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ÉRIC RISBERG.AP ENQUÊTE CHEZ LES SKINS PAGES 2-5 L’Iran tourne la page Ahmadinejad Sur fond de crise économique et de tensions autour du nucléaire, réformateurs et conservateurs s’affrontent aujourd’hui pour le premier tour de la présidentielle. PAGES 6-7 TAPIE, RICHARD ET LA RÉUNION SECRÈTE À L’ELYSÉE PAGES 18-19 Après la mort de Clément Méric, «Libération» dissèque les liens entre les meurtriers présumés de l’étudiant et le leader historique de la mouvance ultraradicale en France, Serge Ayoub. Trop-plein de doutes pour la Coupe de l’America Le coût très élevé de la régate, la mort d’un équipier et les enjeux marketing pèsent sur la compétition qui doit débuter le 7 juillet à San Francisco. PAGES 20-21 Lors d’un rassemblement de Troisième Voie, en février à Paris. ROMAIN CARRE.WOSTOK PRESS.MAXPPPP 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9979 VENDREDI 14 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Page 1: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

ÉRIC

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ENQUÊTECHEZLESSKINSPAGES 2­5

L’Iran tournela pageAhmadinejadSur fond de crise économiqueet de tensions autour dunucléaire, réformateurs etconservateurs s’affrontentaujourd’hui pour le premiertour de la présidentielle.

PAGES 6­7

TAPIE,RICHARDET LARÉUNIONSECRÈTEÀ L’ELYSÉE

PAGES 18­19

Après la mort de Clément Méric,«Libération» dissèque les liens entreles meurtriers présumés de l’étudiantet le leader historique de la mouvanceultraradicale en France, Serge Ayoub.

Trop-plein dedoutes pourla Coupede l’America

Le coût très élevé de la régate,la mort d’un équipier etles enjeux marketing pèsentsur la compétition quidoit débuter le 7 juilletà San Francisco. PAGES 20­21

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• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9979 VENDREDI 14 JUIN 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Plongée au cœur de la nébuleuse dontfont partie les jeunes impliqués dansla mort de Clément Méric. Ils étaient,d’après les enquêteurs, tous membresde Troisième Voie.

Skins:la piste brune

Par WILLY LE DEVINet PATRICIATOURANCHEAUPhotos LIZZIE SADIN

L’ESSENTIEL

LE CONTEXTEAprès la mort lorsd’une rixe de l’antifaClément Méric, jeudidernier, «Libération»a fait une plongée dansla nébuleuse skin.

L’ENJEUPréciser le profil et lesréseaux de cesextrémistes.

Au Local, le bar associatif de Serge Ayoub, leader des Jeunesses nationalistes révolutionnaires et de Troisième Voie. Ayoub, surnommé «Batskin», connaissait les jeunes impliqués

nance, jusqu’alors supposée,au groupe Troisième Voied’Esteban M., de Katia V.,ainsi que de trois autres misen examen dans cette af-faire: «Ils en sont tous mem-bres, affirme la police judi-ciaire, et ils se sontradicalisés via cemouvement d’ex-trême droite.»Si Esteban M. estdevenu skin dansson village de Pi-cardie lorsqu’ilétait collégien (lire page 4),c’est bien à Paris, au contactde Katia V., blonde tatouéede douze ans son aînée, qu’ila basculé dans la violence.Chez le couple à Saint-Ouen(Seine-Saint-Denis), lesperquisitions ont permis dedécouvrir «deux coups-de-

poing américains», maisaussi «de la littérature et desobjets néonazis».

SLOGAN. Les enquêteurs af-firment également qu’Este-ban M., qui travaillait «dansla sécurité», fréquentait «leLocal», le bar associatifd’Ayoub, et participait auxactions des JNR, commeAlexandre, 22 ans, Stéphane,plombier de 25 ans et Sa-muel, boulanger de 23 ans,présents lors de la rixe avecles antifa. Tous sont écrouéspour «violences volontaires enréunion».Mercredi, le Canard enchaînéa publié une photo, prise lorsd’une manifestation où Es-teban M. se trouve derrièreAyoub. Le jeune homme et sacompagne Katia V. seraientmême des rouages de sa né-buleuse. En effet le couplefait partie des membres in-fluents du collectif antispé-ciste Section défense ani-male (SDA). Le 24 novembre,le couple est photographié entrain de défiler derrière unebanderole dont le sloganpeut être interprété de diffé-rentes façons: «Touche pas àma peau.» A cette époque,SDA est en quête de visibi-

lité. L’idée est d’apparaîtrelégitime dans le champ de lacause animale afin de leverdes fonds qui, étrangement,sont reroutés vers TroisièmeVoie.Pour preuve, l’adresse du lo-cal où est immatriculée SDA,(10, rue Primatice, Pa-

Par FABRICE ROUSSELOT

Message

Tout d’abord, il faut se féliciter.Se féliciter de la dissolution annoncéedes JNR et de Troisième Voie. Et peut-être encore d’autres officinesnazillonnes. Certes, il n’y a pas degarantie de disparition, mais la mesure,même symbolique, devait être prise carelle a valeur de message. Répétons-le etrépétons-le encore, surtout après lamort tragique et révoltante de ClémentMéric : il n’y a pas de place dansl’espace démocratique pour ces groupesde haine, qui n’ont rien d’autre àexprimer qu’une violence qui prendracine dans les pires heures de l’Europed’il y a près d’un siècle. Il ne faut pas selaisser leurrer. Malgré leur discourspolicé et politisé à l’extrême, où ilstentent de se réfugier derrière desformules toutes faites, les leaders de latrempe d’un Serge Ayoub sontdangereux. Certes, ce dernier nie toutlien avec les assaillants de l’étudiantantifasciste. Mais notre enquête montrequ’il est au minimum dans l’omission,pour ne pas dire dans le mensonge.C’est au monde politique de rejeter enbloc ces adeptes du cheveu rasé et descroix gammées qui prospèrent aussi surla misère sociale. Car le risque est bienlà : que l’extrême droite radicale tracepeu à peu son chemin auprès de ce qued’aucuns appellent une extrême droite«institutionnelle». Marine Le Pen,devenue l’égérie d’un FN présentécomme «modernisé», sait qu’elleprofite aussi de ces groupes qui serventà recruter des militants. Il n’y a pasd’extrême droite honorable, serait-ontenté de rappeler à certains élus del’UMP trop enclins à poursuivre unestratégie qui n’a pourtant pas réussi àNicolas Sarkozy. Ces idées-là, qu’elless’expriment dans la rue ou dans unhémicycle, il ne faut jamais cesser deles combattre.

ÉDITORIAL

Les enquêteurs affirmentqu’Esteban M. fréquentaitle bar de Serge Ayoub, toutcomme les autres jeunesécroués dans l’affaire.

Q ui sont les jeunesskinheads impli-qués dans la rixeayant coûté la vie,jeudi dernier, à

Clément Méric, 18 ans, étu-diant à Sciences-Po et mili-tant de la cause antifasciste?Flous au départ, leurs profilset leurs implications au seinde deux organisations d’ex-trême droite, les Jeunessesnationalistes révolutionnai-res (JNR) et Troisième Voie,dirigées par Serge Ayoub,leader de la nébuleuse skinen France (lire ci-contre), de-viennent de plus en plusclairs. Une mouvance qui

compterait 1 000 adhérentset 4000 sympathisants selonson chef. Mais 500 selon lesautorités.D’abord, les enquêteurs ontfait la lumière sur l’apparte-

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 20132 • EVENEMENT

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Au mur du Local, les «grands hommes de l’histoire», selon Ayoub: Clemenceau, Sorel, Robespierre, Maurras, Le Pen, Jaurès…

Le leader des JNR et de Troisième Voie nie aujourd’hui tout lienavec le IIIe Reich. Mais son mouvement a un lourd passé.

Ayoub, nazi qui s’en déditS erge Ayoub, alias «Batskin», a

peut-être remisé sa batte de ba-se-ball, mais il n’a pas pour

autant raccroché les gants. A bientôt49 ans, il reste le leader charismati-que et historique des crânes raséstendance facho des Jeunesses natio-nalistes révolutionnaires (JNR) et deTroisième Voie, mouvement associémonté en 2010 pour attirer les jeunesdéclassés «français pure souche». Leurdogme ? «Le capitalisme, comme letrotskisme, c’est la mort. Nous, on estla troisième voie pour les travailleurs»,théorise Ayoub, armoire à glace à lavoix de crécelle.Chaudron. Dans le monde ultravio-lent de la castagne, Serge Ayoub n’estpas qu’un skinhead. C’est LE skin,vitrine légale d’une mouvance dontil a fait son fonds de commerce.D’origine libanaise, il se revendique«nationaliste par amour de la nation»et «socialiste au plan économique».Mais surtout «pas national-socia-liste», ni SS ni SA, ça l’énerve: «J’enai marre d’entendre partout que noussommes des fascistes. En France, quandtu dis que tu aimes la nation, tu te faistraiter de nazillon.»Pourtant, en 1989, Ayoub assimilaitles skins aux Sturmabteilungen de l’Al-lemagne nazie: «Les SA sont un ordreterrien. Ils boivent, vivent ensemble etfoutent le bordel, comme nous.» Dansson bar parisien de la rue de Javel, «leLocal», devenu le repaire des «na-zes», comme dit un officier de rensei-gnement, Batskin reçoit les journalis-tes devant un triptyque surréaliste.On y voit BHL caricaturé en diable etpiétiné par un garde prétorien, Em-manuelle Béart –soutien des sans-pa-piers– s’y fait violer, et Simone Veilbrûle des bébés dans un chaudron.

Ayoub dit que «c’est de l’art», que«c’est marrant». Aux murs, méticu-leusement encadrés, trônent aussi lesportraits des «grands hommes de l’his-toire» l’ayant influencé: pêle-mêle,Clemenceau, Sorel, Robespierre,Maurras, Le Pen, Jaurès,Proudhon… Un galimatias pro-pre à l’extrême droite. A l’encroire, ses grands-parents étaient à laLibre-Pensée. «Il fallait du couragepour assumer d’être athée au débutdu XXe siècle», dit-il.A 17 ans, ce fils de magistrat et defonctionnaire, dont le père a servi laFrance en Algérie, milite au PS à Ba-gnolet (Seine-Saint-Denis). «Maisaprès la victoire de Mitterrand en 1981,je me suis senti cocu. Les bourgeois in-tellos gauchistes ont trahi les ouvriers.Alors, je suis devenu skinhead. C’étaitle seul chemin pour mener le combatcontre les gouvernements antisociaux.»C’est en Angleterre qu’Ayoub s’aco-quine avec les skins et les hooligans.De retour à Paris, il tente de devenirle chef d’une frange de supporteursviolents du PSG, le kop Boulogne. Illance les JNR en 1987 et agglomère lessoudards de France et de Navarre, do-pés à la Kronenbourg, aux concerts oï(musique punk-rock à la sauce fas-ciste) et à la baston contre les red-skins. Sa bande se vante de ratonnerdes «boucaques», mélange de «bou-gnouls» et de «macaques».Deux partisans du «White Power»,deviennent ses lieutenants aux JNR:Régis Kerhuel, qui a baptisé son filsHeinrich, et Joël Giraud, qui loue laliberté de parole au sein du groupe.«Aux JNR, clame-t-il (Libération du18 octobre 2000), on pouvait se per-mettre d’avoir une connotation ra-ciste.» Le trio fait le coup de poing

contre les étrangers, allant jusqu’àbastonner en avril 1990 une bande de«zoulous» boulevard Saint-Michel àParis, devant une caméra de télé.La même année, au Havre, Kerhuel,Giraud et la bande locale, «Blood and

Honour», empoisonnent unMauricien sans papiers avecune bière remplie de peroxy-

dase (produit pour décaper les mo-teurs). Ensuite, ils le jettent à la mer.Batskin, qui n’est pas dans le coup,témoigne au procès de ses deux lieu-tenants à Rouen, en octobre 2000.Mais il ne fournit pas l’alibi attendupar Kerhuel… Il le dédouane à sa fa-çon : «Régis est un homme emporté,pas un raisonné. Pareil pour Giraud. Ilsauraient tué d’un coup de marteau oude canette, tout à fait d’accord. Maisjouer aux petits chimistes…» Les deuxprennent vingt ans de prison.Stéroïdes. En 1994, Batskin serange. Il dissout les JNR, se laissepousser les cheveux, intègre unebande de bikers (les Hell’s Angels),reprend ses études et s’envoie en l’airavec la pornostar Tabatha Cash. Ilmonte aussi deux boutiques à Paris(insignes, fanzines et fringues). «Moi,honnête commerçant turc», disait-ilalors. Batskin sèche le défilé du FN du1er mai 1995 en marge duquel desskins de Reims noient dans la SeineBrahim Bouarram. Enfin, il fomentequelques carambouilles qui le mènentau Japon, au Salvador et en Russie, oùil est condamné à huit mois de prisonpour trafic de stéroïdes. De retour àParis en 2006, Ayoub est frappé par lanostalgie. Il ouvre son bar, relanceles JNR, puis crée Troisième Voie.Batskin is back.

WILLY LE DEVINet PATRICIA TOURANCHEAU

REPÈRES

La dissolution annoncéepar le ministère de l’Inté­rieur est encadrée parl’article L 212­1 du code dela sécurité intérieure.Ce texte s’applique à desmouvements qui existentlégalement sous forme departis politiques ou d’asso­ciations, mais aussi à desgroupements de fait. Unefois la procédure de disso­lution notifiée, le mouve­ment mis en cause disposede quinze jours pour fairepart de ses objections.

«Nous devonsétudier lesdifférentespossibilités de tailleren pièces […]ces mouvementsd’inspiration fascisteet nazie.»Jean­Marc AyraultPremier ministre, mercredi

Il existe quatre groupesprincipaux qui battent lepavé à la droite du FN:w L’Œuvre française Unmouvement ouvertementfasciste et pétainiste fondépar Pierre Sidos, fondateurde Jeune Nation en 1958et pro­Algérie française.w Les Jeunesses nationa­listes Branche jeunes del’Œuvre française.w Le Bloc identitaireA l’origine des apéros sau­cisson­pinard.w Le Renouveau françaisRegroupement des cathostradis et des contre­révolu­tionnaires.

PROFIL

ris XIIIe) est détenue parAyoub. Jusqu’en août 2012,ce dernier y tenait son badstreet shop (vente d’accessoi-res street punk). Malgré safermeture, il y dispose tou-jours «d’une boîte aux let-tres». Cela tombe bien, puis-que sur le site de Sectiondéfense animale, ceux vou-lant envoyer un don sont in-vités à adresser un chèque au10, rue Primatice.Pour ceux qui voudraient ré-gler par carte bancaire, il y aun compte Paypal. L’adressemail qui y est affiliée([email protected])n’est autre que celle de Del-phine F., proche de SergeAyoub. Présentée comme sasecrétaire, elle œuvrait àl’organisation des concertset des conférences de Troi-sième Voie. Les enquêteursne disposent toutefois pas dumontant des sommes qui ontpossiblement transité.

«GROTESQUE». Questionnésur ce circuit financier, SergeAyoub n’est guère loquace :«Delphine F. n’est plus à Troi-sième Voie», dit-il sèche-ment. En revanche, sur laprocédure de dissolution àl’encontre des JNR et deTroisième Voie notifiée par leministère de l’Intérieur,Serge Ayoub est plus disert :«On nous accuse d’incitationà la haine, c’est grotesque, cesgens n’ont même pas pris lapeine de lire notre doctrineni de visiter notre site. Evi-demment, nous nous défen-drons contre cette atteinte trèsgrave à la liberté d’expressionet d’association.» SergeAyoub dispose encore d’unedizaine de jours pour répon-dre aux griefs portés contreson organisation par lesautorités. •

dans le meurtre de Clément Méric.

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 • 3

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A Neuilly­Saint­Front, lundi.PHOTOS VINCENTNGUYEN.RIVA PRESS

A Neuilly-Saint-Front, où il a grandi, le meurtrierprésumé de Clément Méric est connu pour sesdérapages. Pas de quoi émouvoir la population.

Le fascismeordinaired’Esteban M.I l avait «ses opi-

nions». Il était néo-nazi. Les habitants

de Neuilly-Saint-Front(Aisne) se souviennentbien d’Esteban M.,l’auteur présumé descoups qui ont tué Clé-ment Méric la semainedernière. Dans ce grosvillage de 2 000 habitants du sud de laPicardie, planté au milieu des champsde betteraves et de blé, tout le monde oupresque semble avoir déjà aperçu cejeune skin de 20 ans parader dans lesrues. Il avait le crâne rasé, portait untreillis militaire et des rangers aux la-cets blancs. La plupart du temps, il étaitaccompagné de trois copains au mêmelook. Et interpellait les passants en fai-sant des saluts nazis. Lesgamins du village préten-dent qu’il est l’auteur descroix gammées gravées sur l’église et lemur derrière la mairie. Parfois, aussi, ilchantait «la Marseillaise ou des trucs al-lemands contre les Juifs», raconte tran-quillement un adolescent. «On l’a jugésur ses vêtements. Y en a bien qui sont ha-billés comme des perroquets de toutes lescouleurs, c’est pas mieux», estime la pa-tronne d’un bar.Accoudée à sa fenêtre en rez-de-chaus-sée, avec vue sur la rue principale duvillage, une jeune mère de famille, unbébé dans les bras, commente l’affaireavec son compagnon. «Oui, il faisait dessaluts nazis ou des trucs comme ça, maissans plus. C’était pas bien méchant.» Ellehausse les épaules lorsqu’on évoque lamort de Clément Méric. L’homme in-tervient d’un ton sec : «Ça suffit. Fautarrêter de dire qu’il l’a tué.» La jeune

femme dit qu’elle a été «choquée» parce qui s’est passé à Paris, mais elle in-siste: «Esteban était quelqu’un de bien»,un jeune n’aimant pas beaucoup sortiret préférant rester avec ses jeux vidéodans sa chambre. Où, précise-t-elle, iln’y avait «rien de facho».«Des joggings». Les parents d’Este-ban M. habitent une maison modeste àla sortie du village. Sa mère, au foyer,est originaire de la région. Son père, ar-tisan, est espagnol. Esteban, troisièmed’une fratrie qui compte une fille etdeux garçons, est né à Cadix, en Anda-

lousie. La famille s’estinstallée à Neuilly-Saint-Front il y a unequinzaine d’années, se-lon le maire (UMP),André Rigaud. «Ce sontdes gens respectables»,insiste-t-il. Son frère etsa sœur, trentenaires,n’ont aucun lien avec

l’extrême droite. Le frère, chauffagisteà Paris, aurait même tenté de raisonnerson cadet. Depuis l’incarcérationde leur fils, les parents se murent dansle silence.En 2010, André Rigaud avait cependantsignalé le cas Esteban M. à la gendar-merie locale. «A cause de son accoutre-ment», explique le maire de la ville, dé-crivant une tenue militaire et des

insignes nazis. Selon le Cour-rier picard, les gendarmesauraient alors trouvé chez lui

des drapeaux avec des croix gammées,des insignes SS et une totenkopf, unetête de mort nazie. «Ensuite, on ne l’aplus revu, il a quitté le village», racontele maire. La mère de famille, qui seprésente comme proche d’Esteban M.,dit que l’intervention de la gendarmeriel’a calmé. «Il était redevenu normal, ilportait des joggings. C’est quand il estparti à Paris qu’il a replongé. Ensuite,je crois qu’il ne revoyait plus beaucoup safamille.» Esteban était parti dans lacapitale il y a dix-huit mois pour y de-venir agent de sécurité.Tir à la carabine. Alors qu’il passaitses premières heures en prison, ceweek-end, Neuilly-Saint-Front fêtaitson saint patronal. Sur la place del’église, il y avait des autos tampon-neuses, une chenille et du tir à la cara-

bine. Parmi les jeunes pré-sents, une fille au visage piercédéfendait elle aussi le skin :les médias le jugent «un peutrop vite», estime-t-elle. «Oui,Esteban était raciste. Moi, je saisque je ne le suis pas. Cela ne

nous empêchait pas d’être amis.»Elle décrit un garçon qui aimait «plai-santer» et «faire des cadeaux». Elle enveut pour preuve ce tableau de MichaelJackson en velours qu’il lui avait offertil y a quelques années. Elle ne sait paspourquoi, vers 13 ou 14 ans, il a viréskin. «Avant, il était baba cool, il avaitles cheveux longs et aimait les mangas.»Elle dit «son délire» pour parler del’engagement d’Esteban M. dans lesmouvements d’extrême droite. Et tientà préciser qu’il avait été «copain avecune métisse».

SOMME

OISE

SEINE-ET-MARNE

MARNE

ARDENNES

AISNE

25 km

Neuilly-Saint-Front

Laon

«Oui, il faisait des saluts nazisou des trucs comme ça, mais sansplus. C’était pas bien méchant.»Une habitante de Neuilly­Saint­Front

REPORTAGE

A quelques centaines de mètres de là,des garçons fument, assis dans les cof-fres ouverts de leurs voitures. Ils fontpartie des rares personnes croisées cejour à critiquer l’ancien skin du villageet à bien vouloir qu’on les cite nommé-ment. Ils ont entre 15 et 17 ans. Ils ontconnu Esteban M. à la sortie du collègeil y a quelques années. «Il venait cher-cher des plus petits pour les provoquer»,

raconte l’un d’eux. Ils pensent qu’ilétait «un peu taré» pour se comporterainsi. Un garçon dit: «On a le droit d’êtreraciste, mais pas le droit de faire ça.»A Neuilly-Saint-Front, en 2012, le Frontnational était arrivé largement en têteau premier tour de l’élection présiden-tielle, récoltant près de 33% des voix.

Envoyée spéciale à Neuilly-Saint-FrontALICE GÉRAUD

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 20134 • EVENEMENT

Page 5: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

30.05.2013 16:43 PDF/X-1a-2001 (QUADRI_300dpi_tx_vecto) fogra39

Stéphane François, chercheur au CNRS, détaille le profil des jeunes appartenant à des groupes ultraradicaux:

«Ils partagent un état d’esprit de clan, de meute»H istorien et politologue, Stéphane

François travaille sur la mouvance del’ultradroite radicale et les subcul-

tures «jeunes». Chercheur associé au Groupesociétés religions laïcités (GSRL) du CNRS,il explique qui sont et d’où viennent les jeu-nes skins aujourd’hui.Existe-t-il des liens entre les groupusculesultraradicaux et marginalisés et les partisd’extrême droite plus classiques?Des liens existent effectivement entre cesdifférents milieux. Parler de connivenceserait un peu exagéré. Il y a toujours desconfrontations de personnes, des rencontres,des contacts entre les groupes. Même s’ilspassent leur temps à s’invectiver, s’insulterou se taper dessus, ce qui peut arriver, il n’enreste pas moins que les ennemis d’hierpeuvent s’allier dans un cadre ponctuel etfaire le coup-de-poing ensemble, si jepuis dire. Même si les skins ont toujours étémal vus par le Front national, cela n’empêchepas que certains d’entre eux ont pu êtreutilisés pour renforcer le service d’ordre duparti d’extrême droite.Constituent-ils des bataillons de gros braspour les partis plus présentables?Oui et non. Les boneheads, c’est-à-dire lesskins d’extrême droite, sont considéréscomme des gens ingérables. Dans les faits,dès qu’ils étaient présents dans certainesmanifestations, cela se soldait toujours par

des incidents. Les seuls bien tenus et quiobéissent sont les troupes de Serge Ayoub (lireaussi page 3), les Jeunesses nationalistes ré-volutionnaires et Troisième Voie.Comment expliquer cette prolifération degroupuscules radicaux?Cela a toujours été le cas à l’extrême droite.En 1972, le Front national est parvenu à fairela synthèse entre ces différentes chapelles,mais les divisions tiennent à des différencesidéologiques. Un catho tradi ne va pas s’en-tendre avec un néopaïen. Des différences no-tables existent entre les régionalistes, les ja-cobins, les européistes, les nationalistes.C’est une mosaïque très diverse sur laquelleviennent se greffer des problèmes d’ego chezceux qui se considèrent comme des leaders.Pour toutes ces raisons, l’extrême droite neparviendra heureusement jamais à s’unifierréellement.Qu’est-ce qui caractérise le discours des Jeu-nesses nationalistes révolutionnaires?Serge Ayoub a un discours ultranationalisteet anticapitaliste au niveau économique. Ilutilise ces thématiques pour attirer vers sonmouvement des jeunes très précarisés. Lesjeunes skins au chômage souhaitent unrégime à la fois beaucoup plus à gauche,beaucoup plus sécurisant et qui relève plusde l’Etat-providence. D’un autre côté, ilscherchent à exclure tous les immigrés, tousles étrangers de la communauté nationale.

C’est ce que j’appelle le socialisme du ressen-timent : à la fois un discours ouvertementgauchisant, socialisant au niveau économi-que, mais réservé uniquement, par racisme,par rejet et peur de l’autre, aux nationaux,mais aux nationaux de la même race, c’est-à-dire blanche.Quelles sont les régions où le mou-vement skin est le plus implanté?Ils sont surtout présents en régionparisienne, en Picardie, dans leNord-Pas-de-Calais, la Loire, enAlsace et en Lorraine. De vieillesrégions industrielles touchées parla crise et qui ont subi de pleinfouet les différentes vagues de désindustrali-sation. On est aussi sur des terres de culturepolitique très à gauche, très anticapitaliste,mais également sur des terrains, commel’ont montré de nombreuses études, degaucho-lepénisme. D’un côté s’exprime unevolonté de protection et de défense del’ouvrier contre le patronat, et de l’autre lerejet de l’immigré, vu comme celui qui vientvoler le travail.Peut-on dessiner un profil type de ces jeunesskins qui rejoignent ces mouvements ultra-radicaux?Ce sont généralement des jeunes extrême-ment précarisés issus de familles très popu-laires avec des parents bénéficiant des aidessociales. Ils ont un faible niveau de diplômes,

plutôt d’ordre professionnel : un BEP ou unCAP. En fait, ils appartiennent au sous-pro-létariat des zones rurales et périurbaines. Ilsont grandi dans des familles où, le plussouvent, un seul des parents travaille. Quandils n’ont pas été élevés au sein de familles

monoparentales avec leur mèredans une grande précarité…Que partagent ces jeunes attiréspar ces mouvements?Tout d’abord, ils se reconnaissentdans la même idéologie. Ensuite,ils partagent un état d’esprit declan, de meute. Ils se retrouvent ausein d’une même société fermée.

C’est une contre-culture fermée avec un dis-cours très violent à l’égard du monde qui lesentoure. Toutes proportions gardées, ces jeu-nes peuvent être comparés aux SA [Sturmab-teilungen, ndlr], sans vouloir faire une réduc-tion ad hitlerum dénuée de sens. Ces jeunesskins sont dans l’affrontement, ils ont un dis-cours idéologique sommaire mais bien défini,ils aiment bien la fête, s’alcooliser ou prendredes stupéfiants pour certains d’entre eux. EnPicardie, j’ai compulsé plus de 400 blogs dejeunes skins où se retrouvent les mêmes thé-matiques : rejet de l’immigré, fierté d’êtrefrançais et défense d’un système anticapita-liste qui protégerait leurs frères, leurs pa-rents, leurs familles des ravages de la crise.

Recueilli par CHRISTOPHE FORCARID

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 EVENEMENT • 5

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Iran:uneélectiondansl’ombredespuissantsEmpêché de se présenter, Rafsandjani soutient Hassan Rohani,seul candidat «modéré» en lice face aux hommes du Guide.Par JEAN­PIERRE PERRINEnvoyé spécial à Téhéran

S on ombre, à la fois blanche et noire, aplané sur la courte campagne électo-rale. Une ombre blanche, couleur deson turban, parce qu’il est un homme

invisible: on le voit peu, on l’entend encoremoins. Une ombre noire, couleur de son aba(manteau) de religieux, parce que, même si

tion présidentielle iranienne, l’ex-présidentAli Akbar Hachémi Rafsandjani n’a jamaisété aussi populaire, particulièrement auprèsdes jeunes de Téhéran, en dépit de ses 78 ans.

Aussi, le camp des conservateursmodérés et des réformistes capita-lise-t-il sur le nom de l’absent. A

l’entrée du meeting de Hassan Rohani, aucentre de la capitale, des militants distri-buent des photos où on les voit assis côte à

côte, avec l’impression qu’ils se chuchotentdes secrets. Et, dans la salle bondée du gym-nase où se déroule la réunion, des milliers devoix scandent «Rohani, Hachémi [Rafsand-jani] !»

PORC­ÉPIC. Le second mandat de MahmoudAhmadinejad étant à ce point catastrophiquesur le plan économique, la candidature deRafsandjani, qui avait été battu loyalementen 2009 par le président sortant, apparaissaitcomme l’ultime recours pour bien des Ira-niens. D’où l’inquiétude de ses adversairesqui ont demandé que sa candidature soit in-validée, ce qu’ils ont obtenu du Conseil desgardiens. «Quand j’ai appris que Rafsandjanine pourrait pas être candidat, j’ai pleuré», re-connaît Mohammed Reza, 20 ans, la coiffuredans le style porc-épic, très en vogue parmila jeunesse aisée du pays. Il votera donc pourRohani, dont la candidature a été acceptée.Son copain Achtan fera de même, «simple-ment parce qu’il lance des slogans sur laliberté».Dans le gymnase, les jeunes font un accueilde rock star à Rohani, qui vient d’apparaîtresur l’estrade. La musique est forte comme letonnerre, les cris frénétiques, ceux des filleset des garçons, sagement séparés dans les tri-

sa candidature a été invalidée par le Conseildes gardiens (sorte de Conseil constitution-nel), c’est bien lui que l’on voit à la une decertains journaux; lui dont les modérés et lesréformistes attendent qu’il sou-tienne fermement leur candidat,le religieux Hassan Rohani ; lui,enfin, dont les adversaires craignent toujoursle rôle occulte en coulisse. Alors que se dé-roule aujourd’hui le premier tour de l’élec-

REPORTAGE

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 20136 • MONDE

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Directeur d’un des principaux quotidien d’opposition, Elias Hazrati revient sur le chocqu’a représenté l’invalidation de la candidature d’Akbar Hachémi Rafsandjani:

«Nous avions l’ambition de créerun grand mouvement réformateur»H omme politique engagé

dans le camp des réfor-mateurs, Elias Hazrati

est propriétaire et directeur duquotidien Etemaad, qui fut l’undes principaux journaux d’op-position à Mahmoud Ahmadi-nejad. Ce qui lui a valu d’êtreplusieurs fois fermé par le pou-voir judiciaire.Après les événements de 2009et l’invalidation de la candida-ture de Rafsandjani, les parti-sans des réformes en Iran vou-dront-ils encore voter?Les élections sont effective-ment très compliquées. C’estcomme si le cœur de la sociétéavait été gelé. Si nous arrivonsà réchauffer ce cœur, la situa-tion changera. C’est pourquoile soutien [à Hassan Rohani] de[l’ancien président réformateur]

Mohammad Khatami et de Ak-bar Hachémi Rafsandjani sontdécisifs pour améliorer la si-tuation, notamment en prévi-sion du second tour.Avez-vous été surpris par l’in-validation de la candidature deRafsandjani?Ce fut horrible, comme sij’étais tombé dans le coma. Etje suis encore sousle choc alors quej’observe et suismoi-même impliqué dans lapolitique depuis pas mal detemps. Cela a été un coup rude,pas seulement pour moi, maispour tout le mouvement réfor-mateur.Rafsandjani étant l’un des deuxpiliers du régime, est-ce quecelui-ci n’est pas désormaisunijambiste?

Moi, je dirais qu’il marchesur les mains. En fait, nous avi-ons hésité entre choisir entredeux candidats, l’ancien prési-dent Mohammad Khatami etHachémi Rafsandjani. Nousavions l’intention de créer ungrand mouvement, un mouve-ment épique avec cette candi-dature. Alors, vous imaginez le

grand choc que celaa été pour nous.Cinq candidats fon-

damentalistes contre un seulpour les modérés et les réfor-mateurs… Comment expliquercette division du camp conser-vateur?Nous, les réformateurs, som-mes soumis à une pressionsévère. Alors nous recherchonsl’unité. Les autres candidats nesont pas dans cette situation,

alors ils exposent leurs diffé-rences.Pourtant la présidence en Irann’est pas si importante. C’est leGuide suprême qui a pratique-ment tous les pouvoirs…Ce n’est pas exact. En fait, leprésident en Iran a beaucoupde pouvoir. C’est vrai que Mo-hammad Khatami [l’ex-chefde l’Etat réformateur, de 1997à 2005, ndlr] se plaignait de nepas en avoir assez, mais c’estparce qu’il n’utilisait pas lapleine autorité dont il était dé-positaire. Et son travail étaitrendu difficile parce qu’il étaitcontré par de multiples fonda-tions [naguère au cœur du sys-tème, elles semblent aujourd’huien perte de vitesse]. Vous savez,la présidence en Iran, c’estcomme la cohabitation en

France. A cause du Parlement,votre président, Jacques Chi-rac, n’avait pas les mains li-bres. Et réciproquement.On n’évoque plus beaucoupMir-Hossein Moussavi et MehdiKaroubi –les leaders réformis-tes qui avaient dénoncé desfraudes massives lors de la pré-sidentielle de 2009 et appelaientleurs partisans à manifester–qui sont toujours en résidencesurveillée…C’est encore un sujet de discus-sions. Les candidats sontinterrogés à leur propos,notamment par les étudiantslorsqu’ils tiennent des réunionsdans les universités.Si c’est un fondamentaliste quil’emporte, seront-ils jugés?Peut-être.

Recueilli par J.-P.P.

VELAYATI L’HOMME DU GUIDEProche du Guide suprême Khamenei, cepédiatre de 67 ans, formé aux Etats­Unis, aété ministre des Affairesétrangères pendantseize ans. Ali AkbarVelayati est partisand’un compromisavec l’Occident sur lenucléaire pour réduireles sanctions interna­tionales.

LES PRINCIPAUX CANDIDATS

bunes. Le religieux a l’air assez dépassé parcette tempête qui roule à ses pieds. Il agite unpeu la main pour montrer qu’il est dans lecoup et sourit. Le public est plutôt bobo, lesfilles avec des foulards chamarrés qui ne dis-simulent plus rien des chevelures, et, ici et là,des îles noires dans la marée chatoyante, lestaches sombres de quelques tchadors. Quandil promet qu’il n’y aura plus de prisonnierspolitiques, la foule entre en délire.Tant de ferveur pour un homme qui fut long-temps le secrétaire du Conseil national de sé-curité iranien, en charge notamment de larépression violente des manifestations étu-diantes de 1999 et 2003, a quelque chose depathétique. Comme si la jeunesse iraniennen’avait pas de mémoire. «Mais nous avons tel-lement besoin de changement,répond Chima, 25 ans, quivient de terminer des étudesde cinéma. Lui, il va les fairepas à pas.» Ayeh, une spé-cialiste en développement,qui travaille dans les Emi-rats, a une explication: «Lesjeunes veulent, coûte quecoûte, avoir un avenir. Ilsn’ont pas d’autre option qued’acclamer ces gens-là.»

Mais Rohani n’est pas Rafsandjani. «Lui,c’est la principale personnalité du pays aprèsle Guide suprême. Hassan Rohani n’a pas cetteenvergure. Ses adversaires n’ont pas peur delui», confie un proche conseiller de l’ancienprésident. Autrement dit, Rafsandjani, parses réseaux, ses fonctions actuelles de chefdu Conseil de discernement (une instancechargée de régler les conflits internes au ré-gime), sa proximité avec certains hauts reli-gieux, sans oublier sa richesse et sa sciencede l’intrigue, possède encore la puissance defeu d’un croiseur. Hassan Rohani n’a quecelle d’une vedette fluviale.

«TALIBAN IRANIEN». Contre lui, il a un ancienchef des pasdaran (les Gardiens de la révolu-

tion, la garde prétorienne durégime), Mohsen Rezaï, etquatre autres candidats, pro-ches collaborateurs du Guidesuprême, Ali Khamenei, ouliés à lui par des liens fami-liaux. Ceux-ci se définissentcomme des oussoulgaran, des«principalistes» (ou fonda-mentalistes). Celui qui fait leplus peur aux réformistes estSaïd Jalili, l’actuel négocia-

teur sur le nucléaire. Il a le même mentorqu’Ahmadinejad, l’ayatollah Mesbah Yazdi,un religieux tellement extrémiste que le con-seiller de Rafsandjani l’appelle «le taliban ira-nien». Ils ont le soutien d’une partie despasdaran et des bassidji, la puissante miliceislamique, qui joue un grand rôle pour fairevoter les gens. Le favori du scrutin est

Mohammed Bagher Ghalibaf, l’actuel mairede Téhéran, qui a bien géré sa ville. Ancienpilote des pasdaran, il a aussi leur soutien.C’est un moderniste mais partisan d’uneligne idéologique dure. Enfin, troisième can-didat «principaliste», Ali Akbar Velayati estun très proche conseiller du Guide. Il a lesoutien du bazar, de l’influente école des sé-minaristes de la ville sainte de Qom et d’unelarge partie du Parlement. Le dernier candi-dat ne représente guère que lui-même.Au meeting de Bagher Ghalibaf, place de laPalestine, la foule est encore plus dense que

pour Rohani. Et le candidat a osé intervenirdans un espace ouvert. Cette fois, les femmessont moins nombreuses, le plus souvent entchador noir. Ici s’est retrouvée la clientèledu régime, le petit peuple de Téhéran, leshandicapés, les familles de «martyrs». Mah-moud, un chauffeur de taxi, nuance : «Cesont surtout les employés de la municipalité. Je

les reconnais. Ils sont venus enfamille. Ils ne pouvaient guèrefaire autrement.»Velayati, lui, a choisi des’adresser aux femmes, en-core dans un gymnase. Il n’apas fait salle comble. Toutesne vont pas voter pour lui.

«Je ne sais pas encore pour qui. Je suis venue icipour crier», dit l’une d’elle. La campagneélectorale sert aussi à se défouler.Reste à savoir si les Iraniens se rendront auxurnes. Les électeurs réformistes sont encoretraumatisés par la répression très violentedes manifestations de protestation contre lafraude, en 2009. Un chef d’entreprise fait ceconstat : «Il y a un mois, 90% des Iraniensétaient décidés à ne pas voter. A présent, ils sontmoins de 50%. Le pouvoir est très fort : il aréussi par des tas d’astuces, comme les débatsentre candidats, à les intéresser au scrutin.»•

Le favori du scrutin est MohammedBagher Ghalibaf, l’actuel maire de Téhéran.Ancien pilote des pasdaran, il a aussi leursoutien. C’est un moderniste, mais partisand’une ligne idéologique dure.

ROHANI LE DERNIER MODÉRÉCe religieux de 67 ans est le seul réforma­teur encore en lice. En charge des négocia­

tions nucléaires avecl’Occident jusqu’en 2005,Hassan Rohani a obtenu,en 2003, une suspensiontemporaire de l’enrichisse­ment d’uranium –considé­

rée comme une«trahison» par les

conservateurs.

INTERVIEW

Une infographieanimée pourcomprendre lesenjeux de la prési­dentielle et la gale­rie de portraitsdes six candidatsà la successiond’Ahmadinejad.

• LIBÉ.FRGHALIBAF L’EX­FLIC FAVORIAncien gardien de la révolution, puis à latête de la police nationale, MohammedBagher Ghalibaf, âgé de51 ans, est maire deTéhéran depuis 2005. Il aentrepris d’importantstravaux de modernisationde la capitale, des réalisa­tions qui donnent de luil’image d’un homme effi­cace et moderne.

ARABIESAOUD

TURKMÉNISTAN

AFG

IRA

K

IRAN

Ispahan

300 km

Abadan

Téhéran PopulationPIB par habitantCroissance du PIBInflationProduction de pétroleEspérance de vie76e sur 186 sur l’indicateur de développement humain (IDH)

IRAN76,12 millions d’habitants

5 612 euros-1,9 %

+ 30,6 %3,576 millions b/j

73,2 ans

Sources : FMI et PNUD 2012, OPEP 2011

AFP

AP

REU

TERS

Dansle centre­ville

de Téhéran,le 13 juin.

PHOTO BEHROUZMEHRI. AFP

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 MONDE • 7

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ARGENTINE La collision en-tre un train de banlieue et unautre convoi (photo) prèsde Buenos Aires a fait aumoins trois morts et 70 bles-sés, hier. PHOTO AP

SOUDAN Un oléoduc aexplosé dans la région dispu-tée d’Abiyé. Khartoum a ac-cusé des rebelles soutenus

par Juba d’être à l’origine del’attaque.

ISRAËL Plus de 530 nouveauxlogements vont être cons-truits dans des colonies cis-jordaniennes, alors que lesEtats-Unis tentent de relan-cer les négociations israélo-palestiniennes.

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE Desresponsables proches duparti du Premier ministreont été arrêtés lors d’uneopération anticorruption.

CENTRAFRIQUE Un nouveaugouvernement d’unité na-tionale, dont les postes clésrestent aux mains d’anciensrebelles du Séléka, a étéformé.

«Nous avonsl’espoir d’aboutirdans quelques joursà un accord[entre Bamakoet les rebellestouaregs].»Pierre Buyoyachef de la force africainedéployée au Mali (Misma)

93000personnes, dont au moins6500 enfants, ont ététuées en Syrie depuis ledébut du conflit, selonl’ONU, principalementdans les périphéries rura­les de Damas (17800 victi­mes) et de Homs (16400).Depuis novembre 2012, lenombre de morts a le plusfortement augmenté dansles banlieues de Damas età Alep, a souligné l’ONU.

L’ occupation du parcGezi s’effiloche peu àpeu et le Premier mi-

nistre, Recep Tayyip Erdo-gan, s’apprêtait hier à don-ner le coup de grâce au lieusymbole de la contestationqui le défie depuis quatorzejours. Au risque de relancerla mobilisation. «Nous avonsgardé notre patience jusqu’àprésent, mais elle touche à safin; je lance un dernier avertis-sement: pères, mères, s’il vousplaît, retirez vos enfants delà», a menacé hier le leaderde l’AKP qui, depuis plu-sieurs jours, martèle la mêmerhétorique musclée contre«les extrémistes» tout en fei-gnant d’écouter «les revendi-cations sincères».Caserne. La veille au soir, levice-Premier ministre, Hü-seyin Çelik, avait proposé desoumettre par référendum àla population du grand Is-tanbul (17 millions d’habi-tants) la question de l’amé-nagement du petit parcbordant la place Taksim. Se-lon le projet de l’AKP, quiavait mis le feu aux poudresde la contestation, il devraitêtre remplacé par la recons-truction, à l’identique, d’uneancienne caserne ottomane,qui pourrait être un centrecommercial ou un musée.«En démocratie, seule la vo-lonté du peuple compte», a-t-il expliqué. Cette annonceconcluait les quatre heures deréunion, mercredi, entre lePremier ministre et 11 repré-sentants d’ONG de la sociétécivile, d’experts et d’artistes

liés à la lutte pour la défensedes arbres du parc Gezi, maisrefusant de s’engager au nomdu mouvement. «Il nousa longuement écoutés, a prisbeaucoup de notes, puis, à lafin, il a parlé, faisant cette pro-position», raconte une desparticipantes.La «plateforme de Taksim»,regroupant 116 organisations,tentait hier d’arrêter une po-

sition commune. «Ce référen-dum est illégal car il y a déjàune décision de justice, en datedu 31 mai, exigeant l’arrêt destravaux», clame Tayfun Ka-hraman, de la chambre pro-fessionnelle des urbanistes,opposés au projet. La majo-rité est hostile au référen-dum, perçu comme «unemanœuvre», et craint que lesStambouliotes –notammentceux des banlieues acquisesà l’AKP – votent en massedans le sens de leur leader.Quelques-uns, au contraire,pensent que le pari est joua-ble puisque, lors des législati-ves de 2011, l’opposition avaitfait un score très honorableface à un parti islamo-con-servateur usé par dix-neufans de gestion ininterrompuede la mégalopole.Le Premier ministre sembleen tout cas avoir repris l’ini-tiative. «Erdogan a une fois de

plus montré sa redoutablehabileté politique : ce projetd’aménagement de la placeTaksim figurait en bonne placedans le programme de l’AKPlors des municipales et il a ob-tenu le soutien des électeurs.Maintenant, face à un mouve-ment dont la représentativitéest contestée, il propose unenouvelle fois de donner laparole au peuple», explique

l’analyste politiqueCengiz Çandar. Leleader de l’AKPparaît décidé à ré-cupérer aussi sacrédibilité vis-à-vis des capitalesoccidentales qui,

depuis des jours, appellent«à la retenue et au dialogue»pour sortir de cette crise quia fait au moins quatre mortset 4 000 blessés, selonl’Union des médecins.Tentes. Dans le parc Gezi,derrière de dérisoires barri-cades de tôle et de carcassesde voitures, le dernier carrédes contestataires épargnépar la reconquête de la placeTaksim, mardi, se préparaithier à une longue nuit. Beau-coup de tentes ont déjà étéenlevées. Mais des manifes-tants ont décidé de rester etde tenir jusqu’au bout, con-vaincus que l’interventionaura lieu ces prochainesheures. Un étudiant soupire:«Nous n’avons rien obtenu,mais nous avons montré que lajeunesse turque peut dire non.»

Envoyé spécial à IstanbulMARC SEMO

(Lire aussi page 22)

Taksimrefuseleréférendumd’ErdoganTURQUIE Les contestataires craignent que le partidu Premier ministre pèse lourdement sur le scrutin.

La Tunisie ne rigole pasavec ses artistes: le rap­peur Weld El 15, de son vrainom Alaa Yacoub, a écopéde deux ans de prisonferme pour avoir insulté lapolice dans une chanson.Le musicien, condamné parcontumace en mars à deuxans de prison ferme aprèsla diffusion sur YouTube duclip Boulicia Kleb («les poli­ciers sont des chiens»), aété rejugé après s’êtrerendu à la police lundi.Inculpé d’«outrage public àla pudeur et atteinte auxbonnes mœurs», il a expli­qué avoir «utilisé dans lachanson les mêmes termesque ceux dont la police usepour parler des jeunes».A l’annonce de sa condam­nation –au lendemain decelle de trois Femen quiont écopé de quatre moisde prison–, des protesta­tions ont éclaté à Tunis.Depuis la révolution etl’arrivée au pouvoir des isla­mistes d’Ennahda, les affai­res de liberté d’expressionse sont multipliées. En 2012,deux jeunes ont été con­damnés à sept ans et demide prison pour avoir diffusésur Facebook des caricatu­res du prophète. PHOTO AFP

DEUX ANS DEPRISON POURLE RAPPEURWELD EL 15

LES GENS

Par EMMANUELLE STEELS

Des ouvriers esclavess’échappent d’une boîtede tomates bio mexicaines

O n les attirait avec despromesses de salairesmirobolants pour fi-

nalement les faire trimerdouze heures par jour en lesalimentant avec du rizpourri, farci aux cafards. Lesort des ouvriers agricoles del’entreprise Bioparques deOccidente, spécialisée dansla culture de tomates biodans l’Etat de Jalisco (ouestdu Mexique), a été révélé augrand jour grâce à la fuite detrois d’entre eux, des jour-naliers qui ont pu gagner laville voisine de Guadalajaraet alerter la police. Mardisoir, les autorités régionalesannonçaient que 275 jour-naliers maintenus en état desemi-esclavage, dont 39 mi-neurs, avaient été libérés.

Les témoignages des resca-pés décrivent l’entassementdes familles dans des bara-quements insalubres, lanourriture avariée, la paiequi n’arrivait jamais ou alorsseulement sous forme debons valables dans le maga-sin de l’entreprise. Comblede l’ironie, l’entreprise areçu le label «socialementresponsable» de la part dugouvernement fédéral et aété récompensée pour sonengagement en faveur de laprotection des familles et del’enfance.En 2010, l’appellation «en-treprise agricole libre detravail infantile» n’a été dé-cernée qu’à quelques entre-prises mexicaines et Bio-parques de Occidente est laseule à l’avoir obtenu dans

l’Etat de Jalisco, région agri-cole réputée pour la culturede l’agave.

La veille de cette déplorabledécouverte, l’Organisationinternationale du travail(OIT) présentait à Mexicodes chiffres accablants: plusde 3 millions d’enfants, soit10% de la population mi-neure du pays, travaillent.Dans la foulée, le présidentmexicain, Enrique PeñaNieta, proposait un projet deréforme élevant de 14 ans à15 ans l’âge légal minimumpour travailler. Mais, d’aprèsles spécialistes, l’affaire desjournaliers de Jalisco n’estqu’un exemple extrême d’unphénomène plus généraliséde précarisation du travail.

«Depuis 2010, le Mexique en-registre un taux de croissanceélevé qui ne s’est pas répercutésur les salaires et le niveau devie de la population. 15 mil-lions de Mexicains n’ont pasde contrat formel avec leuremployeur et 3 millions de tra-vailleurs ne perçoivent aucunerémunération», explique JoséLuis de la Cruz, économistespécialisé dans l’analyse dumarché du travail.La crise n’a pas davantageapporté de système de super-vision efficace permettantaux autorités de détecter lesabus des employeurs. Quantà Bioparques de Occidente,ses représentants «estimentne rien avoir à se reprocher»,reconnaissant seulement unecertaine «désorganisation»au sein de l’entreprise. •

VU DE MEXICO

«Je lance un dernieravertissement: pères,mères, s’il vous plaît, retirezvos enfants de là.»Recep Tayyip Erdogan hier

Devant le parc Gezi, hier. Les manifestants s’attendaient à un dernier assaut. Y. BEHRAKIS. REUTERS

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 20138 • MONDEXPRESSO

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Al’Assemblée,lesbeauxrestesdel’opérationtransparenceLa réformede la moralisationde la vie politique,qui sera proposéelundi, a perduun peu de sasubstance. Maisdes avancées«majeures»subsistent.

Par LAURE BRETTONPhoto SÉBASTIEN CALVET

D errière «mon adversaire, c’est lafinance», c’était l’autre antiennedu discours du Bourget, en jan-vier 2012. Le candidat Hollande

promettait aux délinquants en colsblancs et autres fraudeurs fiscaux lemême traitement qu’aux caïds descités : «La République vous rattrapera !»Chargé d’un projet de loi pour lutter contreles conflits d’intérêts, le ministre des Rela-tions avec le Parlement, Alain Vidalies, pen-sait avoir le temps de peaufiner son texte.

EXIT. Et puis Jérôme Cahuzac, ministre délé-gué au Budget, avoua détenir un compte nondéclaré à l’étranger, faisant souffler un ventde panique au sommet de l’Etat. Dans la fou-

lée, le couple exécutif a annoncé la publica-tion des patrimoines des élus (à laquelle lesministres ont dû se soumettre), celle des dé-clarations d’intérêts, voire l’inéligibilité à viedes élus condamnés pour corruption !Mais après un bras de fer costaud entre l’exé-cutif et la majorité, le texte qui arrive lundi

à l’Assemblée coule dans le marbrela victoire des élus emmenés par leprésident de l’Assemblée, Claude

Bartolone : ils ne publieront pas leur patri-moine. Exit ce qu’ils ont qualifié de «démo-cratie paparazzi». «Une vraie déception» pourDaniel Lebègue, président de l’ONG Transpa-rency International.Comme c’est souvent le cas depuis un an queles socialistes sont au pouvoir, le texte appa-raît comme un recul alors qu’il comportequelques avancées qualifiées de «majeures»par les associations de lutte contre la corrup-

ANALYSE

tion. «L’arbre du patrimoine cache la forêt del’arsenal contre les conflits d’intérêts», se dé-sole le rapporteur du texte, Jean-Jacques Ur-voas. Malgré les préventions de la commissiondes lois, le texte devrait ainsi contenir finale-ment l’interdiction «à titre définitif» d’exercerun mandat pour les élus corrompus.

CHOC. Parmi les surprises d’origine parle-mentaire, droite et gauche se sont notam-ment alliées sur un amendement déposé parles écologistes visant à dépénaliser une partiedes délits de prise illégale d’intérêts –ce quele gouvernement tentera de déboucler dansl’hémicycle. Les députés, en qui sommeillesouvent un ministrable, voulaient aussi réta-blir à six mois le traitement pour tout minis-tre débarqué. Sous le choc Cahuzac, l’exécutifvoulait le réduire à un mois. Un compromisa été trouvé hier: ce sera trois mois. •

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201310 • FRANCE

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La situation des grands élus sera consultable.

Patrimoine: publicmais pas publiéC’ est un débat sémantique qui

dure depuis deux mois: «pu-blicité» ou «publication» pour

les patrimoines des députés, des séna-teurs et des principaux responsablesd’exécutifs locaux (ils sont 6500 con-cernés)? Pour amadouer le courrouxdes parlementaires qui criaient auvoyeurisme et refusaient tout inven-taire à la Prévert, l’Elysée a un tempsimaginé la création de tranches de pa-trimoine sur le modèle de celles desimpôts. Mais c’était encore trop et lapression de l’opinion, des médias etdu chef de l’Etat n’y ont rien changé.PS, UMP, UDI et radicaux de gaucheétaient contre. «Pour beaucoup, cen’est pas tant leur richesse éventuellequ’ils cherchaient à protéger mais leurdouble vie» entre Paris et leur circons-cription, sourit, jaune, un conseillerministériel.Au finale, le système retenu est calquésur l’Europe du Nord: déclaration dupatrimoine des élus, transmission à lanouvelle HAT, Haute Autorité de latransparence (au début, à la fin dumandat et à chaque «évolution subs-tantielle»), et consultation autoriséepar les électeurs de la circonscriptionqui le demanderont en préfecture.

Pour le ministre des Relations avec leParlement, Alain Vidalies, c’est lanaissance du «lanceur d’alerte ci-toyen» qui aura le droit de saisir laHaute Autorité dès qu’il aura undoute. Sauf que, quand certains rê-vaient de créer un «délit d’enrichisse-ment inexpliqué» (retoqué par le gou-vernement), la répression s’abattra enfait sur ceux qui divulgueraient lesdocuments consultés. Qui risque-raient jusqu’à 45000 euros d’amende,voire des peines d’emprisonnement!Seule avancée concédée par les dépu-tés –elle n’en concerne qu’une mino-rité: seuls les maires des villes de plusde 30 000 habitants, et non plus20000, seront soumis à la déclarationde patrimoine.

L’avis de Transparency International«La publication pure et simple auraitconstitué un plus grand moyen de pres-sion sur les élus. Il aurait été préférablede créer une grande déclaration (patri-moine, intérêts et revenus) publiée pourtous les élus simultanément au Journalofficiel. La consultation par un électeurde la circonscription, c’est beaucouptrop restreint, il faudrait au moins quecela soit ouvert à tous les citoyens.»

Toutes les activités des élus seront publiées.

Déclaration d’intérêt:le véritable progrèsC léments sur leur patrimoine, les

députés ont en revanche nette-ment durci le texte sur son ver-

sant «conflits d’intérêts». Pas unearme absolue contre d’éventuels fu-turs Cahuzac, mais de quoi assainirl’air ambiant. Pour la première fois,une loi française définit ce qu’est unconflit d’intérêts : «Toute situationd’interférence entre un intérêt public etdes intérêts publics ou privés qui est denature à compromettre ou paraître com-promettre l’exercice indépendant, im-partial et objectif d’une fonction.»A compter du 1er octobre, députés,sénateurs et grands élus locaux de-vront déclarer –et verront publier surInternet– l’intégralité de leurs activi-tés professionnelles, de leurs activitésde consultants, de leurs participationsfinancières et même de leurs fonctionsbénévoles. Les parlementaires ontprécisé et même élargi ces déclara-tions d’intérêts aux rémunérationsannexes des élus. «C’est une vraie rup-ture, un coup de collier inouï qui placela France dans le peloton de tête de latransparence en Europe», s’emballe-t-on au cabinet du ministre Vidalies,en charge du texte. «On va s’aperce-voir que certains députés gagnent dix

fois plus en dehors de l’hémicycle, ça vaen calmer plus d’un», espère un députésocialiste.Le texte crée aussi une «obligation dedéport», imposant aux membres dugouvernement, aux élus locaux et auxmembres d’administrations indépen-dantes de s’abstenir de prendre partà une décision s’ils sont en situationde conflit d’intérêts. Ce qui, pourl’instant, ne s’applique pas encore auxparlementaires. Last but not least,pour empêcher les délits d’initiés etgarantir l’impartialité des décisions,les ministres devront confier la ges-tion de leurs intérêts financiers à untiers pendant toute la durée de leurprésence au gouvernement.Un bémol toutefois : l’utilisation del’indemnité représentative de frais demandat (IRFM) de chaque députéreste à sa seule discrétion.

L’avis de Transparency International«C’est l’avancée majeure de ce texte. Sic’est adopté en l’état, ce sera historique:nous réclamons depuis des années lapublication intégrale des déclarationsd’intérêts. Publier toutes les rémunéra-tions annexes est même plus efficace quede tenter de les limiter.»

L’activité de conseil sera toutefois encadrée.

Les métiers interditspassent à la trappeD resser une liste des métiers in-

terdits aux parlementaires :c’était le voeu exprimé un peu

vite par Hollande en pleine affaire Ca-huzac. Devant les risques constitu-tionnels encourus, l’exécutif s’était fi-nalement engagé à interdire touteactivité de conseil aux députés et auxsénateurs. Ce qui figure dans le projetde loi, mais qui devrait valser dès l’ar-rivée du texte dans l’hémicycle, lundi.Le député de l’Aisne René Dosière(apparenté PS) pensait pourtant avoirtrouvé la formule magique en propo-sant de limiter les rémunérations an-nexes des députés à la moitié de leurindemnité parlementaire, soit environ3 500 euros. «On n’y arrive pas»,reconnaît le porte-parole des députésPS, Thierry Mandon. Et le ministredes Relations avec le Parlement desouligner qu’une telle disposition se-rait une entaille à la liberté d’entre-prendre et que le Conseil constitu-tionnel la retoquerait à coup sûr.La solution? Interdire d’entamer unenouvelle activité en cours de mandat.Déjà, en avril, le gouvernement avaitabrogé le «décret Guéant», qui facili-tait l’accès des parlementaires et desex-ministres au métier d’avocat.

Au lieu de limiter les rémunérationsannexes, le texte prévoit de les pu-blier. Et que l’activité de conseil nesoit autorisée qu’aux «professions ré-glementées» que sont les avocats etles experts-comptables : un député-médecin ne pourra plus conseiller unlaboratoire pharmaceutique. Et lesavocats verront leur périmètre d’ac-tion restreint. Ils ne pourront plus, parexemple, travailler pour des clientsayant des activités soumises à autori-sation de l’Etat: l’amendement «casi-nos» est né ! A gauche, on se flatteaussi d’avoir créé un «amendementDassault» : les députés ont en effetmis fin à la possibilité pour tout parle-mentaire de siéger dans le conseild’administration d’une holding, cequi protégeait jusqu’à présent les Das-sault père (sénateur) et fils (député).

L’avis de Transparency International«Il faudrait en rester au dispositif initialimaginé par le gouvernement: l’interdic-tion de principe de toute activité de con-seil. Interdire à un député de commencerune nouvelle activité pendant son man-dat peut être facilement contourné encréant sa société quand on est candidat,juste avant d’être élu.»

L’indépendance de l’agence semble assurée.

La Haute Autorité,clean mais pauvre?Anouveau texte, nouvelle entité.

La commission pour la trans-parence financière de la vie

politique, étrillée pendant l’affaire Ca-huzac, disparaît purement et simple-ment. Elle est remplacée par la HauteAutorité de la transparence (HAT). Sonprésident sera nommé par le chef del’Etat et son collège composé de sixhauts magistrats et quatre «personna-lités qualifiées» choisies par l’Assem-blée et le Sénat. CV requis : ne pasavoir été au Parlement ou membre dugouvernement dans les trois dernièresannées, pour assurer la totale indé-pendance de l’instance.Elle sera autonome budgétairement(mais ses moyens seront fixés par undécret ultérieur) et rédigera elle-même son règlement intérieur. Quantà ses troupes, c’est tout le dilemme.Certains auraient voulu créer une ad-ministration ad hoc, mais à l’heure dela rigueur, «ça n’était ni la priorité, niréaliste, ni fonctionnel: la Haute Autoritéaura le droit de ponctionner des fonc-tionnaires au gré des coups de rushs etdes saisines», décrypte un parlemen-taire. Plusieurs amendements ontrenforcé ses pouvoirs : l’administra-tion fiscale aura le devoir de lui répon-

dre sous soixante jours, elle pourrapublier au Journal officiel tout man-quement détecté et transmettre sesrapports à la justice.Hier, le rapporteur du texte, Jean-Jac-ques Urvoas, a déposé un amende-ment complémentaire stipulant quela HAT «pourra procéder ou faire procé-der aux enquêtes dans les servicesfiscaux». Mais elle ne pourra pas met-tre en œuvre seule les procéduresd’entraide internationale: pour cela,il lui faudra passer par Bercy. Commeelles le réclamaient de longue date, lesassociations anticorruption auront undroit de saisine direct de la HAT.

L’avis de Transparency International«La commission des lois a bien étayé letexte, mais la vigilance s’impose. No-tamment sur les moyens humains allouésà la HAT. Les députés semblent prêts àaméliorer substantiellement son pouvoird’enquête, mais il reste des flous. Parexemple, il n’est pas prévu pour l’instantde rémunérer les quatre “personnalitésqualifiées” membres de son collège,alors qu’elles travailleront à temps plein.Cela revient à n’embaucher que des re-traités ou à les encourager à chercher desrevenus ailleurs.»

Le texte, débattuen séance à partir

de lundi, devraitcontenir

l’interdiction«à titre définitif»

d’exercerun mandat

pour les éluscorrompus.

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 FRANCE • 11

Page 12: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Ah, l’ivresse des bons sondages… Même Jean­Luc Mélen­chon y succombe. Alors qu’il n’a cessé, depuis la campagneprésidentielle, de critiquer les enquêtes d’opinion, voilà lecoprésident du Parti de gauche qui donne de l’importanceà celle de l’institut YouGov publiée hier par le HuffingtonPost et i­Télé. «Front de gauche à 15%, ex æquo avec le PS.Pour l’ignorer: voir les médias français ou la télé grecque»,a­t­il écrit hier sur Twitter. Ou encore: «Le FN cloué auscore de 2012 [soit 18%, ndlr]. Le Front de gauche plus 4!Quelle info média? “Percée du FN.” Vivement la télé grec­que!» Mélenchon semble très intéressé par ce sondagequi ne porte pourtant que sur… 732 personnes interrogées.Soit une marge d’erreur de près de 3 points. L’enquête ade plus été réalisée via Internet. Et que disait­il, fin novem­bre, sur son blog, à propos des sondages en ligne?«Il n’y a dans ce cas aucun moyen de savoir qui répond,si le répondant ne ment pas dans l’espoir de fournir cequ’il croit être la “bonne réponse” pour empocher unehypothétique récompense.» En mars, lors d’un meetingà Lille, il fustigeait le «PMU politique pour savoir, d’après ceque dit la grenouille, le sondage et le foie des volaillessacrées, où nous en sommes dans la course à l’échalote.Je m’en fous, je m’en moque, je ne m’en occupe pas!» Main­tenant, si. L.A. PHOTO REUTERS

MÉLENCHON ET LES SONDAGES :UN COUPLE À GÉOMÉTRIE VARIABLE

CENTRE L’UDI de Jean-LouisBorloo tiendra ce week-endà Paris son premier Conseilnational consacré aux ques-tions économiques, neufmois après sa création. EtBorloo d’assurer : «Noussommes devenus la troisièmeforce politique du pays», avecun 31e député élu dimanchedernier dans la 8e circons-cription des Français del’étranger. PHOTO AP

NORD Deux jours après leshonneurs rendus aux Invali-des, l’ancien Premier minis-tre socialiste Pierre Mauroya reçu hier à Lille un ultimehommage de la nation, dans

la région dont il fut le grandhomme, lors d’une cérémo-nie en présence de Jean-Marc Ayrault. Ses funéraillesont eu lieu à la cathédrale dela capitale des Flandres. Soninhumation s’est ensuite dé-roulée dans l’intimité.

SUD Trois employés de lamairie UMP de Cannes ontété placés hier en garde à vuedans le cadre d’une enquêtejudiciaire pour détourne-ments de fonds publics. Plu-sieurs perquisitions avaientété menées début mai, no-tamment aux domiciles deDaniel Alessio et André Tad-deï, deux proches conseillersdu député et maire (UMP) deCannes, Bernard Brochand.

MANDAT Jean-Luc Mélen-chon a jugé hier que FrançoisHollande «n’a aucun mandatpour engager notre paysdans cette mauvaise aven-ture», visant la négociationcommerciale qui s’ouvrevendredi entre l’Union euro-péenne et les Etats-Unis.

«Les parangons de morale et de vertu,par la multiplication des réglementations,des taxes, et, pis encore, par un processusde culpabilisation permanente, sont entrain de bloquer et d’anémier notre pays.»Jean­François Copé président de l’UMP, hier lorsdu colloque de Génération Entreprise, associationfondée par le député UMP Olivier Dassault

L e SMS envoyé par unténor du PS est tombé à1h27: «Habemus syn-

thèse». Après une semaine depsychodrame avec l’Unioneuropéenne en toile de fond,menaces de boycott et que-relles entre courants, les diri-geants socialistes sont tom-bés d’accord, dans la nuit demercredi à jeudi, sur leur«projet pour l’Europe».Et, s’ils ne s’étaient pas offertune «nuit des résolutions» de-puis quelque temps, les so-cialistes ont vite repris leurshabitudes. «On ne peut pas sepasser de rites, plaisante lasénatrice Laurence Rossi-gnol, porte-parole du parti.On est comme ces couples quiont besoin de s’engueuler pourse dire après qu’ils s’aiment.»Même si le bruit des assiettesqui cassent s’entend jusqu’àl’Elysée ou Matignon et dété-riore l’image du parti… Au fi-nale, le texte adopté la se-maine dernière (par 90% des

55000 adhérents s’étant dé-placés en section) a été parendroits réécrit, intégrantune partie des revendicationsde la gauche du parti. «La di-rection a entendu l’aspirationmajoritaire des militants», ex-plique Emmanuel Maurel,responsable de l’aile gauchedu PS.Bien qu’il n’ait pas obtenugain de cause sur la «suspen-sion» du pacte européen destabilité budgétaire, son cou-rant «Maintenant la gauche»s’est félicité qu’une «résolu-tion» résumant les «14 prio-rités socialistes pour réorienterl’Europe» ait été rédigée. Entête des revendications: «re-négociation» du budget euro-péen, «parité plus équilibréede l’euro», menace de ne pasratifier un traité commercialUE-Etats-Unis. «Cela permetde rendre lisible notre texteprincipal. Qu’il ne soit pas ac-cessible seulement aux mili-tants», assure Estelle Grelier,

secrétaire nationale à l’Eu-rope. Et si les camarades deBenoît Hamon, comme ceuxd’Emmanuel Maurel, ontd’abord été très remontéscontre le mode de calcul desvotes sur les amendements–brandissant la menace d’unboycott de la convention Eu-rope du Parti socialiste qui setient ce week-end à Paris–,ils sont finalement tombésd’accord avec la direction.«S’il faut monter encore le son,on le fera, prévient GuillaumeBalas, un des responsables ducourant Hamon (lire son in-terview sur Libé.fr). On nelaissera pas s’installer une li-gne droitière alors que le centrede gravité au PS ne se situe pasde ce côté.»Avec une direction divisée etun premier secrétaire, Har-lem Désir, critiqué, voirecontesté, les futures synthè-ses socialistes promettentd’être animées.

LILIAN ALEMAGNA

Europe:auPS, l’espritdesynthèsel’emporteCONVENTION Un texte commun, réécrit poursatisfaire la gauche du parti, a finalement été adopté.

Petit coup de chaud àl’UMP Paris. Pendantquelques heures, dansla nuit de mercredi à jeudi,le site de la fédération aaffiché un «correctif desrésultats officiels del’élection primaire à Paris»,donnant gagnant Jean­François Legaret et nonplus Nathalie Kosciusko­Morizet. «Suite aux nom­breuses suspicions defraude dues au voteélectronique, la Cocoe aété saisie et a décidé dene pas prendre en comptel’ensemble des votes liti­gieux», disait le communi­qué, libellé à l’identiquede celui du 3 juin, jour de lavictoire de NKM avec 58%des voix. La FédérationUMP de Paris dénonce uncanular et une «intrusionmalveillante», promettantqu’elle va «enquêter».Le faux «correctif» estun nouvel épisode decette élection, émailléed’irrégularités et de cocas­series. Mais peut­être pasle dernier, car des recourssont encore possiblesjusqu’à lundi midi. Avant ladestruction totale etdéfinitive des tracesdu vote électronique.

LE SITE DE L’UMPPIRATÉ, LEGARETGAGNE LE TEMPSD’UNE SOIRÉE

L’HISTOIRE

LES GENS

Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste, en avril. PHOTO MARC CHAUMEIL. DIVERGENCE

L’ ancien député UMP du NordChristian Vanneste sera jugéle 21 février 2014 à Paris pour

complicité de provocation à la haineenvers les homosexuels. Dans une vi-déo diffusée sur le site Libertepoliti-que.com, le 10 février 2012, il parlaitnotamment de «légende de la déporta-tion des homosexuels» en France. Maisc’est pour d’autres propos que Chris-

tian Vanneste est poursuivi, quand ilévoquait le poids des homosexuels enpolitique ou dans les médias. Il avaitentre autres déclaré que «l’un des fon-dements principaux de l’homosexualité[…], c’est le narcissisme», et qu’il y a«de plus en plus» d’homosexuels enpolitique. Et l’élu d’ajouter: «Il y en ade plus en plus à droite, d’ailleurs je re-marque qu’ils se font la courte échelle.

C’est bien, mais je ne pense pas que cesoit en ayant une vie différente de la plu-part des gens que l’on peut les diriger.»Ces propos avaient été condamnés àdroite comme à gauche. Et avaientconduit l’UMP à finalement exclureVanneste, qui avait perdu son investi-ture aux élections législatives dejuin 2012. Il avait été éliminé dès lepremier tour de ce scrutin.

A RETOUR SUR LES PROVOCATIONS DE L’EX­DÉPUTÉ UMP DU NORD

Vanneste jugé pour ses propos homophobes

w «Eva Sas, éco logique»,portrait de la députéeEELV de l’Essonne, enpointe dans les débatssur la fiscalité verte,30evolet de notre série«les nouveaux visagesde l’Assemblée».w «La salle de shootparisienne déchire lesriverains», retour sur laréunion de concertationorganisée à la mairie duXe arrondissement.

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201312 • FRANCEXPRESSO

Page 13: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

EXIL FISCAL Un banquier disposerait de «preuves» sur 15 personnalités.

ComptesenSuisse:unelistedepolitiquesdanslanature?

«O ui, je confirme queje dispose de preu-ves concernant les

comptes en Suisse d’une quin-zaine d’actuels ou anciens res-ponsables politiques. Je ne lesai pas encore remises à la jus-tice, mais ce sera fait quand lesconditions le permettront.»Joint hier par Libération,Pierre Condamin-Gerbiernous a confirmé ce qu’il avaitdéclaré la veille à la commis-sion d’enquête du Sénat quiplanche sur le rôle des ban-ques et des acteurs finan-ciers. Ce banquier françaisinstallé en Suisse et ex-cadrede l’établissement Reyl & Cie,où était abrité le compte deCahuzac, a expliqué sous ser-ment à des sénateurs interlo-qués «avoir été le témoin direct[…] de dossiers où, très claire-ment, ont été identifiées, der-rière des structures, des per-sonnalités politiques […] ou despersonnes proches des partispolitiques». Il a ajouté: «J’ai

rédigé un document avec toutesles pièces permettant de prou-ver de façon tangible ce quej’avance et [qui est] destiné àêtre communiqué.» Ex-prési-dent de la fédération UMP deGenève, Condamin-Gerbiera également expliqué avoirété témoin de nombreux dys-fonctionnements au sein duparti qu’il a quitté.Menaces. Ces allégations,répétées hier matin au député(PS) Yann Galut, rapporteurdu projet de loi de lutte con-tre la fraude fiscale, sontpotentiellement explosives.Mais rien n’a pour le momentété remis à la justice. «J’at-tends des conditions plus favo-rables», se justifie le ban-quier, qui a indiqué à YannGalut avoir livré ses docu-ments à une tierce personne.«Je confierai tout à la justicequand je serai sûr que mes in-formations ne seront ni filtrées,ni caviardées au terme de quel-conques pressions politiques.»

Pierre Condamin-Gerbier aprécisé avoir fait l’objet avecsa famille de menaces demort. D’où cet «outing»,après des mois de silence.Convoqué comme témoin àplusieurs reprises devant lesenquêteurs et le juge encharge de l’affaire Cahuzac,il n’avait jamais mentionnél’existence de la quinzainede personnalités ayantdes comptes en Suisse, secontentant d’expliquerles mécanismes entourantl’évasion fiscale. «S’il y a uneliste, il faut qu’il la donne, qu’illa transmette, il y a des procé-dures en cours», a réagi hierBenoît Hamon, le ministredélégué à la Consommation,dans les couloirs de l’Assem-blée nationale. Au sujetd’éventuels membres dugouvernement concernés parcette liste, Benoît Hamon aassuré: «On vérifiera.»Vérifier? Interrogée par Libé-ration, une source judiciaire

proche du dossier Cahuzac nedemande que ça. «S’il a despreuves, très bien, qu’il nousles donne vite! Mais en général,ceux qui ont des documentssensibles ne le claironnent pasauparavant», ajoute-t-elle,une note de scepticisme dansla voix.«Sérail». Sur la place finan-cière de Genève, les déclara-tions de PCG intriguent éga-lement. Ancien cadre d’UBS,il aurait été remercié de labanque après avoir confonducarte bleue personnelle etprofessionnelle (ce qu’il dé-ment, en partie). Son départde Reyl & Cie n’aurait pas étédécidé non plus d’un com-mun accord des deux parties(ce qu’il dément, en bloc).«Il fait partie du sérail, il saitdes choses et il a été un tempstrès proche des Reyl, expliqueun fin connaisseur de la villeau jet d’eau. Mais de là à pos-séder des documents…»

VIOLETTE LAZARD

Le Français Pierre Condamin­Gerbier était cadre à Reyl&Cie, qui abritait le compte de Jérôme Cahuzac. PHOTO E.JOFFET. SIPA

Par MARIE PIQUEMAL

Les fichiers de policeerronés inquiètent la Cnil

L es fichiers de policeet de gendarmerie, Sticet Judex (1), contien-

nent toujours autant d’er-reurs. La Cnil, gardienne deslibertés informatiques, avaitdéjà sonné l’alerte en 2009.A l’époque, 83% des fichescontrôlées comportaient desinformations inexactes ounon actualisées. Et dans 40%des cas, les erreurs consta-tées étaient conséquentes :fichage non justifié ou d’unedurée excessive. Quatre ansplus tard, la situation ne s’estpas du tout améliorée. «Lefonctionnement des fichiersn’a pas connu d’évolution ma-jeure et les dysfonctionnementspersistent», se désolait hierEmmanuel de Givry, le vice-président délégué de la Cnil,lors de la remise d’un rap-port sur le sujet.

Le problème est alarmant auvu du nombre de personnesconcernées et de l’utilisationfaite de ces fichiers. Si l’onadditionne Stic et Judex, oncompte 10 millions de fichesvisant moins de 9 millions decitoyens (certains se retrou-vent avec plusieurs fiches surle dos). Les deux fichierssont consultables par lespoliciers, les gendarmes, lesmagistrats du parquet. Maiségalement par les agentspréfectoraux dans le cadred’enquêtes administratives,par exemple lors d’embau-ches dans les secteurs sensi-bles (agents de sécurité,personnel d’Aéroports de

Paris…). Les entreprises peu-vent demander la confirma-tion écrite que le candidat àl’emploi n’est pas fiché.

«Les erreurs causent des dé-gâts. Il en va du refus de re-crutement au non-renouvelle-ment d’un contrat de travail»,indique Emmanuel de Givry.La loi sur la sécurité inté-rieure de 2011 (la Loppsi 2)devait pourtant améliorer leschoses. Normalement, tousles classements sans suitedoivent être mentionnés surles fichiers et les rendreinaccessibles dans le cadred’une enquête administra-tive. Sauf que la loi n’est pasappliquée. Seuls 5 à 10% deces classements sans suitesont en fait mentionnés.En ce moment, Stic et Judexsont en train de fusionner enun seul fichier, le TAJ (traite-ment d’antécédents judiciai-res). Cela aurait pu être l’oc-casion d’un grand ménage.Raté: «Il n’y a pas eu de purgedes données inexactes»,pointe Emmanuel de Givry.Autre problème: la durée deconservation des donnéespeut aller jusqu’à quaranteans. «Pour les enquêtes admi-nistratives, c’est beaucouptrop», juge la présidente de laCnil, Isabelle Falque-Pierro-tin, qui préconise une duréede cinq ans maximum. •

(1) Stic: Système de traitementdes infractions constatées.Judex: Système judiciaire dedocumentation etd’exploitation.

AU RAPPORT

PRISON Un détenu du centrepénitentiaire de Longue-nesse (Nord) est placé enquartier disciplinaire depuiscinquante jours parce qu’ilrefuse d’être dans une cellule«surpeuplée», a annoncéhier l’Observatoire interna-tional des prisons (OIP).

ARMES Les enquêteurs dela SRPJ de Rouen ont décou-vert fortuitement un arsenallors d’une intervention dans

une cité sensible du Havre.Deux kalachnikovs, deuxpistolets mitrailleurs Uzi,cinq fusils et plusieurs cen-taines de munitions ont ététrouvés dans trois sacs dansun local technique.

ROUTE Le Sénat a enterréhier une proposition de loicentriste visant à instaurerun examen médical d’apti-tude à la conduite pour lespersonnes de plus de 70 ans.

ASSURANCE CHÔMAGE DES SALARIÉS INTERMITTENTSAPPEL À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, OUVERTE À TOUS, LUNDI 17 JUIN À 20H30* À LA COLLINE, THÉÂTRE NATIONAL, 15 RUE MALTE BRUN - 75020 PARIS.De nouvelles négociations relatives à l’assurance chômage et spécifi quement aux annexes 8 et 10 doivent se tenir d’ici la fi n de l’année 2013.VENEZ NOMBREUX EN DISCUTER AVEC LES ORGANISATIONS DE LA PLATEFORME DU « COMITÉ DE SUIVI » : CIP-IDF, FÉDÉRATION CGT DU SPECTACLE, FÉDÉRATION NATIONALE DES ARTS DE LA RUE, SMA, SRF, SUD CULTURE SOLIDAIRES, SYNAVI, SYNDEAC, UFISC.* Ouverture des portes à 20h

www.syndeac.org

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 FRANCEXPRESSO • 13

Page 14: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Stéphane Richard, le PDG d’Orange, lors d’une conférence de presse en juillet 2010, à Paris. Il a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avant­hier. PHOTO LAURENT TROUDE

Richardsemetàtable,Tapiemâchesesmots

Mis en examenpour son rôle dans

l’arbitrage de l’affaireAdidas, Stéphane

Richard a révélé qu’uneréunion s’est tenue

à l’Elysée en 2007 enprésence de Bernard

Tapie. Celui-cia implicitement

confirmé.

Par RENAUD LECADREavec CATHERINE MAUSSION

L’ affaire Tapie commencerait-elle à délier quelques langues?Mis en examen avant-hierpour «escroquerie en bande

organisée» en compagnie duprésident démissionnaire duBRGM Jean-François Rocchi(lire ci-contre) et de l’un des trois arbi-tres du dossier, le magistrat retraitéPierre Estoup, l’ancien directeur de ca-binet de Christine Lagarde à Bercy etactuel PDG d’Orange, Stéphane Ri-chard, a apporté une précision inéditeaux enquêteurs. Il leur a affirmé, toutcomme Jean-François Rocchi, que Ber-nard Tapie était présent à une réunioncruciale, fin juillet 2007 à l’Elysée, des-tinée à mettre en place la procédured’arbitrage dans le litige qui l’opposaitau Crédit lyonnais à propos de la vented’Adidas. «Etais-je présent, peut-être,

s’ils le disent, il n’y a aucune raison qu’ilsmentent», affirme aujourd’hui BernardTapie dans une interview au Figaro, touten démentant catégoriquement la pré-sence de Nicolas Sarkozy. Mais en re-connaissant que celui-ci a «donné sonfeu vert» à l’arbitrage. Lors de cette réu-

nion organisée par ClaudeGuéant, le 24 ou le 25 juillet2007, étaient ainsi présents Sté-

phane Richard et Jean-FrançoisRocchi, Bernard Tapie, donc,mais aussi François Peyrol (se-crétaire général adjoint encharge notamment des dossiersfinanciers), comme l’ont con-firmé Rocchi et Richard auxenquêteurs. Claude Guéantaurait indiqué: «Nous allons faire l’arbi-trage», selon les propos de Stéphane Ri-chard aux enquêteurs.Ce dernier, outre sa mise en examenmercredi, a également été placé souscontrôle judiciaire. Les juges d’instruc-

tion en charge du dossier Tapie lui ontlaissé son passeport, il reste donc librede se mouvoir en France ou à l’étranger.«Il n’est pas empêché en tant que patrond’Orange», souligne une source judi-ciaire proche de l’enquête. Mais il n’aplus le droit de rencontrer les personnes«concernées» par le dossier Tapie. Celavise évidemment les deux autres mis enexamen à ce stade pour escroquerie,mais aussi les autres membres de la pré-sumée «bande organisée», dont le nom-bre pourrait gonfler singulièrementdans les semaines qui viennent. A com-mencer par Claude Guéant, alors secré-taire général de l’Elysée, très actif dansla gestion du litige Tapie.

RÉVISION. Ces personnes dites «con-cernées» ont-elles vocation à être mi-ses en examen à leur tour ? «Cela peutviser tout protagoniste simplement citédans un PV», tempère un avocat.«L’aval justifie l’amont, philosophe un

autre. Si les juges partent sur la pisted’une escroquerie en bande organisée, ilest logique d’infliger un contrôle judiciaireles empêchant de se rencontrer.» Et celapasse mécaniquement par une mise enexamen, un simple témoin assisté

«Etais-je présent, peut-être, s’ilsle disent, il n’y a aucune raisonqu’ils mentent.»Bernard Tapie hier au Figaro, à proposde la réunion évoquée par Richard et Rocchi

RÉCIT

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201314 • ECONOMIE

Page 15: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

L’énarque avait été placé à la tête du BRGM aprèsl’arbitrage Tapie, sans en avoir les compétences.

Démission tardive pourle mis en examen Rocchi«M onsieur Rocchi va présenter sa dé-

mission dans les heures ou les joursqui viennent.» Hier après-midi,

Pierre Vassal, le directeur de la communica-tion du Bureau des recherches géologiqueset minières (BRGM), a confirmé que Jean-François Rocchi jetait l’éponge. Une consé-quence directe de sa mise en examen pour«escroquerie en bande organisée» et «usageabusif de pouvoirs sociaux» dans le cadre del’affaire Tapie en tant qu’ancien patron duCDR, la structure chargée de gérer le passifdu Crédit lyonnais.Au BRGM, on ne cache pas son soulagementdevant cette annonce qualifiée d’imminente.Mais on peut s’interroger sur son caractèretardif. Et sur l’inertie du ministère de la Re-cherche, l’une des tutelles du BRGM, depuisla formation du gouvernement Ayrault. L’ar-rivée de Jean-François Rocchi à la présidencede cet établissement de 1100 personnes étaitpourtant surprenante. Cet établissement, quia la main sur bon nombre de dossiers liés ausous-sol français (établissement de la cartegéologique, surveillance des eaux souterrai-nes, études sur les ressources du sous-sol etrecherches en géothermie, etc.), mène desactivités à fort contenu scientifique et tech-nologique sans rapport avec la carrière deJean-François Rocchi. Son seul contact avecle sous-sol fut la reconversion de régions mi-nières, un sujet plus social que technique.Instruction. C’est pourtant cet énarquepassé par des cabinets ministériels (directeurde cabinet sous André Rossinot puis Jean-Paul Delevoye) qui est nommé en novem-bre 2009 à la tête du BRGM, quinze moisaprès l’arbitrage Tapie, manifestement surinstruction de l’Elysée et contre l’avis du ca-binet de Valérie Pécresse. Sa présidence seramarquée par la volonté de contrôler l’expres-sion publique des chercheurs du BRGM et sesdémêlés avec les journalistes. Il remplacel’attachée de presse par l’agence de commu-nication Hill & Knowlton et refuse que leBRGM participe à un simple déjeuner orga-nisé par l’Association des journalistes scien-

tifiques de la presse d’information (AJSPI)sur les gaz de schiste. Sans légitimité à sonposte, menacé d’une action judiciaire et mêléà l’un des scandales financiers de l’èreSarkozy, pourquoi n’a-t-il pas été «démis-sionné» par le gouvernement depuis plu-sieurs mois? La question demeure. La minis-tre de la Recherche, Geneviève Fioraso, n’aremplacé aucun dirigeant d’établissementscientifique, elle a même reconduit AndréSyrota, nommé par Valérie Pécresse, à la têtede l’Inserm.Parade. A ce jour, Rocchi demeure à la têtede l’Etablissement de retraite additionnellede la fonction publique (Efrap), qui vise à as-seoir les cotisations et futures pensions surles primes des fonctionnaires). Un job plusdans ses cordes que le BRGM, puisqu’il a ef-fectué une grande partie de sa carrière ausein de la Caisse des dépôts et consignations.Nommé président en juin 2008 (un moisavant la sentence arbitrale) en tant que «per-sonnalité qualifiée», il y parade depuis avecl’aisance et l’onctuosité du haut fonction-naire, comme en atteste sa vision de la crisefinancière: «Nous l’épousons avec une relativesérénité mentale.» Si Rocchi démissionne duBRGM, pourquoi ne quitterait-il pas aussil’Efrap? A l’entendre, il ne serait qu’un fidèleserviteur de l’Etat, ne trouvant «pas anormald’évoquer à l’Elysée le cas Tapie.» «Je ne suispas son copain ou son affidé», a-t-il dit devantles députés, au sujet de l’homme d’affaires.Il admet connaître Sarkozy sans pour autantêtre «intime.»Dans leurs déclarations publiques avant leurgarde à vue, Jean-François Rocchi et lepatron d’Orange, Stéphane Richard, se sontrejeté la responsabilité de l’initiative d’envi-sager un arbitrage. Le premier avait affirméqu’il n’avait fait que «mettre à l’étude», à lademande de Stéphane Richard, une proposi-tion des liquidateurs du groupe de BernardTapie suggérant un arbitrage. Le secondaffirme au contraire que l’initiative est venuede Jean-François Rocchi.

SYLVESTRE HUET et RENAUD LECADRE

SIX ANS D’AFFAIREw Octobre 2007 Le CDR etBernard Tapie acceptent la saisined’un tribunal arbitral privé.w Juillet 2008 Les trois juges arbi­tres condamnent le CDR à verserà Tapie 403 millions d’euros, dont45 millions pour préjudice moral.w 4 août 2011 La Cour de justicede la République (CJR) ouvre uneenquête sur l’ex­ministredes Finances Christine Lagarde.w 18 septembre 2012 Ouvertured’une information judiciairecontre X pour «usage abusifde pouvoirs sociaux et recelde ce délit» au préjudice du CDR.w 24 mai 2013 Christine Lagardeest placée sous le statut detémoin assisté par la CJR.w 29 mai L’un de trois arbitres,Pierre Estoup, est mis en examenpour «escroquerie en bandeorganisée».w 12 juin Le patron d’Orange, Sté­phane Richard, et le présidentdu CDR, Jean­François Rocchi,sont mis en examen pour «escro­querie en bande organisée».

REPÈRES–comme Christine Lagarde à ce stade–ne pouvant pas y être soumis.Ces derniers développements judiciai-res peuvent-ils conduire à une annula-tion de l’arbitrage? Hier, le Premier mi-nistre est remonté au créneau sur FranceInter : l’Etat français, du moins dans sareprésentation actuelle, a bien «l’inten-tion» de former un recours en révision.Sur ce point, Jean-Marc Ayrault a lemérite de la constance. Dès 2009, alorschef du groupe PS à l’Assemblée, il avaitdiligenté un premier recours contre lasentence arbitrale devant le tribunaladministratif. Il s’était fait renvoyerdans les cordes au motif que ChristineLagarde, initiatrice officielle du bar-num, n’aurait «pas commis d’erreur ma-nifeste d’appréciation en décidant de re-courir à l’arbitrage, eu égard à lacomplexité du litige et aux risques sérieuxd’une aggravation de la condamnation duCrédit lyonnais.»Mais cela, c’était avant que l’enquête encours ne jette un doute sur l’impartia-lité de l’un des trois arbitres. Des élé-ments nouveaux permettraient de re-mettre une pièce dans la machine àannulation, à condition que l’actuelleprocédure fournisse des éléments surles deux autres, insoupçonnables à cestade. «Nous continuons de contester leprincipe de l’arbitrage», proclame Ay-rault, mais sans préciser quand et avecquelles billes.

SPÉCULATIONS. Stéphane Richard, deson côté, pourrait demeurer PDGd’Orange, du moins à court terme.Même si les spéculations allaient bontrain hier sur son remplacement à latête de l’opérateur télécoms, où l’Etatest présent à hauteur de 27%. En in-terne, on pousse les feux pour qu’unconseil d’administration se tienne leplus vite possible. C’est le discours quetenait hier matin Bruno Metling, direc-teur général adjoint aux administra-teurs salariés. C’est avant tout un pro-blème de date : s’assurer qu’unmaximum d’administrateurs puissentse libérer et, en premier lieu, ceux del’Etat (3 sur 15). «Au départ, on nousavait dit lundi, explique-t-on chez SUD,et là, on sent qu’ils cherchent à l’avancerdans le week-end». Ce matin, le patron,tout juste mis sous examen, a repris lechemin de son bureau, presque commesi de rien n’était. •

403C’est, en millions d’euros,la somme allouée (avec les inté­rêts) à Bernard Tapie par le tribu­nal arbitral, en juillet 2008, dont45 millions d’euros au titredu «préjudice moral».

«[L’affaire Tapie meten lumière] un systèmed’enrichissementpersonnel [et un] systèmeorganisé de financementillicite de campagne.»Fleur Pellerinministre de l’Economie numérique,hier, sur RTL

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 ECONOMIE • 15

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SNCF Le taux de participa-tion à la grève nationale descheminots (Unsa, CGT,CFDT, SUD-Rail) contre laréforme ferroviaire et pourdes motifs internes s’élèveà 33,2%, selon le «décompteréel» fourni par la direction.De son côté, la CGT avanceun score de «près de 47,3%».

SOCIAL Le Conseil constitu-tionnel a validé hier la loi surla sécurisation de l’emploi,sauf les clauses sur le choixdes complémentaires santé.Cette décision «ouvre la voieà sa promulgation rapide, dansles tout prochains jours», s’estfélicité le ministre du Travail,Michel Sapin.

«On a fait tous nosefforts, nous n’ysommes pas arrivés,c’est un échec. Nousallons faire en sortequ’il y ait le meilleurplan social, avec desformations.»

Christine Mondollotla présidente de Virginà propos de la fermeturede l’enseigne, hier

3C’est, en milliards d’euros,la réduction des aidespubliques aux entreprisessur la période 2014­2015,que préconise le rapportde Jean­Jack Queyranne,président PS de la régionRhône­Alpes. Un petitcoup de pioche dans desaides dont le coût estestimé à plus de 100 mil­liards d’euros par an.

L e monde des patrons adécidément un pro-blème avec l’idée

d’élection. En janvier, Lau-rence Parisot avait évoqué lapossibilité de prolonger sonmandat de présidente du Me-def en raison de «la crise»(avant de se faire barrer laroute par le conseil exécutifde l’organisation). Hier, c’estau nom de l’«urgence de la si-tuation économique» que lestrois principaux candidats àsa succession ont décidéd’arrêter le processus électo-ral. Geoffroy Roux de Bézieux(fondateur d’Omea Télécom)et Pierre Bernasconi (prési-dent de la Fédération des tra-vaux publics) ont annoncéqu’ils se ralliaient au favori,Pierre Gattaz, le patron deRadiall. Un seul candidat(Hervé Lambel), qui n’aaucune chance, reste en lice.Gattaz sera donc le prochainprésident du Medef, dèsle 3 juillet, après une électionde pure formalité.Les trois hommes avaientconvié la presse hier à Parispour expliquer leur décision.«Avec Geoffroy et Patrick,nous nous retrouvons sur l’es-sentiel, a expliqué Pierre Gat-taz. Ce n’est pas la peine de

courir comme des ânes encorependant trois semaines».«Nos programmes sont trèsproches, a renchéri Roux deBézieux. Du coup, nous avonsdécidé de mettre un mouchoirsur nos ambitions personnel-les. C’est un signal lancé augouvernement.» Et chacun atenté de gommer ses diffé-rences. «Mon expression de“Medef de combat” a été criti-quée, a dit Gattaz, qui estconsidéré comme le candidatle plus à droite. Mais j’ajou-

tais “combat pour l’entreprise,pour l’emploi et contre le chô-mage”. Le dialogue social, jele revendique fortement.»«J’ai parlé d’un “Medef dedialogue”, mais je disais aussiqu’il fallait installer un rapportde force», a enchaîné Ber-nasconi, qu’on présentaitcomme le plus modéré.Il n’empêche, cette union estsurprenante. Le 3 juin, à lasuite d’un vote consultatif duconseil exécutif du Medef,

c’était Roux de Bézieux quiétait passé en tête, juste de-vant Gattaz. La compétitionsemblait très ouverte. Quantà Bernasconi (qui n’avaitalors obtenu que 6 voix), ons’attendait à ce qu’il rallieRoux de Bézieux, dont il estplus proche. Pas Gattaz.Mais, en contrepartie de leurralliement, les deux candi-dats malheureux obtiennentde faire partie du nouvel exé-cutif du Medef, avec le titrede vice-présidents délégués.

Roux de Bé-zieux sera enplus trésorier,et chargé de«l’économie, dela fiscalité, del’innovation etdu numérique».

Quant à Bernasconi, il s’oc-cupera des dossiers des«mandats, ainsi que des bran-ches et des territoires».Un tel trio réussira-t-il à co-habiter? Commentaire d’unobservateur averti du Medef:«En 70 avant Jésus-Christ,César, Pompée et Crassusavaient inventé le triumvirat.On sait comment cela s’estterminé…»

NICOLAS CORILire aussi portrait page 36.

AuMedef, lescandidatss’élisenttoutseulsPRÉSIDENCE Mettant un terme au scrutin, Gattaz, Rouxde Bézieux et Bernasconi se sont érigés en triumvirat.

La filière viticole, victimepar ricochet du conflit avecla Chine sur les panneauxsolaires? C’est ce que crai­gnent les viticulteurs alorsque Pékin a lancé uneenquête antidumping surles aides dont bénéficie lesecteur, après les taxesimposées par l’Europe surses panneaux. La crainted’un conflit commercial afait réagir le président dela filière, Jérôme Despey,qui a demandé hier au gou­vernement de trouver avecl’Union européenne «unevoie de dialogue». «On esttrès soucieux de la démar­che de la Chine, et [du fait]que la viticulture puisse ensubir les dommages colla­téraux», s’est­il ému. Selonlui, les aides versées àl’exportation de vins euro­péens vers la Chine répon­dent à des règles «tout àfait compatibles», aveccelles de l’OMC. La filièreexporte près d’1,5 milliond’hectolitres vers la Chine,pour une valeur de plusde 550 millions d’euros,dont 65% de ce montantuniquement en vins deBordeaux. «Ce conflit nenous concerne pas et oncraint d’être “impactés”.Bien sûr, ce n’est qu’unephase d’alerte, mais on esttrès vigilant.»

LA CHINE ET L’UEINVITÉES ÀMETTRE DE L’EAUDANS LEUR VIN

L’HISTOIRE

En contrepartie de leurralliement à Pierre Gattaz,les deux autres candidatsdeviennent vice-présidentsdélégués du Medef.

+0,11 % / 3 797,98 PTS2 818 617 140€ +12,16%

CAP GEMINIEDFCARREFOUR

Les 3 plus fortesGEMALTOLVMHSCHNEIDER ELECTR.

Les 3 plus basses

+0,36 %15 049,87+0,41 %3 414,35

+0,08 %6 304,63-6,35 %12 445,38

Par YANN PHILIPPIN

A Toulouse, l’A350fait son tour de piste

C’ est un événementrare et crucial pourAirbus. Sauf caprice

de la météo, le nouvel A350effectuera son premier vol cematin à 10 heures, depuis lapiste de Toulouse-Blagnac.Une première depuis l’envolde l’A380 le 27 avril 2005, etune étape majeure pour l’ap-pareil le plus attendu del’avionneur européen.

Pourquoi Airbus est­ilsous pression ?Distancé par Boeing sur letrès lucratif créneau desavions long-courriers, Air-bus a tout misé sur l’A350,au fuselage en carbone (unenouveauté chez Airbus), pluséconome en carburant. Ildoit concurrencer le B787(pionnier du carbone) et songrand frère, le B777, les deuxbest-sellers de Boeing.Pour l’instant, l’A350 nes’est vendu qu’à 613 exem-plaires, contre 890 pourle 787. Airbus doit prouveraux compagnies qu’il est ca-pable de réussir le défi tech-nologique du passage au car-bone, en évitant les déboiresen série du 787, dont le der-nier en date (feux de batte-ries) a cloué les appareils ausol pendant trois mois. Air-bus doit aussi montrer quel’A350 sera prêt à temps. Or,il affiche déjà deux ans de re-tard (moins que les trois anset demi du 787) pour unepremière livraison prévued’ici à la fin 2014.

L’appareil sera­t­illivré à l’heure ?Cela fait deux ans qu’Airbussert la même réponse : ontient le bon bout, mais c’est«challenging». En clair, denouveaux retards sont possi-bles. L’avionneur a en effetprévu un programme d’es-sais en vol très serré : il es-père décrocher la certifica-tion en quatorze mois, quatrede moins que pour l’A380.Or, un seul A350 est sorti àce jour de l’usine de Tou-louse, alors qu’il en faut cinqpour mener la campagne.Ensuite, il n’est pas exclu quedes problèmes soient identi-fiés lors des essais, et con-duisent à des modificationsde l’avion. Alors mêmequ’Airbus rencontre des dif-ficultés avec plusieurs de sessous-traitants, en particulierl’américain Spirit, qui fabri-que un morceau de fuselageen carbone. Le constructeura dépêché cent ingénieursaux Etats-Unis pour aiderSpirit, et envisage même deracheter l’usine de l’équipe-mentier à Saint-Nazaire.Il y a toutefois deux motifsd’optimisme. D’abord, Air-bus a appris des problèmes deson rival, et il a été plus con-servateur que lui en matièrede sous-traitance de rupturestechnologiques. Ensuite, desexperts estiment que lesdeux ans de retard de l’A350ont pu être mis à profit pourrésoudre le gros des problè-mes lors des essais au sol. •

DÉCRYPTAGE

Quelque 10000 Grecs ont manifesté hier à Athènes devant le siège de la radiotélévi­sion publique grecque ERT (photo) pour protester contre la fermeture des chaînes detélévision et des stations de radio publiques. «Ne restez pas sans réaction: on bradetout!» pouvait­on lire sur la principale banderole déployée devant le bâtiment. Parallèle­ment, 50000 personnes se sont rassemblées à Salonique, la deuxième ville grecque,devant le siège de l’une des cinq chaînes du groupe audiovisuel public. Dans le mêmetemps, le pays a tourné au ralenti après un appel à la grève générale lancé par les deuxprincipaux syndicats grecs, du privé et du public. PHOTO PETROS GIANNAKOURIS. AP

AUSTÉRITÉ LA GRÈCE MANIFESTE POUR SA TÉLÉ PUBLIQUE

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201316 • ECONOMIEXPRESSO

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La future réforme, une des premièrespilotées par la gauche, devrait s’inspirer durapport Moreau remis aujourd’hui. Passageen revue des possibilités du gouvernement.

Par LUC PEILLONavec GRÉGOIRE BISEAU

«N otre objectif, c’est l’équilibre. Cen’est pas moins de déficit, c’estun déficit zéro dès 2018.» C’étaitle 16 juin 2010. Le ministre du

Travail de l’époque, Eric Woerth, vendait saréforme des retraites, dont la principale dis-position, le report de l’âge légal de départ,allait renvoyer la question des découvertschroniques du système au rayon des mauvaissouvenirs. A peine trois ans plus tard, pata-tras. L’équilibre promis n’aura pas lieu. Pis,à la fin de la décennie, le trou financier seraencore de plus de 20 milliards d’euros, sur les45 milliards de déficit attendus en 2020 aumoment de la réforme… Bref,tout ou presque est à refaire.Pour la gauche, qui hérite dubébé, l’effort à réaliser est donc financière-ment du même ordre que celui de la droite.Avec un souci supplémentaire: elle ne pourrauser d’un des outils les plus puissants, le re-port de l’âge légal, tant elle s’est dressée con-tre à l’époque, dénonçant son caractère so-cialement injuste.Autrement dit, l’éventail des outils se res-serre sérieusement. Le rapport de la con-seillère d’Etat Yannick Moreau, remisaujourd’hui au Premier ministre, proposeraà l’exécutif d’autres pistes (Libération du5 juin), dont l’une des plus polémiques con-siste à rapprocher les règles entre le public etle privé, notamment pour les bases de calculde la pension (lire ci-contre). Une piste quipourrait être vite abandonnée: «Il n’y a que

des coups à prendre politiquement, et cela nerapporterait quasiment rien financièrement»,glisse-t-on ainsi dans l’entourage du minis-tre du Travail. Peu de chances également, se-lon nos informations, que le pouvoir toucheaux régimes spéciaux. Pour l’exécutif, la ré-forme devrait comporter des mesures à longterme, mais aussi de très court terme, l’ob-jectif étant de dégager un milliard dès 2014,puis un autre milliard en 2015. Revue des dif-férentes joyeusetés que pourraient connaîtreles salariés… et les retraités.

LA DURÉE DE COTISATIOND’un peu plus de 41 ans aujourd’hui, la du-rée de cotisation pour une retraite à tauxplein est programmée pour monter à

41,75 ans en 2020. Ensuite? Riende prévu. Le principe énoncé parla loi Fillon de 2003 est de parta-

ger tout gain d’espérance de vie entre letemps passé au travail (deux tiers) et la re-traite (un tiers). En prolongeant ce méca-nisme au-delà de 2020, le gouvernementpourrait faire monter la durée de cotisationà 44 ans en 2035, voire 45 ans en 2060. Pro-blème : cette mesure ne rapporterait riendans un premier temps. Selon le Conseild’orientation des retraites (COR), elle necomblerait que 20% du déficit prévuen 2030, avant de conduire à un léger excé-dent des régimes en 2060. Le gouvernementpourrait donc y avoir recours, mais cela nechangera rien aux 20 milliards de trou atten-dus à la fin de la décennie.

UNE HAUSSE DES PRÉLÈVEMENTSAugmenter les cotisations salariales et patro-nales permettrait, en revanche, de dégagerimmédiatement du cash pour renflouer lesystème. Problème, côté employeur : cettemesure reviendrait à augmenter le coût dutravail, à un moment où le gouvernement,avec le crédit d’impôt de 20 milliards, sou-haite l’alléger. Sans parler de l’ambiance

quasi insurrectionnelle qui règle au sein dumonde patronal actuellement, et à laquellele gouvernement semble particulièrementsensible. Si l’exécutif emprunte cette voie,il le ferait donc avec une grande modération.

LA BAISSE DES PENSIONSTroisième levier: la baisse du montant des re-traites. C’est une piste que la majorité devraitemprunter, mais dans un souci de «justicesociale», assure-t-on dans les rangs du pou-voir. Traduction: l’exécutif devrait avant touttaper dans le portefeuille des plus aisés. Etpourrait s’inspirer, sur ce point, des proposi-tions du rapport Moreau : suppression del’abattement fiscal de 10% pour «frais pro-fessionnels» sur la retraite imposable, fiscali-sation de la majoration de 10% des pensionspour les parents de trois enfants ou plus, ouencore alignement du taux réduit de CSG desplus riches (6,6%) sur celui des actifs (7,5%).Le gouvernement pourrait néanmoins êtretenté, vu l’ampleur de l’effort financier àfournir, de solliciter aussi l’ensemble des re-traités, via une désindexation partielle despensions. Celles-ci pourraient ainsi, commepour les complémentaires, ne plus évoluerselon l’inflation, mais un cran en dessous.Autre piste : toutes les cotisations payéesn’ouvriraient pas de droits à la retraite, unepartie servant à combler les déficits.

UN CARNET PÉNIBILITÉC’est un chantier sur lequel le gouvernementsouhaite avancer, désireux de ne pas fairequ’une réforme «comptable» des retraites.Mais au lieu de jouer sur le taux d’invalidité,comme c’est le cas aujourd’hui, il propose-rait, selon nos informations, d’instaurer unlivret de pénibilité, dans lequel seraient ins-crites toutes les conditions de travail subiespar le salarié au cours de sa vie profession-nelle (travail de nuit, debout, charges lour-des…). Ce système accorderait ensuite despoints à l’intéressé, qui pourrait les convertiren droits à la formation, en repos ou en con-gés de fin de carrière (retraite anticipée). «Cequi éviterait d’aller sur du droit à la réparation,qui hérisse le patronat», explique un prochedu dossier.Cette réforme des retraites, une des premiè-res réalisées par la gauche, est attendue pourl’automne. D’ici là, le gouvernement devraitouvrir, après la conférence sociale des 20et 21 juin, une période de concertation avecles partenaires sociaux. Mais s’il peut comp-ter sur le soutien des syndicats réformistes(CFDT, CFTC et CGC), il pourrait rencontrerl’hostilité de la CGT, voire de FO. Ces der-niers réussiront-ils, cependant, à mobiliser?Rien de moins sûr. Le gouvernement, s’ilévite les sujets minés, a un donc espace poursa réforme. •

DÉCRYPTAGE

Tous les retraités pourraient être concernés via une indexation partielle de leurs pensions. PHOTO ALBERT SPERBER.PICTURETANK

Retraites,legouvernementdansl’embarrasdeschoix

Des dessins animés pour comprendrela réforme et un tchat avec Jean­LouisMalys, secrétaire national de la CFDT.

• SUR LIBÉRATION.FR

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201318 • ECONOMIE

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L’ECONOMIE EN QUESTIONSDominique Rousset - 11h - 12h / samedi Retrouvez EcoFutur chaque samedi à 11h sur France Culture.

franceculture.fr

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Les précédentes lois de 2003 et 2010avaient déjà rogné les avantagesdont bénéficient les fonctionnaires.

Public-privé,écart aminciR éclamée par la droite, déjà

critiquée par plusieurssyndicats, la convergence

des régimes du public et du privépourrait revenir à l’ordre du jour.Les précédentes réformes, en 2003et en 2010, ont déjà beaucoupréduit l’écart entre les deux systè-mes. Peut-on aujourd’hui parlerd’«injustice» au détriment duprivé? Les chiffres incitent à plusde prudence.Alignement. Notables il y aencore dix ans, les avantages dupublic ont fondu sous l’effetdes réformes Fillon (2003) etWoerth (2010). Comme les sala-riés, les fonctionnaires cotiseront41,75 annuités en 2020 pour uneretraite à taux plein, et au mêmetaux de 10,55% (d’ici 2020). Leurspensions, comme celles du privé,sont indexées sur les prix et nonplus sur les salaires. Et la retraiteanticipée pour les fonctionnairesparents de trois enfants a été sup-primée. Certes, plusieurs avanta-ges demeurent. Les fonctionnaires«actifs», soumis à des risquesparticuliers (pompiers, poli-ciers…) peuvent prendre leurretraite dès 52 ou 57 ans. Commecertains assurés des «régimesspéciaux» (SNCF, RATP, EDF…),dont la durée de cotisation estcependant en cours d’alignementsur le régime général. La princi-pale différence restante concernele calcul du «salaire de réfé-rence», qui fixe le niveau des pen-sions. Pour le privé, il s’agit de lamoyenne des vingt-cinq meilleu-res années de salaires. Pour lesfonctionnaires, c’est la moyennedes six derniers mois –autant direle salaire de sortie. Une différenceque le rapport Moreau devraitproposer d’atténuer.Reste que, dans les faits, les inéga-lités ne sont pas forcément là oùon le croit. Selon le Conseild’orientation des retraites (COR),fin 2010, la pension moyenne dansla fonction publique était de1 757 euros par mois, contre

1 166 euros pour les retraités duprivé. L’écart est patent, mais,selon le COR, il reflète «d’abord»des durées de carrières et des ni-veaux de qualification différents,ainsi que les avantages du fonc-tionnariat (progression régulièredes carrières, pas de chômage…).Plus significatif est le taux deremplacement, c’est-à-dire lerapport entre la pension et lesalaire médian de fin de carrière.Or, d’après le COR, les taux mé-dians du public et du privé sontquasi-identiques (respectivement75,2% et 74,5% pour la génération1942). En réalité, c’est à l’intérieurde chaque régime que l’on trouveles plus grandes disparités. Le tauxde remplacement est ainsi de 83%pour un non–cadre ayant connule chômage et de 56% seulementpour un cadre à forte rémunéra-tion. Mêmes disparités côtépublic, où le taux est de 76% pourun cadre A avec de faibles primeset de 54% pour un A+ à fort tauxde prime.Douloureux. A revenus équiva-lents, les taux sont donc compara-bles entre privé et public. Ils ten-dent en revanche à diminuerquand le niveau de rémunérationaugmente. Chez les cadres, car lecalcul sur les vingt-cinq meilleu-res années «dilue» les salaires defin de carrière ; mais aussi parceque les cotisations sont moins éle-vées au-delà du plafond de la sé-curité sociale (3 086 euros men-suels). Dans le public, cettedégressivité s’explique par la non-intégration des primes dans le cal-cul des retraites. Celles-ci repré-sentent une part importante de larémunération des hauts fonction-naires. Leur prise en compte ren-drait moins amère une réforme ducalcul des pensions des agents pu-blics. Voire la compenserait pourcertaines catégories. Les effets se-raient plus douloureux pour cellesqui, comme les enseignants, netouchent que très peu de primes.

DOMINIQUE ALBERTINI

Tous les retraités pourraient être concernés via une indexation partielle de leurs pensions. PHOTO ALBERT SPERBER.PICTURETANK

LESPRINCIPALESPROPOSITIONSDURAPPORTMOREAU

Actifs Fonctionnaires RetraitésPatronsDurée decotisation

Calcul des pensions Suppression du bonus fiscal de 10%pour les foyers avec 3 enfants et plusSuppression de l’exonérationd’impôt de 10%Même taux de CSG que les actifsSous-indexation sur l’inflation

Augmentationde la cotisationdéplafonnée à43-44 ans

pour un taux plein

sur les dixdernièresannées1,9%

au lieu de41 ans et 3 mois

au lieu dessix derniers mois

au lieu de 1,6%

20032013

REPÈRES

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 ECONOMIE • 19

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FESTIVAL D’AIX­EN­PROVENCE

VENDREDI 14 JUIN 2013

OPÉRAD’YEUXSOIT L’OUÏE

Du 4 au 27 juillet,Strauss, Cavalli, Mozart,Mendonça et Verdirythment cette 65e éditionqui célèbre aussi Brittenou Poulenc et multiplie,dès juin, les passerelles endirection du public.

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ACTE I Passage en coulisse avec le metteur en scène pendant les répétitionsde l’opéra de Richard Strauss, qui sera dirigé par Esa­Pekka Salonen.

PATRICE CHÉREAUL’EMPRISE «ELEKTRA»

«Electre, le bras levé devant sa fi-gure, fait un saut en arrière,comme un animal regagnant sonterrier.» Ce n’est pas PatriceChéreau qui a écrit le livretd’Elektra (1909), mais ça aurait

pu. Un peu plus loin: «Et là-dedans on crie. Ontue ou / l’on enfante!» Un sujet sur mesure pourle cinéaste et metteur en scène qui a transfiguréLulu et Wozzeck de Berg, De la maison des mortsde Janácek et, en 1976, à 31 ans, la tétralogie deWagner. Folie, prostituées, cadavres insultés,tragédie de forêts et d’Allemagne.Si vous avez manqué le début, le drame deHofmannsthal se résume à peu près ainsi: avecl’aide de son amant Egisthe, Clytemnestre a

Par ÉRIC LORETEnvoyé spécial à Aix­en­Provence

servantes se disputent à propos d’Electre) etl’arrivée de l’héroïne (chantée par Evelyn Her-litzius), ce qui consiste à réajuster la fin del’une (qui en est à son quatrième jour de répé-tition) et le début de l’autre. Il y a en particu-lier un problème de seaux qui se retrouvent

dans les pattes des chanteuses-servantes. Ché-reau dirige en allemand, mêle l’anglais, lefrançais, les mouvements de groupe sont parti-culièrement difficiles à régler, comme si unepluie d’atomes devait, côté cour, s’écouler enordre par une bonde magnétique. La mezzoBonita Hyman, qui interprète la première ser-

assassiné son époux, Agamemnon. Leur filleElectre rêve de le venger. Elle a besoin de l’aidede sa sœur Chrysothémis et de son frèreOreste. La sœur ne veut rien savoir: elle sou-haite quitter le palais. Sur ce arrive Clytemnes-tre, qui se plaint de cauchemars et demanderemède à Electre, tout en se dispu-tant avec celle-ci sur le sortd’Oreste, qu’elle considère commefou. Electre lui conseille d’aller sesuicider, avant qu’on n’annonce lamort d’Oreste en exil. En réalité, lefrère est bien vivant et, revenu au palais, il tueClytemnestre et Egisthe. Electre meurt de joie.

CHAMAN. Le jour où l’on assiste aux répéti-tions d’Elektra, dans le studio «Big One» duGrand Théâtre de Provence, à Aix, Patrice Ché-reau fait le filage de la première scène (où les

Lorsqu’il s’agit de diriger un groupe,Chéreau fait une sculpture. Lorsque cesont des individus, il entre en osmose.

Par ÉRIC LORET

Appétit

«On a le public qu’on mérite.»Voilà à peu près le mot dudirecteur, Bernard Foccroulle,pour cette 65e édition dufestival d’Aix-en-Provence quise tient du 4 au 27 juillet. Ouplus précisément: on a le publicqu’on fabrique. Par exemple,en proposant des journées deformation pour enseignants etassociations; en offrant cetteannée un «festival d’Aix enjuin», avec une vingtaine dereprésentations et masterclasses, dont des Mamelles deTirésias de Poulenc (le 15 juinau Bois de l’Aune) parl’Académie européenne demusique, ou le Brundibár deHans Krása, créé en 1943 autriste camp de Theresienstadtet qui sera représenté par desenfants aixois les 21 et 22 juin,dans l’ancien campd’internement des Milles.Le festival se prolonge aussidans le temps avec l’Orchestredes jeunes de la Méditerranéepour un Roméo et Juliette deProkofiev qui va à Manosque, le28 juillet, et à Nice, le 29. Ils’étend enfin dans l’espace etles genres, puisque l’Elena deCavalli est à Martigues les 25 et27 juillet dans le cadre deMarseille Provence 2013, tandisque le saxo belge FabrizioCassol évoque la place Tahrirdans sa création Alefba, le10 juillet, et que le TunisienJasser Haj Youssef mêle jazz etOrient le 15. Tous cesspectacles, Foccroulle lesappelle des «petites formes»qui montrent «comment lacréation peut se nourrir d’autrestraditions, être revivifiée». Ilavoue leur prêter une attentionparticulière. Les «grandes»formes de l’édition 2013, nemettent cependant pas moinsen appétit : Patrice Chéreau etEsa-Pekka Salonen s’associentpour une lecture eschyliennede l’Elektra de Strauss (lire ci-contre), l’Elena de Cavalli,opéra inouï de 1659, revient à lavie (lire page IV), et KatieMitchell mène une création ducompositeur portugais VascoMendonça (lire page VI).«D’année en année, je croisqu’on habitue les gens à debonnes surprises, conclutFoccroulle, comme en 2011,avec le Nez de Chostakovitchmis en vidéo par WilliamKentridge ou le Rossignol deStravinsky par Robert Lepage ily a trois ans.» Et comme on neva plus seulement à l’opérapour jouir de jolies robes etd’une absence lénitive d’idées,compositeurs, instrumentisteset metteurs en scène de cetteédition d’Aix s’expriment dansles pages qui suivent.

PRÉLUDE

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013II • FESTIVAL D'AIX

Page 22: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Patrice Chéreau détourne le livret de Hofmannsthalpour en tirer une œuvre tout en lumière:

à moi de comprendre ce quela musique me raconte etd’essayer de le faire partager.Qu’est ce qui est le plus diffi-cile pour vous dans la mise enscène d’Elektra?Ce qui reste à mettre enscène, parce que je ne saispas ce qui se passe. Je suistrès préparé sur le début,mais ça va aller vite. Jeconnais à peine Oreste,Mikhail Petrenko, que j’ai vuà Berlin quand on est alléchercher Waltraud Meier.Laquelle interprète Clytem-nestre, un rôle clé pourvous…Waltraud a déjà été Clytem-nestre en 2010 à Salzbourg,et c’est moi qui l’ai deman-dée pour notre productionparce que, en général, lesClytemnestre sont grotes-ques alors qu’elle joue etchante sérieusement le rôle.Et j’adore travailler avecelle. Je lui ai demandé il y atrois ans, mais elle n’est pasvraiment libre, c’est pour çaqu’on est allé travailler àBerlin et qu’on va ensuite àMilan, où l’on retrouve aussiPetrenko.Le public n’aime en généralpas être dérangé. Est-ce quevous craignez ses réactions?Je ne m’occupe jamais dupublic, parce que je ne saispas qui va venir. Le problèmedes mises en scène qui veu-lent détourner le livret, ceque j’essaie de faire, commetoujours, c’est qu’à un mo-ment donné, quand ce sontdes opéras que les gens con-naissent, il faut les détournertrès violemment. Le publicd’opéra croit connaître l’his-toire. Ils ont déjà vu et en-tendu Elektra vingt fois. Or,moi, j’essaie de leur raconterune autre histoire, un peudifférente, celle que j’en-tends dans la musique, etdont personne ne peut medire qu’elle est fausse.Il faut qu’il y ait des signesun tout petit peu plus mar-qués pour que les gens se di-sent : «Ah, ce n’est pascomme d’habitude.» Les in-tentions de la mise en scènedoivent être très lisibles. Cequi ne veut pas dire que lesdétails ne sont pas en demi-teintes. Si l’on ne fait pas at-tention à ça, aux positions,aux regards et surtout às’adresser aux autres, brus-quement, on tourne au cli-ché. La convention revientsans qu’on le veuille.

Recueilli par É.Lo.

«J’ESSAIE DE RACONTERUNE AUTRE HISTOIRE»

L e 3 juin, à Aix-en-Provence, coincé en-tre la fin des répéti-tions et un rendez-

vous avec costumier et per-ruquier, Patrice Chéreaumange une banane en ré-pondant à nos questions.«Mais trente minutes, ça ne vapas vous suffire ? – Si, si.»De quoi vous êtes-vous servipour votre mise en scène?D’abord de la pièce deHofmannsthal, sans les cou-pes opérées parStrauss pour le li-vret. C’est impor-tant de savoir cequi a été coupé.Ensuite, je suis re-venu à l’Orestied’Eschyle, à toutela genèse d’Elek-tra. Eschyle, dont l’écho estfort pour moi, Euripide, puisSophocle, que je n’aime pasdu tout. C’est chez Eschyleque Clytemnestre est la plusintéressante: avec Sophocle,Electre devient une héroïnetotale, indiscutable, ce quitransforme Chrysothémis enpauvre fille et la reine enmonstre. Or, moi, je veuxéquilibrer les trois femmes,sans les juger. Est-ce Chry-sothémis qui a raison quandelle dit qu’elle veut vivre ?C’est pour cela que je la faisassez violente. Est-ce quec’est Electre qui ne veut pasvivre et qui reste dans ledeuil de son père ? Ou bienClytemnestre ? En fait, jecrois que j’essaie de faire unpeu comme avec Phèdre. Jetourne autour de quelquechose que, je pense, je ne fe-rai jamais de ma vie, la tra-gédie grecque. J’en mets enscène des ersatz, je montePhèdre et Elektra comme sic’était du Eschyle. Mais jen’ose pas m’attaquer à latragédie grecque pure, car ily a une difficulté noire, quiest l’incarnation du chœur.A l’opéra, c’est plus facile, ilexiste de fait.Du coup, vous faites passerElektra de la nuit à la lu-mière…En général, les mises enscène d’Elektra choisissentun bunker, ou des ruines,genre troisième guerre mon-diale. J’ai changé deux motsen allemand. La premièreservante, dans la scène dudébut, dit: «Quand le soleil secouche, elle est là, elle se la-mente.» A cause de cettedeuxième réplique, habituel-lement, tout l’opéra se pré-

sente noir. J’ai changé pour«quand le soleil se lève». Onest donc en pleine lumière.Les murs seront clairs, pro-bablement une sorte de crépiitalien. C’est une maison oùil pourrait ne pas y avoir detragédie. Il ne faut pas quecelle-ci soit inscrite dans ledécor. C’est le meurtred’Agamemnon et ses consé-quences qui amènent la tra-gédie. La maison a été com-plètement désorganisée par

ce meurtre, c’estune sorte de pa-nique complexe,même dix ansplus tard.On fait aussi sou-vent disparaîtreles servantesaprès la première

scène, en suivant le texte.Moi je les fais rester et j’ai ra-jouté des actrices : ce n’estpas seulement Electre qui estperturbée par la mort dupère, c’est tout le monde. Etchacun a sa façon de réagir.Par exemple, Clytemnestrene parle jamais du meurtre.C’était chez Hofmannsthal,mais Strauss l’a coupé. Elec-tre ne prononce jamais lemot «vengeance», elle at-tend que quelqu’un viennel’accomplir et ne se résigneque très tard à tuer elle-même. Et, sur ce point, lacorrespondance de Hof-mannsthal contient une ré-férence essentielle : il a reluHamlet avant d’écrire Elek-tra. La plupart des mises enscène font comme si Elektraallait tuer elle-même : on lamontre avec la hache dès ledébut. Or on oublie qu’ellene le fait jamais. Et il y a unetrès belle pièce du répertoiresur quelqu’un qui ne réalisejamais ce qu’il dit qu’il vafaire, c’est Hamlet. De fait,Hofmannsthal n’a presquerien repris de Sophocle. Enrevanche, il y a des mo-ments, quand il évoque lesrepas du roi, par exemple,qui sont tirés de Hamlet.On a l’impression que vousdirigez un orchestre quandvous mettez en scène…A un moment donné, la mu-sique doit aller avec lescorps. Mais je le fais tout letemps. Je ne m’en rends pascompte. Au cinéma, il y a desacteurs qui me disent : «Tune veux pas te déplacer? Parceque tu me déranges quand jejoue.» Je suis un peu expres-sif, on va dire, un peu exces-sif, mais bon, c’est ma façon

N.G

UÉR

IN

MISE EN SCÈNE À LA SOURCE

«Dans la collection GF,chez Flammarion, l’Orestied’Eschyle est brillamment pré­facée par un garçon avec quij’ai travaillé, un dramaturge àl’Odéon, Daniel Loayza, et quiavait traduit le texte grec pour

Georges Lavaudant.»

«C’est unephoto dejournal,extraited’une sérieque j’avaisgardée etexposéeau Louvre

en 2010. Une femme kosovare durantla guerre, dont les costumes d’Elektra sontun peu inspirés. Pour le décor,Richard Peduzzi a travaillé de son côté.»

«Puisque Esa­PekkaSalonen n’a pas gravéd’Elektra, j’ai travailléavec l’enregistrementde Daniel Barenboim.Je lui en ai parlé. C’étaitle seul que je suppor­

tais. J’ai acheté la version 1949 de DimitriMitropoulos, mais le son est épouvantable.»

DAV

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AU

CH

LI.A

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Répétitiond’Elektra avec

Patrice Chéreau(de dos)

et EvelynHerlitzius

(au centre),au Grand Théâtre

de Provence,à Aix.

PHOTO PASCALVICTOR. ARTCOMART

vante, a connu un jour une mise enplace qui a pris quatre-vingt-dix-huit heures. «Plus que quatre-vingt-dix heures», s’amuse Chéreau, re-gardant sa montre, soufflant commeaprès un épaulé-jeté. A la pause, il senourrit d’eau et de bananes. Ellessont noires : «Il ne faut jamais lesmettre au frigo.» On attend le chef,Esa-Pekka Salonen, pour le lende-main, qui répétera de son côté. Mon-ter un opéra consiste à fabriquer despièces (mouvements, décors, chant)qu’on assemble ensuite.La méthode Chéreau, c’est d’être àl’écoute des corps. Il se tient à peuprès comme un gardien de but ouune antenne, les bras écartés, le bas-sin légèrement en arrière, mobile,prêt à attraper une onde ou une pos-ture. Un pianiste accompagne leschanteuses, un chef bat la mesuredevant une caméra, l’action se dé-roule, Chéreau observe. Sa gestiquecombine trois registres: il est 1) chefd’orchestre, marquant les dynami-ques de la partition, saisissant au volun accent (il ferme le poing); 2) en-traîneur de foot, comparant le matchsous ses yeux et celui qu’il a dans latête, se balançant latéralement poursuivre les joueurs et 3) chaman télé-kinésiste, agitant le corps des chan-teuses par son propre corps, commeune main dans un gant. Il souffle desmodifications à son assistant, re-tourne sur le plateau, dit: «Il faut queje regarde encore une fois.»

FRÉMISSEMENT. Lorsqu’il s’agit dediriger un groupe, Chéreau fait unesculpture. Lorsque ce sont des indi-vidus, il entre en osmose. Sur scène,il enlace, mime, questionne, écoute:«Je peux prendre les deux seaux»,suggère une chanteuse française.«Gut, gut», répond-il en allemand.Chrysothémis (Adrianne Pieczonka)propose de se redresser sur les mots«que je meure». Validé. D’autres fois,ce sera non, gentiment mais ferme-ment. On discute «blick» (regard),«antizipieren», fixer sa présence surcelle de sa partenaire ou l’éparpillerdans l’espace, la repousser ou se re-croqueviller pour l’éviter: différenceentre figurer l’exclusion ou la me-nace. Plus tard, il raconte une scènedu Lola Montès d’Ophüls pour expli-quer le frémissement du peuple dansle palais d’Agamemnon.L’esprit Chéreau, c’est aussi l’amitiéet l’attention à l’autre. Franz Ma-zura, 89 ans, et Donald McIntyre,78 ans, les Gunther et Wotan du Ringen 1976, reviennent sur cette Elektra,tandis que Clytemnestre est confiéeà Waltraud Meier, qui fut la Marie deWozzeck et qui avait chanté Wagnerlors de l’expo Chéreau en 2010 auLouvre. Une attention à l’autre par-fois surprenante: une fois les répéti-tions finies, alors qu’on croise BonitaHyman à la caisse du Monop avecson cabas, elle nous gratifie d’ungrand sourire et d’un petit geste dela main. On croyait durant toutl’après-midi qu’elle n’avait mêmepas remarqué notre présence. •

ELEKTRA de RICHARD STRAUSSDir. mus Esa­Pekka Salonen, m.s. PatriceChéreau, avec Evelyn Herlitzius, WaltraudMeier… Les 10, 16, 19, 22 juillet à 20h et le13 à 17h au Grand Théâtre de Provence.

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 FESTIVAL D'AIX • III

Page 23: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

TRANS Trois siècles et demi après sa création, l’opéraburlesque de Francesco Cavalli revoit le jour à Aixsous la baguette de Leonardo García Alarcón.

«ELENA» ET LES GARÇONS,MASCARADE VÉNITIENNE

C’est qui celle-là, Elena ? An-goisse du critique d’opéra quidoit parler d’une œuvre jamaisjouée depuis 1659 et qui nepeut donc pas prédire si ce seramieux ou moins bien qu’avec

la Callas. Elena, c’est Hélène de Troie, dans unlivret de Giovanni Faustini, collaborateur habitueldu Vénitien Francesco Cavalli (1602-1676), donton rappelle qu’il est le maître de l’opéra «public»italien, élève du «privé» Monteverdi.A Venise, l’opéra ne s’adresse plus seulement auxnobles: la variété est de mise avec ariosos et ariet-tes de toutes les humeurs, contrastes, change-ments de lieux aussi souvent que possible. On levoit dans cette comédie trépidante où Elena prati-que le jogging et où les hommes se travestissent.Argument d’époque: «On y représente les amours

de Ménélas qui, pour s’introduire au service d’Elena,se fait passer pour une Amazone fameuse à la lutte ;on représente Thésée enlevant Elena, et on invente quePirithoüs, ayant vu Ménélas en habit féminin lutteravec Elena, le prend pour une femme, s’en éprend etl’enlève.» Il y a aussi Hippolyte, Castor et Pollux,plus «divers incidents».Le chef argentin Leonardo García Alarcón et saCappella Mediterranea devraient faire poudroyerles cordes pincées, en accord avec une mise enscène ouverte de Jean-Yves Ruf, au sens de l’équi-libre déjà exercé chez Haendel et Mozart. Dans lerôle-titre, la jeune et acidulée Emöke Barath enreine de la course à pied. •

ELENA de FRANCESCO CAVALLIDir. mus. Leonardo García Alarcón, m.s. Jean­Yves Ruf,avec Emöke Barath, Valer Barna­Sabadus…Du 7 au 21 juillet au Théâtre du jeu de paume (Aix),et les 25 et 27 juillet au Théâtre des Salins (Martigues).

Par ÉRIC LORET

Une répétition de l’Elena de Cavalli, jamais jouée depuis 1659, sous la houlette du metteur en scène Jean­Yves Ruf. PHOTO PASCAL VICTOR. ARTCOMART

Les costumesde Neptune

(à gauche)et Junon

signés ClaudiaJenatsch.

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013IV • FESTIVAL D'AIX

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Le contre­ténor roumain, révélé parl’«Artaserse» de Leonardo Vinci, promet defaire sensation en Ménélas dans «Elena».

LE SACRE FRANÇAISDE VALERBARNA­SABADUS

C’était en 2009, auPalais Garnier.En un seul air,de surcroît au

troisième acte, Valer Barna-Sabadus impressionnait for-tement le public parisienvenu découvrir le Demo-foonte de Nicola Jommelli dirigé,comme à Salzbourg quelques semainesplus tôt, par Riccardo Muti.Puis on oublia ce jeune chanteur pro-metteur jusqu’en 2012, où on le vit suc-cessivement en Iarba dans la Didone Ab-bandonata de Johann Adolph Hasse, àl’Opéra royal de Versailles, et dans l’Ar-taserse de Leonardo Vinci, un ouvrageméconnu du compositeur calabraisrecréé à Nancy. Entouré d’autrescontre-ténors de choc comme PhilippeJaroussky, Max Emanuel Cencic, FrancoFagioli et Yuriy Mynenko, le chanteurroumain incarnait une Semira de puregrâce, dans ce qui restera comme l’évé-nement lyrique de l’an dernier enFrance.Clair et fruité. Les mélomanes fran-çais qui n’ont entendu l’Artaserse ni àNancy ni au Théâtre des Champs-Ely-sées – ce qui est excusable – mais pasnon plus l’enregistrement réalisé parVirgin Classics – ce qui l’est moins –vont avoir un choc à Aix: avec son tim-bre de soprano clair et fruité, son enga-gement dramatique et son style raffiné,Valer Barna-Sabadus est un interprètemajeur de la musiquebaroque et de Cavalli,dont il a déjà chanté lerôle d’Endimione dansla Calisto.C’est à Arad, en Rouma-nie, non loin de la fron-tière hongroise, que le chanteur est né,le 15 janvier 1986. Sa mère était alorspianiste et son père violoncelliste. Las,ce dernier meurt quand l’enfant a 4 ans,peu avant la fin de la dictature et l’exé-cution des époux Ceausescu. Sa grand-mère étant allemande, la famille émigreà Munich en 1991, et l’enfance du chan-teur se poursuit dans des conditionsmatérielles bien meilleures. Il s’initie auviolon et une amie de sa mère, d’originerusse, lui apprend le piano. Mais, à17 ans, il a la révélation de sa vocationen regardant la télévision: sur l’écran,Andreas Scholl, le contre-ténor supers-tar des années 90, l’interprète d’élec-tion de Bach, Byrd, Dowland et Haendelque s’arrachent tous les grands chefsbaroques, de Philippe Herreweghe àRené Jacobs. L’adolescent captivé semet aussitôt à l’imiter. Sa mère, intri-guée, l’entraîne au piano, lui fait chan-ter des classiques du répertoire sacré,comme l’Ave Maria de Schubert, et réa-lise que son fils dispose d’une agilité etd’une consistance inhabituelles dans le

registre aigu. A 18 ans, ValerBarna-Sabadus part doncétudier à la Hochschule deMunich, sous la houlette dela soprano Gabriele Fuchs.En 2009, il devient membrede l’Académie de théâtre ba-varoise August-Everding, où

il achève actuellement sa maîtrise, touten se préparant à la recréation mondialed’Elena à Aix-en-Provence. «Je suis bienentendu très excité de venir à Aix, confiaitrécemment le contre-ténor, car on peuty entendre plusieurs siècles de musique etbeaucoup de grands artistes. Elena, çafait trois cent cinquante ans que cela n’apas été donné, et pour moi c’est unchef-d’œuvre tragicomique. Il y a treizepersonnages, dont plusieurs couples. Jejoue Ménélas, un roi qui tombe amoureuxd’Elena et qui doit se transformer en lut-teur pour la séduire. C’est à la fois une co-médie divine, humaine, et mythologiqueavec force rebondissements, jeux de sé-duction et travestissements. Quant à lamusique, elle est fantastique. Pour moi, ily a dans cette œuvre des duos encore plusbeaux que dans le Couronnement dePoppée de Monteverdi.»Contemporain. Après avoir incarnéSesto dans la Clémence de Titus de Mo-zart à l’Eté musical de Schwetzingen,sous la direction de Dan Ettinger,Ruggiero dans l’Orlando Furioso de Vi-valdi à l’Opéra de Francfort, Armindodans Partenope au Théâtre d’Etat de

Karlsruhe et Rinaldo au festival Haendelde Halle, Valer Barna-Sabadus s’est ré-cemment lancé dans le répertoire con-temporain en créant Last Desire de lacompositrice Lucia Ronchetti sur untexte d’Oscar Wilde.Le secret de son style vocal d’unegrande plasticité ? «Il n’y en a pas, ré-pond-il. Je n’ai pas travaillé avec descontre-ténors mais avec une soprano ly-rique. L’important est d’avoir une bonnetechnique, et cela tout grand chanteurpeut vous l’apprendre. Je n’ai pas une trèsgrande voix, en volume, donc j’essaie defaire ce qui est le meilleur pour moi.»Déjà enregistrée sur sept disques, dontl’excellent Hasse Reloaded publié parOehms Classics, la voix de Valer Barna-Sabadus est sans nul doute l’atout ma-jeur de cette Elena, recréation d’autantplus attendue que l’on n’a pas oublié lafabuleuse résurrection de la Calisto il ya dix-huit ans, par René Jacobs, et l’ex-traordinaire Egisto de Vincent Dumestrel’an dernier.

ÉRIC DAHAN

Marc Minkowski fait son grand retour aufestival d’Aix. Encore auréolé du succès de sapremière édition à la tête de la Mozartwochede Salzbourg, plusieurs défis l’attendent. Lepremier est de diriger non pas ses Musiciensdu Louvre mais le London SymphonyOrchestra dans Don Giovanni, le chef­d’œuvre de Mozart. Connaissant la flexibilitéde ce remarquable orchestre, il ne devraitavoir aucun mal à lui imposer ses choix detempos et de phrasés inspirés par larévolution musicologique baroque.Le deuxième défi sera d’exalter la théâtralitéde la musique de Mozart au point que pluspersonne ne prête attention à ce que l’on voitsur scène. Car si Dmitri Tcherniakov fit forte

impression avec ses Eugène Onéguine àGarnier, puis Macbeth à Bastille, il eut moinsde chance avec ce Don Giovanni dévoilé il y atrois ans au Théâtre de l’Archevêché.Transposés dans un salon bourgeoismoscovite, l’intrigue et les rapports entre lespersonnages devenaient incompréhensibles:Don Giovanni était le mari d’Elvira, cousinede Donna Anna, tandis que Zerlina devenaitsa fille ou celle du Commandeur, on ne saitplus. Mais l’opéra étant avant tout écrit pourdes chanteurs, s’ils sont bons cette année, lapartie sera gagnée. É.D.«Don Giovanni» de Mozart. Dir. mus. MarcMinkowski, m.s. Dmitri Tcherniakov.Du 5 au 23 juillet au Théâtre de l’Archevêché.

«DON GIOVANNI» EN RUSSIEMARC MINKOWSKI REPREND LA BAGUETTE DANSUNE PRODUCTION DE DMITRI TCHERNIAKOV

La mise en scène de Tcherniakov, à Aix en 2010. PHOTO P. VICTOR. ARTCOMART

A 17 ans, Barna­Sabadus a la révélationde sa vocation en regardant latélévision: sur l’écran, Andreas Scholl, lecontre­ténor superstar des années 90.

A.S

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INNOCENCES

20132014

www.operanationaldurhin.eu

Opéra

DE LA MAISON DES MORTS janácek LA CENERENTOLA Rossini

RIGOLETTO verdi

ALADIN ET LA LAMPE MERvEILLEUSE Rota

DER FLIEGENDE HOLLÄNDER wagner LE ROI ARTHUS Chausson

LA COLOMbE Gounod / LE PAUvRE MATELOT Milhaud

DOCTOR ATOMIC Adams

PLATéE Rameau

danseLE SANG DES éTOILES Malandain

PINOCCHIO Cavallari

DIE SCHÖPFUNG (LA CRéATION) Scholz GENESIS jeunes chorégraphes

récitals Christoph Prégardien / Mojca Erdmann Angelika Kirchschlager / Albert Dohmen Stéphane Degout / Sophie Koch

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Strasbourg • Mulhouse • Colmar

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 FESTIVAL D'AIX • V

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BÂTI Le compositeur portugais influencé parStravinsky et Messiaen présente une œuvrecommandée spécialement pour le festival,d’après une nouvelle de Julio Cortázar surl’angoisse de l’envahissement.

«THE HOUSETAKEN OVER»MENDONÇAMONTESA BARAQUE

Après George Benjamin l’andernier, avec Written on Skin,le festival d’Aix a fait appel àl’un de ses élèves, le PortugaisVasco Mendonça, pour créerun ouvrage lyrique qui sera

présenté en création mondiale. Le composi-teur a choisi d’adapter, avec sa librettiste SamHolcroft, une nouvelle de Julio Cortázar écriteen 1946 et intitulée Casa Tomada, qui racontel’envahissement mystérieux d’une maison oùvivent reclus, depuis des années, un frère etune sœur. La menace est-elle vraiment exté-rieure? N’est-ce pas plutôt leur enfermementprogressif dans des habitudes confinant aurituel qui a aliéné les habi-tants de cette maison? «Biensûr, répond Mendonça. Si lalecture politique de cette nou-velle, écrite sous la dictature,est légitime, sa portée n’en estpas moins universelle. Je l’aidécouverte il y a des années, et j’ai été très im-pressionné. Au départ, on est dans un thriller :qui sont ces gens ? Pourquoi réagissent-ilsainsi ? On comprend progressivement que leshabitants n’ont pas peur mais redoutent objecti-vement les conséquences de cette invasion surleur vie quotidienne. Le mystère donc n’est plusdu côté des envahisseurs, dont on ne saura ja-mais qui ils sont véritablement, mais du côté dece frère et de cette sœur qui veulent à tout prixcontinuer à vivre selon une routine bien établie.Ce qui leur arrive est peut-être un rêve, la maté-rialisation magique d’une panique d’être dépos-

Par ÉRIC DAHAN sédé de soi. Encore une fois, Cortázar n’apporteaucune réponse, et j’aime cette liberté d’inter-prétation, car elle est très stimulante pour uncompositeur.»

BE­BOP. Né le 7 mars 1977 à Porto, Mendonçan’était pas prédestiné à devenir compositeur.Certes, son père médecin et sa mère profes-seure étaient mélomanes, et écoutaient musi-que baroque, classique, opéra et jazz à la mai-son. Mais ce n’est qu’à 14 ans que l’adolescenta eu le déclic: «Le be-bop, le cool jazz, je com-prenais. Puis j’ai découvert A Love Supreme deJohn Coltrane, et les disques, de plus en plus free,de la fin de sa vie. Et, là, j’ai vraiment été inter-pellé.» Il commence donc à apprendre la gui-tare jazz et décide d’aller au conservatoire

municipal, conscient du fait que des basesclassiques sont indispensables, quelle que soitla musique que l’on veut jouer ou composer.S’il admire, comme tout le monde, le maîtreWes Montgomery, Mendonça se passionnepour deux guitaristes. Le premier, John Sco-field, est entré dans l’histoire avec les soloscubistes émaillant le fantastique Decoy de Mi-les Davis et la tournée qui suivit en 1984. Ledeuxième, c’est Bill Frisell, le roi du sustain,dont les volutes atmosphériques font tout leprix du Paul Motian Trio avec le saxophonisteJoe Lovano. Sous leur influence, Mendonça

«J’ai essayé de trouver un équilibre entreune écriture très classique, voire belcantiste,et des interventions plus audacieuses.»Vasco Mendonça compositeur

France Musique au festival d’Aix

Vos soirées concerts sur France Musique Mercredi 17 juillet, 20h > en directLondon Symphony Orchestra. Gianandrea Noseda, direction Samedi 27 juillet, 20hDon Giovanni de MozartLondon Symphony Orchestra. Marc Minkowski, direction

Jeudi 1er août, 20hOrchestre de Paris Esa-Pekka Salonen, direction 94.2

francemusique.fr

Le magazine Les 17, 18 et 19 juillet à 18hen direct et en public, cour Maynier d’Oppède

avec Lionel Esparza

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013VI • FESTIVAL D'AIX

Page 26: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Vasco Mendonçafut l’élève deGeorge Benjamin,qui l’a précédé àAix l’an dernier.PHOTO DR

«Ce sera un Rigoletto assezsombre», promet BernardFoccroulle, le directeur dufestival, en toute logique,donc, avec le drame du livrettiré de Hugo (le Roi s’amuse),qui voit un bouffon dépravétenter de venger l’honneurde sa fille malgré elle. Unehistoire qui ne peut finirqu’en boudin: la fille sesubstitue à son amant etmeurt frappée par sonpropre père.L’opéra contient au moinsdeux tubes, La Donnae Mobile et Juanita Banana(ou presque), popularisé parHenri Salvador. A labaguette, GianandreaNoseda, directeur du BBCSymphonic, à l’aise dans lespoèmes symphoniques deLiszt ou l’opéra verdien(Don Carlo, au Théâtre desChamps­Elysées en avril),qu’il prend avec des temposénergiques et swing (voir sonenregistrement de La Donnachez DeutscheGrammophon avec RolandoVillazón). Le baryton GeorgeGagnidze, Rigoletto aroundthe world depuis 2009, fait

sa première apparitionfrançaise dans le rôle­titre,où la critique a jusqu’ici louésa puissance et son timbreen regrettant qu’il n’emportejamais tout à fait l’émotion.Reste à compter sur la miseen scène de Robert Carsen,vieux routier à qui l’on doitenviron 80 opéras jamaisratés, toujours émerveillantsmais plutôt sages. Son credo,donné dans l’Avant­scèneOpéra n°269 en 2012 : «Authéâtre, le spectateur payepour voir de la réalitédéformée. […] Sommes­nousdans une œuvre réaliste,naturaliste, expressionniste,impressionniste, surréaliste?Reste qu’au final, l’importantn’est pas ce que je veux, maisce que l’œuvre veut.»Cette version de Rigolettoira entre autres à Bruxelleset Genève, mais aussi àStrasbourg et Mulhouse,l’Opéra national du Rhinétant coproducteur. É.Lo.«Rigoletto» de Verdidir. mus.: Gianandrea Nosedam.s.: Robert Carsen.Du 4 au 26 juillet au Théâtre del’archevêché.

«RIGOLETTO» SUR DES ROULETTESCARSEN, NOSEDA ET GAGNIDZE, GRANDCHELEM VERDI À L’ARCHEVÊCHÉ

compose dès l’âge de 15 ans des thèmes pourson propre groupe. Deux ans plus tard, il aune nouvelle révélation, celle de la Symphonied’instruments à vents de Stravinsky et de lamusique d’Olivier Messiaen. C’est décidé, ilsera compositeur.Après deux années passées à suivre des coursd’analyse et de composition, il part se per-fectionner et rédiger sa maîtrise à Amster-dam, avant de revenir étudier deux ans deplus à Lisbonne. A la fin des années 90, ilprésente sa musique à George Benjamin et luidemande s’il l’accepterait comme élève pourson année de thèse, ce que le compositeur,qui fut le dernier élève d’Olivier Messiaen,accepte. «Je suis un grand admirateur de lamusique de George Benjamin, car elle est auconfluent de plusieurs courants actuels maisn’en demeure pas moins originale et person-nelle. J’admire son grand métier, sa façon detrouver de nouvelles combinaisons musicales etsonores et de les couler dans une forme théâ-trale, riche, élégante, séduisante.»

LITURGIE. Le festival permettra aussi d’en-tendre d’autres pièces de Mendonça commeDrive, un trio pour violon, violoncelle etpiano créé en 2003 dont les constants flux denotes et les superpositions de rythmes, mè-tres, accents et valeurs, trahissent l’influencedes Clocks ligetiens et de Harrison Birtwistle.On donnera également son quatuor à cordes,intitulé Caged Symphonies, composé en 2008.La pièce alterne mouvements constants, dia-logues entre instrument solo et multiples, surle modèle des répons dans la liturgie d’église,et enfin, des mécanismes complexes combi-

nant cycles et périodes de structures diverses.Sur le site du compositeur, on peut avoir unaperçu de son écriture avec un fragment dePing, adaptation lyrique d’une pièce de Bec-kett. «L’écriture vocale de The House TakenOver sera assez différente de celle de Ping, ausens où il ne s’agit pas d’un texte abstrait maisnarratif. J’ai donc essayé de trouver un équilibreentre une écriture très classique, voire belcan-tiste, qui serve la progression dramatique, et desinterventions un peu plus audacieuses, notam-ment des sauts de registre typiques de l’écriturecontemporaine, quand le drame et la psychologiedes personnages l’exigent.»On demande à cet ancien stagiaire de l’Aca-démie européenne de musique, fondée parStéphane Lissner pour le festival, ce qu’ilcompte enseigner aux élèves de la masterclass qu’il animera cette année: «Je ne veuxpas influencer leur écriture mais j’aime l’idéede dialoguer et d’exprimer quelque chose avecla musique. Personnellement, la solitude ducompositeur me pèse, c’est peut-être pourquoij’aime de plus en plus partir d’un texte et tra-vailler pour le théâtre. Pour le reste, si je com-prends la nécessité esthétique et politique du sé-rialisme intégral, et l’esthétique du refus descompositeurs de l’avant-garde des années 60,je crois que notre époque est à l’expression et àla communication. Exprimer des choses sensi-bles et raffinées reste un défi excitant à releverpour tout compositeur d’aujourd’hui.» •

THE HOUSE TAKEN OVERde VASCO MENDONÇADir. mus. Etienne Siebens, m.s. Katie Mitchell.Du 6 au 17 juillet au domaine du Grand Saint­Jean.

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LUCIA DI LAMMERMOOR Octobre ROBERTO RIZZI BRIGNOLI / STANISLAS NORDEY

QUARTETT Novembre GEORGES-ELIE OCTORS / ÀLEX OLLÉ (LA FURA DELS BAUS)

TRAGEDY OF A FRIENDSHIP Novembre JAN FABRE

LA PETITE RENARDE RUSÉE Janvier FRANCK OLLU / ROBERT CARSEN

ESCORIAL Février JOSSE DE PAUW / COLLEGIUM VOCALE DE GENT

LA FINTA GIARDINIERA Mars EMMANUELLE HAÏM / DAVID LESCOT

ELENA Avril LEONARDO GARCÍA ALARCÓN / JEAN-YVES RUF

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 FESTIVAL D'AIX • VII

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Le prolifiquequatuor israélien,qui fêteses 20 ansavec un disqueBrahms,se produitdeux soirs à Aix.

JÉRUSALEM CORDES DE RAPPEL

QUATUOR JÉRUSALEMŒuvres de Beethoven, Janácek,Brahms (le 10 juillet) et Mozart, Janácek,Smetana (le 12), à 20 heures au Théâtredu jeu de paume.

La crise économique a du bon:on fait moins d’opéra et plusde musique. Ce n’est sansdoute pas la seule raison pour

laquelle la musique de chambre,que l’on disait agonisante, est entrain de renaître en France. On sa-luait récemment dans ces colonnesle succès planétaire des quatuorsDiotima et Modigliani, rivalisantavec leurs homologues allemandsou américains. Ce retour du quatuorà cordes, «la forme la plus pure de lamusique instrumentale», dixit Fauré,est salutaire, car c’est une école derigueur et d’abstraction pour lescompositeurs, et de discipline pourles instrumentistes.Transparence. Parmi les quatuorsapparus sur la scène internationaleces vingt dernières années, le Qua-tuor Jérusalem n’est pas des moin-dres, comme en attestent les al-bums qu’il publie, au rythme d’unpar an, depuis 2001, chez HarmoniaMundi. Après des Mozart et Haydnd’une grande fraîcheur, des Chos-takovitch remarquables et desSchubert d’anthologie, le QuatuorJérusalem vient de publier un dis-que couplant le Quatuor n°2 deBrahms et son fameux Quintetteavec clarinette. Là où beaucoupcroient traduire le lyrisme du com-positeur en extrêmisant les dyna-miques, jusqu’à assommer l’audi-

teur et faire passer Brahms pour unparangon de lourdeur, le QuatuorJérusalem mise au contraire surl’individuation et la caractérisationdes voix, ose une transparence qui

pourrait être fatale à d’autres for-mations mais qui révèle ici sagrande profondeur et sa maturité.C’est un Brahms vivant, fouillé,creusé dans toutes ses dimensions,

et dont les textures subtiles se déta-chent avec un relief inédit.C’est en 1993 qu’Alexander Pavlo-vsky, premier violon, Sergei Bres-ler, deuxième violon, Amihai

Grosz, altiste, et KyrilZlotnikov, violoncelliste,se sont rencontrés sur lesbancs de l’Académie Ru-bin de Jérusalem, le plusimportant conservatoired’Israël, point de passagede nombre de solistes ve-

nus de Russie avant d’aller se per-fectionner à la Juilliard School deNew York. Alexander Pavlovsky néà Kiev, Sergei Bresler originaire deKharkov et Kyril Zlotnikov né à

Minsk, en Biélorussie, n’ont pas euà aller aux Etats-Unis pour devenirdes géants. Repérés par leur direc-teur dans l’orchestre du conserva-toire de Jérusalem, la ville nataled’Amihai Grosz, les adolescents ontété aussitôt confiés à un fameuxpédagogue: le violoniste d’origineroumaine Avi Abramovitch, qui lesa initiés à la technique et au réper-toire du quatuor à cordes. En 1997,le tout jeune ensemble remporte lepremier prix du Concours Schubertà Graz et commence à être invitédans le monde entier. Du Concert-gebouw d’Amsterdam au LincolnCenter de Manhattan en passantpar le festival de Salzbourg, il n’est

pas de grande salle ou rendez-vousprestigieux où le quatuor ne se soitproduit.Si Amihai Grosz est parti en 2010rejoindre les rangs du Philharmo-nique de Berlin où il occupe le posted’altiste solo, son remplaçant, OriKam, né à la Jolla, en Californie, etfrère de la clarinettiste SharonKam, n’est pas non plus manchot,comme le rappelle la liste des musi-ciens avec lesquels il a collaboré :Daniel Barenboim, Isaac Stern,Itzhak Perlman, Pinchas Zuker-man, Pierre Boulez, Gil Shaham,Emmanuel Pahud…Drame. Pour son retour à Aix, troisans après y avoir animé des masterclasses, le quatuor a choisi d’inter-préter le Quatuor n°1, en ut mineur,op. 51 de Brahms, le Quatuor en sibémol majeur, K.589 de Mozart, etde mettre en regard les quatuorsn°1, en fa majeur, op. 18 de Beetho-ven et n°1, «Sonate à Kreutzer» deJanácek. S’il n’y a pas grand-choseà dire du K. 529 de Mozart, hormisle fait que sa partie de violoncelleest très exigeante – façon pour lecompositeur de narguer son dédi-cataire, le roi de Prusse, qui se tar-guait de pratiquer l’instrument –,le rapprochement des n°1 deBeethoven et de Janácek est ins-tructif: la partition du Tchèque estinspirée d’une nouvelle de Tolstoï,un drame de la jalousie qui s’achèvepar un meurtre et dont le titre, So-nate à Kreutzer, fait référence à laSonate pour violon et piano n°9 en lamajeur de Beethoven qu’interprè-tent les protagonistes.Le quatuor de Janácek Lettres in-times, que donnera également leQuatuor Jérusalem, n’est pasmoins tourmenté car il évoque lacorrespondance amoureuse – pasmoins de 750 lettres!– du compo-siteur avec Kamila Stöslova, unefemme mariée plus jeune que lui.Dans le mouvement lent, Janácekimagine ce qui se passerait entreeux, s’ils étaient un jour réunis.Quant à nous, depuis qu’on les aentendus à l’auditorium du Louvre,on a du mal à imaginer un mondedans lequel les membres du Qua-tuor Jérusalem ne joueraient plusensemble.

ÉRIC DAHAN

Si Amihai Grosz est partirejoindre les rangs duPhilharmonique de Berlin,son remplaçant, Ori Kam,n’est pas non plus manchot.

KIT DE SURVIE

Pour s’enmettre pleinles oreillesavant le festi­val, voici unesélectiond’enregistre­ments réunis

en une seule playlist Spotify. On yaccède en flashant le code ci­des­sus. Au choix, trois versions deDon Giovanni. Celles de JosefKrips (1955, avec Siepi et DellaCasa), de Carlo Maria Giulini(1959, avec Wächter, Sutherland et

Schwarzkopf) et de Nikolaus Har­noncourt (1991, avec Hampson etBonney). L’Elektra de Strauss parKarl Böhm (1955, avec Rysanek).Le Rigoletto de Verdi par TullioSerafin avec la Callas (1955). Elenade Cavalli n’a pas été enregistré,sauf en extraits, précisément parLeonardo Garcia Alarcón, avecAnne Sofie von Otter. On s’ensatisfera, avec le Hasse Reloadedde Valer Barna­Sabadus.Pour les concerts, on a choisi leDebut Recital du Quatuor Jerusa­lem (Chostakovitch et Tchaïkov­

ski), le violoniste Vadim Repin enrécital Tchaïkovski avec ValeryGergiev, Nora Gubisch accompa­gnée d’Alain Altinoglu chantantRavel, Esa­Pekka Salonen diri­geant le Sacre de Stravinsky, RenéPape dans la Walkyrie parGergiev, Gianandrea Noseda etIan Bostridge réunis sur un WarRequiem de Britten.Enfin, côté moins classique, JasserHaj Youssef emmène Jean­PaulRigaud vers l’Orient des trouba­dours et Fabrizio Cassol suit letrio Bravo en Compact (1988).

Le Quatuor Jérusalem a aussi choisi de mettre en regard Beethoven et Janácek. Instructif. PHOTO FÉLIX BROEDE

AGENDAw 14 juin Parade[s], concert gratuitavec le London Symphony Orches­tra sur le cours Mirabeauw 14­16 juin week­end autour dePoulenc et Mozartw 21­23 juin week­end autour deMozart et Krásaw 28 juin­1er juillet week­end autourde Cavalli, Britten, Mozart et Verdiw du 4 au 27 juillet opéras,concerts, manifestations…Tarifs, horaires, lieux surwww.festival­aix.com

11, rue Béranger,75003 Paris.

Tél. : 01 42 76 17 89.Publié par la SARL SNPC.Directeur de publication :

Nicolas Demorand.Commission paritaire :54072ISSN 0335­1793.

CCP 2240185

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013VIII • FESTIVAL D'AIX

Page 28: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

LaCoupedel’AmericajoueàsefairepeurLe chavirage, à l’entraînement, du défi «Artemis», qui a coûté la vie àun marin en mai, a déstabilisé l’organisation à trois semaines des régates.

Par DINO DI MEO planétaire à revoir plusieurs foisleur copie, à trois semaines du dé-but de la compétition.Deux des quatre engagés (TeamOracle, le détenteur du trophée,et Artemis Racing) ont déjà chaviréune fois. La mort du championolympique en Star à Pé-kin (2008) aura précipité leschoses. Louis Vuitton, spon-sor et organisateur historique dela coupe du même nom (celle quidétermine quel challenger varencontrer le détenteur BMWOracle Team USA lors de la Coupe

de l’America, début septembre),aurait même pensé un momentse retirer de la compétition aprèsl’accident, à cause d’un soucid’image de marque.Les résultats de l’enquête officiellen’ont toujours pas été rendus

publics et on comprendaisément, au vu des enjeuxfinanciers et de la renom-

mée de l’événement, que les orga-nisateurs prennent encore desgants, exigeant de la plupart deleurs collaborateurs une discrétionabsolue. Les intérêts économiques

sont colossaux puisqu’ils concer-nent la création de 5 500 emplois,mais aussi des retombées estiméesà plusieurs centaines de millionsde dollars.

SÉCURITÉ. Mais comment redéfinirles règles du jeu sans remettre encause la conception même de cesbateaux jugés extrêmes par lesskippeurs eux-mêmes (lire ci-con-tre) ? Sur ces catamarans dotés demâts ailes, équivalents des proto-types de Formule 1, la sécurité estdéjà à son paroxysme. Chaque

équipier porte un casque, des pro-tections corporelles semblables àcelles des pilotes de moto, ils sontmunis d’un couteau et même d’unebouteille d’oxygène permettant derespirer (dix fois) en cas d’immer-sion. L’Australien Iain Murray, ledirecteur de course, a planché avecun groupe d’experts. Trente-septrecommandations ont été publiées.La plus importante concerne la li-mite maximale de vent, réduite de10 nœuds (passant de 33 à 23), cha-que équipe pouvant aussi refuser deprendre la mer pour des raisons desécurité, sans pénalités financières.En cas de chavirage d’un AC72, lacourse sera terminée et la victoirereviendra à l’autre équipe. Inté-grées au cahier des charges de laCoupe, les recommandations ontété transmises aux gardes-côtesaméricains, seuls habilités à donnerl’autorisation de course.Mais au volet sécurité est venues’ajouter la décision tardive du défisuédois Artemis de rejoindre lacompétition directement en demi-finales, alors que les premiersrounds robin entre les trois chal-lengers étaient prévus dès le7 juillet. Le calendrier a donc voléen éclats et Iain Murray a été con-traint de réduire, d’une part, le

Le team italien Luna Rossa, lors d’un entraînement, le 23 mai, en baie de San Francisco. PHOTO GILLES MARTIN­RAGET.ACEA

L a 34e Coupe de l’Americaest plongée dans un chaosinextricable depuis le tra-gique chavirage de l’un de

ses challengers le 9 mai lors d’unentraînement en baie de San Fran-cisco. L’accident du défi suédoisArtemis Racing qui a coûté la vie àl’Anglais Andrew «Bart» Simpson,l’un des équipiers, a fait ressurgirles dangers de la nouvelle jauge decatamarans de 24 mètres, forçantles organisateurs de cet événement

RÉCIT

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201320 • SPORTS

Page 29: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

nombre de manches de sept à cinq(mesure souhaitée par les équipespour avoir plus de temps de main-tenance) et, d’autre part, le nombrede jours de régates de dix-huit àcinq. Du coup, lundi, les organisa-teurs ont annoncé qu’ils allaientrembourser les billets de la grandetribune…L’annonce d’Artemis n’a pas plu àtout le monde. Le manager d’Emi-rates Team New Zealand, Grant Dal-ton, n’a pas mâché ses mots lundidans le New Zealand Herald. «Donc,on devrait s’aligner sur le plus petit

dénominateur, a-t-il déclaré. C’estcomme si, pour le Mondial de rugby,on réorganisait tout le calendrierparce que la Namibie avait desjoueurs blessés… S’il y avait eu plusde challengers, Artemis aurait natu-rellement quitté la compétition. Maislà, au lieu des douze initialement pré-vus, vu le coût de tels défis [75 mil-lions d’euros, ndlr] nous ne sommesque trois.» Un ticket d’entrée qui a

fait renoncer les défis coréen, fran-çais, australien et espagnol.

TÊTES. Artemis est donc ménagémais, dix semaines après la tragé-die, leur deuxième AC72 n’a tou-jours pas été mis à l’eau et les con-clusions de l’enquête interne sur lechavirage ont mené ses responsa-bles à faire tomber des têtes, dontcelle de l’architecte Juan Kouyou-mdjian. Il était de retour chez lui,à Valence, la semaine dernière, aumoment où sa présence aurait étéindispensable à San Francisco…

Y aurait-il eu de gra-ves problèmes dans laconception du brasde liaison antérieur,celui qui a cédé etprovoqué l’accidentmortel? En attendantce qui se passera en

baie de San Francisco le 7 juillet,Luna Rossa et Emirates Team NewZealand ont commencé à s’entraî-ner, pendant qu’Artemis est con-damné à naviguer pour l’instant surson catamaran de 45 pieds. L’évé-nement gigantesque imaginé etexigé par le richissime propriétaired’Oracle, Larry Ellison, en a pris uncoup. Et certains verraient bientout le barnum se dégonfler. •

La compétition, créée en 1851, est organisée selon le bon vouloir de sondétenteur, parfois aux dépens des nostalgiques des monocoques d’antan.

Comme un combat de boxepour mangeurs de ventL’ aura de la Coupe de l’America

tient à deux éléments contradic-toires: tout d’abord, c’est un duel

maritime, un combat de boxe sur l’eau,un affrontement à armes plus ou moinségales, un étripage de chiens de merjusqu’au dernier sang, une compétitionfatale où il n’y a jamais de second et oùle vainqueur gagne tout, même le droitde changer les règles. Ensuite s’affron-tent –souvent mais pas toujours– dansce cadre ce qui se fait de mieux en ma-tière d’architecture navale, les plusbeaux voiliers de la terre, et non de lamer, car ces engins traversent rarementl’océan et rentrent à quai toutes lesnuits. Parfois, mais pas obligatoirement,ce sont les plus extraordinaires ma-chines à remonter le vent, les plus inno-vantes. Mais une Coupe de l’Americapeut tout aussi bien se disputer sur desmachines plus classiques, de celles dugenre à remonter le temps, car l’impor-tant n’est pas d’aller vite dans l’absolu,mais d’aller plus vite que le rival.Se bagarrer. L’histoire de l’America,créée en 1851, est faite de cette dialec-tique. Le débat a toujours existé entre lestenants du duel qui se fichent du sup-port nautique et les fascinés de l’inno-vation qui veulent se bagarrer sur ce quise fait de mieux techniquement. Dansl’entre-deux-guerres, les Classe J sontd’extraordinaires voiliers qui peuventmesurer une quarantaine de mètres. Ilssont armés par les magnats de l’époque

(Lipton, Vanderbilt) et menés par deséquipages en surnombre. Cette magnifi-cence ne survivra pas au second conflitmondial.Dans les années 70-80, l’époque est à ladémocratisation du yachting. Les capi-taines-entrepreneurs montent leursprojets en draguant le sponsor. Les12 M JI sont des monocoques d’unevingtaine de mètres bien moins rapidesque les multicoques qui commencent àtraverser les océans, mais qui permet-tent des affrontements au couteau pourdes budgets accessibles. En Australie,en 1986, 13 challengers et 5 defendersd’une dizaine de pays sont en lice.Un autre problème de l’America, c’estque les participants n’ont jamais voulus’affilier aux fédérations sportives com-pétentes. C’est un peu comme si c’étaitle vainqueur de la Coupe du monde defoot et non la Fifa qui décidait des règlesde l’édition suivante. Ce refus d’entrerdans une logique sportive permet desattaques judiciaires plus ou moins dé-lirantes. Chaque fois, le procédurierprétend en revenir à la lettre, sinon àl’esprit, d’un texte fondateur datantdu XIXe siècle, le Deed of Gift. Le pire,c’est que ce genre de guérilla légaleaboutit régulièrement. En 1988, on vitles plaideurs néo-zélandais se présentersur un monocoque de 40 mètres et sefaire couper en rondelles par un «petit»catamaran de 20 mètres, arme imaginéeen défense par Dennis Conner.

Ensuite, entre 1992 et 2007, les chosesse calment un brin et les Class America,monocoques modernisés, permettentune homogénéité de la flotte. Problème,cette stabilité fait paradoxalementexploser les coûts. Gagner le dernierdixième de nœud sur des engins hyper-normés coûte bien plus cher que de par-tir d’une page blanche. Les riches re-prennent le pouvoir, un instantabandonné aux techniciens et aux spor-tifs. Bien sûr, ces prédateurs n’hésitentpas à faire donner leurs avocats.Aile rigide. En 2010, Larry Ellison,monsieur logiciels, réussit à dépouillerErnesto Bertarelli, monsieur médica-ments. Le trimaran américain, dessinépar les Français Van Peteghem-LauriotPrévost atomise le catamaran suisse,barré par Loïck Peyron. Il revient doncà Ellison de rebattre les cartes. Il choisitle top du top en matière de vitesse et desensations : les AC72, des catamaransde 24 mètres, dotés d’une aile rigide.Ces bateaux impressionnants vontdeux fois plus vite que les Class Americad’antan. Ce qui fascine les mangeurs devent, mais a peu d’importance pour lesamateurs de duel. Surtout, Ellison nefait rien pour baisser les budgets et endémocratiser l’accès. Les riches préfè-rent continuer à débattre en tout petitcomité. D’où la difficulté pour les pro-jets français, comme celui des frèresPeyron, de se mêler au débat.

LUC LE VAILLANT

Le skippeur Franck Cammas a navigué l’automne dernieren baie d’Auckland sur le catamaran AC72 «Luna Rossa»:

«Un bateau extrême à ne pas mettreentre les mains de tout le monde»

F ranck Cammas, 40 ans, spécialiste des grandsmulticoques et aussi vainqueur de la VolvoOcean Race l’an dernier sur Groupama 4, un

monocoque de 70 pieds, a eu l’occasion de naviguerdurant l’automne 2012 sur le défi italien Luna Rossa,lorsque le catamaran AC72 se trouvait en baied’Auckland. Il revient sur la particularité de cesmonstres de 22 mètres.«La Coupe de l’America est la vitrine dece qui se fait de mieux en voile. En cons-truisant ces bateaux, aussi monstrueuxsoient-ils, je suis persuadé que la course vadans la bonne direction. Mais c’est commede la F1, un bateau extrême à ne pas mettreentre les mains de tout le monde.«Les progrès techniques sont incroyables et les ailesrigides allient performance, vitesse et un pilotage in-transigeant. Aucune erreur n’est permise. Rien quela mise à l’eau est délicate, puisqu’il faut placer l’aileau dernier moment sur le catamaran. Je pense mêmeque c’est encore la manœuvre la plus risquée à causede sa grande prise au vent. La sensation est trèsproche des Orma, sauf qu’on ne volait pas. Cette jau-

ge-là a été dessinée en 2010 et les concepteurs n’ontpas anticipé que le bateau puisse voler complètement.Tout le monde s’est engouffré là-dedans et c’estd’ailleurs le problème car un vol est forcément insta-ble. Naviguer avec 30 nœuds de vent était extrême-ment ambitieux. Aujourd’hui, après l’accident d’Ar-temis, les organisateurs ont réduit le seuil de vent

de 33 à 23 nœuds, mais cela reste dange-reux quand même car on file facilement à40 nœuds là-dessus. En fait, on est encoreen train de découvrir ces engins. Il est clairqu’avec le temps, on ira vers un peu plusde sécurité pour ne pas effrayer les marins.Mais un multi, par définition, ça peut cha-virer, d’où l’intérêt de porter un casque et

une bouteille d’oxygène.«Ce format de course est super ambitieux. C’est pourça qu’elle attire les meilleurs architectes et marinsdu monde. En comparaison, les monocoques sontdes dinosaures. Sur un monocoque Class America,un dixième de nœud suffisait pour gagner. Avec lesAC72, c’est autre chose. C’est le Far West !»

Recueilli par D. D.

REPÈRES

LA 34e ÉDITIONLes éliminatoires de la CoupeLouis­Vuitton doivent se dérou­ler du 7 juillet au 30 août dans labaie de San Francisco.Trois challengers se rencontrentdeux par deux: Emirates TeamNew Zealand, Luna Rossa (Italie)et Artemis Racing (Suède).Le vainqueur rencontrera OracleTeam USA, défendeur du tro­phée, du 7 au 21 septembre.

100millions de dollars (75 millionsd’euros), c’est le prix moyend’une campagne de l’America’sCup. Ce chiffre comprend le oules bateaux, mais aussi l’étude ettoute la masse salariale (équipagecompris). On compte 211 person­nes chez Oracle, 155 pour Arte­mis. Team New Zealand et LunaRossa sont plus «petits» (115 et 75).

Les intérêts économiques,colossaux, concernent la créationde 5500 emplois, pour desretombées estimées à des centainesde millions de dollars.

Washington

MEXIQUEMEXIQUEMEXIQUE

ÉTATS-UNIS

CANADA

1200 km

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San Francisco

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 SPORTS • 21

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Sur la photo, j’ai environ 3 ans.C’est dans les années 50, au«jardin de Taksim» comme onl’appelait en français, Taksim

bahçesi en turc. Juchée sur un faon enbronze, le long des balustres blancscomme il y en a au jardin du Luxem-bourg, mon geste imite celui d’Atatürkdont la statuaire, partout dans le pays,s’élance vers l’avenir. Le Père de la na-tion habite déjà mon inconscient.Plus tard, à l’école primaire, j’apprendsl’alphabet turc sous son regard bleud’acier, guidée par une maîtressed’école en blouse noire, comme lesélèves. Par souci d’égalité, pour que lesrobes à smocks puissent côtoyer sur unmême banc les pieds nus des pauvres.Tout à côté du jardin, il y a «le casino

de Taksim», les jeux d’argent y sontprohibés, mais des orchestres et desartistes de variétés étrangers s’y pro-duisent. Ma grand-mère habite tout àcôté et sous-loue une chambre à uneCarmen qui ressemble comme deuxgouttes d’eau à Gina Lollobrigida. Car-men est une jeune fille catholique, avecune grande croix sur sa belle poitrine,sa vertu est à l’abri chez ma grand-mère, une gentille veuve juive vêtue denoir.Plus tard encore, j’ai 18 ans presque,filles et garçons juifs et musulmans,nous sortons dîner la nuit dans notre belIstanbul, nous flirtons gentiment, la vieest si belle. Une nuit, après un dîner auBosphore, nous allons nous bécoter trèschastement sur les bancs du jardin deTaksim. Nous sommes huit à dix jeunes.Surviennent des gardiens de nuit, desbekçi, ils veulent nous conduire au postede police pour atteinte aux bonnesmœurs. Le père d’un des copains est

médecin à l’hôpital de la police, il le ditau gardien, nous sommes sauvés. Je n’aiplus envie de vivre dans ce pays où onne peut pas se bécoter sur les bancs pu-blics, la France m’attend.Sur la place de Taksim ont lieu toutel’année des cérémonies à l’occasion desfêtes nationales, avec dépôt de couron-nes de fleurs et érection de drapeauxrouges frappés du croissant et de l’étoileblancs. L’hymne national retentit, lessoldats casqués de vert, raides commecoulés dans le bronze, se tiennent augarde-à-vous sous l’œil d’Atatürk, ga-rant de la république laïque turque.Dans les années 70, quand l’Anatoliepauvre et démunie vient chercher dutravail dans les grandes villes, des hom-mes dorment souvent sur les bancs dujardin de Taksim. Les nounous en ta-blier blanc et landaus bleu marine ontdisparu, l’Istanbul cosmopolite cède laplace à une ville laborieuse, en quêtedésespérée de travail, d’un logement,d’un bout de pain.Le temps a passé, il y a du travail et del’argent en Turquie, le pays avance àtoute allure vers la modernité, la placede Taksim vit jusqu’au petit matin, ony éteint lumières et sonos au lever dujour, pour quelques heures seulement.Tout le pays vient s’y promener, jeuneset vieux, riches et pauvres, laïcs et isla-mistes, on y sent du mouvement, de lavie. En turc «taksim» signifie à la foisdivision, distribution et un mode musi-cal. Le mot, comme le montre ma photod’enfant, est ancré dans l’inconscientnational, il est la possibilité d’un vivre-ensemble sous la bannière d’une répu-blique laïque. Par-delà les divisions.C’est pour cette raison que les jeunes, nosenfants, y dansent et chantent pour la li-berté. Il est temps. Il ne faut pas le rater.

Par ROSIE PINHAS­DELPUECHTraductrice, écrivaine, directricede la collection «lettres hébraïques»chez Actes Sud

Istanbul, dans le jardin de Taksim

L’AKP ou l’impossible alternance

Alors que le bilan des al-tercations en Turquies’alourdit de jour enjour (4 morts et près de5000 blessés), la re-prise de la place Taksimpar les forces de l’ordre

et les déclarations du Premier ministreaffirmant que le gouvernement nemontrerait plus aucune tolérance àl’égard des manifestants permetd’avancer des pistes sur l’avenir dumouvement social en cours.Un premier développement consisteraiten un recul du gouvernement sur lesprojets les plus contestés par les protes-tataires. Mais cette option semble peuenvisageable, les avancées sociales con-quises par la rue étant très rares dansl’histoire récente du pays. Le gouverne-

ment disposed’une large baseélectorale et d’unemajorité conforta-ble à l’assembléelui permettant decamper sur une

position de fermeté. Une autre évolu-tion réside dans la radicalisation dumouvement, dont pourrait se servirl’AKP pour durcir ses positions à l’en-contre de l’opposition. Il est impossibled’exclure la possibilité d’une confron-tation entre des forces civiles pro-AKPet les protestataires, ce que les déclara-tions du Premier ministre évoquant sadifficulté à contenir ses sympathisantsdésireux d’en découdre avec les mani-festants laissent envisager. La violenceirrégulière permettrait à l’AKP de délé-gitimer le mouvement de contestationet d’introduire la division dans sesrangs. On entrerait dans une séquenceque le pays a déjà connue à plusieurs re-prises, quand des groupes arrimés auxpartis au pouvoir usaient d’une violenceirrégulière contre une opposition divi-sée, et attisaient le conflit social afin delégitimer une politique d’ordre et la re-conduction du parti au pouvoir. Nouspourrions alors assister à une sortie decrise comparable à celle qu’a connue laFrance au terme du mois de mai 1968,dans laquelle la convocation d’électionsanticipées permettrait à l’AKP de sortirde la crise par le haut, en obtenant dansles urnes un surplus de légitimité et unelarge majorité à l’assemblée.Si cette seconde option est concevable,c’est parce que depuis son arrivée aupouvoir en 2002, l’AKP a massivementinvesti les structures d’Etat et a opéréune véritable confiscation du pouvoir.Il a placé son personnel politique auxpostes clés de l’administration et con-trôle dorénavant l’ensemble des institu-tions publiques. Une forte influence surl’appareil d’Etat lui sert pour entretenirdes clientèles électorales toujours plusvastes et éviter l’usure du pouvoir. Ens’appuyant sur un appareil judiciaire misau pas, il a obtenu l’arrestation arbitrairede nombre de ses opposants et des for-ces sociales capables de lui contester sespositions de pouvoir.

Cette implantation dans l’Etat fait duparti l’intermédiaire indispensable desgroupes économiques et sociaux dési-reux de profiter des fruits de la crois-sance et de la redistribution des res-sources publiques. Il a su profiter de lalibéralisation de l’économie en attri-buant de nombreux contrats publics àses partenaires économiques. Une frac-tion du patronat anatolien a ainsi béné-ficié des succès économiques du pays.Le parti a pu s’appuyer sur le processusde pré-adhésion à l’UE pour se renfor-cer : les fonds européens profitent enpremier lieu aux entreprises qui lui sontproches. Le champ syndical est aussitouché, l’AKP ayant modifié la législa-tion pour faciliter l’ancrage des syndi-cats qui lui sont proches dans la fonc-tion publique et dans des secteursd’activité de plus en plus nombreux.Enfin, il a facilité le rachat de médiaspar des groupes économiques contrôléspar des proches des hiérarques du parti,ce qui explique le peu d’attention mé-

diatique accordée au mouvement encours.Cet investissement massif de l’Etat apour conséquence de réduire les possi-bilités d’alternance gouvernementale.Mais ceci n’est pas spécifique à l’AKP:depuis la première alternance qu’à con-nue le pays en 1950, tous les partis do-minants ont disposé des institutionspubliques pour se maintenir aux affaireset contraindre l’opposition. En ce sens,l’AKP ne fait que reproduire une prati-que historique.La spécificité du contexte actuel résidedans la marginalisation de l’armée qu’aréussi à opérer le parti. Depuis les an-nées 1950, et malgré la tenue régulièred’élections libres, seules les initiativesdes militaires ont permis l’alternancequand un parti occupait seul le pouvoir.Ceci ne fait nullement de l’armée la gar-dienne de la démocratie en Turquie,puisqu’elle s’est servie de chacune deses interventions pour renforcer soncontrôle sur le jeu politique. En 2002,

quand l’AKP forme son premier gouver-nement, elle dispose encore d’une forteinfluence politique. En reprenant à soncompte le projet européen du pays et enrespectant les exigences de la commis-sion européenne qui souhaite un can-tonnement des militaires dans leurs ca-sernes, l’AKP réduit les positionsoccupées par l’armée dans l’appareild’Etat et multiplie les procès à l’encon-tre de centaines de militaires. Si bienque l’un des faits les plus significatifs deces derniers jours réside dans le mu-tisme de l’armée. C’est la première foisdepuis des décennies qu’elle n’est pasen mesure d’instrumentaliser l’opposi-tion. Dans ce contexte, si le mouvementen cours peut apparaître comme un vé-ritable test démocratique pour le ré-gime, la confiscation du pouvoir opéréepar l’AKP depuis plus de dix ans doitmalheureusement appeler au plus grandpessimisme.A paraître: «L’Etat en jeu. La violencepolitique en Turquie (1975­1980)», Karthala.

Par BENJAMINGOURISSEPost­doctorantà l’Ecoledes hautesétudes ensciences sociales

L’un des faits les plussignificatifs de ces derniersjours réside dans le mutismede l’armée turque.

DR

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201322 • REBONDS

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ClémentMéric, militant«antifa»,mais pas que…

D’abord, ne pas se laisser distraire parla paresseuse hypothèse du fait divers,de l’accident peu signifiant, de la fatalitédu mauvais endroit au mauvais mo-ment ; ne pas se laisser aspirer par lesursignifié consumériste de la marqueFred Perry, duquel l’ancien combattudétournera pudiquement les yeux ensoupirant que, de son temps… C’eût puêtre au sortir d’un stade, au détour d’unconcert de rap ou dans tout autre lieupublic, mais c’est sur le trottoir d’unesolderie que Clément Méric, étudiant, acroisé Esteban Murillo, agent de sécuritéet son meurtrier présumé. Là s’arrête larencontre pas tout à fait «fortuite» entredeux groupes de jeunes gens, les uns ar-borant ostensiblement et impunément,en tatouages sur leur peau et slogans surleurs tee-shirts, les marqueurs d’uneidéologie hors-la-loi, les autres y signi-fiant légalement leur opposition… (1)Divers médias ont rapporté que les se-conds auraient «chauffé», voire «provo-qué» les premiers. Et déjà, dans ce lexi-que assimilant l’affaire à une altercationde terrain de foot, on per-çut qu’il serait fait peu decas de ce qui séparait lesprotagonistes. Même les sonorités ju-melles de «fachos» et de «gauchos»confondaient ceux-ci et ceux-là, et demême la responsabilité induite des unset des autres dans une communeculture de «la baston». Or, si les opi-nions des deux parties ne se «valent»pas, les façons de les exprimer – enl’occurrence, avec les mots ou avec lespoings – non plus ne se valent pas.Ainsi, même le trop insistant matra-quage de l’hypothèse quasi négation-niste d’un «fait divers» témoigne-t-ilde ce que le meurtre de Clément Méric,(prémédité ou non, à mains nues ou aumoyen d’une arme de 6e catégorie), estun meurtre évidemment politique.De ce crime, il est bien temps des’émouvoir, et d’ergoter sur la violenceprogrammatique des partisans du tropmédiatique Serge «Batskin» Ayoub (lirepage 3), gourou guignol de quelques di-zaines de soudards organisés en groupede combat! Voyez, dans Libération des8-9 juin, leurs gueules de tueurs attra-pées lors de leur parade rituelle, et de-mandez-vous s’il s’agit là de la libre ex-pression d’une opinion démocratique.En Grèce, les mêmes, sous l’uniformeparamilitaire d’Aube dorée, cassent augrand jour des têtes immigrées, dansl’indifférence de populations que la«Troïka» et leur gouvernement a misesà genoux.Il est bien temps, près de vingt ansaprès que Brahim Bouarram eut été

noyé en Seine, le 1er mai 1995, par desnervis issus des rangs du Front national,de s’interroger encore sur la proximitési évidemment avérée entre nombre degroupuscules néonazis et le parti lepé-niste. Il est bien temps de chipoter lebien-fondé de la dissolution de bandesfactieuses au prétexte qu’elles vont sereconstituer, en oubliant que la recons-titution de ligue dissoute constitue aussiun délit. Et s’il est bien tard pour inter-dire le Front national, il n’est pas encoreinterdit de se demander si sa «préfé-rence nationale» est compatible avec ladémocratie républicaine.A cette question, à peu près tout le per-sonnel politique a plus ou moins expli-citement répondu que, ma foi, où est leproblème ? Le syllogisme selon lequelle FN est un parti républicain puisqu’ilse présente aux élections tourne à plein,et, derrière leur président Copé, nom-bre d’éminences de l’UMP ont mis unsigne égal entre fascistes et antifas-cistes. Ce sont les mêmes qui prépa-raient des alliances de moins en moins

honteuses esquissées auxlégislatives de 2012, dé-complexées pour les mu-

nicipales de 2014, avec le Front nationalen arguant que le PS ne répugnait pas às’allier avec le Front de Gauche.Ce propos, dont on allait apprécier lesdéclinaisons diverses lors des mani-festations contre le «mariage pourtous» (2), contribua fortement, nonseulement à banaliser le Front national(et mieux que le remplacement du pèrepar la fille) mais aussi à ostraciser leFront de gauche. Ce propos, même Es-teban Morillo, pas tout à fait déclassésocialement, pas encore Lumpen prolé-taire, était à même de l’entendre ; etaussi l’impunité qu’elle lui promettait,s’il n’y avait eu mort d’homme.Si constater que Clément Méric ne con-fondait pas les fronts, comme l’attesteson militantisme syndical, antifasciste,antiraciste, mais aussi anti-homophobe(tout cela va de pair), c’est le «récupé-rer politiquement», récupérons, récu-pérons! Cela vaudra toujours mieux quela sale petite musique qui, en se pinçantle nez devant ses engagements, assas-sine sa mémoire après sa personne.

(1) Car nul zèle policier rue Caumartin, necontrôla les zélateurs de la croix gammée,à la façon dont fut contrôlée mardi soir, àArgenteuil, une porteuse de burqa –avecflash­ball et lacrymo…(2) Avec lesquelles on n’en a pas fini d’enfinir; dernier avatar à Saint­Cloud où,contre 50 opposants au retrait de l’affichedu film «L’inconnu du lac», se sontrassemblés mercredi cinq fois plus departisans de la censure municipale.

NO SMOKING

Par PIERREMARCELLE

Otages français au Niger,mille jours déjà

Mille jours d’attente pour les fa-milles, les proches, les amis.Mille jours à se rappeler, à rappelerle souvenir de Daniel, Marc, Pierre

et Thierry.A lutter contre le temps – deux ans et demidéjà, presque trois– disparu, envolé, en finde compte tout simplement volé.A lutter contre l’oubli.Ce qu’on appelle oubli, ce sont les journéesqui filent, les unes après les autres, dans no-tre quotidien, quand elles passent pour eux,solitaires et infinies, dans le désert.Ce qu’on appelle oubli, c’est la perte du dé-compte des jours, des semaines, des mois etmaintenant des années, quand on sait quepour eux chaque jour et chaque nuit compte,et pèse, sur leur santé, sur leur moral, dansleur corps et dans leur cœur.Ce qu’on appelle oubli, c’est le temps tou-jours présent de l’actualité qui défile, celuides événements qui succèdent aux événe-ments, quand on reste, nous, viscéralementenchaînés en arrière, dans ce qui ne passepas, ne peut pas passer, ne pourra pas passertant qu’ils ne seront pas de retour, auprès denous.Ce qu’on appelle oubli, c’est un silence dehuit mois à présent, fait de crainte et d’an-goisse. Huit mois sans nouvelles, huit moissans savoir.Ce qu’on appelle oubli, ce sont les autres si-

lences, assourdissants parfois, ceux de lagêne et du malaise, de l’impuissance et del’indifférence, de la confidentialité et du se-cret.Ce qu’on appelle oubli, c’est aussi le bruit,celui du fracas des armes et du vacarme dela guerre, qui aujourd’hui nous terrifie plusque jamais.Ce qu’on appelle oubli, c’est l’aiguillon dumanque, de l’absence, qui d’un coup surgitet vous rappelle à votre douleur, à votre peuret à vos pleurs, sans qu’on sache quand, nicomment.C’est pourquoi nous nous rassemblerons le22 juin, à 11 heures, dans plusieurs villes enFrance : Paris, Nantes, Nîmes, Aix-en-Pro-vence, Orléans Valence et Saint-Céré.Ensemble pour affirmer qu’il n’est pas pos-sible d’oublier.Qu’il n’est plus possible de laisser ainsi letemps passer, le silence s’imposer, l’attentes’épuiser et des vies filer.Ensemble pour témoigner que sans cessenous pensons à vous, Daniel, Marc, Pierre etThierry, que tous sachent que vous êtes dansnos pensées, toujours.C’est pourquoi nous vous appelons à partici-per à l’élan de solidarité qui entoure les ota-ges et leurs familles, et à vous joindre auxrassemblements prévus le 22 juin.Parce qu’il s’agit de mille jours d’angoisse,de mille jours d’espoirs, venez nombreux :nous avons besoin de vous.Soutenez les familles des otages et suivezl’organisation des rassemblements dans vos villessur www.otagesniger.fr

Par MAUD LARRIBE et AURÉLIENPIGEAT fille et neveu de Daniel Larribe,enlevé le 16 septembre 2010

L'ŒIL DE WILLEM

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FILMS Avant même la remise du rapport sur l’extension de la convention collectivede la profession, les esprits s’échauffent et des menaces de grève fleurissent.

Métiers du cinéma:projections en boucle

P our la première fois depuis desmois, syndicats de producteurset de techniciens se sont re-trouvés autour d’une table. Et

ça ne s’est pas très bien terminé. Hier,le médiateur, Raphaël Hadas-Lebel,présentait aux représentants de l’indus-trie du cinéma les premiers résultats deses travaux sur l’impact de l’extensionde la convention collective du secteur(lire ci-contre). Cette mission lui avaitété confiée voici un peu plus de deuxmois par les ministres du Travail,Michel Sapin, et de la Culture, AurélieFilippetti, afin de permettre aux parti-sans et opposants à cette extension deprésenter leurs arguments et, surtout,de mesurer les conséquences de l’entréeen vigueur du nouveau texte, prévuele 1er juillet.Or, les représentants de trois syndicatsde techniciens (CGT, SNTPCT et FO) ontquitté les lieux «sans entamer de quelque

manière un dialogue indispensable etconstructif», ainsi que le mentionne uncommuniqué cosigné par les cinq syn-dicats de producteurs présents.La cause de la grogne porte sur l’exposédu médiateur dans lequel, selon DenisGravouil, un des représentants de laCGT, «il n’a jamais été question d’autrechose que du budget des films et jamaisdes droits des salariés ni de leurs revenusen baisse. Le médiateur a conclu que,quelle que soit la nature de l’applicationstricte du droit du travail dans la produc-tion de cinéma, cela aboutirait à un sur-coût pour la majorité des films, ce qui estune évidence !»

ESCARMOUCHE. Après une suspensionde séance demandée par les syndicatsde techniciens, ceux-ci ont décidé demettre un terme à l’entrevue. «Si nousavions obtenu la certitude que l’extensionsoit mise en place le 1er juillet comme cela

était prévu, même avec des aménage-ments et l’ouverture de discussions sur despoints litigieux, nous n’aurions pas quittéla pièce», explique Denis Gravouil.Ce nouvel accroc dans la famille du ci-néma français n’est pas de bon augurepour la suite des événements. Même siRaphaël Hadas-Lebel n’a pas explicite-

ment affirmé que la date fatidiquedu 1er juillet serait repoussée, il paraîtpeu probable que les ministères de tu-telle respectent le calendrier, comptetenu de l’ambiance électrique qui règneau sein d’une industrie qui, pourtant,devra retourner à la table des négocia-

Par BRUNOICHER

tions. «Nous supposons que le médiateurva fixer un nouveau rendez-vous maisnous n’irons pas, ou alors à 500», re-prend Denis Gravouil, qui n’exclut pas,dans un très proche avenir, des mouve-ments de grève sur des tournages.L’escarmouche d’hier ne sera certaine-ment pas la dernière, tant le trouble qui

divise aujourd’hui le ci-néma français sembleprofond. Après six moisd’invectives diverses etvariées, les syndicatssemblent aujourd’hui ir-réconciliables. Un para-doxe alors que, juste-

ment, le cinéma français a fait mieuxque briller cette année à Cannes, voicimoins d’un mois, avec des films commela Fille du 14 juillet, d’Antonin Peretja-tko, Nos héros sont morts ce soir, de Da-vid Perrault, Suzanne, de Katell Quille-véré, la Bataille de Solférino, de Justine

Nombre de films français présentéscette année à Cannes, au financementacrobatique, auraient été encore plusdifficiles à monter avec le nouveautexte de la convention collective.

Présenté àCannes, la Fille

du 14 juillet,d’Antonin

Peretjatko,montre que

le cinémafrançais peut

briller malgré lacrise qui frappe

actuellementle secteur. PHOTO

ECCE FILMS

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CULTURE

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Triet. Sans oublier la palme d’or obte-nue par la Vie d’Adèle, d’Abdellatif Ke-chiche, dont le tournage a fait l’objetd’une attaque féroce des techniciensdans la presse. Tous ces films, au finan-cement acrobatique, auraient été en-core plus difficiles à monter avec lenouveau texte de la convention collec-tive et certains, sans aucun doute,n’auraient pas pu se faire.Dans cette ambiance chaotique, lescinéastes n’échappent pas, eux nonplus, aux divisions. En début d’année,la Société des réalisateurs français(SRF), association créatrice de la Quin-zaine des réalisateurs à Cannes ainsi quedu festival de Brive, s’était prononcéeen faveur de l’extension, tout en faisantplusieurs propositions (lire ci-contre).Cette décision avait provoqué une crisesévère en interne et la démission deplusieurs membres, dont celles deCatherine Corsini et Pierre Salvadori.Fin avril, un collectif formé par unedizaine de cinéastes – dont les deuxdémissionnaires, Pascale Ferran, CélineSciamma, Cédric Klapisch et MalikChibane– ont lancé un appel «pour sor-tir de l’impasse», publié le 24 avril dansLibération.

TARIFS DÉGRESSIFS. Nouvel épisode,lundi, lors d’une assemblée qui s’est te-nue à la Cinémathèque française où laréflexion a abouti à la publication d’unrapport d’étape. Parmi les propositionsavancées par le collectif, la création de«six paliers» déterminés en fonction dubudget des films, chaque palier fixantles conditions salariales des techniciensselon des tarifs dégressifs.Autre proposition, la suppression du nu-merus clausus concernant le nombre defilms ayant droit à une dérogation,comme le prévoit le texte actuel. «Quiva décider des films qui pourront obtenirune dérogation? Selon quels critères?» in-terroge Pascale Ferran. En revanche, lecollectif préconise la mise en placed’une bonification du fonds de soutiendu CNC pour les films dont le produc-teur appliquerait la grille salariale dupalier supérieure à son budget réel.Le débat de lundi, hautement techni-que, a laissé les cinéastes présents va-guement dubitatifs. Rien d’étonnant, cen’est pas leur métier, contrairementaux producteurs, et ils connaissent malles mille subtilités d’un système de fi-nancement dont les guichets se mul-tiplient et dont les conditions d’éligibi-lité sont de plus en plus complexes.En revanche, ces mêmes cinéastesse sont très nettement animés en finde réunion lorsque le collectif aannoncé son intention de se présenteraux prochaines élections de la Sociétédes réalisateurs français, samedi. «Ten-tative de putsch» pour les uns, «volontéde réconcilier tous les cinéastes» pour lesautres, cette initiative fera l’objet sansdoute d’une âpre discussion ce week-end et pourrait peut-être voir la Sociétédes réalisateurs français changer decomité directeur et, en même tempsd’orientation vis-à-vis de l’extensionde la convention collective.Lors de cette assemblée animée, le réa-lisateurs Serge Le Péron a invité ses col-lègues à être «moins modestes», que cesoit dans le cadre de la SRF ou non. «Ily a un consensus terrible sur le fait qu’il yait trop de films français. Pour la santé ducinéma et pour notre santé mentale, il fautque ces films soient faits.» •

Chantal Richard, coprésidente de la Société des réalisateurs français:

«Produire sans risque a ankylosétout le système»C hantal Richard est coprésidente de la

Société des réalisateurs français (SRF),avec Jean-Jacques Jauffret et Eric Gui-

rado. Quelques jours avant l’assemblée géné-rale qui décidera, éventuellement, du renou-vellement du comité directeur et donc d’unenouvelle orientation de l’association, elle re-vient sur ce conflit qui divise et affaiblit le ci-néma français.Pourquoi la SRF a-t-elle soutenu l’extension dela convention collective?Nous avons été un certain nombre à penserque cette extension pouvait former un leviercapable de faire évoluer un système de finan-cement à bout de souffle. La redistribution desrichesses du cinéma, au service des films quel’on appelle de la diversité, doit être réforméeen profondeur. On voit bien que les filmssous-financés sont de plus en plus nombreux,que les écarts ne cessent de se creuser avec lesfilms les mieux dotés. Il faut donc que quelquechose de fort provoque une prise de cons-cience pour que, collectivement, et j’insistesur le mot, nous prenions en main ces chan-

gements. Mais je ne crois pas que nous puis-sions le faire dans cette atmosphère hystéri-que où la peur s’est désormais emparée detout le monde.Il faudra bien que l’ensemble des profession-nels finissent par s’entendre…Je ne me montre pas très optimiste sur la ma-nière dont va se dérouler le retour à la tabledes négociations.Quel rôle peut jouer la SRF dans le débat?La Société des réalisateurs français n’est pasun syndicat mais une association. Nous nejouons donc pas sur un rapport de forces maisnous avançons des idées. Parmi celles quenous avions proposées, il y avait la créationd’un fonds de mutualisation, dotéd’une vingtaine de millions d’euros par an,qui pourraient venir en aide aux films sous-fi-nancés. D’une part, compte tenu des recettesdu cinéma, cela ne semble pas la mer à boireet, d’autre part, je crois qu’une institutioncomme le Centre national du cinéma est toutà fait capable de mettre en place un tel dispo-sitif et d’en être le garant. Si l’extension de la

convention collective, en dépit des opposi-tions qu’elle suscite, entrait en vigueur, beau-coup de producteurs mais aussi de cinéastesprédisent que 50 à 70 films ne pourraient plusse faire. Beaucoup de gens prédisent aussi unecatastrophe si l’extension passe en ces termes,mais la catastrophe est déjà là. Parmi les pro-ducteurs qui défendent le plus vigoureuse-ment les films très fragiles, bien peu en pro-duisent et ceux qui le font sont de moins enmoins représentés. De même, je suis entière-ment d’accord avec Michel Hazanavicius, leprésident de la Société civile des auteurs, réa-lisateurs, producteurs [ARP], qui pointe leproblème des films financés avant même leursortie en salles. Produire sans risque a anky-losé tout le système.Vous craignez de perdre les élections, samedi?Cela ne m’intéresse pas beaucoup de gagnerles élections. En revanche, il faudra que laSRF ait une vision plus large, qu’elle soit lamaison de tous les cinéastes et donc, de tousles cinémas.

Recueilli par B.I.

Suzanne, de Katell Quillévéré. PHOTO MARS DISTRIBUTION

Nos héros sont morts ce soir, de David Perrault. PHOTO MILLE ET UNE NUITS PRODUCTIONS

La Bataille de Solférino, de Justine Triet. PHOTO ECCE FILMS

En janvier, les ministères du Travailet de la Culture annoncent qu’uneextension de la conventioncollective entrera en vigueuren juillet. Le texte, dont l’API–syndicat des grands producteurset distributeurs (Gaumont, UGC,Pathé, MK2)– est à l’origine, prévoitque les productions françaisesdevront respecter les tarifssyndicaux en vigueur. Un rude couppour de nombreux producteursindépendants qui montent des filmsen engageant des techniciens à dessalaires entre ­10% et ­40% sous letarif minimum. De plus, ces mêmesproductions devraient, avec cetteextension, respecter le versementdes heures supplémentaires, destarifs de nuit, ainsi que des heuresde transports. Ces dispositionsrigides sont assorties d’un systèmedérogatoire pour les films les plusvulnérables (moins de 2,5 millionsd’euros) qui, pendant une périodede cinq ans et pour 20% maximumde la production française(soit une quarantaine de films),pourraient construire leur budgeten diminuant les salairesdes techniciens. Face à la paniqued’une majorité de producteursindépendants, Aurélie Filippetti,ministre de la Culture, et MichelSapin, ministre du Travail, ontnommé un médiateur, RaphaëlHadas­Lebel, pour évaluerprécisément les surcoûts engendréspar cette extension. Son rapport,qui devait être rendu public débutjuin, est en phase d’achèvementet sa première présentationaux syndicats de technicienset de producteurs n’a pas permisune reprise du dialogue. B.I.

CONVENTIONCOLLECTIVE,MODE D’EMPLOI

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L’opéra conjugue rock, blues, funk et musique savante. PHOTO M.­N. ROBERT. THÉÂTRE DU CHÂTELET

E n 1995, la MC93 deBobigny –qui avait ac-cueilli, quatre ans plus

tôt, la création française duNixon in China de JohnAdams – présentait I WasLooking at the Ceiling Then ISaw the Sky, («Je regardais leplafond puis j’ai vu le ciel»).Une phrase prononcée litté-ralement par un survivant duséisme de Northridge qui dé-vasta le nord de Los Angelesen 1994.Dans ce troisième ouvragelyrique de l’éminent compo-siteur vivant, le tremblementde terre est un ré-vélateur des mauxqui minent la so-ciété américaine.Si Nixon in Chinaétait un opéra, etsi The Death ofKlinghoffer sem-blait hésiter entre opéra etoratorio, I Was Looking…évoque les «comédies enmusique» de Brecht et Weillet le théâtre musical deBroadway au son duquelAdams a grandi.Cartoon. Cet ouvrageconjuguant rock, blues, funkelectro et musique savanteaurait dû élargir la popula-rité d’Adams. Contre touteattente, ce fut un échec cri-tique et public. Etait-ce enraison du livret de la poé-tesse June Jordan, profes-seure d’études afro-améri-caines à l’université de

Berkeley et très engagée àgauche ? Il est vrai qu’entrela persécution des im-migrants illégaux, l’ho-mophobie, la contraception,les inégalités sociales, la vio-lence et le sida, sans mêmeévoquer les allusions au Viet-nam et au Nicaragua, leschansons abordent des thè-mes plutôt sérieux.Du coup, I Was Looking… estresté un ouvrage maudit,jusqu’à sa résurrectionéblouissante, sous la ba-guette d’Alexander Briger,mardi soir au Châtelet. Jean-

Luc Choplin, directeur duthéâtre, a été bien inspiré deconfier cette nouvelle pro-duction à Giorgio BarberioCorsetti. De la directiond’acteurs à la science du pla-teau en passant par les ani-mations et projections vidéo,le spectacle est magistral.Qu’ils empruntent au popart, au cartoon ou au cinéma,tous les tableaux font mou-che. A se demander si le ta-lon d’Achille de la produc-tion originale de 1995 n’étaitpas la mise en scène de Pe-ter Sellars, non seulementmoins virtuose, mais qui en-

sevelissait les spectateurssous des tonnes de sulpi-cisme gauchiste et d’angé-lisme tiers-mondiste…Jappement. Avec Corsettiet sa troupe d’acteurs etchanteurs sexy en diable,l’ouvrage retrouve sa puis-sance révolutionnaire et faitentendre la musiqued’Adams dans son impuretéexplosive. Pas de hiérarchieesthétique ou politique enmusique : du saxophoned’Ornette Coleman à la gui-tare fuzz de Jimi Hendrix enpassant par la vocalise soulet le jappement doo-wop,tout est permis.Le génie musical ne résidepas dans le choix du maté-riau ou des timbres –commele pensent les petits bour-geois, dont le «bon goût» netraduit qu’un fantasme dedistinction et de dominationsociale– mais dans la capa-cité à organiser hauteurs,couleurs, gestes instrumen-taux et rythmes –ce que faitAdams avec un métier jubi-latoire. Le monde entier peutbouder le généreux et vi-brant I Was Looking… depuisdix-huit ans, les Parisienslui ont fait, mardi soir, untriomphe mérité.

ÉRIC DAHAN«I Was Looking at the CeilingThen I Saw the Sky», de JohnAdams, dir. mus. AlexanderBriger. Théâtre du Châtelet,75001. Jusqu’au 19 juin.Rens.: chatelet­theatre.com

MUSICAL «I Was Looking at the Ceiling…», l’ouvragemaudit de l’Américain, ressuscite au Châtelet.

John Adams et toutle tremblement

De la direction d’acteursà la science du plateau enpassant par les animationset projections vidéo,le spectacle est magistral.

Coquet rendez­vous lovédans la jolie petite ville gar­doise d’Uzès et proposantune sérieuse programma­tion, le festival Uzès Danse,concocté par le Centrede développement choré­graphique de la ville (quin’a toujours pas de lieu),se balade de la place auxHerbes à la médiathèqueen s’arrêtant au jardin del’Evêché et son mur, décornaturel idéal pour lesspectacles. S’ouvrant surla journée des enfants,menés par FabriceRamalingom (qui présenteégalement une pièce etun travail en cours), lamanifestation s’achèveavec Tour, une création deDavid Wampach, qui faitaussi l’ouverture du festivalMontpellier­Danse. On neratera pas la Portugaise ducollectif Bomba Suicida,Marlene Monteiro Freitas,l’Italienne Ambra Senatoreni le Belge GaëtanBulourde. Au centredu festival, en piqûrede rappel, un hommageplus que vivant à AnnaHalprin et à la libertécréative des post modernsaméricains. M.­C.V.Uzès Danse (30). Du 14 au19 juin. Rens.: 04 66 03 15 39ou www.uzesdanse.fr.

BONS CHEMINSÀ UZÈS DANSE

LE FESTIVAL

Hanni el­Khatib Fétiche rhythm’n’blues garage de ce journal, leCalifornien allume Bercy en première partie de Johnny HallydayPOPB, 8, bd de Bercy, 75012. Du 14 au 16 juin, à 20h30. Complet.

Xavier Rudd Le barde abo blanc, fétiche maison itou, revient avecSpirit Bird, septième album austral où slide et didgeridoo règnentTrabendo, 211, avenue Jean­Jaurès, 75019. Ce soir, 19h30.

Yuksek Electro rémoise de niveau national Grand Palais, avenuedu Président­Roosevelt, 75008. Ce soir, 22 heures.

Eddie Palmieri Salsa du percutant pianiste portoricainNew Morning, 7­9, rue des Petites­Ecuries, 75010. Ce soir, 21 heures.

Géraldine Laurent La sax alto revisite Charlie Parker (avec ManuCodjia, Christophe Marguet) Sunset, 60, rue des Lombards, 75001.Ce soir, 21h30.

Pierre de Bethmann Le pianiste en large compagnie avec sonnouveau Medium Ensemble Duc des Lombards, 42, rue desLombards, 75001. Ce soir et demain, 20 heures et 22 heures.

MÉMENTO

Le carré blanc avait un fond noirUn gang de six faussaires a été démantelé hier en Allemagne,en Suisse et en Israël. Leur réseau est accusé d’avoir venduquelque 400 faux tableaux, notamment des Kandinsky (durà copier) ou Malevitch (encore plus dur), pour plusieurs mil-lions d’euros. La police a en outre saisi un millier d’autrescopies invendues.

Xavier Darcos devient ImmortelAprès avoir estimé que les enseignants de maternelles avaientpour fonction de «changer les couches» et que les IUFMapprenaient d’inutiles «théories générales sur l’éducation» auxfuturs profs, l’ex-ministre de l’Education sarkozyste, XavierDarcos, voit sa carrière couronnée par un siège à l’Académiefrançaise, en remplacement de Pierre-Jean Rémy.

«Si on s’engage dans cette voie, c’estla Rivière sans retour, mais sans MarilynMonroe.»Pascal Rogard président de la Coalition françaisepour la diversité culturelle, en lutte contre l’ouverturepar la Commission européenne de négociations en vued’un accord de libre­échange avec les Etats­Unis, lequelinclurait l’audiovisuel

La Française Orlan, de son vrai patronyme Mireille Porte,body artiste de l’autochirurgie plastique et des implantssous la peau du front et ailleurs (photo, en 2010),réclame 31,5 millions de dollars (23,7 millions d’euros) à lachanteuse américaine et à Universal Music France pourcopiage de ses multi­hybridations, ainsi que la cessationde commercialisation de l’album Born This Way (2011),avec suspension du clip de promo afférent. La pochettede l’album montre en effet le front et les épaules deLady Gaga parsemés d’excroissance semblables à cellesd’Orlan. Et dès les premières secondes du clip du titre,on découvre une Gaga maquillée et décapitée, inspirée,si ce n’est copiée, d’une sculpture de l’artiste intituléeFemme avec tête (1996). Gaga semble être arrivée à untel point de plagiat que Dieu, inventeur de la vie, hésitelui­même à porter plainte pour contrefaçon. PHOTO AP

ORLAN ASSIGNELADY GAGAPOURCONTREFAÇONFACIALE

LES GENS

1100448Suivant acte SSP en date du 20/06/13, il a été constitué la SAS suivante :Dénomination :

COMPAGNIE SURIMPRESSIONSSiège social : 47 rue Vaugirard 75006 ParisObjet : La création, la production, la réa-lisation, l’adaptation en toute langue de programmes audiovisuels, sonores et mul-timédia ; les productions de presse écrite, littéraires et photographiques, ainsi que toute opération technique ou prestations de service de filmage, montage, mixage, se rapportant à la production.Durée : 99 ansCapital : 6 400 €Président : M. Eric Gabail demeurant 8 chemin de la Folie, 28260 Boncourt.Immatriculation au RCS de PARIS.

1110444

SMAAK MEDIA SARLSARL au capital de 18 000 €

Siège social : 25 rue Orfila 75020 PARIS

RCS 507 566 297 PARISPar décision en date du 31/01/2013, les associés ont décidé de transférer le siège social au 17 rue Montéra - 75012 PARIS à compter du 01/02/2013.Les statuts ont été modifiés en conséquence.Mention en sera faite au RCS de PARIS.

1110430

TRANSGOLDSARL au capital de 7.622 €

Siège social : 3, Avenue Rodin 75116 Paris393 550 801 RCS de Paris

Suivant PV en date du 08/12/2012, les associés ont décidé la dissolution anticipée de la société. M. Christophe COLONNA WALEWSKI demeurant 69 Cambridge Street, Londres SW1V 4PS Royaume-Uni est nommé liquidateur de la société. Le siège de liquidation est fixé au siège social de la société, où la correspondance devra être adressée et que les actes et documents seront notifiés.Le dépôt des actes et pièces relatifs à la liqui-dation sera effectué au RCS de Paris.Pour avis,Le liquidateur.

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu

de l’arrêté préfectoral n° 2011361-0007

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201326 • CULTURE

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 ANNONCES • 27

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PRESSE Depuis plusieurs mois,le britannique «Guardian» etl’américain «Washington Post»enquêtent sur les révélationsd’Edward Snowden et s’endisputent aujourd’hui la paternité.Récit d’une course à l’info.

Espionnagepar la NSA

L e journaliste du Guardian nesavait pas se servir d’un logicielde cryptage, celui du Washing-ton Post voulait d’abord consul-

ter le gouvernement américain, etmaintenant ils se disputent la primeurde l’information. Le formidable scoopdes deux journaux, britannique et amé-ricain, montrant que les services secretsaméricains se livrent à l’espionnagesystématique des téléphones et d’Inter-net, a également révélé quelques-unsdes dessous de l’artisanat des plus fa-meux journalistes anglo-saxons et lespressions contradictoires auxquelles ilssont soumis.

POWERPOINT. Dans un récit publié le9 juin par le Washington Post, le journa-liste Barton Gellman, vétéran du WaPoqui a fait profiter son ancien quotidiende ses révélations, raconte avoir été encontact par mails depuis le mois de maiavec Edward Snowden, la nouvelle«gorge profonde» qui fait tremblerl’Amérique. Snowden lui aurait de-mandé que le Post publie, dansles soixante-douze heures, l’intégralitéd’un exposé PowerPoint, soit 41 fichesau total, présentant le programme«Prism», un programme se-cret de la National SecurityAgency (NSA) permettantd’accéder à pratiquement tousles documents échangés surFacebook, Google, Yahoo…«Je lui ai dit que nous ne garan-tirions pas ce que nous allionspublier, ni quand», rapporteBarton Gellman, expliquant que sonjournal a aussi voulu consulter des «of-ficiels du gouvernement» sur le «dangerpotentiel pour la sécurité nationale».C’est à la suite de cette réponse, écritGellman, que Snowden se serait tournévers Glenn Greenwald, ancien avocat etjournaliste déjà très connu aux Etats-Unis, recruté par le Guardian en 2012.«Faux», a rétorqué Glenn Greenwaldsur Twitter dès le lendemain, depuisHongkong, où il a suivi Snowden, leursource commune: «Les affirmations deBart Gellman sur les interactions entreSnowden et moi – quand, comment etpourquoi– sont toutes fausses.» Selon unrécit alternatif, publié le 11 juin par leGuardian, le premier journaliste abordépar Snowden dès janvier était d’ailleursune tierce personne: la documentaristeaméricaine Laura Poitras, qui travaillaitjustement sur les «lanceurs d’alerte»(ces citoyens qui diffusent des informa-

tions d’intérêt public, comme le mili-taire Bradley Manning) au sein de laNSA. A l’époque déjà, la documenta-riste se disait elle-même victime de«harcèlement» des services de sécuritéaméricains chaque fois qu’elle entraitou sortait des Etats-Unis. Et expliquaitqu’il était même «plus sûr» pour elle de«travailler en dehors» de son proprepays. Edward Snowden l’a choisie aussidu fait de ce harcèlement, a racontéLaura Poitras, dans une interview ausite Salon. «Je pense qu’il se méfiait desmédias établis», et particulièrement duNew York Times, qui avait attendu touteune année avant de révéler un précé-dent scandale d’écoutes, explique ladocumentariste.En février, Edward Snowden contacteaussi par mail le croisé des libertés pu-bliques Glenn Greenwald et lui de-mande s’ils peuvent communiquer viaun logiciel de cryptage (une techniqueque Snowden employait avec LauraPoitras). Snowden envoie même unevidéo YouTube à Greenwald pour luiexpliquer comment procéder. Le jour-naliste, qui semble d’abord ne pas avoirconsidéré la source comme très sé-rieuse, ne prend alors pas la peined’installer le logiciel. Il n’est alerté quele mois suivant, en mars, quand LauraPoitras lui parle de ses contacts en pa-

rallèle avec cette même mystérieusesource et le convainc qu’elle vaut lapeine d’être écoutée. C’est aussi LauraPoitras qui avertit l’ancien du Washing-ton Post, Barton Gellman, pour avoirson avis : «Cela aurait pu être un piège,ou un dingue», explique-t-elle dans soninterview à Salon, racontant avoir vouluprendre conseil auprès de collègues ex-périmentés.

AVAL. Edward Snowden avait de bonnesraisons de se méfier des «médias éta-blis» : le Washington Post a non seule-ment consulté le gouvernement avantde publier la moindre information,comme le font généralement les médiasaméricains, mais il a aussi attendu quele Guardian commence à sortir ses révé-lations sur Prism pour en faire état…Relativement nouveau venu sur le mar-ché américain, où il cherche à s’établircomme une alternative «de gauche»,

Par LORRAINE MILLOTCorrespondante à Washington

«Nous allons avoir beaucoupd’autres révélations importantesces prochains mois et semaines.»Barton Gellman ex­journaliste du WashingtonPost qui a remis les informations d’EdwardSnowden à son ancien journal

Le reporterdu Guardian

Glenn Greenwald(ci­contre)

et la une de lundidu quotidien

britannique. PHOTOVINCENT YU. AP ET DR

Scoopà la grimace

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201328 • ECRANS&MEDIAS

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avec une soixantaine de salariés déjà, leGuardian se soucie visiblement moinsde l’aval des autorités américaines quele Washington Post ou le New York Times.Jusqu’à présent, le Guardian n’a pour-tant publié que 4 des 41 fiches présen-tant le programme Prism, les mêmesque celles sorties par le WashingtonPost, a relevé Barton Gellman. «Cer-taines choses doivent rester secrètes»,souligne le sage du Washington Post surson compte Twitter.Mais le dernier mot de cette saga estloin d’avoir été écrit: «Nous allons avoirbeaucoup d’autres révélations importantesces prochains mois et semaines», a pro-mis Glenn Greenwald à l’agence AP, an-nonçant «des douzaines d’histoires» ti-rées des documents remis par Snowden.S’ils collent trop à leur «source» et li-vrent trop d’informations, les journa-listes pourraient aussi être eux-mêmespoursuivis, mettent en garde quelquesvoix aux Etats-Unis. Glenn Greenwalden particulier pourrait l’être, «car il metdes vies américaines en péril», a déjà as-séné le républicain Peter King. L’admi-nistration Obama a indiqué qu’elle ex-clut de poursuivre les journalistes, pourl’instant du moins. •

DÉBRIEF «Destiny» chez Activision, «Watch Dogs»d’Ubisoft: éditeurs et producteurs ont fait leur show.

E3: next-gen et plaisirO n prétend que le jeu

vidéo est régressif.Mais ce ne sont pas

les jeux qui montrent cetexemple, ni tellement les dé-veloppeurs. C’est l’industrie!Chaque jour la prend en fla-grant délit d’enfantillagesdans la cour de récré anar-chiste de l’Electronic Enter-tainment Expo (E3), pandé-monium mondial du gaming,dont les portes se sont refer-mées hier soir à Los Angeles.Parader, créer du bruit, pré-tendre avoir la plus belle,faire des croche-pattes à laconcurrence et des œilladesà la presse: c’est le propre detous les salons commerciauxet l’E3 en est un, comme ce-lui de l’auto. Mais sa matièreludique en fait un monstreschizo, qui donne l’imaged’une industrie brassant desmilliards –et réclamant à cetitre d’être prise au sé-rieux –avec des produitspour ados feignasses et re-vendiquant en leur nom unecertaine dose d’irresponsa-bilité. Avouons que c’estaussi pour ça que l’E3 nousamuse…Fresque navale. Emanationde la puissante Entertain-ment Software Association,l’E3 est en fait aux mains deséditeurs de jeux vidéo, cesméga-enseignes qui ont toutun pool de studios dans leursac : Activision, ElectronicArts (EA) et Ubisoft entiennent le podium, mais denombreux japonais et lesgrands constructeurseux-mêmes, par le biais deleurs filiales, font partie dugang. Une fois passé le showinaugural des consolistes,c’est à ces éditeurs-produc-teurs que revient le terrainde jeux de l’E3.Pour Activision, qui fait biensûr rouler son char de super-licences dans leurs nouveauxhabits (Call Of Duty Ghosts,Skylanders Swap…), la grandeaffaire s’appelle Destiny, quela major aimerait installer au

firmament des jeux de tir fa-çon space opera, au croise-ment de Star Wars et Halo.Les premières captures degameplay disponibles sontcalibrées pour faire impres-sion et les développeurs,brillants énergumènes dustudio Bungie, y parviennentsans peine. Mais il faudra at-tendre 2014 pour mesurer laréelle envergure du projet.C’est aussi avec du gameplayqu’Ubisoft a nourri l’attentequi entoure Assassin’s CreedBlack Flag (explosive fresquenavale en temps réel) et sur-tout Watch Dogs, l’une desplus prometteuses licences.Nouvelle franchise sur un

créneau peu familier d’Ubi:The Crew, ou la course debagnoles de demain.Pour cette fin d’année, Elec-tronic Arts a misé sur le pro-chain Battlefield. Malgré sonnuméro 4, ce jeu de tir déve-loppé par le suédois Dicepourrait être moins répétitifque les précédents. Il dessineune évolution du shooter etfait figure de prototype dujeu next-gen sur PS4 etXbox One, bien qu’il sortiraaussi sur les consoles actuel-les et leur vaste parc installé,dont personne ne souhaite sepriver. Parmi la palette EA,très orientée sports, on sou-lignera cette bonne nouvelle:la seconde chance donnée àMirror’s Edge, cajolé par lesgamers mais boudé par lepublic, qui reviendra surconsoles next-gen pour unépisode 2. Distinguons enfinNintendo, qui a lui-mêmeouvertement cultivé l’imaged’un cas particulier. Dans leline-up présenté au salon, etrésumé par le canal NintendoDirect, astucieux outil mar-keting qui donne rendez-

vous aux gamers à échéancerégulière, on notait déjà cettechose extraordinaire: pas unseul coup de feu !Héritage. Les images inédi-tes des Super Mario 3D World,Mario Kart 8, Donkey KongTropical Freeze ou SuperSmash Bros, en approche surla Wii U, renvoyaient toutesà un éternel «nintendoïen»,saturé de couleurs et demonstres débonnaires. Pasde grandes révélations pourles titres tierce partie de la U,mais des extraits nouveauxde Wonderful 101, pour cetautomne, de Bayonetta 2en 2014 (une exception, côtéguns) et la confirmation d’un

RPG exclusif signéMonolith, maisencore sans nom.Notre petit cœurgamer a aussibondi aux imagesdu Zelda Wind

Waker’s Wii U, dont on sup-pose qu’il intégrera les don-jons abandonnés, par man-que de temps, pour l’éditionoriginale sur GameCube. Lapolitique éditoriale de Nin-tendo, qui bétonne autour deson héritage en renouvelantdes licences en or, ressemblefortement à la politique deDisney, qui ne fait pas autrechose avec son propre patri-moine.Justement, la maison Mickeyest sur le point de faire unpas vraiment sérieux surl’échiquier du jeu triple Aavec Infinity. Sur le principedes Skylanders (alliant jeuvidéo et jouets physiquessous la forme de figurinescommunicantes), cette nou-velle licence au potentielinépuisable pourrait devenirune bannière dominante desannées à venir. Certainsvoient d’ailleurs dans ce mo-dèle une planche de salutpour la Wii U, dont la tabletteserait idéale pour accueillirdes figurines… qu’ellessoient Disney ou Nintendo.

OLIVIER SÉGURET

Des «douzaines d’attaquesterroristes» ont été déjouées grâceaux programmes de surveillance destéléphones et d’Internet révélésla semaine dernière par le Guardianet le Washington Post, a assurémercredi le général Keith Alexander,directeur de la très secrète NationalSecurity Agency (NSA). Lesrévélations d’Edward Snowden,jeune informaticien qui travaillaitpour la NSA, ont d’ores et déjà«gravement nui» à la sécuriténationale, a expliqué le généralAlexander, interrogé lors d’uneaudition au Sénat. DepuisHongkong, où il s’est réfugié,Snowden a continué, lui, à narguerles Etats­Unis. Dans une interview auSouth China Morning Post, il assèneque depuis 2009, la NSA se livreau piratage massif d’ordinateurs àHongkong et dans le reste de laChine. «Je ne suis pas ici pour fuirla justice, je suis ici pour révéler descrimes», affirme Snowden, assurantrester à Hongkong «jusqu’à ce qu’onme demande d’en partir». L.M.

LA CHINE ESPIONNÉE?

A noter, chez EA, la secondechance donnée à Mirror’sEdge, cajolé par les gamersmais boudé par le public.

Le jeu vidéo Mirror’s Edge 2, bientôt sur les nouvelles consoles. PHOTO ELECTRONIC ARTS

L’ex­reporterdu WashingtonPost BartonGellman(ci­contre)et la unede lundidu journalaméricain.PHOTO PABLOMARTINEZ. APET DR

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 ECRANS&MEDIAS • 29

Page 38: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

A LA TELE CE SOIR20h50. Vendredi, tout est permis avec Arthur.Divertissementprésenté par Arthur.23h05. Secret story.Télé-réalité présentépar Benjamin Castaldi.1h38. 50 mn inside.Magazine.2h35. Reportages.Madame est servie.Magazine.3h10. Très chasse, très pêche.

20h45. Tango.Téléfilm de NicolasHerdt :La vengeance ducorbeau.Avec ArnaudGiovaninetti, Audrey Fleurot.22h15. Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté parFrédéric Taddeï.0h05. Tirage del’euromillions.0h10. Taratata.

20h45. Thalassa.Vivre à Rio.Magazine présenté parGeorges Pernoud.23h30. Météo.23h35. Soir 3.0h05. La case del’oncle Doc.Plus belle la ville.Documentaire.0h55. Déshabillez-nous.Documentaire.1h50. Le match desexperts.

20h55. Comme unchef.Comédie française deDaniel Cohen, 85mn,2011.Avec Michael Youn,Jean Reno.22h20. Ce qui vousattend si vousattendez un enfant.Comédie américainede Kirk Jones, 2012.Avec Cameron Diaz,Matthew Morrison.0h05. The dictator.

20h50. Parade’s end.Série britannique :4, 5 & 6/6.Avec BenedictCumberbatch,Rebecca Hall.23h10. L’irréparable.Téléfilm de Lars-Gunnar Lotz.Avec Edin Hasanovic,Julia Brendler.0h40. Court-circuit.Spécial Festivald’Annecy.Magazine.

20h50. NCIS : Los Angeles.Série américaine :Le poison,Chasseur de prime,L’espion qui m’aimait 1 & /2.Avec Chris O'Donnell,Daniela Ruah.0h05. Sons of anarchy.Armes fatales.Série.1h10. Justified.L’heure des comptes.Série.

20h45. MontreuxComedy Festival 2012.Virginie Hocq & PascalLégitimus se marientSpectacle. 22h10. MontreuxComedy Festival 2012.Carte blanche àJérémy Ferrari &Arnaud Tsamère.Divertissementprésenté par Chantal Lauby et Jean-Luc Lemoine.23h30. Les Bonobos.

20h40. La Chineantique.Grandeur etdécadence des Shang.Documentaire.21h35. Le nouveauvisage de la Terre.Les sirènes de la ville.Documentaire.22h20. Émissiond’expression directe.22h25. C dans l’air.Magazine.23h30. Iran, la coursecontre la bombe.

20h40. La revue de presse.Divertissementprésenté par Jérôme de Verdière.23h00. Le rapportMailhot.Spectacle de Régis Mailhot, 135mn.1h15. Bernard Mabille sur mesure.Spectacle.3h30. Programmes dela nuit.

20h50. Les Cordier,juge et flic.Téléfilm français :Cathy.Avec pierre Mondy.22h30. En quête depreuves.Série allemande :La preuve par troisAvec Wolfgang Bathke,Matthias Bullach.23h30. La maison dubluff 3 - L’hebdo;Jeu.

20h45. Hercule Poirot.Téléfilm britannique :Je ne suis pas coupableAvec David Suchet.22h45. Hercule Poirot.Le chat et les pigeons.Téléfilm.0h15. Suspect n°1.Polygamie : les liaisonsdangereuses - Le prix d’une vie.Magazine.2h10. Les aventures de Sherlock Holmes.Série.

20h50. Enquêted’action.Fête, bons plans etnaturisme : enquête surla folie du camping.Magazine présenté parMarie-Ange Casalta.22h50. Encore +d’action.Plage, drague et coupde foudre : les amoursde vacances.Magazine.23h55. Enquêted’action.

20h45.Un catcheur au grandcœur.Téléfilm américain.Avec Mark Feuerstein,Melora Hardin.22h25.Si j’étais lui.Téléfilm français.Avec Cristiana Reali,Stéphane Freiss.23h55. G ciné.Magazine.0h00. Dessins animés.Jeunesse.

20h50. Touche pas àmes années 90 !Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.23h20. Touche pas àmon poste !Divertissementprésenté par Cyril Hanouna.0h55. Tout le monde ena parlé. 2h30. Programmes denuit.

20h45. Vampirediaries.Série américaine :Rose,Instinct de survie,Sacrifices.Avec Sara Canning,Matthew Davis.23h15. True blood.La quatrième personne,Plaisir d’amour,Le grand secret.Série.2h15. Démons.

20h50. Popstars.Divertissementprésenté par AlexiaLaroche-Joubert, La fouine, Philippe Gandilhon,Mareva Galanter.23h05. Enquête très spéciale.Série.0h05. Star story.Rihanna, ange oudémon ?Documentaire.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

AstéroIranLCP, 20h30Tandis qu’on vote, ou qu’onfait semblant, de l’autrecôté de la mer Caspienne,le bon docu Iran: cri d’unpeuple indigné.

CornovacancesFrance 2, 22h15Dernière de Ce soir (oujamais!) pour la saison (oui,trois mois de vacances) etFrédéric Taddeï reçoitChristiane Taubira.

FulguropoingsRTL9, 0h15Ça dure cinq minutes eton ne sait pas du tout ceque vaut ce prétendu doc,mais au titre, on prend:Goldorak, la légende.

LES CHOIX

Bruce Toussaint est­ilen voie de williamleymer­giesation? Faut croire, tantil semble abonné à la télédu matin. Après quatre ansà la matinale de Canal+,il avait réussi à grappillerquelques heures desommeil en remportantl’émission du midi. Mais,alors que Canal+ le voyaiten dauphin de MichelDenisot (bonus sommeil :plus 3 heures fastoche),il s’en va en 2011 présenterla tranche matinaled’Europe 1. A la faveur deson éjection, on ne pouvaitque lui souhaiter deretrouver, sinon un boulotplus tardif, du moins letemps de faire des grassesmat’, mais non. Il retourneà Canal+ pour présenter,sur sa filiale i­Télé, lamatinale. «C’est dur, dit auParisien Bruce Toussaint,39 ans, mais l’actu quoti­dienne, c’est mon truc. Unpeu comme une drogue.»R.G. et I.R. PHOTO M. BRUNO

BRUCETOUSSAINTMATINAL À I­TÉLÉ

LES GENS

Le groupe américain Gannett devientun géant de la télé en rachetant BeloLe groupe de médias américain Gannett, propriétaire notam-ment du journal USA Today et premier éditeur de presse écritedu pays, va singulièrement renforcer son poids dans la télévi-sion avec l’achat, pour 2,2 milliards de dollars (1,6 milliardd’euros), de Belo. Ce dernier détient en effet vingt chaînes,dont certaines sont affiliées à ABC, CBS, NBC et Fox. La tran-saction permet à Gannett de presque doubler le nombre deses chaînes, de 23 à 43, et de faire de la télévision son activitéprincipale. Interrogé par l’AFP, un analyste de la banque Bar-clays juge l’opération «positive» pour Gannett, «car cela aidele groupe à se diversifier davantage au-delà des journaux».

3h50d’Internet mobile parmois et par Français.Selon la mesure mensuellemenée par Médiamétrie,la durée de consultationd’Internet depuis unsmartphone a augmentéde 12 minutes en un an.En moyenne, chaque utili­sateur a consulté chaquemois 5,5 applicationset visité 31 sites internet.N’oublions pas queces bouzins­là serventégalement à téléphoner:une activité toutefoismoins chronophage quela consultation d’Internet.En outre, les Françaispossédant un mobilepapotent en moyenne2h49 par mois, selondes chiffres de l’Arcep.

«La relation s’estbrisée de façonirrévocable.»La demande de divorcedéposée à New Yorkpar Rupert Murdoch àl’attention de sa (troisième)femme Wendi, et révéléepar le Wall Street Journal

ERRATUM : Pour l’avis de la préfecture de la région d’Ile-de-France, préfecture de Paris paru dans notre journal du lundi 10 juin 2013 page 19 suite à une erreur matérielle dans l’adresse du projet d’aménagement, il convient de lire le titre de l’avis d’enquêtes ainsi rédigé :

AVIS D’ENQUETES PUBLIQUESProjet d’aménagement des immeubles

99 rue de Buzenval / 21 impasse des Souhaits101 rue de Buzenval,

38 rue de Terre Neuve / 103 rue de Buzenval à Paris 20ème arrondissement

Nous regrettons cet incident indépendant de notre volonté.EP13-124

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE01.49.04.01.85 - [email protected]

Par ERWAN CARIO

Hadopi et ses conseilsà la «PUR» noix

L a blogueuse Klaire (1)s’est aventurée cettesemaine-là où peu, très

peu, d’internautes avaientosé laisser traîner le pointeurde leur souris: les sites de vi-déo à la demande qui ont de-mandé et obtenu la labellisa-tion officielle proposée parl’Hadopi, «PUR». Le constatest affligeant. Mis à part ArteVOD et un ou deux autres quis’en sortent avec les hon-neurs, aucun des vingt sitestestés ne permet d’avoir ac-cès dans de bonnes condi-tions aux contenus qu’ilssont censés mettre à disposi-tion. Mention spéciale à l’in-fâme MegaVOD qui est aussilaid et peu ergonomique quele pire des sites de streamingillégal, et dont le modèleéconomique (5 euros par se-maine pour… un film par se-maine dans un catalogue unpeu moisi de 1800 films) re-lève – en restant poli – del’arnaque la plus complète.

Au-delà de la première réac-tion, amusée, et de la se-conde, un poil terrifiée, cesoutien à la médiocrité de lapart de la Haute Autorité n’afinalement rien de bien sur-prenant. Vue de la rue duTexel (et de pas mal d’autresendroits, car elle n’est passeule sur le créneau), la léga-lité d’une offre est en effetune condition nécessaire etabsolument suffisante pour

en faire un service valide. Siune plateforme reverse dessous aux ayants droit, elle nepeut pas être foncièrementmauvaise, non? Il faut doncla soutenir. Et tout le mondes’y retrouve. Enfin, tout lemonde, sauf peut-être lesconsommateurs qui ont unpeu de mal à comprendrecomment on a pu leurconseiller de payer pour uneprestation aussi navrante.

Car le public n’a jamais payéet ne paiera jamais pour desdroits d’auteur. Ceux-ci lientdepuis plus de deux sièclesles auteurs et les entreprisesqui commercialisent leursœuvres. Ces entreprises ven-dent de leur côté des objets(CD, vinyles, livres, etc.) oudes services (VOD, abonne-ments) à leurs clients etreversent une partie deleur chiffre d’affaires auxauteurs. Le public paie doncavant tout pour ces objets ouces services. C’est ce qu’ontbien compris des platefor-mes comme Deezer, Spotify,iTunes ou encore Netflix. Ilsvendent une rapidité et unesimplicité d’accès à un cata-logue riche et varié. Ils necommuniquent pas sur la lé-galité de leur offre mais surson attractivité. Dommagequ’à quelques mois de sadisparition Hadopi ne l’aittoujours pas compris. •(1) www.klaire.fr/

DÉBAT D’IP

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201330 • ECRANS&MEDIAS

Page 39: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

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Orléans

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Brest

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MontpellierMarseille

Nice

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NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréFort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

0,1 m/12º

LLEE MMAATTIINN Matinée souvent calme,généralement grise au nord avec desnuages bas parfois tenaces.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Ciel généralement varia-ble, le risque d'averses se limitera à lamontagne. Retour d'éclaircies sur lesPays de la Loire.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SÉLECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalem LondresBerlinMadridNew York

Neige

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0,3 m/16º

0,3 m/17º

0,6 m/17º

VENDREDI

Les nuages dominent de la Bretagneau Nord-Pas-de-Calais. Ailleurs, lesoleil s'impose et les températuressont de saison.

SAMEDI Mitigé en Manche. Ailleurs, chaleurdevenant lourde et finalement ora-geuse en cours de soirée.

DIMANCHE

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7/208/2011/169/219/22

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0,3 m/11º

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0,6 m/15º

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publicationet de la rédactionNicolas Demorand Directeur délégué de larédaction par interimFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)

Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

PuBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18

Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet.

IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve),

Imprimé en France Tirage du 13/06/13:128 825 exemplaires.

Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: 1115C 80064.ISSN 0335-1793.

Nous informons nos lecteursque la responsabilité du jour -nal ne saurait être engagéeen cas de non-restitution dedocuments « Pour joindre un journaliste,envoyez-lui un email initialedu pré[email protected]: [email protected]

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C R E S T M O U P

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R E M T O U P C S

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T C O M P S E R U

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M O U E C R S P T

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 JEUX­METEO • 31

Page 40: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

TU MITONNESChaque vendredi,passage en cuisineet réveil despapilles.Aujourd’hui, auxfourneaux avecGeorges Langen bande-son.

Elogede la popcuisine

Par JACKY DURANDPhoto EMMANUEL PIERROT. VU

GOÛT

C her Monsieur Georges Lang,on vous écrit du fond de la cui-sine où l’on fricasse, mon co-pain le Grand et moi. C’est

point d’heure pour vous causer maisvous et nous, c’est une vieille histoiredepuis le temps que l’on vous écoutedans le poste, la nuit, sur RTL. Ça acommencé sur le vieux transistorBrandt de Mémé dans notre piaule dejeunes cons pustulés. Avec le Grand, onétait censés piger la géométrie descrip-tive, bouffer de la cinématique, avalerdes gammes d’usinage. Mais au lieu decela, on préférait se goinfrer des ban-des-son de vos émissions et de celles deBernard Lenoir sur France Inter. On sepiquousait avec les Who, Van Halen,Genesis, Hendrix, Fleetwood Mac, LouReed, Crosby & Nash, Deep Purple, lesDoors… Et tout ça, en loucedé. Parcequ’avec le Grand, on a toujours étéprécoces dans la fumisterie. C’était dugrand art que d’enfumer nos vieux quinous voyaient déjà tout en haut du Con-cours général. On savait comme per-

sonne déplier nos bouquins, classeurs,tables de logarithmes, une oreille contrela radio, une autre en alerte vers la portede la chambre et les patrouilles paren-tales. On avait des gueules d’angequand on venait nous féliciter pournotre application et que l’on nous con-seillait de ne pas veiller trop tard. Lepont-levis à peine relevé, on pouvaitalors replonger avec délectation dansRicky Lee Jones, Tom Waits, les DoobieBrothers et la gnôle de pépé.

NAVETTE. Monsieur Lang, vous étiezaussi là quand on a fait chauffer notrepremière Taunus dont l’ancien proprié-

taire avait eu l’élégance de nous céderle volant recouvert de peau de mouton.Les ZZ Top mugissaient dans un haut-parleur grand comme une table de nuitqui mangeait toute la lunette arrière. Onpouvait facilement monter à six dansla Ford pour d’invraisemblables navet-tes nocturnes. Soit le Café de la Poste,le Vox et la MJC puis la MJC, le Café dela Poste et le Vox ou encore le Vox, laMJC, le Café de la Poste. A raison d’uneplombe à débattre de l’itinéraire et d’at-tendre les retardataires qui se traînaienten meules, ça prenait du temps. En fait,c’est fou ce que l’on peut s’emmerderdans un rayon de cinq kilomètres quand

on a 20 berges. C’est fou aussi commeon peut se réjouir à l’idée de recom-mencer le lendemain soir. Mais, nous,ce que l’on préférait, c’est quand voussurgissiez dans l’autoradio. On éjectaitla cassette des Floyd pour faire de laplace. A cette heure-là, il y avait déjà dumal de fait. Les gars en main étaientpartis se coucher; les autres fumaientou noyaient leur râteau. Alors, nous, ons’offrait un bout de nationale commeune gourmandise. Avec les grands pla-tanes dans les phares jaunes de la Tau-nus et le son d’XTC ou des Simple Mindsentre les oreilles. C’est sûr, un jour, onpartirait voir la mer en écoutant

LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 201332 •

VOUS

Page 41: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Parce que la fête des pères (cedimanche) n’est pas obligée d’êtreune punition, offrez cette année lecadeau qui fera vraiment plaisir, çachangera de la cravate de matonou de l’après­rasage qui sent leparfum à chiottes. Optez doncpour du fromage avec le planmalin de Laurent Dubois qui réu­

nit dans son coffret «A la pointe du couteau» (60 euros)quatre fromages goûteusement burnés accompagnésd’un bouquin de Delerm père.Fromagerie Laurent Dubois,2, rue de Lourmel et 47 ter, bd Saint­Germain à Paris.

FÊTE DES PÈRES, FAITES­ENTOUT UN FROMAGE

L’OBJET

Par OLIVIER BERTRAND

Un lambrusco gai etvivant à la mémoirede l’ami Bruno

C’ est une maison cu-rieuse, accrochée àune falaise, au bout

d’un village ardéchois. Lespièces s’étagent l’une au-dessus de l’autre. Le salontroglodyte s’enfonce dans laroche. Le balcon s’avancedans le vide. Un ami l’avaitachetée voilà une dizained’années, pour venir écrire.Une tanière littéraire. Il s’estfait des copains dans ce vil-lage dont une partie des ha-bitants était arrivée cinq oudix ans plus tôt. Ils aimaientcomme lui la vie, la fête, lescopains. On y a souvent budu bon vin, parfois seule-ment du vin, mais c’étaitbon quand même. Le jour, ily avait l’ombre de la rivière,au fond de la petite vallée,pour se reposer de la nuit.Puis Bruno est mort en quel-ques mois, nous laissantsidérés. Et des années plustard, quelque chose me gri-gnote encore le ventre lors-que je croise un rire tropjoyeux dans la rue. Les pre-miers mois, les volets sontrestés le plus souvent clos.On avait fait une dernièrefête, pour planter un tilleul,sous la maison. Il y avaitquelque chose de difficile àdépasser. J’ai compris qu’ilest plus compliqué d’accep-ter le départ de quelqu’unqui aime vraiment la vie etses plaisirs.

Ses amis organisent chaqueannée un petit festival. Ils sedonnent un thème, puisexposent leurs sculptures,leurs installations, dans lesruelles. Les «néo», ceux quis’installent sur le tard dansles villages, se censurent

souvent moins. Mais ungarçon natif de là s’est aussilaissé entraîner. Cette année,il avait tiré un câble d’unbout à l’autre de la vallée,pour suspendre un kaya-kiste, fragile danseur sur-plombant la rivière.

Pour la première fois je reve-nais au village, où le tilleul adrôlement forci. Le soir, on amangé du fin gras du Me-zenc, bœuf d’un plateau voi-sin diaboliquement persillé.C’était troublant d’être aumilieu des amis de Bruno,dans son village. Les écou-tant en silence, je compre-nais ce qu’il avait rejoint icide solide et joyeux. La veille,on avait bu un régal de côterôtie déclassée, ce qui inter-dit d’en parler. Là, des vinsblancs et rouges sans plusd’intérêt que de les boire en-semble, puis celui qui nousrégalait a ouvert un lam-brusco, vin pétillant deLombardie. Tout le mondeétait sceptique, mais c’étaitbon. Souvent, les lambruscosont écœurants, par leursucre et leurs bulles grasses.Les siennes étaient fines etnerveuses, le vin gai et vi-vant, j’en ai oublié de leprendre en photo. Mon voi-sin me racontait le vide laissédans le village aussi. Commeil était difficile les premiersmois de voir les volets. Puisle fils de Bruno a commencéà venir de plus en plus sou-vent, avec des copains, descopines. Ils ont pris goût àpartager cette maison, fairela fête jusqu’au petit matin,en demandant parfois si celane gênait pas trop. Visible-ment, ça gêne pas trop. •

PARLONS CRUS

Philippe Conticini livre une de ses recettes.

La tourte du dessert,ricotta et fruits secsE n matière de tourtes, le pâtissier

Philippe Conticini vient de com-mettre un ouvrage (1) qui réveille

le genre en introduisant mille et ungoûts, saveurs et assaisonnements dansles pâtes feuilletées, brisées ou sablées.Voici sa très aguicheuse recette de «Pieà la ricotta, au chocolat et aux fruitssecs» que nous vous proposons de réa-liser avec 2 rouleaux de pâte feuilletéedu commerce ; 30 g de beurre mou ;1 jaune d’œuf battu avec un peu d’eau(dorure); 100 g de chocolat noir fondu(pour servir). Pour le fond parfumé dela tourte : 2 cuillères à soupe bombéesde sucre semoule ; 2 cuillères à soupebombées de pistache non salée, en pou-dre grossière ; 2 cuillères à soupe degraines de lin doré. La crème au choco-lat: 150g de chocolat noir; 6cl de crèmeliquide. La ricotta aux fruits secs: 220gde ricotta; 50g de crème liquide; 100gde sucre semoule ; 100 g de pépites dechocolat; 2 gousses de vanille fendueset grattées; 50g de pistaches non saléesgrossièrement concassées.Beurrez au pinceau votre moule àtourte. Mélangez les ingrédients dufond de la tourte et couvrez-en lesbords et totalement le fond du moule.Recouvrez avec la pâte. Pour la crème

au chocolat, faites fondre doucement lechocolat au bain-marie et, par ailleurs,faites chauffer la crème liquide. Quandelle est bien chaude, versez-la en deuxfois sur le chocolat fondu en fouettantvivement. Couvrez avec un film ali-mentaire et laissez refroidir à tempéra-ture ambiante.Pour la ricotta aux fruits secs, mélangezla ricotta, la crème liquide, ajoutez lesucre, les pépites de chocolat, les grai-nes de vanille et les pistaches. Etalez surla pâte feuilletée un centimètre decrème au chocolat. Réservez 10 minutesau congélateur pour durcir la ganache.Recouvrez de crème à la ricotta jusqu’àquelques millimètres du bord. Couvrezla tourte avec la pâte restante et soudezles bords. Dorez au pinceau, gardez20 minutes au frigo et dorez à nouveau.Avec un couteau pointu, piquez latourte aux points cardinaux et au cen-tre. Enfournez 35-40 minutes dansvotre four préchauffé à 170 degrés. Dé-moulez quand la tourte est tiède et dé-gustez à température ambiante en ver-sant un peu de chocolat fondu sur lapâte.

J.D.(1) «Pies, 40 tourtes sensationnelles»,de Philippe Conticini, La Martinière, 13,90€.

Lou Reed dans Walk on the WildSide. Mais faut qu’on vous dise, Mon-sieur Lang, on n’a jamais été foutu deconduire la nuit car on n’y voit goutte.Et comme on préfère donc laisser le vo-lant au Grand, on n’a jamais débarquéau bord de la Grande Bleue aux aurores.Parce que notre chauffeur, lui, quand ilfait ronfler sa BM la nuit, c’est pourmettre le cap sur une souris du côté deNogent-le-Rotrou ou de Romilly-sur-Seine. Nous, on s’en tape, on peut ron-ronner sur le Wonderwall d’Oasis. Aprèsun petit roupillon, on vous retrouve

parfois dans la radio enfarinée d’unfournil où les croissants chauds embau-ment tandis que le boulanger fait destraits sur ses baguettes sur un air de Ma-rianne Faithfull. On remonte la rueprincipale de ce bled éteint avec JeffBuckley chantant Hallelujah de LeonardCohen. On songe à toutes ces vies donton ne saura jamais rien dans les petitesmaisons mitoyennes. Si ça se trouve, ily a des gens qui vous écoutent, Mon-sieur Lang. Parce qu’on en connaît,nous, une brassée de nuiteux branchéssur vous la nuit. Des mitrons, des tau-liers, des soignants du corps et del’âme, des insomniaques, des réjouis del’existence, des inconsolables… La ra-dio, c’est impec pour pédaler sur le fauxplat de la nuit, ça vous vaccine contre lenoir, c’est une piqûre de rappel à la vie;

un rince-cochon après les overdoses desolitude; une bouillotte musicale sousla couette.

BRINGUE. Faut qu’on vous dise aussi,Monsieur Lang, ça nous a donné aussiune méchante habitude: celle de nousmettre aux fourneaux nuitamment. Ona d’abord commencé avec l’omelette deminuit, les nouilles de 2 heures, ça,c’est pour les troisièmes mi-temps debringue quand il faut éponger le Jack.Puis, on s’est lancé dans les frichtis aulong cours, les fricassées nocturnes

qui nous font éplucherl’oignon, hacher l’écha-lote autour d’une heuredu mat’. On fait mijoter lebourguignon avec Radio-head; braiser les carottesau cumin avec Patti Smithou lever la brioche avec

Lenny Kravitz. Et puis comptez sur leGrand pour débarquer quand ça fleurela blanquette. Le voilà, l’autre jour, quiarrive avec l’album de vos «Noctur-nes» (1) et un pouilly fumé. «Et ça faitquarante berges qu’il cause dans le poste,Georges Lang», qu’il fait. Ben ouais,quarante ans, c’était il y a un siècle,c’était hier, hein ? «Tiens, tu lui feraisquoi à becqueter s’il était là maintenant?»qu’il dit le Grand après une premièregorgée de blanc. Une tourte qu’on dit.«Chez lui, c’est plutôt le pâté lorrain,non ?» fait le Grand qui en connaît unrayon sur votre bio. «Le pâté lorrain, onira le manger à l’automne à Metz», qu’onsuggère. Le Grand approuve: «Ah ouais,en BM avec la radio à donf.» •(1) «40 ans, les nocturnes» de Georges Lang(coffret de 4 CD, 27,99€)

La radio, c’est impec pour pédaler surle faux plat de la nuit, ça vous vaccinecontre le noir, c’est une piqûre derappel à la vie; un rince-cochon aprèsles overdoses de solitude.

Décès

Les famillesMATHIEU,ROLLET, FILLON,

GUYOMARDont la douleur de vousfaire part dudécès de

Jean-PaulMATHIEUsurvenu le 1 Juin 2013 à Blois

dans sa 67ème année.

AgnèsMathieuCidex 707

41500 Saint-Dyé sur Loire

Mamade, Pépito, Pepette,MoniqueWyers

et la familleDemayont la tristesse de vousannoncer le décès de

PatriceWyerssurvenu le 8 juin.Il sera incinéré auCrématoriumduPère Lachaise,

le lundi 17 juin à 15h30.Mamade - Tél : 06 62 22 94 81

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LIBÉRATION VENDREDI 14 JUIN 2013 VOUS • 33

Page 42: Liberation N°9979 - Vendredi 14 juin 2013.pdf

Par ANNE PERETTE­FICAJA

Globulesà gogo«A ujourd’hui,

on passe dela paillasseau prototype.Demain, duprototype àla production

industrielle.» Luc Douay, professeur àl’université Pierre et Marie-Curie, ré-sume ainsi dix ans de travaux sur la fa-brication de globules rouges. A l’origined’une première mondiale made inFrance, cet hématologue de l’hôpitalSaint-Antoine à Paris a montré, en 2011,que l’on peut produire artificiellementdes globules rouges –l’un des compo-sants sanguins, transporteur vital del’oxygène dans le sang–, puis les injec-ter à l’homme avec succès (1).

Signaux chimiquesLe cap à franchir est technologique. Lebioréacteur –véritable «usine à globu-les»– qui doit voir le jour dans les qua-tre ans qui viennent permettra de lan-cer les essais cliniques avant productionà grande échelle. Luc Douay a récem-ment obtenu les financements néces-saires –Etablissement français du sang(EFS), soutien à l’innovation, associa-tions caritatives– et mène une étude decoût pour évaluer les aspects financiersdu projet. En laboratoire, entre 2000et 2005, l’équipe qu’il dirige a produitdes globules rouges à partir de cellulessouches prélevées dans la moelle os-seuse, le sang et surtout le cordon om-bilical, riche réservoir de la précieusematière première. Le défi ? Mettre cescellules en culture et en contrôler laprolifération grâce à des facteurs decroissance et un milieu favorable(plasma, nutriments…). Restait alors àleur envoyer des signaux chimiques

journée mondiale des donneurs desang, le biologiste –par ailleurs direc-teur scientifique de l’EFS – insiste :«Les dons traditionnels de sang ne doiventpas faiblir.» Si la France est globalementautosuffisante, la collecte connaît dansle monde des problèmes quantitatifs etqualitatifs (transmission d’agents pa-thogènes), notamment en Inde, enAfrique et en Chine. Le scandale dusang contaminé par le virus du sida ha-bite d’ailleurs encore les esprits fran-çais, même si les progrès en matière desécurité sont très significatifs dansl’Hexagone. Et la rétribution du don desang revient sur le tapis (2), malgré deseffets délétères connus –forte réponsedes usagers de drogues, facteur de ris-que de transmission de maladies…

Jusqu’à présent, la recherche de trans-porteurs d’oxygène alternatifs avaitbuté sur des risques majeurs. En 2008,une revue internationale les invento-riait (3): Perfluorocarbonates (molécu-les de synthèse chargées de transporterpuis relarguer l’oxygène), à l’effet trèslimité dans le temps (quarante-huit heures au plus); hémoglobine re-combinée, responsable de troubles vas-culaires importants; tentative infruc-tueuse de reconstitution d’un sacartificiel contenant l’hémoglobine; uti-lisation avortée d’hémoglobine debœuf…L’autre voie particulièrement promet-teuse vient de la découverte du JaponaisShinya Yamanaka, chercheur spécia-liste des cellules souches à l’université

pour qu’elles se différencient et devien-nent des globules rouges matures, iden-tiques à leurs homologues natifs.Dans cette «cuisine», sourit le cher-cheur, «il fallait que la mayonnaiseprenne». Elle prit puisque les globuless’avéraient fonctionnels en laboratoireet chez l’animal. Mais chez l’homme?Pour réduire au maximum le risqued’échec, les chercheurs avaient adoptéun modèle dans lequel donneur et rece-veur ne faisaient qu’un. Injection faite,le constat était clair : les globules créésvivaient dans l’organisme humain etleur durée de vie moyenne égalait celledes globules rouges générés naturelle-ment. Un succès.«Les cellules souches de cordon sontaujourd’hui notre standard», confieDouay, car elles sont natu-relles et disponibles. Leurcapacité de reproduction estdix fois plus importante quecelle des cellules souchesadultes et leur manipulationest éprouvée. «A partir d’unseul cordon, nous pourrionsproduire l’équivalent d’une centaine depoches de sang», ajoute-t-il. Mais il y aun hic. Comme pour le don classique desang, le critère de compatibilité condi-tionne la collecte. «Le globule rouge estun sac rempli d’hémoglobine, transpor-teur d’oxygène. Parce qu’il détermine legroupe sanguin, ce sac nous embête etnous contraint», explique Luc Douay.

La rétribution du donrevient sur le tapis

Malgré son enthousiasme, l’hématolo-gue rappelle qu’il «ne prétend pas rem-placer demain le système actuel de trans-fusion». La France a besoin de500 000 poches de sang par an et90 millions en sont distribuées chaqueannée dans le monde. En cette dixième

L’hémoglobine d’un ver marin estune bouteille d’oxygène permettantde respirer dans l’air ou l’eau. Elleest cinquante fois plus grande quel’hémoglobine humaine.

Aujourd’hui se déroule la dixième journéemondiale des donneurs de sang. Si l’onn’imagine pas de se passer de leurs donsvitaux, la recherche de substituts, fabriquésen laboratoire, avance à grands pas.

En France, une usine à globules sera créée d’ici à 2017. Elle permettra une production à grande échelle. PHOTO SUSUMU NISHINAGA. SPL. COSMOS

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L orsque l’eau du cielmanque, l’homme s’enva la chercher sous

terre. C’est une histoirevieille comme le premierpuits creusé à la pioche. Tantque la pioche seule est encause, l’affaire est durable.Rares et peu profonds, lespuits ne peuvent épuiser uneressource inconnue. Cettepériode est révolue. Destechnologies puissantesmultiplient les puits, creu-sent sur plusieurs kilomètreset, si la pression artésiennene suffit pas, des pompes s’yajoutent.Une question pointe alors :l’eau du sous-sol se renou-velle-t-elle au rythme de sonextraction? Un sujet d’inter-rogation susceptible deprendre un tour angoissantpour les populations qui dé-pendent du sous-sol pourleur alimentation en eau po-table et leur agriculture. Lesscientifiques ont longtempsapporté des réponses locales.Les hydrogéologues cher-chant à estimer les quantitésretenues dans les aquifères– fossiles ou renouvelés parles pluies– afin de conseillersur le rythme de leur exploi-tation. L’ère des satelliteschange la donne et livre unevision à large échelle de cesréserves et de leurs limites.Comment un satellite peut-ildiscerner l’évolution d’unaquifère? Leurs concepteurssont souvent futés. Les géos-cientifiques ont eu l’idéed’utiliser l’effet subtil surl’intensité du champ gravita-tionnel d’une charge etd’une décharge du contenuen eau du sous-sol. Les deux

satellites Grace (Gravity Re-covery and Climate Experi-ment) de la Nasa et du DLRallemand, en mesurant d’in-fimes variations du champde pesanteur, accèdent àcette information vitale, auprix d’analyses gratinées.Une équipe de l’Institut derecherche pour le développe-ment (IRD) a publié (1) uneétude montrant que les aqui-fères du Sahara septentrional– de la Mauritanie à la Li-bye– ne sont pas 100% fossi-les, formés d’une eau enfouiedepuis un million d’années.Sur la période 2003-2010,observée par Grace, ils rece-vraient en moyenne 1,4 km3

d’eau par an. Impression-nant ? Non, car le prélève-ment moyen est plus de deuxfois supérieur. D’où unebaisse du niveau des nappeset le tarissement de sourcesnaturelles. Or, les popula-tions concernées devrait at-teindre 8 millions d’ici à2030. Grace indique les limi-tes de cette ressource et lecoût croissant de son accès.La soif d’eau souterraine nese limite pas aux déserts. Unarticle, ce matin dansScience, utilise Grace pourmontrer qu’entre 2003 et2012 presque tout le sud desEtats-Unis a vu ses aquifèresen baisse. Ses auteurs plai-dent donc pour la continuitéde ces observations précieu-ses, parmi d’autres, des sa-tellites de gravimétrie. LaNasa et l’Agence spatialeeuropéenne sauront-elles lesécouter ?

SYLVESTRE HUET(1) Julio Gonçalves et al., GRL,vol 40.

GÉOSCIENCES La gravimétrie parsatellite révèle la surexploitationde l’eau du sous-sol.

La soifde l’hommevue du ciel

Satellites de repérage de l’eau sous terre. DESSIN NASA

de Kyoto, prix Nobel de médecine en2012. Dès 2006, il prouve qu’une celluleadulte mature peut retrouver les pro-priétés d’une cellule souche embryon-naire et se différencier en n’importequel type de cellule. Ce sont les «cellu-les souches pluripotentes induites» –ouiPS, induced pluripotent stem cells. Finiles questions éthiques ou de disponibi-lité grâce à leur potentiel de proliféra-tion quasi-illimité. En 2010, l’équipe deLuc Douay fut la première à fabriquerdes globules à partir de ces iPS. Elle amontré que les globules produits pou-vaient être quasi-universels grâce à lasélection des donneurs sur leurs critèresde groupe sanguin. «Nous pourrions àl’avenir répondre à 99% des besoinstransfusionnels en France à partir de troisdonneurs seulement», estime LucDouay, qui fonde beaucoup d’espoirssur cette piste.Elle représente un espoir thérapeutiquepour les patients en impasse transfu-sionnelle comme les personnes à groupesanguin rare. Et pour les polytransfusés,atteints de maladies acquises ou innéesde l’hémoglobine (la drépanocytosetouche 300 millions de personnes dansle monde) ou de la moelle osseuse (leu-cémie). Or 1 à 3% d’entre eux finissentpar rejeter les globules reçus et atten-dent des globules compatibles. L’enjeusanitaire est de taille.

Sur les plages bretonnes«Aujourd’hui, beaucoup d’argent est in-vesti dans ce projet et les résultats sont at-tendus avec impatience», constate LucDouay, qui ne rencontre plus le scepti-cisme qu’il a dû combattre au début deses recherches. Une opinion partagéepar Franck Zal, fondateur en 2007 de lasociété Hémarina, titulaire de treize fa-milles de brevets, et qui développe untransporteur d’oxygène universel. «Cetransporteur, c’est le graal que tout lemonde cherche», lance Zal, qui a déjàengagé des partenariats en France, àl’étranger (dont la Navy américaine) etouvert une filiale à Boston en mai.Ancien chercheur au CNRS, c’est sur lesplages bretonnes que le chercheur a dé-couvert –«un peu fortuitement», avoue-t-il – que l’hémoglobine d’un ver marinétait une véritable «bouteille d’oxygène»permettant de respirer dans l’air oul’eau, au gré des marées. Dénuée du fa-meux «sac» et cinquante fois plusgrande que l’hémoglobine humaine,celle-ci est un gisement auquel l’entre-preneur donne de nombreuses applica-tions thérapeutiques: solution de main-tien de la qualité des greffons,pansements oxygénants, prise encharge de la drépanicytose…Franck Zal, qui a signé un premier con-trat de distribution en France sur l’unede ses applications, a montré que sonproduit pouvait être lyophilisé. Uneperspective pour son utilisation en mé-decine d’urgence. La ferme d’élevage,qu’il vient d’acquérir à Noirmoutiers(Vendée) pour industrialiser sa produc-tion de vers, montre que le procédé a del’avenir. «La concurrence scientifiquemondiale est forte et le marché existe»,affirme Luc Douay : «Notre équipe aremporté une étape décisive. L’avenir nousdira qui remportera le tour.» •

(1) MC. Giarratana et al., Blood du1er septembre 2011.(2) N. Lacetera et al., «Science» du 23 mai.(3) C. Natanson et al., Jama du21 mai 2008.En France, une usine à globules sera créée d’ici à 2017. Elle permettra une production à grande échelle. PHOTO SUSUMU NISHINAGA. SPL. COSMOS

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PORTRAIT PIERRE GATTAZ

et de communication (dont il est le président) n’est pas vrai-ment fidèle à cette image. Son abord est chaleureux et simple.Face au photographe et au journaliste, il se livre sans faire demanière. Comme s’il n’y avait aucune zone d’ombre danssa vie. Pierre Gattaz est un homme de droite assumé. Unevieille droite industrielle et paternaliste qui s’est mise au goûtdu jour de la mondialisation. Portrait en cinq thèmes.Famille. Quand on lui parle de son père ou de ses enfants,Pierre Gattaz répond Radiall. Famille et entreprise consti-tuent le même univers. Son père Yvon (87 ans) et son oncleLucien (décédé en 2003) ont créé Radiall en 1952, une entre-prise sous-traitante de l’aéronautique et des télécoms. Sonpère siège toujours au conseil de surveillance, en compagniede sa sœur aînée, Roselyne, et de son cousin Bruno. Maisl’intéressé a mis du temps avant d’accepter de perpétuerl’œuvre de son géniteur. «Etre un héritier était ma hantise, serappelle-t-il. Je ne voulais pas vivre dans l’ombre de mon pèreet j’ai tout fait pour qu’on ne m’identifie pas à lui.» Après desétudes d’ingénieur en France et aux Etats-Unis, il part tra-vailler quelques années chez Dassault Electronique puis sevoit charger par un grand groupe industriel de redresser unefiliale en difficulté. Mais, en 1992, la crise économique me-nace la survie de Radiall, sa famille lui demande de redresser

la barre. Il accepte, prend la direction opérationnelle de lasociété, puis devient très vite le seul patron à bord. Depuis,il a traversé plusieurs crises et est toujours là. Jamais il n’apensé à vendre l’entreprise. Il loue la «solidité» du capita-lisme familial, où on «travaille dans la durée» et on «évite lesrisques maximums». La pression est aujourd’hui sur ses quatregrands enfants (dont deux travaillent et deux font des étu-des). «Aucun n’est déterminé à reprendre Radiall. Ils vivent leurvie», affirme leur père. Sans convaincre.Entreprise. L’homme a été élevé dans la religion de l’entre-prise: l’amour des procédés industriels bien faits et la beautéde l’usine via son oncle, la nécessité d’avoir une gestion fi-nancière rigoureuse et de conquérir des marchés via son père.Même s’il ne déteste pas la fonction publique (son frère cadetest professeur, sa femme a été inspectrice des impôts), jamaisil n’a imaginé faire de sa vie autre chose que patron. «L’entre-prise, c’est la plus belle aventure humaine. Vous y créez desrichesses, de l’emploi, et c’est une machine à intégrer: les jeunes,les populations défavorisées, les minorités… Par le travail, ilstrouvent de la dignité.» Quant au patron, c’est un «héros» destemps modernes, il s’est «lancé», a pris des risques, il «tra-vaille quinze heures par jour», il a «hypothéqué sa maison», etparfois «il a divorcé». Quant aux scandales de patrons voyousou de golden parachutes, «il s’agit de faits divers. Cela n’a rienà voir avec le vécu de 99% desentrepreneurs.»Argent. Sa famille étantactionnaire à 90% de Ra-diall, valorisé 140 millionsd’euros, les Gattaz sont con-sidérés comme la 277e for-tune de France, selon Chal-lenges. Mais l’entreprisen’étant pas à vendre, cetargent reste virtuel. Celan’empêche pas Pierre Gattazde très bien vivre: un salairede 300000 euros par an, unbonus de quelques dizainesde milliers d’euros et des di-videndes. Vis-à-vis de l’ar-gent, sa philosophie est peu lisible. Spontanément, il rejettel’idée de l’argent pour l’argent : «Avoir des dizaines de mil-lions ? Qu’est-ce que vous voulez en faire ?, se demande-t-il.Pour acheter 15 bateaux, 10 châteaux, 3 Porsche… Moi, j’ai uneC5 et j’en suis très content!» Mais il ne veut pas se mettre à dosles patrons du CAC40 dont la rémunération de plusieurs mil-lions d’euros ne le «choque pas». Et d’affirmer : «Il ne fautpas avoir peur de s’enrichir.»Patrie. Politiquement, Pierre Gattaz veut bien admettre qu’ilest plus proche de la droite que de la gauche (sa femme s’estd’ailleurs engagée à l’UMP) mais refuse de «raisonner commeça». D’ailleurs, il a des «amis» dans chaque camp. Lui se dé-finit comme un «libéral humain» qui combat pour la grandeurde la France et cite trois grands hommes: Churchill pour le«sens de l’effort», De Gaulle et Pompidou pour «l’amour dela patrie et la vision stratégique». Il regrette les grands pro-grammes étatiques des années 1960 et 1970 (Airbus, le nu-cléaire civil, le TGV…) et veut relancer de grandes filières. Maispas question de confier cette réflexion à l’Etat. Le nouveaucommissariat général au plan, c’est le Medef qui doit l’incar-ner. «C’est nous qui avons la vision aujourd’hui. C’est nous quisommes au quotidien face aux Chinois ou aux Américains etqui connaissons la Sillicon Valley. Pas les ministres ou les hautsfonctionnaires.»Loisirs. La campagne au Medef ne lui laisse pas beaucoupde temps pour se distraire. Il doit chercher avant de se souve-nir du dernier ouvrage qu’il a lu. Etait-ce le dernier NicolasBaverez ou le récit sur le papier de son ami Erik Orsenna ?Il affiche des goûts très mainstream (Gallo, d’Ormesson),n’est ni cinéphile, ni séries télé. Seule originalité, il aime lirede la poésie avant de se coucher (Neruda, Hugo, Baude-laire…). L’homme est un actif, s’accomplit en se lançant desdéfis. A 40 ans, il a repris des cours de piano. A 50, il s’est misdans la tête de prendre des cours de pilotage. Il a décollé quel-ques fois seul, avant de devoir abandonner. L’activité étaittrop prenante et peu compatible avec ses charges patronales.Mais il adore tout ce qui procure de l’adrénaline. Dernierchallenge accompli, il a gravi le mont Blanc sans préparation.Il en «a chié», mais est arrivé au sommet. Il en tire une leçon:«Le rêve et la volonté sont plus forts que la douleur.» •

Par NICOLAS CORIPhoto FRÉDÉRIC STUCIN

EN 7 DATES

11 septembre 1959Naissance à Boulogne­Billancourt.1983 Diplômé deTélécoms Bretagne.1992 Directeur général deRadiall. 2007 Membre ducomité exécutif du Medef.2010 Président duGroupe des fédérationsindustrielles. Janvier 2013Candidat à la présidencedu Medef. 3 juillet 2013Election au Medef.

D ans le monde médiatico-politique, le rôle dévolu auprésident du Medef est simple: incarner le prêchi-prêcha libéral à base d’exhortation à moins de fisca-lité et plus de compétitivité. Pendant huit ans, Lau-

rence Parisot a très bien fait le job, en y ajoutant une toucheplus personnelle sur la diversité. Le 3 juillet, ce sera au tourde Pierre Gattaz de prendre cette place. Hier, les deux autrescandidats de poids au poste de patron des patrons, GeoffroyRoux de Bézieux et Patrick Bernasconi, ont annoncé qu’ilsse ralliaient à lui (lire page 16). Le vote sera une formalité.Jusqu’à présent, ce qu’on a lu de l’homme a de quoi fairepeur. Pierre Gattaz serait une sorte de petit patron poujadisteantisyndicats, proche de l’UMP, avec pour mission de pourrirle gouvernement. Une réputation qu’il doit à son physiquede trapu-costaud à la Lino Ventura, à son slogan –«Un Medefde combat» (sous-entendu contre la gauche)– et, enfin, à sonascendance: il est le fils d’Yvon Gattaz, président du CNPF(l’ancêtre du Medef) dans les années 1980, et en son tempspourfendeur du pouvoir socialiste. Celui qui nous reçoit ausiège de la fédération des Industries électriques, électroniques

Fils d’un ancien patron des patrons, l’industriel volontaireet chaleureux sera le prochain élu à la tête du Medef.

Epris d’entreprise

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