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Littérature: critique sociale du 17e au 18e siècle

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  • 1Squence 2 FR20

    Squence 2volution de la critique sociale, du XVIIe sicle au XVIIIesicle

    Sommaire

    Introduction 1. la dcouverte des genres de lloquence

    Fiche mthode: Convaincre et persuaderCorrigs des exercices

    2. La critique sociale au temps du classicisme Fiche mthode: Types de textes et formes de discoursFiche mthode: Les genres littrairesCorrigs des exercices

    3. Bas les masques: la satire du pouvoir lpoque des Lumires Corrigs des exercices

    4. Le combat contre lobscurantisme Fiche mthode: Les registres satirique, polmique et oratoireCorrigs des exercices

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  • 2 Squence 2 FR20

    Objectifs & parcours dtude Voir comment romans et nou-velles sinscrivent dans le mou-vement littraire et culturel du ralisme

    Donner des repres dans lhis-toire de ces genres

    Faire apparatre les caractris-tiques de ces genres narratifs

    Apprendre expliquer le texte narratif

    Objectifs

    Un groupement de textes du XVIIe sicle au XVIIIe sicle

    Une lecture cursive : Laf-faire du chevalier de La Barre, Voltaire

    Textes etuvres

    Genres et formes de largumentation, du XVIIe sicle au XVIIIe sicle

    Objetsdtude

    A. volution de la critique sociale

    B. Prsentation de la squence

    Introduction

    la dcouverte des genres de lloquence

    Fiche mthode : Convaincre et persuader

    Corrigs des exercices

    Chapitre 1

    La critique sociale au temps du classicisme

    A. Lart du rcit au service de la critique sociale

    Texte 1 La Fontaine, Fables Le Singe et le Lopard

    B. La satire au thtre

    Texte 2 Molire, Tartuffe

    Fiches mthode : Types de textes et formes de discours

    Les genres littraires

    Corrigs des exercices

    Chapitre 2

    Bas les masques : la satire du pouvoir lpoque des Lumires

    A. La critique politique et religieuseTexte 3 Montesquieu, Lettres Persanes

    B. Entranement lcrit : la dissertation (1)

    Corrigs des exercices

    Chapitre 3

    Le combat contre lobscurantisme

    Point histoire littraire : la philosophie des Lumires

    A. Une arme : la littrature polmique

    Texte 4 Voltaire, Candide

    B. La persuasion par le registre oratoire

    Texte 5 Voltaire, Prire Dieu

    C. Entranement lcrit : la dissertation (2)

    Fiche mthode : Les registres satirique, polmique et oratoire

    Lecture cursive : Voltaire et laffaire du chevalier de la Barre

    Bilan : Entranement lcrit : rdaction guide dune dissertation (3)

    Corrigs des exercices

    Chapitre 4

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  • 3Squence 2 FR20

    IntroductionLloquence est lart de bien par-ler : cest elle qui rend un discours ou un orateur persuasif. Cette capa-cit de persuader et de convaincre, qui pousse lauditeur ou le lecteur adhrer aux propos de lauteur ou de lorateur, peut tre mise au ser-vice de causes ou dengagements dont les enjeux varient selon les poques. Bien souvent, les cri-

    vains ragissent des faits de socit ou un tat gnral de la socit qui les choquent, les rvoltent, et les incitent les dnoncer.

    volution de la critique socialeLa critique sociale dans les uvres littraires nest pas nouvelle dans lhistoire de la littrature. Notre squence se concentrera cependant sur deux sicles, les XVIIe et XVIIIe sicles, qui ont vu nombre dcrivains prendre la plume et souvent galement, des risques ! pour dnoncer tantt des comportements aberrants ou dangereux, tantt des travers de la socit toute entire, tantt enfin des excs des pouvoirs politique et religieux. La figure de lcrivain saffirme peu peu, et lauteur tend devenir un des porte-parole de son poque, surtout au XVIIIe sicle, dit des Lumires, qui est le sicle par excellence de la contestation.Nous verrons, travers un corpus de cinq textes de La Fontaine, Molire, Montesquieu et Voltaire, comment la critique sociale volue au long de ces deux sicles. Nous verrons galement quels sont les genres littraires qui ont t employs car il est bien entendu quune attaque frontale et directe, au temps de la Monarchie absolue, nest pas envisageable ! La critique se fera donc souvent indirecte Nous aborderons enfin, au fil des textes, les divers procds de lloquence voque plus haut.

    A

    Cest donc ce thme de la critique sociale que nous aborderons travers cette squence, afin de com-prendre quels sont les procds littraires qui sont la disposition des auteurs dans leurs combats, et comment ils ont recours lloquence prcdemment voque pour mettre le lecteur de leur ct .

    Objectifs de la squence

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  • 4 Squence 2 FR20

    Prsentation de la squenceUn chapitre de dcouverte et trois grandes parties vous prsenteront successivement : les diffrents genres de lloquence ; la critique so-ciale au temps du classicisme, qui sexprime entre autres par le rcit (ici une fable) et au thtre ; la satire du pouvoir et de la religion au temps des Lumires ; et le recours aux textes polmiques et oratoires comme arme contre lobscurantisme. Les textes vous permettront de saisir les diffrences entre divers registres employs dans les textes argumentatifs - polmique, satirique, oratoire -, et de travailler sur la distinction entre convaincre et persuader . Trois fiches mthode vous sont fournies au cours de la squence sur ces thmes, auxquelles vous pouvez vous rfrer tout moment, ainsi quune quatrime sur le sicle des Lumires. Plusieurs lectures vous seront proposes en plus des textes tudis en lecture analytique dans les exercices autocorrectifs, ainsi que des ana-lyses dimages.Dans loptique de la prparation lpreuve anticipe de franais, un exercice autocorrig vous orientera peu peu vers la dissertation.Vous aurez enfin lire en lecture cursive intgrale Laffaire du chevalier de la Barre de Voltaire, en dition Folio (n 4848), que vous devez donc penser vous procurer ds maintenant. Nhsitez pas en commencer la lecture rapidement. Cette lecture sera accompagne par un question-naire de comprhension.

    B

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  • 5Squence 2 FR20

    Chapitre

    1 la dcouverte des genres de lloquenceLloquence est lart de bien parler, de persuader par la parole (du latin, eloquentia : facilit sexprimer, loquence, talent de la parole). tre loquent implique de matriser la rhtorique et ses subtilits.

    La rhtorique est quant elle lart de dire quelque chose quelquun, lart dagir par la parole sur les opinions, les motions, les dcisions de linter-locuteur. Venant du grec ancien rhtorik (technique, art oratoire), elle est aussi la discipline qui prpare lexercice de cet art, en apprenant com-poser des discours appropris leurs fins. Elle constitue donc loutil de lloquence. Il arrive que les deux termes soient employs lun pour lautre.

    Document

    Dfinition de la rhtorique

    I. La rhtorique est la facult de considrer, pour chaque question, ce qui peut tre propre persuader. Ceci nest le fait daucun autre art, car chacun des autres arts instruit et impose la croyance en ce qui concerne son objet : par exemple, la mdecine, en ce qui concerne la sant et la maladie ; la gomtrie, en ce qui concerne les conditions diverses des grandeurs ; larithmtique, en ce qui touche aux nombres, et ainsi de tous les autres arts et de toutes les autres sciences. La rhtorique semble, sur la question donne, pouvoir considrer, en quelque sorte, ce qui est propre persuader.

    Aristote, Rhtorique, chapitre II.

    De nombreux auteurs et philosophes se sont penchs depuis lAntiquit sur la rhtorique et ses procds, dans le but dacqurir cette puissance du verbe une arme parfois redoutable, noubliez pas quune argumen-tation bien mene et convaincante peut avoir une influence dcisive ! Parmi ces auteurs, on retrouve les noms dauteurs grecs comme Dmos-thne (384-322 avant J.-C.), Isocrate (436-322 avant J.-C.) et Aristote (384-322 avant J.-C.), ou romains comme Cicron (106-43 avant J. -C.) ont rdig des traits de rhtorique (De Oratore, sur lart oratoire, et du Brutus, brve histoire de lart oratoire romain), ou Quintilien (35-95 aprs J.-C.), Lart oratoire. Ils ont dfini les procds auxquels il faut avoir recours pour construire un texte convaincant.

    Il y a ainsi trois facults mettre en uvre :

    E linvention (inventio), cest--dire la capacit dinvention, celle l mme quon vous demande dans lcriture dinvention : il sagit de trouver quoi dire, un sujet, et des arguments pour soutenir son propos.

    Dfinitions

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  • 6 Squence 2 FR20

    E la disposition (dispositio), cest--dire lart dorganiser son texte : il sagit de savoir comment disposer dans un ordre adapt la thse, les arguments Bref, dagencer les ides prcdemment trouves. Nos dissertations en trois parties (thse, antithse, synthse) sont les hri-tires de cette disposition .

    E llocution (elocutio), cest--dire la capacit arranger le style pour rendre le texte agrable lire, ou entendre dans le cas dun discours.

    Dans le cadre dun discours, donc dun texte oral, on rajoutera la memo-ria (la capacit apprendre par cur un discours), et lactio (lart de bien rciter le discours).

    2 Un texte peut avoir trois finalits. Il peut :

    E docere, cest--dire convaincre, par la raison (grce lemploi dargu-ments logiques, dune construction rigoureuse du raisonnement)

    E placere (ou delectare), cest--dire plaire : il faut que le destinataire ait du plaisir entendre ou lire le texte, afin que son attention soit maintenue de lintroduction la conclusion.

    E movere, mouvoir : le recours la raison du docere doit tre complt par lappel aux motions, aux sentiments Il sagit par ce moyen de persuader.

    On constate donc que la rhtorique fait appel la raison et la logique, par lusage darguments, afin de convaincre. Cependant, il existe aus-si une relation motionnelle entre lauteur et le destinataire : on doit aussi tre sduit ou charm par le texte que lon lit, cest la persuasion. Raison et sentiments doivent donc tre mobiliss ensemble si lon veut avoir toutes les chances demporter ladhsion (cf. fiche mthode sur Convaincre et persuader ).

    3 En ce qui concerne les discours, on en distingue trois genres :

    E le genre judiciaire, lorsque le discours est prononc dans le cadre dun procs, pour accuser (il sagit alors du rquisitoire) ou dfendre (il sagit alors du plaidoyer). Cest un discours orient vers ltablisse-ment de la vrit, du juste et de linjuste.

    E le genre dlibratif, que lon emploie dans les assembles politiques ; il sagit le plus souvent de rpondre la question que faire ? : lora-teur conseille ou dconseille sur les questions portant sur la vie de la cit ou de ltat. Ce type de discours a donc pour but de dcider des dcisions prendre et on y discute de leur ct utile ou nuisible. Cest un discours orient vers laction.

    E le genre pidictique, qui est celui de lloge et du blme. Il sagit sou-vent de discours dapparat, comme les oraisons funbres.

    Selon les contextes, et selon ce dont on veut convaincre le destinataire, on naura donc pas recours au mme genre de discours.

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  • 7Squence 2 FR20

    Document

    Voici la prsentation que fait Aristote dans sa Rhtorique des trois genres de discours, et de leurs objectifs :

    III. Il y a donc, ncessairement aussi, trois genres de discours oratoires : le dlibratif, le judiciaire et le dmonstratif [cest--dire lpidictique].

    La dlibration comprend lexhortation et la dissuasion. En effet, soit que lon dlibre en particulier, ou que lon harangue en public, on emploie lun ou lautre de ces moyens. La cause judiciaire comprend laccusation et la dfense : ceux qui sont en contestation pratiquent, ncessairement, lun ou lautre. Quant au dmonstratif, il comprend lloge ou le blme.

    ()

    V. Chacun de ces genres a un but final diffrent ; il y en a trois, comme il y a trois genres. Pour celui qui dlibre, cest lintrt et le dommage ; car celui qui soutient une proposition la prsente comme plus avanta-geuse, et celui qui la combat en montre les inconvnients. Mais on em-ploie aussi, accessoirement, des arguments propres aux autres genres pour discourir dans celui-ci, tel que le juste ou linjuste, le beau ou le laid moral. Pour les questions judiciaires, cest le juste ou linjuste ; et ici encore, on emploie accessoirement des arguments propres aux autres genres. Pour lloge ou le blme, cest le beau et le laid moral, auxquels on ajoute, par surcrot, des considrations plus particulirement propres aux autres genres.

    Aristote, Rhtorique, chapitres III et V.

    Exercice autocorrectif n 1

    Matriser les trois genres de discours et leurs vises

    partir du point 3 et de ce texte dAristote, vous rcapitulerez les ob-jectifs possibles des orateurs par genre de discours. Sur quels critres de valeurs ces dmonstrations oratoires sorganisent-elles ?

    Genres de discoursVises, objectifs des

    discoursCritres de valeurs

    genre dlibratif

    genre judiciaire

    genre pidictique

    Veuillez vous reporter la fin du cha-pitre pour consulter le corrig de lexercice.

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  • 8 Squence 2 FR20

    Exercice autocorrectif n2

    Reconnatre les genres de lloquence

    Vous trouverez ci-dessous trois textes : quel genre de discours appar-tiennent-ils ? Pourquoi ? Utilisez ce que vous venez dapprendre sur la rhtorique pour rpondre.

    Vous observerez galement les principaux procds rhtoriques utiliss pour toucher lauditoire et le convaincre. Utilisez la bote outils (fiche n 11) et les figures de style prsentes ci-dessous.

    E Accumulation ternaire : numration de trois lments souvent selon une gradation.

    E Anaphore : rptition dun mme mot ou son en dbut de vers ou de phrases.

    E Apostrophe : figure de rhtorique par laquelle un orateur interpelle une personne ou un objet personnifi.

    E Exclamation : parole ou cri brusque qui exprime un sentiment, une motion.

    E Gradation : figure de rhtorique qui consiste ordonner selon une pro-gression croissante les termes dun nonc pour crer une dramatisa-tion.

    E Question rhtorique (ou question oratoire) : procd qui consiste poser une question qui nattend gnralement pas de rponse, celle-ci tant vidente. Ex : Quoi ? tu veux quon se lie demeurer au premier objet qui nous prend, quon renonce au monde pour lui, et quon nait dyeux pour personne ? (Dom Juan, Molire).

    a) Cicron, Premire Catilinaire, exorde1

    On vient de dvoiler Cicron, consul (69 av. J.-C.), les plans de la conju-ration de Catilina. Cicron met Rome en tat de dfense contre cette tentative de prise de pouvoir, et comme Catilina ose venir au Snat, il prononce contre lui devant tous les snateurs un discours vhment, la Premire Catilinaire :

    Jusques quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? O sarrteront les emportements de cette audace effrne ? Ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin, ni les postes rpandus dans la ville, ni leffroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la runion du snat, de ce lieu le plus sr de tous, ni les regards ni le vi-sage de ceux qui tentourent, rien ne te dconcerte ? Tu ne sens pas que tes projets sont dvoils ? Tu ne vois pas que ta conjuration reste im-puissante, ds que nous en avons tous le secret ? Penses-tu quun seul de nous ignore ce que tu as fait la nuit dernire et la nuit prcdente, o tu es all, quels hommes tu as runis, quelles rsolutions tu as prises ?

    1. Lexorde est le dbut dun discours, les toutes premires lignes. La fin dun discours sappelle la proraison.

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  • 9Squence 2 FR20

    temps ! murs ! Le snat connat tous ces complots, le consul les voit ; et Catilina vit encore. Il vit ? que dis-je ? il vient au snat ; il prend part aux conseils de la rpublique ; son il choisit et dsigne tous ceux dentre nous quil veut immoler. Et nous, hommes pleins de courage, nous croyons assez faire pour la rpublique, si nous chappons sa fureur et ses poignards. Il y a longtemps, Catilina, que le consul aurait d tenvoyer la mort, et faire tomber sur ta tte le coup fatal dont tu menaces les ntres .

    b) Danton, Discours civiques, III, Sur la patrie en danger

    Voici la proraison, cest--dire la fin du discours prononc par Danton devant lAssemble Lgislative le 2 septembre 1792. Ce discours a pour but dinviter le peuple franais se mobiliser contre lenvahisseur tran-ger (la France est entre en guerre contre lAutriche le 20 avril 1792).

    Il est satisfaisant, pour les ministres du peuple libre, davoir lui an-noncer que la patrie va tre sauve. Tout smeut, tout sbranle, tout brle de combattre. Vous savez que Verdun nest point encore au pou-voir de nos ennemis. Vous savez que la garnison a promis dimmoler le premier qui proposerait de se rendre. Une partie du peuple va se porter aux frontires, une autre va creuser des retranchements, et la troisime, avec des piques, dfendra lintrieur de nos villes. Paris va seconder ces grands efforts. Les commissaires de la Commune vont proclamer, dune manire solennelle, linvitation aux citoyens de sarmer et de marcher pour la dfense de la patrie. Cest en ce moment, messieurs, que vous pouvez dclarer que la capitale a bien mrit de la France entire. Cest en ce moment que lAssemble nationale va devenir un vritable comit de guerre.Nous demandons que vous concouriez avec nous diriger le mouvement sublime du peuple, en nommant des commissaires qui nous seconderont dans ces grandes mesures. Nous demandons que quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes, sera puni de mort. Nous demandons quil soit fait une instruction aux citoyens pour diriger leurs mouvements. Nous demandons quil soit envoy des courriers dans tous les dpartements pour avertir des dcrets que vous aurez rendus. Le toc-sin quon va sonner nest point un signal dalarme, cest la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de laudace, encore de laudace, toujours de laudace, et la France est sauve .

    c) Bossuet, Oraison funbre dHenriette dAngleterre

    Voici des extraits de lun des plus clbres discours de Bossuet, vque et clbre prdicateur du XVIIe sicle, prononc loccasion de la mort dHenriette dAngleterre.

    Et certainement, messieurs, si quelque chose pouvait lever les hommes au-dessus de leur infirmit naturelle si lorigine qui nous est commune souffrait quelque distinction solide et durable entre ceux que Dieu a forms de la mme terre, quy aurait-il dans lunivers de plus dis-

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  • 10 Squence 2 FR20

    tingu que la princesse dont je parle ? Tout ce que peuvent faire non seulement la naissance et la fortune, mais encore les grandes qualits de lesprit, pour llvation dune princesse, se trouve rassembl et puis ananti dans la ntre. De quelque ct que je suive les traces de sa glo-rieuse origine, je ne dcouvre que des rois, et partout je suis bloui de lclat des plus augustes couronnes. () Mais cette princesse, ne sur le trne, avait lesprit et le cur plus hauts que sa naissance. Les malheurs de sa maison nont pu laccabler dans sa premire jeunesse ; et ds lors on voyait en elle une grandeur qui ne devait rien la fortune. Nous di-sions avec joie que le ciel lavait arrache comme par miracle des mains des ennemis du roi son pre, pour la donner la France : don prcieux, inestimable prsent, si seulement la possession en avait t plus du-rable ! Mais pourquoi ce souvenir vient-il minterrompre ? Hlas ! nous ne pouvons un moment arrter les yeux sur la gloire de la princesse sans que la mort sy mle aussitt pour tout offusquer de son ombre. () Elle croissait au milieu des bndictions de tous les peuples et les annes ne cessaient de lui apporter de nouvelles grces .

    Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter le corrig de lexercice.

    Lloquence, lart de bien parler, se fonde sur les rgles de la rhtorique grce auxquelles un discours acquiert la capacit demporter ladhsion du destinataire.Un texte ou un discours se compose par la recherche dides ( inven-tion ), que lon organise de manire approprie ( disposition ), et que lon formule en un style adapt ( locution ).Il peut jouer davantage sur le fait de plaire, de convaincre, ou encore de persuader, selon que lon sadresse plutt la raison ou aux sentiments du lecteur. Il est bien sr possible de jouer sur les trois la fois !Enfin, un discours peut relever du genre judiciaire, dlibratif ou pi-dictique, selon quil vise attaquer ou dfendre une personne ou une ide, prendre une dcision ou inciter une action, ou proposer un loge ou un blme dans le cadre dune rhtorique dapparat.

    Cette loquence, que les auteurs chaque sicle se sont approprie, est notamment mise au service de la critique sociale aux XVIIe et XVIIIe sicles. En suivant la chronologie, nous allons donc dabord nous pencher sur deux textes du XVIIe sicle.

    Conclusion

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  • 11Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Convaincre et persuaderConvaincre, cest amener le lecteur reconnatre la justesse dune ide en sadressant sa raison de manire logique par des preuves orga-nises de faon irrfutable. On utilise cette fin des arguments et des exemples.Persuader, cest sadresser aussi aux sentiments du lecteur. On utilise alors des modalits propres lmouvoir, le sduire : des impratifs, des interrogations, des images Ces deux voies de largumentation peuvent bien sr se retrouver dans un mme texte !

    Exercice autocorrectif n 3Chacun des deux textes ci-dessous fait appel soit davantage la raison, soit davantage aux sentiments : attribuez le convaincre et le per-suader chaque extrait. Expliquez votre choix, sans oublier danalyser le style et la composition des extraits.

    a) Pierre Bayle (1647-1706), De la tolrance (Commentaire philosophique)

    Prcurseur avec Fontenelle de lesprit des Lumires, Bayle sattache dnoncer la superstition et rclamer la libert de conscience. En conju-guant une grande rudition et des commentaires souvent ironiques, il a tabli une mthode et un style dont les Encyclopdistes du XVIIIe sicle se souviendront.

    Si chacun avait la tolrance que je soutiens, il y aurait la mme concorde dans un tat divis en dix religions, que dans une ville o les diverses espces dartisans sentresupportent mutuellement. Tout ce quil pour-rait y avoir, ce serait une honnte mulation qui plus se signalerait en pit2, en bonnes murs, en science ; chacun se piquerait de prouver quelle est la plus amie de Dieu, en tmoignant un plus fort attachement la pratique des bonnes uvres ; elles se piqueraient mme de plus daffection pour la patrie, si le souverain les protgeait toutes, et les te-naient en quilibre par son quit. Or il est manifeste quune si belle mulation serait cause dune infinit de biens ; et par consquent la to-lrance est la chose du monde la plus propre ramener le sicle dor, et faire un concert et une harmonie, de plusieurs voix et instruments de diffrents tons et notes, aussi agrables pour le moins que luniformit dune seule voix. Quest-ce donc qui empche ce beau concert form de voix et de tons si diffrents lun de lautre ? Cest que lune des deux reli-gions veut exercer une tyrannie cruelle sur les esprits et forcer les autres

    2. = qui ferait preuve de la plus grande pit

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  • 12 Squence 2 FR20

    lui sacrifier leur conscience ; cest que les rois fomentent cette injuste partialit, et livrent le bras sculier aux dsirs furieux et tumultueux dune populace de moines et de clercs : en un mot tout le dsordre vient non pas de la tolrance, mais de la non-tolrance .

    b) Crbillon fils (1707-1777), Lettres de la marquise de M*** au comte de R***

    Ce roman pistolaire3 une voix donne entendre la passion de la mar-quise pour le comte, aprs quelle eut tent dy rsister. Elle tente ici de mettre fin leur relation naissante.

    Ayez piti de ltat o je suis. Si vous maimez, respectez-le ; ne me revoyez plus : que mon exemple vous serve dtruire un amour qui ne peut avoir que des suites funestes pour moi. Envisagez les malheurs qui seraient insparables de notre commerce4 : la perte de ma rputation, celle de lestime de mon mari : peut-tre pis encore. Quelque purs que soient nos sentiments, car je veux bien croire que les vtres sont conformes aux miens, croyez-vous quon leur rende justice, et quon ne saisisse pas, avec malignit, loccasion de me perdre dans le monde ? (.) Lunique moyen de me dlivrer de tant de craintes est de mloigner de vous ; tant que nous serons dans le mme lieu, je ne serai pas sre de moi. Aidez-moi, je vous en conjure, vaincre ma faiblesse. Vous voulez que je vous revoie encore ! dois-je my exposer ? Ce rendez-vous aura-t-il le succs du dernier ? Aurais-je encore assez de fermet pour vous dire que je vous quitte ? Si vous men croyiez, vous ne me verriez pas. () Je serai midi chez Madame de *** ; que de larmes cette journe me cote ! .

    Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter le corrig de lexercice.

    3. Un roman pistolaire (du latin epistula, la lettre) repose sur un groupement de lettres que senvoient les person-nages. Cest uniquement travers ces lettres, et donc selon des points de vue chaque fois diffrents, que lhistoire se construit.

    4. Commerce est prendre ici au sens de relation

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  • 13Squence 2 FR20

    Corrigs des exercicesCorrig de lexercice n 1

    Corrig de lexercice n 2

    a) Le texte de Cicron appartient au genre des discours judiciaires : cest un rquisitoire contre Catilina, qui met la Rpublique en pril. Ce genre est caractris par la forte prsence de la premire personne, qui marque limplication du locuteur, Cicron lui-mme et le Snat, ( serons-nous ) et du destinataire, Catilina ( abuseras-tu ). Cic-ron accuse directement Catilina de complots , de conjuration , et mme de planifier des meurtres ( son il choisit et dsigne tous ceux dentre nous quil veut immoler ). Il a recours des modalits de phrases particulires : des questions rhtoriques ( Jusques quand abuseras-tu de notre patience, Catilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi le jouet de ta fureur ? O sarrteront les emporte-ments de cette audace effrne ? , Tu ne vois pas que ta conjura-tion reste impuissante, ds que nous en avons tous le secret ? , Il vit ? que dis-je ? ), des exclamations ( 0 temps ! murs ! ) qui soulignent son indignation. De mme, il emploie des numrations sous forme daccumulations ( Ni la garde qui veille la nuit sur le mont Palatin, ni les postes rpandus dans la ville, ni leffroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la runion du snat, de ce lieu le plus sr de tous, ni les regards ni le visage de ceux qui tentourent, rien ne te dconcerte ? ) pour crer un effet damplifi-cation caractristique dun texte rhtorique qui cherche toucher les sentiments de lauditeur, ici lindignation.

    b) Le texte de Danton appartient au genre dlibratif : il est prononc devant lAssemble Lgislative, donc devant une assemble poli-tique ; il y est question de prendre une dcision pour sauver la pa-

    Genres de discours Vises, objectifs des discours Critres de valeurs

    genre dlibratifexhortation

    ou dissuasion agir

    ce quil convient de faire ou non, selon le juste ou linjuste, la vrit, lutilit, ou encore le beau ou le laid moral.

    genre judiciaire accusation ou dfense la justice ou l'injustice dun fait

    genre pidictique loge ou blme le beau et le laid moral

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  • 14 Squence 2 FR20

    trie, dans un contexte durgence, celui de la guerre ; lorateur incite laction, par ses demandes rptes ( Nous demandons . repris quatre fois). Les ressources de la rhtorique sont de nouveau mobi-lises : interpellations du destinataire ( Cest en ce moment, mes-sieurs, que vous pouvez dclarer ), rptitions ( Vous savez , Cest en ce moment , Nous demandons ), rythmes ternaires marquants ( Pour les vaincre, il nous faut de laudace, encore de lau-dace, toujours de laudace ), images frappantes ( Tout smeut, tout sbranle, tout brle de combattre ).

    c) Le discours de Bossuet ressort du genre pidictique : cest une orai-son funbre, prononce loccasion de la mort dHenriette dAngle-terre, devant un public important runi pour rendre un dernier hom-mage la dfunte. Il sagit donc dun discours dapparat, qui fait la louange dHenriette (on trouve nombre de qualificatifs et expressions laudatifs : quy aurait-il dans lunivers de plus distingu , sa glo-rieuse origine , Mais cette princesse, ne sur le trne, avait lesprit et le cur plus hauts que sa naissance , on voyait en elle une gran-deur , don prcieux, inestimable prsent , les annes ne ces-saient de lui apporter de nouvelles grces ). Comme dans les deux textes prcdents, il est manifeste que la rhtorique a t employe pour persuader lauditoire de la grandeur du personnage : ainsi, on trouve des questions rhtoriques ( quy aurait-il dans lunivers de plus distingu que la princesse dont je parle ? , Mais pourquoi ce souvenir vient-il minterrompre ? ), des exclamations ( si seulement la possession en avait t plus durable ! , Hlas ! ), des images frappantes ( le ciel lavait arrache comme par miracle des mains des ennemis du roi son pre, pour la donner la France , nous ne pou-vons un moment arrter les yeux sur la gloire de la princesse sans que la mort sy mle aussitt pour tout offusquer de son ombre , Elle croissait au milieu des bndictions ).

    Corrig de lexercice n 3

    a) Le texte de Bayle ressort davantage du convaincre : de fait, lau-teur construit particulirement son texte, en faisant appel lart de la disposition voqu plus haut. Ainsi, il commence par poser sa thse ( Si chacun avait la tolrance que je soutiens, il y aurait la mme concorde dans un tat divis en dix religions, que dans une ville o les diverses espces dartisans sentresupportent mutuelle-ment ), affirmant que la tolrance est la condition de lharmonie so-ciale, et non au contraire cause de dsordre. Puis il expose diffrents arguments (celui de l honnte mulation entre les religions, celui de l affection pour la patrie quelles auraient), avant de reprendre sa thse : la tolrance est la chose du monde la plus propre rame-ner le sicle dor . Puis il rappelle ce qui soppose laccomplisse-ment de son souhait : Cest que lune des deux religions veut exercer une tyrannie cruelle sur les esprits et forcer les autres lui sacrifier

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  • 15Squence 2 FR20

    leur conscience ; cest que les rois fomentent cette injuste partialit, et livrent le bras sculier aux dsirs furieux et tumultueux dune popu-lace de moines et de clercs , et conclue enfin sur un dernier rappel de la valeur de la tolrance : en un mot tout le dsordre vient non pas de la tolrance, mais de la non-tolrance . La valeur de largumenta-tion, qui est ici convaincante, tient donc une bonne invention (de bonnes ides !) et une bonne disposition , mais aussi un style rhtorique travaill (et voil l locution !) : connecteurs logiques ( Or , et par consquent ), paralllismes ( Cest que , Cest que ), questions rhtoriques ( Quest-ce donc qui empche ce beau concert form de voix et de tons si diffrents lun de lautre ? ).

    b) Dans le texte de Crbillon fils, la marquise tente de pousser le comte ne plus la revoir ; elle fait appel certains arguments (elle voque ain-si les risques dune telle relation adultre, les malheurs qui seraient insparables de notre commerce ), mais joue davantage sur les sen-timents de piti du comte : elle emploie ainsi le champ lexical de la supplication ( Ayez piti , je vous en conjure , Aidez-moi ), amplifie les ventuels risques par le vocabulaire employ ( suites funestes , les malheurs ), use de questions rhtoriques en appe-lant directement son destinataire ( Vous voulez que je vous revoie encore ! ), et qui marquent son trouble ( dois-je my exposer ? , Ce rendez-vous aura-t-il le succs du dernier ? , Aurais-je encore assez de fermet pour vous dire que je vous quitte ? ). Le registre dominant est celui du pathtique ( que de larmes cette journe me cote ! ), qui prsente la marquise comme un personnage vulnrable ( ma faiblesse ) : il sagit dmouvoir le comte par lnonc de la situation dsespre dans laquelle se trouve la marquise. Le texte est donc davantage du ct de la persuasion.

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  • 16 Squence 2 FR20

    La critique sociale et politique au temps du classicisme

    Chapitre

    2

    Lart du rcit au service de la critique sociale

    Texte 1Le Singe et le Lopard, La Fontaine, Fables

    Jean de La Fontaine, originaire de Champagne, sinstalle Paris aprs des tudes davocat. Ses crits brillants vont sduire le surintendant Fou-quet, qui devient son protecteur. La Fontaine restera fidle son mcne aprs son arrestation, et ira mme jusqu prendre sa dfense contre le roi Louis XIV, qui ne le lui pardonnera jamais. Aprs une retraite prudente en Limousin, il revient Paris, o ses Contes et ses Fables (publies de 1668 1693) lui valent un immense succs.

    Voici la troisime fable du livre IX des Fables.

    Le Singe et le Lopard

    Le Singe avec le Lopard Gagnaient de largent la foire : Ils affichaient chacun part. Lun deux disait : Messieurs, mon mrite et ma gloire Sont connus en bon lieu ; le Roi ma voulu voir ; Et, si je meurs, il veut avoir Un manchon de ma peau ; tant elle est bigarre, Pleine de taches, marquete1, Et vergete1, et mouchete.La bigarrure plat ; partant chacun le vit. Mais ce fut bientt fait, bientt chacun sortit. Le Singe de sa part disait : Venez de grce, Venez, Messieurs. Je fais cent tours de passe-passe. Cette diversit dont on vous parle tant, Mon voisin Lopard la sur soi seulement ; Moi, je lai dans lesprit : votre serviteur Gille2,Cousin et gendre de Bertrand,Singe du Pape en son vivant,

    A

    5

    10

    15

    1. raye

    2. Gille (nom dun personnage populaire des thtres de foire).

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  • 17Squence 2 FR20

    Tout frachement en cette ville Arrive en trois bateaux3 exprs pour vous parler ;Car il parle, on lentend ; il sait danser, baller4,Faire des tours de toute sorte, Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs5 !Non, Messieurs, pour un sou ; si vous ntes contents, Nous rendrons chacun son argent la porte.

    Le Singe avait raison : ce nest pas sur lhabit Que la diversit me plat, cest dans lesprit : Lune fournit toujours des choses agrables ; Lautre en moins dun moment lasse les regardants. Oh ! que de grands seigneurs, au Lopard semblables, Nont que lhabit pour tous talents !

    1. Pour aborder la lecture analytiqueAprs avoir cout le texte sur votre CD audio, lisez-le vous-mme voix haute avant de rpondre aux questions ci-dessous.

    Recherche pralable

    Recherchez dans un dictionnaire ou une encyclopdie la dfinition de la fable. Une fable est le plus souvent compose de deux parties : lesquelles ?

    Questions

    En quoi les deux personnages sopposent-ils ? Analysez leur manire de se prsenter et de parler.

    2 Quels sont les arguments du Lopard ? Et ceux du Singe ?

    3 Comment sexplique le succs, de courte dure, du Lopard ? Et celui du Singe ?

    4 Qui la morale de cette fable vise-t-elle ? Sur quels points prcis cette critique porte-t-elle ?

    5 Quel rapport entretient le fabuliste6 avec le personnage du Singe ?

    6 En vous rfrant la premire partie de la squence, diriez-vous que le fabuliste a recours davantage au fait de plaire, de convaincre ou de persuader ?

    20

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    3. Cest dire limportance de la suite...

    4. Excuter un ballet.

    5. Pices de monnaie (six blancs valent deux sous et demi).

    6. Auteur de fables ici, la Fontaine.

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  • 18 Squence 2 FR20

    lments de rponse

    Recherche pralable

    Une fable (du latin fabula : conte , apologue ) est un bref rcit, lorigine oral, mettant en scne le plus souvent des animaux, ou des personnages types (une veuve, un berger, deux amis). Le genre est an-cien : ainsi sope (environ VIe sicle avant J.-C.) crivit des fables, fort clbres et dont La Fontaine ou Charles Perrault sinspirrent dailleurs beaucoup. La fable nest pas trs loigne du conte ; mais sa forme len distingue : une fable en effet est compose de deux parties, souvent spares dailleurs par un espace typographique, et qui sont le rcit lui-mme (ici, vers 1 25) et la moralit (vers 26 31) quen tire le fabuliste. La moralit sachve souvent sur une pointe , qui condense le propos de la fable toute entire, et sadresse plus directement la cible du texte. La fable est rgulirement en vers (alexandrins ou octosyllabes lpoque du classicisme dans Le Singe et le Lopard, alternance entre les deux), mais peut aussi tre crite en prose.

    Questions

    Le narrateur oppose clairement ses deux personnages ds le dbut du rcit : Ils affichaient chacun part. (v.4), Lun deux/Le Singe de sa part (v.12).Le Lopard affiche une belle arrogance, qui se manifeste ds son en-tre en matire, dans laquelle il prend tmoin le public sans autre manire : Messieurs . Sa vanit repose sur ses relations et son entregent : il est ainsi question dun bon lieu , la Cour probable-ment, et du Roi lui-mme. Il voque galement son mrite et sa gloire : or il ne mentionne ensuite que son apparence physique, dcrite avec force adjectifs, dont lnumration est amplifie par la rptition de la conjonction de coordination et : bigarre,/ Pleine de taches, marquete,/ Et vergete et mouchete . Le champ lexical dominant est donc celui de la vue, avec ces adjectifs dcrivant las-pect visuel de sa fourrure, et le verbe voir (v.5 et 10).Le Singe pour sa part requiert lattention du public en le priant et non en simposant : Venez de grce,/ Venez, Messieurs (v.13). Il met en avant non son apparence, mais ses capacits relles : Je fais cent tours , il sait danser, baller/ Faire des tours de toute sorte,/ Passer en des cerceaux (v.21-23) : les champs lexicaux sont ceux de laction ( il parle , je fais , faire , passer danser , baller ) et de la connaissance ( il sait ).Lopposition entre les deux personnages est formule par le singe aux vers 15-16 : Mon voisin Lopard la sur soi seulement ;/ Moi, je lai dans lesprit : les prpositions sur et dans rsument elles seules la diffrence entre un personnage qui se contente de mettre en avant sa riche apparence, et un personnage savant et capable.

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  • 19Squence 2 FR20

    2 Le Lopard avance principalement pour attirer lassistance son m-rite et [sa] gloire (v.4), mais sans donner aucune prcision : le lecteur ne sait donc pas ce qui lui vaut sa fameuse rputation ! Son deuxime argument est celui de la renomme : Sont connus en bon lieu (v.5). Le troisime est celui de lintrt royal : le Roi ma voulu voir . Enfin, il compte tre au centre des regards du fait de sa peau, bigarre,/ Pleine de taches, marquete,/ Et vergete, et mouchete (v.7 9), cest--dire laspect vari. Tous ces arguments ne reposent que sur une rputation fonde sur fort peu de choses voire rien ! , et sur une apparence originale qui lui vaut de la curiosit de la part du Roi.Le Singe au contraire fonde sa capacit de sduction sur sa matrise de la parole : Car il parle, on lentend (v.21), Arrive en trois ba-teaux exprs pour vous parler (v.20), et sur sa capacit divertir par ses talents multiples ( il sait danser, baller/ Faire des tours de toute sorte,/ Passer en des cerceaux ).

    3 Le Lopard, sil intresse brivement les curieux, ne les retient pas : laspect extrieur, une fois la curiosit passe La bigarrure plat ; partant chacun le vit (v.10) , ne divertit plus. Cest donc lennui qui guette son public, lequel dailleurs se retire : Mais ce fut bientt fait, bientt chacun sortit (v.11).Le Singe sait divertir et amuser par la diversit de ses tours cent tours , car il joue non de ce quil a sur soi , mais dans lesprit . Il recherche dailleurs lattention de son public, par la nouveaut ( Tout frachement en cette ville , v.19), et par la peine quil se donne pour sduire ( Arrive en trois bateaux exprs pour vous parler , v.20) ; il nhsite pas se remettre en question ( si vous ntes contents,/ Nous rendrons chacun son argent la porte , v.25), quand le Lo-pard est imbu de lui-mme.La moralit explicite clairement les causes de lchec du Lopard et du succs du Singe : Lune fournit toujours des choses agrables ; Lautre en moins dun moment lasse les regardants (v.28-29).

    4 La morale de la fable, qui sexprime la fois travers le rcit et la mo-ralit, vise les courtisans qui se contentent dafficher une apparence brillante sans fonder leur gloire sur un talent rel. La pointe la fin de la moralit, Oh ! que de grands seigneurs, au Lopard sem-blables,/ Nont que lhabit pour tous talents ! est explicite, et vise directement les nobles de la Cour.Ces hommes de cour, qui entourent le Roi tout particulirement sous la monarchie absolue de Louis XIV, ne revendiquent plus les prouesses guerrires qui taient lorigine les attributs de la noblesse (on ne saura jamais ce qui est lorigine du mrite du Lopard !) ; ils ne sont pas non plus dagrable compagnie le Lopard par sa vanit suscite lennui, il lasse , quand le Singe amuse. Ces courtisans ne peuvent donc senorgueillir que de lintrt que leur porte le Roi faible titre de gloire !

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  • 20 Squence 2 FR20

    5 Le Singe divertit par ses talents de conteur et damuseur ; il est vif desprit qualit traditionnellement attribue au singe , et sa conversation est agrable : on reconnat ici les qualits dun bon fa-buliste, qui lui aussi doit savoir parler - en loccurrence, raconter, et qui doit tre cout de son auditoire : Car il parle, on lentend . Comme le Singe, et au contraire du Lopard, La Fontaine nest pas un riche courtisan : sa gloire est de plaire en imaginant des choses agrables . Or quoi de plus agrable lire que les fables, courts rcits animaliers, divertissants et amusants ? Enfin, de mme que le Singe cherche attirer le public ( Venez de grce , Arrive en trois bateaux exprs pour vous parler , Non, Messieurs, pour un sou ; si vous ntes contents, / Nous rendrons chacun son argent la porte ), le fabuliste lui aussi doit tre suffisamment habile pour retenir son lecteur cest ce quon appelle la captatio benevolentiae, le fait de capter la bienveillance du destinataire, par un texte au style plaisant.Il est donc fort probable quil faille voir dans le Singe non seulement un des deux personnages de lhistoriette, mais aussi un reflet du fa-buliste lui-mme, qui se met en scne et rappelle que le talent rel en loccurrence, celui de lcrivain vaut davantage que la vanit du paratre.

    6 La fable, comme on la vu, est en partie un rcit : cest dabord le plaisir de lire une histoire rendue souvent comique et image par la prsence danimaux qui touche le lecteur. La fable Le Singe et le Lopard est de plus en vers (alternance dalexandrins et doctosyllabes) : sa forme la fois condense et travaille la rend dautant plus agrable lire. De plus, le Singe, porte-parole de lcrivain, voque lui-mme lagr-ment qui doit tre celui du public/ lecteur avec ladjectif contents , et le fabuliste son tour a recours au terme agrables . Cest donc sur le fait de plaire , placere, que compte surtout La Fontaine pour rendre convaincante sa critique des courtisans.On pourra mettre cette fonction de la fable, et limportance quac-corde La Fontaine au fait dtre plaisant et davoir du talent pour char-mer, avec lune des dimensions de lidal littraire et artistique du classicisme, qui est lart de plaire. La littrature doit tre agrable au lecteur, mme lorsquil sagit dinstruire ou dargumenter.

    2. Documents et lectures complmentaires

    Exercice autocorrectif n 1

    Lecture de limage : une gravure illustrative

    Voici deux illustrations de la fable Le Singe et le Lopard par Oudry, clbre graveur franais (1686-1755), qui illustra les Fables. Comment la composition des deux images rend-elle compte de la moralit de la fable ?

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  • 21Squence 2 FR20

    Jean-Baptiste Oudry, Le Singe et le Lo-pard, Planche 1, gravure 18e sicle.

    Muse Jean de La Fontaine,Chteau-Thierry

    Jean-Baptiste Oudry, Le Singe et le Lo-pard, Planche 2, gravure 18e sicle.

    Muse Jean de La Fontaine,Chteau-Thierry

    La Fontaine nest pas le seul auteur du XVIIe sicle critiquer les compor-tements des grands : La Bruyre sest aussi livr une critique acerbe, par le biais de portraits, dattitudes en socit qui confinent au ridicule.

    Exercice autocorrectif n 2

    Le portrait critique dun convive insupportable

    Lisez maintenant le texte suivant, extrait du chapitre V des Caractres (1688), intitul De la socit et de la conversation :

    Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; cest un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paratre ignorer quelque chose. On parle, la table dun grand, dune cour du Nord : il prend la parole, et lte ceux qui allaient dire ce quils en savent ; il soriente dans cette rgion lointaine comme sil en tait originaire ; il discourt des murs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il rcite des historiettes qui y sont arrives ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu clater. Quelquun se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement quil dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre linterrupteur. Je navance rien, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache dori-ginal : je lai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu Paris depuis quelques jours, que je connais familirement, que jai fort interrog, et qui ne ma cach aucune circonstance . Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance quil ne lavait commence, lorsque lun des convis lui dit : Cest Sethon qui vous parlez, lui-mme, et qui arrive de son ambassade .

    Les Caractres (1688).

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  • 22 Squence 2 FR20

    Rpondez aux questions suivantes :

    Quels sont les dfauts du personnage ? Quel genre de convive est-il ? Comment mne-t-il la conversation ?

    2 Quels sont les points communs entre Arrias et le Lopard de la fable de La Fontaine ?

    3 Faites une brve recherche sur l honnte homme , idal du classicisme7.En quoi Arrias est-il lantithse de cet honnte homme ?

    Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter les corrigs des exer-cices 1 et 2.

    La satire au thtreTexte 2

    Molire, Tartuffe, acteIII scne3

    Molire, pseudonyme de Jean-Baptiste Poquelin, est le fils dun mar-chand-tapissier tabli rue Saint-Honor Paris, et nomm tapissier du roi. Le 18 dcembre 1637, Jean-Baptiste prte le serment de tapissier royal, reprenant ainsi la charge de son pre auprs de Louis XIII. Mais en jan-vier 1643, il renonce la charge de son pre. Le 30 juin, il signe lacte de fondation de lIllustre Thtre, sous la direction de Madeleine Bjart, et se lance dans la carrire thtrale. En 1644, la troupe joue en province. En juillet ils sont de retour Paris et Jean-Baptiste est devenu Molire et directeur de la troupe. Les pices et les succs vont senchaner : Les prcieuses ridicules, Lcole des femmes, Dom JuanMais Molire se heurta parfois la censure. Ainsi, il crivit trois versions et mit cinq ans pour avoir enfin le droit, en 1669, de jouer durablement sa pice Tartuffe. Les dvots en effet, regroups dans la Compagnie du Saint-Sacrement8, avaient fait pression sur le pouvoir royal et avaient russi la faire interdire. Molire soutenait cependant que sa pice ne ridiculisait pas la vraie dvotion, mais dnonait seulement les faux dvots et lhypo-crisie religieuse travers le principal personnage de Tartuffe qui profite, sous couvert de la fausse vertu religieuse, de la faiblesse des esprits et prend la direction des consciences.Le riche Orgon a en effet introduit chez lui un dvot comme directeur de conscience et voudrait que toute sa maisonne suive les recommandationsde ce saint homme . Il voudrait mme lui donner sa fille en mariage. La femme dOrgon, Elmire, tente de dtourner Tartuffe dune telle union. Mais cest dune autre union que rve Tartuffe

    7. Rappel : le classicisme est un mouvement littraire, et plus gnralement culturel et artistique, qui se dveloppe au cours de la seconde moiti du XVIIe sicle, en relation avec le rayonnement de la monarchie absolue. Sap-puyant sur les valeurs et les modles de lAntiquit grecque et latine, elle est fonde sur la raison, sattache la mesure, et respecte des codes prcis (par exemple, la rgle des trois units au thtre).

    8. La Compagnie du Saint-Sacrement tait une socit catholique fonde en 1627, galement appele parti des dvots . La Compagnie du Saint-Sacrement est surtout connue par ses attaques du Tartuffe de Molire. Outre la pra-tique de la charit et lactivit missionnaire, elle entendait par la voix de ses fidles rprimer les mauvaises murs.

    B

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  • 23Squence 2 FR20

    ELMIRE Pour moi, je crois quau Ciel tendent tous vos soupirs,Et que rien ici-bas narrte vos dsirs.

    TARTUFFE

    Lamour qui nous attache aux beauts ternelles Ntouffe pas en nous lamour des temporelles ; Nos sens facilement peuvent tre charms Des ouvrages parfaits que le Ciel a forms. Ses attraits rflchis brillent dans vos pareilles ; Mais il tale en vous ses plus rares merveilles ; Il a sur votre face panch des beauts Dont les yeux sont surpris, et les curs transports, Et je nai pu vous voir, parfaite crature, Sans admirer en vous lauteur de la nature, Et dune ardente amour sentir mon cur atteint, Au plus beau des portraits o lui-mme il sest peint. Dabord japprhendai que cette ardeur secrte Ne ft du noir esprit9 une surprise adroite ; Et mme fuir vos yeux mon cur se rsolut, Vous croyant un obstacle faire mon salut. Mais enfin je connus, beaut toute aimable, Que cette passion peut ntre point coupable, Que je puis lajuster avecque10 la pudeur, Et cest ce qui my fait abandonner mon cur. Ce mest, je le confesse, une audace bien grande Que doser de ce cur vous adresser loffrande ; Mais jattends en mes vux tout de votre bont, Et rien des vains efforts de mon infirmit ; En vous est mon espoir, mon bien, ma quitude, De vous dpend ma peine ou ma batitude, Et je vais tre enfin, par votre seul arrt11, Heureux si vous voulez, malheureux sil vous plat.

    ELMIRE

    La dclaration est tout fait galante, Mais elle est, vrai dire, un peu bien surprenante. Vous deviez, ce me semble, armer mieux votre sein,Et raisonner un peu sur un pareil dessein. Un dvot comme vous, et que partout on nomme

    TARTUFFE

    Ah ! pour tre dvot, je nen suis pas moins homme ;Et lorsquon vient voir vos clestes appas,Un cur se laisse prendre, et ne raisonne pas. Je sais quun tel discours de moi parat trange ;Mais, Madame, aprs tout, je ne suis pas un ange ;

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    9. Du diable.10. avecque = avec.11. Par votre dcision.

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  • 24 Squence 2 FR20

    Et si vous condamnez laveu que je vous fais, Vous devez vous en prendre vos charmants attraits. Ds que jen vis briller la splendeur plus quhumaine, De mon intrieur vous ftes souveraine ; De vos regards divins lineffable douceur Fora la rsistance o sobstinait mon cur ; Elle surmonta tout, jenes, prires, larmes, Et tourna tous mes vux du ct de vos charmes. Mes yeux et mes soupirs vous lont dit mille fois, Et pour mieux mexpliquer jemploie ici la voix. Que si vous contemplez dune me un peu bnigne12 Les tribulations13 de votre esclave indigne, Sil faut que vos bonts veuillent me consoler Et jusqu mon nant daignent se ravaler, Jaurai toujours pour vous, suave merveille, Une dvotion nulle autre pareille. Votre honneur avec moi ne court point de hasard, Et na nulle disgrce craindre de ma part. Tous ces galants de cour, dont les femmes sont folles, Sont bruyants dans leurs faits et vains dans leurs paroles, De leurs progrs sans cesse on les voit se targuer ; Ils nont point de faveurs quils naillent divulguer, Et leur langue indiscrte, en qui lon se confie, Dshonore lautel o leur cur sacrifie. Mais les gens comme nous brlent dun feu discret, Avec qui pour toujours on est sr du secret : Le soin que nous prenons de notre renomme Rpond de toute chose la personne aime, Et cest en nous quon trouve, acceptant notre cur, De lamour sans scandale et du plaisir sans peur.

    1. Pour aborder la lecture analytique

    Aprs avoir cout le texte sur votre CD audio, lisez-le vous-mme voix haute avant de rpondre aux questions ci-dessous.

    Recherche pralable

    E Que signifie aujourdhui le mot tartuffe ?

    E Quest-ce quun dvot ?

    E Le texte ici prsent est principalement compos de deux tirades : cherchez la dfinition de ce terme.

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    12. Douce, humaine.13. Afflictions morales ici.

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  • 25Squence 2 FR20

    Questions

    Quel genre damour Tartuffe dit-il prouver, celui dune crature ter-restre ou bien lamour de Dieu ? tudiez le vocabulaire employ : ny-a-t-il pas confusion ?

    2 Quel est le plan de chacune des deux tirades de Tartuffe ?

    3 Quels sont les arguments auxquels Tartuffe a recours dans chacune des tirades pour convaincre Elmire de lui cder ?

    4 Comment Molire fait-il sentir que son personnage est un faux dvot ? Que dnonce-t-il dans ces deux tirades ?

    5 Tartuffe est cens tre une comdie. Trouvez-vous que Tartuffe soit comique, ou bien plutt inquitant ?

    lments de rponse

    Recherche pralable

    E On qualifie aujourdhui de tartuffe soit un faux dvot, soit plus g-nralement une personne hypocrite.

    E Un dvot est avant tout attach aux pratiques religieuses, et manifeste souvent sa ferveur. Un faux dvot affecte hypocritement une dvotion exagre, qui nest pas rellement ressentie.

    E Au thtre, les personnages peuvent sexprimer par le biais des dia-logues (changes de rpliques entre deux, trois personnages, voire davantage) ; ou par le biais des monologues : un personnage, seul en scne, exprime ses penses et sentiments ; ou encore par la tirade : le personnage nest pas seul en scne (ici, Elmire est avec Tartuffe), et dveloppe sa pense de faon continue, sans interruption, assez longuement.

    Ici, Tartuffe nonce une premire tirade de 27 vers (des alexandrins), dans laquelle il adresse des compliments enflamms Elmire, et lui avoue son amour ; puis une seconde de 34 vers, dans laquelle il se ddouane de tout pch et propose de faon indirecte Elmire une liaison adultre.

    Questions

    Tartuffe avoue clairement Elmire la passion charnelle quil prouve pour elle : le premier vers, trs clbre, de la seconde tirade le d-montre assez : Ah ! pour tre dvot, je nen suis pas moins homme (v.36-37). Pour autant, Tartuffe nemploie pas le vocabulaire galant habituel : il a recours au champ lexical de la religion dans sa dcla-ration amoureuse. On retrouve ainsi des expressions qui sont habi-tuellement employes dans les textes sacrs, les Saintes critures (la Bible), ou dans les textes de religieux comme Saint Franois de Sales, trs lus lpoque dans les milieux catholiques, lIntroduc-

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  • 26 Squence 2 FR20

    tion la vie dvote, ou le Trait de lamour de Dieu : par exemple ardente amour , ou batitude . Lamour qui doit tre celui de Dieu, Lamour qui nous attache aux beauts ternelles , cde la place lamour des temporelles (v.3-4) ; des ouvrages parfaits que le Ciel a forms en gnral, on passe parfaite crature (v.11), qui dsigne trs prcisment Elmire. Par ailleurs, les termes de cur , d offrande , sont employs la fois dans un contexte religieux et dans un contexte galant. Tartuffe va encore plus loin, en alliant deux termes pris chacun aux dits contextes en une mme ex-pression, clestes appas (v.37). Enfin, il sadresse Elmire comme un homme de foi doit sadresser Dieu : En vous est mon espoir . Il y a donc un amalgame, une confusion volontaire entre le vocabulaire de lamour divin et celui de lamour terrestre qui laisse supposer que Tartuffe nest pas entirement tourn vers la contemplation du Ciel, et subodorer quil instrumentalise la religion et la foi pour tenter de convaincre Elmire : en employant un vocabulaire religieux, il rassure, en conservant le masque du dvot

    2 Plan de la premire tirade : Lamour divin nexclut pas lamour ter-restre, car les cratures ont justement t formes par Dieu et sont donc admirables ; cette perfection est justement illustre par Elmire, en laquelle Tartuffe retrouve la perfection cleste. Cet amour la dabord effray, mais il lui a ensuite paru conciliable avec son salut de bon chrtien. Il offre son cur et par l sa vie Elmire : de sa dcision dpendra son bonheur.Plan de la seconde tirade : Face la beaut dElmire, la passion lem-porte sur la raison ; car Tartuffe nest pas quun dvot : cest aussi un homme, attir charnellement par Elmire. Cest la beaut dElmire qui est cause de tout. Elmire doit donc le prendre en piti et lui accorde ce quil demande. Tartuffe ne sera pas un amant volage et bavard : la relation quil lui propose sera discrte et ne la compromettra pas.On constate donc que les deux tirades, la suite lune de lautre, par-tent dune mention de lamour divin pour aboutir une proposition dadultre, progression argumentative que nous allons analyser et qui laisse mal augurer de la dvotion de Tartuffe

    3 Dans la premire tirade :

    1) un premier argument affirme que si le Ciel a form des cratures, elle sont parfaites, et elles peuvent donc tre aimes ( Des ouvrages par-faits que le Ciel a forms ) : lamour divin na pas exclure lamour terrestre.

    2) La beaut dElmire atteint un tel degr de perfection quelle rap-pelle Dieu quiconque la regarde ( Et je nai pu vous voir, parfaite crature,/ Sans admirer en vous lauteur de la nature ) : ce ne peut donc point tre un pch que de vouloir la possder.

    3) Aprs avoir compris que cet amour na rien de mauvais, Tartuffe offre son cur Elmire comme il en ferait loffrande Dieu : sa dcision scellera donc son sort, cest elle qui tient sa vie entre ses mains.

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  • 27Squence 2 FR20

    Dans la seconde tirade : deux arguments principaux :

    1) Ce nest pas la faute de Tartuffe sil est sous lemprise de la passion, mais celle de la beaut dElmire ( Vous devez vous en prendre vos charmants attraits , v.42) : cest donc elle de remdier ce quelle a caus. Elle est entirement matresse de lme de Tartuffe (observez le champ lexical de la lutte, de la victoire dElmire- et de la dfaite celle de Tartuffe. Cet argument reprend en partie le dernier argument de la premire tirade.

    2) La relation que propose Tartuffe est sans risques ( De lamour sans scandale et du plaisir sans peur , v.70) : elle na donc aucune rai-son de sy opposer.

    Largumentation de Tartuffe oscille donc entre raisonnement logique (cf. dbut de la premire tirade), tentative de ddouanement (cet amour ne peut tre coupable), chantage (dElmire dpend le sort de Tartuffe), et tentative de rassurer Elmire. Elle tmoigne de sa matrise de la rhtorique : il sait aussi bien convaincre que persuader.

    4 Molire prsente un personnage qui comme on la vu, emploie le vocabu-laire de lamour de Dieu pour voquer une passion terrestre, qui plus est, adultre, et pis encore, sous le toit et avec la femme de son hte : ce d-tournement de ce qui devrait tre le plus respectable pour un dvot, les mots de lamour divin, laisse supposer que Tartuffe nprouve pas une foi sincre. On peut imaginer facilement des jeux de scne dans lesquels Tartuffe se rapprocherait physiquement dElmire : le champ lexical de la passion suggre en effet le dsir physique du personnage. Sous des de-hors dhumilit ( Ce mest, je le confesse, une audace bien grande/ Que doser de ce cur vous adresser loffrande , v.23-24), Tartuffe exerce un chantage sur Elmire.Molire dnonce ici lhypocrisie des faux dvots, qui sous des de-hors de pit cherchent assouvir des dsirs plus matriels, gravir lchelle sociale, obtenir du pouvoir, ou comme ici se livrent aux pchs mmes quils combattent chez autrui.

    5 La pice commence (acte I, scne 1) comme une comdie tradition-nelle. Peu peu cependant, Tartuffe prend le pouvoir sur la maison-ne, et le rire disparat au profit de linquitude. Dans notre scne, Tar-tuffe peut paratre ridicule un dvot, probablement peu sduisant, fait la cour une femme jeune et attirante ; mais son argumentation quelque peu perverse inquite plutt : il risque de semer le trouble sous le toit dOrgon, de dshonorer Elmire, tout en prservant des ap-parences de ferveur religieuse et restera donc, lui, inattaquable Molire se livre donc une dnonciation de qui semble un danger pour la socit : il sagit bien dune critique sociale, qui prend ici la forme dune tirade thtrale travers laquelle le personnage dvoile son jeu et expose ce quil est rellement derrire lapparence du dvot laquelle tout le monde se fie.

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  • 28 Squence 2 FR20

    Dans les deux textes que vous venez dtudier, les auteurs se livrent des dnonciations de vices (ou travers) quils jugent condamnables. La Fontaine critique les courtisans vaniteux et obsds par leur apparence ; Molire sat-taque aux faux dvots. Dans les deux cas, il sagit de critique sociale de catgories sociales, les nobles de la cour, ou de drives plus proprement re-ligieuses les faux dvots, mais qui reprsentent un danger pour la socit, danger incarn par le dsordre sem par Tartuffe dans la famille dOrgon.Pour prsenter sa critique, La Fontaine a recours une fable en vers, donc un rcit. Cest par consquent par une voie indirecte que les d-fauts des courtisans sont souligns, bien que dans la moralit, la voix de lauteur se fasse entendre plus directement. Molire fait de Tartuffe le type mme du dvot hypocrite, qui rvle par sa tirade ses penchants plus charnels que spirituels : cest donc par la bouche dun des person-nages que la critique sexerce, car une attaque directe de lauteur nau-rait pas t supporte au XVIIe sicle, poque o la monarchie absolue de Louis XIV contrle toutes les productions artistiques et littraires.Dans les deux textes, la critique vise des personnages courtisan, faux dvot dont les dfauts sont ridiculiss ; le lopard comme Tartuffe par leurs excs amusent, prtent rire ils sont ridicules, mais aussi dans le cas de Tartuffe un peu inquitant On appelle satire ces textes dont le rle est damuser tout en soulignant les faiblesses de la condition hu-maine et les misres de la vie sociale (voir la fiche mthode sur la satire).

    2. Documents et lectures complmentaires

    Exercice autocorrectif n 3

    Lecture de limage: une caricature satirique

    Honor Daumier (1808 - 1879) tait un graveur, caricaturiste, peintre et sculpteur franais, dont les uvres commentaient la vie sociale et politique en France au XIXe sicle. Dessinateur prolifique, auteur de plus de quatre mille lithographies, il est surtout connu pour ses caricatures dhommes politiques et ses satires du comportement de ses compatriotes.

    Voici une caricature de Dau-mier, intitule La cour dap-pel . Quelle est la cible de cette satire ? Comment est-elle criti-que ?

    Caricature dHonor Daumier,Les Gens de justice.

    ND / Roger-Viollet.

    Conclusion

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  • 29Squence 2 FR20

    Exercice autocorrectif n 4

    Un tableau critique de la vie parisienne au XVIIIesicle

    Voici ci-dessous un texte de Montesquieu, tir des Lettres persanes (XVIIIe sicle), sur lesquelles nous allons revenir ds le dbut de la se-conde partie de la squence.

    Aprs lavoir lu attentivement, dites de quoi il vous semble tre la satire ; quel est le principal procd la fois humoristique et critique du texte ?

    Lettre XXIV

    Rica Ibben14, Smyrne.

    Nous sommes Paris depuis un mois, et nous avons toujours t dans un mouvement continuel. Il faut bien des affaires15 avant quon soit log, quon ait trouv les gens qui on est adress, et quon se soit pourvu des choses ncessaires, qui manquent toutes la fois.Paris est aussi grand quIspahan : les maisons y sont si hautes, quon jurerait quelles ne sont habites que par des astrologues. Tu juges bien quune ville btie en lair, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrmement peuple ; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il sy fait un bel embarras.Tu ne le croirais pas peut-tre ; depuis un mois que je suis ici, je ny ai encore vu marcher personne. Il ny a point de gens au monde qui tirent mieux parti de leur machine que les Franais : ils courent ; ils volent : les voitures lentes dAsie, le pas rgl de nos chameaux, les feraient tomber en syncope. Pour moi, qui ne suis point fait ce train, et qui vais souvent pied sans changer dallure, jenrage quelquefois comme un chrtien : car encore passe quon mclabousse depuis les pieds jusqu la tte ; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reois rgulirement et priodiquement : un homme, qui vient aprs moi, et qui me passe, me fait faire un demi-tour ; et un autre, qui me croise de lautre ct, me remet soudain o le premier mavait pris : et je nai pas fait cent pas, que je suis plus bris que si javais fait dix lieues.(...)

    Montesquieu, Lettres persanes (lettre XXIV), 1721.

    Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter les corrigs des exercices 3 et 4.

    14. Ce sont deux personnages du roman. Rica visite Paris, et crit Ibben, rest Smyrne. 15. Des efforts.

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  • 30 Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Types de textes et formes de discoursOn appelle discours toute production crite ou orale, toute mise en pratique du langage ; le texte est la trace de cet acte dnonciation quest le discours. Un discours correspond une vise particulire : on sexprime pour raconter, pour dcrire, pour exposer/expliquer, pour ar-gumenter, dans une situation dnonciation particulire et pour un ou des destinataire(s) prcis. chaque forme de discours correspondent des procds spcifiques que lon peut identifier.

    1. Le discours narratif

    Il rapporte des faits, des vnements, situs dans le temps ;

    Laccent est mis sur les faits raconts, souvent au pass, parfois au prsent. Un narrateur organise le droulement de lhistoire (le schma narratif), un lieu et une poque (ou plusieurs) la situent, des person-nages la font progresser ;

    Les marques principales du discours narratif sont les verbes daction, les adverbes, les indicateurs de temps...

    2. Le discours descriptif

    Il donne voir un lieu, un objet, un personnage : il situe les vne-ments dans lespace ;

    Laccent est mis sur la caractrisation des paysages, des tres, des choses, souvent limparfait ou au prsent ;

    Les marques principales du discours descriptif sont les verbes dtat ou de perception, un point de vue particulier partir duquel on observe, des indicateurs de lieu, toutes les tournures pouvant dsigner ou qualifier.

    3. Le discours explicatif

    Il vise faire comprendre un phnomne ou une ide ; il impose la neutralit du locuteur ;

    Laccent est mis sur la cohrence et la comprhension de lnonc, souvent au prsent de lindicatif. Des formes proches et associes sont le discours explicatif ou informatif, qui donne des renseignements, et le discours injonctif, qui donne ordres et conseils sans forcment les expli-quer ;

    Les marques principales en sont les mots de liaison logiques ou chro-nologiques, les indicateurs de cause et de consquence, tout ce qui peut aider la clart de linformation.

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  • 31Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Fiche m

    thode4. Le discours argumentatif

    Il vise convaincre ou persuader un ou des destinataire(s) ; il situe les lments dans le domaine de la pense ;

    Laccent est mis sur la progression logique du raisonnement. La r-flexion sorganise partir de thses, darguments et dexemples ;

    Les marques principales en sont lemploi des 1re et 2e personnes, les indices dune prise de position du locuteur, les mots de liaisons lo-giques, tous les procds rhtoriques pour convaincre, mouvoir ou s-duire linterlocuteur ou le destinataire.

    Ces diffrentes formes de discours peuvent se mler et se succder dans un mme texte, qui peut par exemple dabord prsenter une vise expli-cative, puis argumentative. Un discours narratif ou descriptif peut avoir galement une vise argumentative, comme cest le cas par exemple pour les Fables de La Fontaine.

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  • 32 Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Les genres littrairesUn genre est une forme commune certains textes littraires que le lec-teur reconnat comme telle : Cest du thtre ! ou Cest un roman . Chaque genre obit des contraintes et des conventions particulires. La connaissance des genres facilite le pacte de lecture entre auteur et lecteur, puisque celui-ci connat les lois du genre, mme si leur dlimita-tion est dlicate et a volu avec le temps.

    chaque genre correspondent des registres dominants. On appelle re-gistre lexpression par le langage deffets suscitant chez le lecteur des motions diverses, la joie, lintrt, langoisse, la colre, lindignation, ladmiration, la compassion, la mfiance... Les principaux registres que lon tudie au lyce sont le tragique, le comique, le polmique, lpique, le lyrique, lpidictique, le satirique, le pathtique, loratoire, le didactique...

    1. Le rcit : le roman, la nouvelle

    Ils se dfinissent par la prdominance du discours narratif.

    Le mot dsigne au Moyen ge un rcit versifi en langue romane (langue vulgaire, par opposition au latin). Depuis le XVIIe sicle, il dsigne une uvre narrative en prose racontant des actions imaginaires. Genre dominant au XIXe sicle, le roman demeure trs vivant au XXe sicle : ntant pas dfini par des contraintes rigoureuses, il aborde les sujets les plus varis.

    Le genre romanesque se divise en de nombreux sous-genres : roman psychologique (importance des caractres) ; historique (cadre dune poque relle) ; rgionaliste (cadre local typ) ; fantastique (qui introduit le surnaturel dans le monde rel) ; pistolaire (par lettres) ; policier, daventures, de science-fiction, etc.

    La nouvelle et le conte sont des formes narratives brves. La nouvelle vise plutt la vraisemblance mais peut tre fantastique ; le conte (merveilleux, fantastique, philosophique...) ne recherche pas le ralisme.

    2. Le thtre

    Au thtre, on reprsente laction au lieu de la raconter. Ce sont donc les paroles directes qui construisent laction et caractrisent les personnages.

    Le roman

    La nouvelle

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  • 33Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Fiche m

    thodeLe discours thtral sadresse la fois aux personnages sur scne et

    aux spectateurs dont cest le principe de la double nonciation. Des in-dications de mise en scne, les didascalies, sont destines informer lecteurs et metteurs en scne et ne sont pas prononces lors de la re-prsentation.

    On distingue traditionnellement depuis lAntiquit plusieurs genresthtraux dont la tragdie et la comdie.

    codifie au XVIIe sicle daprs les rgles de lAntiquit ( les trois units : daction, de temps et de lieu ; les cinq actes), met en scne des personnages de rang lev, confronts un destin exceptionnel. Le dnouement est en gnral malheureux. La tragdie fait appel au pathtique pour veiller chez le spectateur la crainte et la piti .

    met en scne des personnages de condition modeste ou moyenne. Son dnouement est heureux. Elle cherche susciter le rire. Elle se dveloppe au XVIIe sicle, elle propose une reprsentation des murs et des caractres qui la distingue de la farce (fonde sur un comique plus grossier).

    emprunte la fois la tragdie et la comdie : drame bourgeois (Diderot, Beaumarchais au XVIIIe sicle) ; drame romantique (Hugo, Musset au XIXe sicle) qui se libre des rgles et mlange les tons.

    Au XXe sicle, ces trois appellations ne correspondent plus des modles bien dfinis ; cest le terme de pice qui est le plus souvent employ.

    3. La posie

    La posie se dfinit par un usage particulier du langage. Le texte po-tique peut obir des contraintes de formes et de versification, ce qui fut le cas jusquau XIXe sicle ; elle peut aussi sen affranchir pour construire une forme libre en vers ou en prose, comme le font de nombreux potes modernes.

    Les vises dominantes de la posie sont dmouvoir, de suggrer, par-fois de convaincre.

    La posie comprend traditionnellement plusieurs genres : pique (rcit dvnements hroques) ; lyrique (expression des sentiments personnels) ; didactique (enseignement moral ou philosophique) ; dramatique ( le thtre, considr longtemps comme une forme de

    posie).

    Aux XIXe et XXe sicles, elle sest assimile surtout la posie lyrique.Les principaux sous-genres, depuis lAntiquit, sont : lode (pome lyrique au sujet grave) ; la fable (fiction avec morale) ; llgie (au sujet tendre et triste) ; la satire (qui attaque les murs).

    La tragdie

    La comdie

    Le drame

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  • 34 Squence 2 FR20

    Fiche m

    thode

    Fiche m

    thode Dautres distinctions se fondent sur la versification (formes fixes,

    comme le sonnet ou la ballade).

    La posie lyrique a dfini ses formes au XVIe sicle (Ronsard, du Bellay). Elle sest renouvele, au XIXe sicle, chez les romantiques, les parnassiens, les symbolistes.

    4. La littrature dides

    Le discours dominant y est le discours argumentatif. La vise essentielle est dexpliquer, de persuader et de convaincre. Il sagit duvres en prose o lauteur propose jugement et rflexions.Ainsi, au moyen dune argumentation, il dveloppe, expose et dfend une position.

    On peut distinguer, en particulier :

    lauteur, dans une uvre en prose ne relevant pas de la fiction, formule ses rflexions sur les problmes dont il traite, et il sefforce de convaincre ses destinaires du bien-fond de ses positions.

    lauteur dclare quels sont ses choix esthtiques, pourquoi il a crit son uvre.

    cest une dclaration dans laquelle lauteur prsente ses conceptions, ses objectifs.

    uvre souvent brve, elle sen prend avec violence un systme, une institution, des personnes. Largumentation est souvent moins ration-nelle que caricaturale.

    La notion de registre et les diffrents registres seront tudis au fur et mesure des squences pour clairer les textes au programme.

    5. Le biographique

    Il regroupe les uvres qui rendent compte du cours dune vie. On peut distinguer en particulier :

    lauteur raconte la vie dun autre que lui, choisie pour lintrt quelle reprsente.

    lauteur raconte sa propre vie, en donnant pour vrai tout ce quil rapporte (pacte autobiographique).

    textes crits au jour le jour, donc discontinus. En principe, ils ne sont pas destins tre publis.

    un auteur raconte les vnements historiques dont il a t tmoin ou acteur.

    Lessai

    La prface

    Le manifeste

    Le pamphlet

    La biographie

    Lautobiographie

    Le journal intime

    Les mmoires

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  • 35Squence 2 FR20

    Corrigs des exercicesCorrig de lexercice n 1

    Observez bien le mouvement de la foule dans les deux gravures : les personnages sloignent du lopard dans la premire, entourent le singe dans la seconde, marquant la lassitude quinspire le premier et le succs du second. Dans la premire, les personnages sortent en file indienne de la baraque de foire, dans la seconde, ils forment un cercle autour du singe. Suivez en particulier le jeu des regards : les personnages inclinent la tte vers le singe dans la seconde gravure, mais se regardent les uns les autres, ou regardent ailleurs dans la premire. La composition des images reflte donc les succs ingaux des deux animaux.

    Corrig de lexercice n 2

    Arrias est un personnage qui croit et affirme tout savoir : cest un homme universel , qui affirme que ses connaissances sont sans limites, puisquil a tout lu, a tout vu . Ce nest bien sr pas le cas, mais son arrogance ( avec plus de confiance ) le pousse sen convaincre et en convaincre de force les autres (il veut le persuader ainsi ). Cest un menteur ( il aime mieux mentir que de se taire ou de paratre ignorer quelque chose ), dfaut qui amne la chute amu-sante de la fin du texte, o il est dmasqu par le vritable Sethon. Cest aussi un convive dplorable, qui coupe la parole de force et nuit donc toute conversation agrable ( il prend la parole, et lte ), et dont lhumour douteux ne fait rire que lui. Sa faon de rire dailleurs ( jusqu clater ) est grossire et dessert galement un change harmonieux entre les convives.

    2 Comme le Lopard de la fable, Arrias est un homme dont la compagnie nest pas agrable : lun lasse , lautre agace. Ils sont tous deux va-niteux, pour des raisons diffrentes, nont pas de vritables talents, mais simposent aux autres avec arrogance. Enfin, leur conversation est sans brillant : le Lopard na pas desprit, Arrias monopolise la conversation.

    3 La littrature se fait bien souvent le reflet de ce quune poque aime ou repousse, que ce soit dans la socit en gnral ou chez les indivi-dus en particulier. Elle est la fois un constat des dfauts et des vices du temps, et le lieu o saffirme et se construit la figure de lhomme tel quil devrait tre et quil nest souvent pas ! Au XVIIe, le sicle du classicisme, un idal se fait jour, celui de l honnte homme :

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  • 36 Squence 2 FR20

    cet idal humain reprend et prolonge celui de lhumanisme du sicle prcdent, dont on pouvait percevoir les traits par exemple chez Montaigne ou Rabelais. L honnte homme prfigure galement lidal qui sera celui des Lumires (voir Fiche mthode) : du XVIe au XVIIIe sicle, la figure de lindividu idal se construit donc avec une belle continuit.

    Un honnte homme qui au XVIIe, ne loublions pas, est un homme qui vit souvent la Cour ! se doit dtre sociable : il doit savoir dan-ser, converser agrablement, tre spirituel et courtois et bien sr cultiv, voire savant, mais jamais pdant (on reconnat ici le Singe de la fable de La Fontaine !). Il est aussi raisonnable et rigoureux dans sa pense, et toujours tolrant et ouvert la nouveaut. Il recherche le juste milieu et la mesure dans ses actes et ses paroles, et nest pas domin par lamour-propre. Enfin, tout son comportement doit tre empreint daisance et de naturel. On comprendra que cet homme sage et raffin, qui se contraint pour plaire aux autres, reflte le dsir dune vie en socit harmonieuse et agrable.

    Arrias est lantithse, cest--dire loppos, de cet idal, car il est p-dant (sans tre vritablement cultiv pour autant), sa conversation est pesante, sa malhonntet intellectuelle est patente, il est vaniteux, se met perptuellement en avant et simpose aux autres, enfin, son comportement est grossier et excessif.

    Corrig de lexercice n 3

    Daumier se moque ici des magistrats, et les reprsente en train de dormir en pleine plaidoirie du procureur. Les trois juges sigeant la cour dappel sont indiffrents marche de la justice quils sont censs rendre, et leurs attitudes corporelles de plus en plus avachies soppo-sent la vhmence oratoire du procureur, le bras tendu et le regard plein de passion. Ce contraste fait sourire le spectateur de la gravure, et nen dnonce que mieux certains dysfonctionnements de la justice.

    Corrig de lexercice n 4

    Montesquieu se livre ici une satire des Parisiens, et de leur faon de se comporter dans lespace social quest la rue. Sa description commence par une prsentation de la ville sa taille, ses maisons , qui explique la foule que croise Rica dans les rues : Tu juges bien quune ville btie en lair, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrme-ment peuple ; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il sy fait un bel embarras . La satire porte prcisment sur la prcipita-tion exagre des Parisiens : ils courent ; ils volent , qui courent plus quils ne marchent : je ny ai encore vu marcher personne . La critique porte galement sur le peu de cas que les gens font les uns des autres (quon mclabousse depuis les pieds jusqu la tte ), voire sur la brutalit dont les habitants font preuve ( les coups de coude que je

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  • 37Squence 2 FR20

    reois rgulirement et priodiquement ), et enfin sur ltourdissement et lpuisement que provoque une promenade dans la capitale : un homme, qui vient aprs moi, et qui me passe, me fait faire un demi-tour ; et un autre, qui me croise de lautre ct, me remet soudain o le pre-mier mavait pris : et je nai pas fait cent pas, que je suis plus bris que si javais fait dix lieues .Mais la critique qui est celle de Montesquieu lui-mme, on peut le sup-poser est exprime par la bouche dun personnage non franais mais persan, qui dcrit Paris avec ltonnement que lon prouve lorsquon arrive en un pays dont les murs et les coutumes sont trangres. Par le biais de ce regard naf, le comportement des Parisiens semble comique : ils ne semblent mme plus marcher ( je ny ai encore vu marcher per-sonne ), et paraissent pris de folie collectiveNous avons donc bien affaire ici une description satirique, qui critique un fait social - un travers des habitants de Paris - en usant de lhumour : la satire rejoint lart du plaire (placere, cf. chapitre 1), mis au service de largumentation.

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  • 38 Squence 2 FR20

    Bas les masques : la satire du pouvoir lpoque des Lumires

    Chapitre

    3

    Point histoire littraire : les Lumires

    On dsigne, sous lappellation de Lumires, un vaste mouvement philo-sophique et scientifique qui domina le monde des ides dans lEurope de la seconde moiti du XVIIIe sicle. Le mouvement des Lumires tire son nom de la volont des philosophes du XVIIIe s. europen de com-battre les tnbres de lignorance par la diffusion du savoir. LEncyclo-pdie, dirige par Diderot et dAlembert, est le meilleur symbole de cette volont de rassembler toutes les connaissances disponibles et de les rpandre auprs du public clair.

    Certains philosophes interviennent dans des affaires judiciaires (cf. laf-faire Calas prsente dans le ch.3-B) et militent pour labolition des peines infamantes, de la torture et de lesclavage. Diffuses dans les salons, les cafs et les loges maonniques, les ides des Lumires sont consacres par les uvres des philosophes, des crivains et des savants. Les princi-paux reprsentants des Lumires sont, en France, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Jean-Jacques Rousseau, les Encyclopdistes, Condillac, et Buffon.

    Les philosophes dnoncent dans les religions et les pouvoirs tyran-niques (cf. texte de Candide pour la religion, de Montesquieu pour la religion et le pouvoir) des forces obscurantistes responsables de lap-parition du mal dans un monde o lhomme aurait d tre heureux : il sagit donc de rechercher ici-bas le bonheur individuel. Ces positions conduisent par exemple Voltaire promouvoir une religion diste.

    En matire politique, les Lumires font la critique de labsolutisme et lui prfrent le despotisme clair en modle de gouvernement. Il sagit, au sein dune socit aux fondements renouvels, de favoriser le progrs conomique et la diffusion de lenseignement, de combattre tous les prjugs pour faire triompher la raison.

    Cette nouvelle vision de lhomme et du monde, qui tmoigne dun op-timisme fond sur la croyance dans le progrs de lhumanit, les philo-sophes la dfendent en crivains militants. Leur combat sincarne dans la pratique de formes brves, faciles lire et susceptibles dune vaste diffusion : lettres, contes, pamphlets Les registres employs sont sou-vent ceux qui vous ont t prsents dans cette squence : satirique, polmique et oratoire, tous trois adapts largumentation, la critique de lordre tabli et la littrature de combat.

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  • 39Squence 2 FR20

    La critique politique et religieuse

    Texte3:

    Montesquieu, Lettres persanes

    Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu (1689-1755), appar-tient la noblesse ; sa famille est originaire de la rgion de Bordeaux, mais il est lev en rgion parisienne, et devient avocat. En plus de sa fonction de magistrat, il crit des dissertations et des mmoires, sur des sujets trs varis (entre autres scientifiques) qui tmoignent de sa curio-sit et de son ouverture desprit. Il frquente les salons parisiens, qui rservent un trs bon accueil aux Lettres persanes (1721). Montesquieu participe leffervescence intellectuelle et sociale de la Rgence1. Il pu-blie en 1748 De lesprit des lois, qui fut un immense succs, et tmoigne de sa rflexion sur la socit, sa constitution, son histoire Il meurt en 1755 Paris.

    Dans les Lettres persanes, deux grands seigneurs persans, Usbek et Rica, quittent Ispahan pour un voyage qui les conduit jusquen France. Ils changent une correspondance avec leurs proches rests en Perse : les Lettres persanes sont constitues de ces lettres, et sont donc un roman pistolaire, qui permet lauteur de faire dcouvrir au lecteur la vie so-ciale et politique de lpoque travers le regard distanci, parfois naf, souvent ironique, dtrangers fictifs la provenance exotique.

    Dans les Documents et lectures complmentaires du Ch.2-B, vous avez dcouvert la critique sociale que formule Rica au sujet des Parisiens (nest-elle pas encore valable ?...). La suite de ce texte (lettre XXIV) est reproduite ci-dessous.

    Rica Ibben, Smyrne2.

    () Ne crois pas que je puisse, quant prsent, te parler fond des murs et des coutumes europennes : je nen ai moi-mme quune l-gre ide, et je nai eu peine que le temps de mtonner3.

    Le roi de France4 est le plus puissant prince de lEurope. Il na point de mines dor comme le roi dEspagne, son voisin ; mais il a plus de ri-chesses que lui, parce quil les tire de la vanit de ses sujets, plus inpui-sable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, nayant dautres fonds que des titres dhonneur vendre5 ; et,

    A

    1. La Rgence (1715-1723), dans lhistoire du Royaume de France, fait rfrence la priode de rgence instau-re la mort de Louis XIV (1715) cause du trop jeune ge de son hritier dsign : Louis XV, qui na que cinq ans. Cette priode est remarquable par son progressisme, mais la crdibilit de ltat est affaiblie. Cest le dbut de lpoque des Lumires.

    2. Actuelle Izmir, en Turquie.3. Sens fort aux XVIIe-XVIIIe sicles : frapper de stupeur 4. Il sagit de Louis XIV.5. Allusion la pratique de la vnalit des charges, qui permet dacheter un titre.

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  • 40 Squence 2 FR20

    par un prodige de lorgueil humain, ses troupes se trouvaient payes, ses places munies, et ses flottes quipes. Dailleurs, ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur lesprit mme de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. Sil na quun million dcus dans son trsor, et quil en ait besoin de deux, il na qu les persuader quun cu en vaut deux1 ; et ils le croient. Sil a une guerre difficile soutenir, et quil nait point dargent, il na qu leur mettre dans la tte quun morceau de pa-pier est de largent2 ; et ils en sont aussitt convaincus. Il va mme jusqu leur faire croire quil les gurit de toutes sortes de maux, en les touchant, tant est grande la force et la puissance quil a sur les esprits.

    Ce que je dis de ce prince ne doit pas ttonner : il y a un autre magicien plus fort que lui, qui nest pas moins matre de son esprit quil lest lui-mme de celui des autres. Ce magicien sappelle le pape : tantt il lui fait croire que trois ne sont quun3 ; que le pain quon mange nest pas du pain, ou que le vin quon boit nest pas du vin4, et mille autres choses de cette espce.

    Et, pour le tenir toujours en haleine et ne point lui laisser perdre lhabi-tude de croire, il lui donne de temps en temps, pour lexercer, de certains articles de croyance. Il y a deux ans quil lui envoya un grand crit quil appela Constitution5, et voulut obliger, sous de grandes peines, ce prince et ses sujets de croire tout ce qui y tait contenu. Il russit lgard du prince, qui se soumit aussitt, et donna lexemple ses sujets ; mais quelques-uns dentre eux se rvoltrent, et dirent quils ne voulaient rien croire de tout ce qui tait dans cet crit. Ce sont les femmes qui ont t les motrices de toute cette rvolte qui divise toute la cour, tout le royaume et toutes les familles. Cette constitution leur dfend de lire un livre que tous les chrtiens disent avoir t apport du ciel : cest proprement leur Alcoran6 () .

    De Paris, le 4 de la lune