candida­tures. Il y a des misesau frigo : la circons­cription fédérale. Dubaroque: le compro­mis sur la législaturede cinq ans. Du dé­magogique: la réduc­tion de 5 % de la ré­munération des mi­nistres. Del’incantatoire : la re­valorisation du Parle­ment. Du symboli­que : l’octroi del’autonomie consti­tutive à la Régionbruxelloise alors queles règles relatives àl’équilibre entre fran­cophones et néerlan­dophones resterontau législateur fédéral.Et des réponses ap­portées à des problè­mes: le droit de vote àl’étranger ou la ré­forme du Sénat.

Ça, c’est le gros morceau.Incontestablement. Laréforme était fataleparce que cellede 1993 n’a pas ho­noré ses promesses.Elle est sévère : l’as­semblée ne sera paspermanente et sescompétences sont ré­duites. Elle est floue etinachevée: la liste descompétences n’est pascomplète; on ne sait pas bien s’il sera représentatifdes Régions et/ou des Communautés.

Enfin, le Sénat ne sera pas paritaire Nord/Sud…Oui, alors qu’il y avait eu accord, en ce sens, sousVerhofstadt. Les francophones se doutaient bienalors que le Sénat aurait peu de compétences. Ici,il n’est ni paritaire ni compétent.

Evaluer les transferts de compétence revient à s’interro-ger sur la nature de la réforme. Est-elle copernicienne?N’est-elle pas plutôt le prolongement des précédentes etl’anticipation de la prochaine?

A bien des égards, c’est vrai. On n’active pas l’Arti­cle35: les compétences résiduelles restent au fé­

déral. Il est aussi des réfor­mes, lorsqu’elles procè­dent à de nouveauxdécoupages de dentelle,dont on peut se dire qu’el­les vont surtout donnerl’envie à nos amis fla­mands de revendiquerdans une semaine ou unan de nouveaux transferts!

Sur les allocations familiales,on entame tout de même letabou de la sécurité sociale.Clairement. Ici, la lignerouge est franchie. Mêmeavec garanties et barrières,un enfant ne sera plus égalà un enfant. Cela dit, jeveux être nuancé. On rec­tifie des erreurs du passé:il était logique par exem­ple de régionaliser le tou­risme ou la politique desgrandes villes. On assisteaussi à un certain retourdu rationnel par rapport àdes notes passées : on nerégionalise pas bêtementle code de la route, la pro­tection civile ou la justice.En revanche, communau­tariser les pôles d’attrac­tion interuniversitaires estune ineptie. Et un aspectm’apparaît massif : le be­soin de recourir à de mul­tiples accords de coopéra­tion comme pour corrigerà l’avance les irrationalitéset dysfonctionnements dedéfédéralisations. Or, cesaccords ne sont pas tou­jours conclus. Et lorsqu’ilsle sont, c’est un facteur derigidité très grand. Dèslors, ces dizaines d’accordsvont inévitablement favo­riser une sorte de dériveconfédérale.

Mais alors, la réforme seraitplus lourde qu’il n’y paraît?

Elle n’est pas anecdotique, même si elle se situedans le prolongement des précédentes. C’est la lo­gique du grain de sable. Combien en faut­il, à quelmoment, pour qu’ils deviennent un tas?

P Le constitutionnaliste Hugues Dumont perçoit ici du bienvenu,là de l’ineptie; ici du rationnel, là une sorte de dérive.Les allocations familiales ? Une ligne rouge a bien été franchie.

En somme,un peu de tout

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Le reformatage du Sénat était “fatal”, on peut le qualifier de “sévère”.

“On assiste à un certain retourdu rationnel par rapportà des notes passées :on ne régionalise pas bêtementle code de la route, la protectioncivile ou la justice.” HUGUES DUMONT

Renouveau politique et transferts de compétences

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© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

13jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Entretien Paul Piret

Hugues Dumont est professeur de droit consti­tutionnel et de droit européen aux Facultésuniversitaires Saint­Louis à Bruxelles.

Comment sérier les annon-ces à l’enseigne du renou-veau politique?

De bonnes vieillesidées réapparaissent:un code de déontolo­gie, ou les dotations àla famille royale.D’autres bonnesidées apparaissent,comme les incompa­tibilités de candida­tures. Il y a des misesau frigo : la circons­cription fédérale. Dubaroque: le compro­mis sur la législaturede cinq ans. Du dé­magogique: la réduc­tion de 5 % de la ré­munération des mi­nistres. Del’incantatoire : la re­valorisation du Parle­ment. Du symboli­que : l’octroi del’autonomie consti­tutive à la Régionbruxelloise alors queles règles relatives àl’équilibre entre fran­cophones et néerlan­dophones resterontau législateur fédéral.Et des réponses ap­portées à des problè­mes: le droit de vote àl’étranger ou la ré­forme du Sénat.

Ça, c’est le gros morceau.Incontestablement. Laréforme était fataleparce que cellede 1993 n’a pas ho­noré ses promesses.Elle est sévère : l’as­semblée ne sera paspermanente et sescompétences sont ré­duites. Elle est floue etinachevée: la liste descompétences n’est pascomplète; on ne sait pas bien s’il sera représentatifdes Régions et/ou des Communautés.

Enfin, le Sénat ne sera pas paritaire Nord/Sud…Oui, alors qu’il y avait eu accord, en ce sens, sousVerhofstadt. Les francophones se doutaient bienalors que le Sénat aurait peu de compétences. Ici,il n’est ni paritaire ni compétent.

Evaluer les transferts de compétence revient à s’interro-ger sur la nature de la réforme. Est-elle copernicienne?N’est-elle pas plutôt le prolongement des précédentes etl’anticipation de la prochaine?

A bien des égards, c’est vrai. On n’active pas l’Arti­cle35: les compétences résiduelles restent au fé­

déral. Il est aussi des réfor­mes, lorsqu’elles procè­dent à de nouveauxdécoupages de dentelle,dont on peut se dire qu’el­les vont surtout donnerl’envie à nos amis fla­mands de revendiquerdans une semaine ou unan de nouveaux transferts!

Sur les allocations familiales,on entame tout de même letabou de la sécurité sociale.Clairement. Ici, la lignerouge est franchie. Mêmeavec garanties et barrières,un enfant ne sera plus égalà un enfant. Cela dit, jeveux être nuancé. On rec­tifie des erreurs du passé:il était logique par exem­ple de régionaliser le tou­risme ou la politique desgrandes villes. On assisteaussi à un certain retourdu rationnel par rapport àdes notes passées : on nerégionalise pas bêtementle code de la route, la pro­tection civile ou la justice.En revanche, communau­tariser les pôles d’attrac­tion interuniversitaires estune ineptie. Et un aspectm’apparaît massif : le be­soin de recourir à de mul­tiples accords de coopéra­tion comme pour corrigerà l’avance les irrationalitéset dysfonctionnements dedéfédéralisations. Or, cesaccords ne sont pas tou­jours conclus. Et lorsqu’ilsle sont, c’est un facteur derigidité très grand. Dèslors, ces dizaines d’accordsvont inévitablement favo­riser une sorte de dériveconfédérale.

Mais alors, la réforme seraitplus lourde qu’il n’y paraît?

Elle n’est pas anecdotique, même si elle se situedans le prolongement des précédentes. C’est la lo­gique du grain de sable. Combien en faut­il, à quelmoment, pour qu’ils deviennent un tas?

P Le constitutionnaliste Hugues Dumont perçoit ici du bienvenu,là de l’ineptie; ici du rationnel, là une sorte de dérive.Les allocations familiales ? Une ligne rouge a bien été franchie.

En somme,un peu de tout

JEAN

-LUC

FLÉM

AL

Le reformatage du Sénat était “fatal”, on peut le qualifier de “sévère”.

“On assiste à un certain retourdu rationnel par rapportà des notes passées :on ne régionalise pas bêtementle code de la route, la protectioncivile ou la justice.” HUGUES DUMONT

Renouveau politique et transferts de compétences

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Belgique

14 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 15jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Historique,la réforme? Oui,comme les autres !P Une réforme de l’Etat est toujourshistorique.

P Mais celle de 2011 l’est par leclichage définitif des frontières et letransfert de moult compétences.

Eclairage Christian Laporte

I l est terriblement humain d’entendre de la bouchedes président(e)s des partis associés à la réformede l’Etat, conclue entre la mi­septembre et la nuit

de vendredi à samedi dernier, que c’est “la plus impor­tante jamais adoptée en Belgique”, et que c’est “une ré­forme historique”.

De fait, elle l’est parce que les trois familles politi­ques traditionnelles et la famille écologiste ont réussi,sous la houlette d’Elio Di Rupo, à trouver le Graal surlequel bien de leurs prédécesseurs se sont chaque foiscassé les dents : scinder l’arrondissement électoral etjudiciaire de Bruxelles­Hal­Vilvorde, qui – au fil desdécennies de mutations constitutionnelles récurren­tes – était devenu une anomalie et un anachronismeabsolus dans une construction fédérale basée sur desCommunautés et des Régions dont la stabilité était liéeau principe de territorialité, mais aussi à un respect dela langue et de la culture locales par les nouveaux arri­vants. Certes, c’est dur pour un citoyen francophonepeu intégré de Beersel, de Zemst de Gooik ou de Dil­beek de ne plus pouvoir voter “bruxellois”, mais rienne l’empêchera de soutenir l’Union des francophonestout comme il y a déjà un élu francophone au Vlaamsparlement…

Et il n’est pas interdit de penser qu’un jour, la Flan­dre, ne se sentant plus agressée, accepte la subsidiationd’une vie culturelle francophone elle­même enfin dé­complexée dans le cadre d’un vrai accord culturel quitienne compte des minorités. Petite incise pour lessceptiques : autant l’expulsion des francophones deLouvain a pu être un traumatisme profond, autant lesretrouvailles entre l’UCL et la KU Leuven sontaujourd’hui porteuses de coopérations efficaces…Donc, si les projets qui reprennent les accords octopar­tites passent la rampe du Parlement et ne sont pas en­través par un “remake” malvenu de la fin du Pacted’Egmont qui fut, lui, de fait historique en mai 1977,avec pas mal d’analogies avec aujourd’hui, cette ré­forme de l’Etat entrera vraiment dans l’Histoire, carune des plus grandes causes de division intra­Belgeaura été éliminée.

Un œil sur les bouliers­compteurs montre une autredimension historique de la présente réforme : quelque17 milliards d’euros passeront du niveau fédéral aucommunautés et aux régions et n’en déplaise au gou­vernement flamand, si ce n’est pas la révolution, c’estune évolution que Nicolas Copernic aurait pu fairesienne… Cela dit, cette réforme de l’Etat, sixième dunom, s’inscrit logiquement, quoi qu’aient pu en pen­

ser les partis francophones en 2007, alors hostiles àtoute mutation, parce qu’alors obstinément “deman­deurs de rien”, dans la foulée des précédentes.

Celle de 1970 avait ouvert la voie en considérant selonle mot d’Eyskens père que “l’Etat unitaire était dépassédans les faits” : elle reconnut les communautés culturelleset fut accompagnée de mesures qui confirmèrent le cli­chage définitif des frontières linguistiques lancé pendantles années soixante après la suppression de manière uni­latérale du côté flamand du volet linguistique du recen­sement décennal. Mais la dimension économique avaitdéjà pointé le bout du nez : après une régionalisationprovisoire qui maintenait le pouvoir régional au sein dugouvernement national, les régions étaient aussi recon­nues. Il fallut toutefois attendre la réforme de 1980 pourles voir devenir autonomes. Cette réforme fut aussi fon­damentale parce qu’elle avait élargi les compétences descommunautés aux matières personnalisables. Ellesn’étaient plus seulement “culturelles”, alors que les com­pétences des régions étaient aussi définies.

Sa pierre d’angle ? Ce fut la loi spéciale du 8 août 1980qui créa des organes législatifs et exécutifs pour les troiscommunautés et pour la Région wallonne. Au Nord, lescompétences de la Région flamande seraient exercéespar la Communauté flamande. Par contre, Bruxelles res­tait dans les limbes.

Il fallut ici attendre la révision de 1988­89 et de nou­velles lois de réformes institutionnelles dont la loi spé­ciale du 12 janvier 1989 qui créait les institutionsbruxelloises. Communautés et régions reçurent encorede nouvelles compétences, alors qu’émergeait – enfin !– la Région de Bruxelles­Capitale.

Ce n’était pas fini : en 1993, une nouvelle révision dela Constitution et de nouvelles lois de réformes institu­tionnelles ont vraiment transformé la Belgique en fé­dération, faisant d’Albert II, le premier roi fédéral. L’ex­tension des compétences des communautés et des ré­gions et la réforme des organes de l’Autorité fédéralefurent à la base de cette mutation pas moins fonda­mentale que les autres avec, comme cerise sur le gâ­teau, en janvier 1995, la scission du Brabant en deuxautres provinces.

Enfin, en2001, une nouvelle réforme institutionnelleavait encore élargi les compétences des régions et ré­formé le financement des communautés. Ce n’était pasla dernière, pas plus que celle de 2011, peut­on conjec­turer. Mais elle n’en est pas moins fondamentale. Etressemble au gros et gras poisson que ne cessa d’appe­ler de ses vœux Bart De Wever, même s’il n’y voit sansdoute que des petites sardines…

JOHA

NNADE

TESSIERE

S

Entretien Mathieu Colleyn

A lain Deneef est secrétaire général de l’associa­tion Aula Magna,un “think tank”

qui se penche sur le de­venir de la capitale soustous ses aspects.

Cet accord, bon ou mauvaispour Bruxelles?

Globalement il y a unesérie d’avancées inté­ressantes. Ça fait desannées qu’une séried’études montrentque le refinancementdont Bruxelles a be­soin tourne aux alen­tours des 500 mil­lions. Il y en a ici 461,cela me paraît bien.

Mais une partie du refinan-cement est préaffectée.

Dans la partie préaf­fectée, il y a des élé­ments sans surprisecomme la mobilité oula sécurité. Ces be­soins sont évidents, ilne faut donc pass’étonner qu’ils soientpréaffectés. L’autremoitié ne l’est pas etcomme secrétaire gé­néral de L’Auna Ma­gna, j’ai une interro­gation pour le gouver­nement bruxellois. Aquoi compte­t­il utili­ser cet argent? Ça meparaît fondamental. Ilfaut définir des politi­ques dans tel ou teldomaine et éviter desaupoudrer le budget.

Est-ce que ces montants se-ront suffisants pour répon-dre à l’enjeu démographi-que?

Je n’en suis pas absolument sûr parce que la crois­sance démographique sera telle qu’un certainnombre de coûts additionnels risquent de venir pe­ser sur le budget bruxellois. Mais il est clair qu’onn’aura plus de refinancement, donc la Région doitvoir maintenant si elle ne doit pas réduire ses dé­penses.

Cela nous mène à un autre aspect de la réforme: celle quiconcerne la réorganisation interne de Bruxelles. On la dit unpeu légère, côté flamand…

Je trouve que ça ne va pas assez loin. Il y a des avan­cées en matière d’urbanisme et de sécurité, certes,mais c’est le sens commun de remédier à des situa­

tions curieuses. Ce n’est pasune avancée. On aurait pufaire plus. Deux exemplesde chemin à demi par­couru: il y a 33 sociétés delogement social, on décidearbitrairement de les ré­duire de moitié. Pourquoi ilfaut plus d’une société àBruxelles? Deuxièmeexemple: le ministre­Prési­dent reçoit une compé­tence de coordination enmatière de sécurité. Pour­quoi il y a encore six zonesde police?

Pour maintenir des mandatspolitiques?Non. Le premier moteur,c’est un certain nombre debourgmestres qui veulentconserver leurs prérogati­ves.

Et une politique de proximité.C’est l’argument qui estutilisé à chaque fois. Il estefficace mais réorganiserne veut pas dire supprimerles commissariats de quar­tier ou les services d’état ci­vil.

Et sur la communauté métro-politaine?Le principe est acquis, c’estclairement un pas dans labonne direction. Mais il neva pas assez loin. Les étapesd’après ne sont pas trèsclaires. Qu’est­ce qu’on metcomme contenu dans cetteenveloppe vide? Quellessont les matières que l’onva y aborder et sous quelleforme? On ne sait pas si cetorgane aura un avis pure­ment consultatif ou si ces

décisions auront un caractère coercitif.

Au final, quelle note donneriez-vous à cet accord?8,5 sur 10 pour le refinancement, sur la gouver­nance intrabruxelloise, 5 sur 10 et sur la commu­nauté métropolitaine, 6. Parce que c’est une avan­cée majeure mais tout le travail reste à faire. Enoutre, je regrette que dans la nouvelle architectureon ne touche pas aux matières communautairesqui doivent être régionalisées avec au premier chefl’enseignement.

P Alain Deneef patronne une association de réflexionsur la Région bruxelloise et son hinterland. Il se montreglobalement satisfait de l’accord institutionnel pour la capitale.

Des avancéespour Bruxelles

DIDIER

BAUW

ERAE

RTS

La Région bruxelloise est refinancée mais des zones floues persistent sur son organisation.

Épinglé

Refinancement, réorganisation interne, autonomie constitutive relative et communauté métropolitaine

Mais que gagne la Région-Capitale dans les quelque75 pages d’accord présentées hier par Elio Di Rupo?Commençons par le nerf de la guerre: l’argent. Refi-nancement il y a, c’est indiscutable. Pas à hauteur de500 millions réclamés par les francophones, maispresque. Et à l’horizon 2015. Ce refinancement distin-gue deux volets. Le premier concerne des montantsaffectés à des politiques précises dont les principalessont la sécurité, la mobilité et l’encouragement dubilinguisme dans l’administration régionale. Premier

versement de 110 millions pour 2012… Une somme quis’élèvera progressivement pour se fixer à 258 millionsen 2015. Le second volet est lié à la nouvelle loi definancement et doit compenser le coût des navetteurspour Bruxelles mais également corriger certaines exoné-rations de taxes liées à la présence d’institutions interna-tionales sur le sol bruxellois. Ce deuxième volet démar-rera en 2013 par un montant de 61 millions pour attein-dre 203 millions en 2015. En outre, les institutionsrégionales bruxelloises se voient réorganisées: coordina-

tion de la sécurité transférée de la province à la Région,réduction de moitié des sociétés de logement sociaux,transfert du balayage de voiries régionales aux commu-nes, etc. Par ailleurs, l’accord prévoit la création d’unecommunauté métropolitaine comme organe de concerta-tion entre les trois régions et les communes de Bruxelleset de la périphérie sur les enjeux qui dépassent lesfrontières régionales. Enfin, Bruxelles obtient une rela-tive autonomie constitutive, la représentation des com-munautés au Parlement demeurant du ressort du fédéral.

“Comme secrétaire généralde l’Auna Magna,j’ai une interrogation pourle gouvernement bruxellois.A quoi compte-t-il utilisercet argent?” ALAIN DENEEF

Le refinancement de Bruxelles

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15jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Historique,la réforme? Oui,comme les autres !P Une réforme de l’Etat est toujourshistorique.

P Mais celle de 2011 l’est par leclichage définitif des frontières et letransfert de moult compétences.

Eclairage Christian Laporte

I l est terriblement humain d’entendre de la bouchedes président(e)s des partis associés à la réformede l’Etat, conclue entre la mi­septembre et la nuit

de vendredi à samedi dernier, que c’est “la plus impor­tante jamais adoptée en Belgique”, et que c’est “une ré­forme historique”.

De fait, elle l’est parce que les trois familles politi­ques traditionnelles et la famille écologiste ont réussi,sous la houlette d’Elio Di Rupo, à trouver le Graal surlequel bien de leurs prédécesseurs se sont chaque foiscassé les dents : scinder l’arrondissement électoral etjudiciaire de Bruxelles­Hal­Vilvorde, qui – au fil desdécennies de mutations constitutionnelles récurren­tes – était devenu une anomalie et un anachronismeabsolus dans une construction fédérale basée sur desCommunautés et des Régions dont la stabilité était liéeau principe de territorialité, mais aussi à un respect dela langue et de la culture locales par les nouveaux arri­vants. Certes, c’est dur pour un citoyen francophonepeu intégré de Beersel, de Zemst de Gooik ou de Dil­beek de ne plus pouvoir voter “bruxellois”, mais rienne l’empêchera de soutenir l’Union des francophonestout comme il y a déjà un élu francophone au Vlaamsparlement…

Et il n’est pas interdit de penser qu’un jour, la Flan­dre, ne se sentant plus agressée, accepte la subsidiationd’une vie culturelle francophone elle­même enfin dé­complexée dans le cadre d’un vrai accord culturel quitienne compte des minorités. Petite incise pour lessceptiques : autant l’expulsion des francophones deLouvain a pu être un traumatisme profond, autant lesretrouvailles entre l’UCL et la KU Leuven sontaujourd’hui porteuses de coopérations efficaces…Donc, si les projets qui reprennent les accords octopar­tites passent la rampe du Parlement et ne sont pas en­través par un “remake” malvenu de la fin du Pacted’Egmont qui fut, lui, de fait historique en mai 1977,avec pas mal d’analogies avec aujourd’hui, cette ré­forme de l’Etat entrera vraiment dans l’Histoire, carune des plus grandes causes de division intra­Belgeaura été éliminée.

Un œil sur les bouliers­compteurs montre une autredimension historique de la présente réforme : quelque17 milliards d’euros passeront du niveau fédéral aucommunautés et aux régions et n’en déplaise au gou­vernement flamand, si ce n’est pas la révolution, c’estune évolution que Nicolas Copernic aurait pu fairesienne… Cela dit, cette réforme de l’Etat, sixième dunom, s’inscrit logiquement, quoi qu’aient pu en pen­

ser les partis francophones en 2007, alors hostiles àtoute mutation, parce qu’alors obstinément “deman­deurs de rien”, dans la foulée des précédentes.

Celle de 1970 avait ouvert la voie en considérant selonle mot d’Eyskens père que “l’Etat unitaire était dépassédans les faits” : elle reconnut les communautés culturelleset fut accompagnée de mesures qui confirmèrent le cli­chage définitif des frontières linguistiques lancé pendantles années soixante après la suppression de manière uni­latérale du côté flamand du volet linguistique du recen­sement décennal. Mais la dimension économique avaitdéjà pointé le bout du nez : après une régionalisationprovisoire qui maintenait le pouvoir régional au sein dugouvernement national, les régions étaient aussi recon­nues. Il fallut toutefois attendre la réforme de 1980 pourles voir devenir autonomes. Cette réforme fut aussi fon­damentale parce qu’elle avait élargi les compétences descommunautés aux matières personnalisables. Ellesn’étaient plus seulement “culturelles”, alors que les com­pétences des régions étaient aussi définies.

Sa pierre d’angle ? Ce fut la loi spéciale du 8 août 1980qui créa des organes législatifs et exécutifs pour les troiscommunautés et pour la Région wallonne. Au Nord, lescompétences de la Région flamande seraient exercéespar la Communauté flamande. Par contre, Bruxelles res­tait dans les limbes.

Il fallut ici attendre la révision de 1988­89 et de nou­velles lois de réformes institutionnelles dont la loi spé­ciale du 12 janvier 1989 qui créait les institutionsbruxelloises. Communautés et régions reçurent encorede nouvelles compétences, alors qu’émergeait – enfin !– la Région de Bruxelles­Capitale.

Ce n’était pas fini : en 1993, une nouvelle révision dela Constitution et de nouvelles lois de réformes institu­tionnelles ont vraiment transformé la Belgique en fé­dération, faisant d’Albert II, le premier roi fédéral. L’ex­tension des compétences des communautés et des ré­gions et la réforme des organes de l’Autorité fédéralefurent à la base de cette mutation pas moins fonda­mentale que les autres avec, comme cerise sur le gâ­teau, en janvier 1995, la scission du Brabant en deuxautres provinces.

Enfin, en2001, une nouvelle réforme institutionnelleavait encore élargi les compétences des régions et ré­formé le financement des communautés. Ce n’était pasla dernière, pas plus que celle de 2011, peut­on conjec­turer. Mais elle n’en est pas moins fondamentale. Etressemble au gros et gras poisson que ne cessa d’appe­ler de ses vœux Bart De Wever, même s’il n’y voit sansdoute que des petites sardines…

Avant les grandes réformes de l’Etat, la population bruxel-loise se mobilisait pour que la capitale n’en soit pas lagrande oubliée. Elle dut encore attendre 20 ans pour êtrereconnue.

JOHA

NNADE

TESSIERE

S

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16 La Libre Belgique - jeudi 13 octobre 2011 17jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Le fait

Sous la houlette d’Elio Di Rupo,les huit formations politiques (PS,MR, Ecolo, CDH, CD&V, Open VLD,SP.A et Groen!) qui ont participé àla réforme de l’Etat (sixième dunom) viennent d’arriver à unaccord. S’agit-il d’une réformehistorique? Le pays est-il durable-ment stabilisé ou se trouve-t-ildans un entre-deux annonçant ledébut de la fin? Interviews croi-sées de deux “BV” ou “BekendeVlamingen”.

COLINDE

LFOS

SE

Bart MADDENS

Politologue, KUL

Réforme de l’Etat: est-on parti pour un an ou 20 ans?

P Sur beaucoup de points, l’accord est encore assez vague. Ce ne sera pasévident de le traduire dans des projets de loi. C’est une illusion de penser quela discussion sur la réforme de l’Etat est finie.

La réforme de l’Etat telle qu’elle vientd’être adoptée par les 8 partis va-t-elleenfin garantir une période de stabilisa-tion ?Tout d’abord, il faut faire une distinc­tion entre le court terme et le long

terme. Dans le court terme, je crois que la réformede l’Etat va dominer l’agenda politique pendantau moins deux ans. Sur beaucoup de points, l’ac­cord est encore assez vague. Ce ne sera pas évi­dent de le traduire dans des projets de loi. Il y aurasans doute pas mal de conflits, de discussions en­tre les partenaires. Je crois que c’est une illusionde penser que la discussion sur la réforme del’Etat est finie. En ce qui concerne le long terme, ilfaut tout d’abord relever que la politique belgeconnaît des cycles – il y a des réformes de l’Etat àpeu près tous les 10 ans. Qui se présentent de fa­çon assez identique : des tensions qui augmen­tent, une réforme de l’Etat suivie d’une période destabilisation où on gère les problèmes économi­ques. Donc, si cela se répète, on peut s’attendre àconnaître une période de 10 ans de stabilité com­munautaire. Mais cette période ne commenceraque quand l’accord d’aujourd’hui sera vraimentmis en pratique, c’est­à­dire dans 2 ans.

Quels points faibles relevez-vous dans cet accord ?Prenons l’exemple des compétences du Sénat.L’accord dit qu’il sera “peut­être” compétent con­cernant les matières dans lesquelles l’Etat fédéralest compétent mais aussi les entités fédérées. Toutcela reste vague. En 2001, on avait discuté sur lascission de très peu de compétences. Ici, la liste estbeaucoup plus longue. Donc, il s’ensuivra sansdoute de très longues discussions concernantchacun des points. Tout est encore à l’état d’ébau­che, il va falloir mettre en pratique. Le chemin estencore long avant de pouvoir traduire tout celadans des projets de loi.

A vos yeux, l’accord contient-il des points forts ?Le fait que l’accord existe. C’est un peu la victoiredu CD&V. Ils ont toujours dit : pas de gouverne­ment s’il n’y a pas un accord institutionnel. Etaujourd’hui, il y a un accord institutionnel avantque le gouvernement soit formé. En ce qui con­cerne le contenu de l’accord, je dois avouer que je

ne suis pas très enthousiaste.

On en revient aux points faibles…Le grand problème avec cette réforme del’Etat, du point de vue flamand, et même dupoint de vue flamingant, c’est que notre mo­dèle institutionnel prend la direction d’un fé­déralisme avec trois Régions (Flandre, Bruxel­les et Wallonie), ce que les Flamands ne vou­laient pas. L’exigence des Flamands étaitd’avoir deux Etats membres : La Flandre et,disons, la francophonie, donc les deux gran­des communautés, avec un statut spécial pourBruxelles. L’idée de Bruxelles comme capitalecommune cogérée par les deux grandes com­munautés a été complètement abandonnée.

Y aura-t-il une prochaine réforme ? Si oui, quelle se-ra-t-elle ?La durée d’une loi de financement est assezcourte. La première date de 1989, amendée en2001, lors de l’accord de Lambermont, de nou­veau amendée aujourd’hui. Je suis presque sûrque dans dix ans, on va de nouveau amendercette loi parce que la situation économique aurachangé. Et puis il faut aussi tenir compte du ré­sultat des élections régionales en Flandre en2014. Pour vraiment obtenir une pacificationdurable, il faut qu’une partie importante des na­tionalistes flamands soutiennent l’accord.Aujourd’hui les radicaux flamands totalisent44 % des voix. C’est une position très forte, maispas suffisamment pour vraiment bloquer le sys­tème politique.Entretien : M.-A.G.

P Une jeune génération de responsables politiques – les Tobback, Beke, DeCroo… – avec leur “père” Di Rupo, a pris l’engagement de continuer ensemble.Ça veut dire que la Belgique va pouvoir fêter son 200e anniversaire en 2030.

Que représente cette réforme ?Fondamentalement, cet accordinstitutionnel signifie qu’on varester ensemble, que le pays vacontinuer et qu’on va le gérer en­semble. Je suis content de voir

qu’une jeune génération de responsables po­litiques – les Bruno Tobback, Wouter Beke,Alexander De Croo, Caroline Gennez… – avecleur “père” Di Rupo, a pris l’engagement decontinuer ensemble. Et comme ce sont euxqui vont gérer la Belgique pendant les 20 ansà venir, ça veut dire que la Belgique va pou­voir fêter son 200e anniversaire en 2030. DeWever ou pas de Wever, sauf s’il obtient lamajorité absolue…

L’accord institutionnel pourrait donc garantir une lon-gue période de stabilité sur le front communautaire ?

Je crois que l’accord va nous permettre de te­nir au moins 10 ans. Voir au­delà, je devraism’appeler Madame Soleil. Maintenant, il estdifficile d’évaluer aujourd’hui tous les pointsde cet accord. Les mécanismes vont­ils cor­rectement fonctionner ? La loi de finance­ment va­t­elle tenir ses promesses et satis­faire tout le monde ?

Quels sont les points faible et fort de cette réforme ?Point faible : les transferts de compétencesauraient pu représenter davantage que17 milliards d’euros. On aurait dû aller plusloin. Point fort : les Flamands étaient deman­deurs et ils ont reçu ce que, dans les grandes

lignes, ils avaient demandé, à savoir une réformede l’Etat avec plus d’autonomie pour les régions etles francophones l’ont acceptée. Le plus impor­tant dans cette réforme est la responsabilité pourles régions avec une autonomie fiscale accrue.Cette responsabilité porte autant sur les dépensesque sur les revenus, à savoir la manière dont lesrégions vont utiliser l’argent de leurs contribua­bles à qui elles vont rendre des comptes.

Vous escomptez au moins 10 ans de vie communautairepacifiée. Et après ? Sur quoi porterait une éventuelle pro-chaine réforme ?

Davantage de responsabilisation et d’autonomiefiscale. Je n’aime pas ce système des dotations quine responsabilise pas assez les dirigeants pourchaque euro qu’ils dépensent. En matière de com­pétence aussi, on pourrait aller plus loin. Mais onverra après 2020.

L’étape suivante est la formation de l’équipe gouverne-mentale. Qui voyez-vous comme Premier ministre ?

Il n’y en a qu’un seul possible : Elio Di Rupo. Per­sonne d’autre puisque Bart De Wever, le seul con­current, n’est présent ni dans les négociations, nine sera dans le gouvernement. Les négociationsont été possibles grâce à Charles Michel et WouterBeke mais Elio Di Rupo est l’homme miracle.C’est un peu le héros. C’est réellement un hommed’Etat, au sens premier. Il a garanti notre Etat quiva pouvoir enfin fonctionner “normalement”.

Une majorité de l’opinion publique en Flandre vous suit-elle ?

Elio Di Rupo est accepté par la population enFlandre. Il était numéro deux du dernier sondagede la VRT­De Standaard, semaine dernière. Il estbien vu, toujours aimable, poli et respectueux.Même Bart De Wever n’a personnellement riencontre lui, ce qui n’était pas le cas avant qu’ils nese rencontrent. Il y a toutefois un risque au­dessusde sa personne : sa connaissance du néerlandais. Iln’est pas capable de participer à un long débat oud’accorder spontanément une grande interview.Il faut qu’il travaille son néerlandais !

Entretien : T.Bo.

MAR

CGY

SENS

/PHO

TONE

WSLuc VAN DER KELEN

Editorialiste du quotidien flamandHet Laatste Nieuws

NICO

LASMAE

TERLINCK

/BELGA

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“Pour vraiment obtenir unepacification durable, il fautqu’une partie importantedes nationalistes flamandssoutiennent l’accord.”

“Les Flamands ont reçu cequ’ils avaient demandé :davantage deresponsabilité pour lesrégions avec une autonomiefiscale accrue.”

Page 17: LLB reforme de l'Etat

© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

17jeudi 13 octobre 2011 - La Libre Belgique

La sixième réforme de l’Etat

Réforme de l’Etat: est-on parti pour un an ou 20 ans?

P Une jeune génération de responsables politiques – les Tobback, Beke, DeCroo… – avec leur “père” Di Rupo, a pris l’engagement de continuer ensemble.Ça veut dire que la Belgique va pouvoir fêter son 200e anniversaire en 2030.

Que représente cette réforme ?Fondamentalement, cet accordinstitutionnel signifie qu’on varester ensemble, que le pays vacontinuer et qu’on va le gérer en­semble. Je suis content de voir

qu’une jeune génération de responsables po­litiques – les Bruno Tobback, Wouter Beke,Alexander De Croo, Caroline Gennez… – avecleur “père” Di Rupo, a pris l’engagement decontinuer ensemble. Et comme ce sont euxqui vont gérer la Belgique pendant les 20 ansà venir, ça veut dire que la Belgique va pou­voir fêter son 200e anniversaire en 2030. DeWever ou pas de Wever, sauf s’il obtient lamajorité absolue…

L’accord institutionnel pourrait donc garantir une lon-gue période de stabilité sur le front communautaire ?

Je crois que l’accord va nous permettre de te­nir au moins 10 ans. Voir au­delà, je devraism’appeler Madame Soleil. Maintenant, il estdifficile d’évaluer aujourd’hui tous les pointsde cet accord. Les mécanismes vont­ils cor­rectement fonctionner ? La loi de finance­ment va­t­elle tenir ses promesses et satis­faire tout le monde ?

Quels sont les points faible et fort de cette réforme ?Point faible : les transferts de compétencesauraient pu représenter davantage que17 milliards d’euros. On aurait dû aller plusloin. Point fort : les Flamands étaient deman­deurs et ils ont reçu ce que, dans les grandes

lignes, ils avaient demandé, à savoir une réformede l’Etat avec plus d’autonomie pour les régions etles francophones l’ont acceptée. Le plus impor­tant dans cette réforme est la responsabilité pourles régions avec une autonomie fiscale accrue.Cette responsabilité porte autant sur les dépensesque sur les revenus, à savoir la manière dont lesrégions vont utiliser l’argent de leurs contribua­bles à qui elles vont rendre des comptes.

Vous escomptez au moins 10 ans de vie communautairepacifiée. Et après ? Sur quoi porterait une éventuelle pro-chaine réforme ?

Davantage de responsabilisation et d’autonomiefiscale. Je n’aime pas ce système des dotations quine responsabilise pas assez les dirigeants pourchaque euro qu’ils dépensent. En matière de com­pétence aussi, on pourrait aller plus loin. Mais onverra après 2020.

L’étape suivante est la formation de l’équipe gouverne-mentale. Qui voyez-vous comme Premier ministre ?

Il n’y en a qu’un seul possible : Elio Di Rupo. Per­sonne d’autre puisque Bart De Wever, le seul con­current, n’est présent ni dans les négociations, nine sera dans le gouvernement. Les négociationsont été possibles grâce à Charles Michel et WouterBeke mais Elio Di Rupo est l’homme miracle.C’est un peu le héros. C’est réellement un hommed’Etat, au sens premier. Il a garanti notre Etat quiva pouvoir enfin fonctionner “normalement”.

Une majorité de l’opinion publique en Flandre vous suit-elle ?

Elio Di Rupo est accepté par la population enFlandre. Il était numéro deux du dernier sondagede la VRT­De Standaard, semaine dernière. Il estbien vu, toujours aimable, poli et respectueux.Même Bart De Wever n’a personnellement riencontre lui, ce qui n’était pas le cas avant qu’ils nese rencontrent. Il y a toutefois un risque au­dessusde sa personne : sa connaissance du néerlandais. Iln’est pas capable de participer à un long débat oud’accorder spontanément une grande interview.Il faut qu’il travaille son néerlandais !

Entretien : T.Bo.

MAR

CGY

SENS

/PHO

TONE

WSLuc VAN DER KELEN

Editorialiste du quotidien flamandHet Laatste Nieuws

NICO

LASMAE

TERLINCK

/BELGA

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“Les Flamands ont reçu cequ’ils avaient demandé :davantage deresponsabilité pour lesrégions avec une autonomiefiscale accrue.”

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© S.A. IPM 2011. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.

Belgique

18 La Libre Belgique – Belgique 1,20 € – France 2 € – Luxembourg 1,20 € – Tél.: 02/744.44.44 – jeudi 13 octobre 2011 – 128e année – n° – H

Commentaire

En un mot : chapeau !Par Francis Van de Woestyne

Chapeau ! Chapeau au principal artisan de cette négocia­tion, Elio Di Rupo. On n’imagine sans doute pas l’énergie,la patience, l’écoute, la créativité dont il a dû faire preuvepour en arriver là. Car après s’être tué à chercher une is­sue positive à la crise avec Bart De Wever – alors quel’homme et son parti n’ont jamais voulu s’inscrire dansune logique d’accord négocié –, Elio Di Rupo a dû compo­ser avec des partenaires tantôt fragiles, tantôt imprévisi­bles, tantôt divisés.

Holà, on tombe dans une précoce “Eliomania” ? Non.Mais il faut reconnaître qu’il était le seul, dans un pays oùles forces centrifuges et égoïstes menacent, à pouvoir ac­complir cette synthèse politique entre le Nord et le Sud, lagauche et la droite. Soyons réalistes. L’homme a, aura sesfaiblesses. Il ne suffira qu’il soit intronisé Premier minis­tre pour que, d’un coup, il devienne bilingue, malgré lesefforts incommensurables qu’il a déjà accomplis. Maisvoilà, les langues, ce n’est pas son fort. Même s’il mani­feste un grand respect pour les Flamands, son aptitude àparler le néerlandais demeure insuffisante. Oui, c’est unefaiblesse. Mais la qualité principale d’un Premier ministren’est pas la connaissance des langues, sinon Bart De We­ver aurait été excellent dans la fonction… Un Premier mi­nistre doit avant tout avoir une vision, un projet fédéraléquilibré, une volonté de changement et de réforme, unprogramme qui a du souffle, un charisme qui permetted’entraîner le gouvernement et les citoyens. Et du respectpour l’ensemble des Belges. Elio Di Rupo a les qualités né­cessaires pour être un grand Premier ministre. Le restera­t­il longtemps ? Ça, c’est une autre histoire

Chapeau aussi aux autres. Car Elio Di Rupo n’aurait paspu réussir cette sixième réforme de l’Etat sans les repré­sentants des 8 autres partis associés à la négociation.Tous ont apporté leur savoir, leur sensibilité, leur pugna­cité afin que cette négociation, une des plus délicates del’histoire du pays, débouche sur des accords équilibrés,des accords que francophones et Flamands peuvent dé­fendre la tête haute, dans leur Communauté. Il n’y a nigagnant, ni perdant : il y a des hommes et des femmes quiont eu le courage de “oui”, “ja” alors qu’il eût été facile dese calfeutrer dans une opposition confortable.On épinglera, parmi les 8, deux hommes qui ont pris,peut­être plus que d’autres, des risques importants. Lefragile Wouter Beke tout d’abord, soumis à des vents con­traires à l’intérieur de son parti et aux vociférations,aussi violentes qu’inutiles, en provenance de la N­VA.Mais aussi, surtout peut­être, Charles Michel qui a privi­légié le sens de l’Etat par rapport à des intérêts partisans.

A court terme, le prix qu’il paye – la scission de son mou­vement – paraît élevé. À plus long terme, sa clairvoyancedevrait être récompensée. En interne, il a gagné des ga­lons. Et à l’extérieur, il est un partenaire fiable : entreCharles Michel et les autres présidents, la confiance estdésormais totale.

Chapeau encore parce que cette réforme de l’Etat est vi­tale pour le pays. Sans elle, le risque de dislocation eut étéimminent. Le voilà retardé ­soyons confiants, pas naïfs ­de quelques années. Mais ces accords, même imparfaits ­Bruxelles et la Wallonie ne sont toujours pas reliés... ­constituent un pari, celui de la confiance et du respect re­trouvés. Des hommes et des femmes, confirmés ou novi­ces, ont pu s’entendre, se respecter et accepter des com­promis. Sans cette capacité, toute coexistence pacifiqueest impossible.

Osons, cependant, une question, voire une interrogation.Aujourd’hui, tous les francophones plaident pour l’Unionnationale, à savoir la participation de tous les partisfrancophones au futur gouvernement. Il y a des raisonsobjectives : le gouvernement sera plus stable s’il peuts’appuyer sur une majorité confortable (le sort d’Ecolo etcelui de Groen ! sont liés et sans Groen ! il n’y a pas demajorité dans le groupe linguistique flamand). De plus, ilest logique que les partis qui ont négocié soient récom­pensés et participent au prochain gouvernement. Mais ily a un risque : en dehors des 3 députés FDF et du députéLibéral démocrate, l’opposition au gouvernement seraexclusivement flamande. Ce n’est pas sans danger. Deplus, aux prochaines élections fédérales, l’électeur quivoudra contester l’action du gouvernement n’aurad’autre choix que de se tourner vers un parti contesta­taire, voire extrémiste. Le pire serait que cette Union na­tionale se traduise dans les entités fédérées en une Unionrégionale : il n’y aurait alors plus d’opposition du tout.Autant fermer le Parlement ! Il ne s’agit pas ici de plaiderpour l’exclusion des verts, partenaires loyaux et cons­tructifs, mais de souligner les dangers d’une Union na­tionale trop univoque.Elio Di Rupo aura bientôt toutes les cartes en main pourréformer et redynamiser l’Etat. Il bénéficie d’une popula­rité au Nord et au Sud du pays rarement atteinte par unfutur Premier ministre. Concluons par deux souhaits.Qu’il profite bien des 100 jours de grâce dont disposechaque gouvernement à sa naissance. Car la lune de mielsera peut­être de courte durée. Et que les francophonesprofitent de ce court répis pour s’entendre sur leur avenircommun. Au cas où…

La sixième réforme de l’Etat