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Livre blanc sur la responsabilité environnementale COM(2000) 66 final du 9 février 2000 (présenté par la Commission) Commission européenne Direction générale de l’environnement

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Livre blanc sur la responsabilité environnementale

COM(2000) 66 final

du 9 février 2000

(présenté par la Commission)

★★

★★

★ ★ ★★★★

★★

Commission européenne

Direction générale de l’environnement

De nombreuses autres informations sur l’Union européenne sont disponibles sur Internetvia le serveur Europa (http://europa.eu.int).

Une fiche bibliographique figure à la fin de l’ouvrage.

Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2000

ISBN 92-828-9180-1

© Communautés européennes, 2000Reproduction autorisée, moyennant mention de la source

Printed in Italy

IMPRIMÉ SUR PAPIER BLANCHI SANS CHLORE

TABLE DES MATIÈRES

Préface 5

Résumé 7

Annexe 9

1. Introduction 11

1.1. Objectifs du présent livre blanc 111.2. Structure du livre blanc 111.3. Historique et contexte institutionnel 11

1.3.1. Livre vert sur la réparation des dommages causés à l’environnement 111.3.2. Position du Parlement européen 111.3.3. Avis du Comité économique et social 121.3.4. Décision de la Commission de publier un livre blanc 121.3.5. Positions des États membres 121.3.6. Consultations 12

2. En quoi consiste la responsabilité environnementale? 13

2.1. But de la responsabilité environnementale 132.2. Types de dommages causés à l’environnement relevant de la responsabilité environnementale 13

3. Motifs justifiant la mise en place d’un système de responsabilité environnementale communautaire et incidences susceptibles d’en résulter 14

3.1. Appliquer les principes fondamentaux du traité CE dans le domaine de l’environnement 143.2. Garantir la décontamination et la réhabilitation de l’environnement 143.3. Appliquer de manière plus stricte la législation environnementale communautaire 143.4. Améliorer l’intégration 153.5. Améliorer le fonctionnement du marché intérieur 153.6. Effets envisagés 15

4. Éléments constitutifs d’un système communautaire de responsabilité environnementale 17

4.1. Non-rétroactivité 174.2. Champ d’application du système 17

4.2.1. Dommages à couvrir 174.2.2. Activités à couvrir 18

4.3. Nature de la responsabilité, défenses autorisées et charge de la preuve 194.4. Qui doit être reconnu responsable? 204.5. Critères appliqués aux différents types de dommages 21

4.5.1. Dommages causés à la biodiversité 214.5.2. Sites contaminés 224.5.3. Dommages traditionnels 234.5.4. Liens avec la directive sur la responsabilité du fait des produits 23

4.6. Garantir la décontamination et la restauration effectives de l’environnement 234.7. Accès à la justice 24

4.7.1. «Approche à deux niveaux»: l’État devrait être responsable en premier lieu 244.7.2. Cas urgents (injonctions, coût des mesures préventives) 244.7.3. Garantir une expertise suffisante et éviter les coûts inutiles 25

4.8. Liens avec les conventions internationales 254.9. Garantie financière 25

5. Différentes options envisageables pour une action communautaire 27

5.1. Adhésion de la Communauté à la convention de Lugano 275.2. Un système applicable uniquement aux dommages transfrontaliers 285.3. Une action des États membres guidée par une recommandation de la Communauté 285.4. Une directive communautaire 285.5. Responsabilité sectorielle dans le domaine de la biotechnologie 29

6. Subsidiarité et proportionnalité 30

7. Incidences économiques globales de la responsabilité environnementale au niveau communautaire 31

8. Conclusion 34

Annexes 35

Annexe 1 — Étude des systèmes de responsabilité civile visant à réparer les dommages causés à l’environnement 35

Annexe 2 — Aspects économiques des systèmes de responsabilité et des systèmes communs de compensation pour la réparation des dommages causés à l’environnement 40

Annexe 3 — Responsabilité pour les dommages causés à l’environnement et évaluation de ces dommages 52

Annexe 4 — Responsabilité à l’égard des sites contaminés 55Annexe 5 — Historique et contenu sommaire de la convention de Lugano 59

PRÉFACE

Nous devons aujourd’hui faire face à des situations dans lesquelles l’environnement est gravement mis à mal parl’homme. Le récent naufrage de l’Erika a provoqué une pollution massive le long des côtes françaises et la mortdans la souffrance de plusieurs centaines de milliers d’oiseaux marins et d’autres animaux. Ce cas de marée noire est loin d’être le premier à avoir des conséquences dramatiques pour l’environnement. Il y a quelques années,la réserve naturelle de Doñana, située au sud de l’Espagne, a connu une catastrophe d’un autre ordre: la ruptured’un bassin de retenue contenant une grande quantité d’eau toxique a occasionné des dommages considérables aumilieu environnant, et notamment la mort d’un nombre incalculable d’oiseaux protégés. Face à de tels événe-ments, on est amené à se demander qui doit assumer les coûts résultant du nettoyage des sites pollués et de la ré-paration des dommages. Est-ce à la société tout entière, autrement dit au contribuable, d’acquitter la facture ouest-ce au pollueur, quand il peut être identifié, de payer?

En ce qui concerne, par ailleurs, les produits issus de modifications génétiques, l’idée qu’ils pourraient altérer lasanté des personnes ou avoir des incidences négatives sur l’environnement suscite de sérieuses craintes dansl’opinion publique. Un appel a été lancé pour que les parties contrôlant ces activités répondent dorénavant deleurs actes.

En effet, si on veut veiller à ce que des précautions plus grandes soient prises pour éviter que l’environnement nesubisse des dommages, l’une des solutions consiste à déclarer formellement responsable la partie dont l’activitérisque d’occasionner ces dommages. Cela signifie que, lorsque des dommages surviennent effectivement, c’est àla partie qui exerce le contrôle de l’activité (c’est-à-dire l’exploitant), et qui est donc le véritable pollueur, d’as-sumer le coût de leur réparation.

Le présent livre blanc définit la structure d’un futur système communautaire de responsabilité environnementale,qui vise précisément à mettre en œuvre le principe du «pollueur-payeur». Il décrit les principaux éléments qui ren-dront ce système efficace et applicable.

Le mécanisme proposé s’appliquerait non seulement en cas d’atteinte aux personnes et aux biens et de contami-nation de sites, mais également en cas de dommages touchant le milieu naturel et, en particulier, les ressources na-turelles importantes du point de vue de la conservation de la diversité biologique dans la Communauté (autrementdit, les zones et les espèces protégées dans le cadre du réseau «Natura 2000»). Pour l’heure, les systèmes de res-ponsabilité environnementale en vigueur dans les États membres ne couvrent pas encore ce type de dommages.

Ce n’est qu’en instaurant une responsabilité pour les dommages causés au milieu naturel que l’on parviendra àresponsabiliser les acteurs économiques face aux éventuelles incidences négatives de leurs activités sur l’environ-nement lui-même. Jusqu’à présent, les exploitants se sentaient apparemment responsables vis-à-vis de la santé oudes biens d’autrui — il existe déjà pour ces cas différentes formes de responsabilité environnementale au niveaunational —, mais pas à l’égard de l’environnement. Ils ont tendance à considérer l’environnement comme un«bien public», pour lequel la responsabilité devrait incomber à la société dans son ensemble plutôt qu’à un acteurisolé se trouvant à l’origine des dommages. Instaurer la responsabilité permet, d’une certaine façon, de faireprendre conscience aux citoyens qu’ils doivent également répondre des conséquences éventuelles de leurs actessur le milieu naturel. Le changement d’attitude qui devrait en découler se traduira vraisemblablement par un de-gré de prévention et de précaution accru.

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RÉSUMÉ

Le présent livre blanc examine différentes solutions en vue de mettre en place un système de responsabilité envi-ronnementale à l’échelon communautaire, afin d’améliorer l’application des principes environnementaux énoncésdans le traité CE ainsi que la mise en œuvre du droit communautaire de l’environnement, et afin d’assurer une res-tauration appropriée de l’environnement. Ce livre blanc a été précédé du livre vert publié par la Commission en1993, d’une audition commune convoquée par le Parlement et la Commission cette même année, d’une résolutiondu Parlement demandant une directive communautaire et d’un avis du Comité économique et social en 1994 ainsi que d’une décision de la Commission de publier un livre blanc, arrêtée en janvier 1997. Plusieurs Étatsmembres se sont exprimés en faveur de l’action communautaire dans ce domaine, et ils ont notamment émis cer-taines observations récentes sur la nécessité de traiter la question de la responsabilité en matière d’organismes gé-nétiquement modifiés (OGM). Les parties concernées ont été consultées tout au long du processus de préparationdu livre blanc.

La responsabilité environnementale peut être définie comme l’instrument par lequel celui qui occasionne une at-teinte à l’environnement (le pollueur) est amené à payer pour remédier aux dommages qu’il a causés. La respon-sabilité n’est efficace que lorsqu’il est possible d’identifier le pollueur, de quantifier les dommages et d’établir unlien de causalité. Elle n’est donc pas appropriée en cas de pollution diffuse issue de nombreuses sources. La miseen place d’un système de responsabilité communautaire se justifie notamment par la volonté d’améliorer l’appli-cation des principes environnementaux fondamentaux (pollueur-payeur, prévention et précaution) ainsi que dudroit de l’environnement en vigueur à l’échelon communautaire, et par la nécessité d’assurer la dépollution et larestauration de l’environnement, de mieux intégrer l’environnement dans d’autres domaines politiques et d’amé-liorer le fonctionnement du marché intérieur. Le système de responsabilité devrait inciter les entreprises à avoir uncomportement plus responsable et exercer ainsi un effet préventif, mais une grande partie des résultats devrait dé-pendre du contexte et des particularités du système.

Les principales caractéristiques d’un système communautaire pourront notamment être les suivantes: non-rétroactivité (le système s’appliquera uniquement aux dommages futurs); couverture à la fois des dommages environ-nementaux (contamination de sites et dommages causés à la biodiversité) et des dommages traditionnels (atteintesà la santé des personnes et à la propriété); champ d’application restreint, en lien avec la législation communautaireen vigueur: la contamination de sites et les dommages traditionnels ne seront couverts que s’ils sont causés pardes activités dangereuses ou potentiellement dangereuses réglementées à l’échelon communautaire, et les atteintesà la biodiversité ne seront, quant à elles, couvertes que s’il s’agit de zones protégées dans le cadre du réseau «Natura 2000»; responsabilité sans faute pour les dommages résultant d’activités intrinsèquement dangereuses,responsabilité pour faute en cas d’atteintes à la biodiversité causées par une activité non dangereuse (1); possibili-té de bénéficier de défenses courantes, d’un certain allègement de la charge de la preuve incombant au plaignantainsi que de mesures de redressement en équité pour les défendeurs; responsabilité centrée sur l’exploitant de l’ac-tivité à l’origine des dommages; critères pour évaluer et traiter les différents types de dommages; obligation d’af-fecter la compensation versée par le pollueur à la restauration de l’environnement; approche visant à améliorerl’accès à la justice dans les cas de dommages environnementaux; coordination avec les conventions internatio-nales; garantie financière pour les éventuelles responsabilités, en lien avec les marchés.

Différentes solutions sont présentées et évaluées en ce qui concerne l’action communautaire: l’adhésion de laCommunauté à la convention de Lugano, adoptée par le Conseil de l’Europe; un système couvrant uniquement lesdommages transfrontaliers; une recommandation communautaire pour guider l’action des États membres; une di-rective communautaire; un système sectoriel axé sur les biotechnologies. Des arguments sont présentés en faveuret à l’encontre de chaque solution envisagée, une directive communautaire étant considérée comme l’option laplus cohérente. Une initiative de la Communauté dans ce domaine se justifie en termes de subsidiarité et de pro-portionnalité, notamment en raison de l’insuffisance des différents systèmes des États membres en ce qui concernele traitement de tous les aspects des dommages environnementaux, de l’effet d’intégration exercé par l’application

(1) Pour avoir un aperçu schématique de l’éventuel champ d’application du système, se reporter à l’annexe du présent résumé.

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commune d’un système dans le cadre de la législation communautaire et de la flexibilité d’un système-cadrecommunautaire, qui fixe des objectifs et des résultats tout en laissant aux États membres le choix des moyens etdes instruments utilisés pour les atteindre. L’incidence d’un système de responsabilité communautaire sur la com-pétitivité externe de l’Union européenne devrait être limitée. Les données relatives aux systèmes de responsabili-té existants ont été examinées et montrent que leur incidence sur la compétitivité des industries nationales n’a pasété disproportionnée. Les effets sur les PME et les services financiers ainsi que la question importante de l’assu-rabilité des principaux éléments du système sont passés en revue. L’efficacité de tout régime de responsabilité juridique dépend de l’existence d’un système de garantie financière effectif fondé sur la transparence et la sécuri-té juridique en matière de responsabilité. Le système communautaire devrait être élaboré de manière à réduire aumaximum les coûts de transaction.

Le livre blanc conclut que la solution la plus appropriée serait une directive-cadre prévoyant une responsabilitésans faute pour les dommages causés par des activités dangereuses réglementées au niveau communautaire, aveccertaines défenses, et couvrant à la fois les dommages traditionnels et les dommages environnementaux, et uneresponsabilité pour faute en cas d’atteintes à la biodiversité occasionnées par des activités non dangereuses. Lesmodalités de cette directive seront définies plus précisément à l’issue des consultations qui se tiendront à ce pro-pos. Les institutions de l’Union européenne et les parties concernées sont invitées à examiner le livre blanc et àprésenter leurs observations avant le 1er juillet 2000.

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ANNEXE

CHAMP D’APPLICATION ÉVENTUEL D’UN SYSTÈME COMMUNAUTAIRE DE RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

Dommages traditionnels(dommages causés

à des personneset à des biens)

Responsabilité sans faute

Sites contaminés

Dommages causésà la biodiversité (ressourcesnaturelles communautaires

protégées dans le cadredu réseau «Natura 2000»)

Activitésnon dangereuses

Responsabilité sans faute

Responsabilitépour faute

Responsabilité sans faute

Activités (potentiellement)dangereuses

réglementées par le droitcommunautaire relatif

à l’environnement

1. INTRODUCTION

1.1. OBJECTIFS DU PRÉSENT LIVRE BLANC

Conformément à l’article 174, paragraphe 2,du traité CE:

«La politique de la Communauté dans le do-maine de l’environnement [...] est fondée surles principes de précaution et d’action préven-tive, sur le principe de la correction, par priori-té à la source, des atteintes à l’environnementet sur le principe du “pollueur-payeur”.»

Le présent livre blanc vise à examiner la ma-nière dont le principe du «pollueur-payeur»peut servir au mieux les objectifs de la poli-tique communautaire en matière d’environne-ment, en gardant à l’esprit que la préventiondes dommages environnementaux constitue leprincipal objectif de cette politique.

Dans cette perspective, le livre blanc cherche àdéterminer les meilleures modalités d’un sys-tème communautaire de responsabilité environ-nementale en vue d’améliorer la mise en œuvredes principes environnementaux définis par letraité CE et d’assurer la réparation des dom-mages causés à l’environnement. Ce livre blancexamine également la manière dont le systèmede responsabilité environnementale peut contri-buer à améliorer l’application de la législationcommunautaire en matière d’environnement ain-si que les éventuelles incidences économiques decette action à l’échelon communautaire.

1.2. STRUCTURE DU LIVRE BLANC

Après une partie introductive présentant l’histo-rique de cette question et expliquant le but de laresponsabilité environnementale, dans les deuxpremières parties, le livre blanc expose dans latroisième partie les arguments justifiant la miseen place d’un système à l’échelon communau-taire. La quatrième partie présente les structuresenvisageables pour un futur système commu-nautaire, et la cinquième partie compare ces dif-férentes solutions. La sixième partie se penchesur la question de la subsidiarité et de la propor-tionnalité. Les incidences économiques d’unsystème communautaire de responsabilité envi-ronnementale sont étudiés dans la septième par-

tie. Enfin, la huitième partie dresse une conclu-sion et définit les prochaines étapes à suivre enla matière.

1.3. HISTORIQUE ET CONTEXTE INSTITUTIONNEL

1.3.1. Livre vert sur la réparation des dommagescausés à l’environnement

Au mois de mai 1993, la Commission a publiéson livre vert sur la réparation des dommagescausés à l’environnement (2). Les Étatsmembres, le secteur industriel, les groupes dedéfense de l’environnement ainsi que d’autresparties concernées ont présenté plus d’une cen-taine de commentaires à ce sujet, qui ont été sui-vis de consultations permanentes. Une auditionpublique commune a été organisée par le Parle-ment et la Commission en novembre 1993.

1.3.2. Position du Parlement européen

En avril 1994, le Parlement européen a adoptéune résolution invitant la Commission à élabo-rer une «proposition de directive concernant laréglementation pour les (futures) atteintes àl’environnement» (3). Par cette résolution, leParlement appliquait pour la première fois l’ar-ticle 192, paragraphe 2 (ancien article 138 B,paragraphe 2), du traité CE, qui lui permet dedemander à la Commission de soumettre despropositions législatives. Depuis lors, la ques-tion de la responsabilité environnementale a étésoulevée par le Parlement à plusieurs reprises,notamment à l’occasion de la présentation desprogrammes de travail annuels de la Commis-sion et dans le cadre de questions parlemen-taires et de lettres adressées à la Commission.

Dans le questionnaire envoyé aux candidatsaux fonctions de commissaire en vue de leuraudition, le Parlement a une nouvelle fois sou-levé cette question et exprimé l’opinion selonlaquelle il est urgent que la Communauté légi-fère dans ce domaine. Il a notamment soulignéla nécessité d’inclure des dispositions relativesà la responsabilité dans la législation commu-nautaire actuelle en matière de biotechnologie.

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(2) Communication du 14 mai 1993 au Conseil, au Parlement et auComité économique et social [COM(93) 47 final].

(3) Résolution du 20 avril 1994 (JO C 128 du 9.5.1994, p. 165).

1.3.3. Avis du Comité économique et social

Le Comité économique et social a rendu, le 23 février 1994, un avis détaillé favorable à uneaction communautaire dans le domaine de laresponsabilité pour les dommages causés à l’en-vironnement. Le Comité propose que cette ac-tion prenne la forme d’une directive-cadreayant pour base juridique les articles 174 et 175(anciens articles 130 R et 130 S) du traité (4).

1.3.4. Décision de la Commission de publier un livre blanc

À la suite d’un débat d’orientation organisé le29 janvier 1997, la Commission a décidé,compte tenu de la nécessité de répondre à la ré-solution du Parlement européen de 1994 appe-lant à une action communautaire, de préparerun livre blanc sur la responsabilité environne-mentale (5).

1.3.5. Positions des États membres

Un certain nombre d’États membres se sontexprimés, de manière officieuse ou officielle,en faveur de l’action communautaire dans ledomaine de la responsabilité environnementaleen général (Belgique, Grèce, Luxembourg,Pays-Bas, Autriche, Portugal, Finlande et Suè-de). Plusieurs États membres ont fait savoirqu’ils attendaient les propositions de la Com-mission avant de légiférer au niveau nationaldans ce domaine, particulièrement en ce quiconcerne la responsabilité pour les dommagescausés à la biodiversité. En outre, la Belgique,l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Au-triche, la Finlande et la Suède ont récemmentdéclaré au Conseil qu’ils accueillaient favora-blement le projet de la Commission, dans lecadre du prochain livre blanc sur la responsabi-lité environnementale, d’examiner la questionde la responsabilité pour les dommages envi-ronnementaux liés à la dissémination volon-taire et à la mise sur le marché d’OGM. LeRoyaume-Uni a récemment prié la Commis-

sion de déterminer en priorité s’il est possiblede couvrir, dans le cadre d’un ou de plusieurssystèmes de responsabilité, la dissémination etla commercialisation des OGM, et quels cri-tères seraient applicables dans ce domaine. Laposition des autres États membres en la ma-tière n’est pas encore claire.

1.3.6. Consultations

Pendant l’élaboration du livre blanc, desconsultations ont eu lieu avec des experts indé-pendants des États membres, des experts natio-naux des États membres et les parties concernées;un grand nombre d’entre elles ont égalementenvoyé des observations écrites concernant lesdocuments de travail informels qu’elles ont reçus au cours de la procédure. Les opinions exprimées se sont avérées très différentes lesunes des autres, notamment en ce qui concernela nécessité d’une action à l’échelon commu-nautaire. Le rapport de synthèse qui présente lesobservations des parties concernées peut êtreobtenu sur simple demande.

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(4) Avis du Comité économique et social du 23 février 1994 (CESn° 226/94).

(5) Quatre études ont été menées en vue de préparer une politiquecommunautaire dans ce domaine. Les études sont à la disposi-tion du public. Des résumés de ces études sont jointes à la pré-sente publication (annexes 1 à 4).

2. EN QUOI CONSISTE LA RESPONSABILITÉENVIRONNEMENTALE?

2.1. BUT DE LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

La responsabilité environnementale vise à faireen sorte qu’une personne ayant occasionné desdommages à l’environnement (le pollueur) verse une somme d’argent pour remédier auxdommages qu’elle a causés.

La réglementation environnementale définitdes normes et des procédures en vue de préser-ver l’environnement. En l’absence d’un sys-tème de responsabilité, un manquement auxnormes et aux procédures existantes peut sim-plement entraîner des sanctions administrativesou pénales. En revanche, si la notion de res-ponsabilité est intégrée à la réglementation, leséventuels pollueurs risquent également de de-voir payer pour réparer les dommages qu’ilsont causés ou à titre de compensation.

2.2. TYPES DE DOMMAGES CAUSÉS

À L’ENVIRONNEMENT RELEVANT

DE LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

La responsabilité environnementale ne permetpas de remédier à toutes les formes d’atteintesà l’environnement. Pour que le principe de res-ponsabilité s’applique:

— il faut un (ou plusieurs) auteur(s) identi-fiable(s) [pollueur(s)];

— les dommages doivent être concrets etquantifiables;

— un lien de causalité doit être établi entre lesdommages et le(s) pollueur(s) identifié(s).

Ainsi, la responsabilité environnementale peuts’appliquer par exemple dans les cas où lesdommages résultent d’accidents industriels oud’une pollution progressive provoquée par dessubstances ou des déchets dangereux introduitsdans l’environnement à partir de sources iden-tifiables.

Néanmoins, la responsabilité environnemen-tale n’est pas un instrument approprié dans lecas d’une pollution généralisée et diffuse, puis-qu’il est alors impossible d’établir un lien entre

les dégradations environnementales et les acti-vités de certaines personnes. Le changementclimatique induit par des émissions de CO2 etd’autres émissions, le dépérissement des forêtsprovoqué par les pluies acides et la pollutionatmosphérique liée à la circulation sont desexemples de ce type de pollution.

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3. MOTIFS JUSTIFIANT LA MISEEN PLACE D’UN SYSTÈME DE RESPONSABILITÉENVIRONNEMENTALECOMMUNAUTAIRE ET INCIDENCES SUSCEPTIBLESD’EN RÉSULTER

3.1. APPLIQUER LES PRINCIPES FONDAMENTAUX

DU TRAITÉ CE DANS LE DOMAINE

DE L’ENVIRONNEMENT

La responsabilité environnementale permet demettre en œuvre les grands principes de la po-litique environnementale inscrits au traité CE(article 174, paragraphe 2), et avant tout leprincipe du «pollueur-payeur». Si on n’ap-plique pas ce principe pour couvrir les coûts deréparation des dommages causés à l’environne-ment, le milieu naturel reste endommagé oul’État, et, en définitive, le contribuable, doitprendre en charge sa remise en état. Par consé-quent, le premier objectif consiste à rendre lepollueur responsable des dommages qu’il acausés. Si les pollueurs doivent réparer lesdommages causés en supportant les coûts cor-respondants, ils réduiront la pollution tant quele coût marginal de dépollution reste inférieurau montant de la compensation ainsi évitée. Leprincipe de responsabilité environnementalepermet donc de prévenir les dommages et d’in-ternaliser les coûts environnementaux (6). Leprincipe de responsabilité peut également inci-ter les différentes parties à prendre davantagede précautions, ce qui permettrait de prévenirles risques et les dommages; l’application dece principe peut également encourager les in-vestissements en R & D en vue d’améliorer lesconnaissances et les technologies disponibles.

3.2. GARANTIR LA DÉCONTAMINATION

ET LA RÉHABILITATION DE L’ENVIRONNEMENT

Afin que puisse véritablement s’appliquer leprincipe du «pollueur-payeur», les Étatsmembres devraient assurer la décontaminationet la réhabilitation effectives de l’environne-

ment endommagé ou le remplacement des res-sources perdues, lorsqu’il existe un pollueurresponsable, en s’assurant que la compensationversée par celui-ci soit utilisée à cet effet demanière correcte et efficace.

3.3. APPLIQUER DE MANIÈRE PLUS STRICTE

LA LÉGISLATION ENVIRONNEMENTALE

COMMUNAUTAIRE

Si la notion de responsabilité exerce l’effet pré-ventif décrit plus tôt et que la restauration del’environnement est garantie en cas de dom-mages, la conformité avec la législation envi-ronnementale communautaire devrait égale-ment s’en trouver améliorée. Par conséquent,les liens entre les dispositions du système deresponsabilité communautaire et la législationenvironnementale existante revêtent une grandeimportance. La plupart des États membres ontintroduit à l’échelon national des lois concer-nant la responsabilité sans faute pour les dom-mages résultant d’activités qui sont dange-reuses pour l’environnement d’une manière oud’une autre, mais ces lois diffèrent grandementdans leur champ d’application et, fréquemment,elles ne couvrent pas de manière cohérente tousles dommages résultant d’activités dont on saitqu’elles représentent un risque pour l’environ-nement. En outre, ces systèmes de responsabili-té ne s’appliquent qu’en cas d’atteinte à la santédes personnes ou à la propriété, ou lorsqu’un site est pollué. D’une manière générale, ils necouvrent pas les dommages causés aux res-sources naturelles. Il est donc important qu’unsystème de responsabilité environnementalecommunautaire couvre également les dom-mages causés aux ressources naturelles, tout aumoins en ce qui concerne les ressources déjàprotégées par la législation communautaire, envertu des directives «oiseaux sauvages» et «ha-bitats», à l’intérieur des zones du réseau «Natu-ra 2000» (7). Les États membres devraient entout état de cause assurer la réparation des dom-mages occasionnés à ces ressources naturellesprotégées, y compris dans les cas où un systèmede responsabilité n’a pu s’appliquer (par exemple

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(6) L’internalisation des coûts environnementaux signifie que lescoûts de prévention et de restauration de la pollution environne-mentale sont directement pris en charge par les parties respon-sables des dommages, au lieu d’être supportés par la société engénéral.

(7) Directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservationdes oiseaux sauvages (JO L 103 du 25.4.1979, p. 1) et directive92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitatsnaturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206du 22.7.1992, p. 7).

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si le pollueur n’a pu être identifié), puisque cetteremise en état constitue une obligation en vertude la directive «habitats». Les effets préventifsde la responsabilité devraient s’amplifier dansune Union européenne élargie facilitant ainsil’application des réglementations environnemen-tales par les nouveaux États membres.

3.4. AMÉLIORER L’INTÉGRATION

Le traité d’Amsterdam a ajouté à l’article 6 dutraité CE le principe selon lequel les exigences enmatière de protection de l’environnement doi-vent être intégrées dans la définition et la mise enœuvre des politiques et des actions de la Com-munauté. Un système communautaire de respon-sabilité environnementale couvrant toutes les activités qui représentent un risque pour l’envi-ronnement et font l’objet d’une réglementationcommunautaire (se reporter au point 4.2.2concernant les activités à couvrir) permettrad’améliorer l’intégration des questions environ-nementales dans les différents secteurs concernés,par l’internalisation des coûts environnementaux.

3.5. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ

INTÉRIEUR

Même si les principaux objectifs d’un systèmecommunautaire sont de nature environnemen-tale, un tel système peut également contribuerà créer des conditions équitables sur le marchéintérieur. Ce facteur est important, puisque leséchanges communautaires se font pour la plu-part sur le marché intérieur; en d’autres termes,le commerce intracommunautaire est plus im-portant pour les États membres que le commerceextracommunautaire, c’est pourquoi les diffé-rences de cadre juridique ainsi que les coûtssupportés par les sociétés sur le marché inté-rieur ont une plus grande incidence que les dif-férences par rapport aux pays tiers.

À l’heure actuelle, il est difficile de dire s’ilexiste un problème de concurrence sur le mar-ché intérieur en raison de différences d’ap-proches entre les États membres dans le do-maine de la responsabilité environnementale.Cela s’explique peut-être par le fait que lessystèmes nationaux de responsabilité environ-nementale sont relativement récents au sein de

l’Union européenne et ne sont pas encore plei-nement opérationnels.

Néanmoins, les systèmes de responsabilité en-vironnementale en vigueur dans la plupart desÉtats membres ne couvrent pas les dommagescausés à la biodiversité. La couverture de cetype de dommages pourrait avoir des inci-dences économiques sensiblement plus impor-tantes que les dispositions nationales actuellesen matière de responsabilité. Les éventuellesconséquences pour la compétitivité des entre-prises établies sur le territoire d’un Étatmembre inciteraient alors les administrationsnationales à attendre une initiative de l’Unioneuropéenne et à s’abstenir d’imposer unilatéra-lement des dispositions concernant la respon-sabilité à l’égard de la biodiversité. Dans cecas, l’action de l’Union européenne serait éga-lement justifiée par la nécessité de garantir desconditions équitables sur le marché intérieur.

Les points examinés ci-dessus montrent qu’ilconvient d’élaborer le système de responsabili-té communautaire en vue de réduire au maxi-mum les éventuelles incidences de ce type deresponsabilité sur la compétitivité externe del’industrie européenne (8) (cette question faitl’objet d’un traitement spécifique dans la sep-tième partie). C’est notamment pour cette raisonqu’il convient d’adopter une approche progres-sive pour mettre en place le système commu-nautaire (voir également la sixième partie).

3.6. EFFETS ENVISAGÉS

D’après ce qui a été dit au point 3.1 sur la miseen œuvre des principes du «pollueur-payeur»,de prévention et de précaution, le système deresponsabilité devrait inciter les entreprises àavoir un comportement plus responsable.Néanmoins, un certain nombre de conditionsdoivent être réunies pour ce faire. Par exemple,la mise en œuvre de la législation américaineSuperfund (responsabilité impliquant l’obliga-tion de nettoyer les sites pollués) a montréqu’il est nécessaire de prévenir les contourne-

(8) À cet égard, il convient de préciser que, dans le cadre de la lé-gislation en matière de responsabilité environnementale, quis’applique également aux dommages causés aux ressources naturelles, les États-Unis appliquent un système d’ajustementsfiscaux à la frontière pour les secteurs les plus sensibles, c’est-à-dire pour le pétrole et les industries chimiques.

ments de la législation en matière de responsa-bilité, effectués par le biais de transfert des ac-tivités dangereuses dans des entreprises peu ca-pitalisées qui deviennent insolvables en cas dedommages importants. Si les entreprises peu-vent se protéger contre le risque lié à la res-ponsabilité en contractant une assurance, ellesauront moins tendance à recourir à ce type demanœuvres frauduleuses. Le fait de pouvoirdisposer d’une garantie financière, et notam-ment d’une assurance, est donc important pourgarantir l’efficacité écologique du système deresponsabilité; cette question est examinée aupoint 4.9. Pour être efficace, un système juri-dique de responsabilité doit s’accompagnerd’un système de garantie financière effectif; end’autres termes, les éléments fondamentauxd’un système de responsabilité doivent pouvoirêtre couverts par une garantie financière. Enoutre, l’efficacité du système de responsabilitépour les dommages environnementaux (par op-position aux dommages traditionnels) dépendde la rapidité des autorités administratives etjuridiques dans le traitement des dossiers ainsique de l’adéquation des moyens d’accès à lajustice mis à la disposition du public.

Les incidences globales du principe de respon-sabilité dépendent donc du contexte général etde la structure spécifique du système de res-ponsabilité.

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4. ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS D’UN SYSTÈME COMMUNAUTAIRE DE RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

Cette partie présente une description des prin-cipales composantes envisageables pour unsystème communautaire. Tous ces éléments oucertains d’entre eux devront être pris en consi-dération en fonction de l’option choisie pour lefutur (voir la cinquième partie).

4.1. NON-RÉTROACTIVITÉ

Pour des raisons de sécurité juridique et d’at-tentes légitimes, le système communautaire nedevrait s’appliquer qu’aux dommages à venir.Les dommages qui sont découverts après l’en-trée en vigueur du système communautaire de-vraient être couverts, à moins que l’acte oul’omission ayant causé les dommages ne sesoient produits avant cette entrée en vigueur.Les problèmes de pollution hérités du passé de-vraient rester du ressort des États membres. Cesderniers pourraient mettre en place des méca-nismes de financement pour traiter les sitescontaminés ou remédier aux atteintes à la biodi-versité de la manière la mieux adaptée à la si-tuation nationale, en tenant compte de facteurstels que le nombre de sites concernés, la naturede la pollution et l’évaluation des coûts de dé-pollution ou de réhabilitation. Afin d’appliquerle principe de non-rétroactivité de manière har-monisée, il conviendra de définir ultérieure-ment ce que l’on entend par «pollution passée».

Les litiges portant sur la détermination de la li-mite entre une pollution passée et une pollutioncouverte par le système de responsabilité de-vraient entraîner certains coûts de transaction.Néanmoins, un système rétroactif aurait des inci-dences économiques sensiblement plus grandes.

4.2. CHAMP D’APPLICATION DU SYSTÈME

Le champ d’application du système doit être en-visagé sous deux angles différents: tout d’abord,il faut considérer les types de dommages à cou-vrir et, ensuite, les activités à l’origine de cesdommages qu’il convient de couvrir. Les pointsfigurant ci-après présentent la manière dont cesquestions pourraient être traitées.

4.2.1. Dommages à couvrir

Dommages environnementaux

Puisque le système envisagé porte sur la res-ponsabilité environnementale, il convient decouvrir les dommages causés à l’environne-ment. Cette proposition n’est pas aussi évidentequ’il y paraît: plusieurs législations nationalesqualifiées de «lois sur la responsabilité envi-ronnementale» (ou ayant des intitulés simi-laires) régissent des types traditionnels dedommages, tels que les dommages corporelsou matériels, et non les dommages environne-mentaux en tant que tels. Ces lois ne couvrentque les dommages résultant d’activités jugéesdangereuses pour l’environnement ou les dom-mages (traditionnels) dont le vecteur est l’envi-ronnement (par exemple pollution de l’air oude l’eau). On trouve, par exemple, ce type delégislation en Allemagne (loi sur la responsabi-lité environnementale de 1990) et au Dane-mark (loi sur la compensation pour les dom-mages causés à l’environnement de 1994).Dans d’autres législations nationales, la dégra-dation de l’environnement est également cou-verte, parallèlement aux dommages tradition-nels, mais cette notion ne se trouve préciséepar quasiment aucune règle supplémentaire.

Dans le présent livre blanc, deux catégories dedommages différents sont regroupées sous l’in-titulé «Dommages environnementaux», et cesdeux catégories de dommages, présentées ci-dessous, doivent être couvertes par un systèmecommunautaire.

a) Dommages causés à la biodiversité

b) Dommages se traduisant par la contamination de sites

La plupart des États membres n’ont pas encorecommencé à couvrir explicitement les dom-mages causés à la biodiversité dans le cadre deleur système de responsabilité environnemen-tale. Néanmoins, tous les États membres dispo-sent de lois ou de programmes pour traiter lescas de responsabilité pour contamination desites. Il s’agit principalement de réglementa-tions administratives visant à procéder à la dé-pollution des sites pollués aux frais du pollueur(et/ou d’autres parties).

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Dommages traditionnels

Pour assurer la cohérence de la méthode adop-tée, il est important de couvrir également lesdommages traditionnels, tels que les dom-mages corporels et matériels, s’ils sont causéspar une activité dangereuse entrant dans lechamp d’application du système communautaire,étant donné qu’un même événement est sou-vent à l’origine de dommages traditionnels etd’atteintes à l’environnement. Si le systèmecommunautaire ne couvrait que les dommagesenvironnementaux en laissant la responsabilitédes dommages traditionnels entièrement à lacharge des États membres, il pourrait en résul-ter des situations inéquitables (par exemplel’absence d’indemnisation ou une compensa-tion moins importante pour les dommages cor-porels que pour les dommages environnemen-taux provoqués par un même incident). Enoutre, la santé des personnes — objectif poli-tique important en soi — constitue un intérêtétroitement lié à la protection de l’environne-ment: l’article 174, paragraphe 1, du traité CEdispose que la politique communautaire dansle domaine de l’environnement contribue (no-tamment) à la poursuite de l’objectif de protec-tion de la santé des personnes.

4.2.2. Activités à couvrir

Les systèmes nationaux de responsabilité envi-ronnementale visent, dans leur quasi-totalité, àcouvrir les activités (9) qui comportent unrisque inhérent de dommages. Ces activitéssont actuellement en grande partie réglemen-tées par la législation environnementalecommunautaire ou par les réglementationscommunautaires qui poursuivent un but envi-ronnemental parmi d’autres objectifs.

Pour que le système de responsabilité s’inscrivedans un cadre cohérent, il doit être relié aux ré-glementations communautaires pertinentesdans le domaine de la protection de l’environ-nement. En plus de garantir la restauration del’environnement dans les cas pour lesquels cen’est pas encore possible, le système de respon-sabilité fournirait donc également des incita-

tions supplémentaires en vue de la bonne obser-vation des lois nationales transposant la législa-tion environnementale communautaire. Uneviolation de ces lois aboutirait alors non seule-ment à des sanctions administratives ou pé-nales, mais également, si les dommages résul-tent de cette violation, à l’obligation pour le res-ponsable (le pollueur) de réparer les dommagesou de verser une compensation correspondant àla perte de valeur de la ressource endommagée.Le fait de définir un champ d’application res-treint, en lien avec la législation communautaireen vigueur, présente en outre l’avantage de ga-rantir une sécurité juridique optimale.

Les activités à couvrir en ce qui concerne lesdommages corporels ou matériels et les sitescontaminés pourraient être les activités régiespar les catégories suivantes de réglementationscommunautaires: les actes législatifs prévoyantdes limites de rejet ou d’émission de substancesdangereuses dans l’eau ou dans l’air et la régle-mentation relative aux substances et aux prépa-rations dangereuses visant (notamment) à proté-ger l’environnement, les actes législatifs dontl’objectif est de prévenir et de contrôler lesrisques d’accident et de pollution, à savoir la di-rective sur la prévention et la réduction intégréesde la pollution (IPPC: integrated pollution pre-vention and control) et la deuxième version de ladirective Seveso, la législation concernant laproduction, la manipulation, le traitement, la ré-cupération, le recyclage, la réduction, le sto-ckage, le transport, le transfert transfrontalier etl’élimination des déchets dangereux et d’autrestypes de déchets, la législation en matière debiotechnologie et la législation dans le domainedu transport des substances dangereuses. Lorsde la mise en forme plus détaillée de l’initiativecommunautaire, il conviendra de déterminerplus précisément quelles activités sont cou-vertes, par exemple en dressant une liste de tousles actes législatifs communautaires applicablesdans le cadre du système de responsabilité. Enoutre, certaines de ces activités, telles que les ac-tivités liées aux organismes génétiquement mo-difiés (OGM), ne sont pas dangereuses en soimais peuvent dans certaines circonstances porteratteinte à la santé des personnes ou provoquerd’importants dommages environnementaux.Ces dommages pourraient être occasionnés, parexemple, si une fuite se produisait dans une ins-tallation de confinement de haut niveau ou si

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(9) Le terme «activités» (dangereuses) désigne également, dans leprésent document, le fait de traiter des substances présentant unrisque inhérent.

une dissémination volontaire avait des résultatsimprévus. On estime pour cette raison qu’il se-rait approprié que ces activités relèvent duchamp d’application d’un système de responsa-bilité établi au niveau communautaire. À cetégard, la définition précise du système, notam-ment en ce qui concerne les défenses admises,pourrait ne pas être la même pour toutes les acti-vités liées aux OGM, mais elle pourrait devoirêtre différenciée en fonction de la réglementa-tion applicable et des activités concernées.

En ce qui concerne les dommages causés à labiodiversité, il convient de tenir compte d’unimportant facteur: l’existence d’une réglemen-tation communautaire spécifique en matière deconservation de la biodiversité, à savoir les di-rectives «oiseaux sauvages» et «habitats». Cesdirectives établissent un système de protectionspéciale des ressources naturelles importantespour la conservation de la biodiversité, mis enœuvre dans le cadre du réseau «Natura 2000».Les exigences qui y sont définies concernentnotamment la réparation des dommages impor-tants causés aux ressources naturelles proté-gées. Cette obligation incombe aux Étatsmembres. Le système de responsabilité envi-ronnementale envisagé fournirait l’instrumentpermettant d’amener les pollueurs à financer laréparation de ces dommages. L’objectif desdeux directives précitées est la protection desressources naturelles concernées, indépendam-ment de l’activité à l’origine des dommages;en outre, ces ressources sont vulnérables et ris-quent donc également de subir des dommagescausés par d’autres activités que celles intrinsè-quement dangereuses. Par conséquent, un sys-tème de responsabilité applicable aux atteintesà la biodiversité devrait également couvrir lesactivités non définies comme dangereuses quicausent des dommages importants dans leszones protégées du réseau «Natura 2000». Tou-tefois, ce type de responsabilité devrait différerde la responsabilité applicable aux dommagescausés par des activités dangereuses, commecela est expliqué au point 4.3.

4.3. NATURE DE LA RESPONSABILITÉ, DÉFENSES

AUTORISÉES ET CHARGE DE LA PREUVE

On parle de responsabilité sans faute lorsqu’iln’est pas nécessaire de prouver la faute d’unauteur, mais seulement le fait (ou l’omission)qui a causé les dommages. À première vue, la

responsabilité pour faute (10) peut sembler plusefficace d’un point de vue économique que laresponsabilité sans faute, puisque les avantagesaccordés pour inciter à la dépollution sont infé-rieurs aux bénéfices tirés d’une réduction desémissions. Toutefois, le principe de responsabi-lité sans faute est à la base de plusieurs sys-tèmes nationaux et internationaux de responsa-bilité environnementale récemment adoptés,parce que ce principe permettrait d’atteindreplus facilement les objectifs fixés en matièred’environnement. Ce choix s’explique notam-ment par la grande difficulté rencontrée par lesplaignants pour établir la faute de la partie dé-fenderesse dans des affaires de responsabilitéenvironnementale. En outre, les personnes quipratiquent une activité intrinsèquement dange-reuse devraient supporter le risque lié auxdommages occasionnés par cette activité, à laplace de la victime ou de la société en général.Ces raisons plaident en faveur d’un systèmecommunautaire fondé, en règle générale, sur laresponsabilité sans faute. Comme cela a étémentionné au point 4.2.2, les atteintes à la bio-diversité devraient être couvertes par le sys-tème de responsabilité, qu’elles soient causéespar une activité dangereuse ou non. Toutefois,il est proposé d’appliquer la responsabilitépour faute au lieu de la responsabilité sans faute à ce type de dommages s’ils sont causéspar une activité non dangereuse. Les activitésmenées conformément aux mesures de mise enœuvre des directives «oiseaux sauvages» et«habitats», qui visent à sauvegarder la biodi-versité, n’engageraient pas la responsabilité dela personne exerçant l’activité, sauf en cas defaute. Ces activités peuvent par exemple êtreexercées dans le cadre d’un contrat agroenvi-ronnemental, conformément au règlement duConseil concernant le soutien au développe-ment rural (11). L’État sera responsable de larestauration ou de la compensation des dom-mages causés à la biodiversité par une activiténon dangereuse si la faute de la personne àl’origine des dommages ne peut être établie.Dans le cadre d’un système de responsabilitéenvironnementale, il conviendra d’assurer la

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(10) La responsabilité pour faute s’applique lorsqu’un exploitantcommet une faute de manière délibérée, par négligence ou parmanque de précaution. Cet acte (ou cette omission) peut prendrela forme d’un manquement aux règles juridiques ou aux condi-tions définies dans un permis, ou toute autre forme.

(11) Règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil (JO L 160 du26.6.1999, p. 80).

cohérence avec les autres politiques commu-nautaires et les mesures qui les mettent enœuvre.

L’efficacité d’un système de responsabilité dé-pend non seulement de la nature fondamentale dece système, mais aussi en grande partie d’élé-ments tels que les moyens de défense autorisés etla répartition de la charge de la preuve. Les effetspositifs de la responsabilité sans faute ne de-vraient donc pas être hypothéqués par un nombretrop important de défenses ou par une charge dela preuve trop lourde pour le plaignant.

Défenses

Les défenses courantes devraient être accep-tées, et notamment les cas de force majeure, lacontribution aux dommages ou le consente-ment du plaignant, ainsi que l’interventiond’un tiers (pour cette dernière défense, on peutenvisager le cas d’un exploitant ayant causédes dommages par une activité menée pour ré-pondre à un arrêté des pouvoirs publics) (12).

Certaines des parties concernées, en particulierles agents économiques, estiment qu’il convien-drait également d’accepter une défense basée surle fait que les dommages ont été causés par desrejets autorisés en vertu de réglementations com-munautaires, sur l’état actuel d’un domaine et/ousur les risques de développement. Pour des rai-sons économiques, ces parties ont besoin de pré-voir leurs éventuelles responsabilités vis-à-vis detiers, mais l’existence et l’ampleur de ces respon-sabilités dépendent en tout état de cause de l’évo-lution de certains domaines (par exemple desmodifications de la législation et de la jurispru-dence, des progrès de la médecine, etc.). Les dé-fenses telles que celles qui ont été mentionnéesplus haut ne sont toutefois pas admises, en règlegénérale, par les systèmes nationaux de respon-sabilité environnementale en vigueur dans lesÉtats membres de l’Union européenne. Lors dela détermination de ces moyens de défense, ilconviendra d’examiner toutes les conséquencessusceptibles d’en découler et, entre autres, leséventuelles incidences sur les PME (se reporterégalement à la septième partie).

Charge de la preuve

Dans une affaire ayant trait à l’environnement,il peut s’avérer plus difficile pour le plaignant etplus facile pour la partie défenderesse d’établirles faits concernant le lien de causalité (ou l’ab-sence de lien de causalité) entre une activité menée par le défendeur et les dommages occa-sionnés. C’est pourquoi plusieurs systèmes na-tionaux de responsabilité environnementaleprévoient des dispositions visant à alléger lacharge de la preuve en faveur du plaignant en cequi concerne l’établissement de la faute ou de lacausalité. Le système communautaire pourraitégalement prévoir l’une ou l’autre forme d’allè-gement de la charge de la preuve traditionnelle,à définir plus précisément à un stade ultérieur.

Application de la règle d’équité

Dans certaines circonstances, il peut s’avérerinéquitable que le pollueur ait à assumer lacompensation totale des dommages qu’il acausés. Les tribunaux (ou toute autre autoritécompétente, par exemple un arbitre) pourraientdisposer d’une certaine marge d’action leurpermettant de décider — par exemple lorsquel’exploitant à l’origine des dommages peut dé-montrer que ces dommages ont été entièrementet exclusivement causés par des émissions ex-plicitement autorisées par son permis —qu’une partie de la compensation devrait êtreprise en charge par l’autorité ayant délivré lepermis, au lieu du pollueur. Il conviendrait dedéfinir d’autres critères dans le cadre de cettedisposition, en établissant, par exemple, quel’exploitant responsable a fait tout son possiblepour prévenir les dommages.

4.4. QUI DOIT ÊTRE RECONNU RESPONSABLE?

La partie responsable dans le cadre d’un sys-tème communautaire de responsabilité envi-ronnementale devrait être la personne (ou lespersonnes) qui exerce le contrôle de l’activité(relevant du champ d’application défini) par laquelle les dommages sont causés (c’est-à-dire l’exploitant) (13). Si l’activité est exercéepar une société ayant la personnalité juridique,

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(12) Certains aspects de la procédure peuvent également être invo-qués pour contester la responsabilité, comme le défaut de com-pétence du tribunal saisi ou des questions de prescription.

(13) Néanmoins, les États membres pourraient décider que d’autresparties sont également susceptibles d’être reconnues respon-sables, conformément à l’article 176 du traité CE.

la responsabilité reposera sur la personne mo-rale et non sur la direction de la société (les dé-cideurs) ou sur d’autres employés ayant puparticiper à l’activité. Les bailleurs de fondsn’exerçant pas de contrôle d’exploitation nedoivent pas être tenus responsables.

4.5. CRITÈRES APPLIQUÉS AUX DIFFÉRENTS TYPES

DE DOMMAGES

Différentes approches correspondent aux diffé-rents types de dommages. Pour les dommagescausés à la biodiversité, il n’existe pas derègles ni de critères suffisamment développésen matière de responsabilité, et il convientdonc d’en définir. En ce qui concerne la res-ponsabilité pour les sites contaminés, il existedes législations et des systèmes nationaux,mais ces réglementations diffèrent grandementles unes des autres. Il convient de traiter lesdommages traditionnels d’une manière cohé-rente par rapport aux autres formes de dom-mages liées à l’environnement, ce qui ne peutse faire que si les règles fondamentales sont lesmêmes pour chaque type de dommage.

4.5.1. Dommages causés à la biodiversité

Comme ce domaine n’est généralement pascouvert par les réglementations des Étatsmembres relatives à la responsabilité, un sys-tème communautaire de responsabilité pourraitcommencer par couvrir ce type de dommages,dans les limites des réglementations commu-nautaires en matière de biodiversité.

Quels dommages à la biodiversité convient-il de couvrir?

Les dommages causés à la biodiversité protégéedans le cadre des zones du réseau «Natura2000», en vertu des directives «habitats» et «oi-seaux sauvages», devraient être couverts. Il peuts’agir de dommages causés à des habitats, à lavie sauvage ou à certaines espèces de plantes vi-sées dans les annexes des directives concernées.

Dans quels cas les dommages causés à la biodiversité doivent-ils être couverts?

Le système communautaire devrait s’appliquerà partir d’un seuil minimal: seuls les dom-mages importants devraient être pris en consi-

dération. Les critères à appliquer à cet égarddoivent tout d’abord se fonder sur l’interpréta-tion de cette notion dans le cadre de la direc-tive «habitats» (14).

Comment évaluer les dommages causés à la biodiversité et assurer leur réparation à un prix raisonnable?

L’évaluation économique des atteintes à la bio-diversité revêt une importance particulièredans les cas où les dommages sont irrépa-rables. Mais, même si la remise en état est pos-sible, il convient de disposer de critères d’éva-luation des ressources naturelles endommagéesafin d’éviter que les coûts de restauration nesoient disproportionnés. Une analyse coûts/bénéfices ou relative au caractère raisonnablede la réparation devra être effectuée cas parcas. Lorsque la remise en état est envisageable,cette analyse devra se fonder sur les coûts derestauration (qui couvrent également les coûtsd’évaluation des dommages). Pour évaluer lesbénéfices associés aux ressources natu-relles (15), il convient de définir un cadre, ens’inspirant par exemple de certains systèmesactuellement appliqués ou élaborés à l’échelonrégional (notamment en Andalousie et dans leLand de Hesse).

Si la remise en état n’est pas techniquementpossible ou ne l’est que partiellement, l’évalua-tion des ressources naturelles doit se fonder surle coût des solutions de substitution, en vued’implanter des ressources naturelles équiva-lentes aux ressources détruites et de rétablirainsi le niveau de conservation de la nature etde la biodiversité qui doit caractériser le réseau«Natura 2000».

L’évaluation des ressources naturelles peuts’avérer plus ou moins coûteuse, selon la mé-thode utilisée. Les méthodes d’évaluation éco-nomique telles que l’évaluation contingente,l’évaluation des frais de déplacement ainsi qued’autres méthodes de révélation des préfé-rences, qui nécessitent des enquêtes impliquant

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(14) Un document des services de la Commission sur l’interprétationde ce point et d’autres notions, dans le cadre de l’article 6 de ladirective «habitats», sera publié prochainement.

(15) Il peut s’agir, par exemple, de la présence du pic mar (voir cou-verture), espèce protégée en vertu de la directive «oiseaux sau-vages».

un grand nombre de personnes, peuvent s’avé-rer coûteuses si elles sont réalisées systémati-quement. Le recours à des techniques de«transfert de bénéfices» peut néanmoins réduiresensiblement les coûts d’évaluation. Il est particulièrement important de développer desbases de données concernant le transfert desbénéfices, qui contiennent des informationspertinentes en matière d’évaluation, telles quel’environmental valuation resource inventory(inventaire des ressources pour l’évaluation en-vironnementale — EVRI). Ces bases de don-nées peuvent être utilisées pour replacer le pro-blème dans son contexte et en tant que sourced’évaluation directement comparable.

Comment garantir un niveau minimal de restauration?

La restauration devrait viser à rétablir l’étatdans lequel les ressources naturelles se trou-vaient avant que les dommages ne se produi-sent. Pour évaluer cet état, on peut recourir parexemple à des données historiques et à desdonnées de référence (décrivant les caractéris-tiques normales des ressources naturellesconcernées). Toutefois, la reconstitution àl’identique des ressources naturelles en qualitéet en quantité est impossible dans la plupartdes cas ou ne peut se faire qu’à un coût extrê-mement élevé. Par conséquent, l’objectif de-vrait plutôt consister à ramener les ressourcesendommagées à un état comparable à leur étatantérieur, en tenant également compte de fac-teurs tels que la fonction de ces ressources etl’utilisation envisagée pour elles.

Incidences des atteintes à la biodiversité sur les coûts de prévention et de restauration

Les dommages causés à la biodiversité, au sensdu présent livre blanc, ne peuvent se produireque dans les zones protégées en vertu des direc-tives «habitats» et «oiseaux sauvages», qui de-vraient couvrir au total environ 10 % du terri-toire communautaire après la mise en place du ré-seau «Natura 2000». Dans ces zones, seules desactivités favorables à l’environnement peuventêtre menées. Cela signifie que la majeure partiedes dommages environnementaux survenantdans ces zones ne peuvent être causés que pardes installations exerçant des activités dange-reuses dans les zones environnantes. Toutefois,

ces installations sont déjà couvertes par lesautres piliers du système proposé pour les dom-mages traditionnels et la contamination de sites.Par conséquent, le seul coût supplémentaire lié àla couverture de la diversité biologique concernela prévention des atteintes à la biodiversité et laréparation de ce type de dommages conformé-ment aux critères définis par le livre blanc.

Comme nous l’avons dit plus haut, les activitésdangereuses ne sont théoriquement pas menéesdans des zones protégées, c’est pourquoi les at-teintes à la biodiversité se produisant dans ceszones ne sont qu’exceptionnellement causéespar des industries pratiquant la prévention et laréduction intégrées de la pollution ou par degrandes installations pour lesquelles les coûtset la compétitivité sont des facteurs essentiels.Ainsi, les incidences de la responsabilité pourles dommages causés à la biodiversité serontminimes pour ces industries. En outre, les acti-vités sans danger pour l’environnement autori-sées dans les zones protégées sont, par nature,susceptibles de réaliser une internalisation peucoûteuse de la prévention et de la restaurationau niveau souhaité.

4.5.2. Sites contaminés

La plupart des États membres disposent de loisou de programmes spéciaux pour la dépollutiondes sites contaminés, que la pollution soit pas-sée ou présente. Le système communautaire devrait viser à appliquer les principes environ-nementaux (pollueur-payeur, prévention et pré-caution) aux nouveaux cas de pollution et à atteindre un certain niveau d’harmonisation enmatière de normes et d’objectifs de dépollution.En ce qui concerne les sites contaminés, l’ap-proche centrée sur les activités dangereuses ain-si que le système communautaire ne devraients’appliquer qu’en cas de pollution importante.Les sites contaminés comprennent le sol, leseaux de surface et les eaux souterraines. Lors-qu’une zone protégée en vertu de la législationsur la biodiversité fait partie d’un site contami-né, le système relatif aux dommages causés à labiodiversité doit s’appliquer à cette zone enplus du système couvrant les sites contaminés.Il peut en résulter que la décontamination du site doive être suivie de la restauration des res-sources naturelles endommagées.

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Normes de dépollution

Il s’agit de normes à appliquer pour évaluer lesdommages et pour déterminer si la dépollutiond’un site contaminé est nécessaire. En ce quiconcerne la biodiversité, seuls les dommagesimportants devraient être couverts. Le principalcritère qualitatif à cet égard est le suivant: lacontamination entraîne-t-elle une menace sé-rieuse pour l’homme et pour l’environnement?

Objectifs de la dépollution

Ces objectifs devraient permettre de définir leniveau de qualité du sol et de l’eau qu’ilconvient de maintenir ou de reconstituer pourun site donné. Le principal objectif doit être lasuppression de tout risque important pourl’homme et pour l’environnement. Des seuilsacceptables pourraient alors être fixés en fonc-tion des meilleures techniques disponibles dansdes conditions économiquement et technique-ment acceptables (comme le prévoit la direc-tive sur la prévention et la réduction intégréesde la pollution). Il convient également deveiller à ce que le sol soit traité de manière àpermettre une réelle utilisation ultérieure duterrain à des fins réalistes. Il faudrait, dans lamesure du possible, combiner ces objectifsqualitatifs avec des normes numériques quanti-fiées indiquant le niveau de qualité du sol et del’eau à atteindre. Si la dépollution s’avérait irréalisable pour des raisons économiques outechniques, un confinement partiel ou total dusite pourrait être envisagé.

4.5.3. Dommages traditionnels

La définition des dommages traditionnels,c’est-à-dire des dommages corporels et maté-riels ainsi que peut-être des pertes écono-miques, restera du ressort des États membres.Toutefois, tous les éléments du système pré-sentés dans le présent document devraientégalement s’appliquer aux dommages tradi-tionnels, à l’exception des règles spécifiquessur l’accès à la justice (point 4.7) et des cri-tères spécifiques pour la restauration et l’éva-luation des dommages causés à l’environnement(points 4.5.1 et 4.5.2). Pour les dommages traditionnels, le système communautaire ne doitpas introduire la notion de «dommages impor-tants».

4.5.4. Liens avec la directive sur la responsabilitédu fait des produits (16)

La directive sur la responsabilité du fait des pro-duits traite des dommages occasionnés aux per-sonnes et aux biens par un produit défectueux(c’est-à-dire des dommages traditionnels), maiselle ne couvre pas les dommages causés à l’en-vironnement. On ne peut exclure d’éventuelschevauchements entre ces deux systèmes deresponsabilité en ce qui concerne les dommagestraditionnels. Cela pourrait notamment se pro-duire si des dommages sont causés par un pro-duit qui contient des substances dangereuses ets’avère être un produit défectueux en raisond’une concentration en substances chimiquesplus élevée que celle autorisée par la législationenvironnementale communautaire. Dans ce cas,la directive sur la responsabilité du fait des pro-duits prévaudrait en tant que législation appli-cable en vue d’obtenir une compensation pourdes dommages traditionnels (17).

4.6. GARANTIR LA DÉCONTAMINATION

ET LA RESTAURATION EFFECTIVES

DE L’ENVIRONNEMENT

Il devrait être obligatoire d’affecter de manièreeffective les dommages-intérêts ou les com-pensations versées par le pollueur à la dépollu-tion ou à la réhabilitation, tant en cas de dom-mages causés à la biodiversité qu’en cas decontamination d’un site. S’il n’est pas possiblede réparer les dommages ou si cette réparationn’est que partiellement possible pour des rai-sons techniques ou économiques (du point devue coûts/avantages), la compensation repré-sentant la valeur des dommages non réparésdevrait être affectée à des projets comparablesvisant à réhabiliter ou à valoriser des res-sources naturelles protégées. La définition desprojets comparables par les autorités compé-tentes devrait se fonder sur une analyse com-plète des bénéfices obtenus en termes d’envi-ronnement.

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(16) Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative aurapprochement des dispositions législatives, réglementaires et ad-ministratives des États membres en matière de responsabilité dufait des produits défectueux (JO L 210 du 7.8.1985, p. 29), modi-fiée par la directive 1999/34/CE (JO L 141 du 4.6.1999, p. 20).

(17) La Commission a récemment publié un livre vert sur la responsabi-lité du fait des produits, afin de rassembler les informations dispo-nibles sur l’application effective de la directive et de lancer un débatsur la nécessité éventuelle de la réviser de manière approfondie.

4.7. ACCÈS À LA JUSTICE

Une affaire de dommages causés à l’environ-nement diffère d’un cas de dommages tradi-tionnels, dans lequel les victimes ont le droitde déposer plainte auprès des organismes ad-ministratifs ou juridiques compétents en vue devoir garantir leurs intérêts privés. Comme laprotection de l’environnement constitue un in-térêt public, l’État (cette notion couvrantd’autres acteurs de l’administration politique)est responsable en premier lieu de l’action àmener si l’environnement est ou risque d’êtreendommagé. La disponibilité des ressourcespubliques est toutefois limitée pour ce faire, etil est de plus en plus généralement admis quele public dans son ensemble devrait se sentirresponsable de l’environnement et devrait,dans certaines circonstances, pouvoir agir pourle protéger. La Commission a souligné la né-cessité d’un meilleur accès à la justice dans lecadre de sa communication au Conseil et auParlement sur la «mise en œuvre du droit com-munautaire de l’environnement» (18).

La convention d’Aarhus (19) constitue un im-portant instrument juridique dans ce domaine.Elle prévoit des dispositions spécifiques surl’accès à la justice, qui constituent le fondementdes différentes actions menées par les particu-liers ainsi que par les groupements de défensedes intérêts du public. Ces actions comprennentle fait de contester la décision d’une autorité pu-blique devant un tribunal ou un autre organe in-dépendant et impartial établi par la loi (droit decontrôle administratif et juridictionnel), de de-mander des solutions appropriées et efficaces, ycompris des injonctions, et de contester les

actes ou les omissions de particuliers ou d’auto-rités publiques allant à l’encontre des disposi-tions du droit national de l’environnement (20).Un système communautaire de responsabilitéenvironnementale pourrait contribuer à l’appli-cation de cette convention dans le droit commu-nautaire, selon les principes énoncés ci-après.

4.7.1. «Approche à deux niveaux»: l’État devrait être responsable en premier lieu

Il devrait incomber aux États membres d’assu-rer en premier lieu (premier niveau) la répara-tion des dommages causés à la biodiversitéainsi que la dépollution, au moyen de la com-pensation ou des dommages-intérêts versés parle pollueur. Les groupes de défense des intérêtsdu public qui œuvrent en faveur de la protec-tion de l’environnement (et qui remplissent lesconditions requises par le droit national) sontréputés avoir un intérêt dans le processus déci-sionnel en matière d’environnement (21).D’une manière générale, les groupes d’intérêtdevraient obtenir le droit d’agir sur une basesubsidiaire, c’est-à-dire uniquement si l’Étatn’entame aucune action ou si son action n’estpas satisfaisante (deuxième niveau). Cette ap-proche devrait s’appliquer aux contrôles admi-nistratifs et juridictionnels ainsi qu’auxplaintes déposées contre le pollueur.

4.7.2. Cas urgents (injonctions, coût des mesures préventives)

Dans les cas urgents, les groupes d’intérêt de-vraient disposer du droit de demander directe-ment au tribunal de prononcer une injonctionafin de contraindre le pollueur (présumé) deprendre des mesures ou de mettre un terme àses activités en vue de prévenir des dommagesimportants ou d’éviter de nouveaux dommagesenvironnementaux. À cet effet, les groupes de-vraient être autorisés à poursuivre le pollueurprésumé, sans passer d’abord par l’État. Lesmesures de redressement par voie d’injonctionpourraient viser à interdire une activité dom-mageable ou à contraindre l’exploitant à préve-nir d’éventuels dommages avant ou après unincident, ou à l’inciter à prendre des mesures

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(18) «Offrir aux organisations non gouvernementales et aux indivi-dus un meilleur accès aux tribunaux aurait des effets bénéfiquespour la mise en œuvre du droit communautaire de l’environne-ment. Tout d’abord, les affaires concernant des problèmes demise en œuvre du droit communautaire auront plus de chancesd’être résolues conformément aux exigences du droit commu-nautaire. Ensuite, et c’est probablement plus important encore,cette ouverture aura comme effet général une meilleure applica-tion pratique du droit communautaire de l’environnement et unmeilleur contrôle de son application, étant donné que tous lesacteurs susceptibles de devoir des comptes tendront à se confor-mer au droit communautaire pour éviter des litiges devenus plusprobables.» [COM(96) 500 final, p. 12].

(19) Convention sur l’accès à l’information, la participation du pu-blic au processus décisionnel et l’accès à la justice en matièred’environnement, adoptée par les Nations unies et la Commis-sion économique pour l’Europe lors de la quatrième conférenceministérielle, qui s’est tenue à Aarhus (Danemark), du 23 au 25juin 1998, également signée par la Communauté européenne.

(20) Article 9 de la convention d’Aarhus.(21) Article 2, paragraphe 5, de la convention d’Aarhus.

de remise en état du site. Il appartient à la courde décider si une injonction est justifiée.

La possibilité de mener une action en rembour-sement des frais raisonnables engagés pour lamise en œuvre de mesures préventives ur-gentes (notamment en vue de prévenir desdommages ou d’éviter de nouveaux dom-mages) devrait être accordée, en premier lieu,aux groupes d’intérêt, sans qu’il soit besoinpour cela de demander d’abord aux autoritéspubliques d’entamer une action.

4.7.3. Garantir une expertise suffisante et éviter les coûts inutiles

Seuls les groupes d’intérêt satisfaisant à descritères qualitatifs objectifs devraient pouvoirpoursuivre l’État ou le pollueur en justice. Larestauration de l’environnement doit se faire encoopération avec les autorités publiques, demanière optimale et rentable. La disponibilitéd’expertise spécifique et la participation d’ex-perts et de scientifiques indépendants et recon-nus peuvent jouer un rôle fondamental.

Comme l’utilisation des droits d’accès à la jus-tice représente inévitablement un certain coût,il serait intéressant d’examiner la manière dontles solutions extrajudiciaires telles que l’arbi-trage ou la médiation peuvent être utiliséesdans ce cadre. Ces solutions visent en effet àgagner du temps et à réaliser des économies.

4.8. LIENS AVEC LES CONVENTIONS INTERNATIONALES

Un nombre croissant de conventions et de pro-tocoles internationaux couvrent la responsabi-lité (environnementale) dans plusieurs do-maines. Il existe par exemple un ensemble deconventions et de protocoles, mis en place trèstôt, qui concernent les dommages liés aux acti-vités nucléaires et la pollution causée en merpar les hydrocarbures. Plus récemment, uneconvention a été élaborée pour couvrir lesdommages causés par le transport par mer desubstances dangereuses et nocives; elle est ac-tuellement examinée par les États membres envue de son éventuelle ratification. Toutes cesconventions sont fondées sur une responsabili-té sans faute mais limitée ainsi que sur la no-tion de compensation au deuxième niveau. En

ce qui concerne la pollution par les hydrocar-bures, le deuxième niveau est constitué par unfonds, conjointement alimenté par les compa-gnies pétrolières apporteuses dans les États importateurs; ce fonds fournit une compensa-tion — également limitée — pour les responsa-bilités qui dépassent la responsabilité des propriétaires du navire. À la lumière des ré-cents accidents ayant entraîné une pollutionmarine, il conviendrait de déterminer si le sys-tème international doit être complété par desmesures prises à l’échelon communautaire. LaCommission préparera une communication surla sécurité des pétroliers (pour juin 2000), quiexaminera notamment la nécessité de disposerd’un système communautaire complémentaireen ce qui concerne la responsabilité pour lesdéversements d’hydrocarbures. Différentes so-lutions seront étudiées à cet égard, compte tenude la nature spécifique de ce secteur. De ma-nière plus générale, un futur système commu-nautaire de responsabilité environnementaledevrait préciser dans quelle mesure il s’ap-plique aux domaines déjà couverts par le droitinternational.

4.9. GARANTIE FINANCIÈRE

L’assurabilité est importante si on veut s’assu-rer que les objectifs d’un système de responsa-bilité environnementale seront atteints.

Il s’est avéré que la responsabilité sans fautepouvait aboutir à des montages financiers ouconduire de grandes entreprises à déléguer cer-taines activités de production présentant unrisque à des entreprises plus petites, dans le butde contourner la responsabilité. Ces petites en-treprises, qui ne disposent souvent pas des res-sources suffisantes pour bénéficier de systèmesde gestion des risques aussi efficaces que ceuxde sociétés plus importantes, sont souvent res-ponsables d’une quantité de dommages dispro-portionnée par rapport à leur taille. En outre,lorsqu’elles causent des dommages, elles sontégalement moins susceptibles de disposer desressources financières nécessaires à la répara-tion de ces dommages. Le fait de pouvoirbénéficier d’une assurance réduit les risquesauxquels les entreprises sont exposées (entransférant une partie de ces risques sur les as-sureurs). De ce fait, elles devraient également

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être moins tentées de contourner leurs obliga-tions en matière de responsabilité (22).

Les contrats d’assurance couvrant les risquesenvironnementaux, et notamment les dom-mages causés aux ressources naturelles, se dé-velopperont vraisemblablement de manièreprogressive. Tant qu’il n’existera pas de mé-thodes de mesure des dommages environne-mentaux plus largement reconnues, il sera dif-ficile de prévoir le montant correspondant à laresponsabilité. Néanmoins, il est important decalculer les tarifs en fonction des risques pourque les responsabilités définies dans le cadredes contrats d’assurance s’appliquent; les com-pagnies d’assurances doivent donc prendre àtout moment des dispositions techniques adé-quates. L’établissement de critères qualitatifs etquantitatifs fiables en matière de détection etde mesure des dommages environnementauxaméliorera la garantie financière disponiblepour le système de responsabilité et contri-buera à assurer sa viabilité, mais cette mise enplace prendra du temps et risque de s’avérercoûteuse. C’est pourquoi il convient d’obser-ver une attitude prudente lors de la mise enplace du système de responsabilité.

Le fait de couvrir la responsabilité pour lesdommages causés aux ressources naturellescontribuera vraisemblablement à accroître lespossibilités de développement rapide du mar-ché de l’assurance dans ce domaine, même siune telle couverture nuirait à l’application effi-cace du principe du «pollueur-payeur».

Lorsque l’on considère le marché de l’assurance(l’assurance constituant l’une des manièresd’obtenir une garantie financière parallèlementaux garanties bancaires, aux réserves internesou aux systèmes sectoriels de mise en com-mun), il apparaît que la couverture des risquesliés aux dommages environnementaux est en-core relativement peu développée, mais que denets progrès ont été réalisés dans certaines

branches des marchés financiers spécialiséesdans ce domaine. Ainsi, on assiste au dévelop-pement de nouveaux types de polices d’assu-rance destinées à couvrir les coûts liés à la dé-pollution des sites contaminés, par exempleaux Pays-Bas.

L’assurabilité des risques environnementauxest essentielle pour la mise en place de garan-ties financières, mais elle dépend considérable-ment de la sécurité juridique et de la transpa-rence offertes par le système de responsabilité.Toutefois, dans les systèmes de responsabilitéenvironnementale de la quasi-totalité des Étatsmembres, la garantie financière ne constituepas une exigence juridique. Lorsque cette exi-gence existe, comme c’est le cas dans le droitallemand en matière de responsabilité environ-nementale, l’application des dispositionsconcernées a rencontré des difficultés et le dé-cret d’application nécessaire à cet égard n’adonc pas pu être arrêté à ce jour.

Les préoccupations justifiées des secteurs fi-nanciers expliquent en partie l’approche pro-gressive proposée dans le présent document(voir la sixième partie). La liste exhaustived’activités dangereuses et la limitation duchamp d’application aux ressources naturellesdéjà protégées par le droit communautaire envigueur ainsi qu’aux dommages importantssont autant d’éléments qui contribuent à facili-ter l’évaluation et la gestion des risques liés àce système. En outre, le système communau-taire ne devrait pas imposer d’obligation enmatière de garantie financière, afin de laisserla marge de manœuvre nécessaire tant que lenouveau système ne bénéficie pas d’une expé-rience suffisante. La proposition par lessecteurs de l’assurance et de la banque d’unegarantie financière pour les risques liés au sys-tème devrait se faire sur une base volontaire.La Commission compte poursuivre les discus-sions avec ces secteurs afin de stimuler le dé-veloppement ultérieur d’instruments spéci-fiques de garantie financière.

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(22) En outre, une entreprise qui peut s’assurer contre les dommagesqu’elle est susceptible de causer à l’environnement montrequ’elle attache de l’importance à un comportement responsable.En effet, pour obtenir une police d’assurance, une entreprisedoit normalement subir un audit environnemental, elle doit enoutre souvent disposer d’un système efficace de gestion desrisques et, en cas de paiement des réparations par l’assurance,elle doit fréquemment supporter une partie des frais.

5. DIFFÉRENTES OPTIONSENVISAGEABLES POUR UNE ACTIONCOMMUNAUTAIRE

Au cours du processus d’élaboration de la poli-tique communautaire en matière de responsabi-lité environnementale, différents instruments etapproches ont été étudiés. Les principaux sontdécrits dans ce chapitre, avec leurs avantageset leurs inconvénients.

5.1. ADHÉSION DE LA COMMUNAUTÉ

À LA CONVENTION DE LUGANO

En 1993 a été adoptée la convention duConseil de l’Europe sur la responsabilité civiledes dommages résultant d’activités dange-reuses pour l’environnement. La Commissionet tous les États membres ont participé aux né-gociations. La convention comprend un sys-tème de responsabilité environnementale quicouvre tous les types de dommages (à la foisles dommages traditionnels tels que les dom-mages corporels et matériels ainsi que la dé-gradation de l’environnement à proprementparler) occasionnés par une activité dange-reuse. Les activités dangereuses dans lessecteurs des substances dangereuses, des bio-technologies et des déchets font l’objet de défi-nitions plus approfondies. Le champ d’applica-tion de la convention est ouvert dans la mesureoù d’autres activités que celles qui y sont ex-plicitement mentionnées peuvent égalementêtre classées parmi les activités dangereuses.Un résumé concernant l’historique de laconvention, son contenu et la liste de ses si-gnataires sont tenus à la disposition du public.

L’adhésion de la Communauté à cette conven-tion présenterait l’avantage d’être conforme auprincipe de subsidiarité à l’échelon internatio-nal (il ne serait pas opportun d’élaborer unenouvelle législation communautaire dans la me-sure où la question examinée peut être traitée dans le cadre de l’adhésion de la Com-munauté à une convention internationale exis-tante). En outre, cette convention présentel’avantage d’offrir une couverture complète(portant sur tous les types de dommages résul-tant d’activités dangereuses) ainsi qu’un champd’application large et ouvert; elle fournit ainsi

un système cohérent et applique un traitementuniforme aux exploitants qui exercent des acti-vités dangereuses quelles qu’elles soient. SixÉtats membres (23) ont déjà signé la conventionet certains autres envisagent de les imiter. Plu-sieurs États membres (24) ont déjà préparé la lé-gislation de mise en œuvre de la convention oupréparent sa ratification. Cependant, d’autresÉtats membres (25) n’entendent pas la signer nila ratifier. La convention est également ouverteà l’adhésion des pays d’Europe centrale etorientale, et même des pays non membres duConseil de l’Europe, afin qu’elle puisse avoirune diffusion internationale importante. L’adhé-sion de la Communauté pourrait inciter d’autrespays à suivre son exemple.

Lorsqu’on compare le système établi par laconvention de Lugano aux systèmes de respon-sabilité environnementale des États membres,l’impression générale est que la convention vaplus loin que la plupart des systèmes nationauxà certains égards (notamment parce qu’ellecouvre explicitement les dommages environne-mentaux en tant que tels). Par son champ d’ap-plication ouvert en ce qui concerne les activitésdangereuses, elle va également plus loin queplusieurs États membres dont le système a uneportée plus restreinte et limitée. Ces derniersÉtats membres ainsi que la majorité des indus-triels estiment que le champ d’application de laconvention de Lugano est trop large et offretrop peu de sécurité juridique, et ils considè-rent que ses définitions, particulièrement dansle domaine des dommages environnementaux,sont trop vagues. Il est vrai que la conventioncouvre ces dommages de manière peu spéci-fique. Par exemple, elle n’exige pas la restau-ration des ressources et n’énonce aucun critèreen vue de la réparation ou de l’évaluation éco-nomique des dommages environnementaux.Ainsi, si l’adhésion à la convention était envi-sagée, il faudrait compléter le système établipar cette convention en adoptant un acte com-munautaire, afin de clarifier et de préciser l’ap-plication de la responsabilité environnementaleen matière de dommages environnementaux.

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(23) La Grèce, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et laFinlande.

(24) La Grèce, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal et la Finlande.(25) Le Danemark, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

5.2. UN SYSTÈME APPLICABLE UNIQUEMENT

AUX DOMMAGES TRANSFRONTALIERS

Les États membres sont de plus en plusconscients des dommages de nature transfron-talière, notamment parce que l’opinion pu-blique est sensible à la pollution provenantd’autres pays. La prise de conscience des pro-blèmes transfrontaliers devrait encore se ren-forcer à mesure que la mise en œuvre de la di-rective «habitats» et du réseau «Natura 2000»progresse et que l’on constate l’existence denombreuses zones protégées transfrontalières.Même si la pollution et les dommages immé-diats causés à l’une de ces zones se produisentsur le territoire d’un seul État membre, cesdommages peuvent également avoir des impli-cations pour d’autres États membres, parexemple en dégradant l’intégrité d’une espèceou d’un habitat dans son ensemble. La pollu-tion des rivières ou des lacs a souvent, elle aussi, une dimension transfrontalière.

Le principal argument avancé par les partisansd’un système «applicable uniquement auxdommages transfrontaliers» est que, pour desraisons de subsidiarité, la mise en œuvre d’unsystème communautaire de responsabilité pourdes problèmes propres à un État membre ne sejustifie pas suffisamment, mais que les pro-blèmes transfrontaliers peuvent en revancheêtre traités avec plus d’efficacité au niveaucommunautaire. Un système qui ne traiteraitque les problèmes transfrontaliers présenteraitl’inconvénient de laisser subsister une grave la-cune en ce qui concerne la responsabilité desdommages causés à la biodiversité, étant donnéque ceux-ci ne sont pas encore couverts dans laplupart des États membres. L’objectif impor-tant qui consiste à renforcer l’application de lalégislation environnementale communautairene pourrait être atteint par un système qui necouvrirait pas la plus grande partie des infrac-tions éventuelles à cette législation, à savoirtous les dommages se produisant sur le terri-toire d’un seul État membre. Un système limi-té aux dommages transfrontaliers aboutirait enoutre à un traitement totalement différent desproblèmes à l’intérieur d’un même Étatmembre, étant donné que des personnes impli-quées dans une affaire de dommages transfron-taliers pourraient être jugées responsables dansle cadre d’un système communautaire «appli-

cable uniquement aux dommages transfronta-liers», tandis que d’autres personnes se livrantà la même activité dans le même pays et àl’origine de dommages similaires pourraient nepas être inquiétées si le système national necouvrait pas ce genre de cas. La légitimité d’untel système pourrait être remise en cause envertu du principe d’égalité de traitement telqu’il a été élaboré par la jurisprudence de laCour européenne de justice.

5.3. UNE ACTION DES ÉTATS MEMBRES

GUIDÉE PAR UNE RECOMMANDATION

DE LA COMMUNAUTÉ

Cette solution, qui pourrait par exemple prendrela forme d’une recommandation fondée sur lalégislation communautaire applicable en la ma-tière, pourrait recevoir le soutien de ceux qui nesont pas convaincus de la nécessité d’un instru-ment juridiquement contraignant. Ces dernierspourraient en effet considérer que l’on disposed’éléments insuffisants pour affirmer que leslois nationales ne sont pas adaptées au traite-ment des problèmes environnementaux enquestion. Étant donné qu’une recommandationest un instrument non contraignant, sans méca-nismes de contrôle de l’application, elle entraî-nerait moins de frais pour les exploitants qu’uninstrument contraignant, notamment dans lescas de dommages transfrontaliers à l’intérieurde la Communauté, mais ses avantages pourl’environnement seraient également plus limi-tés. Ces arguments peuvent également s’appli-quer à la mise en œuvre d’accords environne-mentaux (volontaires) dans ce cadre.

5.4. UNE DIRECTIVE COMMUNAUTAIRE

Les principales différences entre l’adoptiond’une directive communautaire et l’adhésion dela Communauté à la convention de Lugano rési-dent dans la possibilité offerte par une directivede mieux délimiter le champ d’application del’action communautaire et de mieux élaborer lesystème applicable aux atteintes à la biodiversi-té, en conformité avec la législation commu-nautaire correspondante. Du fait de ces deuxdifférences, une directive offre une sécurité ju-ridique supérieure à celle de la convention deLugano. Toutefois, même si la Communautén’adhère pas à la convention de Lugano, cettedernière peut constituer une source d’inspira-

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tion importante pour une future directive com-munautaire. En ce qui concerne l’applicationd’un système de responsabilité aux États exté-rieurs à l’Union européenne, il est clair qu’unedirective communautaire sur la responsabilitéenvironnementale serait prise en considérationdans le cadre du processus d’élargissement auxpays candidats et que la situation de ces pays enmatière de responsabilité environnementale se-rait également examinée.

Si on compare ce type d’action communautaireaux solutions plus limitées et non contrai-gnantes décrites aux points 5.2 et 5.3, la solu-tion présentée ci-dessus offre le plus grandnombre d’avantages en termes d’application dela législation communautaire et des principesenvironnementaux ainsi que de restauration efficace de l’environnement.

5.5. RESPONSABILITÉ SECTORIELLE

DANS LE DOMAINE DE LA BIOTECHNOLOGIE

À plusieurs reprises, le Parlement européen ademandé à la Commission d’insérer des dispo-sitions relatives à la responsabilité dans les di-rectives concernant la biotechnologie. La solu-tion présentée au point 5.4 pourrait être miseen œuvre à travers des propositions portant surdes dispositions plus centrées sur la responsa-bilité dans certains domaines spécifiques (parexemple la biotechnologie), au lieu d’une ap-proche horizontale qui couvrirait toutes les ac-tivités (potentiellement) dangereuses de manièreéquivalente.

Une approche horizontale en matière de res-ponsabilité présente, quant à elle, l’avantage dedéfinir un cadre général dans un acte unique.Si les activités couvertes présentent des risquesenvironnementaux similaires et posent desquestions économiques comparables, cette ap-proche serait non seulement plus cohérente,mais aussi plus efficace. Une approche secto-rielle ne permettrait pas de garantir l’établisse-ment d’un système cohérent ni l’applicationuniforme des principes du «pollueur-payeur»,de prévention et de précaution à des activitéscomparables au sens où elles présentent unrisque pour l’homme et pour l’environnement.En outre, l’objectif d’une meilleure mise enœuvre de tous les éléments pertinents de la lé-

gislation environnementale communautaire neserait pas atteint si les dispositions en matièrede responsabilité ne concernaient qu’un secteurspécifique de la réglementation. Enfin, il seraitdifficile d’expliquer à un secteur pourquoi luiseul doit se conformer aux dispositions en ma-tière de responsabilité, à la différence d’autressecteurs présentant des risques similaires. Pourtoutes ces raisons, un système de responsabili-té environnementale horizontal est préférable.

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6. SUBSIDIARITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

Le traité CE dispose que la politique de laCommunauté dans le domaine de l’environne-ment contribue à la préservation, à la protec-tion et à l’amélioration de la qualité de l’envi-ronnement ainsi qu’à la protection de la santédes personnes (article 174, paragraphe 1). Cette politique doit aussi viser à un niveau deprotection élevé, en tenant compte de la diver-sité des situations dans les différentes régionsde la Communauté. Elle est fondée sur les prin-cipes de précaution et d’action préventive, surle principe de la correction, par priorité à lasource, des atteintes à l’environnement et sur leprincipe du «pollueur-payeur» (article 174, pa-ragraphe 2). Tous ces principes qui, d’après laformulation du traité (voir texte en italique),sont contraignants pour les institutions com-munautaires ne sont actuellement pas mis enœuvre de manière optimale dans toute la Com-munauté. Cela s’explique notamment par unelacune de la plupart des systèmes de responsa-bilité des États membres en ce qui concerne lesdommages causés à la biodiversité (voir égale-ment la troisième partie à cet égard).

Par ailleurs, les législations nationales ne peu-vent couvrir efficacement les dommages trans-frontaliers causés à l’environnement dans laCommunauté, qui touchent, notamment, descours d’eau et des habitats souvent situés depart et d’autre des frontières. Il est donc néces-saire de disposer d’un système communautairepour que les dommages transfrontaliers reçoi-vent des solutions satisfaisantes.

Les instruments employés par les Étatsmembres pour mettre en œuvre leurs règles enmatière de responsabilité environnementalesont également différents. Certains s’appuientde préférence sur le droit administratif ou pu-blic, tandis que d’autres ont davantage recoursau droit civil. Tous utilisent une combinaisondes deux. Un système communautaire devraitfixer des objectifs et des résultats, mais il ap-partiendrait aux États membres de choisir lesmoyens et les instruments à mettre en œuvrepour les atteindre.

Conformément aux principes de subsidiarité etde proportionnalité, un système communau-

taire — qui se fonderait sur l’article 175 dutraité — pourrait prendre la forme d’un système-cadre énonçant des exigences mini-males essentielles, qui seraient complétées parla suite par d’autres éléments jugés nécessairesd’après l’expérience acquise au cours de la pé-riode d’application initiale (approche progres-sive).

Si l’instrument de mise en œuvre du systèmecommunautaire est une directive, le contrôleexercé par la Commission sur l’application dudroit communautaire et la jurisprudence de laCour européenne de justice permettront d’assu-rer une application cohérente du système danstoute la Communauté.

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7. INCIDENCES ÉCONOMIQUESGLOBALES DE LA RESPONSABILITÉENVIRONNEMENTALE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

Un système communautaire conforme auxprincipes du livre blanc différerait des sys-tèmes existants à plus d’un égard. Par consé-quent, l’expérience acquise précédemment estinsuffisante pour étayer toute considérationtranchée sur les incidences économiques glo-bales du système communautaire, y comprissur son incidence en termes de compétitivitéexterne. La Commission entend poursuivre sesrecherches dans ce secteur et lancer de nou-velles études sur les incidences économiques etenvironnementales de la responsabilité en ma-tière d’environnement. Les résultats de cesétudes feront l’objet d’une évaluation appro-fondie et occuperont une place importante dansla préparation des futures initiatives commu-nautaires dans ce domaine. À l’heure actuelle,les données relatives aux systèmes de respon-sabilité existants offrent toutefois un cadre utiledu point de vue de l’analyse générale.

Les éléments disponibles concernant les inci-dences globales d’une réglementation environ-nementale sur la compétitivité de l’industrie nemontrent aucune incidence négative impor-tante. On dispose également de données relativesaux incidences des systèmes de responsabilitéenvironnementale. Le total des coûts annuelsde la dépollution réalisée dans le cadre du sys-tème américain rétroactif (26) Superfund, quine comprend toutefois pas les coûts liés auxdommages causés aux ressources naturelles,représente moins de 5 % de la somme dépen-sée chaque année aux États-Unis pour assurerle respect de l’ensemble de la réglementationenvironnementale fédérale. On ne disposed’aucun chiffre global en ce qui concerne lecoût du système Superfund compte tenu desdommages causés aux ressources naturelles.En ce qui concerne les systèmes de responsabi-lité environnementale en vigueur dans les Étatsmembres, les données disponibles montrent

qu’ils n’ont pas entraîné de problèmes impor-tants en termes de compétitivité.

On ne peut prévoir avec certitude les effetsd’un système de responsabilité communautairesur la compétitivité externe de la Communauté,mais il convient de garder à l’esprit que la plu-part des pays de l’OCDE disposent déjà d’unelégislation, sous l’une ou l’autre forme, en ma-tière de responsabilité environnementale. C’estpourquoi la mise en place d’un système com-munautaire de responsabilité environnementalene reviendra pas pour l’Union européenne àadopter une norme unilatérale de protection del’environnement (27).

Cela ne signifie pas pour autant que la compé-titivité internationale de l’industrie de l’Unioneuropéenne, et notamment des industries tour-nées vers l’exportation ainsi que des secteursconfrontés à une concurrence importante enraison des importations, ne doive pas être sau-vegardée par tous les moyens possibles. Ilexiste des moyens de compenser les éventuelsproblèmes de compétitivité externe qui pour-raient survenir en raison de la coexistence auniveau international de différentes normes deresponsabilité compatibles avec les règles ducommerce mondial.

Quant aux PME, elles sont souvent respon-sables d’une quantité de dommages dispropor-tionnée par rapport à leur taille, probablementen raison d’un manque de ressources. De cepoint de vue, les incidences du système pour-raient être plus marquantes à leur égard.D’éventuels effets secondaires indésirés, telsque l’augmentation de la part des dommagescausés par les PME, pourraient être atténuéspar une utilisation plus ciblée des mécanismesde soutien nationaux ou communautaires envue de faciliter l’adoption par les PME de pro-cessus plus propres.

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(26) Le livre blanc est défavorable à la responsabilité rétroactive,dont les incidences financières sont plus lourdes, toutes chosesétant égales par ailleurs.

(27) À cet égard, il est intéressant de noter que la plupart des pro-blèmes de compétitivité et de délocalisation se produisent plutôtà l’intérieur du groupe des pays développés qu’entre pays déve-loppés et en développement [cette conclusion est confirmée parla récente étude de l’Organisation mondiale du commerce sur lecommerce et l’environnement («Le commerce et l’environne-ment», études spéciales, OMC, 1999)]. On peut en déduire que,étant donné que la plupart des pays de l’OCDE disposent déjàd’une législation quelconque en matière de responsabilité envi-ronnementale, l’incidence d’un système communautaire de res-ponsabilité sur la compétitivité externe de l’Union européennedevrait être limitée.

L’approche proposée en matière de responsabi-lité exempte les opérateurs économiques dusecteur financier de toute responsabilité, àcondition qu’ils n’aient pas de responsabilitéd’exploitation. Il est donc peu probable que cesecteur ait à subir des incidences négatives. Àcondition de disposer de la sécurité juridiqueen matière de responsabilité et d’une certainetransparence, les incidences du système de-vraient s’avérer positives avec le temps, enparticulier pour le secteur de l’assurance, àmesure que l’on disposera d’une plus grandeexpérience concernant l’application du systèmeet que de nouveaux marchés s’ouvriront pourles produits de l’assurance.

Les incidences de la responsabilité environne-mentale sur l’emploi constituent également unequestion importante. Les recherches dispo-nibles sur l’effet global des réglementations en-vironnementales montrent que, si dans certainesindustries l’emploi peut connaître une hausseou une baisse, les incidences de ce facteur surle taux d’activité total ne sont pas systéma-tiques (28).

Il n’existe pas d’études empiriques sur les inci-dences spécifiques de la responsabilité envi-ronnementale en matière d’emploi, mais il estcertain que le passage des entreprises à des ac-tivités et procédés plus propres, moins nocifspour l’environnement, peut avoir certaines in-cidences négatives à cet égard. Toutefois, cesincidences seront probablement compenséespar d’autres facteurs. D’un point de vue écono-mique, la responsabilité fournit des incitationsen vue d’accroître le degré de prévention. Onpeut donc s’attendre à ce que la responsabilitéenvironnementale ait un effet bénéfique surl’emploi pour les entreprises qui offrent et uti-lisent des technologies propres et des servicescorrespondants. À mesure que les assurancesproposeront la couverture des dommages cau-sés aux ressources naturelles, on devrait assis-ter à la création d’un plus grand nombre d’em-plois dans ce secteur également.

Il s’agit avant tout ici d’atteindre un dévelop-pement durable qui prenne en compte de ma-nière équilibrée les différents aspects écono-miques, sociaux et environnementaux.

Enfin, il convient de rappeler que l’utilisationd’instruments politiques entraîne souvent certainscoûts, même si ces instruments produisent un bé-néfice net. Il est donc nécessaire de chercher à ré-duire les coûts liés à des objectifs préétablis.

Dans le cas de la responsabilité, les coûts detransaction, c’est-à-dire les coûts engagés pouratteindre les objectifs fixés et contrôler l’appli-cation des réglementations, doivent faire l’ob-jet d’un examen spécifique. Trois cas peuventêtre mentionnés à cet égard. Il y a tout d’abordle cas des États-Unis, où les actions en justicesont à l’évidence plus fréquentes qu’en Europeet où les lois en matière de responsabilité ontentraîné des coûts élevés de transaction, princi-palement en frais juridiques, représentant 20 %des coûts totaux de contrôle de l’application etde compensation. Ensuite, on peut citer le casdes systèmes de responsabilité environnemen-tale sans faute des États membres, qui n’ontapparemment entraîné aucune augmentationdes plaintes ni des coûts de transaction. Enfin,on peut se référer à l’expérience découlant del’adoption par la Communauté de la directivesur la responsabilité du fait des produits (voirla note 16). Un rapport d’étude portant sur lapremière période d’application de cette directivene révèle aucune augmentation significative dunombre ou du type de plaintes. On peut enconclure qu’il est important, lors de la défini-tion des caractéristiques du système de respon-sabilité environnementale, de s’interroger surles raisons des différences de coûts de transac-tion entre les différents systèmes, et de ne pasretenir les éléments qui risquent de contribuerà accroître particulièrement ces coûts.

Les règles concernant l’accès direct à la justicepour les parties autres que les pouvoirs publicsdevraient également être examinées sous cetangle. Le recours à des règlements extrajudi-ciaires pourrait s’avérer bénéfique à cet égard.En outre, il conviendrait de réévaluer lesnormes de dépollution et de restauration à lalumière des coûts qu’elles sont susceptiblesd’engendrer.

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(28) Se reporter, par exemple, à l’étude de référence intitulée «Jobs,competitiveness and environmental regulation: what are the realissues» («Emploi, compétitivité et réglementation environne-mentale: quelles sont les vraies questions?»), Repetto R., Insti-tut mondial des ressources naturelles, mars 1995.

Afin de pouvoir traiter les cas de pollution pas-sée ainsi que d’autres formes de pollution pourlesquelles la responsabilité ne constitue pas uninstrument approprié, par exemple en cas dedommages diffus ou lorsque le pollueur ne peutêtre identifié, les États membres pourraient uti-liser d’autres instruments — comme certains lefont déjà, tels que des taxes d’impact prélevéessur les activités polluantes ou des fonds créés àl’échelon national ou régional.

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8. CONCLUSION

Le présent livre blanc s’est efforcé d’évaluerdifférentes approches en vue d’une action com-munautaire dans le domaine de la responsabili-té environnementale. Sur la base de l’analyseproposée dans ce document, la Commission es-time que la solution la plus appropriée est celled’une directive-cadre communautaire relative àla responsabilité environnementale, prévoyantune responsabilité sans faute — mais autori-sant certaines défenses — en ce qui concerneles dommages traditionnels (c’est-à-dire les at-teintes à la santé des personnes et à la proprié-té) et les dommages environnementaux (conta-mination de sites et atteintes à la biodiversitédans les zones «Natura 2000») résultant d’acti-vités dangereuses réglementées au niveau com-munautaire, et une responsabilité pour faute ence qui concerne les dommages causés à la bio-diversité par des activités non dangereuses.Cette approche semble la plus efficace pourmettre en œuvre les principes de politique en-vironnementale définis dans le traité CE, enparticulier le principe du «pollueur-payeur».

Les modalités de cette directive-cadre serontdéfinies plus précisément à l’issue des consul-tations qui se tiendront à ce sujet.

La Commission invite le Parlement européen,le Conseil, le Comité économique et social etle Comité des régions ainsi que les parties inté-ressées à examiner le livre blanc et à émettreleurs observations à ce sujet. Les commen-taires concernant ces questions peuvent êtreenvoyés à la Commission, avant le 1er juillet2000, à l’adresse suivante:

DG Environnement, unité des affaires juri-diques, des activités législatives et de l’appli-cation du droit communautaire, rue de la Loi200, B-1049 Bruxelles, ou transmis par cour-rier électronique: [email protected] [email protected]

Annexe 1

ÉTUDE DES SYSTÈMES DE RESPONSABILITÉ CIVILE VISANT À RÉPARER LES DOMMAGESCAUSÉS À L’ENVIRONNEMENT

RÉSUMÉ GÉNÉRAL

par McKenna & Co, Londres, juin 1996

INTRODUCTION

Le présent rapport final concerne les systèmes juri-diques de responsabilité de dix-neuf pays différents, etplus particulièrement les dispositions en matière de«réparation» des dommages causés à l’environnement,en vigueur en décembre 1995. Le mandat était à l’ori-gine limité à l’examen de la responsabilité civile, maisles responsabilités administrative et pénale ont égale-ment fait l’objet d’une étude assez approfondie afin defournir une vue d’ensemble représentative des sys-tèmes de «responsabilité environnementale» en vi-gueur.

RESPONSABILITÉ CIVILE

Tous les pays faisant l’objet de cette étude disposentd’un système de responsabilité civile classique, qui sefonde sur le principe fondamental selon lequel lesdommages causés par une personne à une autre avecun certain degré de faute (généralement par négligence)doivent être réparés. Ces règles sont formulées dans lecadre de codes civils ou du droit coutumier créé par lajurisprudence ou par les règlements qui officialisent ledroit coutumier. Les systèmes classiques de responsa-bilité civile mis en place dans un certain nombre depays prévoient des formes de responsabilité sans fautepour les dommages causés à l’environnement, notam-ment lorsqu’il s’agit d’activités dangereuses.

Certains pays ont adopté des lois spécifiques pourconstituer une base juridique permettant d’intenter desactions en réparation des dommages causés à l’envi-ronnement. Les premiers pays à adopter ces disposi-tions ont été la Norvège et la Suède. Il est significatifde constater que les autres pays scandinaves ont égale-ment adopté dans leur droit civil des lois spécifiquespour la compensation des dommages causés à l’envi-ronnement. L’Allemagne dispose également de ce type

de lois, et l’Autriche devrait prochainement adopterune loi qui se fonde principalement sur la conventionde Lugano sur la responsabilité civile des dommagesrésultant d’activités dangereuses pour l’environne-ment, signée en 1993. Nombre de ces lois sont ré-centes, et l’expérience relative à leur utilisation estdonc limitée. La législation allemande en la matière aété particulièrement peu utilisée.

Les lois spécifiques relatives à la réparation des dom-mages causés à l’environnement imposent le principede responsabilité sans faute et portent sur les questionsenvironnementales. Dans certains pays, elles ne cou-vrent que certaines activités ou installations indus-trielles. C’est notamment le cas des législations danoiseet allemande, qui énumèrent dans une annexe lesindustries auxquelles elles s’appliquent. En revanche,les lois finlandaise et suédoise s’appliquent à touteactivité causant des dommages à l’environnement.

RESPONSABILITÉS ADMINISTRATIVE ET PÉNALE

La plupart des réglementations environnementales envigueur dans les pays étudiés, qu’il s’agisse de lois oude mesures pratiques, sont adoptées dans le cadre dudroit administratif, qui se voit renforcé par la possibili-té d’infliger des sanctions pénales comprenant desamendes ou des peines d’emprisonnement en cas d’in-fraction. Dans certains pays, et notamment aux Pays-Bas, il existe également des amendes administratives.

Le recours à des permis ou à des autorisations admi-nistratives constitue une caractéristique commune auxdifférents systèmes étudiés, mais la mise en place deces procédures diffère selon les pays. Certains paysdisposent de plusieurs règlements et organes adminis-tratifs qui réglementent les activités de certaines indus-tries ou de certains secteurs liés à l’environnement. Cesystème fonctionne souvent sur une base fédérale, ré-gionale ou cantonale. Dans d’autres pays, ce systèmeest supervisé par une «agence de protection de l’envi-ronnement», centrale, qui contrôle la plupart des sec-teurs liés à l’environnement et la plupart des activitésindustrielles, en collaboration avec les autorités lo-cales. Le Royaume-Uni expérimente actuellement unephase de transition, passant d’une approche sectorielleà un contrôle presque exclusivement assuré par l’agencede protection de l’environnement, même si les auto-rités locales conservent certaines compétences. Le Danemark dispose d’une structure réglementaire simi-

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ANNEXES

laire, bien que les municipalités et les «county coun-cils» semblent avoir conservé davantage de pouvoirspar rapport à l’autorité centrale. La Finlande disposed’une agence de l’environnement centrale secondéepar treize agences régionales spécifiques travaillantdans ce domaine.

Les sanctions pénales sont infligées principalement encas d’infraction à un permis ou à un arrêté, mais la pol-lution peut constituer une infraction pénale en elle-mêmedans des cas plus graves. Dans le code pénal de certainspays, tels que l’Allemagne, l’Espagne et la Finlande, ungrand nombre de cas constituent aujourd’hui des infrac-tions pénales à l’égard de l’environnement.

DOMMAGES-INTÉRÊTS EN DROIT CIVIL

La principale réparation proposée par le droit civil, quel’on retrouve dans tous les pays étudiés, consiste enune compensation par voie de dommages-intérêts. Ils’agit d’apporter une compensation aux personnes lé-sées pour le dommage ou la perte qu’elles ont subi; end’autres termes, il convient, dans la mesure du pos-sible, de les rétablir dans la situation qui était la leuravant l’incident dommageable. Les systèmes mis enplace cherchent donc à évaluer la valeur de cette perteen termes financiers. Les pertes réparables sont géné-ralement limitées aux dommages causés aux personneset aux biens et, fréquemment, aux pertes purementéconomiques. En conséquence, la plupart des systèmesne prévoient pas de compensation pour les dommagescausés uniquement à l’environnement. Cela ne signifiepas que l’on ne puisse jamais obtenir une compensa-tion pour les dommages causés au sol, aux eaux sou-terraines, à la flore, à la faune, etc. Pour ce type dedommages, la compensation ne concerne pas les dom-mages écologiques mais la perte qui en découle pour lepropriétaire foncier ou l’occupant des terres, parexemple une diminution de la valeur du terrain ou desrevenus de la personne concernée. Généralement, il estpossible de réclamer une compensation pour les coûtsde dépollution.

Des progrès ont été faits en matière de compensationpour les dommages purement écologiques. Les États-Unis disposent d’un système qui prévoit la réparationdes dommages causés aux ressources naturelles; cetteréparation ne peut toutefois être demandée ou obtenueque par des mandataires de l’administration, et elle neconcerne donc pas les particuliers. Les tribunaux amé-ricains se penchent à l’heure actuelle sur la mise enplace de méthodes pour l’évaluation des dommages

causés et sur la question du plafonnement des dommages-intérêts. En Belgique, les tribunaux ont re-cours à la notion de biens collectifs afin de permettrela compensation d’une perte purement écologique ouesthétique. En France et aux Pays-Bas, les groupesd’action environnementale peuvent réclamer, dans unecertaine mesure, des dommages-intérêts en ce quiconcerne les intérêts qu’ils visent à protéger. Ces dommages-intérêts sont attribués afin de leur permettrede procéder à une réhabilitation du site quelle qu’ellesoit, telle que le repeuplement de rivières en poissonsou le nettoyage des oiseaux enduits de mazout.

En vertu des principes du droit civil, la plupart des sys-tèmes n’imposent pas d’utiliser les dommages-intérêtsreçus pour réhabiliter l’environnement. Cette règle doittoutefois être nuancée. Un certain nombre de systèmesde responsabilité civile prévoient l’obligation de pal-lier tout dommage causé, ce qui peut impliquer la dé-pollution du site. En outre, dans un certain nombre depays, les autorités administratives peuvent ordonner auplaignant de prendre des mesures de dépollution, avecl’obligation effective d’utiliser pour la réhabilitationles dommages-intérêts reçus par la partie civile. EnNorvège, les dommages-intérêts sont souvent versésaux autorités afin de leur permettre d’effectuer la dé-pollution elles-mêmes. La partie civile ne reçoit alorsun dédommagement financier que lorsqu’il n’est pasdans l’intérêt public de procéder au nettoyage du site.

COMPÉTENCES ADMINISTRATIVES

Les systèmes étudiés comprennent tous un système ad-ministratif pour la protection de l’environnement, etc’est par ces systèmes plutôt que par un recours au droitcivil que la plupart des mesures visant à protéger et à ré-habiliter l’environnement sont mises en œuvre. Les organes d’octroi des autorisations et de contrôle fournis-sent des informations aux autorités et ils disposent géné-ralement de compétences très étendues qui leur permet-tent d’ordonner la réhabilitation d’un site ou bien de leréhabiliter et de demander le remboursement des fraiscorrespondants. Les compétences existant en la matièredoivent souvent être mises en place par des réglementa-tions. La plupart des pays confèrent aux autorités régle-mentaires le droit d’ordonner la réhabilitation ou de pro-céder elles-mêmes à la réhabilitation d’un site et de récupérer les frais engagés. La législation luxembour-geoise n’a accordé ce droit que récemment. Aux Pays-Bas, ces pouvoirs sont renforcés par la possibilitéd’infliger des amendes administratives en cas de man-quement aux réglementations. En Italie, aux Pays-Bas et

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au Portugal, les autorités peuvent également ordonner lafermeture des usines qui ont commis une infraction etpolluent l’environnement. En Italie, il est égalementpossible d’obliger une usine à changer de site.

PLAFONNEMENT DES DOMMAGES-INTÉRÊTS

OU DES COÛTS DE DÉPOLLUTION

Le plafonnement des dommages-intérêts ou des coûts dedépollution est rare. L’Allemagne a prévu une limitethéorique dans son droit civil de l’environnement en casde dommages aux personnes et aux biens, qui est fixéetrès haut. L’Autriche limite d’ordinaire les dommages-intérêts civils à la valeur des biens concernés. La limita-tion en matière de frais de dépollution n’intervient géné-ralement qu’en fonction du caractère nécessaire et raisonnable de cette mesure, ce qui implique une évalua-tion des coûts et des bénéfices de la réparation effectuée.

NORMES EN MATIÈRE DE RÉPARATION

OU DE RÉHABILITATION

Le niveau de réhabilitation exigé diffère selon lespays. Le système le plus complet est celui des Pays-Bas, où la réhabilitation ordinaire répond au principede «plurifonctionnalité»,, selon lequel la remise en étatdu site doit concerner toutes ses utilisations. Le sys-tème actuel constitue une révision des normes ABCbien connues des spécialistes. Dans des cas exception-nels, le respect du principe de plurifonctionnalité n’estpas exigé. On a généralement recours à ce principeuniquement lorsqu’il faut décider si la dépollutions’impose. Les États-Unis disposent d’un système quiprévoit la mise en œuvre de la dépollution selon desprincipes comparables à celui de la plurifonctionnalité.En raison des coûts énormes qui en découlent, une ten-dance se dessine en faveur de normes moins ambi-tieuses dans la pratique. Certains des pays étudiés,comme le Danemark, le Portugal et la Finlande, fixentdes normes élevées dans l’absolu, mais il semble enfait que ces normes ne soient pas appliquées de ma-nière stricte. La plupart des autres pays ne disposentd’aucune réglementation centralisée, mais il existe desorientations et, dans la pratique, l’utilisation finaled’un site est généralement prise en considération.

MESURES DE REDRESSEMENT PAR VOIE D’INJONCTION

Dans la plupart des pays, il est possible d’avoir recoursà l’injonction pour les cas urgents qui nécessitent laprévention de l’activité polluante ou l’adoption de me-sures préventives efficaces. D’une manière générale, il

appartient aux tribunaux d’accorder une injonction.Néanmoins, au Danemark, les autorités administrativessont dotées de certains pouvoirs qui leur permettentd’appliquer des mesures de redressement par voied’injonction sans passer par un tribunal. En Alle-magne, le degré d’urgence exigé pour justifier une in-jonction paraît élevé, et, en Italie, la procédure d’in-jonction est rarement utilisée dans les affaires liées àl’environnement. Le Royaume-Uni a recours à uneanalyse dite «de mise en balance», qui consiste en uneévaluation des avantages et des inconvénients relatifspour les parties concernées. Si l’injonction présente uninconvénient important pour l’une des parties, elle peutêtre refusée. Le système suédois semble plus libéral,puisqu’il accorde le droit de prononcer une injonctionen cas de simple risque de pollution.

PARTIES RESPONSABLES

La règle générale est que le pollueur est responsable.Normalement, la personne susceptible d’être tenue res-ponsable est l’exploitant ou le propriétaire foncier,mais la législation en la matière peut désigner la per-sonne responsable de manière plus spécifique. Lessanctions pénales visent des actions spécifiques, maiselles s’expriment généralement en termes de personneresponsable. Dans certains cas, un responsable primaireet un responsable secondaire sont désignés. Au Royaume-Uni, en vertu de nouvelles dispositions concernant lesterres contaminées, la dépollution incombe en premierlieu au pollueur, le propriétaire foncier ou l’occupantdu sol assumant cette responsabilité si le pollueur nepeut pas être identifié.

Les directeurs et les gérants peuvent être tenus respon-sables dans la plupart des pays, particulièrement endroit pénal. Dans certains pays tels que l’Espagne, lesPays-Bas, la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et laSuisse, une société mère peut théoriquement être tenueresponsable lorsqu’elle exerce un contrôle réel sur sesfiliales. De même, les prêteurs peuvent être tenus res-ponsables par forclusion ou lorsqu’ils exercent uncontrôle réel sur le bien.

LIEN DE CAUSALITÉ ET CHARGE DE LA PREUVE

Apporter la preuve du lien de causalité constitue unobstacle important que l’on retrouve fréquemmentdans les affaires liées à l’environnement dans les paysétudiés. Les affaires sont souvent complexes et lespreuves techniques ainsi que celles fournies par les ex-perts doivent avoir un haut degré de précision. Ces

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contraintes peuvent constituer un obstacle majeur ausuccès de l’action intentée par les différents plaignants.

Les règles de base qui s’appliquent à la plupart dessystèmes juridiques disposent que la charge de la preuveincombe au plaignant. En droit civil, le plaignant doitnormalement démontrer qu’une cause ou une versiondes événements est plus vraisemblable que toutes lesautres. Ce degré de force probante est souvent désignépar la notion de «prépondérance des probabilités» oude «probabilité dominante». Certains pays tels que laBelgique, le Portugal et l’Islande exigent des degrés deforce probante plus élevés.

Le renversement ou la réduction de la charge de lapreuve existent dans certains des pays étudiés. D’unemanière générale, ce renversement a été mis en placepar les tribunaux et il est employé dans des circons-tances spécifiques. Certains tribunaux peuvent, parexemple, inverser la charge de la preuve en cas d’acti-vités particulièrement dangereuses ou lorsqu’il n’existeapparemment aucune autre explication que la versiondes événements que le plaignant cherche à démontrer.En Allemagne, une réduction de la charge de la preuveconcernant le lien de causalité, qui avait été instauréepar la jurisprudence, a été intégrée à la législation enmatière de responsabilité environnementale. En vertude ces dispositions, le plaignant doit simplement dé-montrer que l’usine était susceptible de causer lesdommages occasionnés. Le défendeur doit alors dé-montrer que la cause réelle est autre.

ACCÈS À LA JUSTICE

Le droit d’accès aux tribunaux offert aux simples parti-culiers, et plus particulièrement aux groupements d’inté-rêt environnementaux qui souhaitent faire appliquer leslois relatives à la protection et à la réhabilitation de l’en-vironnement, varie sensiblement d’un pays à l’autre.

DROIT CIVIL

Dans la plupart des pays étudiés, le principe généralest que seule une personne ayant un intérêt direct dansl’affaire en question, c’est-à-dire une personne ayantsubi des dommages ou une perte, peut se porter partiecivile pour obtenir compensation. En conséquence,d’une manière générale, les plaignants n’ont aucundroit concernant une zone d’environnement non déte-nue en propriété. Les tribunaux danois ont examiné lapossibilité pour de simples particuliers de se voir ac-corder ce droit, mais ils l’ont rejetée.

Comme il leur est impossible de prouver qu’ils ont subi une perte directe, les groupes d’intérêt environne-mentaux ne peuvent généralement pas se porter partiecivile. En France, il existe cependant une dispositionselon laquelle les particuliers concernés peuvent dési-gner un groupe d’intérêt pour intenter une action de-vant un tribunal civil, administratif ou pénal. En vertude certaines dispositions du droit italien, les groupesd’intérêt reconnus peuvent intervenir dans l’évaluationdes dommages civils. Les Pays-Bas et le Portugal au-torisent les groupes d’intérêt à réclamer des mesuresde redressement par voie d’injonction pour la protec-tion de l’environnement.

Au Luxembourg, certaines dispositions prévoient au-jourd’hui que les groupes d’intérêt peuvent se consti-tuer partie civile. L’approche norvégienne est intéres-sante: les groupes d’intérêt environnementaux ont puse porter partie civile dans certaines affaires, et les tri-bunaux traitent souvent ces plaintes de manière plusfavorable que celles présentées par des particuliers. Enoutre, en France et aux Pays-Bas, les tribunaux ont ac-cordé une compensation à des groupes d’intérêt pourdes frais de réhabilitation de l’environnement. Au Danemark, il est possible de réclamer une compensa-tion pour des frais de repeuplement des eaux en pois-sons, en vertu d’une loi spécifique.

On trouve apparemment les règles les plus libérales enla matière en Irlande, où les tribunaux ont établi que,par définition, une personne lésée dispose du droit d’ac-cès au prétoire. Ce droit s’étend aux groupes d’intérêt.

DROIT ADMINISTRATIF

En droit administratif, des différences considérablesapparaissent entre les pays étudiés en ce qui concernele droit des particuliers et des groupes d’intérêt decontester des décisions et d’exiger l’application de laloi. Dans la plupart des cas, les particuliers ne sont au-torisés à contester des décisions administratives devantles tribunaux que lorsque leurs intérêts ou leurs droitsont été violés ou lésés d’une manière ou d’une autre.Là aussi, la réglementation irlandaise très large en lamatière semble couvrir toute personne ou tout groupecontestant une décision administrative.

Le droit administratif semble offrir aux groupes d’inté-rêt une plus grande liberté que le droit civil en ce quiconcerne la possibilité de contester des décisions. Fré-quemment, l’action du groupe doit concerner les inté-rêts pour la protection desquels il a été créé, comme

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c’est le cas aux Pays-Bas et en Suisse. Dans d’autrespays tels que la Suède, le Royaume-Uni, l’Islande et laNorvège, le groupe d’intérêt doit démontrer qu’il a unintérêt suffisant dans l’affaire. Au Royaume-Uni, les tri-bunaux semblent adopter une approche de plus en pluslibérale à cet égard. Dans certains des pays étudiés, desdispositions réglementaires déterminent si les groupesd’intérêt doivent ou non bénéficier de ce droit, et les lé-gislations danoise et italienne vont jusqu’à énumérer lesgroupes d’intérêt auxquels ce droit est accordé.

DROIT PÉNAL

C’est en droit pénal que l’on constate les plus grandesdisparités entre les droits des particuliers et ceux accor-dés aux groupes d’intérêt. L’Espagne, la France, l’Au-triche et le Royaume-Uni autorisent la constitution departies civiles dans ce domaine. Au Royaume-Uni, cedroit a été utilisé par les groupes d’intérêt de protectionde l’environnement, et, en France, ce droit est offert àtous les groupes d’intérêt retenus sur une liste. En Fin-lande, les groupes peuvent se constituer partie civile,mais cela est très rare; en Irlande, certaines lois confè-rent à une personne quelle qu’elle soit le droit d’enta-mer des poursuites. Différents droits sont proposés en lamatière au Luxembourg et au Portugal. Au Luxem-bourg, un groupe d’intérêt peut intenter une action enjustice s’il peut démontrer un intérêt différent de celuide la communauté au nom de laquelle le ministère pu-blic ouvre une procédure. Au Portugal, les groupes d’in-térêt ne peuvent agir qu’en qualité de tiers.

Les autres pays, que nous ne citerons pas, n’autorisentpas les poursuites privées mais prévoient généralementle droit de contester une décision d’abandon des pour-suites ou de déposer plainte auprès des autorités à cetégard. Ce droit est d’ordinaire réservé à la victime desdommages, mais, en Italie, les groupes d’intérêt figurantsur une liste officielle disposent également de ce droit.

GARANTIE FINANCIÈRE

Lorsqu’un pollueur est insolvable ou ne peut pas êtretrouvé, le plaignant ne peut généralement obtenir au-cune réparation en droit civil. Seule la Suède disposed’un fonds de responsabilité environnementale à ceteffet. De même, lorsque la dépollution du sol est né-cessaire et qu’il n’est pas possible de faire payer lepollueur, les autorités doivent financer les opérationsde nettoyage. Il existe un certain nombre de fonds spé-cifiques, par exemple pour la réhabilitation du terraincontaminé en Allemagne, pour la compensation des

nuisances sonores causées par les aéroports en Franceet, aux Pays-Bas, pour lutter contre la pollution atmo-sphérique; les compagnies pétrolières disposent égale-ment de fonds pour nettoyer la pollution occasionnéepar les vieilles stations-service.

L’assurance obligatoire est utilisée dans un certainnombre de pays étudiés, mais, le plus souvent, unique-ment dans certains secteurs à haut risque. Il s’agit no-tamment des installations nucléaires de certains sitesfigurant sur des listes (en Allemagne et en France) etdu traitement des déchets toxiques et dangereux. LaSuède impose toutefois aux sites ayant fait l’objet d’unpermis de verser une contribution au fonds de respon-sabilité civile en matière d’environnement.

La majorité des polices d’assurance proposées sur lemarché de l’assurance généraliste sont limitées auxdommages soudains et accidentels. Les groupementsd’assurances couvrant les risques liés à la pollutionfournissent une assurance spécialisée dans certainspays (notamment au Danemark, en Espagne, en France,en Italie et aux Pays-Bas). Ces groupements ainsi quecertaines polices proposées par différents assureursdans des pays tels que l’Allemagne, l’Irlande, la Suè-de, le Royaume-Uni, et la Suisse offrent une couver-ture qui s’étend à la pollution graduelle.

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Annexe 2

ASPECTS ÉCONOMIQUES DES SYSTÈMES DE RESPONSABILITÉET DES SYSTÈMES COMMUNS DE COMPENSATION POUR LA RÉPARATION DES DOMMAGES CAUSÉS ÀL’ENVIRONNEMENT

RAPPORT DE SYNTHÈSE

par ERM Economics, Londres, mars 1996

1. OBJECTIFS DE L’ÉTUDE ET APPROCHE SUIVIE

La présente étude vise à examiner les implications éco-nomiques des systèmes de responsabilité environnemen-tale et à examiner les justifications économiques d’uneaction au niveau communautaire. Une étude paral-lèle (29) a examiné les aspects juridiques de la question.

Les systèmes de responsabilité environnementale sontintéressants en raison de certains avantages qu’ils sontsusceptibles d’offrir:

— ils peuvent permettre d’encourager la préventionou la réparation des dommages causés à l’environ-nement qui ne sont pas encore couverts pard’autres instruments;

— ils permettent d’indemniser directement la victime;

— ils appliquent le principe du «pollueur-payeur»;

— ils sont, dans certaines circonstances, plus efficacesdu point de vue économique que les instruments ré-glementaires (de régulation et de contrôle) ou éco-nomiques.

L’approche suivie dans cette étude consiste d’abord àidentifier de manière théorique les bénéfices et lescoûts prévisibles d’un système de responsabilité, puis àexaminer les données empiriques disponibles ainsi queles études de référence. Enfin, elle présente le résultatdes entretiens qui ont eu lieu dans cinq pays (quatreÉtats membres de l’Union européenne et un paysd’Europe orientale) avec un petit nombre d’entreprisesappartenant à sept secteurs industriels différents ainsiqu’avec les représentants des banques et des compa-gnies d’assurances.

Cette étude a notamment permis de constater l’absencesurprenante d’études précédentes concernant les en-jeux économiques des systèmes de responsabilité envi-ronnementale. Aucun des pays de l’Union européenneétudiés n’avait effectué d’étude économique empiriquesur les coûts ou les bénéfices de leurs systèmes de res-ponsabilité actuels ou futurs. Cette absence d’analyseempirique est également manifeste chez les principauxacteurs économiques, notamment dans les entreprises,les compagnies d’assurances et les banques. Les re-cherches effectuées dans le cadre de cette étude n’ontpas permis de trouver d’entreprise ou d’association in-dustrielle ayant effectué une évaluation quantitativecomplète de ses responsabilités environnementales ac-tuelles et futures (30). Ces recherches ont égalementmontré que les banques ou les compagnies d’assu-rances n’avaient pas été en mesure de quantifier demanière détaillée les coûts futurs dans ce domaine.

La faiblesse des bases empiriques sur lesquelles repo-se l’élaboration des politiques environnementales s’ex-plique par de nombreuses causes. Deux raisons plusspécifiques sont présentées ci-dessous:

— les systèmes de responsabilité environnementalesont nouveaux en Europe, et très peu d’expérienceexiste en la matière;

— de même que pour l’évaluation d’autres systèmesde prévention (services de maintien de l’ordre etpompiers, par exemple), l’objectif de performanceest la prévention de l’incident ou des dommages, etcet effet ne peut, par définition, être observé.

1.1. SYSTÈMES DE RESPONSABILITÉ

ENVIRONNEMENTALE ET AUTRES INSTRUMENTS

Les systèmes de responsabilité environnementale ontété comparés à d’autres types d’instruments (des ins-truments de réglementation et des instruments écono-miques), à l’aide d’un certain nombre de critères énu-mérés ci-dessous:

— efficacité économique de la lutte contre la pollution;

— mesures incitatives relatives à la prévention, à laréparation des dommages et à la mise au point detechnologies futures;

— coûts de transaction (31).

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(29) «Study of civil liability systems for remedying environmentaldamage: legal study» («Étude des systèmes de responsabilité ci-vile visant à réparer les dommages causés à l’environnement:étude juridique»), McKenna & Co, 1996.

(30) Nous n’ignorons pas qu’un petit nombre d’entreprises multina-tionales ont constitué des provisions comptables pour tout ou par-tie de leurs futures responsabilités, telles qu’elles les ont prévues.

(31) Ces coûts comprennent les frais juridiques, les frais administratifs,les coûts correspondant aux procédures d’évaluation des risques,au suivi et au contrôle de l’application des réglementations.

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Ces critères ont été utilisés pour fournir une première in-dication des avantages relatifs des systèmes de responsa-bilité environnementale pour traiter différents types deproblèmes écologiques.

Les systèmes de responsabilité à l’égard de l’environ-nement fonctionnent de manière optimale lorsque lelien de causalité est clairement établi, notamment lorsde dommages accidentels ou lorsqu’un seul pollueurlèse une seule victime. Les systèmes de responsabilitéà l’égard de l’environnement peuvent s’avérer effi-caces en raison de leur souplesse, puisqu’ils permettentau pollueur de choisir les mesures les moins coû-teuses (32), mais ce choix peut s’avérer plus difficile enraison du caractère incertain du degré de responsabili-té. Il y aura d’autant plus d’incertitude que le lien decausalité sera incertain et que l’ampleur et la valeurdes dommages seront difficiles à évaluer, par exemplelors de dommages écologiques causés par une pollu-tion diffuse.

Les instruments réglementaires peuvent être relative-ment efficaces lorsque l’on connaît le niveau de pollu-tion optimal du point de vue social, lorsqu’il existe defaibles différences en ce qui concerne les coûts margi-naux liés à la réduction de la pollution et que le légis-lateur a facilement accès aux informations concernantces coûts. Les instruments économiques peuvents’avérer efficaces lorsque les marchés concernés ne secaractérisent pas par des dysfonctionnements et lors-qu’il existe de grandes différences de coûts en matièrede lutte contre la pollution au sein des entreprises, desorte que l’octroi aux entreprises de la liberté de choixen ce qui concerne les solutions qu’elles adoptent pourlimiter la pollution peut permettre de réduire ces coûts.L’utilisation de la réglementation ou d’instrumentséconomiques nécessite un contrôle régulier des activi-tés polluantes de l’entreprise.

L’examen de ces caractéristiques permet de conclurequ’un système de responsabilité environnementale pré-sente un avantage comparatif en ce qui concerne lesproblèmes de pollution accidentelle causée aux mi-lieux naturels quels qu’ils soient, notamment en cas depollution graduelle, pour des dommages occasionnésau sol et à l’eau, à condition que la causalité puisseêtre prouvée à un coût raisonnable, et peut-être égale-ment en ce qui concerne la pollution passée du sol (s’ilest possible de maintenir les coûts de transaction à un

niveau peu élevé). Les systèmes de responsabilité àl’égard de l’environnement présentent un inconvénientrelatif en cas de pollution diffuse (notamment en casde pollution atmosphérique et peut-être de pollution del’eau), lorsqu’il y a plusieurs pollueurs et plusieurspersonnes lésées, et lorsque la causalité est difficile àétablir.

Il existe une complémentarité entre les systèmes deresponsabilité à l’égard de l’environnement et lesautres instruments, puisqu’aucun instrument n’est effi-cace pour tous les types de pollutions. À titred’exemple, on peut citer le cas des dommages écolo-giques causés à des habitats naturels et à des zonesd’environnement non détenu en propriété: dans ce cas,l’avantage comparatif dépend du type de pollution etde son origine.

L’efficacité des autres instruments peut théoriquementfaire l’objet d’une étude comparative par l’examen ducoût qu’ils entraînent pour les pollueurs et le législa-teur lorsqu’il s’agit d’atteindre un objectif environne-mental donné. Dans les cas où les instruments écono-miques ont pu être appliqués aux problèmes de pollution,plusieurs études empiriques ont montré qu’ils sont plusefficaces que des règlements du point de vue écono-mique, c’est-à-dire qu’ils peuvent atteindre le mêmeobjectif environnemental à un coût parfois sensible-ment plus faible. Malheureusement, il n’existe aucuneétude comparative empirique des caractéristiques dessystèmes de responsabilité environnementale entermes de rentabilité ou d’efficacité par rapport àd’autres instruments.

(32) Cet avantage est également procuré par les instruments écono-miques.

2. COÛTS DES DOMMAGES CAUSÉS À L’ENVIRONNEMENT

2.1. DOMMAGES CAUSÉS À L’ENVIRONNEMENT

Certains dommages considérables causés à l’environ-nement de l’Union européenne n’ont toujours pas étéréparés et ils pourraient, dans un premier temps, êtreintégrés dans le cadre d’un système de responsabilitéenvironnementale. La présente étude a constatéd’énormes lacunes en matière de données lorsqu’elles’est efforcée de déterminer ne serait-ce que l’ampleurde ces dommages. Aucun pays de l’Union européennene dispose de données suffisamment détaillées pourpouvoir présenter une estimation complète des dom-mages environnementaux non réparés. Il existe des es-timations partielles pour certains types de pollutions,mais les données sont très rares et extrêmement va-riables. À l’aide d’une approche approximative, nousavons estimé que le coût annuel des dommages restésen l’état pour les pays de l’Union européenne pourraitreprésenter entre 4 et 7 % du PIB (33). Cette estimationest obtenue à partir de trois facteurs:

— l’ampleur des activités polluantes dans les Étatsmembres;

— la sensibilité et la concentration des milieux récep-teurs;

— les différents niveaux de protection juridique del’environnement.

Une approche communautaire visant à mettre en placeun système de responsabilité environnementale per-mettrait d’atténuer les disparités existant entre les dif-férents États membres en ce qui concerne la protectionde l’environnement, mais il serait difficile de conce-voir un système susceptible d’obtenir les mêmes résul-tats dans les différents systèmes juridiques, même siles milieux récepteurs étaient similaires.

Le caractère incertain de l’ampleur et de la répartitiondes dommages ainsi que le risque de disparité entre lesévaluations effectuées par les différents pollueurs pré-sentent à l’évidence des inconvénients. Néanmoins, siun système européen de responsabilité environnemen-tale était mis en place, il conviendrait de donner auxtribunaux des orientations concernant l’application desméthodes d’évaluation des dommages. Une première

étape pourrait consister à préparer un ensembled’orientations européennes pour l’application de tech-niques d’évaluation des dommages ainsi qu’une lignedirectrice pour l’évaluation du montant des dommages.

2.2. NIVEAU ACTUEL DES DÉPENSES

ENVIRONNEMENTALES

La présente étude s’est efforcée de rassembler les don-nées disponibles en ce qui concerne les sommes dépensées par les industries européennes pour la pré-vention de la pollution. Cette recherche s’est révéléeintéressante pour deux raisons:

— les différences qui existent entre les États membresde l’Union européenne en matière de dépenses en-vironnementales ont peut-être déjà une incidencesur la concurrence;

— il est important d’évaluer le niveau global des dé-penses courantes par rapport à la valeur estiméedes dommages non réparés. Si les dommages nonréparés étaient intégrés dans le cadre d’un systèmede responsabilité environnementale, cela revien-drait-il à augmenter sensiblement la charge finan-cière pesant sur les entreprises par rapport auxsommes affectées actuellement par ces dernières àla protection de l’environnement?

La fiabilité des données rassemblées est très incertaine,mais ces dernières tendent à montrer qu’il existe desdifférences entre les pays en ce qui concerne lessommes dépensées par l’industrie pour la préventionde la pollution.

D’après les données fournies par l’industrie, lorsqu’unsystème de responsabilité environnementale est en place,les entreprises sont incapables de ventiler leurs coûtsenvironnementaux en fonction des dépenses liées ausystème de responsabilité environnementale et decelles qui correspondent à d’autres éléments, parexemple à la mise en conformité avec la réglementa-tion ou à la politique environnementale de l’entreprise.La plupart des mesures de prévention résultent de l’as-sociation de nombreux facteurs.

Bien que les entreprises soient incapables de détermi-ner clairement dans quelle proportion les dépenses en-vironnementales seraient susceptibles d’augmenter siun système de responsabilité plus sévère était mis enplace, le coût des mesures liées à la protection de l’en-vironnement et à la réglementation dans ce domaine fi-gure généralement parmi les trois principaux sujets de

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(33) Il convient de noter que, si les dommages annuels représententun chiffre aussi élevé, cela implique qu’une évaluation «écolo-gique» de la croissance du PIB serait négative pour la plupartdes pays concernés et pour la plupart des années étudiées.

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préoccupation de l’industrie. Si on l’associe à d’autresmécanismes de protection de l’environnement, un sys-tème de responsabilité plus strict devrait permettred’améliorer l’attention portée par les entreprises à laprotection de l’environnement.

Il est impossible de déterminer dans quelle mesure lesdépenses de l’industrie dans le domaine des actions deprévention de la pollution augmenteraient en fonctiondes différentes composantes d’un système de ce type.

2.3. INCIDENCES D’UN SYSTÈME DE RESPONSABILITÉ

ENVIRONNEMENTALE

Si on considère les problèmes environnementaux pourlesquels un système de responsabilité pourrait s’avérertrès efficace, on peut se demander dans quelle propor-tion les dommages causés pourraient être réparés.

Les estimations de la répartition des dommages envi-ronnementaux par milieu montrent que les dommagesconcernant le sol représentent entre 10 et 40 % desdommages totaux. Le rapport entre pollution non dif-fuse (c’est-à-dire ponctuelle) et pollution diffuseconstitue un autre indicateur: il serait d’environ 15 %.En ce qui concerne la contamination du sol, les rejetsaccidentels ne causeraient qu’environ 15 % des dom-mages, contre 85 % pour les rejets permanents (voir lepoint 2.1).

Si un système de responsabilité environnementale estappliqué seulement aux problèmes pour lesquels il estle plus adapté, il ne pourra alors intégrer qu’une faibleproportion des dommages totaux causés à l’environne-ment (34), même s’il peut constituer une incitation plusgrande à la prévention.

Un système de responsabilité environnementale pour-rait s’appliquer à certains problèmes de pollutiontransfrontalière tels que la pollution accidentelle del’eau, mais probablement pas à d’autres problèmestransfrontaliers causés par de nombreuses sources dif-férentes (par exemple en cas de pollution atmosphé-rique), pour lesquels il est difficile de déterminer et dedémontrer quelle source est (en partie) à l’origine desdommages résultant de la pollution.

2.4. COMPÉTITIVITÉ ET COÛTS LIÉS

À LA RESPONSABILITÉ

Systèmes juridiques actuels en matière de responsabilité

D’après les résultats des entretiens organisés dans lecadre de cette étude, il semble peu probable que lessystèmes de responsabilité en vigueur dans les Étatsmembres de l’Union européenne créent actuellementune importante distorsion commerciale dans quelquedomaine que ce soit. Aucune des entreprises consultéesne considère que le système de responsabilité environ-nementale constitue un problème à lui tout seul. Cetteconstatation n’est pas surprenante, puisque le coût ac-tuel du système de responsabilité environnementale re-présente un pourcentage négligeable de la valeur desproduits, et il a ainsi peu d’influence sur les décisionsprises actuellement en matière de production.

Pour influencer les décisions concernant l’emplace-ment des futurs investissements, les différences entermes de coûts environnementaux devraient persisterà long terme et faire l’objet de prévisions en ce sens.En outre, l’approche des multinationales, qui sont lesentreprises les plus nombreuses à envisager les déci-sions d’emplacement des investissements dans uncontexte international, consiste à appliquer les mêmesrègles environnementales dans tous les pays del’Union européenne dans lesquels elles exercent leursactivités, indépendamment des différences de normeset de législation en la matière.

La plupart des entreprises ont précisé que les questionsenvironnementales étaient globalement prises encompte dans les décisions d’investissement, maisqu’elles ne constituaient pas nécessairement un critèrede choix entre les pays. Les autres préoccupations desentreprises en la matière concernent la transparence duprocessus décisionnel et le caractère prévisible ducadre réglementaire.

Systèmes de responsabilité futurs

Si une approche commune n’est pas adoptée au niveaucommunautaire à l’égard des systèmes de responsabilitéenvironnementale, le coût de la compensation des dom-mages pourrait être différent d’un État membre à l’autre.

Le modèle commercial d’une industrie compétitive clé,l’industrie des produits chimiques, a été utilisé pour si-muler les incidences des futurs systèmes de responsabi-lité sur la compétitivité, en examinant les incidencesd’une différence de coûts allant jusqu’à 2 % en fonctiondes pays. Les résultats de cette simulation ont montré

(34) La comparaison avec les estimations effectuées pour l’Alle-magne est intéressante: le système de responsabilité environne-mentale intégrerait actuellement environ 1 % du total des dom-mages causés à l’environnement.

que, sur le long terme, cette différence pourrait entraî-ner dans les différents pays de l’Union européenne deschangements relatifs compris entre – 4 et + 2 % desparts de marché. Dans une industrie comme l’industriechimique, qui est très compétitive et où les produitsd’un certain nombre d’entreprises sont presque inter-changeables, des différences de coûts relativementfaibles peuvent avoir d’importantes conséquences entermes de perte de parts de marché. Néanmoins, en cequi concerne la modification de la compétitivité relativedes États membres par rapport aux pays tiers, les rela-tions commerciales avec ces pays et les différences decoûts par rapport à eux constituent également un facteurimportant, peut-être même plus important que les diffé-rences en termes de coût environnemental existant entreles États membres de l’Union européenne, d’une part, etentre les États membres et les pays tiers, d’autre part.

Au sein de l’Union européenne, le marché intérieur apermis d’atténuer un certain nombre d’entraves aucommerce et aux investissements. Il y a également uneplus grande harmonie au sein de l’Union européenneque dans les pays tiers en ce qui concerne les infra-structures disponibles et les politiques économiques.En conséquence, on pourrait s’attendre à ce que la dif-férence entre les dépenses environnementales des dif-férents pays ait des incidences plus grandes dansl’Union européenne et qu’elle entraîne des problèmesde concurrence interne. Il n’a toutefois pas été possiblede trouver des preuves empiriques concluantes à cetégard dans le cadre de cette étude.

Pour les autres industries étudiées dans la présente étude(tanneries, produits pharmaceutiques, secteur électro-nique, industrie de l’extraction du charbon, industriesde la pulpe à papier et du papier, industrie du bois),l’incidence des futurs systèmes de responsabilité envi-ronnementale sur la compétitivité sera probablementmoindre que dans le secteur des produits chimiques.En effet, ces industries sont soit moins compétitivesque le secteur des produits chimiques, soit elles ontmoins recours à la commercialisation, ou bien leursfrais de transport représentent une part plus grande deleurs coûts totaux.

2.5. AVANTAGES DES MESURES PRISES

À L’ÉCHELON COMMUNAUTAIRE

Il s’est avéré difficile d’évaluer les bénéfices des me-sures adoptées par l’Union européenne en raison dumanque de données disponibles. Les arguments géné-raux en faveur de l’action de l’Union européenne peu-vent toutefois être présentés brièvement.

Les systèmes de responsabilité à l’égard de l’environ-nement peuvent constituer un moyen efficace de répa-rer certains types de dommages causés à l’environne-ment, par exemple en cas de dommages accidentelsdont la causalité est clairement établie; ils peuvent éga-lement encourager la prévention des dommages envi-ronnementaux en général. Inversement, on peut soute-nir que, en l’absence d’un système de responsabilitéenvironnementale, les dommages seraient plus élevés,puisque les entreprises ne seraient alors confrontées, lecas échéant, à aucune action en responsabilité. Enconséquence, un système de responsabilité pourraitconstituer un instrument politique supplémentaire vi-sant à compléter les instruments existants.

Il existe déjà des différences entre les pays de l’Unioneuropéenne en ce qui concerne les systèmes de respon-sabilité environnementale et les dépenses environne-mentales. Ces différences pourraient s’accentuer, no-tamment si les pays qui ont exprimé leur intention designer la convention de Lugano mettent en œuvre dessystèmes de ce type et que les autres États membres nele font pas. L’analyse de la compétitivité n’a fourniqu’une indication générale sur les éventuelles distor-sions commerciales susceptibles de découler de diffé-rences en termes de dépenses environnementales. Maisles questions environnementales constituent une préoc-cupation importante pour les entreprises appartenant àdes secteurs étroitement liés à l’environnement. Lesentreprises ont besoin de certitude à l’échelon de toutel’Union européenne pour promouvoir le marchéunique et faciliter la mobilité des capitaux. Dans cetteperspective, l’incertitude créée par des systèmes deresponsabilité qui divergeraient ou changeraient d’unpays à l’autre pourrait constituer un facteur plus im-portant que les différences de coûts directs lorsqu’ils’agira de prendre des décisions à long terme.

La question de savoir s’il faut inclure la pollutiontransfrontalière dans le champ d’application d’un sys-tème de responsabilité environnementale dépend de lanature de la pollution. La plus grande partie de la pol-lution transfrontalière est transportée par voie aérienne,c’est-à-dire que sa nature est diffuse et que le lien decausalité est incertain, et ce type de pollution est doncpeu adapté à une intégration dans un système de res-ponsabilité environnementale. D’autres formes de pol-lution transfrontalière, telle que la pollution des ri-vières et des fleuves, la dégradation d’habitats naturelset le transport de déchets dangereux, pourraient être ré-glementées dans le cadre d’un système de responsabi-lité environnementale. Néanmoins, il est égalementpossible de le faire par des accords bilatéraux ou inter-nationaux.

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3. LA RÉPONSE DES ACTEURSÉCONOMIQUES

3.1. LA RÉPONSE DES ENTREPRISES

Les systèmes de responsabilité actuels ont eu une incidence limitée sur les dépenses de lutte contre lapollution ou sur les indemnisations, et ils n’ont pas re-présenté en eux-mêmes un sujet important de préoccu-pation pour les entreprises. Ils n’ont eu aucun effetclairement établi sur la concurrence. Néanmoins, enraison des effets cumulés, les entreprises sont pour laplupart incapables de distinguer l’incidence sur leursfrais d’un système de responsabilité environnementalede celle d’autres politiques environnementales.

Il n’est donc pas étonnant que les coûts induits par les me-sures de prévention semblent peu élevés et soient diffi-ciles à identifier. Aucune des entreprises étudiées n’avaitfait d’évaluation quantitative de ses responsabilités oun’avait quantifié la réduction des risques liée aux dé-penses de prévention. De même, elles n’avaient pas éva-lué les conséquences des futurs systèmes de responsabili-té et elles étaient incapables de distinguer clairement leseffets potentiels de la plupart des politiques en la matière.

Les PME

La souplesse d’un système de responsabilité environne-mentale, qui permet aux entreprises de choisir les me-sures préventives à mettre en œuvre, pourrait bénéficieraux PME. Ces dernières peuvent également se féliciterde la transparence et du cadre égalitaire offerts par unsystème juridique. Néanmoins, la plupart des instru-ments de politique environnementale, et notamment lessystèmes de responsabilité, peuvent peser plus lourde-ment sur les PME que sur les grandes entreprises euégard à leurs ressources financières respectives.

Les PME sont plus vulnérables aux risques environne-mentaux puisqu’elles ne sont pas aussi diversifiées que lesgrandes entreprises et qu’elles ont une capacité limitéequant à la gestion des mesures préventives. Pour ces rai-sons, elles sont plus exposées au risque d’un incident ma-jeur lié à la pollution. Les dommages causés par une seuleunité de fabrication peuvent donc entraîner une lourde res-ponsabilité environnementale pour une petite entreprise.

Le coût de mise en conformité avec les réglementa-tions complexes relatives à un système de responsabi-lité environnementale ainsi que le coût et la durée deséventuels litiges tendront à devenir des coûts fixes, cequi pèsera de manière plus importante sur les PME.

Si la limitation de la responsabilité était définie enfonction des activités des grandes entreprises, elle re-présenterait une charge trop lourde pour les petites en-treprises. Lors de la définition d’un plafond, le critèrede la taille de l’entreprise devrait donc être pris enconsidération, même si certains dommages risquentalors de ne pas être réparés. Cet éventuel problèmepourrait être accentué si les grandes entreprises créentde petites entreprises pour limiter leurs risques éven-tuels. Il pourrait également s’avérer difficile de fixerun plafond à l’échelon communautaire.

La possibilité de bénéficier d’une assurance constitueune question cruciale pour les PME, puisqu’elles dis-posent de ressources financières limitées pour couvrirleurs propres risques. Les procédures d’évaluation desrisques effectuées ou exigées par les compagnies d’as-surances (et les banques) seraient relativement pluscoûteuses pour les petites entreprises que pour lesgrandes entreprises.

Les risques liés à la responsabilité pourraient amenerles banques à adopter une approche plus prudenteconsistant à considérer les immobilisations comme unegarantie pour les prêts, particulièrement si les compa-gnies d’assurances fixent des limites relativementfaibles en termes de couverture. Une telle attitude ré-duirait la capacité d’emprunt des PME et entraîneraitune diminution des investissements.

Cela dit, l’incidence des activités d’une PME sur l’en-vironnement peut être proportionnellement plus grandeque la taille de l’entreprise, et les effets cumulés desactivités des PME peuvent être considérables. Parconséquent, il est difficile de justifier une dérogationtotale en matière de règles de responsabilité pour ce type d’entreprises. En outre, il existe des mécanismescompensatoires institués dans le cadre de l’Union eu-ropéenne, tels que les orientations communautairespour les aides octroyées à des fins environnementales.Ces instruments offrent des conditions plus favorablesaux PME dans le but de les aider à s’adapter auxnormes environnementales.

Réaction des entreprises face aux futurs systèmes de responsabilité

Au cours des rencontres qui se sont déroulées avec lesentreprises, leur attitude à l’égard des systèmes de res-ponsabilité actuels et futurs a été passée en revue. Lesentretiens ont montré que la plupart des entreprisesétudiées acceptent le principe du «pollueur-payeur»

mais ne sont pas disposées à payer pour les dommagesd’une autre entreprise. En conséquence, elles se sontmontrées réticentes face à une éventuelle participationà un fonds commun de compensation financé par lesentreprises.

Les entreprises ont également souhaité l’introductiond’un critère d’adéquation aux utilisations du site pourla définition des normes de dépollution.

Les entreprises sont opposées aux notions suivantes:

— responsabilité rétroactive;

— garantie financière obligatoire;

— fonds commun de compensation (financé par lesentreprises);

— responsabilité sans faute non plafonnée ou sansmoyens de défense.

Les entretiens ont également montré que les entre-prises pourraient peut-être accepter, dans certainesconditions:

— une assurance obligatoire;

— le droit pour les ONG d’ester en justice.

3.2. LES COMPAGNIES D’ASSURANCES

Les compagnies d’assurances ont exprimé deux in-quiétudes distinctes par rapport aux systèmes de res-ponsabilité environnementale. La première concernel’augmentation des risques pour les compagnies d’as-surances du fait que les polices contractées dans lepassé seraient confrontées au problème de la pollution«historique» (c’est-à-dire causée dans le passé), parti-culièrement dans le cadre d’un système de responsabi-lité rétroactive. Le second motif d’inquiétude concernela nécessité de modifier les polices d’assurance afin deles adapter à une responsabilité environnementale plusstricte.

On estime que le marché de l’assurance a un rôle trèsimportant à jouer, pour les trois raisons suivantes:

— toutes les entreprises, sauf les plus grandes, devrontvraisemblablement s’assurer en matière de respon-sabilité afin de pouvoir gérer leurs risques finan-ciers;

— l’assurance permettra de garantir l’indemnisationdes victimes lorsque le montant de la compensationdépasse la capacité financière de l’entreprise;

— la couverture des risques constitue un indice quantà la capacité future du système de responsabilitéenvironnementale à intégrer efficacement le coûtdes dommages. Les risques non assurables, à moinsqu’ils ne résultent de certaines activités actuelles del’entreprise, seront déclarés tels, soit parce que lerisque n’est pas évaluable (auquel cas l’entreprisene pourra pas être tenue responsable en toute lo-gique), soit parce qu’une réclamation ne pourraitaboutir en raison d’une causalité difficile à établirdu fait de la nature du problème en cause.

Une faible proportion de dommages environnemen-taux sont actuellement couverts par des assurances(moins de 1 % selon les estimations fondées sur nosdiscussions avec les compagnies d’assurances). Néan-moins, une responsabilité rétroactive entraînerait ungrand nombre de réclamations liées à des risques pourlesquels les assureurs n’ont pas perçu de prime et n’ontdonc pas prévu de réserve.

Si on souhaite mettre en place une meilleure couvertureen matière d’assurance pour les entreprises polluantes,alors toute décision concernant le contenu d’un futursystème de responsabilité environnementale plus sévèredoit prendre en considération les avis et les intérêts financiers du secteur de l’assurance.

Les compagnies d’assurances commencent à établirune séparation entre polices couvrant les risques envi-ronnementaux et polices de responsabilité générale, ouà créer des groupements. À l’heure actuelle, elles pren-nent davantage de précautions et elles évaluent lesrisques de manière plus approfondie lorsqu’elles pro-posent des couvertures pour les dommages causés àl’environnement. Les compagnies d’assurancesconcentrent leur attention sur les risques environne-mentaux clairement établis, lorsqu’il est possibled’évaluer ces derniers et de fixer des primes en consé-quence. Les nouvelles politiques tendent à réduire lemontant couvert et à restreindre le champ d’applica-tion de la couverture, afin de limiter l’exposition glo-bale des assureurs aux risques environnementaux. Desaudits sur le terrain sont de plus en plus souvent exigésavant l’octroi d’une assurance aux industries pol-luantes. Ces audits augmentent les coûts de transaction(surcoût pouvant représenter jusqu’à 10 % de la prime)et ils peuvent affecter la capacité des PME de contrac-ter des assurances. Bien que les polices environnemen-tales soient plus coûteuses que les polices de responsa-bilité générale, elles sont, en principe, proposées àtoutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

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L’assurance obligatoire a été proposée afin de garantirl’indemnisation de toutes les victimes. L’expérience del’assurance obligatoire en Allemagne a mis en lumièreles problèmes pratiques liés à cette disposition. Les as-sureurs auxquels nous avons parlé dans le cadre denotre étude sont opposés à cette mesure, notammentparce qu’ils ne souhaitent pas devenir un organe decontrôle et de répression de la pollution. Ils craignentégalement que cette intervention sur le marché de l’as-surance ne conduise à une augmentation des coûts globaux et des primes. En outre, en raison du manqued’expérience du marché de l’assurance en matière deresponsabilité environnementale, les assureurs de-vraient acquérir une expérience bien plus grande avantla mise en œuvre d’un régime obligatoire quel qu’il soit.

L’assurance obligatoire présenterait également des dif-ficultés pour les éventuels preneurs d’assurance, parti-culièrement pour les PME. Si les différentes compa-gnies d’assurances ont le droit de refuser d’octroyerune couverture aux entreprises à haut risque, les PMEdevront alors fermer ou assumer une lourde charge fi-nancière pour respecter des niveaux de prévention dela pollution satisfaisants aux yeux de l’assureur. Àcourt terme, les coûts pourraient augmenter sensible-ment si les compagnies d’assurances adoptent une ap-proche prudente de réduction des risques. Les assu-reurs s’efforceront également de limiter le montant dela couverture pour les entreprises à haut risque.

Les principales difficultés qui se posent dans le cadredes futurs systèmes de responsabilité environnementaleen matière d’efficacité des polices d’assurance sont défi-nies de la manière suivante par le secteur de l’assurance:

— l’absence de données relatives aux plaintes (en cequi concerne la fréquence et le montant des récla-mations) à partir desquelles il serait possible d’éva-luer les risques;

— l’incertitude concernant les plaintes futures du faitde risques encore inconnus (35);

— l’incapacité des assureurs d’évaluer ou de quanti-fier de façon fiable le champ d’application de lacouverture ou la modification du montant desprimes dans le cadre de systèmes de responsabilitéplus sévères, qui découle de ce qui précède.

La part de la franchise dans une police d’assurancepeut constituer une incitation à la prévention pour lesentreprises, mais, jusqu’à présent, les primes n’ontguère reflété les différents degrés de risque d’une ma-nière transparente et objective. Les taux proposés ac-tuellement peuvent varier considérablement en fonc-tion des assureurs et des entreprises (pour des risquescomparables). En conséquence, le coût de l’assurancesemble n’avoir fourni jusqu’à présent aucun signaléconomique réel. Néanmoins, ce marché est relative-ment récent, et l’expérience accumulée par les assu-reurs devrait conduire à une plus grande efficacité éco-nomique à l’avenir, comme cela a été le cas pourd’autres marchés de l’assurance.

Les assureurs fourniront un certain degré de couverturedans le cadre de systèmes plus sévères, mais le champd’application ou le coût de cette couverture demeurentinconnus. Dans un avenir immédiat, le champ d’appli-cation tendra à être limité de la manière suivante:

— aucune couverture ne sera accordée pour les dom-mages causés aux habitats naturels et à des zonesd’environnement non détenues en propriété;

— aucune couverture ne sera accordée en cas de ren-versement de la charge de la preuve et d’absencede moyens de défense;

— les assureurs ne couvriront pas la responsabilité ré-troactive;

— les assureurs couvriront les dommages accidentelsmais ils ne couvriront que très rarement une pollu-tion en cours;

— les assureurs ne comptent couvrir aucun dommagelié à la pollution atmosphérique ou bien ils ne cou-vriront qu’une très faible partie de ce type de dom-mages.

Les marchés de l’assurance auront peut-être besoind’un laps de temps considérable pour évoluer et ac-quérir de l’expérience. Le marché de l’assurance enmatière de responsabilité environnementale n’est pasattrayant pour les assureurs à l’heure actuelle, et cesderniers devront acquérir beaucoup plus d’expériencedans le domaine juridique avant de pouvoir fixer desprimes qui reflètent les risques réels liés à la pollutionet avoir suffisamment confiance pour risquer une partimportante de leurs réserves.

En raison du caractère circulaire de ce problème, ilconviendra d’inciter les assureurs à proposer des cou-vertures plus importantes dans ce domaine, tout en dé-

(35) Les risques particuliers liés à la responsabilité environnementa-le sont les suivants: le développement de connaissances scienti-fiques relatives aux substances dangereuses, la sensibilisationdu public aux questions juridiques, l’évaluation des dommagesou les normes fixées pour la réhabilitation, la propension du pu-blic à ester en justice et l’interprétation par les tribunaux de laresponsabilité et des dommages.

veloppant les futurs systèmes de responsabilité envi-ronnementale. Il est donc utile de mettre en place cemarché de manière progressive.

3.3. LES BANQUES

Les consultations ont également concerné les banquesdes pays étudiés. Ces dernières paraissent plus incer-taines que les compagnies d’assurances quant aux im-plications des systèmes de responsabilité actuels et futurs. Les discussions ont porté principalement sur lesquestions suivantes:

— l’incidence d’un système de responsabilité environ-nementale sur l’accès des emprunteurs aux prêts;

— les risques potentiels que représente pour lesbanques l’acquisition des responsabilités environ-nementales de leurs emprunteurs.

Toutes les banques ne sont pas encore pleinementconscientes des risques environnementaux encouruspar leurs emprunteurs, mais elles envisagent ce problèmeprincipalement par rapport aux PME (qui représententla majeure partie des prêts bancaires garantis).

Il y a déjà eu des cas de créances irrécouvrables, car lapollution de terrains réduit la valeur de la garantie exi-gée par les banques. La nécessité d’effectuer une éva-luation même limitée des risques environnementauxaugmente le coût de transaction du crédit et touche lespetits emprunteurs de manière disproportionnée. Parconséquent, les petites entreprises risquent d’être parti-culièrement pénalisées par le coût de l’évaluation desrisques. L’offre de financement pourrait être restreintepour les secteurs qui ont traditionnellement empruntéen prenant pour garantie la valeur de certains biensmais qui ont des activités potentiellement polluantes,puisque la valeur de garantie des biens risque de dimi-nuer. Les PME seraient également particulièrementconcernées en l’espèce.

Si la responsabilité conjointe et solidaire fait redouterque la partie la plus solvable soit contrainte de payer(deep pocket), l’incertitude liée aux responsabilités fu-tures d’une entreprise réduira son degré de solvabilitéet sa capacité d’emprunt. Les banques pourraient même devenir encore plus prudentes si elles estimentqu’elles risquent d’assumer le rôle de partie la plussolvable.

Les banques sont particulièrement soucieuses de limi-ter la responsabilité du prêteur lorsqu’elles prennent un

gage sur les actifs de l’entreprise. Sans cette protec-tion, les banques refuseraient d’accorder des crédits ànombre d’entreprises à haut risque.

La garantie financière obligatoire est synonyme de dif-ficultés considérables du point de vue des banques. Laplupart des instruments financiers de garantie ont unedurée limitée (par exemple cinq ans) et ils ne peuventainsi fournir une garantie pour des dommages ayant uneffet à long terme. Le montant de la garantie financièreentraînerait une diminution directe de la capacitéd’emprunt d’une entreprise, ce qui limiterait tout parti-culièrement l’octroi de prêts aux PME.

3.4. LES FONDS DE COMPENSATION

La mise en place de fonds de compensation est actuelle-ment envisagée afin de disposer d’un mécanisme com-plémentaire pour la compensation des victimes ou la réparation des dommages susceptibles de ne pas êtrecouverts par un système de responsabilité. Ils peuventégalement présenter certains avantages lorsque la répara-tion est lente ou lorsqu’il s’agit d’éviter des litiges com-plexes entre plusieurs pollueurs et plusieurs victimes.

Les fonds examinés dans le cadre de cette étude com-prennent les fonds mis en place en Allemagne, enFrance, aux Pays-Bas, aux États-Unis et au Japon.L’expérience montre que ces fonds ont été mis enœuvre le plus souvent pour des problèmes de pollutiondiffuse et pour des sites contaminés isolés pour les-quels il n’existe aucune partie responsable susceptiblede financer la dépollution, mais ces fonds ont connu unsuccès variable selon les pays. Il s’est avéré difficile deprévoir l’ampleur des réclamations et de constituer desfonds susceptibles de satisfaire ces réclamations.

Les fonds de compensation présentent deux principauxinconvénients. Les entreprises sont réticentes à l’égardde ces fonds lorsqu’elles risquent de verser dessommes importantes pour réparer la pollution causéepar d’autres entreprises, y compris par des entreprisesconcurrentes. Cette situation peut en effet paraître in-équitable et contraire au principe du «pollueur-payeur». En outre, à moins que le financement desfonds ne soit proportionnel à la pollution effectivementproduite, ces fonds ne constituent pas une incitation ef-ficace en faveur de la prévention. Toutefois, si le fi-nancement proportionnel est possible (c’est-à-dire si lacause de la pollution est clairement établie), un fondsde compensation commun devient moins nécessaire.Pour réconcilier ces deux points de vue, il faut définir

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un mode de financement permettant de trouver unéquilibre adroit entre le maintien des principes d’équi-té et d’efficacité et la mise en place d’une base de fi-nancement simple et large.

Un fonds de compensation peut s’avérer précieux pourréparer des dommages ou indemniser des victimes lors-qu’il y a de nombreuses sources d’émissions polluantes(par exemple en cas de pollution atmosphérique), etlorsqu’il ne serait donc pas satisfaisant de déterminerune responsabilité pour chaque source dans le cadred’un système de responsabilité environnementale; demême, lorsque les émissions peuvent être facilementcontrôlées et qu’il est donc possible de financer le fondspar des taxes sur ces émissions, ce fonds présente desavantages. On pourrait alors associer un fonds de com-pensation visant à réparer les dommages causés à l’en-vironnement avec un instrument économique (une taxesur la pollution) qui permettrait de le financer.

Les fonds peuvent être organisés à différents niveaux(local, national ou communautaire) pour des raisons ad-ministratives et financières. Pour être rentable, la gestiondes fonds nécessite une forte participation locale, et le fi-nancement peut également sembler plus équitable s’il aune base locale, afin que les personnes qui ont contribuéau fonds en bénéficient. L’utilisation des systèmes natio-naux de perception des taxes ou des contributions peutpermettre de réduire le coût de gestion des fonds. Il estpossible de prévoir des économies d’échelle pour lesgrands fonds (par exemple au niveau communautaire),qui ont une base de financement très large, mais cetteprévision est difficile à prouver, et on s’oriente vers desfonds ayant une base plus locale ou nationale.

4. PRÉSENTATION DES FORCES ET DES FAIBLESSES ÉCONOMIQUESD’UN SYSTÈME DE RESPONSABILITÉENVIRONNEMENTALE COMMUNAUTAIRE

La présente étude a notamment permis de faire apparaîtrele manque de données économiques en matière de coûtset de bénéfices. L’analyse des questions examinées se ca-ractérise donc par une grande incertitude (36). Il convientalors d’adopter une attitude prudente lors de l’élaborationd’un système de responsabilité environnementale.

Il est très difficile de déterminer l’ampleur des dom-mages environnementaux non réparés, mais ces dom-

mages sont probablement très importants. Un systèmede responsabilité environnementale constitue un méca-nisme complémentaire d’autres instruments politiques.De la nature du problème rencontré dépend l’utilisa-tion adéquate du système de réparation des dommages;la question de l’incertitude du lien de causalité consti-tue un élément fondamental en matière de limitationdu champ d’application de la responsabilité environne-mentale. La notion de responsabilité est facilement ap-plicable aux dommages accidentels, mais ces derniersne représentent qu’une petite partie des dommagescausés à l’environnement.

La responsabilité environnementale peut constituer uninstrument souple mais elle introduit un niveau élevéd’incertitude pour les acteurs économiques en ce quiconcerne l’évaluation des risques. Le fait de pouvoirassurer les risques permettrait d’encourager le déve-loppement d’un système de responsabilité environne-mentale, c’est pourquoi il conviendrait également, lorsde l’élaboration de ce système, de s’efforcer de réduirel’incertitude liée aux responsabilités futures.

En se fondant sur les points économiques examinésdans la présente étude, il est possible de dégagerquelques conclusions quant aux forces et aux faiblesseséconomiques de certains des éléments d’un futur systèmede responsabilité environnementale. Ces résultats sontprésentés brièvement ci-après (une courte explicationest donnée entre parenthèses après chaque point).

CAS DANS LESQUELS L’AVANTAGE ÉCONOMIQUE EST CLAIR

— Pollution accidentelle (un système de responsabili-té environnementale est susceptible d’être plus effi-cace que d’autres instruments, quel que soit le mi-lieu touché, à la fois pour la réparation des dom-mages environnementaux et pour la mise en placede mesures incitatives en matière de prévention).

— Pollution graduelle, à condition que le lien de cau-salité puisse être prouvé à un coût raisonnable (laresponsabilité pour la pollution accidentelle entraî-nera également une attention accrue à l’égard de laprévention de la pollution graduelle).

— Incitation du développement par le marché de l’as-surance de catégories spécifiques dans le domainede l’assurance environnementale, parallèlement àla mise en place du système de responsabilité envi-ronnementale.

— Responsabilité sans faute mais proportionnelle (cetype de responsabilité est compatible avec le prin-

(36) Des études plus économiques sont nécessaires aux niveaux na-tional et sectoriel afin de répondre à cette question.

cipe du «pollueur-payeur». La responsabilité pro-portionnelle plutôt que conjointe et solidaire a laforte préférence des entreprises, des banques et descompagnies d’assurances, bien qu’il puisse s’avé-rer difficile de prouver quelle partie des dommagesest imputable à chaque pollueur lorsqu’il y a denombreux pollueurs et que la cause des dommagesn’apparaît pas clairement).

— Normes de réhabilitation rentables (permettant delimiter les coûts liés à des réparations inutiles).

— Élaboration d’un ensemble d’orientations euro-péennes pour l’application des techniques d’éva-luation des dommages et d’un cadre permettantd’évaluer la valeur des dommages; cela est particu-lièrement nécessaire si on souhaite inclure les dom-mages écologiques dans le champ d’applicationd’un système de responsabilité environnementale.

— Mise en place pour les prêteurs d’une protection àl’égard de la responsabilité de leurs emprunteurs(et d’une protection pour les contractants chargésde la réhabilitation d’un site, afin de limiter leurresponsabilité).

CAS DANS LESQUELS L’AVANTAGE ÉCONOMIQUE EST INCERTAIN

— Octroi aux ONG du droit d’ester en justice (un plusgrand nombre d’affaires concernant des dommagescausés à l’environnement pourraient être examinéessi les ONG disposaient du droit d’action en justice,sous le contrôle du pouvoir judiciaire, particulière-ment lors de dommages écologiques causés à unezone d’environnement non détenue en propriété;dans ce cas, en effet, aucun particulier ne peut nor-malement arguer d’un intérêt pour intenter une ac-tion. Néanmoins, même si on met en place des mé-canismes permettant d’éviter la procédure juridique,les coûts de transaction risquent d’augmenter).

— Renversement de la charge de la preuve (le fait quela charge de la preuve incombe à l’exploitant pré-sente l’avantage suivant: ce dernier connaît leséventuels effets des émissions produites par ses ac-tivités mieux que le plaignant. Par ailleurs, il esttoujours difficile de prouver un fait négatif, parexemple que les émissions n’ont pas causé lesdommages).

— Limitation de la responsabilité des entreprises (laplupart des risques sont faibles, mais les entreprisespratiquant une politique de non-risque sont suscep-tibles de surinvestir en matière de prévention, dansle cadre d’un système de responsabilité non limi-

tée. Avec un tel système, les banques réduiraientégalement le nombre de prêts octroyés, en raisond’une évaluation prudente consistant à envisagerles risques les plus grands et les situations les plusgraves. Les compagnies d’assurances tendront tou-jours à restreindre les couvertures proposées. Unsystème de responsabilité limitée, éventuellementmis en place de manière transitoire, permettra decontinuer à encourager la prévention, tout en rédui-sant sensiblement les incertitudes liées au système).

— Dispositions spéciales pour les PME (un systèmede responsabilité environnementale peut présenterà la fois des avantages et des inconvénients pourles PME. Il risque d’entraîner une augmentationdes charges pesant sur ces entreprises de manièredisproportionnée par rapport à leurs ressources fi-nancières, mais le fait de leur accorder des déroga-tions constituerait un obstacle à la prévention de lapollution).

— Fonds de compensation financé par les deniers pu-blics. Un fonds de compensation commun financépar les contributions versées par les entreprisespeut ne pas s’avérer efficace ou équitable puisqueles entreprises actuelles ne sont pas responsables dela pollution (notamment pour les sites contaminéspar une pollution trouvant son origine dans le pas-sé). Il est donc dans l’intérêt du bien public d’utili-ser des fonds publics pour réparer les dommagesenvironnementaux de ce type.

CAS DANS LESQUELS L’AVANTAGE ÉCONOMIQUE EST FAIBLE

— Responsabilité sans faute, rétroactive et sansmoyens de défense (les assureurs et les banques seretireraient du marché, et cette règle constitueraitun obstacle à la poursuite d’activités sur les vieuxsites).

— Fonds de compensation financés par l’industrie (lesentreprises ne sont pas disposées à payer pour lapollution de leurs concurrents; les entreprises«propres» payeraient deux fois, ce qui entraîneraitune démobilisation en matière de prévention; lemontant des contributions serait fixé de manière ar-bitraire et n’apporterait donc pas d’incitation éco-nomique efficace).

— Fonds de compensation communautaire (les fondsmis en place à l’échelon local ou national peuvents’avérer plus efficaces).

— Assurance obligatoire (les compagnies d’assu-rances ne seront vraisemblablement en mesure de

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proposer des polices complètes et rentables que surun marché de l’assurance en matière de responsabi-lité bénéficiant d’une grande expérience et sur le-quel les risques encourus par toutes les entreprisessont bien connus. Il serait alors difficile de garantirle respect par les assureurs de prix raisonnables).

— Garantie financière obligatoire (une telle mesurepourrait entraîner une diminution sensible des prêtsaux PME à des fins d’investissement. Ces prêts se-raient également limités dans le temps et ne per-mettraient pas de tenir compte des problèmes àlong terme en cas de responsabilité).

— Élargissement du champ d’application du systèmeaux sources diffuses de pollution, et notamment àla pollution atmosphérique actuelle (sans lien decausalité clairement établi, il est difficile et coûteuxde prouver la responsabilité d’une partie).

— Responsabilité conjointe et solidaire (ce type deresponsabilité est peu susceptible d’encourager laprévention de manière efficace et il peut entraînerdes coûts de transaction élevés).

Annexe 3

RESPONSABILITÉ POUR LES DOMMAGES CAUSÉS À L’ENVIRONNEMENT ET ÉVALUATION DE CES DOMMAGES

RÉSUMÉ GÉNÉRAL

par Edward H. P. Brans et Mark UilhoormUniversité Erasmus de Rotterdam

INTRODUCTION

En élaborant des directives concernant les normesd’émission, les normes de qualité, les obligations rela-tives aux incidences de certains projets sur l’environ-nement et d’autres domaines, l’Union européenne souhaitait prévenir et éviter les dommages causés à l’environnement. Malheureusement, la prévention enmatière d’incidents liés à la pollution et d’autres évé-nements dommageables ne peut jamais être totale. Enconséquence, des dommages sont inévitablement cau-sés à l’environnement. Un système de responsabilité àl’égard de l’environnement peut constituer dans ce casun instrument utile pour réparer et prévenir les dom-mages causés au milieu naturel (voir également à cetégard le cinquième programme d’action en matièred’environnement).

Dans la plupart des États membres, les dommages cau-sés à l’environnement ne peuvent recevoir réparations’il n’y a pas eu de dommage causé à une personne phy-sique ou à un bien (voir l’étude juridique comparativeprésentée par McKenna & Co en juin 1996). Un sys-tème communautaire de responsabilité environnemen-tale doit donc résoudre ce problème et pallier ainsi certaines des lacunes des systèmes de protection del’environnement mis en place dans les États membres.Le document de référence porte principalement sur lacompensation des dommages causés à l’environnement(également qualifiés de «dommages causés aux res-sources naturelles» dans la suite du texte), quels quesoient l’activité (intrinsèquement dommageable ounon), l’incident ou l’événement à l’origine du dommage.

CHAMP D’APPLICATION

Le champ d’application du système communautaire deresponsabilité proposé ici est limité aux dégâts causésaux ressources naturelles qui ne sont pas entièrementréparés par des mesures d’intervention, et notamment

par des actions de nettoyage, de dépollution ou par desactions préventives visant à limiter les dommages en-vironnementaux. Des mesures de réhabilitation sontmises en œuvre en plus des mesures d’intervention,afin de rétablir les ressources naturelles endommagéesdans leur état d’origine. La personne responsable del’acte, de l’incident ou de l’événement ayant causé desdommages aux ressources naturelles est tenue respon-sable de ces dommages.

La notion de «ressources naturelles» englobe ici lesressources naturelles vivantes et non vivantes tellesque la terre, les habitats, les poissons, le milieu naturel,le milieu biotique, l’air, l’eau, les eaux souterraines etles écosystèmes. Par «dommages causés aux res-sources naturelles», on entend l’altération, la modifica-tion, la dégradation, la détérioration, la destruction oula diminution de ces ressources. La perte ou la dégra-dation de certaines utilisations ou de services publicsdécoulant des dégâts causés à ces ressources naturellesdoivent également être considérées comme des dom-mages. Toutefois, on ne doit pas assimiler à des dom-mages toute modification de la quantité ou de la quali-té des ressources naturelles ou des services offerts parces ressources. Certains critères limitatifs doivent éga-lement être pris en compte (voir ci-après).

RESSOURCES NATURELLES DÉTENUES

OU NON DÉTENUES EN PROPRIÉTÉ

Le champ d’application du système de responsabilitéest limité aux dommages causés à l’environnement etconcerne les dommages occasionnés à des ressourcesnaturelles détenues ou non détenues en propriété, maisuniquement dans la mesure où ces dernières ont unevaleur spécifique pour la population. Les directives«habitats» et «oiseaux sauvages» peuvent servir de ré-férence en la matière. En vertu de ces deux directives,les États membres doivent désigner des zones de pro-tection spéciale. Les habitats naturels et les autres res-sources naturelles qui sont situées dans ces zones géo-graphiques ou qui en dépendent doivent être qualifiésde zones présentant une valeur particulière pour le pu-blic en raison de leur importance. Il pourrait être envi-sagé de donner aux États membres le droit d’étendre lechamp d’application du système à d’autres zones quiabritent des ressources naturelles représentant une va-leur particulière pour le public ou qui permettent à cesressources de se développer, telles que les réserves na-turelles nationales.

Les ressources naturelles assujetties au droit de pro-priété privée constituent un problème spécifique. En

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cas de dommages causés à une propriété privée, c’esten principe le propriétaire qui doit s’efforcer d’obtenirréparation et de remédier aux dommages occasionnés.Toutefois, les propriétaires ne sont pas toujours prêts àengager une action ou à utiliser les indemnités reçuespour réhabiliter les ressources naturelles endomma-gées. Il arrive aussi parfois que le propriétaire lui-mêmesoit à l’origine des dommages. Si on se fonde sur lesobjectifs définis dans les directives «habitats» et «oiseaux sauvages», il convient également de prendredes mesures lorsque les dommages concernent des res-sources naturelles assujetties au droit de propriété. Ilest donc possible d’envisager diverses approches enmatière de réparation des dommages occasionnés àcertaines ressources naturelles détenues en propriétéprivée. L’une d’entre elles consiste à accorder à l’Étatou à un groupe de défense des intérêts du public, selonla définition du droit d’accès au prétoire, la possibilitéd’intenter une action en réclamation. Toutefois, un Étatou un groupe d’intérêt public ne doit pas s’engagerdans une action en réparation et dans une procédure deréhabilitation si ces dernières ne représentent pas unbénéfice important pour la population. Le système nevise pas à intégrer toutes les ressources naturelles dé-tenues en propriété privée. Ainsi, seules les ressourcesnaturelles présentant un intérêt particulier pour le pu-blic doivent être couvertes.

ACTIONS EN JUSTICE

Une partie des ressources naturelles relevant du sys-tème de responsabilité ne sont la propriété de personneen particulier; elles entrent dans la catégorie des resnullius (ce qui n’appartient à personne) ou des rescommunis (ce qui est la propriété de tous). Le fait dedésigner les autorités publiques, les groupements dedéfense des intérêts du public ou ces deux catégoriesen vue de mener une action en justice au nom du pu-blic en cas de dommages causés à des ressources natu-relles et d’obtenir réparation pour les dommages occa-sionnés à ces ressources naturelles revêt une importancecruciale si on veut garantir une réelle réhabilitation deces ressources. En ce qui concerne les ressources natu-relles assujetties au droit de propriété, il appartient enprincipe au propriétaire de s’efforcer d’obtenir répara-tion et de réparer les dommages subis. Si le proprié-taire n’est pas disposé à intenter une action, s’il est lui-même à l’origine des dommages ou s’il ne souhaitepas consacrer les indemnités reçues à la réhabilitationdes ressources naturelles endommagées, il convientd’opérer un choix en ce qui concerne l’accès au pré-toire (voir ci-dessus). Il faut toutefois à nouveau préciser

que la limitation du droit de propriété ainsi que la res-triction concernant l’affectation des indemnités ne doi-vent être envisagées qu’en cas de dommages causés àdes ressources naturelles présentant un intérêt particu-lier pour le public.

CRITÈRES LIMITATIFS

Le système de responsabilité proposé autorise la répa-ration des dommages occasionnés aux ressources natu-relles à la suite d’activités, d’incidents et d’événementsnéfastes quels qu’ils soient. Néanmoins, toute modifi-cation de la qualité ou de la quantité des ressources naturelles ne doit pas être qualifiée de dommages etentraîner une action en responsabilité. Pour le bonfonctionnement du système de responsabilité, il pour-rait s’avérer utile d’identifier des critères limitatifs au-dessous desquels la partie à l’origine du dommage nesera pas tenue responsable. À cet égard, il est possiblede déterminer certains facteurs qui serviront de pointde départ pour démontrer qu’une modification domma-geable et mesurable a été causée à des ressources natu-relles et à des services qui y sont liés. Les normes dequalité et les limites d’émission prévues dans certainesdirectives communautaires peuvent s’avérer utiles enl’espèce. Il convient au moins de comparer, dans tousles cas, la situation constatée à la suite de la dégrada-tion et celle qui existait avant que l’activité, l’incidentou l’événement préjudiciables ne se produisent.

AFFECTATION DES INDEMNITÉS COMPENSATOIRES

En général, la compensation obtenue devrait être affec-tée et utilisée uniquement en vue de remettre en état,de réhabiliter, de remplacer les ressources naturellesendommagées ou d’acquérir leur équivalent. La miseen commun des indemnités est possible si les dom-mages dépassent la limite définie mais sont trop limi-tés pour qu’il soit rentable, des points de vue écono-mique et technique, de les réparer.

ÉVALUATION

Le système communautaire de responsabilité proposéici est de nature compensatoire et non répressive. Parconséquent, il faut évaluer les dommages afin d’avoirune idée précise de la valeur des ressources naturelleset des services perdus. Il est donc nécessaire de mesu-rer la dégradation et d’évaluer les ressources naturellesendommagées. L’évaluation des dommages causés auxressources naturelles est une tâche complexe, car unegrande partie des ressources naturelles n’ont pas de va-

leur marchande. Outre les méthodes économiquesexistantes, il serait envisageable d’élaborer des mo-dèles abstraits utilisant des procédures normalisées oud’utiliser les coûts de réhabilitation pour mesurer lesdommages occasionnés.

Lorsque la remise en état est techniquement possible etque le coût de ces mesures est raisonnable du point devue de l’analyse coûts/bénéfices, le coût des mesuresmises en œuvre pour réparer les dommages causés auxressources naturelles constitue la méthode privilégiéed’évaluation des dommages. Les mesures de réhabili-tation visent à permettre aux ressources naturelles etaux services endommagés de retrouver leur état d’ori-gine. Il s’agit de remettre les ressources naturelles etles services dans l’état qu’ils auraient conservé si l’in-cident ne s’était jamais produit. Dans certains cas, ilpeut s’avérer difficile de déterminer précisément l’étatd’origine. On peut alors utilement avoir recours à desdonnées historiques, à des informations de référence,de suivi, à des données concernant l’évaluation des in-cidences sur l’environnement (si elles sont dispo-nibles) ainsi qu’à des informations relatives à deszones indemnes mais comparables au site endommagé.Il est possible de déterminer l’ampleur optimale desmesures de réhabilitation en évaluant l’ampleur et lanature des dommages subis, le type, la quantité et laqualité des ressources naturelles et des services perdus,ainsi qu’en déterminant quelles mesures sont néces-saires pour remplacer et remettre en état ces ressourcesnaturelles et ces services, tant d’un point de vue quan-titatif que d’un point de vue qualitatif.

Dans certains cas, il peut s’avérer difficile de détermi-ner si le coût des mesures prises pour réparer les dom-mages causés aux ressources naturelles ou pour acqué-rir l’équivalent de ces ressources est raisonnable. Le caractère raisonnable des mesures est défini à partird’une mise en balance des coûts économiques et envi-ronnementaux des mesures de réhabilitation et des ef-fets positifs de ces mesures sur l’environnement. Aprèsavoir déterminé la nature et l’ampleur des incidences del’activité préjudiciable sur les ressources naturelles, leplaignant doit définir, en vue de la réhabilitation, diffé-rentes solutions présentant des avantages comparableset choisir la plus rentable. La solution la plus rentableest celle qui présente le coût le plus faible, compte tenude certains facteurs appropriés et en comparant lesavantages environnementaux de chaque solution.

Si le coût des mesures de réhabilitation apparaît claire-ment disproportionné et déraisonnable, l’acquisition de

ressources équivalentes peut constituer une autre solu-tion appréciable en matière de compensation. On pour-rait également envisager d’effectuer des versements àun fonds qui servirait uniquement pour la réhabilita-tion de ressources ainsi qu’à d’autres fins environne-mentales.

PERTES PROVISOIRES

Des années s’écoulent parfois avant que les dommagescausés aux ressources naturelles ne soient réparés. À lasuite de ces dommages, l’utilisation par l’homme desressources naturelles prend fin ou est altérée à partir dumoment où l’événement préjudiciable se produit etjusqu’à la remise en état complète du site. La compen-sation de ces pertes provisoires consiste à définir lesmesures qui doivent être prises pour remplacer les ser-vices dégradés ou interrompus. À cette fin, il peut êtreutile de quantifier ces services et de mettre en placedes mesures permettant de fournir des services iden-tiques ou comparables.

FONDS DE COMPENSATION

Une réparation peut également être versée par un fondsde compensation. Il conviendrait d’inciter l’industrie etd’autres secteurs à mettre en place des fonds de res-ponsabilité sur une base volontaire. On pourrait égale-ment laisser à l’initiative des États membres la créationd’un dispositif de sécurité qui serait utilisé en cas deproblèmes dans le domaine de l’environnement, no-tamment en cas de dommages causés par des incidentsen chaîne.

PERSPECTIVES

En conclusion, l’évaluation des dommages causés auxressources naturelles effectuée dans le cadre du systèmecommunautaire de responsabilité proposé devrait porter sur le coût de la remise en état, de la réhabilita-tion, du remplacement des ressources naturelles dégra-dées ou de l’acquisition de ressources équivalentes, etnotamment sur la compensation des pertes provisoireset sur le caractère raisonnable des coûts d’évaluationdes dommages. Les indemnités versées ne devraientêtre utilisées que pour réhabiliter les ressources natu-relles et rétablir les ressources et les services dans leurétat d’origine.

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Annexe 4

RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES SITES CONTAMINÉS

RÉSUMÉ GÉNÉRAL

par Sophie Deloddere et Donatienne RyckbostUniversité de Gand

I. OBJECTIFS ET PRINCIPES

Il est nécessaire de mettre en place un système com-munautaire de responsabilité pour les dommages cau-sés par la pollution du sol afin d’assurer l’applicationdes principes de précaution et de prévention ainsi quedu principe du «pollueur-payeur». En outre, il convientd’éviter ou de supprimer les distorsions de concur-rence qui surviennent sur le marché intérieur en raisondes disparités entre les systèmes nationaux.

En ce qui concerne la responsabilité pour la dépollutiondes sites contaminés, un système communautaire de-vrait notamment prévoir d’harmoniser la définition des«sites contaminés» (qui couvre le sol, les eaux de surfaceet les eaux souterraines) ainsi que les normes mini-males, les objectifs et les obligations en matière de dé-pollution, qui constituent des facteurs fondamentauxpour déterminer le champ d’application du système deresponsabilité et l’ampleur des coûts de dépollution.

La mise en place d’un système de responsabilité au ni-veau communautaire n’empêchera pas les Étatsmembres d’organiser leur propre système administratifdécisionnaire en ce qui concerne le nettoyage des sitescontaminés et de choisir les instruments juridiques lesplus appropriés à cet effet. Pour être plus précis, unsystème de responsabilité ne devrait entraîner aucunchangement pour les méthodes de détection de la pol-lution (effectuée notamment par un examen du sol oupar la constitution d’un registre des sols pollués), pasplus que pour l’obligation administrative de nettoyer lapollution et de financer les coûts de dépollution, ouque pour la possibilité d’imposer des garanties finan-cières afin d’éviter les problèmes d’insolvabilité.Néanmoins, la réglementation communautaire devraitimposer aux États membres de veiller à ce qu’un cer-tain nombre d’aspects de la procédure de dépollutionsoient réglementés afin de garantir une certaine effica-cité et le bon déroulement de cette procédure.

Le système communautaire ne devrait viser qu’à la ré-glementation de la responsabilité à l’égard des conta-minations futures du sol.

II. LES GRANDES LIGNES D’UN SYSTÈMEDE RESPONSABILITÉ À L’ÉGARD DES COÛTS DE DÉPOLLUTION

1. DÉFINITION DES SITES CONTAMINÉS

La mise en place d’une politique et d’une stratégie eu-ropéennes en matière de responsabilité pour (la dépol-lution) des sites contaminés requiert l’utilisation d’unedéfinition commune de ce terme au niveau communau-taire. Dans le système communautaire envisagé, la no-tion de «terres contaminées» couvre le «sol», les «eauxsouterraines» et les «eaux de surface». Ce choix s’ex-plique principalement par des considérations politiquesrelatives à la manière dont se produit la pollution dessites dans la pratique. Comme la couche supérieure dela terre, le sous-sol, les eaux souterraines et les eaux desurface sont directement liés entre eux, la pollution dela couche supérieure de la terre constitue égalementune menace pour le sous-sol, pour les eaux de surfaceet les eaux souterraines. En outre, le traitement de lapollution ne peut pas être efficace s’il se limite à lacouche supérieure de la terre et ne concerne pas leseaux souterraines, les eaux de surface, le sous-sol etl’air ainsi que les autres éléments gazeux du sol. Enfin,le fait de se conformer aux mêmes réglementationspour la dépollution du sol et des eaux souterraines per-met d’éviter une contradiction entre des règles diffé-rentes.

2. HARMONISATION DES NORMES

ET DES OBJECTIFS EN MATIÈRE DE DÉPOLLUTION

Les normes et les objectifs en matière de dépollutionconstituent le fondement de toute définition de la res-ponsabilité à l’égard de la dépollution des sites conta-minés. Les disparités entre les dispositions nationalesrelatives à la qualité du sol peuvent également mener àdes situations de concurrence inégales et avoir des inci-dences directes sur le fonctionnement du marché inté-rieur. Une harmonisation minimale est donc nécessaire.

2.1. NORMES DE DÉPOLLUTION

Des normes générales sont nécessaires pour évaluer lapollution du sol et déterminer s’il convient ou non deprocéder à la dépollution du site.

La plupart des États membres estiment que le nettoyaged’un site contaminé n’est nécessaire qu’en cas de pollu-tion ayant des effets inacceptables pour l’homme etpour l’environnement. Ce point de vue repose sur l’hy-

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pothèse selon laquelle un certain niveau minimal depollution est acceptable dans une société industrialisée,et il résulte d’une approche réaliste qui tient compte del’utilisation future du terrain, effective ou vraisem-blable, ainsi que du caractère limité des moyens finan-ciers disponibles pour réhabiliter la terre contaminée.

Le caractère acceptable ou inacceptable des incidencesde la pollution sur l’homme et sur l’environnement peutêtre déterminé à partir de normes spécifiques quantita-tives en matière de dépollution ou d’un critère généralnon quantitatif, tel que la notion de menace grave pourl’homme et pour l’environnement. La notion de menacegrave peut notamment correspondre à un risque d’expo-sition pour l’homme, pour le milieu végétal et animal etpour les opérations de collecte de l’eau ainsi qu’auxpropriétés et aux fonctions du sol, à la nature et à laconcentration des substances ou des micro-organismescontaminants, à leur éventuelle dissémination et à lagravité des dommages susceptibles d’être occasionnés.

L’utilisation de normes non quantitatives offre l’avan-tage de permettre une meilleure étude des conditionsspécifiques du site au cas par cas, et notamment de lanature des polluants, des propriétés du sol, de la situa-tion hydrologique et de l’utilisation du terrain. Uneévaluation des risques au cas par cas présente néan-moins l’inconvénient d’être longue et coûteuse. Lesnormes quantifiées donnent, quant à elles, une estima-tion moins précise du risque réel et offrent moins desouplesse dans la prise de décision, mais elles présen-tent plusieurs avantages, et notamment un plus granddegré de cohérence politique qui facilite la planifica-tion et la mise en œuvre de mesures ainsi qu’une ap-plication plus rapide et plus facile de ces mesures.

La présente proposition de la Communauté européenneprévoit que la notion de menace grave pour l’hommeet pour l’environnement doit être utilisée en tant quenorme minimale non quantitative à chaque fois qu’ilconvient de décider si des mesures de dépollutions’imposent. Cette règle implique que la moindre menacegrave devrait être évitée à l’avenir dans la mesure oùon juge qu’elle aura des effets inacceptables sur l’hommeet sur l’environnement.

Afin d’identifier une menace grave, il est proposé desuivre une approche différenciée tenant compte au mi-nimum de l’utilisation future effective ou vraisem-blable du terrain concerné, plutôt qu’une approche in-verse. La solution privilégiée ici correspond à celleadoptée par la plupart des États membres.

L’utilisation de la norme non quantitative susmention-née pourrait être associée avec l’application de normesquantitatives ordinaires. En vue d’une plus grande har-monisation, des normes de dépollution chiffrées pour-raient donc être élaborées au niveau communautaire.Lorsqu’on applique des normes quantitatives, deux ap-proches distinctes peuvent être envisagées. D’une part,les critères quantitatifs peuvent être utilisés comme desorientations. Cela implique qu’ils constituent un élé-ment non contraignant de la procédure administrativedécisionnaire. L’existence d’un risque réel doit alorsêtre déterminée à partir d’une évaluation des risques aucas par cas, et le dépassement des normes chiffrées dedépollution ne sera qu’un facteur parmi d’autres pourdéterminer si la dépollution s’impose. D’autre part, lescritères quantitatifs peuvent être appliqués de manièrecontraignante. Dans ce cas, le dépassement des normeschiffrées de dépollution implique la présence d’unemenace grave et la nécessité de procéder à la dépollu-tion du site. Il convient alors généralement dans tousles cas de déterminer s’il existe un risque important.Cette dernière approche offre une plus grande certitudetechnique du point de vue juridique, mais elle supposeun consensus qui n’est pas toujours facile à atteindreen ce qui concerne la définition de ces normes, et elleoffre moins de souplesse. Quoi qu’il en soit, afind’éviter une période (temporaire) de vide juridique, ilest utile de disposer que, en l’absence de critères quan-titatifs, l’existence d’une menace grave (qui doit êtredéterminée à partir d’une évaluation des risques au caspar cas) sera utilisée comme critère par défaut.

2.2. OBJECTIFS EN MATIÈRE DE DÉPOLLUTION

La mise en place d’objectifs en matière de dépollutiondoit en fin de compte permettre de définir une qualitédu sol telle qu’il est raisonnablement envisageable dela maintenir ou de la reconstituer. Ces objectifs peu-vent également ne pas être quantitatifs (il peut s’agir,par exemple, de l’absence de menace grave pourl’homme et pour l’environnement, de la réhabilitationdes fonctions du sol) ou ils peuvent être quantifiés pardes normes chiffrées.

En principe, la dépollution devrait viser à ôter toutecontamination du sol. Par conséquent, la dépollutiondu sol doit s’efforcer d’atteindre certaines valeurs na-turelles de référence (objectif quantitatif) en ce quiconcerne la qualité du sol endommagé. Toutefois, lecaractère limité des ressources financières disponibleset l’ampleur du problème amènent généralement lesÉtats membres à restreindre les objectifs de dépollu-

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tion en fonction des meilleures technologies dispo-nibles ou en prenant en considération l’utilisation futuredu terrain, effective ou vraisemblable. Si l’étude desmeilleures technologies disponibles montre qu’il n’estpas possible d’atteindre les valeurs de référence, onconsidère alors généralement que le fait de prévenirune dissémination de la pollution ou une menace graveconstitue un objectif minimal non quantifié.

Le futur système communautaire devra établir commecritère minimal un objectif non quantitatif concernant lasuppression systématique de toute menace grave pourl’homme et pour l’environnement, compte tenu du prin-cipe des meilleures technologies disponibles et de l’uti-lisation future du terrain, effective ou vraisemblable.

Le respect de cet objectif non quantitatif devrait êtreassocié, dans la mesure du possible, avec l’applicationde normes chiffrées indiquant la qualité du sol à at-teindre. Les normes de dépollution susmentionnéespourraient également être utilisées notamment pourquantifier les objectifs minimaux de dépollution.

Si la dépollution s’avère impossible pour des raisonséconomiques (coûts disproportionnés) ou techniques,le confinement peut être envisagé.

Les objectifs communautaires en matière de dépollu-tion (quantifiés et non quantifiés) ne doivent pas em-pêcher les États membres de fixer des objectifs plusstricts (et notamment un objectif général portant sur lesvaleurs correspondant à la qualité naturelle du sol ousur la «plurifonctionnalité» du sol).

3. PROCÉDURES À SUIVRE (OBLIGATION

DE DÉPOLLUTION)

Le système communautaire devrait imposer aux Étatsmembres l’obligation de garantir la mise en œuvre, lecas échéant, de procédures rapides de dépollution quirespectent les critères précités; ces procédures doiventpermettre d’établir la responsabilité du pollueur et demettre en place des mécanismes garantissant l’applica-tion de ces mesures de dépollution.

Les points suivants peuvent être examinés par les Étatsmembres en vue de garantir le bon déroulement desprocédures juridiques et une dépollution efficace. Lecontrôle des opérations de dépollution pourrait releverde la compétence d’un organisme gouvernemental spé-cialisé, qui serait également chargé d’effectuer ou depoursuivre le travail de dépollution en cas de danger

imminent, notamment si la partie responsable semontre réticente à effectuer ce travail ou le fait de ma-nière insuffisante. La procédure pourrait égalementprévoir un droit d’accès au terrain pollué au cas où lespropriétaires refuseraient de participer à la dépollutionainsi qu’une participation des parties lésées au proces-sus décisionnaire et des procédures administratives derèglement des différends.

4. RESPONSABILITÉ À CARACTÈRE NON EXCLUSIF;ORDRE DE RESPONSABILITÉ

Le système communautaire de responsabilité pour lescoûts de dépollution vise à appliquer le principe du«pollueur-payeur». En général, les règles nationales deresponsabilité sans faute ne sont pas exclusives, ce quisignifie que la victime n’est pas limitée dans son droitde poursuivre d’autres parties que la personne respon-sable désignée en vertu de la règle de responsabilitéspécifique. Le système communautaire ne devrait pasnon plus avoir un caractère exclusif. Cela signifie queles États membres, en vertu du principe de subsidiari-té, peuvent maintenir d’autres règles de responsabilitéaux termes desquelles d’autres personnes peuvent êtretenues responsables (notamment en ce qui concerne laresponsabilité par faute et la responsabilité du proprié-taire du terrain pollué). Du fait de cette coexistence derègles différentes, plusieurs parties peuvent être pour-suivies pour le financement des coûts de dépollution.

La législation des États membres dispose souvent quela responsabilité du propriétaire ou de l’occupant duterrain pollué est engagée, que ce soit parallèlement àla responsabilité du pollueur réel ou à celle d’autresparties. Cette règle s’explique notamment par le faitque le propriétaire (ou le détenteur, l’occupant, etc.)doit maîtriser les risques liés à sa terre et doit donc,en définitive, prendre des mesures conservatoires.Néanmoins, cette règle est souvent atténuée par la dé-fense spécifique dite «du propriétaire innocent», quipeut entraîner une exemption complète de la respon-sabilité ou tout au moins une limitation de la respon-sabilité à certains coûts.

Le régime communautaire proposé devrait prévoir uneatténuation de la responsabilité pour le propriétaire oul’occupant du terrain si ces derniers n’ont pas causé lapollution. Il conviendrait, en particulier, d’imposer queles États membres veillent à ce que le propriétaire fon-cier ou l’occupant du terrain exerçant un simple droitde propriété ou une simple fonction de surveillance nesoient tenus responsables des coûts de dépollution que

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si aucun pollueur solvable n’a pu être trouvé à l’issued’une enquête raisonnable. Il semble que la manière laplus efficace d’appliquer cet ordre de responsabilitéconsiste à accorder au défendeur le droit de contesterla réclamation faite contre lui s’il découvre les véri-tables pollueurs et que ces derniers s’avèrent solvables.Cette règle permet également de mieux faire appliquerle principe de prévention, puisque les pollueurs éven-tuels savent à l’avance qu’ils seront tenus responsablesde préférence à d’autres parties (même si elles sontplus solvables qu’eux) n’ayant théoriquement pascontribué aux dommages. Ainsi, cette règle permettraitégalement de mieux intégrer les coûts de réduction dela pollution.

Il convient toutefois de noter que la seule applicationde cet ordre de priorité ne pourra empêcher que, lors-qu’aucun pollueur solvable n’a été identifié et que ledroit interne ne prévoit pas une dérogation totale ouune limitation de la responsabilité du propriétaire inno-cent, ce dernier supporte le coût total de la dépollution.

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Annexe 5

HISTORIQUE ET CONTENUSOMMAIRE DE LA CONVENTION DE LUGANO

1. En mars 1992, le Conseil a accordé à la Commissionun mandat de négociation pour les domaines relevantde la compétence communautaire en vue de préparer laconvention du Conseil de l’Europe sur la responsabili-té civile des dommages résultant d’activités dange-reuses pour l’environnement, qui a été ouverte à la si-gnature en juin 1993.

Outre la Communauté européenne et tous les Étatsmembres, les pays de l’AELE et un certain nombre depays d’Europe centrale et orientale ont participé auxnégociations. Cette convention prévoit la possibilitépour des pays n’appartenant pas au Conseil de l’Europede devenir parties à la convention.

2. Cette convention vise à apporter une compensationappropriée aux dommages résultant d’activités dange-reuses pour l’environnement. La convention proposeégalement des mesures pour la prévention des dom-mages et pour la réhabilitation de l’environnement. Lanotion de dommages recouvre la dégradation de l’en-vironnement, les dommages causés à des personnesphysiques et à des biens ainsi que le coût des mesuresde sauvegarde, c’est-à-dire des mesures prises pourprévenir ou atténuer les dommages. Les dommagespeuvent résulter d’un fait unique ou d’un processuschronique de pollution. Il convient de remarquer que laconvention donne une définition large du terme «envi-ronnement».

Afin d’atteindre l’objectif consistant à réparer de manière satisfaisante les dommages causés à l’environ-nement, la convention introduit un système de respon-sabilité sans faute. En vertu de la convention, la per-sonne responsable est l’exploitant, c’est-à-dire la personne exerçant le contrôle d’une activité dangereu-se à la période où l’incident se produit ou, dans le casde sites de stockage permanent des déchets, au moment où les dommages deviennent notoires.

3. La notion d’«activité dangereuse» couvre les acti-vités professionnelles qui utilisent des substances dan-gereuses, des organismes ou des micro-organismesgénétiquement modifiés, ainsi que l’exploitation desinstallations de traitement des déchets ou des sites destockage permanent des déchets. Dans un certain

nombre de définitions, notamment pour les termes«substance dangereuse» et «organisme génétiquementmodifié», il est fait référence aux définitions donnéesdans les directives communautaires.

La convention accorde aux associations travaillantdans le secteur de l’environnement le droit d’intenterdes actions en justice pour assurer la mise en œuvredes mesures de prévention ou de réhabilitation. Néan-moins, les parties contractantes ont la possibilité de nepas appliquer l’article concerné (article 18). En outre,la convention oblige les parties contractantes à exiger,«dans les cas appropriés», un système de garantie fi-nancière. Les conditions, les limites et les autres élé-ments régissant ces systèmes sont entièrement régle-mentés par le droit interne des parties.

4. La convention laisse une grande souplesse aux systèmes juridiques internes en ce qui concerne sonapplication et elle permet aux parties d’adopter desdispositions plus strictes en termes de protection del’environnement et de protection des victimes. Laconvention contient une clause accordant la préférenceau droit communautaire lorsque ce dernier couvre unequestion traitée par la convention.

5. La convention prévoit des dispositions en vue del’adhésion de la Communauté économique européenne.La Communauté dispose du droit de vote au sein ducomité permanent chargé du contrôle des problèmesd’interprétation et de mise en œuvre qui se présententdans le cadre de la convention; elle peut exercer cedroit dans ses domaines de compétence.

SIGNATAIRES DE LA CONVENTION

6. À ce jour, neuf pays ont signé la convention, parmilesquels six sont des États membres de la Communau-té, à savoir la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Finlande. Les autres pays signa-taires sont Chypre, l’Islande et le Liechtenstein. Il n’ya encore eu aucune ratification, mais plusieurs procé-dures de ratification sont en cours, notamment en Grèce, aux Pays-Bas et en Finlande. La convention en-trera en vigueur après la troisième ratification.

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Commission européenne

Livre blanc sur la responsabilité environnementale

Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes

2000 — 59 p. — 21 x 29,7 cm

ISBN 92-828-9180-1