l'évolution historique de la pensée sci...nçaise pour l'information scientifique

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    Un monde fou, fou, fou...Du ct de la scienceDu ct de la rechercheEntre lespoir et le faux-mageDialogue avec nos lecteurs

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    Lvolution historique de la pense scientifique

    (1)

    Science, exprience et raison

    par Jacques Franeau - SPS n 279, novembre 2007

    Cet article est le premier dune srie portant sur ce quest la mthode scientifique, son universalit, saformation travers lhistoire et ses dvoiements pseudo-scientifiques. Ces textes sont issus dunouvrage publi aux ditions de lUniversit de Bruxelles en 1988 sous la direction scientifique de

    Jacques Franeau, alors professeur duniversit.

    La publication et ladaptation pour Sciences et pseudo-sciences ont t raliss en accord et avec lacollaboration de lauteur. Entre le moment o nous avons fini cette adaptation et sa publication dansnotre revue, nous avons appris avec tristesse la disparition de Jacques Franeau, survenue le 17 avril2007. Nous adressons toutes nos condolances Annette Franeau, sa compagne. La mise disposition de ce texte, dune grande clart, est une forme dhommage que nous lui rendons.

    Il est dans la nature de lhomme dessayer de comprendre le monde qui lentoure, en expliquant lesphnomnes quil observe. Mais quentend-on par expliquer un phnomne ? Essentiellement, cesten dterminer les causes, cest--dire les conditions qui interviennent pour crer ou pour influencer ce

    phnomne. Lexplication sera prcise si, par des observations rptes et systmatiques, on parvient tablir une relation univoque qui permet de prvoir le droulement dun tel phnomne ; on diraalors quon a trouv la loi qui rgit celui-ci.

    La comprhension dun phnomne implique donc sa prvision et elle est dautant plus complte que

    la prvision est plus prcise. Lorsque le phnomne est simple, lexplication fait appel une seule loi, une seule relation de cause effet. Mais de nombreux phnomnes sont complexes ; ils fontintervenir plusieurs phnomnes simples dont linterconnexion cre la complexit. Lensemble des

    relations simples donne naissance une relation rsultante qui nest autre que la loi du phnomnecomplexe.

    En gnral, cet ensemble ne forme pas une chane causale linaire qui serait compose dune

    succession de causes et deffets, chaque effet devenant la cause de leffet suivant. Le plus souvent, ilsagit dun rseau de relations, plus ou moins compliqu, o un vnement dpend dun ensemble deconditions qui en constitue la cause.

    La science rpond une suite de pourquoi et de comment

    Le but dune science est dtablir, dans un domaine dtermin, un ensemble ordonn de relations quipermettent de comprendre les phnomnes. On voit dj que ce nest pas une bonne question de se

    demander si la science rpond aux questions comment plutt quaux questions pourquoi . Enralit, elle rpond ces deux types dinterrogation.

    La science donne une rponse la question : comment se passe tel phnomne ? . Autrement dit,mais plus explicitement : de quelle faon seffectue la succession des tats du systme envisag ;

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    comment se transforme-t-il et suivant quelles modalits ? Par exemple, quelles sont la trajectoire et lavitesse prises par un objet matriel soumis certaines forces ? Ce qui signifie aussi : commentseffectue son dplacement ?

    Mais, en mme temps, la science rpond la question : pourquoi ce phnomne apparat-il ?Autrement dit : pour quelles raisons ? Quelles en sont les causes ? Un phnomne quelconque possdetoujours un ensemble de causes qui lengendrent et il y a donc une rponse au pourquoi de cephnomne. Dans lexemple cit ci-dessus, ce sont les forces qui sont cause du mouvement et elles

    donnent la rponse la question : pourquoi cet objet se dplace-t-il ?

    videmment, on peut remonter la chane causale et poser des pourquoi supplmentaires. En suivanttoujours le mme exemple, on peut se demander pourquoi telle force se manifeste et quelle en est lacause. Et si lon peut rpondre cette question, il sera facile den poser une nouvelle, de mme naturemais un niveau plus profond. Lexplication nest jamais totale ; elle ne peut pas ltre, puisquil fautncessairement partir de quelque chose , de quelques principes de base partir desquels sedveloppe lexplication. Dailleurs, quelle que soit la dmarche suivie, quelle soit scientifique,philosophique ou autre, il sera toujours possible de prolonger les pourquoi et cela, indfiniment.

    En ralit, la science rpond une suite de pourquoi et de comment ; elle approfondit continuellementson explication, en sachant bien quelle ne pourra jamais la terminer. Il ny a pas, il ne peut y avoir dedernire rponse.

    La mthode scientifique est universelle

    Pour tablir ces chanes causales et pour les structurer suivant des lois, la science utilise une mthoderigoureuse appele mthode scientifique. Lorsquon parle de la science, on veut expressmentenglober toutes les sciences. videmment, les difficults rencontres sont trs diffrentes, suivant lesdomaines tudis, et, premire vue, on pourrait penser des mthodes diffrentes. Cependant, au fur

    et mesure que la science a tendu son champ dactivit, il est apparu clairement que ctait toujoursla mme mthode qui devait tre utilise pour arriver une connaissance de plus en plus gnrale etde mieux en mieux structure. Cette mthode universelle est la mthode scientifique.

    Cest tort que certains croient encore que cette mthode ne peut tre employe que dans les sciencesdites exactes ; cette conception est trop limitative ; elle oublie que toute science commence par unstade empirique et que la mthode scientifique comprend tous les stades dune lente progression versplus de connaissance et plus de gnralit.

    Pour analyser cette mthode dans son intgralit et dans toutes les phases de son dveloppement, ilconvient de se rfrer, en premier lieu, des domaines o la science est dj trs labore. Cependant,

    le fait quune science soit plus avance quune autre ntablit pas de hirarchie entre celles-ci ; celasignifie seulement que les difficults rencontres dans la premire taient moins grandes ou, ce quirevient au mme, que les moyens dinvestigation taient plus faciles mettre en uvre.

    Par consquent, dans notre analyse de la mthode scientifique, nous nous rfrerons trs souvent laphysique qui, parmi les sciences de la nature est certainement la plus labore. Par contre, lesproblmes poss par les sciences humaines sont beaucoup plus complexes.

    Examinons la profonde transformation mthodologique qui a permis, travers lhistoire, dedvelopper une science objective, aprs des sicles dun savoir essentiellement subjectif. Nousvoulons surtout dgager les conditions qui ont permis lmergence dune mthode conduisant une

    connaissance objective1.

    Lempirisme initial

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    Aussi loin quon puisse remonter dans le temps, on constate que les premiers rudiments de sciencesont insparables dune certaine technique, donc de proccupations utilitaires. Il fallait mesurer unedistance, la superficie dun champ, le volume dun liquide ; il fallait partager des objets. Ces mesuresfaisaient intervenir des nombres et des formes ; il tait normal de voir apparatre des notionsdarithmtique et de gomtrie, limites, le plus souvent, des procds de calcul. Il fallait aussimesurer lcoulement du temps, suivre linclinaison du soleil, prvoir les saisons, surveiller les phasesde la lune et la position des toiles ; ainsi naissait lastronomie.

    Que ces embryons de science se soient dvelopps en Chalde ou en gypte na, pour nous, quuneimportance secondaire ; soulignons seulement le caractre pragmatique de cette origine.

    Par contre, lexplication des phnomnes naturels, comme le mouvement des astres, le feu, la lumire,le vent, la foudre, les mares... ne faisaient pas lobjet de sciences mais de croyances religieuses.

    La science et le rationalisme grecs

    Avec les Grecs, une science plus gnrale naissait ; elle se sparait rsolument du sacr et devenaitindpendante de tout dogme religieux. Science et philosophie ne faisaient quun et avaient lambition

    dexpliquer le monde.

    Lorsquon parle de la science et de la philosophie grecques, on se rfre une longue priode qui vadu 6e sicle avant notre re jusquau 2e de notre re. Pendant la premire partie de cette priode,Athnes tait le principal foyer intellectuel ; les philosophes y fondaient des coles o, entours dedisciples, ils dveloppaient ce que, plus tard, on a appel la science grecque. Pendant la seconde partiede cette priode, partir du 3e sicle, le foyer intellectuel se dplaait progressivement Alexandrieo se craient la fameuse Bibliothque, puis le Muse, cette dernire institution devenantvritablement le sige de lcole dAlexandrie. Cest la fin de cette seconde priode que vivait leclbre astronome, Claude Ptolme, qui donnait son nom au systme du monde, rfrence

    astronomique indiscutable et indiscute jusqu Copernic.Mais revenons au dbut de cette longue priode et soulignons lessor et limportance desmathmatiques.

    Ds le 6e sicle avant notre re, partant des connaissances empiriques de lpoque, Thals de Milet,puis les pythagoriciens, sintressaient aux proprits des nombres, celles des lignes et des formes ;ctait le point de dpart de larithmtique et de la gomtrie. leur suite et jusquau dbut de notrere, les mathmaticiens grecs, dont les plus connus sont Euclide, Archimde et Apollonius, faisaientdes mathmatiques un vritable difice scientifique.

    Sduits par le succs et la beaut de cette science, les philosophes voyaient, dans les mathmatiques,un modle pour les autres sciences. Au fronton de lAcadmie, fonde par Platon, linscription Nulnentre ici sil nest gomtre tait dj caractristique de limportance accorde auxmathmatiques ; leur tude semblait un pralable ncessaire toute connaissance.

    partir de postulats simples et faciles admettre, la raison, et la raison seule, avait construit desthories mathmatiques dune rigueur quasi parfaite. Par consquent, il semblait logique de penserque cette mme raison pourrait aussi structurer les autres sciences, celles de la nature. Lordre de lanature ne pouvait qutre conforme la raison et il tait donc accessible par elle ; derrire lesapparences, il appartenait la raison philosophique de trouver cet ordre, cest--dire les grandsprincipes de la nature. Une conception fondamentale de la science grecque pouvait sexprimer par laformule lapidaire : la nature est raison.

    Arriv cette constatation, une remarque parat ncessaire. Lorsque nous faisons dire aux Grecs quele monde est intelligible par la raison, le lecteur pourrait immdiatement penser que la sciencemoderne aussi se sert continuellement de la raison. Cela est vrai, mais le point de dpart de cette

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    science nest pas la raison ; cest dabord lobservation, lexprimentation et la mesure. Pour lesGrecs, au contraire, lobservation se limitait aux apparences les plus immdiates et ctait traverselles que la raison devait structurer le monde. Il ne sagissait pas de dcouvrir un domaine inconnumais plutt de rendre la nature conforme la raison. Mme si lexprimentation avait t possible, ilest probable que les Grecs lauraient trouve inutile puisquelle naurait fait que diversifier desapparences souvent trompeuses ; lordre de la nature devait tre trouv par la seule raison.

    Dautre part, dans les mathmatiques, les Grecs taient sensibles lharmonie dune construction bien

    ordonne et sans faille ; ils taient sduits par ce que nous appelons, encore aujourdhui, la beaut desmathmatiques. Pour eux, la nature tait une construction grandiose qui devait tre harmonieuse. Danscette double optique, raison et harmonie, les philosophes grecs allaient faonner le monde, au lieu dele dcouvrir ; ils allaient linterprter dune faon logique mais partir de principes subjectifs etqualitatifs. Or, nous savons quune construction nest bonne que si ses fondations sont solides ; demme, des consquences logiques ne valent que ce que valent leurs prmisses.

    Lorsque les Grecs abordaient les sciences de la nature, ils espraient ou, plutt, ils voulaient yretrouver lordre et lharmonie de certaines proprits mathmatiques. partir des observations lesplus lmentaires et les plus videntes, ils chafaudaient un monde comme un livre de gomtrie. La

    terre semblait immobile ; ctait donc les astres qui tournaient autour delle et, pour des raisons desymtrie et de perfection, ils admettaient que les mouvements des corps clestes taient circulaires etuniformes.

    Ainsi, une immense sphre supportait les toiles et accomplissait sa rvolution journalire autour de laterre, centre de lunivers. Pour expliquer les mouvements de la lune et des plantes, les Grecssupposaient que celles-ci taient solidaires dautres sphres, concentriques la premire et entranespar elle, mais animes, en outre, dun mouvement de rotation propre. Au fur et mesure que lesobservations astronomiques se prcisaient, ils devaient, pour rendre compte des mouvementsapparents des astres, inventer un nombre toujours plus grand de sphres, toutes animes demouvements uniformes mais diffrents. Dabord, huit sphres furent imagines par les

    pythagoriciens ; puis vingt-sept par Eudoxe ; ensuite, trente-quatre par Calippe, pour tenir compte delingalit des saisons ; et cela ne suffisait pas encore sauver les apparences parce quils avaientdcid de sen tenir cet idal simple et harmonieux : le mouvement circulaire et uniforme des astres.On supposa alors que le centre des sphres successives ne concidait pas avec celui de la terre et taitlui-mme anim dun mouvement circulaire. Ce systme dexcentriques mobiles tait suffisammentsouple, cest--dire, pour parler un langage scientifique, contenait assez de paramtres pour dcrire defaon relativement prcise le mouvement des astres. On arrivait ainsi au systme de Ptolme,compliqu mais ingnieux, qui allait durer plus dun millnaire, jusqu la rvolution opre parCopernic, Kepler et Galile.

    Extrait de la Physique dAristotePrimaut du mouvement circulaireII est vident que le transport circulaireest le premier des transports. En effet tout transport, comme nous lavons ditprcdemment, est, ou circulaire, ou rectiligne, ou mixte ; ceux-l sontncessairement antrieurs celui-ci, puisquil en est compos ;et le circulaireest antrieur au rectiligne, car il est plus simple et plus parfait. En effet, il nya pas de transport sur une droite infinie, car un tel infini nexiste pas ; et, silexistait, rien ne serait ainsi m, car limpossible ne se produit pas et parcourirlinfini est impossible. Maintenant, le mouvement sur une droite finie, quandil est rebrouss, est compos et forme deux mouvements ; quand il nest pas

    rebrouss, il est imparfait et destructible. Or le parfait est antrieur limparfait selon la nature, selon la notion, selon le temps ; et lindestructible, au destructible. Enoutre, un mouvement qui peut tre ternel est antrieur celui qui ne le peut ; or le mouvementcirculaire peut tre ternel, tandis quaucun des autres, ni le transport rectiligne ni dailleurs aucunautre, ne le peut ; car un arrt doit se produire et, sil y a arrt, le mouvement est dtruit.

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    Aristote, Physique, Livre VIII, 9, Collection G. Bud, 1926, p. 136-137.

    Dautre part, les philosophes grecs avaient nettement spar le monde cleste du monde terrestre. Lesastres ne naissaient pas, ne mouraient pas et restaient constamment pareils eux-mmes ; leurtrajectoire avait la perfection du cercle et ils pouvaient y poursuivre indfiniment leur course. Lemonde cleste tait donc celui de lordre ternel, de la perfection, de lincorruptibilit, de lidal. Etpour que ces cieux immenses puissent tourner autour de la terre, ils devaient tre impondrables ;selon Aristote, ils taient forms dun cinquime lment, lther, les quatre premiers tant rservs au

    monde terrestre.

    Ce monde, lui, tait donc form de terre, deau, dair et de feu, et les Grecs aimaient voir dans ceslments les correspondants physiques des quatre polydres rguliers connus des premiers gomtres.Les diverses combinaisons des lments donnaient la varit des corps de la nature. Dautre part, ilsobservaient que ces corps taient soumis des mouvements naturels, de haut en bas pour les corpslourds et de bas en haut pour les corps lgers. Pour expliquer ces phnomnes, Aristote inventa lathorie des lieux naturels ; pour ce philosophe, la forme dun lment acqurait sa perfection dans lelieu qui lui tait naturel. Si un lment tait hors de son lieu naturel, il tendait y revenir car touteforme tendait vers sa perfection. Au contraire, sil tait en ce lieu, il y demeurait au repos et nen

    pouvait tre arrach que par la violence. Daprs Aristote, ces lieux formaient des sphresconcentriques ; partir du centre de lunivers, on trouvait successivement la sphre de la terre, cellede leau, puis celle de lair et, la limite du monde terrestre, celle du feu. Ainsi, lorsquun corps setransformait en feu, par combustion, la flamme slevait pour rejoindre la sphre du feu. Mais lesmouvements naturels taient constamment contraris par des actions extrieures qui mlangeaient leslments et empchaient lordre physique de stablir. Le monde terrestre tait donc celui delimperfection, du changement, de lphmre.

    ct des mouvements naturels, les Grecs distinguaient les mouvements violents, mais ils neconcevaient pas de mouvement sans quune force ne lentretnt ; inversement, labsence de forceentranait le repos. Un corps, lanc violemment, poursuivait son mouvement parce que lair se

    trouvant derrire lui continuait le pousser ! Toutefois, ce corps finissait par sarrter ; toutmouvement violent tait donc essentiellement prissable et se ralentissait au fur et mesure quespuisait la force artificielle qui le provoquait. Comme le sage, la nature dAristote souhaitait lerepos ; un mouvement violent tait rpar par un mouvement naturel, comme une blessure qui secicatrise.

    Science qualitative et subjective

    Ces quelques aspects de la science grecque montrent combien, en dehors des mathmatiques, elle taitqualitative et subjective.

    Qualitative, car elle ne se proccupait pas dtablir des relations prcises entre les causes et leurseffets. Par exemple, sils pensaient quune force tait toujours ncessaire au mouvement, les Grecs necherchaient pas exprimer ce rapport par une loi mathmatique entre grandeurs physiques. Ainsi leprincipe dinertie, si fondamental, leur avait totalement chapp. Ils parlaient dlments qui tendaientvers un lieu naturel, de causes qui contrariaient ces mouvements ; tout cela tait vague et imprcis. Ilstaient surtout proccups de classer les phnomnes ; ils devinaient un ordre dans lunivers et ledcrivaient dune manire trs gnrale et forcment qualitative. Mais dcrire et classer nest pasexpliquer ; dire, par exemple, que les phnomnes de la combustion taient les manifestations dellment feu est une tonnante ptition de principe qui ne donne aucune explication.

    Science subjective aussi, car sa source se trouvait bien plus dans le sujet, cest--dire lhomme, quedans lobjet envisag. Les principes sinspiraient de considrations o apparaissaient, soit la simplicitet la beaut de la gomtrie, soit le concept humain de perfection et de sagesse. Ctait une loifondamentale de la nature, de tendre toujours vers le plus beau et vers le meilleur. Lhomme projetait

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    sur le monde ses conceptions esthtiques et morales, croyant atteindre ainsi le gnral et luniversel.

    Sauf en astronomie, la plupart des savants grecs ngligeaient trop lobservation et lexprience, seulspoints de dpart dune tude objective et quantitative. Lorsquils partaient de faits observs, ils necherchaient pas les tudier systmatiquement, en faisant varier les conditions dans lesquelles ceux-cise produisaient. Comme la trs bien dit le philosophe Bachelard2, ils voulaient penser en profondeuravant davoir explor la surface. Bien plus, ils se mfiaient de lexprience ; ils considraient quecelle-ci avait un aspect artificiel qui ne pouvait que modifier le droulement naturel des phnomnes.On sait combien Platon encourageait ses disciples se dtacher du monde sensible et contribuait ainsi les loigner de lobservation de la nature ; il prfrait transposer dans le domaine physique desproprits dordre mathmatique. Bien que, plus tard, en sintressant la zoologie, Aristote aitreconnu limportance de lobservation dans ce domaine, il est manifeste que, dune faon gnrale, lessavants grecs rejetaient lobservation mthodique comme moyen de connaissance. Toute mesureparaissait inutile ceux qui ne sintressaient quau qualitatif.

    On peut imaginer quArchimde aurait pu amorcer la rvolution qui simposait pour arriver lamthode scientifique. Dune part, il tait un grand mathmaticien et, dautre part, il avait un donexceptionnel pour rsoudre des problmes pratiques ; il tait la fois un thoricien gnial et un

    technicien habile. Sa tournure desprit tait telle que, mme lorsque le point de dpart de ses travauxavait un aspect utilitaire, il recherchait la gnralit au travers du problme particulier et, de sadcouverte pratique, naissait une proprit gnrale. Ainsi doit-on le considrer comme le fondateurde la statique des fluides. Mais Archimde fut frein, dans lapplication systmatique de son talent,par ce prjug de lpoque qui considrait que la technique tait trop artificielle pour tre utile ltude de la nature ; dailleurs, il na rien crit sur ses inventions pratiques, cependant fortnombreuses.

    En conclusion, la mthode suivie par les savants grecs, pour dcouvrir les lois de la nature, taitessentiellement qualitative et subjective. Les philosophes imaginaient un ordre dans lunivers maislordre de la nature ntait pas forcment le leur. Le processus inductif de cette mthode tait tropsommaire ; il ntait pas possible de brler ainsi les tapes et de passer directement aux principesgnraux de la nature, par le seul recours au pouvoir dabstraction de lesprit.

    On pourrait se demander pourquoi, lorsquils tiraient les consquences logiques de leurs principes, ensuivant un processus dductif o ils taient matres, ils ne sont pas parvenus corriger leurs erreurs.La rponse est simple : en raison de la nature qualitative de ces principes, les consquences restaientvagues et imprcises et les savants de lAntiquit ne sarrtaient gure aux discordances ventuelles ;ils ny voyaient que des aspects imparfaits des phnomnes ou des questions de dtail sansimportance. Ainsi, ils ne retrouvaient dans lunivers que ce quils y avaient mis eux-mmes.

    Reconnaissons toutefois que si les Grecs nont pas compris limportance de la rechercheexprimentale, celle-ci ne pouvait se concevoir valablement que si elle sappuyait sur des moyenstechniques suffisants. Or, ceux-ci ne viendront que plus tard. Bien sr, les artisans utilisaient dj bonnombre dinstruments mais il ne venait pas lesprit des savants de sen servir, ni surtout de lesperfectionner pour en faire des outils de recherche. Non seulement, ils ny voyaient aucune utilitpour la science mais, en outre, ils avaient le mpris de lhomme libre pour le travail manuel, rservaux esclaves.

    La science entre en lthargie

    Avec le dclin des coles dAthnes et dAlexandrie, la culture philosophique grecque allaitdisparatre progressivement du monde romain au dbut de notre re, la science entrait dans unepriode de recul puis de stagnation qui devait durer une dizaine de sicles.

    La curiosit scientifique et philosophique qui avait constamment soutenu le dveloppement culturel de

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    lAntiquit grecque stait teinte et navait pas trouv dcho en Occident. La cause de ce dsintrt,tant philosophique que scientifique, se trouvait essentiellement dans lemprise absolue quexerait lareligion chrtienne dans tout le monde occidental ; celle-ci imposait ses dogmes et submergeait tout cequi ntait pas elle. Tout leffort intellectuel tait accapar par ltude des textes sacrs et setransformait en mysticisme. De cet touffoir philosophique, loccident ne sortira pniblement qu lafin du Moyen ge.

    De la priode romaine, jusquau XIIIe sicle environ, la science occidentale na rien t ou presque.

    Qutait donc devenue la science grecque pendant tout ce temps ? Elle se propageait lentement vers leMoyen-Orient et senrichissait en chemin de lapport de la science arabe3, surtout dans le domaine desmathmatiques (algbre, trigonomtrie) et de lastronomie.

    Cest donc par lintermdiaire des Arabes que la science grecque faisait son apparition dans le mondeoccidental, aux XIe et XIIe sicles ; elle avait mis prs de dix sicles faire le tour de la Mditerrane.Les textes grecs, traduits prcdemment par les Arabes, furent retraduits de larabe en latin et, ds leXIIIe sicle, lOccident se trouvait ainsi au niveau scientifique de la fin de la priode hellnistique.Ctait la fondation des premires universits et celles-ci dcouvraient Aristote. Aprs le travail detraduction, commenait le travail dassimilation et dinterprtation : lpoque de la scolastique.

    mesure que les thories grecques taient mieux connues et plus commentes, les critiques naissaientplus nombreuses. Il ne faut pas croire que toute la fin du Moyen ge sest passe uniquement dansune bate contemplation dAristote. Par exemple, au XIVe sicle, sa thorie du mouvement futprofondment modifie par lcole des nominalistes parisiens4.

    Toutefois, la science navanait gure. Certes, les thories se diversifiaient dans la mesure,prcisment, o elles taient subjectives et laissaient donc une grande latitude dinterprtation ; maisla mthode employe jusqualors ne permettait pas la science daller beaucoup plus loin. Bien plus,celle-ci avait souvent tendance sgarer. En mme temps que la science grecque, lOccident avait

    dcouvert lalchimie et son influence se faisait sentir partout. premire vue, on pourrait penser queles alchimistes ont eu le mrite de rejeter la distinction, introduite par Aristote, entre le naturel etlartificiel ; ils voulaient, en effet, reproduire les phnomnes, violer les secrets de la nature etfabriquer ce quelle produisait elle-mme.

    lorigine de la scolastiqueLe commerce se dveloppe travers toute lEurope, les villes anciennes grandissent, dautresapparaissent, et les besoins denseignement, jusque-l limits aux moines et une minorit deseigneurs, saccroissent. ct des coles monastiques se multiplient les coles piscopales destinesaux clercs qui, contrairement aux moines, restent en contact avec le monde. Ces scolae (terme lorigine de scolastique ), installes lintrieur des cathdrales ou des collgiales, ont pour but

    dinculquer aux prtres la discipline, les rgles morales et linstruction ncessaires pour quils puissentdonner lexemple leurs fidles ctait alors bien rarement le cas et trouver matire nourrirleur prche.

    Mme si la thologie reste la matire principale, on sent parfois dans cet enseignement le souci derechercher des causes naturelles en explication aux phnomnes, ce qui attira des ennuis certainscomme Guillaume de Conches : accus de philosopher en physicien sur Dieu , il dut se rtracterpubliquement. Mais la pauvret des connaissances sur la physique et les sciences antiques sont unobstacle la construction dun nouveau savoir. Cest pourquoi, ds la fin du XIIe sicle, de nombreuxlettrs vont se mettre en qute de nouveaux manuscrits.

    Ils viennent dabord Tolde, capitale du royaume de Castille, redevenue chrtienne en 1085. [...]LEspagne est encore pour quelques dcennies un pays de tolrance : le roi Alphonse VII ne seproclame-t-il pas empereur des trois religions ? Lvque de Tolde cre un grand centre detraduction o collaborent Mozarabes (Chrtiens dEspagne), Mudejares (Musulmans) et Juifs dont le

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    rle dintermdiaires entre connaisseurs et non connaisseurs de la langue arabe est considrable. Latraduction se fait en deux temps : de larabe la langue populaire, par Arabes et Juifs ; puis de lalangue populaire au latin, par des clercs chrtiens ce qui introduit souvent des changements dans lesens des textes.

    Le travail se poursuit pendant deux sicles, dans le reste de lEspagne peu peu reconquise, danslItalie du Sud aussi, dont les ports trs actifs voient se mlanger des gens de toutes les provenances etde toutes les religions. Ds la fin du XIIe sicle, luvre accomplie est immense : lOccident a acquis

    une part essentielle de la philosophie et de la science grco-arabe, et connat dsormais bien Aristote,Ptolme, Averros. Il a renou aussi avec la connaissance du grec (mme si cest encore lapanagedune petite minorit de lettrs) et procde dornavant des traductions directes, tout en continuant letravail de collecte des manuscrits.

    Arkan Simaan et Jolle Fontaine,Limage du monde, ADAPT ditions, 1999.

    Mais, en ralit, si le laboratoire des alchimistes prfigurait ceux des chimistes modernes, leur faonde raisonner et leur mthode taient loppos de ce que sont celles daujourdhui. Au lieu derechercher les lois de la nature, ils voyaient dans celle-ci une grande magicienne et, pour limiter, ils

    slevaient au rang de magiciens. Les alchimistes, comme les astrologues, avaient choisi une voie quiles loignait davantage de la science. Tels des sorciers, toujours la recherche dinfluences caches,de sympathies et dantipathies, ils avaient libr les vieux mythes animistes et cultivaient lirrationnel.Et, dans un domaine voisin, les proprits magntiques des aimants, si extraordinaires et simystrieuses, intriguaient tout le monde et contribuaient aussi dvelopper lattrait pour les sciencesoccultes.

    suivre

    1Lanalyse que nous allons faire de lvolution de la pense scientifique sappuiera surtout sur desaspects caractristiques des sciences physiques. Toutefois, une analyse analogue peut se faire dans le

    domaine des sciences de la vie, cest--dire de la physiologie et de la biologie.

    2Bachelard G.,Le Matrialisme rationnel, Chapitre I, Presses Universitaires de France, Paris, 1953,p. 39.

    3Elle-mme influence par la science indienne.

    4Dont les principaux reprsentants furent Jean Buridan (1300-1358), Albert de Saxe (1340-1390) etNicolas Oresme (1323-1382).

    Mis en ligne le 22 fvrier 200816744 visites

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