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Fédération de Paris du PS - Lettre de la Commission fédérale Droits et Libertés 1 Lettre du Secrétariat fédéral Droits & Libertés Editorial Les vœux pour 2010 : souhaitons un vrai printemps pour la démocratie ! Après une année 2009 sombre pour les droits et libertés – année marquée par plus de 600 000 gardes à vue selon les chiffres officiels, près de 900 000 en réalité, par la dévalorisation continue du travail des juges, l’abaissement du parlement et la confusion permanente des pouvoirs, par le contrôle du service public de l’audiovisuel, etc -, l’année 2010 n’a pas très bien commencé. Des arrêtés de reconduite à la frontière d’immigrants kurdes, décisions précipitées, irrespectueuses du cadre légal, et, à ce titre, invalidées par les juges, des risques d’expulsion d’Haïtiens au mépris du désastre qui vient de frapper leur île, une réforme en cours visant à asphyxier financièrement les collectivités territoriales et à réduire leurs pouvoirs, un débat malsain sur une identité nationale biaisée qui devient sujet d’un « séminaire gouvernemental », la garde à vue d’une mineure de 14 ans controversée à Paris, la discussion au parlement d’une loi LOPPSI 2 (« loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure »), la liste est déjà longue des nouveaux marqueurs de l’année 2010. Mais, même si une hirondelle ne fait pas le printemps, des signes aujourd’hui redonnent espoir et il n’est pas incongru de penser qu’en mars prochain, les Français signifieront clairement qu’ils veulent une autre politique. Une politique qui renoue avec les fondamentaux de notre République, en matière de solidarités bien sûr, mais aussi dans le domaine des libertés publiques et des principes démocratiques. Et qu’ils le diront en élisant à la tête des régions françaises des équipes qui, au-delà des actions mises en œuvre dans le cadre de leurs compétences principales, se sont investies, comme en Ile-de-France, dans des domaines majeurs pour nos concitoyens, malgré le désengagement de l’Etat : la santé, le logement, le sport, mais aussi la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, la culture, le soutien à la vie associative et, à travers elle, aux dynamiques citoyennes. La fin de l’intervention régionale sur ces questions entraînerait un appauvrissement des politiques publiques, une atteinte aux synergies créées avec les départements et les communes et une accentuation des inégalités entre territoires. Cela serait aux antipodes de nos conceptions du rôle central de l’action publique en matière de solidarités comme de nos aspirations décentralisatrices et démocratiques. Il faut espérer que le printemps prochain sera une première étape dans leur réaffirmation par les Français eux-mêmes. Christine FREY Secrétaire fédérale aux droits et libertés INVITATION DISPARITION DU JUGE D’INSTRUCTION PLACE DE L’AVOCAT PENDANT LA GARDE A VUE Intervenant : Paul Le Fèvre, avocat, section 19 ème Jean Jaurès Réunion publique jeudi 18 février 2010 à 20 heures Patronage laïque 72 avenue Félix Faure (15 e - M° Boucicaut) Débat organisé par la section PS 15e Convention

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jeudi 18 février 2010 à 20 heures Patronage laïque 72 avenue Félix Faure (15 e - M° Boucicaut) DISPARITION DU JUGE D’INSTRUCTION PLACE DE L’AVOCAT PENDANT LA GARDE A VUE Les vœux pour 2010 : souhaitons un vrai printemps pour la démocratie ! Il faut espérer que le printemps prochain sera une première étape dans leur réaffirmation par les Français eux-mêmes. Lettre du Secrétariat fédéral Droits & Liber tés Débat organisé par la section PS 15e Convention 1

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Fédération de Paris du PS - Lettre de la Commission fédérale Droits et Libertés 1

L e t t r e d u S e c r é t a r i a t f é d é r a l D r o i t s & L i b e r t é s

Editorial Les vœux pour 2010 : souhaitons un vrai printemps pour la démocratie !

Après une année 2009 sombre pour les droits et libertés – année marquée par plus de 600 000 gardes à vue selon les chiffres offi ciels, près de 900 000 en réalité, par la dévalorisation continue du travail des juges, l’abaissement du parlement et la confusion permanente des pouvoirs, par le contrôle du service public de l’audiovisuel, etc -, l’année 2010 n’a pas très bien commencé. Des arrêtés de reconduite à la frontière d’immigrants kurdes, décisions précipitées, irrespectueuses du cadre légal, et, à ce titre, invalidées par les juges, des risques d’expulsion d’Haïtiens au mépris du désastre qui vient de frapper leur île, une réforme en cours visant à asphyxier fi nancièrement les collectivités territoriales et à réduire leurs pouvoirs, un débat malsain sur une identité nationale biaisée qui devient sujet d’un « séminaire gouvernemental », la garde à vue d’une mineure de 14 ans controversée

à Paris, la discussion au parlement d’une loi LOPPSI 2 (« loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure »), la liste est déjà longue des nouveaux marqueurs de l’année 2010.

Mais, même si une hirondelle ne fait pas le printemps, des signes aujourd’hui redonnent espoir et il n’est pas incongru de penser qu’en mars prochain, les Français signifi eront clairement qu’ils veulent une autre politique. Une politique qui renoue avec les fondamentaux de notre République, en matière de solidarités bien sûr, mais aussi dans le domaine des libertés publiques et des principes démocratiques. Et qu’ils le diront en élisant à la tête des régions françaises des équipes qui, au-delà des actions mises en œuvre dans le cadre de leurs compétences principales, se sont investies, comme en Ile-de-France, dans des domaines majeurs pour nos concitoyens, malgré le désengagement de l’Etat : la santé, le logement, le sport, mais aussi la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des droits, la culture, le soutien à la vie associative et, à travers elle, aux dynamiques citoyennes.

La fi n de l’intervention régionale sur ces questions entraînerait un appauvrissement des politiques publiques, une atteinte aux synergies créées avec les départements et les communes et une accentuation des inégalités entre territoires. Cela serait aux antipodes de nos conceptions du rôle central de l’action publique en matière de solidarités comme de nos aspirations décentralisatrices et démocratiques.

Il faut espérer que le printemps prochain sera une première étape dans leur réaffi rmation par les Français eux-mêmes.

Christine FREYSecrétaire fédérale aux droits et libertés

INVITATIONDISPARITION DU JUGE D’INSTRUCTIONPLACE DE L’AVOCAT PENDANT LA GARDE A VUE

Intervenant : Paul Le Fèvre, avocat, section 19ème Jean Jaurès

Réunion publiquejeudi 18 février 2010 à 20 heuresPatronage laïque72 avenue Félix Faure (15e - M° Boucicaut)

Débat organisé par la section PS 15e Convention

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Pratiques primitives et superstitions ont toujours cheminé de concert.

Sous l’Ancien régime, la Justice voyait la cicatrisa-tion comme une manifestation d’innocence. Elle entaillait une partie du corps de tel malheureux entre ses mains et y versait de l’eau bouillante. Une cicatrisation réussie signifiait l’innocence. A l’inverse, l’homme était coupable si, par infortune, sa blessure empirait.

Les mœurs changent. Notre Justice s’est délestée d’une grande partie de ses atours de cruauté ir-rationnelle. Mais cer-taines régions résistent encore à l’action combi-née de l’humanisme et de la raison.

Ces régions sont défen-dues par des praticiens sou-vent éminents qui, pourtant ha-bitués au raisonnement, s’abîment à cette occasion dans des superstitions que l’ancien temps n’aurait pas reniées.

Telle est cette croyance selon laquelle l’interrogatoire d’une personne placée en garde à vue, sans assis-tance d’un avocat et sans accès au dossier qui l’ac-cuse, favoriserait la manifestation de la vérité.

Cette superstition est fondée sur une confusion grave entre l’aveu et la vérité.

Que la police judiciaire obtienne plus d’aveux des personnes privées de liberté, d’information et d’as-sistance que des personnes libres, informées et dé-fendues ne fait pas de doute.

Elle en recueillerait bien davantage encore en pri-vant ces personnes de nourriture, en les retenant plusieurs semaines plutôt que quelques jours tout

en les menaçant de leur arracher la langue si elles ne parlent pas.

Ce constat selon lequel l’aveu s’épanouit dans la contrainte ne date pas d’hier.Il n’avait pas échappé aux bourreaux du Moyen-âge.

Mais l’aveu, est-ce la vérité ?

Nous sommes beaucoup - praticiens, citoyens en-gagés dans des associations,

membres du Parti Socia-liste - à penser que le

régime de la garde à vue tel qu’il est aujourd’hui éloigne de la vérité bien plus qu’il en ap-proche, précisé-ment à cause de ce qui est présenté

comme sa principale vertu : l’obtention facili-

tée des aveux.

Car il faut n’avoir jamais été engagé dans une procé-dure pénale, à un titre quelconque ( juge, procureur, avocat, policier), pour ignorer que beaucoup d’aveux sont le fait d’innocents.

Cette affi rmation est une réalité statistique. Elle est aussi une évidence humaine.

La garde à vue sans droit de la défense fait avouer les faibles (les non-initiés, les impressionnables, les plus fragiles intellectuellement) sans faire parler les forts (les habitués des commissariats, ceux gardant leur sang-froid ou ayant la chance de disposer d’un bagage intellectuel), ce qui devrait poser quelques problèmes de conscience à tous ses partisans.

Il ne peut en effet y avoir parfaite concordance entre les faibles et les coupables d’une part et les forts et innocents d’autre part.

La garde à vue à la française :

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Il y a donc dans ces faibles qui avouent des innocents et dans ces forts qui gardent le silence des coupables.En somme, ce que notre Justice permet avec ce ré-gime archaïque de la garde à vue, c’est de fonder l’in-nocence d’une personne sur un élément qu’elle ne maîtrise pas – sa plus ou moins bonne résistance phy-sique et psychologique à la contrainte - tout comme la justice d’Ancien régime permettait de fonder cette même innocence sur la plus ou moins bonne cicatri-sation d’une plaie.

Cesare Beccaria, le père du droit pénal moderne, disait à propos de la torture qu’elle était : « le plus sûr moyen d’absoudre les scélérats robustes et de condamner les innocents débiles. »

Il en va exactement de même pour le régime actuel de la garde à vue.

A tous ceux qui affi rment que ce régime est un gage d’effi cacité, nous leur disons qu’il est au contraire contre-productif, en aiguillant les investigations sur de mauvaises pistes.

Comme oser parler encore de « l’effi cacité » de cette procédure lorsque des personnes ayant avoué en garde à vue un crime qu’elles n’avaient pas commis doivent attendre une audience devant la Cour d’as-sises pour voir reconnaître leur innocence (dans le meilleur des scénarios), non sans avoir passé des mois voire des années en prison, pour rien ?

La garde à vue « à la française », c’est-à-dire sans toutes les Lumières qui font la France aux yeux du monde, n’est rien d’autre qu’une survivance de l’An-cien régime, une source d’erreurs en tout genre, dans un sens comme dans l’autre, une injustice.

Paul LE FEVREAvocat - section 19ème Jean Jaurès

Le Baiser de la Lune, un dessin animé cible d’un combat obscurantiste

Au moment où, à l’occasion des Journées nationales de prévention du suicide, qui se tiennent jusqu’au 10 février, des associations (l’Inter-LGBT, le Collectif des associations étudiantes LGBT d’Ile-de-France, la mu-tuelle des étudiants, Contact et le Mag) rappellent que « l’homophobie et la transphobie sont la pre-mière cause de suicide chez les jeunes LGBT de 15 à 24 ans », Christine BOUTIN et Luc CHATEL, ministre de l’éducation nationale, condamnent, au motif « d’inci-tation à l’homosexualité », un fi lm d’animation – le Baiser de la Lune - réalisé pour sensibiliser les pré-adolescents à l’homosexualité et pour participer à la prévention de l’homophobie dès le primaire.

A l’opposé de cette condamnation moralisatrice et irresponsable, la mairie de Rennes et la région Bre-tagne continuent pour leur part à soutenir coûte que coûte le projet. De son côté, Marie-Pierre de La Gontrie, porte-parole de Jean-Paul Huchon pour les élections régionales de mars prochain, a fait part dans un communiqué de la détermination de la Ré-gion à poursuivre une politique de prévention du sui-cide des jeunes. Extraits du communiqué : “Luc Cha-tel valide la demande de Christine Boutin ; mais aussi d’associations qui confondent lutte contre les discri-minations et combat idéologique. En parlant d’un “fi lm idéologique qui prive les enfants des repères les plus fondamentaux qu’est la différence des sexes”, la présidente du Parti chrétien démocrate fait preuve de confusion et d’aveuglement”.

une ordalie « moderne »

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Lettre du Secrétariat fédéral Droits & Libertés est une publication de la Fédération de Paris du PS. Les articles publiés n’engagent la responsabilité que de leurs auteurs. Maquette : A. Glogowski, Imprimerie : IPNS, ISSN : en coursFédération de Paris du Parti socialiste - 32 rue Alexandre Dumas 75011 Paris - Tél. 01 42 80 64 40 - Fax 01 42 82 99 32 - [email protected] - www.ps-paris.org4

“Chacun sait que les préjugés, la possibilité de comprendre l’autre, la tolérance, se forment dès la pré-adolescence. Que cet âge est celui des premiers questionnements, parfois, des premières exclusions et donc des premières souffrances. En prônant cet obscurantisme, Mme Boutin continue de soutenir que les personnes LGBT sont “différentes”, et que ce fi lm d’animation pourrait « inciter à l’homo-sexualité ». Que le ministre de l’Éducation na-tionale, suivant la frange la plus archaïque de sa majorité, s’engage dans la même voie n’est pas acceptable”.On attend également avec impatience la ré-ponse des ministres engagées dans la cam-pagne en Ile-de-France auxquelles Anne Hi-dalgo a demandé « d’exprimer leur position sur une question de société qui tient à cœur aux Parisiens et aux Franciliens »

Retour rapide sur le débat du 19 novembre dernier relatif à « la suppression du juge d’instruction »

Intervenants : Marie-Pierre de la Gontrie, se-crétaire nationale aux libertés publiques et à la justice, Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature, Jean-Pierre Mi-gnard, avocat à la Cour, Alexandre Fouchard, Capitaine de policeAnimateurs : Christine Frey, Paul Le Fèvre

De l’ensemble des interventions, sont ressor-ties un certain nombre de constatations qui conduisent à s’interroger sur la question plus globale de la place du pouvoir judiciaire dans notre République.

Le bilan de l’institution « juge d’instruction » est contrasté, avec, d’un côté, des « affaires sensibles » qui, sans son existence, auraient pu ne jamais aboutir (scandale de l’amiante, frégates de Taïwan, affaires concernant

Jacques Chirac, etc.) et, de l’autre, le désastre de l’affaire d’Outreau qui appelle, bien évi-demment, une réforme.

La réforme, toutefois, ne saurait être la sup-pression pure et simple dans un double contexte :

1. où le parquet n’est pas indépendant, ce qui reviendrait en fait à dépénaliser une partie du droit : le droit des affaires et les domaines dits « sensibles » 2. et où l’aide judiciaire doit être repen-sée pour ne pas entraîner une justice à deux vitesses qui verrait les plus modestes ne pouvoir assumer le coût d’une contre-enquête face à un parquet et une police instruisant uniquement « à charge ».

Près de 96% des dossiers relevant du pénal échappent déjà aujourd’hui au juge d’ins-truction et on assiste à une multiplication des procédures dites «rapides » au terme des-quelles les gens sont jugés en 48 heures. Une sorte de justice expéditive, reposant sur une explosion des gardes à vue (en progrès de 72% depuis 2001 pour les gardes à vue offi cielle-ment décomptées !) , se développe qui pose avec beaucoup d’acuité le problème des droits de la défense.

Et au-delà, on est plus globalement conduit à s’interroger sur la place du pouvoir judiciaire face au renforcement du pouvoir exécutif et à l’affaiblissement du pouvoir législatif, dans la France de 2010, et à réfl échir à une réforme des institutions qui nous amènerait résolu-ment à une nouvelle République.