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Hernani Victor Hugo Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 44 établi par Armelle Vautrot-Allégret, certifiée de Lettres modernes, professeur en I.U.F.M.

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Hernani

Victor Hugo

L i v r e t p é d a g o g i q u e correspondant au livre élève n° 44

établi par Armelle Vautrot-Allégret,

certifiée de Lettres modernes, professeur en I.U.F.M.

Sommaire – 2

S O M M A I R E

A V A N T - P R O P O S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

T A B L E D E S C O R P U S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

RÉ P O N S E S A U X Q U E S T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Bilan de première lecture (p. 234) ..................................................................................................................................................................5

Acte I, scène 1 (pp. 17 à 21).............................................................................................................................................................................5 ◆ Lecture analytique de la scène (pp. 22-23).................................................................................................................................5 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 24 à 31)..................................................................................................................7

Acte I, scène 4 (pp. 56 à 57)...........................................................................................................................................................................10 ◆ Lecture analytique de la scène (pp. 58-59)...............................................................................................................................10 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 60 à 70)................................................................................................................12

Acte II, scène 3 (pp. 83 à 88)..........................................................................................................................................................................17 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 89-90)...............................................................................................................................17 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 91 à 99)................................................................................................................18

Acte IV, scène 2 (pp. 156 à 163) ....................................................................................................................................................................21 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 164-165)...........................................................................................................................21 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 166 à 173)............................................................................................................23

Acte V, scène 6 (pp. 213 à 223) .....................................................................................................................................................................26 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 224-225)...........................................................................................................................26 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 226 à 233)............................................................................................................28

C O M P L É M E N T S A U X L E C T U R E S D ’ I M A G E S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2006. 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15. www.hachette-education.com

Hernani – 3

A V A N T - P R O P O S

Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de textes, analyse d’une ou deux questions préliminaires, techniques du commentaire, de la dissertation, de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…). Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Une pièce de théâtre comme Hernani permettra d’étudier une œuvre romantique et les thèmes attendus qui y seront exploités. Il s’agira aussi de situer ce drame dans l’évolution du genre dramatique et les débats qui se sont cristallisés autour de ce texte. Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois : – motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux ; – vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture. Cette double perspective a présidé aux choix suivants : • Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleine compréhension. • Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe, notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus. • En fin d’ouvrage, le « dossier Bibliolycée » propose des études synthétiques et des tableaux qui donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de l’auteur, contexte historique, liens de l’œuvre avec son époque, genres et registres du texte… • Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (sur fond blanc), il comprend : – Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Il se compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens général de l’œuvre. – Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre : l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction du questionnaire ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte. – Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire d’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le « descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documents complémentaires. Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion.

Table des corpus – 4

T A B L E D E S C O R P U S

Corpus Composition du corpus Objet(s) d’étude et niveau(x)

Compléments aux travaux d’écriture destinés aux séries technologiques

La cachette : mise en scène d’un jeu de dupes (p. 24)

Texte A : Scène 1 de l’acte I d’Hernani de Victor Hugo (pp. 17 à 21). Texte B : Extrait de la scène 2 de l’acte III des Fourberies de Scapin de Molière (pp. 24-27). Texte C : Scène 8 de l’acte I du Mariage de Figaro de Beaumarchais (pp 27-29). Document : Le Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour (p. 29).

Le texte de théâtre (Seconde et Première) La relation maître/valet (Seconde et Première) La comédie (Seconde et Première)

Question préliminaire De quelle manière et dans quel but la cachette est-elle exploitée dans les textes du corpus ? Commentaire Vous montrerez comment la scène glisse du simple badinage à l’effervescence comique.

Le héros romantique : une âme tourmentée (p. 60)

Texte A : Scène 4 de l’acte I d’Hernani de Victor Hugo (pp. 56-57). Texte B : Extrait de la scène 3 de l’acte III de Lorenzaccio d’Alfred de Musset (pp. 60-62). Texte C : « Le Lac », extrait des Méditations poétiques d’Alphonse de Lamartine (pp 62-64). Texte D : Extrait de Le Rouge et le Noir de Stendhal (pp. 64-66). Texte E : Extrait de René de François-René de Chateaubriand (pp. 66-67). Document : Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages de Caspar David Friedrich (pp. 67-68).

Le héros romantique : un type de personnage (Première) Le romantisme : un mouvement littéraire (Première) Le monologue et les textes à dimension monologique (Seconde et Première)

Question préliminaire Comment ces différents textes exploitent-ils les caractéristiques du monologue pour cerner les thématiques romantiques ? Commentaire Vous montrerez comment la nature permet à l’âme romantique d’exprimer les conflits qui l’animent.

La main vengeresse (p. 91)

Texte A : Extrait de la scène 3 de l’acte II d’Hernani de Victor Hugo (p. 83, v. 547, à p. 86, v. 600). Texte B : Extrait de la scène 2 de l’acte I de Comme il vous plaira de William Shakespeare (pp. 91-93). Texte C : Scène 2 de l’acte II du Cid de Pierre Corneille (pp. 93-96). Texte D : Extrait de Colomba de Prosper Mérimée (pp. 96-97).

La vengeance : une thématique littéraire récurrente (Première) La vengeance : un moteur d’action en littérature (Seconde et Première) Le théâtre et la versification (Seconde et Première)

Question préliminaire Qui, dans chaque extrait, cherche à se venger de qui et pour quelles raisons ? Commentaire Vous montrerez que, pris entre l’amour et l’honneur, Rodrigue va prendre la décision qui fera de lui un héros.

La figure royale face à la mort (p. 166)

Texte A : Extrait de la scène 2 de l’acte IV d’Hernani de Victor Hugo (p. 159, v. 1493, à p. 161, v. 1564). Texte B : « Sur la mort du roi Louis XIII » de Pierre Corneille (p. 167). Texte C : Extrait de l’Inventaire-Sommaire des archives communales antérieures à 1790, département du Loir-et-Cher (p. 168). Texte D : Extrait du Roi se meurt d’Eugène Ionesco (pp. 169-170). Document : La Mort de Jules César de Vincenzo Camuccini (pp. 170-171).

La dimension tragique et spectaculaire de la mort royale (Première) La force du témoignage du texte et de l’image (Seconde et Première)

Question préliminaire La figure royale, dans chaque extrait, sort-elle grandie ou avilie de sa confrontation avec la mort ? Commentaire Vous montrerez comment l’agonie de Béranger ressemble à un pastiche de scène de tragédie tout en montrant l’impuissance de l’homme face à la mort.

Mourir d’amour (p. 226)

Texte A : Extrait de la scène 6 de l’acte V d’Hernani de Victor Hugo (p. 217, v. 2110, à p. 223, l. 2166). Texte B : Extrait de la scène 7 de l’acte V de Phèdre de Jean Racine (pp. 226-228). Texte C : « La Mort des amants », extrait des Fleurs du mal de Charles Baudelaire (pp. 228-229). Texte D : Extrait du Lys dans la vallée d’Honoré de Balzac (pp. 229-230). Document : Photographie extraite du film Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli (p. 231).

La fin tragique (Seconde et Première) Le héros tragique : un type de personnage (Première)

Question préliminaire Comment et pourquoi les personnages en arrivent-ils à mourir d’amour dans ces textes ? Commentaire Vous montrerez comment la mort des amants n’est pas seulement morbide mais sublime dans ce poème.

Hernani – 5

R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S

B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . 2 3 4 )

u Les différents lieux sont : – acte I : Saragosse (chez Doña Sol) ; – acte II : Saragosse (dans un patio du palais de Silva) ; – acte III : Saragosse (dans le château de Silva) ; – acte IV : Aix-la-Chapelle (dans le tombeau de Charlemagne) ; – acte V : Saragosse (au palais d’Aragon). v Don Carlos convoite Doña Sol. Il entre chez elle par la ruse et la force, puis il menace et soudoie la servante pour approcher Doña Sol. w Doña Sol est promise à Don Ruy Gomez, qui est de la même condition sociale qu’elle, mais elle aime Hernani, un brigand. x Hernani est le seul à ne pas être noble et, qui plus est, c’est un brigand. Don Carlos est le roi : c’est lui qui a donc le rang le plus élevé. y Hernani veut se venger de celui qui a tué son père, qui se trouve être le père de Don Carlos. U Hernani a fait savoir au roi qu’il voulait sa mort ; sa tête est donc mise à prix. Il sera funeste à Doña Sol si elle le suit car ses jours seront alors en danger. V Don Ruy Gomez est un homme d’honneur. Il ne veut pas se faire complice de Don Carlos qu’il reconnaît pour abject. En revanche, Don Ruy Gomez va demander réparation à Hernani pour lui avoir pris la femme qu’il aime. W Don Carlos prend Doña Sol en otage car il sait que Don Ruy Gomez et Hernani l’aiment. X Lorsque Don Ruy Gomez fera retentir le son d’un cor, Hernani devra se livrer à lui et mourir. at Parmi les comploteurs, les motivations sont de divers ordres : l’un ne veut pas de Don Carlos à la tête de l’Empire, un autre lui reproche d’avoir séduit sa femme et de l’avoir déshonorée, un dernier convoite quelque faveur que Don Carlos lui refuse… Les raisons demeurent essentiellement politiques, puisque Don Carlos veut être nommé empereur et que cela n’est pas du goût de tout le monde. ak Don Carlos va confondre les comploteurs dans le tombeau de Charlemagne où il vient puiser force et inspiration. al Grâce à l’empereur Don Carlos, Hernani retrouve son titre (le duc Jean d’Aragon) et ses terres. am Leurs noces sont célébrées mais ils ne consommeront pas leur mariage puisque le destin rattrape Hernani. an Le Masque vient chercher Hernani pour qu’il respecte sa promesse. On peut penser ici au Commandeur dans Dom Juan. ao Hernani doit choisir entre le poignard et le poison. Il choisit le poison. ap Doña Sol, découvrant le terrible serment et le dessein funeste de son époux, s’empare de la fiole et en boit la moitié. Elle donne le reste à Hernani pour que tous deux meurent ensemble. aq Don Ruy Gomez assiste à leur mort, impuissant puisque le poison fait son effet. Il se tue à son tour.

A c t e I , s c è n e 1 ( p p . 1 7 à 2 1 )

◆ Lecture analytique de la scène (pp. 22-23)

Une scène d’exposition soucieuse de la tradition u Nous sommes ici au premier acte (chiffré et titré) de la pièce. Le lieu scénique est précisé, de même que des éléments de décor. Les personnages sont nommés (ils nous ont été auparavant présentés dans la liste des personnages). Les didascalies en fin de scène signalent les changements de personnages et justifient ainsi le

Réponses aux questions – 6

changement de scène. Si le lieu scénique change à chaque acte, on peut déjà remarquer qu’il s’agit ici d’une émancipation vis-à-vis de la règle classique (un seul lieu pour toute l’action). Briser les unités classiques fait partie des revendications romantiques. v Les didascalies initiales informent sur l’acte, la scène, le lieu de l’action et les personnages présents, ainsi que sur la situation temporelle (la nuit), propice à l’intrigue (il fait sombre et toutes les confusions sont possibles). Les didascalies internes nous renseignent sur les locuteurs, mais aussi sur leur ton et leur gestuelle. L’échange est animé : les didascalies sont donc très utiles pour se donner une idée précise de l’action qui règne sur scène et de la manière dont chaque personnage se conduit avec l’autre (Don Carlos maltraite presque la duègne). w Don Carlos apparaît autoritaire et violent, mais très épris de Doña Sol et donc jaloux de ses intrigues amoureuses. Il n’hésite pas à maltraiter la gouvernante. De son côté, Josefa est d’abord intimidée par cet homme bourru et veut protéger les secrets de sa jeune maîtresse, mais elle reprend vite ses esprits et oublie ses scrupules lorsqu’il s’agit de gagner quelque argent. La relation entre ces deux personnages fait penser à la traditionnelle relation maître/valet de la comédie. x Doña Sol de Silva est la maîtresse de Doña Josefa et Don Carlos est manifestement épris d’elle. Elle est promise à un vieil homme, héritier des barbons de comédies : « le vieux duc de Pastraña, son oncle, un bon seigneur caduc, vénérable et jaloux ». Doña Sol a un jeune amant qu’elle reçoit le soir en cachette et qui doit se nommer Hernani, comme le montre la confusion de Doña Josefa. y Les deux personnages se prêtent à une querelle assez grotesque, d’autant que le gentilhomme finit par se cacher dans une armoire trop petite pour lui. On se sent davantage ancré dans une comédie. Cependant, la présence du poignard et l’allusion à la jalousie ne laissent rien présager de bon…

Une écriture dramatique audacieuse et novatrice U Dès les premiers mots échangés, l’alexandrin est disloqué et entrecoupé de didascalies qui rompent, un peu plus encore que le simple saut de ligne, la métrique : « Serait-ce déjà lui ? C’est bien à l’escalier / Dérobé. / Vite, ouvrons ! / Bonjour, beau cavalier. » La première réplique de Don Carlos multiplie les enjambements qui ruinent la syntaxe de syntagmes ou de phrases entières : « fiancée au vieux duc / De Pastraña » (enjambement dans le groupe nominal avant le complément du nom), « la belle adore / Un cavalier sans barbe et sans moustache encore » (enjambement entre le sujet et le COD). V Dans le cadre du cycle agonal (affrontement verbal ou physique – du grec agôn, qui exprime l’idée de combat, de lutte), la ponctuation est très importante car les répliques s’enchaînent souvent sur le type exclamatif : l’un agresse l’autre et déclenche une agression plus forte encore ou une réaction de défense : « Main-forte ! / Au feu !… Deux mots de plus, duègne, vous êtes morte ! », « Cette boîte ! / Va-t’en si tu n’en veux pas ! / Si ! ». Le système des questions-réponses fonctionne bien lui aussi, même si, dans le cas présent, l’agressivité de chaque personnage envers l’autre ne permet pas à ce système d’engager une véritable communication : « Duègne, c’est ici qu’aura lieu l’entretien ? / Oui. / Cache-moi céans ! / Vous ! / Moi. / Pourquoi ? / Pour rien. » Enfin, les répétitions de mots reflètent elles aussi l’atmosphère de conflit qui hante les échanges et semble crisper chaque interlocuteur : « Deux mots de plus, duègne, vous êtes morte ! […] / Vous m’avez défendu de dire deux mots, maître. » Le passage d’une réplique à l’autre joue aussi beaucoup ici sur les antonymes : « Pourquoi ? / Pour rien », ou encore : « Vous ? / Moi ». W Don Carlos utilise la métaphore de la sorcière à partir de l’armoire, d’abord décrite comme une « boîte » tant elle est étroite : « Serait-ce l’écurie où tu mets d’aventure / Le manche du balai qui te sert de monture ? » Cette image renvoie aux représentations traditionnelles des sorcières. Don Carlos utilise aussi l’ironie, figure même de la moquerie : « Vous êtes donc le diable ? – Oui », « Un homme ici ! / C’est une femme – est-ce pas – / Qu’attendait ta maîtresse ? ».

Hernani – 7

X Le jeu de mots des vers 8 à 10 (« Un cavalier sans barbe […] Le jeune amant sans barbe à la barbe du vieux ») insiste sur la différence d’âge entre le futur et l’amant, et l’on retrouve là une des composantes de la comédie traditionnelle (Plaute, Molière, Beaumarchais) : un vieux barbon jette son dévolu sur une jeune fille qui finit généralement par épouser un homme de son âge, grâce à des manigances qui se font sous le nez du barbon, le rendant encore plus ridicule, donc comique. at Les vêtements caractérisent chaque protagoniste et cachent, dans un premier temps, l’identité de l’intrus : le déguisement est un ressort de la comédie déjà très utilisé aux XVIIe et XVIIIe siècles. Don Carlos demande à la duègne de choisir entre la bourse (la coopération) et le poignard (le refus, donc la mort) : l’issue peut être tragique à ce moment de la scène. Le poignard ne laisse rien présager de bon. L’armoire sera la cachette, lieu encore plus étroit que celui de la chambre à coucher : la situation est comique (d’autant qu’il y a l’onomatopée « Ouf ! »), mais on peut là aussi s’attendre à une issue tragique car Don Carlos veut confondre le couple coupable d’une entrevue interdite. L’armoire, qualifiée de « boîte » par Don Carlos, fait aussi penser à un cercueil.

◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 24 à 31)

Examen des textes et de l’image u Hernani : la cachette est une armoire de la chambre de Doña Sol et c’est Don Carlos qui s’y cache pour surprendre l’arrivée du jeune amant Hernani. Scapin : le valet cache son vieux maître dans un sac, soi-disant pour le protéger de gens qui lui veulent du mal mais, en réalité, il s’agit d’un stratagème pour le battre en toute impunité. Figaro : la cachette est un fauteuil de la chambre de Suzanne, promise de Figaro. Chérubin s’y cache dans un premier temps puis le Comte le rejoint sans savoir qu’il y est. Un meuble va devoir alors cacher deux personnages ! La Tour : le jeune homme au premier plan cache des cartes derrière son dos pour tricher au jeu. v Les didascalies contribuent à animer considérablement le jeu par l’agitation qu’elles révèlent ; elles donnent aussi à voir le jeu scénique pour le lecteur car les cachettes sont à chaque fois regagnées dans la précipitation (arrivée d’un troisième personnage) et le rythme enlevé est donné par la vivacité des échanges (répliques courtes, ponctuation très expressive), mais aussi et surtout par les interruptions incessantes des didascalies : – Hernani : « examinant l’armoire », « rouvrant l’armoire », « l’examinant encore », « il s’y blottit avec peine », « dans l’armoire restée ouverte », « de l’intérieur de l’armoire »… – Scapin : « il donne plusieurs coups de bâton sur le sac », « mettant la tête hors du sac », « lui remettant la tête dans le sac », « Géronte met doucement la tête hors du sac », « Géronte sort du sac »… – Figaro : « Elle s’approche du fauteuil pour masquer Chérubin » ; « Il s’assied dans le fauteuil » ; « Suzanne lui barre le chemin ; il la pousse doucement, elle recule, et se met ainsi entre lui et le petit page ; mais, pendant que le Comte s’abaisse et prend sa place, Chérubin tourne et se jette effrayé sur le fauteuil à genoux et s’y blottit. Suzanne prend la robe qu’elle apportait, en couvre le page, et se met devant le fauteuil ». w Hernani : la gouvernante et Don Carlos sont différents par leur habit (didascalies initiales et internes, ainsi que les propos de Josefa pour la description du costume de Don Carlos) ; ordres et menaces proférés par le seigneur à l’encontre de la duègne montrent son ascendant sur elle-même. Scapin : Scapin est le serviteur de Géronte et, à ce titre, il le vouvoie et le nomme « Monsieur », alors que Géronte le tutoie et lui demande de se conduire en « serviteur zélé ». Dans ses imitations de spadassins et autres assaillants, Scapin rappelle toujours qu’il n’est que le serviteur (« Ah ! camarades, voici son valet »). Figaro : Suzanne est une domestique qui vouvoie le Comte et le nomme « Monseigneur ». On voit par ailleurs qu’elle redoute sa colère (« effrayée », « troublée »). Lui la tutoie et se permet même quelques appellatifs familiers comme « Suzon », « Suzette » ou « ma chère ». Il utilise aussi l’impératif : « Parle », « Sors », « Renvoie-le ». La Tour : la servante est debout et sert le vin, tandis que les autres personnages disputent la partie de cartes. La femme face à nous porte des perles, sa coiffure et sa tenue sont soignées mais rappellent davantage les artifices des courtisanes ; le filou qui cache des cartes est vêtu chichement. En revanche,

Réponses aux questions – 8

le jeune homme à droite, qui va probablement se faire rouler par les deux autres, est très richement vêtu et coiffé (étoffes et plumes). x Par le rythme qu’elle impose à la scène, l’intervention de la cachette et de la duperie qu’elle accompagne donne au texte un ton enlevé. Les personnages, dans leur agitation, sont comiques : ils se démènent en tous sens (voir didascalies), s’agitent et cherchent des issues verbales à la situation (vers 31-32, Josefa se persuade qu’Hernani saura bien s’en sortir seul ; Scapin contraint Géronte à rester dans le sac, alors que celui-ci cherche à en sortir ; Suzanne tente de détourner l’attention du Comte pour qu’il ne découvre pas Chérubin et devra ensuite en faire de même avec Bazile). Les situations sont elles aussi comiques : Don Carlos est ridicule de se retrouver ainsi enfermé dans une armoire par amour pour une femme ; Géronte est ridicule de se faire berner avec tant de facilité par les imitations de Scapin et son odieux stratagème ; le Comte est ridicule de se retrouver obligé de se cacher derrière un fauteuil (s’il y a bien piètre cachette, c’est celle-ci !), chez sa soubrette qu’il courtise d’ailleurs avec un acharnement peu digne d’un seigneur (« ce droit charmant ! Si tu venais en jaser sur la brune au jardin, je mettrais un tel prix à cette légère faveur »). Finalement, presque tous les types de comiques sont exploités à travers l’artifice de la cachette : comique de gestes, de paroles et de situation. y La femme est tentatrice : Doña Sol est convoitée par trois hommes différents ; Suzanne est presque l’épouse d’un homme et cependant assidûment courtisée par un autre, sans compter ses badinages avec Chérubin dans la scène qui précède notre extrait ; la courtisane du tableau joue probablement de ses charmes pour détourner l’attention du jeune homme riche qui va se faire duper au jeu. Volontairement ou non, la femme est un point central, voire la motivation essentielle de la scène de duperie. U La femme (cf. question précédente) représente la tentation charnelle et amène les hommes à commettre maintes folies. L’argent est une thématique très présente, d’abord à travers les conflits de milieux sociaux (le maître entend abuser de la soubrette, le roi veut avoir la femme qu’il désire…), mais aussi plus clairement à travers la corruption : Don Carlos propose de l’argent à Doña Josefa ; les personnages du tableau jouent pour de l’argent, et, pour deux d’entre eux, il s’agit d’extorquer en trichant une somme conséquente à un riche jeune homme. Corrélativement à l’argent, le pouvoir est associé à la scène de duperie : le Comte propose de promouvoir ou menace de disgracier Figaro (et Chérubin plus tard) ; Don Carlos exerce son autorité sur une gouvernante et entend l’exercer aussi sur quiconque lui résistera. Le jeu est, dans le tableau, le vice clairement évoqué. Il est associé à la femme et à l’argent mais aussi au vin.

Travaux d’écriture

Question préliminaire On s’appuiera sur les réponses aux questions 2 et 4. Il faudra notamment insister sur les didascalies, qui véhiculent essentiellement les informations sur les lieux et la gestuelle. On s’attachera au rôle de la cachette, mais en prenant soin de solliciter les lieux (espace intime ou non) et les accessoires qui entrent dans le jeu de duperie (le fauteuil, le sac…).

Commentaire

Remarques Les élèves doivent prendre l’habitude de partir de ce qui est le plus évident dans le texte proposé au commentaire (qui parle et de quoi ?) pour ensuite traiter la spécificité générique du texte (ici un duo de comédie avec inégalité sociale mais aussi absence d’harmonie dans les sentiments). Il leur faudra enfin toujours analyser l’extrait en envisageant son impact dans l’ensemble de l’œuvre (ici sur l’intrigue) : issue et prolongement de l’extrait, donc incidence sur l’action.

1. Une scène de badinage… unilatéral ! A. Un dialogue marqué par l’inégalité • Vouvoiement / tutoiement. • Distance des appellatifs / familiarité des appellatifs et des surnoms.

Hernani – 9

B. Glissements de champs lexicaux De la parole (« tu parlais seule […] écoute […] parle », « parle […] dis […] jaser ») aux sentiments (« petit cœur », « amour », « femme », « mari »…) pour en arriver finalement à la concupiscence. C. Les didascalies • Comment Suzanne tente de le repousser, comment le Comte insiste. • Mise en parallèle, habile mais vaine de la part de Suzanne, de son couple (« le devoir d’une femme envers son mari ») avec celui formé par le Comte et la Comtesse (« qu’il épousa par amour »).

2. Une scène de comédie digne d’un vaudeville A. Comique de situation On sait que le page est caché, qu’il y a donc un témoin de cette scène. B. Ponctuation Exacerbe les réactions de chacun (…/!/?) et crée le non-dit, notamment sur les projets charnels du Comte. C. Gestuelle et ton exacerbés eux aussi • Suzanne effarouchée en est presque peu crédible. • Le Comte ne se laisse pas rejeter de la sorte et insiste, au risque d’être ridicule. D. Irruption d’un quatrième personnage Bazile représente déjà une menace alors qu’il n’est pas encore dans la chambre – ce qui est savoureux pour le spectateur et le lecteur.

3. Quelle issue pour le(s) personnage(s) caché(s) ? A. Stratagèmes de Suzanne Stratégies verbales et gestuelles pour protéger Chérubin. B. Le fauteuil • Omniprésence du fauteuil (didascalies de début, de milieu et de fin). • Jeu scénique autour de cet accessoire (le Comte s’y assoit, tente d’y entraîner Suzanne, s’y réfugie finalement). C. Incongruité de la situation finale Le Comte lui-même en vient à se cacher, et deux personnages se retrouvent dépendants d’un simple fauteuil, tandis que Suzanne voit déjà son honneur bafoué (« Que je suis malheureuse ! »).

Conclusion Il s’agit d’une scène menée avec beaucoup de rythme, tournant autour d’un objet central : le fauteuil. Tout peut arriver : que Suzanne cède, que Chérubin soit découvert, que le déshonneur s’abatte sur la soubrette, le Comte ou le page, que d’autres personnages fassent irruption (Figaro ?), ou que Bazile serve mal les intérêts de son maître et que le Comte l’apprenne alors qu’il est caché !

Dissertation

Remarques Il faudra redéfinir le terme dramatique souvent mal employé de nos jours et qui pourtant renvoie directement au genre du théâtre (drama, « action » en grec). Cela offre deux pistes essentielles aux élèves : comment les décors et les objets font-ils partie intégrante du discours dramatique et quel rôle jouent-ils dans l’intrigue et l’évolution des personnages, en sachant qu’il peut être ici question de sources tragiques ou comiques ?

1. Comment les décors et les objets se signalent-ils dans le discours dramatique ? A. Les indications Nécessaires à la mise en scène, au jeu des acteurs, à la représentation pour le lecteur (Beaumarchais, Hugo…), les didascalies peuvent parfois remplacer le changement de scène ou d’acte (déjà chez Musset puis surtout dans le théâtre du XXe siècle, comme chez Samuel Beckett et plus tard Yasmina Reza).

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B. La forme des didascalies Un repère évident car typographique : recours aux caractères italiques et gras. C. La couleur locale et la représentation historique Costumes, décors, architecture… surtout lorsque l’action n’est pas contemporaine de l’époque d’écriture ou que le lieu n’est pas celui de l’écriture : Corneille, Beaumarchais, Hugo… D. Contextualisation des personnages et rôle sur l’atmosphère Clarté et obscurité, par exemple, intimité liée au lieu : scènes de duperie favorisées par des heures d’obscurité ou des éléments de décor qui cachent (le balcon de Cyrano, l’armoire d’Hernani, le jardin où se dénoue l’intrigue du Mariage de Figaro…).

2. Comment prennent-ils part au discours dramatique ? A. Prendre part à l’action L’objet peut simplement prendre part à l’action (une partie du costume, un déguisement, comme souvent dans les comédies du XVIIe ou du XVIIIe siècle), favoriser le quiproquo, mettre en place un usurpateur (Ruy Blas…). B. Symboliser • L’objet peut symboliser un personnage (l’épée du père ; le poignard, parfois même taché de sang, qui a tué un des personnages ; un bijou ou une étoffe qui a appartenu à un personnage…) ou même parfois aider à l’identifier (un lange brodé pour un enfant abandonné). • L’objet peut symboliser un événement, un sentiment (ce qui rappelle un duel, un combat, un mariage, une promesse d’amour…). Dans le cas d’une symbolique, il faut chercher quel rappel ou quelle anticipation permet l’objet. On peut ainsi parfois pressentir l’issue fatale ou pas d’une pièce. C. Être un enjeu L’objet peut passer d’une scène à l’autre comme un fil conducteur et devenir l’enjeu même d’une conquête (le ruban de la Comtesse que possède Chérubin, l’écharpe de Marianne dans Les Caprices…).

Conclusion L’objet et le décor sont certes des indices propres à ancrer la situation spatio-temporelle de l’intrigue et permettent souvent de mettre en place l’illusion sur scène, mais ils ont parfois une véritable vocation dramatique : ils jouent alors un rôle, à la manière d’un personnage, participant ainsi activement à l’intrigue et à son évolution.

Écriture d’invention • On attendra bien entendu le respect de l’écriture théâtrale (didascalies, identité des locuteurs, recours impeccable au discours direct, notamment à travers le système énonciatif approprié). • On attendra aussi la mise en relief des connivences : le rôle de la servante (disperser l’attention ? enivrer le jeune homme riche ?), le jeu des regards entre la courtisane et le jeune homme de dos, les réactions éventuelles du jeune homme riche (se rend-il compte qu’il est la dupe des autres ? est-il trop sûr de lui ?). Les apartés pourront dévoiler peu ou prou les intentions des tricheurs et expliqueront éventuellement le procédé de tricherie. • On saura peut-être ainsi ce que le jeune homme va perdre, combien de temps la partie aura duré… • La production devra cependant respecter le cadre de la consigne et ne pas déborder, en racontant, par exemple, un affrontement entre des personnages.

A c t e I , s c è n e 4 ( p p . 5 6 à 5 7 )

◆ Lecture analytique de la scène (pp. 58-59)

Le monologue : une nécessité dramatique ? u Don Carlos parle à Don Ruy Gomez qui ignore encore qui est Hernani ; ce dernier assiste à leur conversation. Don Carlos va protéger l’anonymat du brigand pour mieux l’avoir à sa merci (v. 376 à 379) et fait croire à Don Ruy Gomez qu’Hernani fait partie de sa suite (v. 380). Hernani assiste à la

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scène en silence ; il n’est pas dans son intérêt de se trahir pour le moment, puisqu’il veut pouvoir rencontrer à nouveau Doña Sol en cachette. v Hernani, seul en scène, reprend les termes de Don Carlos, à peine sorti de scène, et procède à un véritable jeu de mots dans ses premiers vers, mais ce jeu de mots dévie le sens des propos : « C’est quelqu’un de ma suite » (Don Carlos) / « Oui, de ta suite, ô roi ! de ta suite ! – J’en suis. / Nuit et jour, en effet, pas à pas, je te suis. » On comprend alors qu’Hernani poursuit un but précis : la vengeance ; afin d’accomplir son terrible dessein, il suit donc Don Carlos. w Ce monologue s’adresse à Don Carlos : « ô roi » (v. 381, 411, 413). Le tutoiement montre aussi que ce monologue a un destinataire, même absent. x À la scène 2, Hernani vouvoie le roi. Il ignore encore qui il est, même s’il l’a identifié immédiatement comme un seigneur (v. 186). Il n’a donc pas encore reconnu en lui celui dont il veut se venger et ce n’est qu’avec l’arrivée de Don Ruy Gomez à la scène suivante qu’Hernani comprend qu’il a à ses côtés son pire ennemi. Dès lors, il perd tout respect – ce que montre le tutoiement – et le ton change pour faire place à la haine et à la vengeance.

Un héros partagé entre haine et amour y Dans un monologue, la 1re personne sature les différents postes syntaxiques de la phrase : du pronom sujet ou complément (je/j’/me/moi) en passant par le déterminant adjectif possessif (« ma race », « mon rival »…). La 1re personne est cependant toujours mise en opposition avec la 2e personne, qui désigne Don Carlos. U Le sentiment amoureux est présent à travers l’évocation de la rivalité des deux hommes et surtout dans l’évocation de la femme aimée, Doña Sol : « te voilà donc mon rival ! », « aimer », « Mon cœur », « en l’aimant », « Mon amour ». La vengeance est cependant le sentiment qui domine ici, puisque Hernani a enfin trouvé celui qu’il cherchait pour venger son père : « Un poignard à la main » ; « haïr », « ta haine », « du côté de ma haine » ; « Ce que je veux de toi, ce n’est point faveurs vaines, / C’est l’âme de ton corps, c’est le sang de tes veines, / C’est tout ce qu’un poignard, furieux et vainqueur, / En y fouillant longtemps peut prendre au fond d’un cœur » ; « Ma vengeance ». V Après être resté « flottant », le cœur d’Hernani bascule finalement du côté de la haine, comme l’indiquent les vers 391-392 où l’hésitation est exprimée par l’image de la balance. W Cette expression signifie « faire partie de ceux qui constituent la suite du roi », c’est-à-dire ceux qui y trouvent quelque intérêt et embrassent les idées du roi pour en tirer quelque profit. La suite du roi est essentiellement composée de vils hypocrites, selon Hernani (v. 394 à 401). X Les vers 403-404 développent la proposition relative « Ce que je veux de toi » en une succession de tournures présentatives (« ce n’est point […], C’est […] ») marquées d’une gradation, puisque Hernani en arrive à évoquer clairement le meurtre (« c’est le sang de tes veines »). Le parallélisme concourt aussi à mettre en valeur la volonté d’Hernani de se venger du roi : les vers 403-404 sont découpés par des césures à l’hémistiche qui martèlent ses propos par des accents et des pauses savamment disposés par la métrique. La rime frappe aussi par sa subtilité, puisqu’on y rencontre les deux homophones « veines » / « vaines ».

Un destin tragique en marche at Les verbes de mouvement et d’action sont : suivre, aller, poursuivre, marcher, épier, écouter, chercher, presser. Par là, Hernani montre que rien ne lui fera abandonner sa soif de vengeance et qu’il ira jusqu’au bout. ak Les vers 403 à 406 sont d’abord partagés en hémistiches, puis se développent sur les vers 405-406 grâce à l’enjambement. La détermination d’Hernani semble sans faille et elle le mènera non pas à un simple meurtre mais à l’accomplissement d’une vengeance sans demi-mesure. Vers 407-408, le contre-rejet de « Ma vengeance qui veille » développe la personnification de la vengeance, notamment grâce aux verbes d’action. Vers 409-410, les alexandrins sont quelque peu ébranlés par l’impératif initial « Va ! », suivi de groupes verbaux courts, saccadés, et par la multiplication des coordinations ; Hernani semble proche de la folie tant la vengeance l’obsède et le guide.

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al Vers 405-406 : le poignard est d’abord affublé de qualités humaines (« furieux et vainqueur ») et fonctionne finalement de manière métonymique pour désigner celui qui le tient, c’est-à-dire Hernani lui-même. De plus, les verbes d’action (fouiller, prendre) ajoutent à la personnification de l’arme. am Dans les vers 407-408, la vengeance est personnifiée ; dans les vers 409-410, le pas est personnifié. À chaque fois, ces personnifications désignent de manière métonymique Hernani (son désir de vengeance, son pas). Ce sont donc d’autres manières, pour le locuteur, de parler encore de lui-même. an Les termes qui évoquent le désir de vengeance, la métrique qui semble montrer que cette vengeance va s’accomplir sans que rien puisse la stopper, la colère présente dans les propos d’Hernani et palpable notamment à travers la critique des courtisans et du roi (désormais tutoyé) nous montrent que l’issue de ce drame ne peut qu’être tragique. On pressent un inéluctable affrontement entre Hernani et le roi mais on ignore encore à ce moment s’il y aura une ou plusieurs victimes.

◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 60 à 70)

Examen des textes et de l’image u L’extrait d’Hernani est clairement un monologue, puisque le personnage est seul en scène. Dans le texte de Musset, Lorenzo n’est pas seul, puisqu’il parle à Philippe, mais sa tirade est si longue qu’elle occupe l’espace de parole à la manière d’un monologue. Comme dans les autres textes, la 1re personne domine dans cette tirade. Les personnages parlent d’eux, de leur ressenti, de leurs émotions (exprimées d’ailleurs par des termes et une ponctuation éloquents) – ce qui caractérise souvent le monologue. Dans les textes de Chateaubriand, Lamartine et Stendhal, le personnage est comme seul en scène, bien que l’on ne soit pas au théâtre. Seul le texte de Stendhal est écrit à la 3e personne, mais la focalisation interne nous permet d’avoir accès aux pensées et aux sentiments de Julien. On a affaire ici à un monologue romanesque. v Dans la prose comme dans la versification, on observe une extension des phrases qui semblent échapper à la rigueur de la syntaxe et de l’organisation du texte, comme la fuite du temps échappe à nos héros : – les enjambements dans la versification d’Hernani montrent un destin en marche dont la réalisation semble inéluctable ; de la même manière, les enjambements et autres effets de métrique (rejets et contre-rejets : « et vous, heures propices, / Suspendez votre cours ! ») allongent démesurément les phrases qui débordent ainsi le cadre des vers (« Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse / […] Que les jours de malheur ? ») ; – la prose de Chateaubriand, quant à elle, use d’artifices qui rallongent la syntaxe, comme les subordinations (« Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs ») et les coordinations abondantes ou les énumérations (« je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur »). w Le meurtre et la domination du puissant amènent le héros romantique à se dépasser. Il doit en effet dépasser sa peur, ses complexes d’infériorité sociale le cas échéant ; il doit surpasser en force ou en intelligence sa victime et donc révéler à tous sa valeur : « Ce que je veux de toi, ce n’est point de faveurs vaines », « il faut que le monde sache un peu qui je suis », « Cette méditation sur ce qui avait pu faire peur à l’homme heureux et puissant contre lequel une heure auparavant il était bouillant de colère acheva de rasséréner l’âme de Julien ». À sa manière, chaque héros défend un idéal, que ce soit un idéal chevaleresque (venger le déshonneur familial), politique (purger la Terre d’un tyran vivant dans le vice) ou social (s’imposer quand on est fils d’ouvrier au milieu des nobles). x La femme aimée raccroche le héros romantique à un idéal de pureté. Dans le cas d’Hernani, son amour pour Doña Sol le fait même un instant hésiter à accomplir sa funeste vengeance car, tuer, c’est aussi se ternir aux yeux de celle qu’il aime. Dans le texte de Lamartine, la femme aimée provoque tristesse et mélancolie par son absence et amène le poète à faire corps avec la nature pour dépasser son chagrin et le sublimer. y La nature offre un havre de paix où le héros romantique peut se laisser aller tranquillement à la divagation et à la réflexion. La nature contribue à le couper du monde en l’accueillant en son sein pour mieux recueillir ses confidences :

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– l’eau offre des métaphores filées propices à l’évocation du temps qui passe, à l’évocation de l’agitation du héros : « l’océan des âges », « coulez pour eux [il s’agit des heures propices] » ; les éléments sont personnifiés et semblent un miroir des tourments du poète : « tes riants coteaux », « le zéphir qui frémit », « le vent qui gémit », « le roseau qui soupire »… ; – l’immensité de la nature peut donner au héros le sentiment de s’élever au-dessus des hommes : Julien « se trouva debout sur un roc immense » ; « debout sur son grand rocher, regardait le ciel » ; « tout était silence autour de lui. Il voyait à ses pieds vingt lieues de pays » ; – la nature semble parfois communiquer avec le héros : « murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert », « une voix du Ciel semblait me dire ». Les oiseaux semblent être les compagnons de solitude des héros romantiques ; eux aussi dominent en volant les espaces infinis et l’homme, éternel Icare, ne peut s’empêcher de se rêver à son tour s’élevant dans les airs : « L’œil de Julien suivait machinalement l’oiseau de proie. Ses mouvements tranquilles et puissants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement » ; « souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j’aurais voulu être sur leurs ailes ». U Le héros romantique est en quête d’idéal et d’absolu. La référence aux personnages célèbres et, qui plus est, à de grands guerriers dont les exploits sont unanimement reconnus, aussi sanguinaires soient-ils, nous montre quels sont les modèles de ces héros et à quelle grande destinée ils aspirent. On peut repenser aussi à Don Carlos invoquant Charlemagne dans Hernani. V Exemples de personnifications : – Texte A : personnification de la vengeance (v. 407-408) qui devient métonymie d’Hernani lui-même. – Texte B : la Providence est personnifiée mais cela permet à Lorenzo de montrer qu’il entend bien dominer son destin. – Texte C : les personnifications apparaissent sous la forme d’apostrophes et d’impératifs adressés aux inanimés (« Ô lac ! […] Regarde ! » ; « Ô lac ! rochers muets ! […] Gardez de cette nuit […] ! »). –Texte D : « la beauté ravissante » et « la fraîcheur délicieuse » sont comme des esquisses de la femme aimée ; ce sera en effet la prochaine victoire de Julien : séduire Mme de Rênal. – Texte E : la personnification passe là aussi par l’impératif qui s’adresse à l’inanimé : « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » Dans les textes C, D et E, la nature se fait confidente et prend des caractéristiques humaines pour mieux recueillir les états d’âme du héros et accompagner sa réflexion, telle une amie bienveillante. W Autres types d’images : – la métaphore musicale sert à caractériser le cœur, siège des passions si chères aux romantiques (« Notre cœur est une lyre où il manque des cordes ») ; – la comparaison donne au paysage un aspect fantomatique qui fait penser à la brume du tableau de Friedrich (« je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés, comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues ») ; par ailleurs, l’élément maritime est une constante dans les images romantiques car la mer, tantôt calme, tantôt déchaînée, reflète bien les tourments et les passions qui agitent les héros romantiques. X Cette solitude met le héros romantique face à lui-même et face à l’immensité de la nature et du temps. Il apparaît en quelque sorte seul contre tous (les hommes, le destin, le temps…). Hernani s’adresse à un personnage absent de la scène (Don Carlos) et en évoque un autre (Doña Sol) tout aussi absent. Cela est moins frappant dans la tirade de Lorenzo, puisqu’il s’adresse à un personnage présent sur scène, mais on comprend dans ses propos qu’il est isolé, regardé et épié par ses détracteurs : « les républicains me couvrent de boue et d’infamie », « voilà assez longtemps que les oreilles me tintent ». Dans les autres textes, la solitude est psychologique mais elle se traduit aussi par un isolement physique : « Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre », « il se vit dans les bois et loin du regard des autres », « les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire ». Dans le cas de personnages comme Hernani, Lorenzo ou Julien Sorel, la solitude est d’autant plus importante qu’elle est nécessaire à l’accomplissement de projets personnels que les héros ne tiennent pas à faire partager, pour se protéger et garder toutes les chances de les voir aboutir, qu’il s’agisse d’un projet de meurtre, de vengeance ou de revanche sociale. Dans le tableau de Friedrich, l’homme se dresse, seul, face à l’immensité des éléments, de la nature nimbée de brume.

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at Les contrastes apparaissent d’abord dans les couleurs mais aussi dans les contours des différents éléments du tableau : l’homme debout, de dos, sur un rocher élevé avec lequel il semble faire corps, se détache de l’arrière-plan par sa couleur sombre et ses contours précis ; l’arrière-plan – la mer de nuages – se noie dans une brume claire et imprécise. L’homme apparaît clairement délimité face à l’immensité infinie qu’il domine pourtant par sa position (comme Julien sur son immense rocher).

Travaux d’écriture

Question préliminaire La vengeance anime Hernani qui veut par-dessus tout venger son père, mais aussi Lorenzo, déprécié par le regard des autres qui ne voient en lui qu’un adepte du vice et de la luxure sans morale ni idéal ; Julien, lui, veut se venger de sa condition sociale et va pour cela chercher à mettre le notable à sa merci. Le poète et Hernani sont mus par l’amour mais, chez Hernani, la vengeance prend le dessus. Le poète, lui, ne peut plus vivre sans voir ni entendre partout celle qu’il aime et la nature devient alors pour lui le lieu de la confidence mais aussi peut-être le linceul idéal. Il en est de même pour René, pris de « sensations fugitives » au cours de ses promenades où l’immensité le renvoie aux limites de la condition humaine et donc à sa propre mort (« attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur a demandées »).

Commentaire

Introduction Les Méditations poétiques, recueil poétique publié en 1820, regroupe 24 poèmes. Lamartine y transcrit ses états d’âme, ses impressions. Le recueil a certes des aspects classiques mais il est aussi novateur par l’évocation de la sensibilité personnelle du poète. Lamartine se souvient de la femme aimée, Julie Charles (ou Elvire). Le poète se trouve dans un lieu qui lui est cher, près d’un lac qui a été le témoin de ses amours. Il y revient cette fois sans la femme aimée, mais tout ici la lui rappelle et il prend conscience que, si le temps passe et fuit inexorablement, la nature, elle, fige certains moments en gardant notamment la trace des amours vécues. Tout concourt dans ce poème à établir la correspondance entre la nature et l’amour passé dont il ne reste plus que le souvenir, seule résistance au temps qui passe.

1. L’évocation de la nature et de la femme aimée A. Le titre Le titre du poème évoque un lieu aimé qui a été le refuge du poète et de sa compagne : l’élément aquatique, qui a la caractéristique d’être changeant comme les passions de l’âme, ne va cesser d’être évoqué et décliné suivant un champ lexical savamment disséminé au fil des strophes : « lac », « océan », « flots », « onde », « rivage », « coulez », « port », « rive », « eaux »… B. Les qualificatifs Les qualificatifs utilisés pour la nature en général et le lac en particulier évoquent le bonheur passé et prennent des caractères humains qui rappellent la femme aimée (l. 6 : « des flots chéris » ; l. 16 : « flots harmonieux »). C. L’apostrophe Le poète apostrophe (« ô » vocatif) tous les éléments de la nature (et surtout le lac) et les interpelle par le biais des impératifs (« Parlez », « Gardez », « Coulez », « Suspendez »…) pour les prendre à témoin de son bonheur passé et de son malheur présent. D. Le pronom indéfini tout Le pronom indéfini tout relaie la pluralité des éléments (« les riants coteaux », « les noirs sapins », « les rocs sauvages », « les parfums légers ») pour s’échouer tel le flot sur la rive dans l’ultime vers (« Ils ont aimé ») qui apparaît comme la concentration de tout ce qui a été dit dans le poème. Ce vers est la chute et

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l’apogée du poème : le poète constate le pouvoir des sentiments et confesse que tout ici le ramène au souvenir de la femme aimée.

2. La fuite du temps face au souvenir A. Champs lexicaux et métaphore • Associée au champ lexical aquatique, la métaphore du navigateur renforce le sentiment d’impuissance : l’homme est un marin qui navigue sur l’océan des âges et voudrait jeter l’ancre pour arrêter le temps. • Toujours présent, l’élément aquatique assure, par la métaphore « l’océan des âges », le glissement entre la nature et le temps. • Le champ lexical du temps prend le relais, notamment avec les divisions temporelles (« la nuit », « le jour », « l’aurore », « le soir », « les heures », « l’année », « moments », « l’éternité ») et la présence d’adjectifs significatifs (« l’heure fugitive », « nuit éternelle »). B. Opposition entre passé et présent • L’opposition entre le passé heureux et le présent douloureux s’articule grâce à l’alternance des temps verbaux (passé/présent) : l’imparfait insiste sur la durée des actions et le passé simple sur le caractère bref et inattendu des moments vécus ; le présent sert à l’observation générale (présent gnomique : « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ; / Il coule, et nous passons ! ») et à la réflexion. • Cette réflexion insiste sur l’impossibilité de l’homme à fixer le temps. Cette dernière est signalée par les invocations au temps : « jaloux » ; il donne puis reprend (« Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface ») ; il a un caractère inlassable, éternel. C. Rythme Le rythme alterne vivacité et longueur des phrases : l’absence de ponctuation (l’asyndète) et les phrases courtes dans les premières strophes cèdent la place aux enjambements qui rallongent, étirent les vers et miment ainsi la fuite inexorable du temps. D. Fragilité et impuissance de l’homme • La fragilité de l’homme est mise en valeur et donne une tonalité élégiaque, lyrique au poème. Le poète se plaint en apostrophant le temps et en usant de ponctuation expressive. • Les participes passés et la voix passive (strophe 1) soulignent la passivité et l’impuissance de l’homme face au temps : il est soumis au mouvement du temps. Sans doute est-ce pour cela que le poète nous invite à profiter du temps présent, à la manière du « Carpe diem » : « Hâtons-nous, jouissons ! »

Conclusion Lamartine réfléchit, dans ce poème, sur sa condition d’homme, sur sa faiblesse et son impuissance face à la fuite du temps. Il s’agit d’un appel adressé à la nature, seule capable d’aider l’homme dans sa lutte contre le temps et qui garde en son sein la trace des bonheurs d’antan.

Dissertation

Remarque Les élèves devront analyser la citation en n’excluant aucun infinitif. Victor Hugo ne veut pas dire qu’il ne faut plus penser ni aimer mais qu’il faut offrir à son art plusieurs facettes, plusieurs fonctions. On peut voir dans cette citation une synthèse de plusieurs tendances du romantisme, déjà manifeste à l’époque de la parution de William Shakespeare, alors que certains peut-être réduiraient trop promptement le romantisme à une seule tendance.

Introduction Après les réflexions d’un XVIIIe siècle éclairé et les émois de la Révolution, le XIXe siècle vient prendre possession d’esprits tourmentés par tous ces changements et ces nouvelles perspectives. L’art – la littérature surtout – va jouer un rôle déterminant : les auteurs vont illustrer à merveille ce siècle et certains vont en inciter d’autres à s’engager dans la voie des idées, tandis que d’autres vont les guider vers l’exploration des passions et de la sensibilité de l’être humain. Quelques-uns, dont Victor Hugo, vont tenter de réaliser la synthèse de ces penchants pour faire de la littérature un art total, capable de toucher et de représenter tout le monde. La tâche du penseur est effectivement rude !

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1. Les lendemains de la Révolution : le vague des passions pour une génération d’héritiers tourmentés A. Le « vague des passions » (Chateaubriand) Déjà initié par Rousseau et continué par Chateaubriand, le « vague des passions » naît de la contemplation d’une nature complice et confidente où les tourments des sentiments trouvent refuge. B. La condition de l’homme • La noblesse chahutée, le pouvoir royal renversé par le XVIIIe siècle poussent à s’interroger sur la condition de l’homme : quelle est la place de chacun et surtout quelle est l’incidence du destin sur la place que l’on va occuper ? • L’homme va devoir se définir grâce à un idéal nouveau, déjà présent dans La Nouvelle Héloïse de Rousseau puis dans le Werther de Goethe. C. Une littérature plaisante La littérature doit plaire à cette nouvelle génération, comme l’expriment Stendhal dans Racine et Shakespeare (1823-1825) et Senancour dans Oberman (1804) : l’inclination de ce nouveau siècle porte d’abord sur la sensibilité qualifiée de « charmante » par Sterne, en ce qu’elle est « source inépuisable de tout ce qu’il y a de délicieux dans nos joies et de précieux dans nos chagrins ! » D. L’expression du spleen • L’expression suprême de la sensibilité romantique est l’expression de la mélancolie, du spleen, sorte de perturbation du rapport au monde, un monde qui plus est en mouvement. • Restent deux solutions : exprimer la souffrance de la prise de conscience du néant, de l’infini, de l’inéluctable ou bien s’engager dans une lutte idéologique pour trouver sa place dans ce monde.

2. Un siècle intense que reflète une littérature engagée et désenchantée • L’Histoire va très vite montrer ses limites à l’esprit romantique : après l’enthousiasme de la Révolution, la chute de l’Empire met à mal l’exaltation d’une jeunesse qui se voulait en mouvement, comme le montre bien Musset dans Les Confessions d’un enfant du siècle. • Napoléon a marqué les esprits, et beaucoup d’auteurs, comme Stendhal et Hugo, ont vu en lui le modèle d’un destin épique, hors du commun, symbole d’énergie et de renouveau. • Déçu par la réalité, l’auteur envisage l’irrationnel comme recours contre la mélancolie, comme en témoignent les œuvres fantastiques d’Hoffmann (Contes) ou de Balzac (La Peau de chagrin). Mais c’est parfois la religion qui permet l’évasion d’un présent trop dur à supporter (Lamartine, Vigny, Sainte-Beuve).

Conclusion Héritiers de la rigueur classique et des grands bouleversements des Lumières, les romantiques synthétisent différentes aspirations et y trouvent des palliatifs à leurs déceptions et échecs contemporains. On peut se réfugier dans l’expression exaltée de l’amour ou de la souffrance, ou préférer s’engager idéologiquement. Mais le romantisme apparaît finalement comme une lutte intense d’une individualité complexe face à un monde qui ne le satisfait pas. Ce sont ces contradictions qui apparaissent dans la citation de Victor Hugo.

Écriture d’invention Il faudra veiller à ce que les élèves passent de la 3e à la 1re personne du singulier et à ce que la ponctuation soit assez expressive pour traduire les sentiments du locuteur. Les didascalies pourront permettre de restituer quelques passages descriptifs, et notamment la manière dont Julien se déplace puis occupe le milieu naturel dans lequel il évolue alors. Proposition pour commencer le monologue : « JULIEN, avançant lentement, comme gêné par la végétation qui l’entoure : Je l’ai eu ! Je ne pensais pas qu’il céderait aussi facilement… et je me demande bien pourquoi d’ailleurs. Cela est suspect. Il me faudra en trouver la raison… mais plus tard ! Je veux savourer cette victoire ! (Il s’arrête, reprend son souffle, regarde autour de lui, voit un énorme rocher sur lequel il grimpe avec agilité.) Quel calme ! Quelle sérénité ! Je peux voir tout Verrières s’étendre au loin. Que cela semble petit… insignifiant. (Sourire satisfait, poing sur la hanche.) Etc. »

Hernani – 17

A c t e I I , s c è n e 3 ( p p . 8 3 à 8 8 )

◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 89-90) Pour l’amour d’une femme bafouée u Hernani entre en scène alors que Doña Sol l’implore de venir la sauver des griffes de Don Carlos. Il est donc appelé en sauveur. La didascalie qui couronne la première réplique d’Hernani montre qu’il se sent en position de force et que la situation, même, le satisfait. Dans la scène 2 de l’acte I, Hernani rejoint Doña Sol mais ignore que Don Carlos est caché dans l’armoire. Il est donc surpris, déstabilisé, lorsque ce dernier révèle sa présence et, surtout, il ne connaît pas son identité : il ne sait donc pas que Don Carlos est celui dont il cherche à se venger. Il n’est alors pas en position de force. v Les vers 550 à 552 montrent que Don Carlos avait demandé à des complices de faire le guet. La réponse d’Hernani (v. 552 à 559) démonte l’organisation de Don Carlos, puisqu’il lui démontre qu’il a lui aussi des hommes pour le servir et même en plus grand nombre. Le rapport de force s’inverse très vite. w Don Carlos n’est pas intimidé, alors qu’il est pris en flagrant délit. Il se permet même de traiter « avec dédain » Hernani qui vient pourtant de lui apprendre qu’il n’avait pas de secours à attendre des siens. Alors qu’Hernani, dans des répliques assez longues, explique à Don Carlos toutes les raisons qu’il a de le haïr, ce dernier se contente de réponses lapidaires et méprisantes : « C’est bien » ; « fièrement » ; « Allons, vous me questionnez ! »… x Les termes et expressions qui expriment l’amour qu’Hernani porte à Doña Sol sont : « Mon amour ! » (v. 550) ; « Nous aimons tous deux la même femme » (v. 569) ; « Je n’avais qu’un désir, qu’une ardeur, qu’un besoin, / […] Plein d’amour, j’accourais » (v. 572-573). Les vers 572-573 apparaissent comme une contraction des grands élans verbaux de la scène 2 de l’acte I (v. 43-48, 50-54), et le verbe aimer et les mots de la même famille sont utilisés à maintes reprises dans cette scène aussi. Un conflit qui remonte plus loin y Hernani veut venger l’honneur de sa famille bafouée par celle de Don Carlos et son désir de vengeance est comme un moteur pour lui. Dès lors qu’il connaît l’identité du roi (ce qui n’est pas encore le cas quand il le rencontre chez Doña Sol au début de l’acte I), il n’a plus qu’une idée en tête : le tuer. Là, l’occasion est trop belle : Don Carlos est devant lui, en train d’accomplir un acte méprisable qui ne peut qu’ajouter à sa haine. U Hernani évoque à plusieurs reprises son désir de vengeance mais on peut retenir le vers 582. Dans son monologue, on retiendra le vers 384 : « Ma race en moi poursuit en toi ta race ! » V Dans les vers 568 à 570, l’anaphore « Je vous hais » permet à Hernani d’énumérer toutes les raisons qu’il a de haïr Don Carlos, et donc toutes les raisons de le tuer. Ces arguments portent sur l’affront familial, sur la rivalité autour de Doña Sol… jusqu’à la condamnation sans appel où l’anaphore est répétée : « Je vous hais, je vous hais, – oui, je te hais dans l’âme ! » W Hernani parle plus longuement que Don Carlos ; c’est lui qui domine la situation dans cette scène. Du vers 553 au vers 584, Hernani n’est guère interrompu que par de courtes répliques de Don Carlos qui constituent des interruptions quasi artificielles des propos d’Hernani. C’est l’occasion pour Hugo de déconstruire l’alexandrin (v. 571, 580, 585). Une vengeance en marche X

HERNANI DON CARLOS « Immobile, les bras toujours croisés, et ses yeux étincelants fixés sur le roi. » « Il lui saisit le bras. » « Il tire son épée. » « Hernani, sombre et pensif, tourmente quelques instants de la main la poignée de son épée, puis se retourne brusquement vers le roi, et brise la lame sur le pavé. » « Dont les yeux se rallument. » « Il ôte son manteau et le jette sur les épaules du roi. »

« Souriant avec dédain. » « Fièrement. » « Hernani recule. Don Carlos fixe des yeux d’aigle sur lui. » « Le roi se tourne à demi vers lui et le regarde avec hauteur. » « Riant, à demi, avec dédain. » « Le roi s’enveloppe du manteau. » « Il sort. »

Réponses aux questions – 18

Hernani est beaucoup plus mobile que Don Carlos ; on sent toute la fougue du jeune héros romantique. Don Carlos essaie, quant à lui, d’en imposer avec le dédain et le mépris ; c’est là son arme. at Don Carlos vouvoie Hernani. Hernani, quant à lui, le vouvoie d’abord puis se met à le tutoyer à partir du vers 570 – ce qui marque une évolution dans la haine qu’il ressent et exprime pour cet homme. Généralement, le maître tutoie le valet – ce qui marque le statut social et hiérarchique. Ici, le rapport de force s’inverse, puisque le brigand va tutoyer le roi. ak

POUR DÉSIGNER HERNANI POUR DÉSIGNER DON CARLOS « Seigneur bandit » (v. 559) « Compagnon » (v. 588) « Monsieur » (v. 602) « Mon maître » (v. 605)

« Seigneur roi de Castille » (v. 558) « Don Carlos » (v. 577) « Seigneur » (v. 585) « Monsieur » (v. 627)

Au fil des répliques, les protagonistes perdent toute civilité l’un envers l’autre ; la barrière sociale est peu à peu gommée par le rapport de force, puisque tous deux finissent par se donner le même appellatif (« Monsieur »). al Le champ lexical du combat est très présent : « épée », « querelle », « affront », « mourir », « assiège », « ennemis », « frappe », « vengeance », « défends-toi », « frappez », « duel », « ta dague », « assassinez-moi », « sang », « meurtres », « victimes », « poignards », « crime », « complots »… Le duel et l’assassinat sont deux options qui s’opposent : Hernani voudrait l’emporter loyalement et avec honneur contre Don Carlos, puisqu’il s’agit pour lui de venger les siens. Don Carlos refuse le duel car il veut que le brigand se compromette afin d’être pourchassé et puni comme un vulgaire assassin.

◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 91 à 99)

Examen des textes u Transmission de la haine : – Texte A : Hernani veut venger son père bafoué par le père du roi (v. 567). – Texte B : le duc Frédérick déteste Orlando parce que c’est le fils du chevalier Roland de Boys qu’il déteste ; Orlando va haïr le duc Frédérick dès lors que celui-ci lui avouera la haine qu’il éprouve pour son propre père. – Texte C : Rodrigue veut venger son père, Don Diègue, qui a été offensé par le Comte. – Texte D : Colomba veut que son frère venge la mort de leur père assassiné par une famille rivale. v Termes exprimant la haine et la vengeance : – Texte A : « je vous hais », « ma haine », « vengeance », « duel », « assassinat »… – Texte B : « mon ennemi », « façons rudes et jalouses »… – Texte C : « venge », « vaincre », « honneur »… – Texte D : « mort », « taches de sang », « frappé », « tu le vengeras », « sang »… Ces termes appartiennent aux champs lexicaux de l’honneur, de la mort et du meurtre. w Dans ces trois textes, il s’agit pour le fils de venger son père, même si, dans le texte D, c’est Colomba qui pousse son frère à la vengeance. Dans ce cas d’ailleurs, il est plutôt question d’une coutume corse. Dans le cas de Rodrigue et d’Hernani, on retrouve des valeurs chevaleresques. x Dans les textes A, B et C, les héros sont de jeunes hommes qui ne se sont pas encore réellement illustrés par des exploits. Hernani est certes un brigand, mais s’attaquer à la personne du roi n’est pas un projet modeste. Orlando, quant à lui, va se faire connaître en affrontant le lutteur et Rodrigue n’a pas encore brillé par les armes, comme le lui rappelle le Comte, alors qu’il s’apprête à venger son père en affrontant un combattant expérimenté.

Hernani – 19

y Manière dont les femmes sont mêlées aux histoires de vengeance : – Texte A : Doña Sol est une motivation supplémentaire de vengeance car Don Carlos a bafoué son honneur en voulant l’enlever. – Texte B : les jeunes femmes Rosalinde et Célia tombent sous le charme du jeune Orlando avant même qu’il ait vaincu. Son exploit ne fait que renforcer à leurs yeux son pouvoir de séduction. – Texte C : Chimène est la fille du Comte que Rodrigue s’apprête à affronter ; il va vite comprendre que tuer le père signifie perdre la fille, alors qu’ils étaient sur le point de se marier. – Texte D : point de femme aimée ici mais une sœur, Colomba, qui ne pense qu’à venger la mort de son père et qui va rappeler cette tradition à son frère. U Rôle des objets : – Texte A : la dague, l’épée sont les armes évoquées par les personnages. Elles prolongent la main du meurtrier et représentent l’esprit de vengeance et de violence. Le manteau est déjà évoqué dans l’acte I ; ici, il passe d’un personnage à l’autre, de la même manière que le rapport de force s’inverse entre Don Carlos et Hernani. – Texte B : Rosalinde donne au jeune héros une chaîne, comme les dames nobles faisaient porter leurs couleurs aux chevaliers médiévaux ; c’est un symbole d’union et de promesse entre les deux jeunes gens. – Texte D : Colomba a conservé la chemise tachée du sang de son père, ainsi que les balles qui ont servi à l’assassiner. Ces objets rappellent le meurtre et servent de passage de témoin entre une génération et l’autre, par la main féminine.

Travaux d’écriture

Question préliminaire Il s’agit de montrer ici que la vengeance traverse les générations et que souvent le fils se doit de défendre l’honneur du père, même si cela doit faire de lui un criminel. Le meurtre répond généralement au meurtre mais la vengeance se contente parfois de pousser un homme à en bannir un autre (texte B).

Commentaire

Introduction Cette scène est pour Rodrigue le moment du dilemme : il est sur le point d’épouser Chimène mais son père a été offensé d’un soufflet par le Comte, le père de Chimène. Dans la scène qui précède notre extrait, Don Diègue demande à son fils de le venger lors d’un duel. Le jeune homme sait qu’en tuant le Comte, il perd l’amour de sa promise. Mais l’honneur est plus fort que tout et Rodrigue ne peut se dérober à son devoir.

1. Un cruel dilemme : entre amour et vengeance • Rodrigue réclame réparation pour l’offense faite à son père : l’échange de stichomythies initial rappelle les faits et place immédiatement le dialogue sous le signe agonal. • À la fougue de Rodrigue répondent le calme et l’expérience du Comte : les répliques s’allongent lorsque le Comte essaie de lui faire entendre raison en évoquant Chimène (« Mon âme avec plaisir te destinait ma fille ») et leur mariage prochain (« voulant pour gendre un cavalier parfait »). • Très vite, les champs lexicaux de l’affrontement et de l’amour s’entremêlent, révélant le dilemme qui se pose à Rodrigue. Dans le même temps, les arguments des deux hommes opposent honneur et amour.

2. Rodrigue ou la naissance d’un héros • Malgré toute la rhétorique déployée par le Comte, Rodrigue choisit de venger l’honneur de son père : en effet, le Comte essaie d’abord de le faire fléchir en évoquant Chimène, puis il évoque sa jeunesse et son manque d’expérience dans le combat, avant de déclarer que le tuer ne lui attirerait finalement aucun mérite (« On te croirait toujours abattu sans effort ; / Et j’aurais seulement le regret de ta mort »).

Réponses aux questions – 20

• À plusieurs reprises, Rodrigue sollicite le présent intemporel pour montrer que sa détermination est sans faille : « aux âmes bien nées, / La valeur n’attend point le nombre des années » ; « Mes pareils à deux fois ne se font point connaître, / Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître » ; « À qui venge son père, il n’est rien impossible » ; « Qui m’ose ôter l’honneur craint de m’ôter la vie ? ». La scène est fermée sur elle-même et fonctionne presque comme un piège : aux stichomythies initiales répondent celles de la fin, sollicitant l’impératif et précipitant la chute du Comte.

Conclusion Étape initiatique, cet affrontement est celui qui « fait grandir » Rodrigue tout en précipitant sa perte, en ce qui concerne son projet de mariage avec Chimène. Le personnage du héros naît ici et ne fera que se confirmer avec ses exploits guerriers. La destinée du Cid est en marche.

Dissertation

1. Récurrence et persistance des genres A. Les modèles antiques • Des amours contrariées aux affrontements entre maîtres et valets, tout était déjà mis en scène (Molière et Marivaux y ont puisé beaucoup de leurs personnages). • Tragédie et comédie coexistaient chez les Grecs comme chez les Latins (Sophocle, Térence, Plaute…). B. La mythologie Une source d’inspiration surtout pour le théâtre (Antigone : version antique, versions modernes). C. Le genre épique • Un genre qui traverse la prose et la poésie, d’Homère à Cervantès… • S’il est vrai que certains genres dominent suivant les siècles, ils ont tous traversé les époques et sont hérités de l’Antiquité. Ils reviennent cycliquement, suivant les partis pris idéologiques des auteurs et les thématiques à la mode.

2. Des thématiques inépuisables qui n’empêchent pas le renouvellement A. L’amour se décline sous toutes les formes De l’amour heureux (poésie du XVIe siècle, comédies) à l’amour malheureux (héroïnes balzaciennes, héros de tragédies…), en passant par l’amour funeste (dans la poésie lyrique, la tragédie…). B. Le temps Il est au centre des préoccupations de l’homme, depuis le « Carpe diem » latin jusqu’à « L’Horloge » baudelairienne et même le théâtre du XXe siècle. C. La condition humaine Elle est d’ailleurs le corollaire de la fuite du temps (on pense à Montaigne, à Pascal), mais elle est aussi la préoccupation majeure après les guerres et autres affrontements politiques et religieux, d’Agrippa d’Aubigné à Camus.

Conclusion La littérature s’articule autour des mêmes thématiques qui, elles-mêmes, conditionnent des genres plus ou moins courus suivant les siècles et les tendances. Si les genres se renouvellent et les thématiques connaissent des évolutions liées à l’Histoire, on peut cependant parler d’un « éternel recommencement » en littérature, l’être humain restant soumis aux mêmes hésitations.

Écriture d’invention Proposition de début de dialogue : « ROSALINDE, émue, les yeux dans le vague. J’en tremble encore. Ce bel Orlando a touché mon âme…

et mon cœur ! (Elle se tourne avec précipitation vers Célia.) CÉLIA, la regardant, le poing sur la hanche et fronçant les sourcils. Ne vous réjouissez pas trop, ma

cousine… vous avez compris que votre père ne voulait plus entendre parler de lui du fait de sa lignée. Je ne crois pas que vous ayez la moindre chance… (Prenant un air mutin.) Moi, en revanche…

Hernani – 21

ROSALINDE. Tu exagères, cousine. Son cœur est si noble que rien ne l’effraierait, pas même les menaces d’un père. Il est si valeureux, si courageux, si fort, si…

CÉLIA, levant les yeux aux ciel. Na na na na… Téméraire, oui ; mais je suis certaine qu’il tient à la vie. (Devenant plus grave.) Et votre père n’est pas du genre à plaisanter, chère cousine !

ROSALINDE, comme exaltée. Oui, mais, pour lui, je me ferai fuyarde ! Pour lui, je braverai toutes les colères du monde ! Rien ne nous arrêtera !

Etc. »

A c t e I V , s c è n e 2 ( p p . 1 5 6 à 1 6 3 )

◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 164-165) Divagations d’un mégalomane u Beaucoup de termes renvoient au pouvoir politique : « prince », « empereur », « roi », « loi », « titre », « Empire », « États », « rois », « les maisons féodales », « Margraves », « cardinaux », « doges », « ducs à fleurons », « chefs de clans », « hauts barons », « soldats », « trônes », « gouverner », « majestés ». À plusieurs reprises, Don Carlos répète la tournure « avoir été » (v. 1495, 1496 deux fois, 1499) pour insister sur les « états de service » de Charlemagne et la déchéance que représente à ses yeux cette simple tombe, emblème du statut de mortel d’un grand homme. À ce passé s’oppose la répétition du verbe être (v. 1516, 1556). v Images évoquant la verticalité et, à travers elles, la grandeur de celui qui domine : « Géant, pour piédestal avoir eu l’Allemagne ! » (v. 1497) ; « Élevez, bâtissez » (v. 1503) ; « Taillez à larges pans un édifice immense ! » (v. 1505) ; « des cités, des tours, un vaste essaim, / De hauts clochers d’église à sonner le tocsin » (v. 1527-1528) ; « La pyramide énorme appuyée aux deux pôles » (v. 1530) ; « Monter […] À ce faîte » (v. 1545-1546). Ces images sont puisées dans l’architecture. Le roi est comme un édifice immense au pied duquel s’étend le peuple. Il domine de sa hauteur. w Métaphores filées : – « Flots vivants, qui, toujours l’étreignant de leurs plis, / La balancent, branlante, à leur vaste roulis » (v. 1531-1532) ; – « Ah ! le peuple ! – océan ! – onde sans cesse émue ! / Où l’on ne jette rien sans que tout ne remue ! / Vague qui broie un trône et qui berce un tombeau ! » (v. 1537 à 1539). x On identifie une énumération qui va sous forme de dégradation, du plus haut au plus bas de la société. Le roi est celui qui domine tout cela. y Termes et expressions renvoyant au bruit des hommes : « Couvrez la terre entière / De bruit et de tumulte » (v. 1502-1503) ; « Un grand bruit ; pleurs et cris, parfois un rire amer, / Plainte qui, réveillant la terre qui s’effare, / À travers tant d’échos, nous arrive fanfare » (v. 1524 à 1526). On peut relever les allitérations en [r] et en [k] qui renvoient au grondement de la foule mais aussi aux cris (de révolte ? de souffrance ?) face au tyran. Prise de conscience de la condition de mortel U Avoir été (à plusieurs reprises) et avoir eu sont des infinitifs passés qui expriment ce qui n’est plus, en opposition à l’ensemble de l’extrait au présent (infinitif et indicatif). V La mort est évoquée à travers « cette tombe », « la poussière », « cette pierre », « le dernier terme », « un tombeau », « grands vaisseaux naufragés », « du fond de ce tombeau ». La tombe matérialise la mort mais la métaphore maritime ajoute quelque poésie à cette évocation. W Ces termes expriment le mouvement, l’agitation : « bruit », « tumulte », « foule », « un grand bruit », « pleurs et cris », « flots vivants », « balancent », « branlante », « font tout changer de place », « chanceler », « tout remue », « berce », « flux et reflux roule », « tressaillir », « sentant vivre, sourdre et palpiter la terre ». Les hommes, et même les puissants, ne font que s’agiter en tous sens pour poursuivre leur rêve de gloire ou pour lutter contre le pouvoir d’un tyran. Tous se débattent à leur manière dans leur vie.

Réponses aux questions – 22

X Exemples de ponctuations expressives (en rouge) : « – Gouverner tout cela ! – Monter, si l’on vous nomme, À ce faîte ! Y monter, sachant qu’on n’est qu’un homme ! Avoir l’abîme là !… – Pourvu qu’en ce moment Il n’aille pas me prendre un éblouissement ! Oh ! d’États et de rois mouvante pyramide, Ton faîte est bien étroit ! Malheur au pied timide ! À qui me retiendrais-je ? […] – Puis, quand j’aurai ce globe entre mes mains, qu’en faire ? Le pourrai-je porter seulement ? Qu’ai-je en moi ? Être empereur, mon Dieu ! j’avais trop d’être roi ! Certe, il n’est qu’un mortel de race peu commune Dont puisse s’élargir l’âme avec la fortune. Mais, moi ! qui me fera grand ? qui sera ma loi ? Qui me conseillera ? » La ponctuation expressive est particulièrement utilisée au théâtre, puisque l’on a affaire à du discours direct ; elle est à même de rendre les propos plus éloquents, que ce soit par les points d’exclamation, d’interrogation ou de suspension. Les hésitations, les angoisses, les colères, l’exaltation sont marquées ici dans le monologue de Don Carlos. Les interrogations sont rhétoriques car ce dernier n’attend pas de réponse d’un mort. Des interjections, des phrases verbales viennent ajouter à la valeur expressive des propos. at On repère un rejet du vers 1499 sur le vers 1500 qui prolonge l’énumération dans la comparaison de supériorité et aboutit à une comparaison mégalomane : « aussi grand que le monde ». Le second hémistiche est séparé du premier par une ponctuation expressive (points de suspension) et constitue une figure de rétention par rapport à ce qui a été développé avant « et que tout tienne là ». L’homme, aussi brillant soit-il, termine son parcours dans un tombeau. Don Carlos fait la triste expérience de la condition humaine. L’invocation à Charlemagne ak Don Carlos évoque d’abord Charlemagne à la 3e personne (« la sienne », « est-il donc si peu »…), puis il glisse subtilement vers sa propre destinée par le truchement du pronom indéfini « on » et du pronom pluriel « vous ». Le « je » apparaît à partir du vers 1510, mais, comme pour ne pas regarder son destin en face, Don Carlos revient à des propos plus généraux et évoque l’immensité des hommes et leur triste condition. Le retour de la ponctuation expressive, et notamment des interrogations oratoires, marque aussi le retour de la 1re personne (à partir du vers 1551). al Indices grammaticaux évoquant Charlemagne : – pronoms : « la sienne », « on », « toi » ; – adjectifs déterminants : « votre empire », « nos deux majestés » ; – noms communs, qui renvoient au statut social et politique, et noms propres : « l’épée », « la loi » ; « prince », « empereur », « roi » ; « César », « Charlemagne » ; – comparaisons avec Annibal, Attila ; – verbes à l’impératif, d’abord au pluriel (« élevez », « bâtissez ») puis au singulier (« Prends », « Verse-moi »). am Le mode impératif et les phrases exclamatives et interrogatives sont les plus utilisés dans l’invocation de Don Carlos à Charlemagne. an Attila, César, Annibal sont cités par Don Carlos : ce sont des références en matière de conquêtes et d’exploits guerriers. Don Carlos se place sous l’obédience des plus grands, pour valoriser son statut après avoir valorisé celui de Charlemagne. ao Victor Hugo a sans doute voulu faire dire à son personnage que la puissance ne se construisait qu’au détriment des plus faibles, qu’il s’agisse de les mépriser ou de les anéantir. Mais, malgré cette puissance, un homme reste un homme, dont la mort constitue le terme quoi qu’il arrive.

Hernani – 23

◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 166 à 173)

Examen des textes et de l’image u Expression de la grandeur de la figure royale : – Texte A : images de verticalité qui tendent à montrer que le roi est au-dessus de l’ensemble des hommes ; champ lexical du pouvoir. – Texte B : « monarque sans vice », « le plus juste des rois », « vainqueur de toutes parts ». – Texte C : « Il a été pendant sa vie si absolu qu’il a passé par-dessus toutes les lois pour faire sa volonté », « tant le roi était puissant et absolu ». – Texte D : la tirade de Béranger montre qu’il veut que rien ne se fasse sans lui, que rien n’existe plus que sa mémoire, son souvenir (répétition de la tournure au subjonctif « Que… »). – Document : bien que mis à mort, César ne baisse pas la tête ; il affronte le regard de ses meurtriers. v La figure royale, seule contre ou au-dessus de tous : – Texte A : à la singularité du puissant s’oppose la pluralité des autres, la foule, le peuple, le monde. – Texte B : « Dont la seule bonté déplut aux bons François », « Son règne fut pourtant celui de l’injustice » ; l’auteur nous montre que Louis XIII, même s’il n’était pas un mauvais roi, n’était pas soutenu par son peuple à cause de son affection pour Richelieu. Cela suffit à le faire entrer en disgrâce pour l’ensemble des Français (utilisation du pluriel qui s’oppose au singulier du roi). – Texte C : « peu regretté de tout son royaume », c’est-à-dire de « tous ses sujets », accablés d’impôts et de taxes ; le prédéterminant « tout » exprime bien la pluralité des opposants au roi. – Document : César est le seul personnage avachi sur ce tableau ; il subit les assauts simultanés de plusieurs complices armés ; et même si sa statue domine la situation, l’empereur, lui, est soumis à la cruauté des autres. w Opposition entre le texte B et le texte C : – Texte B : l’auteur fait l’éloge d’un roi bon mais incompris et injustement traité par ses sujets ; tout est fait pour inspirer de le pitié au lecteur (voir la dernière strophe). – Texte C : l’auteur ne cherche aucunement à faire regretter le défunt roi ; au contraire, il dresse un bilan désastreux de son règne et se range aux côtés de tous ceux qui ne vont pas le regretter. x Rapport à la loi et à la justice de chaque figure royale : – Texte A : Don Carlos respecte en Charlemagne celui qui a été « l’épée » et « la loi » ; cela ne signifie pourtant pas qu’il entende régner dans la justice, puisque les images concourent à montrer que Don Carlos est arriviste, qu’il entend déjouer les complots et régner en maître absolu, toujours en quête d’un titre plus honorifique encore. – Texte B : Louis XIII ne semblait pas animé par le vice mais il était influencé et donc mal conseillé par Richelieu (« Son règne fut pourtant celui de l’injustice »). – Texte C : « il a passé par-dessus toutes les lois pour faire sa volonté » et tous ont été opprimés, du plus démuni au plus riche (princes et nobles y compris). – Texte D : Béranger veut remplacer la religion, la culture, l’Histoire même. C’est un comportement tyrannique. Il semble prêt à promulguer des lois absurdes, voire abjectes, avant de mourir, pour satisfaire sa mégalomanie et sa peur de la mort. y Évocation ou représentation du corps du mort et de sa sépulture : – Texte A : la pierre, la tombe, le tombeau recueillent la dépouille de Charlemagne ; Don Carlos vit cela comme un revers cuisant du destin, mais il voue respect et adoration à cette tombe. – Texte B : « Sous ce marbre repose un monarque sans vice » ; la tombe est forcément faite d’une matière précieuse, puisqu’il est question de la dépouille d’un roi. – Texte C : la personne du roi n’est évoquée que de manière négative (il a ruiné la France, mené des guerres sanguinaires…), et le texte se contente de donner des informations sur la mort du roi (date) et le lieu où fut transporté le corps pour l’oraison. – Texte D : « ils vont bouffer, ils vont danser sur ma tombe » ; Béranger voit sa tombe comme une source d’humiliation ; il n’imagine pas sa dépouille être foulée, souillée ; il préférerait que son corps soit conservé « intact dans un palais sur un trône » et il énumère des souhaits plus que fantaisistes (« que des vierges se roulent à mes pieds refroidis ») ; Béranger n’accepte pas la mort, il ne veut ni être enterré ni être embaumé… il veut rester vivant !

Réponses aux questions – 24

– Document : César, blessé, est déjà en train de fléchir ; il se rapproche un peu plus du sol, de la pierre qui accueillera son corps. U Relevé des phrases non verbales : – Texte A : « Oh ! Quel destin ! » ; « Quoi donc ! » ; « Quoi ! » ; « Ô démence ! » ; « Cette pierre ! » ; « Et du titre et du nom triomphants ? » ; « Oh ! L’Empire ! l’Empire ! » ; « Ô ciel ! » ; « Les hommes ! » ; « Ah ! le peuple ! – océan ! – onde sans cesse émue ! » ; « Malheur au pied timide ! » ; « Mon Dieu ! » ; « Mais moi ! ». – Texte D : « Sans moi, sans moi » ; « Mon image dans tous les ministères, dans les bureaux de toutes les sous-préfectures, chez les contrôleurs fiscaux, dans les hôpitaux » ; « Un seul nom de famille, un seul nom de famille pour tout le monde » ; « Horreur ! ». Les phrases non verbales expriment l’angoisse existentielle de Don Carlos et de Béranger, qui sont terrorisés face à ce qui les attend. Le pouvoir et la mort forment une combinaison fortement anxiogène. V Dans le texte C, il s’agit de donner des informations d’abord rigoureuses (date et lieu du décès puis de l’oraison) et ensuite de ne surtout pas louer la personne du défunt, puisqu’il a pillé la France. La ponctuation est donc peu expressive et les phrases sont longues. Dans les autres textes, les exclamatives accompagnent interjections et phrases non verbales (textes A et D, voir question ci-dessus), mais aussi les marques d’indignation et les injonctions démentes de Béranger (« Que toutes les fenêtres éclairées aient la couleur de mes yeux, que les fleuves dessinent dans les plaines le profil de mon visage ! »). Les interrogations sont surtout oratoires : invocation de Don Carlos ; « Jamais de tels malheurs furent-ils entendus ? » (texte B). La ponctuation expressive apporte une réelle force pathétique aux textes. W Énumérations : – Texte A : énumération de tous les humains que domine le roi (v. 1519 à 1521). – Texte B : « l’ambition, l’orgueil, l’audace, l’avarice » (énumération de défauts, voire de vices qui normalement ne feraient pas un bon roi, mais on comprend ici que c’est Richelieu qui est visé). – Texte C : énumération de tous ceux qui ont été opprimés par le roi – ce qui contribue à en construire une image des plus dépréciatives (« Les princes et la noblesse […]. Les parlements n’avaient […]. Le clergé […]. Tous les corps […] »). – Texte D : le roi est en plein délire et chacune de ses répliques n’est en fait qu’une longue énumération de souhaits (« que » + subjonctif), mais on peut aussi relever « Je veux qu’on me garde dans des bras chauds, dans des bras frais, dans des bras tendres, dans des bras fermes ».

Travaux d’écriture

Question préliminaire Panique ou noblesse face à la mort : les puissants ne peuvent masquer leur angoisse quant à ce qui leur arrive et cela se ressent dans les champs lexicaux, la ponctuation, la thématique de la mort liée à celle du pouvoir. Le César de Camuccini affronte du regard ses assaillants, donc la mort. Suivant le prestige dont jouissait le défunt monarque, les propos sont plus ou moins élogieux : personne manifestement ne regrettera la disparition de Louis XIV ; celle de Louis XIII provoquera des réactions mitigées ; Charlemagne est un monarque regretté par Don Carlos en tout cas et il s’est illustré par un règne riche et florissant. En ce qui concerne le roi de Ionesco, sa position est ambiguë : il n’accepte pas la mort mais son entourage ne lui est pas d’un grand secours car on lui propose d’abord de l’embaumer puis on lui dit qu’il revivra peut-être. La confusion règne dans les esprits car, sans le roi, tout bascule.

Commentaire

Introduction Cette scène ressemble à un pastiche de scène de tragédie ; on croirait voir une mort d’opéra, où le héros, atteint d’un mal terrible, meurt après des vocalises à n’en plus finir ! Cependant, la mort du roi

Hernani – 25

soulève des questions existentielles sur la place de l’homme dans le monde et ce qu’il laisse derrière lui.

1. Un pastiche de scène de tragédie A. Dimension monologique de la tirade • Saturation des différents postes syntaxiques par la 1re personne (moi, je, mon, mes…). • La parole du roi prime sur celles des autres personnages (Marie, Juliette, Marguerite, le médecin). B. Des personnages royaux, semble-t-il On retrouve une problématique familiale traditionnelle (héritières, épouses) – même si ici les personnages sont nommés et non appelés par leur rang – et un entourage traditionnel de tragédie mais aussi de comédie (le garde / le médecin) – ce qui place d’emblée la scène dans un entre-deux-genres. C. Un ton pathétique • Le ton est pathétique grâce à la ponctuation expressive et surtout grâce aux phrases au subjonctif, mêlant ordres et souhaits. • Ces phrases sont celles d’un homme désespéré, prêt à n’importe quelle aberration pour laisser une trace. D. Le mélange des niveaux de langue nous éloigne de la piste tragique (« bouffer ») Au fil des répliques, le roi semble régresser, comme infantilisé par son angoisse de la mort et l’attitude de ceux qui l’entourent, au point de ne plus réclamer que des bras accueillants.

2. Des questions fondamentales sur la place de l’homme dans le monde A. Seul La 1re personne s’oppose à un tout à la fois indéfini (« on ») et nommé (« tous les manuels », « tous les autres rois »…), relayé par les formes plurielles des groupes nominaux et pronominaux (« ils », « tous ») : le roi est seul devant la mort et devant la Terre entière. B. Dans son quotidien Le pathétique prend forme d’exagération quand on étudie de plus près les thématiques contenues dans les phrases au subjonctif : les thèmes énumérés sont prosaïques et appartiennent au quotidien de tout homme (l’école, les places publiques, les préfectures, la religion…), comme cela s’est beaucoup rencontré dans la littérature d’après-guerre. C. Aux allures dictatoriales • Le roi, dans son délire mégalomane, prend des allures de dictateur qui rappellent le film de Chaplin : le discours se fait politique et idéologique ici. • Le roi aspire à une forme d’éternité qui rappelle les pharaons, les empereurs, mais sommeille en lui l’être humain qui réclame en dernier réconfort les bras, maternels probablement.

Conclusion On retrouve chez Ionesco des angoisses existentielles exprimées par d’autres écrivains tels que Camus ou Beckett, mais, ici, les angoisses prennent la forme d’un pastiche de tragédie et se teintent d’un arrière-plan historique indéniable.

Dissertation

1. Tout est-il prétexte à littérature ? A. Parler d’amour Des blasons et récits médiévaux aux poèmes enflammés d’Apollinaire en passant par les sonnets du XVIe siècle… B. Évoquer sa terre natale, exprimer sa nostalgie ou décrire le paysage urbain Sonnets de Du Bellay, écrits de la négritude, poésie sur le monde moderne (Émile Verhaeren, Les Villes tentaculaires)… C. Exprimer des idéologies, des idées philosophiques Rabelais, Montaigne, la critique du XVIIIe siècle par les philosophes ou certains dramaturges, Victor Hugo et le mouvement romantique, les écrivains de l’entre-deux-guerres…

Réponses aux questions – 26

2. La littérature est-elle capable de dire l’indicible ? A. Recourir à l’écrit quand les mots ne peuvent être dits Cas des déclarations d’amour ou des propositions indécentes (lettre de Cyrano à Roxane), des propos érotiques (lettres échangées par Sand et Musset). B. Utiliser la littérature pour raconter l’horreur Récits de guerres (les poètes de la Résistance), de génocides (Primo Levi)… C. Exprimer les désirs les plus répréhensibles, dévoiler les faces humaines les plus sombres Écrits sadiques, antisémites, portraits de personnages cruels comme chez Faulkner…

Conclusion Il semble que la littérature soit capable de tout exprimer, bien que la censure, à certaines périodes de l’Histoire, s’évertue à canaliser les idées qu’elle véhicule. Il en est de même de tous les arts : quand Mozart montre un comte ridiculisé par les ruses d’un petit page ou d’un valet, quand Wagner exalte la force du héros…

Écriture d’invention Proposition de début de corrigé : « CÉSAR, se débattant, cherchant des yeux celui qui l’a frappé dans cette assemblée. Qui ? Qui a fait cela ?

Que vous arrive-t-il ? TOUS LES CONSPIRATEURS, d’une même voix. À mort ! Tuons l’empereur ! LES PERSONNAGES ASSISTANT À LA SCÈNE. Ahhhhh ! Cessez ! Cessez ! (Et d’autres, un peu plus loin :)

À mort ! À mort ! CÉSAR, se protégeant le visage d’un bras, implorant Brutus du regard. Toi, mon fils, ne les laisse pas faire…

(Regardant le poignard qu’il brandit vers lui, les yeux écarquillés.) Non, pas toi !!! Pas toi, Brutus, mon fils !

Etc. »

A c t e V , s c è n e 6 ( p p . 2 1 3 à 2 2 3 )

◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 224-225)

Respecter sa parole : une question d’honneur u Termes employés pour évoquer le pacte et son code d’honneur : – évocation du « serment » et du défunt père qui va en vouloir à son fils de manquer ainsi d’honneur (v. 2117-2118) ; – « faussaire », « félon », « parjure », « trahison » seraient le lot du brigand s’il n’honorait pas sa parole (v. 2120 à 2122). v Figures de style : – anaphore de « Veux-tu […] » en tête de vers et de phrase interrogative ; – énumération avec répétition de la coordination (« faussaire, et félon, et parjure »). Par ces figures de rhétorique, Hernani entend convaincre Doña Sol de laisser s’accomplir le funeste destin de celui qu’elle aime car c’est une question d’honneur. w Don Ruy Gomez rappelle à Hernani que son père serait déshonoré si son fils ne respectait pas sa parole (v. 2118). Hernani voit dans le sacrifice de Doña Sol un rappel de sa triste promesse (v. 2135-2136). L’honneur de la famille et surtout du père, de son vivant tant respecté, oblige Hernani à s’en montrer digne. Ne pas honorer une promesse va à l’encontre de ce principe de gentilhomme. x Don Ruy Gomez utilise d’abord des phrases affirmatives dont la première sonne comme une sentence (v. 2113). Ensuite, l’exclamation permet de dramatiser l’évocation du père en donnant plus d’expressivité à la phrase (v. 2118). Hernani, quant à lui, recourt à des interrogations qui semblent oratoires, bien qu’elles soient adressées à Doña Sol : il sait qu’elle ne veut pas faire de lui un parjure (v. 2120-2121) et cherche seulement à la fléchir, à l’émouvoir, pour qu’elle se résigne et accepte la fatalité.

Hernani – 27

y Don Ruy Gomez se tue car, par sa faute, ont péri les deux jeunes époux et il a vu mourir sous ses yeux celle qu’il aimait. Ceci est trop lourd à supporter pour un homme d’honneur comme il se dépeignait lui-même, notamment face à Don Carlos.

Un destin en marche U Didascalies : « DOÑA SOL, lui retenant toujours le bras » ; « DOÑA SOL, toujours pendue au bras d’Hernani » ; « Elle élève la fiole aux yeux d’Hernani et du vieillard étonné » ; « Il fait quelques pas pour sortir. Hernani le retient » ; « DOÑA SOL, sombre » ; « DOÑA SOL, rendant à Hernani la fiole à demi vidée » ; « HERNANI, prenant la fiole » ; « Il porte la fiole à sa bouche » ; « DOÑA SOL, se jetant sur lui » ; « Ils s’asseyent l’un près de l’autre » ; « Ils s’embrassent » ; « HERNANI, d’une voix affaiblie » ; « HERNANI, d’une voix de plus en plus faible » ; « DOÑA SOL, d’une voix également éteinte » ; « HERNANI, avec un soupir » ; « DON RUY GOMEZ, soulevant sa tête qui retombe » ; « DOÑA SOL, échevelée et se dressant à demi sur son séant » ; « Elle retourne la figure d’Hernani » ; « Elle retombe » ; « Il se tue ». Les didascalies nous montrent dans quel élan de passion les amants courent à leur perte, comment la fiole passe de l’un à l’autre. Puis leur mort est mise en scène, à la manière de celle de Roméo et Juliette : ils ne meurent pas exactement en même temps, de manière à ce que le supplice soit plus long, donc plus pathétique. Don Ruy Gomez parachève leur œuvre en se tuant lui aussi devant cette double mort tragique. V Exemples de stichomythies : entre Hernani et Doña Sol (v. 2131 à 2133), entre les trois personnages (v. 2145 à 2149, 2159 à 2162). Ces échanges de répliques accélèrent le rythme de la scène tout en rendant perceptible la tension qui règne. Les stichomythies contribuent fortement à la dramatisation de la scène. W Différents termes renvoient à la mort dans les répliques : « âmes », « sang », « morts », « poison », « sépulcre », « dormir », « douleurs », « souffrir », « pâle », « fatalité », « partir », « abîmes », « spectres », « sombre », « ombre », « mort », « morte ». Ils renvoient aussi bien à la souffrance physique provoquée d’abord par le poison qu’au bien-être qui s’ensuit et auréole la mort des deux amants. X Plusieurs termes montrent que les amants sont unis dans ce destin fatal et que leur mort ne fait que se substituer à leur nuit de noce : « ensemble », « d’un vol égal » (v. 2151 à 2154) ; « ma bouche sur ta main » (v. 2158) ; « c’est mon époux […] nous nous aimons / […] C’est notre nuit de noce » (v. 2162-2163). at Les expressions sous forme d’interjections sont propres au ton tragique : « Adieu ! » (v. 2119), « Ah ! » (v. 2124, 2137, 2149), « Dieu ! » (v. 2127), « hélas ! » (v. 2138), « Ô tourment ! » (v. 2150). On peut aussi évoquer certaines images particulièrement lyriques, comme celles des abîmes, de la clarté, des feux…

Doña Sol : une héroïne tragique ak Doña Sol comprend la situation au début de la scène 6, alors qu’à la scène précédente le Masque est venu demander à Hernani d’honorer sa parole. L’évocation du serment va éclairer Doña Sol : « Quel serment ? » (v. 2063). al Elle supplie Don Ruy Gomez dans une tirade poignante (v. 2067 à 2082) où elle convoque des images pathétiques (« Il vaudrait mieux pour vous aller aux tigres même / Arracher leurs petits, qu’à moi celui que j’aime ») et use d’une ponctuation expressive. Elle menace de le tuer mais cela est sans effet, d’autant qu’elle n’en a pas la force. Elle implore surtout sa pitié (v. 2083 à 2090). Ces discours étant sans effet, elle ne trouve pas d’autre moyen d’échapper à la douleur que la fiole de poison. am C’est justement lorsqu’elle sort la fiole que Doña Sol fait tout basculer (« Elle lui arrache la fiole. / Je l’ai. / Elle élève la fiole aux yeux du vieillard et d’Hernani étonnés »). Seul Hernani devait mourir ; avec son geste, les trois personnages trouveront la mort à la fin de la scène. Doña Sol apparaît téméraire, courageuse, impétueuse, passionnée. an Verbes à l’impératif dans les répliques de Doña Sol : « Tiens maintenant » (v. 2124) ; « Prends, te dis-je » (v. 2125) ; « Ne te plains pas de moi » (v. 2126) ; « Va ! / Bois si tu veux ! » (v. 2130-2131) ; « jette loin de moi ce philtre ! » (v. 2137) ; « Arrête ! » (v. 2138) ; « ne bois point ! » (v. 2142) ; « Calme-toi […]. Partons d’un vol égal » (v. 2152-2153) ; « Ne le réveillez pas » (v. 2164) ; « tiens-toi vers moi tourné » (v. 2165).

Réponses aux questions – 28

Doña Sol dirige l’action, elle tient les rênes du destin en s’emparant de la fiole et en exhortant Hernani à la suivre dans la mort. Elle tente ensuite de l’en dissuader tant ses souffrances sont grandes mais Hernani boit à son tour. Elle semble le guider doucement vers la mort, demandant même à Don Ruy Gomez de ne pas le réveiller. ao Ces images sont surtout présentes dans la réplique de Doña Sol, des vers 2136 à 2143 et aussi dans les vers qui suivent : – champ lexical : « douleurs », « ronge », « dévore », « souffrît », « feu », « souffrirais », « souffre horrible-ment » ; – images : « ce poison est vivant » (personnification), « une hydre à mille dents qui ronge et qui dévore » (métaphore monstrueuse).

◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 226 à 233)

Examen des textes et de l’image u Personnes qui meurent d’amour : – Texte A : Doña Sol et Hernani meurent d’amour ; Don Ruy Gomez aussi d’une certaine manière, puisqu’il perd celle qu’il aimait. – Texte B : Phèdre meurt d’avoir aimé Hippolyte. – Texte C : les amants meurent ensemble. – Texte D : Mme de Mortsauf se laisse mourir. – Document : Roméo et Juliette meurent tous deux, Roméo en croyant Juliette morte puis Juliette en découvrant le corps sans vie de son amant. v Termes évoquant la mort et la sépulture : – Texte A : voir la réponse à la question 8, page 27, sur l’extrait d’Hernani. – Texte B : « sans vie », « mort », « victime », « trépas », « sanglante image », « mortel souvenir », « funeste », « supplice », « Par un chemin plus lent descendre chez les morts », « poison », « venin », « froid cœur expirant », « inconnu », « la mort ». – Texte C : « tombeaux », « cieux », « esprits », « long sanglot », « adieux », « Ange », « flammes mortes ». – Texte D : « la vie contre la mort », « lèvres décolorées », « c’est la mort », « pleurs », « larmes », « funeste ». w Dans ces textes et le document, il est question de suicide. Les amants meurent l’un à la suite de l’autre mais pas ensemble. Phèdre se tue d’avoir ressenti un amour coupable mais non réciproque cependant. Dans le cas d’Hernani et Doña Sol et dans celui de Roméo et Juliette, l’amour est réciproque et les amants s’unissent dans la mort. x Dans les deux textes, le bien-être succède à la douleur ou, tout du moins, à des sensations désagréables. Il est d’abord question de froid puis l’apaisement se matérialise dans la clarté qui semble accueillir celui qui meurt. y État d’esprit et état physique des mourant(e)s : – Texte A : à la folie passionnelle et à la souffrance physique (le tout étant proche du délire) succèdent le bien-être et l’apaisement. – Texte B : Phèdre confesse son amour coupable et rétablit la vérité sur Hippolyte ; elle le réhabilite aux yeux de son père ; il y a chez elle un désir d’absolution avant de mourir. – Texte C : les amants semblent pris d’un délire commun, à la fois mystique et charnel. Cela laisse supposer qu’il ne s’agit pas réellement de leur mort mais de « la petite mort ». – Texte D : Henriette semble prise d’une forme de délire elle aussi, puisque, tout en étant mourante, elle se persuade qu’elle va aller mieux et formule même des projets avec Félix. – Document : Juliette semble désespérée devant le cadavre de son amant et son suicide apparaît comme un acte de folie passionnelle. U Rôle de la ponctuation expressive et des types de phrases : – Texte A : la ponctuation expressive sature les répliques, au point de multiplier les interjections et les phrases injonctives qui révèlent tour à tour l’autorité du personnage qui infléchit le cours du destin (Doña Sol), puis la folie suicidaire des amants et enfin le désespoir de Don Ruy Gomez.

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– Texte B : les phrases exclamatives et le recours au subjonctif au début de la tirade de Thésée révèlent son désespoir devant la mort de son fils et son amertume envers Phèdre ; il utilise aussi des phrases injonctives qui expriment sa colère envers Phèdre (« Jouissez de sa perte », « Laissez-moi »), et les points de suspension montrent dans quel trouble il se trouve. Phèdre, quant à elle, utilise un ton beaucoup plus posé car elle est en train de mourir ; le poison fait son effet et elle veut absolument dire la vérité avant qu’il ne soit trop tard ; elle ne gaspille donc pas son temps en fébrilité inutile. – Texte D : Henriette répète plusieurs fois l’interjection « Ah ! » et les points de suspension révèlent que la vie l’abandonne et qu’elle peine à terminer sa phrase. L’interrogation oratoire rend ses propos pathétiques (« Pourquoi vous ai-je tant souhaité, Félix ? »). V Exemples d’enjambements : – Texte A : v. 2138 à 2140, v. 2145-2146, v. 2151-2152 (Doña Sol), v. 2155-2156 (Hernani). Les enjambements allongent les sensations de souffrance puis d’apaisement et insistent sur les sentiments qui assaillent les amants près du trépas. – Texte B : les vers « J’ai pris, j’ai fait couler » à « toute sa pureté » s’enchaînent suivant des sortes de distiques que forment les enjambements répétés. Phèdre est calme mais ses capacités sont sans doute altérées et son débit ralenti par le poison – ce que miment ces enjambements. – Texte C : la 1re strophe fonctionne comme une énumération suivant le groupe verbal initial « Nous aurons », et cette énumération s’étale donc sur 4 vers. Chaque strophe, quatrain ou tercet, repose sur l’enjambement articulant les vers à une seule proposition principale (« Nos deux cœurs seront », « Nous échangerons », « un Ange […] viendra ranimer »). Le rythme des strophes semble s’étirer ; il n’est pas question d’une mort subite mais langoureuse, lascive. W Les synesthésies combinent plusieurs sensations qui provoquent une sorte d’ivresse des sens. Cette ivresse se retrouve généralement dans les instants amoureux, mais on voit bien dans ces textes que l’amour et la mort sont étroitement liés. – Texte A : sensation de douleur, alternance d’obscurité et de clarté, sensualité dans la mort quand Doña Sol est couchée tout près de celui qu’elle aime. – Texte B : sensation de chaleur (« brûlantes veines ») puis de froid (« froid inconnu »), vision altérée (« je ne vois plus qu’à travers un nuage »), alternance de clarté et d’obscurité. – Texte C : sensations olfactives (« odeurs légères », « étranges fleurs »), sensations visuelles mêlant couleurs (« Un soir fait de rose et de bleu mystique ») et lumière (« flambeaux », « éclair »), alternance de froid et de chaleur (« Usant […] leurs chaleurs dernières », « ranimer […] les flammes mortes »). – Texte D : sensation de chaleur (main brûlante, lèvres chaudes), métaphore florale (« comme un lys éternel ») relayée par le fait que Félix regarde et sent les fleurs, sensation liée au souffle de l’expiration. La mort s’accompagne de sensations troublantes et parfois délicieuses qui étonnent le lecteur et semblent enivrer celui qui côtoie la mort dans ces textes. X Champ lexical lié à la clarté : – Texte A : « Vers des clartés nouvelles / Nous allons tout à l’heure ensemble ouvrir nos ailes », « Vois-tu des feux dans l’ombre ? » ; – Texte B : « Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté, / Rend au jour, qu’ils souillaient, toute sa pureté » ; – Texte C : « sous des cieux plus beaux », « un Ange […] / Viendra ranimer […] / Les miroirs ternis et les flammes mortes » ; – Texte D : « ses lèvres décolorées », « je me tournai vers la fenêtre ». La clarté s’oppose à l’obscurité des ténèbres, à l’absence de couleur du mort, mais elle se manifeste pour accompagner le défunt comme un guide, comme une sorte de protection. Elle prend, dans les textes A et C, une dimension clairement mystique avec l’image des ailes et de l’Ange, et dans le texte B aussi, avec l’image de la pureté.

Travaux d’écriture

Question préliminaire Mourir d’amour repose sur le paradoxe d’un sentiment intense et la plupart du temps partagé (sauf pour Phèdre), qui cependant pousse au suicide pour des motivations diverses : Roméo et Juliette n’avaient pas le droit de s’aimer et ont fini par s’unir dans la mort ; Hernani et Doña Sol allaient être séparés par la mort du jeune homme, mort inéluctable en raison d’un serment ; Phèdre rejoint dans la

Réponses aux questions – 30

mort celui qu’elle a condamné par de terribles accusations et pour échapper à sa culpabilité ; Henriette ne supporte pas la trahison de celui qu’elle aimait et ne veut pas vivre sans lui ; les amants baudelairiens enfin fusionnent par-delà la vie charnelle. Il y a à la fois un idéal d’amour derrière ces fins tragiques mais aussi quelque chose de terrible qui empêche ces couples de s’aimer sur Terre, durant leur vie terrestre, et qui les pousse à s’en échapper.

Commentaire

Introduction Ce poème offre une vision de la mort qui bouscule la sensibilité du lecteur, dans la mesure où cette vision est heureuse, presque extatique. Dans Les Fleurs du mal cohabitent ces deux dimensions : la mort vue de manière morbide et la mort vue comme un accès à un idéal.

1. Une vision paradoxalement positive de la mort • La mort n’est pas vraiment présente tout au long du poème : seuls le titre et le dernier vers en parlent directement. • Les couleurs de la mort (bleu et rose) et la qualification surprenante du bleu « mystique » diffèrent de la représentation traditionnellement noire et sombre de la mort. • La mort est source de sensations plurielles, de plénitude et non de vide : « plein d’odeurs », « des lits », « des divans », « des cieux ». • Il y a union, fusion des deux amants et non pas séparation (« nous », « nos », « deux », « doubles », « jumeaux »). • Dans la mort, le poète conserve des sensations visuelles, charnelles, olfactives (synesthésies chères à Baudelaire). • La mort n’apparaît pas comme une fin, comme le montrent l’utilisation du futur (« aurons », « seront », « échangerons », « viendra ») et l’évocation mystique d’une possible résurrection (« un Ange […] fidèle et joyeux […] viendra ranimer »). • La mort apparaît à la fois empreinte de beauté et de mystère.

2. Une forme traditionnelle pour une vision en rupture • Le sonnet est la forme privilégiée du recueil des Fleurs du mal. • Il apparaît ici sous une forme très traditionnelle (forme italienne déjà très utilisée par les poètes du XVIe siècle pour chanter l’amour, la nostalgie) : 2 quatrains et 2 tercets, rimes croisées et plates. • La mort n’est pas vue ici sous l’angle religieux mais sous l’angle mystique antique, inspiré de Platon : l’image du double, de la gémellité aboutit à une forme unique pleine et satisfaisante. • Cette vision de la mort est une vision en rupture : la mort fait cohabiter les contraires – unité et duplicité, obscurité et clarté, mort et chaleur, joie et sanglots – ; c’est une vision qui repose sur le paradoxe.

Conclusion La forme et le thème sont traditionnels mais la vision, elle, repose sur les contraires, la rupture, le paradoxe. On retrouve ici le même paradoxe que celui de l’expression « la petite mort » pour désigner l’orgasme. Amour et mort cohabitent dans ce sonnet baudelairien.

Dissertation

Introduction Il s’agit ici d’analyser le texte dramatique sous l’angle de son rapport avec la représentation, puisque c’est là, plus que tout autre genre littéraire, sa spécificité. Cette dimension est incontournable mais on peut se demander aussi de quelle manière les effets dramatiques sont appréciables par la lecture seule.

1. La représentation : une dimension incontournable de l’œuvre dramatique A. Choix des décors et des costumes • La conformité à l’époque de l’action rassure le spectateur dans sa perception du texte. • Au contraire, le parti pris de la transposition d’une époque à une autre (on peut penser à la mise en scène des Caprices de Marianne de Musset avec Lambert Wilson, par exemple) éclaire d’un jour nouveau le texte.

Hernani – 31

B. Choix des interprètes • Le choix des interprètes peut jouer en faveur ou non de l’imagination du spectateur. • Certaines têtes d’affiche font oublier le personnage joué et l’on pense parfois davantage à celui que l’on vient voir sur scène qu’au texte que l’on vient voir représenté. C. Transposition télévisuelle • Cette transposition pose d’autres problèmes, liés aux possibilités de mises en scène plus complexes qu’en direct, au théâtre. • Les artifices (vieillissement d’un personnage, gros plans…) offrent des perspectives d’interprétation différentes et multiples. D. Donner à voir Plus que tout autre genre littéraire, le genre dramatique est un genre qui donne à voir. Le passage à la représentation est donc une partie importante de son décryptage et de son interprétation par le metteur en scène, le comédien, le spectateur enfin.

2. Les artifices du dramaturge au service du lecteur A. L’avant-propos Qu’il s’agisse de textes critiques, comme les préfaces de Cromwell ou de Ruy Blas, ou de sortes de lettres ouvertes ou dédicaces, l’avant-propos contextualise la pièce et fait du lecteur un lecteur averti, apte à décrypter certains indices disséminés dans le texte dramatique. B. Le recours aux didascalies initiales Liste des personnages et renseignements abondants sur eux (caractères, habits, relations, attitudes), comme chez Beaumarchais ou Vigny, permettent au lecteur de mieux se les représenter et de suivre leurs destinées, leurs péripéties, en se sentant davantage impliqué. C. Des indications très précises de mise en scène sont surtout remarquables dès le XVIIIe siècle De Beaumarchais à Hugo, sans oublier ensuite Beckett, Ionesco et, encore plus récemment, Reza, Schmidt ou Koundé, tous favorisent la représentation mentale de ce qui serait représenté sur la scène. D. La « parlure » Le travail du style enfin, la « parlure » (terme de Pierre Larthomas) permettent d’appréhender de manière plus vivante les échanges entre les personnages et en favorisent l’expressivité (types de répliques, ponctuation, jeux de langage, type de vocabulaire et niveaux de langue utilisés…).

Écriture d’invention Proposition de début de corrigé : « Sans toi », reprit-elle en effleurant mon oreille de ses lèvres chaudes pour y jeter ces deux syllabes comme deux soupirs. Ce furent là ses dernières paroles. Je sentis son souffle s’éteindre contre ma tempe. Un instant, je restai pétrifié, espérant peut-être dans un désir fou sentir à nouveau son souffle s’animer. Mais en vain. Je tournai la tête vers l’abbé Birotteau et, sans verser une larme, sans faiblir, je prononçai froidement : « C’est fini. » Il me regarda, à la fois empreint de tristesse, de pitié… et d’étonnement ! Peut-être guettait-il quelques marques de chagrin sur mon visage. Peut-être attendait-il une larme. Qui sait ce qu’Henriette avait pu lui confier avant mon arrivée, en guise d’ultime confession ? Dehors, quelques proches attendaient dans un profond silence. Je tentai d’éviter leurs regards interrogateurs, lorsque je franchis le seuil de la porte de la chambre où reposait désormais Henriette. Etc.

Compléments aux lectures d’images – 32

C O M P L É M E N T S A U X L E C T U R E S D ’ I M A G E S

Rappel méthodologique : Il conviendra de rendre les élèves sensibles à certains éléments de composition de l’image, comme les jeux sur les contrastes, qui permettent de mettre en valeur certains éléments plus que d’autres, les axes (horizontaux et verticaux), qui orientent la lecture et l’analyse de l’image, les plans et les éléments y figurant, les effets de netteté et de flou, qui tranchent entre les personnages du premier plan et les autres. Comme pour un texte, on fera attention aussi à la visée du document, notamment s’il y a écho avec le texte correspondant (comme une gravure ironique pour illustrer un texte qui l’est tout autant). Enfin, on s’attachera à montrer quelle est la valeur de l’image ici : simple ornement, complément ou interprétation du texte…

◆ Victor Hugo par Nicolas-Eustache Maurin (p. 4) L’auteur Nicolas-Eustache Maurin est né à Perpignan en 1799. Ayant pu faire ses études à Paris grâce à une pension de la ville et du département, il entra dans l’atelier d’Henri Regnault. Portraitiste et lithographe, il exposa au Salon de Paris en 1833, 1834 et 1835. Il est décédé en 1850.

L’œuvre Une lithographie est un procédé datant de la fin du XVIIIe siècle. Elle consiste en la reproduction par impression des dessins tracés avec une encre ou un crayon gras sur une pierre calcaire. Ce portrait représente Victor Hugo en pleine période romantique. Son allure est typique de l’époque : coiffure quelque peu échevelée, foulard noué avec élégance, tenue soignée, boutonnière. Victor Hugo a l’air pensif ou concentré. Il aura la même attitude pensive sur d’autres représentations de lui, bien des années plus tard.

Travaux proposés – En quoi ce portrait renvoie-t-il aux clichés du personnage romantique ? – Peut-on établir une corrélation entre ce portrait et le personnage romantique tel qu’on se le représente (Hernani, René…) ?

◆ Dessin de Jean-Jacques Grandville (p. 8) L’auteur Né à Nancy en 1803 et mort à Vanves en 1847, Jean-Jacques Grandville, de son vrai nom Jean-Ignace-Isidore Gérard, fut un illustrateur fécond. Son pseudonyme vient de son grand-père paternel, acteur qui était alors connu sous le nom de « Gérard de Grandville ». Grandville utilisa largement le nouveau procédé d’impression lithographique, et sa première lithographie date de 1825. On lui doit une foule de caricatures satiriques et politiques, ainsi que des illustrations de nombreux ouvrages (notamment les Fables de La Fontaine).

L’œuvre Cette gravure illustre la première représentation du drame au Théâtre-Français. On voit les passions se déchaîner parmi le public : les hommes en noir et ceux en habits moins lugubres s’empoignent. Théophile Gautier raconte cette mémorable soirée dans L’Histoire du romantisme : dès les premiers vers, classiques et romantiques se sont affrontés, les uns huant, les autres défendant ardemment leur héros.

Travaux proposés – Quelle scène d’Hernani cette gravure représente-t-elle ? Aidez-vous des personnages présents sur scène et de leur attitude. – En quoi cette gravure représente-t-elle l’affrontement des classiques contre les romantiques ?

Hernani – 33

◆ Le Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour (p. 29) L’auteur Georges de La Tour est né en 1593 à Vic-sur-Seille en Moselle. Fils d’un boulanger, il est le deuxième d’une famille de sept enfants. Ses années de formation et son parcours demeurent un mystère et une suite d’hypothèses. Mais de nombreux documents apparus dans les années 1980-1990 ont permis de démentir l’idée selon laquelle il aurait été un artiste isolé et l’on sait qu’il reçut le titre de « peintre ordinaire du roi » en 1639. Néanmoins, de nombreuses questions demeurent sur ses liens possibles avec des artistes italiens et hollandais (influencés comme lui par le Caravage) à Paris, un séjour en Flandre et le voyage à Rome que les peintres de l’époque avaient l’habitude de faire. Toujours est-il que Georges de La Tour sera, en France, l’un des plus singuliers continuateurs du courant initié par le Caravage (1571-1610), maître italien dont le style réaliste révolutionna l’art pictural en Europe. Georges de La Tour est mort le 30 janvier 1652 à Lunéville. Réputé et admiré en son temps, il sombra dans l’oubli jusqu’en 1915 où des historiens d’art ressuscitèrent son œuvre.

L’œuvre De La Tour utilise ici la thématique de la tricherie, aussi développée par le Caravage dans ses toiles. Le tableau réunit par ailleurs les trois tentations majeures condamnées au XVIIe siècle : les femmes, le vin et le jeu, qui toutes peuvent mener l’homme à sa perte. La courtisane, ici repérable par ses apparats (coiffure, décolleté, bijoux), est au centre de la toile car c’est elle qui mène le jeu. Elle est complice avec la servante, qui apporte le vin (pour enivrer la proie de la courtisane ?), et sans doute le jeune homme en face, qui cache des cartes dans son dos. Le jeune homme à droite de la toile, fortuné si l’on en juge par sa tenue et sa coiffe, est en train de se faire berner sans s’en rendre compte.

Travaux proposés – Qui sont les personnages présents dans cette toile ? – Comment la courtisane est-elle mise en valeur ? – De quelle manière la complicité s’organise-t-elle entre certains personnages ? Qui en est la victime ?

◆ Scène 3 de l’acte I, gravure de Martin et Paris (p. 44) L’œuvre On comprend, en observant les personnages, qu’il s’agit de l’entrée en scène de Don Ruy Gomez, qui découvre chez lui le roi Don Carlos et un jeune inconnu, Hernani, en présence de Doña Sol et Doña Josefa qui lui font la révérence. Les costumes et le décor représentent bien l’époque évoquée. Les types des personnages sont reconnaissables : le vieux seigneur, le port altier du roi, Hernani près de l’armoire où s’était caché le roi, les femmes en retrait…

Travaux proposés – Quels personnages du drame sont ici représentés, selon vous ? Justifiez votre réponse. – Cette illustration est-elle fidèle au texte ? Justifiez votre réponse.

◆ Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages de Caspar David Friedrich (p. 67) L’auteur Caspar David Friedrich (1774-1840) est un peintre allemand, qui fut proche du premier mouvement romantique. Il fut fasciné par les paysages calmes et mélancoliques et eut un goût prononcé pour le mysticisme et le fantastique. « Il ne peignit jamais de visages ; ses personnages, le plus souvent, nous sont montrés de dos et nous avons pourtant le sentiment, parfois, infiniment troublant, dans le mouvement même de l’anamnèse, que ses tableaux nous regardent, comme s’ils nous étaient soudain devenus des visages » (Michel Le Bris, Journal du romantisme, Skira, 1981).

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L’œuvre Ce tableau est extrêmement connu parce que totalement emblématique de l’esprit romantique. L’œuvre de Friedrich est pourtant vaste, mais il est remarquable que ses personnages de dos sont pour lui une sorte de marque de fabrique. Le personnage semble ainsi, plus que face à la nature et à ses éléments tantôt calmes, tantôt déchaînés, se retrouver face à lui-même et plonger jusqu’au fond de son âme. L’âme de ce personnage à la silhouette de dandy est donc tourmentée et passionnée, mais aussi brumeuse. Il y a toutes les figures romantiques (René, Hernani, Lorenzo et tant d’autres) dans cette toile.

Travaux proposés – En quoi la silhouette du personnage évoque-t-elle celle d’un héros romantique ? – Si ce que voit le personnage est le reflet de son âme, comment définir alors les sentiments, les pensées qui l’animent ?

◆ Mounet-Sully dans le rôle d’Hernani (p. 82) L’acteur Grand comédien contemporain de Sarah Bernhardt, Mounet-Sully incarna quelques héros, dont Hernani. Il est ici représenté dans une pose représentative du personnage : l’allure déterminée, les bras croisés par cette détermination, prêt à en découdre avec quiconque essaiera d’attenter à sa personne ou à celle de Doña Sol. Le costume est soigné ; beaucoup de détails participent à l’illusion : les étoffes, les armes, la coiffe…

Travaux proposés – Que nous révèle ce cliché sur le personnage d’Hernani tel que semble vouloir l’interpréter Mounet-Sully ? – Relevez deux répliques d’Hernani qui pourraient correspondre à ce que vous venez de décrire du personnage.

◆ Geneviève Casile et François Beaulieu dans la mise en scène de Robert Hossein (p. 102) Les acteurs Sont ici présents Hernani et Doña Sol. On note leur attitude, à terre, qui laisse supposer un échange d’une grande intensité émotionnelle mais aussi la volonté de parler sans être entendus (de Don Ruy Gomez ?). Le costume de Doña Sol est magnifique : elle apparaît noble, richement vêtue. Hernani, bien que de dos, semble vêtu très simplement. Ce duo doit se situer au début de la pièce et non à la fin (quand Hernani a changé de statut social et est devenu gentilhomme) : il est encore ici le brigand rebelle.

Travaux proposés – Observez l’attitude des deux personnages : quelles émotions, quelle tension traduit-elle ? – À quel moment de la pièce fait référence, selon vous, cette photographie ? Trouvez le passage qui correspond.

◆ La Mort de Jules César de Vincenzo Camuccini (p. 170) L’œuvre Le tableau mise sur une représentation à la fois réaliste et grandiloquente. Le décor est campé : des statues à l’arrière-plan, la grandeur et la solennité des lieux, le sol froid et lisse comme une sépulture. Les personnages sont répartis de toutes parts, mis en valeur par les contrastes que génère la lumière entrant. Leur présence montre ainsi que le meurtre se fait au vu et au su de tous et qu’il y a bien conjuration, malgré des mains levées qui manifestent l’horreur du meurtre. César est seul contre tous, il s’effondre sous les coups mais garde quelque dignité en ne se laissant pas choir totalement. On ne sait si sa main tendue implore ou dénonce… on l’imagine cependant mal implorer.

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Travaux proposés – De quelle manière les contrastes soulignent-ils la présence des différents personnages et mettent-ils en évidence l’horreur du meurtre ? – En quoi l’attitude de Jules César contraste-t-elle avec celle de ses assaillants ? Quelle image de lui nous renvoie ce tableau ?

◆ Worms dans le rôle de Don Carlos (p. 192) L’acteur Le comédien endosse fièrement le costume royal : la pose est altière ; le costume est lourd, riche et paré. De la même manière que Mounet-Sully incarnait Hernani avec une évidente grandiloquence, Worms incarne le roi avec force conviction.

Travaux proposés – Comparez l’attitude de Mounet-Sully dans le rôle d’Hernani et celle de Worms dans celui de Don Carlos. – Observez la pose de Worms et cherchez une réplique ou même une tirade qui correspondrait bien à son attitude.

◆ Jany Gastaldi et Aurélien Recoing dans la mise en scène d’Antoine Vitez (p. 203) La mise en scène et les acteurs La mise en scène de Vitez marqua le renouveau du théâtre hugolien : les décors sont dépouillés mais symboliques et l’immense escalier, présent dans presque tous les actes du drame, figure tour à tour la menace, la protection, la mort et la vie. Les deux interprètes ne sont pas ici vêtus de costumes somptueux cherchant l’illusion de l’époque : la robe de Doña Sol est certes volumineuse et rappelle son statut social mais elle n’a pas de coiffe et ses cheveux sont dénoués, figurant sans doute sa propre liberté face à Don Ruy Gomez ; Hernani, quant à lui, est échevelé aussi, sa tenue est simple comme son statut social. Leur attitude est ici très intéressante : ils regardent dans la même direction (regardent-ils la menace arriver ou projettent-ils leur amour futur ?), mais Hernani est à genoux et Doña Sol le surplombe, pesant sur ses épaules comme le poids de son destin.

Travaux proposés – Que révèlent sur les personnages (tels qu’a voulu les représenter Vitez) leur tenue et leur coiffure ? – Observez l’attitude des deux personnages. En quoi est-elle représentative de leur relation et de l’enjeu de celle-ci ?

◆ La mort des amants, lithographie d’Achille Devéria (p. 220) L’auteur Achille Devéria est né à Paris en 1800. Élève d’Anne-Louis Girodet-Trioson et de Louis Lafitte, il est l’auteur d’un grand nombre de lithographies publiées sous la forme de cahiers et d’albums (1828-1835). Dans les années 1830, il devient un illustrateur à succès : parmi ses œuvres les plus connues, outre les œuvres des auteurs romantiques, citons les Contes de Perrault (1835), Robinson Crusoé (1836) et Don Quichotte (1839). Il est nommé « conservateur des estampes » de la Bibliothèque nationale en 1855. Il décède à Paris en 1857.

L’œuvre Cette lithographie, réalisée au soir de la première, représente la mort des amants, donc la fin du drame. On voit Hernani à terre et Doña Sol s’effondrant à ses côtés. Elle lui tient le visage en le regardant fixement, un sourire aux lèvres. On retrouve là le cliché des amants réunis dans la mort : ensemble, charnellement unis, rassurés, apaisés par cette mort conjointe. Ils sont encore en habits de mariage (on voit la robe blanche et la coiffe de Doña Sol) – ce qui donne à cette mort prématurée un aspect encore plus tragique. À côté d’eux, Don Ruy Gomez les regarde, bras croisés, spectateur d’un destin inéluctable auquel pourtant il a participé. Son vêtement sombre tranche avec sa barbe blanche, mais surtout avec la robe de noce de Doña Sol. Ainsi vêtu et représenté, il symbolise la Mort.

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Travaux proposés – Observez l’attitude des deux amants. Comment leur mort nous est-elle présentée ? – Commentez la posture et la représentation de Don Ruy Gomez à côté des deux amants mourants.

◆ Photographie extraite de Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli (p. 231) L’auteur Franco Zeffirelli est né à Florence en 1923. Après des études d’architecture, il est tour à tour décorateur de théâtre et de cinéma puis acteur. Il devient ensuite l’assistant de Luchino Visconti et réalise son premier long métrage en 1958 (Camping). Sa passion pour Shakespeare lui inspire trois films : La Mégère apprivoisée en 1967 (avec Elizabeth Taylor et Richard Burton), Roméo et Juliette en 1968 et Hamlet en 1990 (avec Glenn Close et Mel Gibson). Également metteur en scène de théâtre et d’opéra, il porte à l’écran La Traviata (1982) et Otello (1986) de Verdi. Des décors soignés, des costumes somptueux et une approche davantage sentimentale qu’intellectuelle des œuvres qu’il met en scène caractérisent son travail.

L’œuvre La photo représente ici la fin de Roméo et Juliette, telle que Franco Zeffirelli l’a filmée. Contrairement à une représentation théâtrale, le cadrage permet ici de voir distinctement le visage des deux amants. Juliette, découvrant Roméo mort, se poignarde d’un geste théâtral : la tête renversée en arrière, comme implorant le Ciel. Les deux amants sont physiquement très proches, comme dans la lithographie représentant la mort d’Hernani et de Doña Sol. Il y a comme une union charnelle dans cette mort conjointe. La lumière fait ressortir leurs visages, jeunes, éteints… bientôt apaisés tous deux.

Travaux proposés – Que fait ressortir le contraste dans cette photo ? – En quoi cette représentation de la mort des amants est-elle émouvante et pathétique ?

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B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E

◆ Sur le théâtre de Victor Hugo – J. Gaudon, « En marge de la bataille d’Hernani », revue Europe, n° 671 (spécial Hugo), 1985. – Anne Ubersfeld, Le Roman d’Hernani, Belin, 1993. – Anne Ubersfeld, Le Roi et le Bouffon : essai sur le théâtre de Victor Hugo, José Corti, 2001. – « Vitez, metteur en scène de Hugo », article paru dans la revue Romantisme, n° 102 (sur les scènes du XXe siècle), SEDES, 1998.

◆ Sur le drame romantique – M. Descotes, Le Drame romantique et ses Grands Créateurs, PUF, 1955. – Jacqueline de Jomaron (sous la direction de), Le Théâtre en France, coll. « Le Livre de Poche », LGF, 1992.

◆ Document pédagogique – Françoise Gomez et Marc Holfeltz, Jeunesse d’Hernani, document VHS édité par le CRDP de l’académie de Paris, 2003 / Lille : CRDP du Nord-Pas-de-Calais, 2003. Leçon de mise en scène d’Anne Delbée qui fit le pari en 2002 de faire jouer Hernani et Doña Sol par des comédiens ayant l’âge des rôles ; entretiens avec des comédiens qui ont incarné Hernani chez Antoine Vitez et Robert Hossein.

◆ Discographie – Ernani de Giuseppe Verdi. Différentes versions existent, notamment avec Luciano Pavarotti ou Placido Domingo dans le rôle-titre. Ces versions sont disponibles en DVD ou en VHS et permettent de comparer les stratégies de mises en scène dans le théâtre et dans l’opéra.